Deng Xiaoping a réussi à couper la science de la
philosophie, ce qui signifie qu’il rejetait l’aspect universel du
matérialisme dialectique. Il y aurait d’un côté la science, de
l’autre la philosophie.
Cette « double vérité » était
nécessaire pour légitimer la domination du Parti « Communiste »
révisionniste. La science doit servir le capitalisme, et le Parti
« Communiste » devrait être la nouvelle bourgeoisie.
Le rejet du mouvement de 1989 a été le rejet de
l’option de dépasser cette « double vérité ». Le problème
est bien sûr que plus la science devient contrôlée par les
éléments bourgeois, plus elle est non-productive et aussi un
facteur de libéralisme.
C’est pourquoi l’idéologie du Parti
« Communiste » révisionniste a de plus en plus tendance
à se déplacer au-delà de la formule de Deng Xiaoping et à
réhabiliter Hu Yaobang. En fait, le mouvement de 1989 est venu trop
tôt, mais sa ligne est de plus en plus acceptée par le
révisionnisme.
Fondamentalement, le même processus a existé en
Union Soviétique ou dans le Parti « Communiste »
français. Le parti dirigeant faisait semblant d’être toujours sur
une ligne politique communiste, mais en fait, dans tous les domaines
et tous les sujets, il était sur une voie libérale.
Contaminée, l’option politique s’est effondrée à
la fin. C’est pourquoi Mao Zedong a formulé la GRCP comme une lutte
dans tous les domaines et tous les sujets, pour défendre le
socialisme dans les domaines culturel et scientifique.
Citons ici Friedrich Engels, qui, dans Dialectique de la Nature explique comment les chercheurs ont besoin de suivre la philosophie d’être vraiment scientifique :
« Les savants croient se libérer de la philosophie en l’ignorant ou en la vitupérant.
Mais, comme, sans pensée, ils ne progressent pas d’un pas et que, pour penser, ils ont besoin de catégories logiques, comme, d’autre part, ils prennent ces catégories, sans en faire la critique, soit dans la conscience commune des gens soi-disant cultivés, conscience qui est dominée par des restes de philosophies depuis longtemps périmées, soit dans les bribes de philosophie recueillies dans les cours obligatoires de l’université (ce qui représente non seulement des vues fragmentaires, mais aussi un pêle-mêle des opinions de gens appartenant aux écoles les plus diverses et la plupart du temps les plus mauvaises), soit encore dans la lecture désordonnée et sans critique de productions philosophiques de toute espèce, ils n’en sont pas moins sous le joug de la philosophie, et la plupart du temps, hélas, de la plus mauvaise.
Ceux qui vitupèrent le plus la philosophie sont précisément esclaves des pires restes vulgarisés des pires doctrines philosophiques.
Les savants ont beau faire, ils sont dominés par la philosophie. La question est seulement de savoir s’ils veulent être dominés par quelque mauvaise philosophie à la mode, ou s’ils veulent se laisser guider par une forme de pensée théorique qui repose sur la connaissance de l’histoire de la pensée et de ses acquisitions.
Physique, garde-toi de la métaphysique ! [phrase attribuée à Newton] C’est tout à fait juste, mais dans un autre sens [Engels renverse Newton].
Les savants gardent à la philosophie un reste de vie factice en tirant parti des déchets de l’ancienne métaphysique.
Ce n’est que lorsque la science de la nature et de l’histoire aura assimilé la dialectique que tout le bric-à-brac philosophique — à l’exception de la pure théorie de la pensée — deviendra superflu et se perdra dans la science positive. »
Dialectique de la Nature
Le révisionnisme chinois s’est déplacé exactement dans le sens opposé: il a séparé la science de la philosophie, ce qui est impossible.
Comme nous l’avons vu, l’émergence du libéralisme
dans le domaine de la cosmologie a changé la situation pour le
révisionnisme chinois. En effet, l’émergence de scientifiques dans
ce cadre ouvert par le révisionnisme chinois a donné une
contribution importante à l’idéologie de contre-révolution
bourgeoise ouverte, au point que le régime révisionniste en a
lui-même été mis en difficulté.
Étudions plus précisément
ce processus.
Le rejet révisionniste de la cosmologie de Mao
Zedong
Au début des années 1980, l’objectif du
révisionnisme chinois était de détruire la conception maoïste de
la matière comme inépuisable, intarissable parce que chaque niveau
de la matière est divisible, le processus étant infini.
Les armes pour faire cela n’étaient pas
originales : il s’agissait bien entendu, d’une part, de la
mécanique quantique, qui théorisé le micro-monde comme étant
observable et prévisible grâce aux probabilités : sont ici
importants le « principe d’incertitude » de Heisenberg et
l’école de Copenhague avec Niels Bohr.
Ensuite, l’autre arme était le Big Bang : il y
aurait une origine de l’univers et la matière ne serait pas infinie,
la matière étant limitée et pour ainsi dire étirée dans un
univers en expansion.
Déjà en 1973, dans le premier numéro de la
nouvelle série de la Revue d’études en philosophie,
qui avait été arrêtée auparavant, un article écrit par Fang
Lizhi et Yin Dengxiang attaqua les enseignements effectués dans la
revue Journal de la dialectique de la nature, qui
soutenait la cosmologie de Mao Zedong.
Il exprimait la nécessité de considérer que l’univers était « fini » selon la science naturelle et « infini » du point de vue de la philosophie. C’était une façon de promouvoir le relativisme et le libéralisme.
En fait, dans la science, les scientifiques
bourgeois faisaient la promotion de la même chose que Deng Xiaoping
en économie : tout serait trop compliqué, nécessitant une nouvelle
formulation, avec la nécessité d’être « flexible », et
non pas dogmatique, etc.
L’infinie divisibilité de la matière peut être
vrai, mais pas de la manière que l’on pensait auparavant, tout doit
être reconsidéré, etc.
L’influence du relativisme
Dès que les « débats » sur
l’indivisibilité de la matière ont été ouverts, la dialectique de
la nature pouvait être mise de côté, en particulier sous
l’influence de Fang Lizhi, un droitier qui a aidé Deng Xiaoping et
était l’un des activistes majeurs donnant naissance au mouvement de
1989 (il a été expulsé du Parti « communiste » en 1987
et a demandé l’asile à l’ambassade américaine à Pékin en 1989).
Néanmoins, et en parallèle avec la réforme de
Deng Xiaoping, le rejet officiel de la divisibilité de la matière a
pris du temps. Deng Xiaoping a progressivement transformé
l’idéologie officielle, au nom de la modernisation, de la science et
de la technologie qui serait « nouvelles » et devraient
être adoptées.
De la même manière, Zha Ruqiang joua un rôle
majeur dans le domaine de la science du révisionnisme chinois. Il a
été le principal promoteur de la conception dengiste dans la
science, produisant de nombreux documents, en essayant de produire
une toute nouvelle conception de la science, libérale d’un côté,
mais avec l’apparence du marxisme.
Au début des années 1980, la Chine a connu une
grande offensive idéologique des conceptions réactionnaires
traditionnelles occidentales : en psychologie cette offensive est
venue par Freud, Jung, Adler, Rogers, en philosophie à travers
Foucault, Heidegger, Lévi-Strauss, Derrida.
La tendance était de considérer que la science
devait être « autonome » de la philosophie, que le
libéralisme complet était nécessaire, avec une forte influence des
conceptions réactionnaires de Karl Popper, Thomas Kuhn et Imre
Lakatos.
Le rôle de Zha Ruqiang
Dans ce contexte, Zha Ruqiang a joué le rôle de
défenseur de l’hégémonie du Parti « communiste »
révisionniste.
D’un côté, selon Zha Ruqiang, c’était le temps
de la « troisième révolution industrielle », avec la
théorie quantique et la relativité, l’énergie nucléaire et la
technologie spatiale, la technologie informatique, il y avait la
nécessité d’une science « pratique ».
Ce fut directement utile pour la ligne de
modernisation de Deng Xiaoping.
De l’autre côté, Zha Ruqiang défendait le
« marxisme », et ainsi la théorie de l’indivisibilité
de la matière, parce que c’était une thèse nécessaire pour
justifier la nécessité scientifique du Parti « communiste »
révisionniste.
Ainsi, il a exprimé son désaccord avec Lukacs,
Marcuse, Sartre, Merleau-Ponty, Sidney Hook, ce qui signifiait qu’il
refusait les courants idéologiques occidentaux « de gauche »,
et a essayé de forger une continuité idéologique avec le passé.
La tâche était pratiquement impossible : comment
était-il possible de dire que la théorie de la divisibilité de la
matière était correcte, quand Mao Zedong l’avait formulé durant la
période de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, une
période entièrement rejetée par Deng Xiaoping et le régime
chinois?
Conséquence de la position théorique impossible du révisionnisme chinois
En effet, une fois que cette approche
« pratique », c’est-à-dire « dengiste »,
avait commencé, Zha Ruqiang pouvait lui-même être rejeté pour
avoir maintenu le concept de dialectique de la nature, même si
« adapté ».
Le « nouveau » marxisme du
révisionnisme chinois résumait le matérialisme dialectique à la
méthode de considérer un phénomène à travers son développement
et son changement.
C’est, de fait, exactement comment le Parti «
Communiste » français a toujours limité les enseignements de
Marx et Engels (ou Lénine et Staline) ; c’est le rejet
révisionniste du « dogmatisme », de la « scolastique »,
du « stalinisme », etc.
Ainsi, en 1986, la position de Zha Ruqiang a été
fortement attaquée par Fang Lizhi, Dong Guangbi, Ji Wulun, Han
Zenglu ; l’objectif principal était la philosophie, qui pouvait
être considérée comme un « outil utile », mais jamais
comme un guide. Hegel a été considéré comme la source des
erreurs, Kant et le positivisme ont été valorisés.
La tendance était à un rejet ouvert du
matérialisme dialectique.
Le choix du régime par le social-fascisme
Il était clair que si la critique du matérialisme
dialectique était généralisée, alors la science devait être
libéralisée, et si c’était le cas, alors le Parti « communiste »
ne pouvait prétendre à aucune légitimité idéologique.
Ce n’était pas la voie choisie par le Parti
« communiste » révisionniste en Chine, qui fit un plénum
en septembre 1986 et a décidé de rejeter la « libéralisation
bourgeoise ».
Conséquence de cela, en novembre, des
manifestations étudiantes commencèrent dans l’Anhui, où Fang Lizhi
appelé à « lutter », puis à Shanghai et à Beijing.
Le Parti « communiste » révisionniste
réprima ces manifestations, Fang Lizhi a été expulsé du « Parti
communiste » et Hu Yaobang, qui était secrétaire général du
parti de 1982 à 1987, a été mis de côté en raison de son
« soutien » aux manifestations.
Lorsque Hu Yaobang est mort en 1989, le 15 Avril,
ce fut prétexte à de nouvelles manifestations d’étudiants,
soutenant ses options, et c’est devenu la célèbre protestations de
la place Tian’anmen de 1989.
En effet, les Sept demandes faites
à la mi-avril 1989 étaient les suivantes :
1. Affirmer que les conceptions de Hu Yaobang sur
la démocratie et la liberté sont correctes ;
2. Admettre que les campagnes de lutte contre la
pollution spirituelle et la libéralisation bourgeoise étaient
erronées ;
3. Publier des informations sur les revenus des
dirigeants de l’État et des membres de leur famille ;
4. Mettre fin à l’interdiction de journaux privés
et arrêter la censure de la presse ;
5. Augmenter le financement pour l’éducation et
augmenter la rémunération des intellectuels ;
6. Mettre un terme aux restrictions sur les
manifestations à Beijing ;
7. Fournir une couverture objective sur les
étudiants dans les médias officiels.
Cela signifiait, pour être précis, d’aller
jusqu’au bout du processus de lutte contre la cosmologie de Mao
Zedong, à savoir le matérialisme dialectique. Mais le régime
social-fasciste n’était pas en mesure de perdre sa position
politique, et il lui fallait le « socialisme » comme
prétexte.
Par conséquent, la sixième plénum du Parti
« communiste » de Chine (12e Comité central), en
septembre 1986, fit une résolution sur la civilisation spirituelle,
s’opposant le marxisme comme dogme (ce qui signifie: le véritable
matérialisme dialectique), mais aussi à l’idée que le marxisme
était dépassé .
Et pour cette raison, le mouvement de 1989 a été
écrasé et la modernisation a pris un nouveau développement, que
nous pouvons tous voir aujourd’hui.
Conclusion
Fang Lizhi a évité la participation directe dans
le mouvement de 1989 alors que cela a dégénéré en mai, mais en
juin un mandat d’arrêt a été fait contre lui, car il était
considéré comme le principal organisateur des manifestations.
Il a ensuite cherché refuge à l’ambassade
américaine ; après une année, il a été autorisé à quitter
le pays. Il a joué ensuite un rôle aux États-Unis dans la
mobilisation en faveur de la naissance d’une classe bureaucratique
chinoise liée à ce pays.
Mais, historiquement, une autre direction a été
prise en Chine, qui est maintenant pratiquement dans la même
situation que la Russie tsariste : un pays réactionnaire, largement
ouvert à l’impérialisme, mais en essayant de gérer une
indépendance bourgeoise à travers les possibilités d’un pays
riche, qui ne peut arrivé bien entendu que par le fascisme.
Et nous pouvons voir ici un exemple intéressant de la façon dont le révisionnisme n’a pas un seul visage, mais deux face ; il y avait deux possibilités pour révisionnisme chinois. Toute évaluation de la contre-révolution chinoise après la mort de Mao Zedong doit prendre cela en compte.
Comment Deng Xiaoping a-t-il lancé à la lutte
contre le matérialisme dialectique? Il a dû apparaître comme
menant la réorganisation de l’idéologie, comme la remettant sur son
chemin.
Par conséquent, Deng Xiaoping prétendait agir au
nom de la « vérité ».
Lutte bourgeoise contre le « double soutien
inconditionnel »
Le 19 Septembre 1977, l’information a été donnée
comme quoi Deng a expliqué que « chercher la vérité des
faits » était « la quintessence de la pensée
philosophique de Mao Zedong », en parlant avec la figure
la plus importante du ministère de l’Éducation.
Six mois plus tard, le 11 mai 1978, le Guangming
Ribao (le Quotidien de Guangming) publia un
article intitulé La pratique est le seul critère pour
tester la vérité, qui était l’attaque de la ligne pragmatique
contre le « double soutien inconditionnel », qui
représente la fidélité au matérialisme dialectique.
Voici comment Deng Xiaoping explique le « double
soutien inconditionnel » :
« Il y a quelques jours, deux camarades
responsables de l’Administration générale du Comité central m’ont
rendu visite, et je leur ai dit que c’était une erreur de pratiquer
le « double soutien inconditionnel » [Il s’agit de :
« Soutenir résolument toutes les décisions du Président
Mao et soutenir invariablement toutes ses directives »].
Si l’on s’y conformait, on ne pourrait ni expliquer
pourquoi il a fallu me réhabiliter, ni affirmer que les activités
menées par les larges masses populaires en 1976, sur la place
Tian’anmen, « allaient dans le sens du sentiment et de la
raison » [Allusion à la manifestation anti-communiste du 5
avril, en conséquence de quoi Deng Xiaoping fut considéré comme
« contre-révolutionnaire » par Mao Zedong et le bureau
politique du Comité central].
Il est, en effet, impossible d’appliquer ce que le
camarade Mao Zedong a dit au sujet d’un problème spécifique, en un
lieu donné, à une époque précise et dans des conditions
particulières, à un autre problème surgi en un lieu différent, à
un autre moment et dans d’autres conditions.
Le camarade Mao Zedong lui-même a déclaré à maintes
reprises que certaines de ses paroles n’étaient pas tout à fait
exactes (…).
Le camarade Mao Zedong a avoué que lui-même avait
également commis des erreurs. Il a affirmé qu’il n’existe personne
qui soit dans la vérité à tout moment et en toute chose, et dont
chaque parole soit correcte.
Il disait encore : Ce serait déjà positif si les
mérites et les erreurs d’une personne pouvaient être évalués dans
un rapport de 70 à 30 pour cent ; après ma mort, si le
jugement de la postérité m’accorde un tel rapport, je serai très
content, très satisfait. »
Le « double soutien inconditionnel » est le contraire du marxisme, 24 mai 1977
Ce n’était pas tout. Deng Xiaoping a dû faire
appel à une réinterprétation des enseignements de Mao, toujours
dans l’esprit du rejet de la divisibilité de la matière. Deng
Xiaoping a pu réduire ce qui est apparu comme le maoïsme, dans une
sorte de « pensée Mao Zedong », qui était juste une
« méthode. »
Deng Xiaoping a ainsi expliqué:
« La pensée de Mao Zedong a développé le
marxisme-léninisme dans beaucoup de domaines. Elle forme un système,
qui n’est autre que le marxisme-léninisme développé.
Je propose donc que les camarades versés dans le travail
théorique, tout en menant à bien la compilation et la publication
des œuvres de Mao Zedong, consacrent de grands efforts à
l’explication, sous différents angles, de sa pensée en tant que
système. »
Pour une compréhension intégrale et correcte de la pensée de Mao Zedong, 21 juillet 1977
Le mouvement bourgeois de 1989
Cela nous amène directement au mouvement de 1989.
Ce qui s’est passé est la chose suivante: le 15 avril, Hu Yaobang
décéda.
Après avoir été l’un des responsables du Parti visés par la GRCP, il est devenu le chef de file des réformes économiques en Chine pendant les années 1980 ; il était l’homme de Deng Xiaoping, le numéro 2 du régime social-fasciste.
Néanmoins, Hu Yaobang a estimé que le mouvement
de libéralisation devait aller plus rapidement. Pour cette raison,
il a refusé de critiquer le mouvement de protestation lancé en
décembre 1986.
Cette protestation était basée à l’Université
des Sciences et Technologies de Hefei, avec l’astrophysicien Fang
Lizhi comme figure principale.
Fang Lizhi a dû travailler dans une mine de
charbon au cours de la GRCP, il a été très actif dans la promotion
de la conception bourgeoise du monde : il était le principal
promoteur de la conception du « Big Bang », à l’encontre
du principe de la divisibilité de la matière.
Les responsables du mouvement de 1986 furent
exclus du Parti « communiste », et Hu Yaobang lui-même a
été mis de côté pour être sur la même ligne qu’eux.
Lorsqu’il est mort, en 1989, le mouvement libéral
bourgeois a commencé une nouvelle offensive. 50 000 étudiants ont
défilé 22 avril 1989 sur la place Tiananmen afin de participer à
la cérémonie commémorative pour la mort de Hu Yaobang et appeler
au libéralisme.
Ce fut le début des protestations de la place
Tiananmen, en 1989. Fang Lizhi choisit alors de demander asile à
l’ambassade américaine, et a ensuite déménagé aux États-Unis.
Le mouvement de 1989 était le produit de la contradiction inévitable entre le révisionnisme et l’utilisation du libéralisme dans le domaine de la cosmologie.
Comme nous traitons de la question de savoir comment le révisionnisme chinois a rompu avec le principe maoïste de la divisibilité de la matière, nous allons porter un regard approfondi quant à la conception de la science chez Deng Xiaoping.
C’est cette conception qui a été le principal outil pour promouvoir et faire triompher le révisionnisme. Cette arme idéologique réactionnaire doit être comprise, de sorte de ne pas arriver au même révisionnisme qui consiste à voir le marxisme comme une « méthode ».
Deng Xiaoping ne doit pas être considéré comme un « individu » qui a trahi, mais comme le porteur d’une vision du monde toute entière. Après la mort de Mao Zedong, il avait une façon bourgeoise de « comprendre » le maoïsme, afin de réorganiser l’Etat suivant les besoins de la bourgeoisie.
Cette voie bourgeoise consiste principalement en une compréhension particulière de la science, nous allons voir de quelles positions il s’agissait … ou il s’agit, vu qu’il y a encore des « maoïstes » qui sont en fait des dengistes cachés.
La
thèse de la neutralité de la recherche et les décisions d’en haut
Selon le matérialisme dialectique, la pensée est le reflet du
mouvement de la matière, les communistes luttent pour que cette
pensée soit conforme à la réalité.
Une fois le mouvement
éternel de la matière rejeté, il n’y a pas de place pour une telle
conception. Il n’y aurait pas de pensée, mais seulement une bataille
et une construction. Le marxisme serait une « méthode »
et de ce fait, ce qui est nécessaire n’est pas un cadre
révolutionnaire à chaque niveau, mais un « expert ».
C’est pourquoi Deng Xiaoping pourrait promouvoir le socialisme
« par en haut », comme quand il dit:
« Il convient de sélectionner quelques milliers de sujets d’élite dans les milieux scientifiques et techniques, pour lesquels on créera les conditions nécessaires afin qu’ils puissent se consacrer entièrement à leurs travaux de recherche. »
Respecter les connaissances et les hommes de talent, 14 mai 1977
Cette approche voit la « science » comme neutre dans
son contenu et son développement. Dans un autre document, Deng
Xiaoping dit :
« Que l’on fasse du travail manuel ou intellectuel, on est un travailleur dans la société socialiste (…).
En déformant la notion de la division du travail – manuel et intellectuel – existant aujourd’hui dans notre société, pour la présenter comme un antagonisme de classes, la bande des Quatre cherchait en fait à attaquer et à persécuter les intellectuels, à miner l’alliance des ouvriers et des paysans avec les intellectuels, à détruire les forces productives sociales et à saper notre révolution et notre édification socialistes.
La science et la technologie sont une partie des forces productives. »
Discours à la conférence nationale sur les sciences, 18 mars 1978
Deng
Xiaoping contre la GRCP
La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP)
affirmait exactement le contraire. Ce n’était pas seulement une
tentative de bloquer une restauration réactionnaire ; la GRCP était
un moyen de progresser dans les domaines du matérialisme
dialectique.
Dans la GRCP, la science et la technologie étaient considérées
comme une manière d’approcher la réalité, et de cette façon elles
ne sont pas des « forces productives », mais des choix
idéologiques, qui reflètent un caractère de classe. Les communes
populaires n’ont rien à voir avec la Chine capitaliste des années
2000.
Deng Xiaoping était bien conscient de cela, comme il était le
principal ennemi de la GRCP. Mais s’il a réussi à prendre la tête
de la Chine après la mort de Mao, c’est parce qu’il a réussi à
prendre un aspect du maoïsme – le développement du pays – mais pour
le transformer dans le sens d’un développement pragmatique.
C’est pourquoi le révisionnisme pouvait réussir: il est apparu
comme une amélioration de la situation, la réorganisation apparente
de l’économie, mais en fait pour la transformer. Voici comment Deng
Xiaoping explique son point de vue:
« La « révolution culturelle » a
certainement été une grave erreur, mais notre Parti a brisé les
cliques contre-révolutionnaires de Lin Piao et des Quatre, et mis
fin à cette « révolution culturelle », ce qui nous a
permis d’arriver où nous en sommes (…).
Quand nous disons « rétablir le cours normal des
choses », nous entendons justement réparer les ravages causés
par Lin Piao et les Quatre, critiquer les erreurs commises par le
camarade Mao Zedong dans les dernières années de sa vie, et ramener
toutes les activités dans la juste voie de la pensée Mao
Zedong. » (Entretien du 25 octobre 1980 avec des
camarades responsables du Comité central)
Deng
Xiaoping à propos de la science et de la production
L’astuce tactique de Deng Xiaoping était ainsi d’assimiler la
science et de la production. C’est très proche du révisionnisme
soviétique: comme les forces productives croissantes sont la preuve
du développement du socialisme, alors tout ce qui aide est
« socialiste ».
Ce qui compte n’est pas le choix de comment et de savoir ce qui doit être produit, mais la production en elle-même. Il s’agit d’une conception bourgeoise mécanique, visant seulement à satisfaire le besoin du capital à se développer.
Voici comment Deng Xiaoping explique cela :
« Il faut comprendre que la science et la technique
constituent une force productive. La bande des Quatre a fait beaucoup
de tapage autour de cette question, inversant la vérité et jetant
la confusion dans les esprits.
Le marxisme a toujours considéré que la science et la technique font partie des forces productives. Il y a un peu plus d’un siècle déjà, Marx avait dit que l’essor de la production mécanisée impliquait l’application consciente des sciences de la nature. Et d’ajouter que « les forces productives comprennent aussi la science. »
Le progrès de la science et de la technique modernes resserre chaque jour davantage les liens entre la science et la production. Le rôle considérable de la science et de la technique en tant que forces productives s’affirme avec toujours plus d’évidence. »
Discours à la conférence nationale sur les sciences, 18 mars 1978
La conception de Deng Xiaoping n’a servi que le capital.
Quelle est la clé du révisionnisme, en URSS et
en République Populaire de Chine? C’est l’idéologie, il y avait un
espace ouvert pour révisionnisme en URSS et en République populaire
de Chine, où les éléments bourgeois ont pu s’agglutiner et ensuite
faire un coup d’État.
En URSS, cet espace était dans le domaine de la
biologie. La conception bourgeoise de l’ADN comme support de tout ce
qu’est la vie a été bien comprise comme une illusion réactionnaire.
Néanmoins, cela a été confronté avec la
conception erronée de modifier la matière depuis l’extérieur, sans
suivre le principe selon lequel la contradiction est interne.
Lyssenko prétendait modifier la matière
d’une manière conforme à la volonté des êtres humains, ce qui a
conduit à un échec scientifique et a permis au révisionnisme,
plein de subjectivisme bourgeois, de s’organiser.
Nikita Khrouchtchev n’a pas rejeté Lyssenko après
la mort de Staline, au contraire, il a nié tous les enseignements
matérialistes dialectiques, mais a conservé Lyssenko comme valable.
Le révisionnisme prétendait changer la nature, la réalité, depuis
l’extérieur, selon la volonté.
Mao Zedong a réussi à « réparer » matérialisme dialectique avec la conception selon laquelle la contradiction est interne, comme quoi rien n’est indivisible. Le révisionnisme a dû lutter contre cela.
Pour cette raison, le révisionnisme chinois vint de ce domaine. Les promoteurs du mouvement de Tien’anmen en 1989 viennent directement de ce domaine de la cosmologie. Ils étaient protégés par Deng Xiaoping.
Mais comment a-t-il été possible pour le
révisionnisme chinois de lutter contre la cosmologie de Mao ? Ici,
Deng Xiaoping apparaît avec ce que nous devons considérer comme une
idéologie : le dengisme.
Selon le dengisme, la technologie n’est pas une
superstructure, mais une infrastructure. Il a formulé cela dans une
phrase célèbre: « Ce n’est pas grave si un chat est blanc
ou noir, pourvu qu’il attrape les souris. »
Quand
on voit cela, il est facile de comprendre que la plupart des
« maoïstes » dans le monde sont des dengistes ; ils
maintiennent encore quelques enseignements de Mao Zedong, mais ils
ont la même conception pragmatique d’une méthode suprême. Comme
Deng Xiaoping, ils résument Mao Zedong à quelques livres,
notamment De la pratique ; ce n’est pas une
surprise que la plupart de ces « maoïstes » aient viré
en « marxistes-léninistes » pro-albanais.
Le pragmatisme est la base même du dengisme. Il
rejette le principe de l’indivisibilité de la matière ; il
considère que le monde obéit à un mouvement mécanique, où il est
possible de pousser dans une direction ou une autre.
Le prachandisme au
Népal, l’avakianisme aux Etats-Unis … sont des
idéologies empruntant directement leurs conceptions au dengisme,
depuis une incompréhension du maoïsme, de la Grande Révolution
Culturelle Prolétarienne (GRCP).
Le GRCP voulait mettre l’idéologie au poste de
commande dans tous les domaines, alors que le dengisme limite
l’idéologie à une méthode en politique. En fait, les « maoïstes »
qui ne parlent jamais de la culture, de la science, de l’histoire …
révèlent leur nature dengiste avec cette conception étroite.
Ces faux « maoïstes » acceptent les valeurs bourgeoises dans tous les domaines, mais pas dans la politique, en tout cas ils le prétendent. Leur refus de reconnaître la crise écologique, de rejeter la destruction de la nature et l’utilisation des êtres vivants, est une grande preuve de leur approche non matérialiste dialectique. En fait, ils sont gens rêvant d’être les gestionnaires d’une réorganisation du capitalisme – comme Deng Xiaoping.
Voici ce que Deng Xiaoping a répondu à la
question de savoir si, finalement, le capitalisme n’est pas si mal
que ça:
« Il importe d’éclaircir ce qu’est le capitalisme. Le capitalisme marque une supériorité par rapport au féodalisme. Il est certaines choses qui ne sauraient être qualifiées de capitalistes.
Par exemple, la technologie et la gestion dans la production relèvent du domaine de la science ; elles sont utiles à n’importe quelle société et à n’importe quel pays.
Nous avons l’intention d’acquérir des compétences techniques, scientifiques et de gestion avancées pour servir notre production socialiste. Et ces choses en tant que tels n’ont pas de caractère de classe. »
Réponses aux questions de la journaliste italienne Oriana Fallaci, août 1980
« Ces choses en tant que tels n’ont pas de caractère de classe » – c’est la grande ligne révisionniste, exactement ce qui a été combattu par la GRCP.