Les positions de la « révolution conservatrice » n’ont pas directement influencé le national-socialisme, du moins pas avant la prise du pouvoir, puisque là l’intégration des forces ultra-conservatrices à ses propres forces a amené une synthèse aristocratique – national-socialiste.
Avant cette arrivée au cœur de l’État, et de la société allemande, le national-socialisme est une idéologie de la périphérie. L’Allemagne ne rassemblait en effet à la fin du XIXe siècle, ainsi qu’au début du XXe siècle, pas du tout l’ensemble du peuple allemand. Des parties importantes existaient en dehors, commençant tendanciellement ou franchement à vivre une destinée nationale différente, au sein de la Bohême et de l’Autriche notamment.
C’est ainsi dans ces zones qu’on trouve les forces pangermanistes les plus virulentes, à l’idéologie littéralement d’apartheid par rapport aux peuples slaves. La première grande figure est l’autrichien Georg von Schönerer (1842-1921), activiste essentiel au pangermanisme rejetant l’existence de l’Autriche et de l’Autriche-Hongrie, prônant un rattachement des zones « allemandes » à l’Allemagne.
Georg von Schönerer diffusait une idéologie pangermaniste, qui synthétisa un programme à la conférence de Linz en 1882, prônant le rattachement à l’empire allemand. Mais la ligne de Georg von Schönerer était également violemment anti-catholique – l’Allemagne était en grande majorité protestante. L’antisémitisme était au cœur de sa démarche, en tant que reflet du refus de l’absolutisme éclairé de l’empire austro-hongrois s’ouvrant au libéralisme et réfutant l’antisémitisme.
Adolf Hitler a été profondément influencé par Georg von Schönerer ; sa famille venait par ailleurs de la même zone géographique en Autriche. Mais c’est à un Allemand de Bohême qu’Adolf Hitler a repris le principe de « national-socialisme » et la croix gammée comme symbole : Rudolf Jung (1882 – 1945).
A la base, Rudolf Jung est un pangermaniste classique, membre du Deutsche Arbeiterpartei (Parti allemand des travailleurs), fondé en 1903 en Bohème. Mais justement sous l’influence de Rudolf Jung, ce parti évolue, modifie son programme en 1913 et finalement même son nom en 1918, devenant le « Parti national-socialiste allemand des travailleurs » (DNSAP -Deutsche Nationalsozialistische Arbeiterpartei).
Rappelons ici que le parti nazi d’Adolf Hitler s’appelait « Parti allemand national-socialiste des travailleurs », il y a juste deux mots d’intervertis. La croix gammée fut également utilisée d’abord par le parti en Bohème, sur une idée de Walter Riehl, et Rudolf Jung fut celui qui convainquit Adolf Hitler d’utiliser le terme de « national-socialiste ».
Rudolf Jung fut d’ailleurs le premier théoricien « national-socialiste », par l’intermédiaire de son ouvrage publié en 1919 intitulé « Le socialisme national. Ses fondements, son devenir et ses buts ».
Si Rudolf Jung est totalement inconnu, c’est pour deux raisons. Tout d’abord, on a de façon tout à fait incorrecte assimilé le parti nazi et les S.A. à l’idéologie mystique S.S. qui s’est développée en système après la prise du pouvoir et au cours de la guerre mondiale impérialiste.
Ensuite, le parti actif en Bohème n’eut qu’un succès très relatif. Rudolf Jung s’enfuira même en Allemagne nazie, mais n’obtiendra que des postes honorifiques dans le parti nazi et dans la S.S., ainsi que des emplois de fonctionnaires comme responsable de la banque à Prague, responsable des demandeurs d’emploi de l’Allemagne centrale, puis finalement responsable de l’emploi dans le protectorat nazi de Bohème-Moravie.
Arrêté en 1945, Rudolf Jung se suicidera avant d’être jugé. Son parcours n’aura nullement marqué les esprits, puisque dès sa prise du contrôle du parti nazi en Allemagne, Adolf Hitler a immédiatement contrôlé totalement le parti nazi et exclu ceux qui n’acceptaient pas sa domination complète.
Un événement important fut par exemple, les 7 et 8 août 1920, un rassemblement à Salzbourg en Autriche des différentes forces national-socialistes, avec 235 délégués et 100 invités :
– le Parti national-socialiste allemand des travailleurs (d’Autriche) ;
– le Parti national-socialiste allemand des travailleurs (de Tchécoslovaquie) ;
– le Parti national-socialiste (de Silésie orientale) ;
– le Parti allemand national-socialiste des travailleurs (d’Allemagne et basé à Munich) ;
– le Parti social-allemand (d’Allemagne et basé à Hanovre).
Ces forces devaient s’unir, sous le nom de « parti national-socialiste du peuple allemand », mais Adolf Hitler – par ailleurs présent à Salzbourg mais sans rôle important – écrasa toutes les autres forces une fois le parti nazi devenu puissant en Allemagne, et ce donc après avoir puisé chez Rudolf Jung le « style » de son idéologie.