Newton et la gravitation universelle

En comprenant de manière plus approfondie le mouvement dans l’espace expliqué par Galilée, Isaac Newton put formuler sa fameuse thèse de la gravité. L’idée lui serait venu alors qu’il vit une pomme tomber. C’est sans doute seulement une anecdote, qui d’ailleurs fut popularisée par Voltaire sur la base de ce que lui avait raconté la nièce d’Isaac Newton.

Voici l’autre version, qu’on retrouve dans Les Mémoires de la vie de Sir Isaac Newton, publiées en 1752 par William Stukeley. On y lit :

« Nous sommes allés boire le thé à l’ombre d’un pommier. Il me dit qu’il se trouvait dans une situation analogue lorsque lui est venue l’idée de la gravitation, suggérée par la chute d’une pomme, alors qu’il était d’humeur contemplative. Pourquoi cette pomme doit-elle toujours choir perpendiculairement au sol, se dit-il? »

Pourquoi l’exemple de la pomme ? Déjà, il faut voir ici qu’Isaac Newton reprend Galilée, qui avait observé que deux objets, même de masses différentes, et sans prendre en compte la résistance de l’air, ont une pesanteur similaire : ils tombent à la même vitesse.

Mais pourquoi la pomme tombe-t-elle ? Isaac Newton considère alors que c’est en raison de l’attraction que possède chaque masse.

Il faut ici se souvenir qu’Isaac Newton a soutenu qu’une force provoquait toujours une contre-force. Si la pomme fait un mouvement vers la Terre, la réciproque est vraie. Mais c’est la pomme qui va vers la Terre, et non l’inverse : c’est ici que la masse rentre en jeu. Il se passe la même chose pour la Lune, attirée vers la Terre exactement comme la pomme.

Isaac Newton a alors compris que la Lune était en mouvement et que la Terre exerçait une force sur elle, la mettant en orbite, c’est-à-dire l’interceptant, mais pas totalement.

La pomme, par contre, est interceptée, en raison de sa faible masse. Tout est une question du rapport entre les forces, amenant le repos, ou bien tel ou tel mouvement, et encore ici cela dépend-il du référentiel : c’est précisément sur ce point qu’Albert Einstein va perfectionner cette perspective.

Ici, on a Isaac Newton généralisant la conception du mouvement dans l’espace, et l’universalisant, par la théorie de l’attraction universelle.

Il en exprime la loi de la manière suivante :

« Deux corps quelconques s’attirent selon une force proportionnelle au produit de leur masse et inversement proportionnelle au carré de la distance qui les sépare. »

L’ouvrage d’Isaac Newton Philosophiae naturalis principia mathematica, 1687

Les conséquences sont innombrables. On comprend le mouvement des planètes ; les mathématiques servent à les étudier, avec d’innombrables applications sur Terre. On a ici, en fait, la véritable découverte d’une force universelle, qui devient par conséquent utilisable puisqu’on en connaît les principes généraux. Le voyage sur la Lune est la conséquence directe de cela.

Il est nécessaire de voir ici qu’Isaac Newton n’explique pas l’origine de la gravitation ; comme le remarquent Karl Marx et Friedrich Engels, il ne fait qu’en « observer » les traits. Karl Marx et Friedrich Engels auront des mots très durs pour Isaac Newton, accusés de n’avoir eu du succès qu’en redisant ce qu’avait déjà affirmé Johannes Kepler, qui avait effectivement déjà formulé les principes de la gravitation universelle.

Isaac Newton profitait d’une situation sociale différente, et d’ailleurs il se gardait bien de tenter une explication générale comme le tenta Johannes Kepler. Isaac Newton n’hésitait pas à bien souligner que :

« Les lois de la gravitation gouvernent le mouvement des planètes et des comètes, mais ne permettent pas de déterminer leur état primitif; leur agencement si élégant ne peut être que le fruit du dessein et de la seigneurie d’un Être intelligent et tout-puissant. »

Il appartint alors à Emmanuel Kant d’expulser Dieu de l’espace, afin de véritablement laïciser la science.

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Newton ajoute un niveau au référentiel galiléen

Que dit Isaac Newton ? Comment a-t-il réussi à laïciser l’espace, ou tout au moins à aller en ce sens, se posant comme maillon entre Galilée et Emmanuel Kant ?

Isaac Newton a compris que le problème de Galilée était dans la question du référentiel. Un référentiel dans l’espace-temps aboutissait nécessairement à isoler les phénomènes et surtout à engloutir l’espace et le temps dans le phénomène lui-même.

C’était cela, la grande menace pressentie par l’Église : que l’espace et le temps n’existent que physiquement.

Isaac Newton a alors coupé la poire en deux. Il y a l’espace et le temps, qu’il qualifie d’absolus, et il y a l’espace et le temps qu’il qualifie de relatifs. Les formes absolues fournissent alors un cadre pour des espaces et des temps qui varient.

Isaac Newton explique ainsi :

« I Le temps absolu, vrai et mathématique, sans relation à rien d’extérieur, coule uniformément, et s’appelle durée. Le temps relatif, apparent et vulgaire, est cette mesure sensible et externe d’une partie de durée quelconque (égale ou inégale) prise du mouvement : telles sont les mesures d’heures, de jours, de mois, etc, dont on se sert ordinairement à la place du temps vrai.

II. L’espace absolu, sans relation aux choses externes, demeure toujours similaire et immobile. L’espace relatif est cette mesure ou dimension mobile de l’espace absolu, laquelle tombe sous nos sens par la relation aux corps, et que le vulgaire confond avec l’espace immobile. C’est ainsi, par exemple, qu’un espace, pris en dedans de la terre ou dans le ciel, est déterminé par la situation qu’il a à l’égard de la terre.

L’espace absolu et l’espace relatif sont les mêmes d’espèce et de grandeur; mais ils ne le sont pas toujours de nombre; car, par exemple, lorsque la terre change de place dans l’espace, l’espace qui contient notre air demeure le même par rapport à la terre, quoique l’air occupe nécessairement les différentes parties de l’espace dans lesquelles il passe, et qu’il en change réellement sans cesse (…).

Le mouvement absolu est la translation des corps d’un lieu absolu dans un autre lieu absolu, et le mouvement relatif est la translation d’un lieu relatif dans un autre lieu relatif; ainsi, dans un vaisseau poussé par le vent, le lieu relatif d’un corps est la partie du vaisseau dans laquelle ce corps se trouve, ou l’espace qu’il occupe dans la cavité du vaisseau; et cet espace se meut avec le vaisseau; et le repos relatif de ce corps est la permanence dans la même partie de la cavité du vaisseau.

Mais le repos vrai du corps est la permanence dans la partie de l’espace immobile, où l’on suppose que se meut le vaisseau et tout ce qu’il contient.

Ainsi, si la terre était en repos, le corps qui est dans un repos relatif dans le Vaisseau aurait un mouvement vrai et absolu, dont la vitesse serait égale à celle qui emporte le vaisseau sur la surface de la terre; mais la terre se mouvant dans l’espace, le mouvement vrai et absolu de ce corps est composé du mouvement vrai de la terre dans l’espace immobile, et du mouvement relatif du vaisseau sur la surface de la terre; et si le corps avait un mouvement relatif dans le vaisseau, son mouvement vrai et absolu serait composé de son mouvement relatif dans le vaisseau, du mouvement relatif du vaisseau sur la terre, et du mouvement vrai de la terre dans l’espace absolu.

Quant au mouvement relatif de ce corps sur la terre, il serait formé dans ce cas de son mouvement relatif dans le vaisseau, et du mouvement relatif du vaisseau sur la terre (…).

L’ordre des parties de l’espace est aussi immuable que celui des parties du temps; car si les parties de l’espace sortaient de leur Lieu, ce serait, si l’on peut s’exprimer ainsi, sortir d’elles-mêmes.

Les temps et les espaces n’ont pas d’autres lieux qu’eux-mêmes, et ils sont les lieux de toutes les choses.

Tout est dans le temps, quant à l’ordre de la succession : tout est dans l’espace, quant à l’ordre de la situation. C’est là ce qui détermine leur essence, et il serait absurde que les lieux primordiaux se {mussent}. Ces lieux sont donc les lieux absolus, et la seule translation de ces lieux fait les mouvements absolus.

Comme les parties de l’espace ne peuvent être vues ni distinguées les unes des autres par nos sens, nous y suppléons par des mesures sensibles.

Ainsi nous déterminons les lieux par les positions et les distances à quelque corps que nous regardons comme immobile, et nous mesurons ensuite les mouvements des corps par rapport à ces lieux ainsi déterminés : nous nous servons donc des lieux et des mouvements relatifs à la place des lieux et des mouvements absolus; et il est à propos d’en user ainsi dans la vie civile; mais dans les manières philosophiques, il faut faire abstraction des sens; car il se peut faire qu’il n’y ait aucun corps véritablement en repos, auquel on puisse rapporter les lieux et les mouvements. »

Godfrey Kneller  (1646–1723),
Portrait de Sir Isaac Newton, 1702

Qu’est-ce que cela veut dire ? En fait, Galilée affirmait que tout était en mouvement, sauf si les forces s’annulaient : il y avait alors repos.

Mais chez Isaac Newton le mouvement lui-même est entièrement relatif car tout est en mouvement.

Dans l’exemple donné, un être humain peut être au repos relatif dans la cabine d’un bateau, mais la planète est en mouvement donc en fait l’être humain bouge et avec le bateau et avec la planète, alors que lui-même ne change pas de place dans la cabine.

Isaac Newton place le référentiel galiléen dans un autre référentiel galiléen, en quelque sorte.

Isaac Newton constate avec Galilée que quelque chose bouge en fonction de sa propre masse et de la force motrice qui le met en branle, et cela forcément dans le sens de la ligne droite. Comme cela se déroule dans le même « vide » que Galilée, un objet est soit toujours au repos, soit toujours en mouvement, jusqu’à ce qu’une force intervienne pour mettre en mouvement ou au repos.

Seulement Isaac Newton peut également remarquer que toute action présuppose une réaction inverse : quand on pousse quelque chose, la résistance à la poussée est équivalente. Quand on exerce une pression sur le sol, le sol exerce en même temps une pression sur nous, une route agit sur un pneu par friction (l’usant) mais en même temps la voiture avance de par la pression du pneu sur la route.

Isaac Newton a ainsi ajouté un niveau au référentiel galiléen, et en a déduit des interactions nouvelles, formant les principes de la gravitation universelle.

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Newton laïcise l’espace

Il faut bien faire attention à ne pas inverser les faits. Ce n’est pas parce qu’ils pensaient que Dieu avait fondé le monde mathématiquement que les scientifiques ont avancé, aux XVIe-XVIIe siècles. S’ils ont pensé cela, c’est justement parce qu’ils ont fait des progrès techniques et pratiques.

Leur vision du monde est le reflet de leur activité pratique au service d’une classe poussant à la transformation de la production : la bourgeoisie.

Le protestantisme est né comme apologie de l’activité individuelle au sein d’un monde fourni par Dieu comme « matériel ». Quand on lit Galilée, on retrouve précisément cette conception, qui est la même à différents degrés chez René Descartes, la franc-maçonnerie, degrés décidés par les conditions historiques.

Voici ce que dit Galilée :

« La philosophie est écrite dans ce livre gigantesque qui est continuellement ouvert à nos yeux (je parle de l’Univers), mais on ne peut le comprendre si d’abord on n’apprend pas à comprendre la langue et à connaître les caractères dans lesquels il est écrit.

Il est écrit en langage mathématique, et les caractères sont des triangles, des cercles, et d’autres figures géométriques, sans lesquelles il est impossible d’y comprendre un mot. Dépourvu de ces moyens, on erre vainement dans un labyrinthe obscur. »

Les mathématiques deviennent alors un langage indépendant, au caractère pratiquement divin. Il n’y a plus besoin de se connecter à la réalité ; les mathématiques, dans leur autonomie, peuvent étudier la réalité, puisque celle-ci a été façonné par Dieu au moyen des mathématiques.

On a là un fétichisme d’un simple outil, les mathématiques, qui replonge dans Pythagore et Platon pour s’auto-justifier.

De la même manière, lorsque Galilée reprend le principe des atomes, c’est parce qu’il a besoin d’expliquer pourquoi les sens perçoivent les choses « différemment » selon les gens, les situations, etc. : il attribue tout cela aux atomes, qui sont de simples briques sans quantité, qui sont donc de la simple matière première brute façonnée par les mathématiques, c’est-à-dire par les chiffres divins, exactement comme dans le néo-platonisme.

Il y a ici un fétichisme des mathématiques, qui d’outil deviennent vision du monde. C’est cela la clef pour comprendre la polémique célèbre avec l’Église catholique. Et derrière, il y a le besoin de la bourgeoisie : il faut les mathématiques pour progresser techniquement, et cela à tout prix.

Ce sont ainsi les mathématiques qu’attaque en tant que tel le dominicain Tommaso Caccini (1574–1648) lors d’un sermon à l’église Santa Maria Novella de Florence, en décembre 1614, accusant Galilée d’être précisément un de ses principaux promoteurs.

Et c’est par conséquent l’anglais Isaac Newton (1643-1727) qui a réussi à prolonger l’effort de Galilée, dans un contexte bien différent, puisque lui était en Angleterre, pays où la féodalité avait subi un assaut terrible, et où un compromis avec la religion était ainsi bien plus aisé.

Copie récente du portrait d’Isaac Newton
par Godfrey Kneller (1689)

Isaac Newton s’appuie directement sur cette perspective mathématique, comme en témoigne le titre de son œuvre principale : Philosophiae naturalis principia mathematica ; c’est-à-dire Principes mathématiques de la philosophie naturelle.

Il reprend directement la perspective de Galilée ; le mathématicien français Alexis Clairaut (1713-1765), dans une œuvre intitulée Du systeme du monde, dans les principes de la gravitation universelle, critique Isaac Newton, mais souligne dès le début :

« Le fameux livre des Principes mathématiques de la philosophie naturelle a été l’époque d’une grande révolution dans la Physique.

La méthode qu’a suivie M. Newton, son illustre Auteur, pour remonter des faits aux causes, a répandu la lumière des Mathématiques sur une science qui jusqu’alors avait été dans les ténèbres des conjectures et des hypothèses. »

Quant à Voltaire, il publiera en France Les Eléments de la philosophie de Newton, qui seront republiés vingt-six fois entre 1738 et 1785, alors qu’Émilie du Châtelet, elle-même scientifique, a de son côté traduit les Principes mathématiques de la philosophie naturelle.

Seulement, à la différence de Galilée avec son offensive générale qui faisait qu’il reconnaissait la religion, mais ne la plaçait pas de manière détaillée dans sa démarche, Isaac Newton a bien pris soin de préciser le rapport au divin.

Galilée n’avait pas réussi à laïciser l’espace, d’où son agressivité sur l’héliocentrisme. Isaac Newton, lui, a réussi, en formulant le point de vue suivant :

« Il [Dieu] est éternel et infini, omnipotent et omniscient ; c’est-à-dire que sa durée va de l’éternité à l’éternité, sa présence de l’infini à l’infini… Il n’est pas l’éternité et l’infini, mais éternel et infini ; il n’est pas la durée ou l’espace, mais il perdure et est présent.

Il perdure pour toujours, et est présent partout, et en existant toujours et partout, il constitue la durée et l’espace. »

« L’espace n’est pas un être, un être éternel et infini, mais une propriété, ou une conséquence de l’existence d’un être infini et éternel. »

Il résume cela en disant :

« L’espace est comme le toucher de Dieu, puisqu’il touche bord à bord tous les corps comme immédiate extériorité. »

Avec l’héliocentrisme, Galilée rejetait Dieu de l’espace. Chez Isaac Newton, Dieu permet à l’espace d’exister : il pouvait, dans le contexte anglais et sans domination du Vatican, laïciser l’espace.

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Galilée, Newton, Kant et la reconnaissance de l’espace et du temps: l’affirmation laïque de la science

La féodalité possédait une conception précise de ce qu’elle appelait la « création » : le monde était statique, fourni tel quel par Dieu, et la société devait se reproduire fidèlement, tout comme la nature se reproduisait à chaque cycle.

Au départ, cette conception n’était pas élaborée véritablement ; ce n’est qu’avec l’irruption du matérialisme en Europe, sous la forme de l’averroïsme, au XIIIe siècle, que la panique devint générale dans la féodalité et qu’une véritable théorie fut construite à ce sujet, notamment par Thomas d’Aquin.

Le paradoxe ici était que la féodalité faisait semblant d’accepter certaines thèses seulement d’Aristote, celles qui lui permettaient de maintenir une position réactionnaire, afin de contrer l’averroïsme qui portait la dimension progressiste d’Aristote. Cela fit que lutter contre la féodalité signifiait lutter également contre ce qui semblait être la philosophie d’Aristote.

Cette précision est d’importance, toutefois, quand on regarde les choses en détail ; ce qui compte le plus, c’est de voir que la féodalité avait une conception bien à elle de la réalité matérielle, de la nature, bref de l’espace et du temps.

Or, la bourgeoisie naissante avait besoin de progrès matériels. Elle ne pouvait se contenter d’accepter la domination idéologique d’une conception disant que tout se répète par cycle, tant dans la nature que dans la société, et que rien ne doit changer, que tout est statique par définition.

La bourgeoisie naissante devait transformer, aussi a-t-elle fourni les moyens matériels de vivre et de travailler à des artisans, des artistes, des penseurs se mettant à son service.

Cela, les rois, les empereurs, les princes, etc. l’avaient parfois déjà fait, ayant besoin d’une meilleure administration, d’une meilleure armée, de meilleurs fonctionnaires. La monarchie absolue de Louis XIV est ici un exemple fameux.

Mais ce n’était rien en comparaison de ce que la bourgeoisie était en mesure de faire.

Rembrandt, La Leçon d’anatomie du docteur Tulp, 1632

Pour libérer la science face aux thèses féodales, la bourgeoisie a eu trois figures magistrales : Galilée, Isaac Newton et Emmanuel Kant, qui se suivent et voient leurs idées s’assembler jusqu’à l’affirmation de :

– la séparation radicale entre la science et la religion ;

– la réflexion sur la technique (avec les instruments) et la science, notamment au moyen de la géométrie et des mathématiques.

Comment ont-ils fait cela ? En chassant Dieu de l’espace et du temps. Telle a été leur mission, tel a été leur rôle historique. Ils ont laïcisé la science – ils ne l’ont pas amené jusqu’à l’athéisme, car seul le matérialisme dialectique peut faire ainsi.

Mais ils ont pu faire en sorte que les scientifiques disposent désormais d’une autonomie de plus en plus complète – avec un prix à payer toutefois.

En rejetant le concept Dieu hors des sciences, la science de l’époque a rejeté le principe d’universel, pour plonger dans le particulier. Elle a abandonné la possibilité d’affirmer une explication du monde qui soit totale – cela, seule la classe ouvrière pourra le faire ensuite, avec le matérialisme dialectique.

Aussi, dans la science portée par la bourgeoisie, ce n’est pas la réalité physique qui prime, mais les mathématiques, c’est-à-dire les calculs aidant la compréhension de la physique du monde local, et basculant toujours plus dans l’abstraction, dans l’idéalisme, dans l’autonomie complète, et cela au nom de la nature « organisée » mathématiquement du monde.

C’était obligatoire de par la vision bourgeoise du monde des scientifiques alors.

Chez Galilée, Isaac Newton, Emmanuel Kant, comme chez les auteurs du matérialisme anglais ou les déistes français (et René Descartes avant eux), la franc-maçonnerie, etc., Dieu a fourni le matériel à la raison humaine, pour en disposer comme bon lui semble.

Dieu a conçu le monde mathématiquement, et la raison humaine peut remonter jusqu’à Dieu par une compréhension rationnelle, mathématique, séparée des sens et de la réalité.

L’espace-temps, en définitive, n’est plus que le « cadre » du monde donné à l’humanité par Dieu. C’est là un point de vue pratique pour la bourgeoisie.

Voici comment le chevalier Louis de Jaucourt expose le point de vue d’Isaac Newton dans son article de l’Encyclopédie au sujet de l’Espace, en 1751 :

« L’autorité de M. Newton a fait embrasser l’opinion du vide absolu à plusieurs mathématiciens. Ce grand homme croyoit, au rapport de M. Locke, qu’on pouvoit expliquer la création de la matière, en supposant que Dieu auroit rendu plusieurs parties de l’espace impénétrables : on voit dans le scholium generale, qui est à la fin des principes de M. Newton, qu’il croyoit que l’espace étoit l’immensité de Dieu ; il l’appelle, dans son optique le sensorium de Dieu, c’est-à-dire, ce par le moyen de quoi Dieu est présent à toutes choses. »

Dieu est présent, mais en même temps absent : il n’est plus que l’origine d’un monde dont la compréhension devient autonome de la religion.

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