UJC (ml) : Front uni résolu contre l’impérialisme américain (1967)

[Extrait de Garde Rouge, mensuel de l’Union des jeunesses communistes (marxiste-léniniste), n° 3, janvier 1967. Ce texte est publié en même temps que la formation des Comités Vietnam de Base, qui auront un succès énorme et seront l’ossature initiale du futur mouvement maoïste]

 » Le parti communiste chinois et le gouvernement chinois brandissent toujours plus haut le drapeau de la lutte contre les impérialistes ayant les Etats-Unis en tête, soutiennent entièrement la lutte révolutionnaire de toutes les nations opprimées et défendent la paix mondiale. « 

(Discours de Nguyen Minh Phuong, chef par intérim de la mission permanente du F.N.L. à Pékin, le 19 décembre 1966, à l’occasion du XXIIe Anniversaire de la formation de l’A.P.L. et du VIe Anniversaire de la constitution du F.N.L.)

 » Bien que l’aide matérielle au peuple vietnamien soit importante, c’est la pensée de Mao Tsé-toung qui est, pour nous, le trésor inestimable. « 

(Discours de Tran Tu Binh, ambassadeur de la R.D.V. en Chine, le 19 décembre 1966).

Les camarades vietnamiens sont bien placés pour savoir quelle est la nature de l’impérialisme américain. Leurs déclarations rapportées ci-dessus soulignent avec force les deux principes suivants :

1° Le seul moyen de défendre la paix mondiale est le soutien résolu de la lutte des peuples opprimés contre l’impérialisme américain, fauteur de guerre par nature.

2° Le soutien le plus important est le soutien politique conséquent fondé sur le marxisme-léninisme.

Il s’ensuit que l’action unie contre les agresseurs U.S. n’est possible qu’avec ceux qui le dénoncent comme l’ennemi principal et le combattent résolument.

Elle est impossible avec ceux qui cherchent à s’entendre avec lui aux dépens des peuples révolutionnaires du monde, et qui manigancent un Munich vietnamien.

Depuis deux ans, les dirigeants du P.C.U.S. réclament l’unité d’action pour aider le Vietnam.

Certes, l’unité est une bonne chose, mais, avant de s’unir avec quelqu’un, il faut savoir s’il s’agit d’un ami ou d’un ennemi, si ses buts sont en accord ou en contradiction avec ceux que l’on veut atteindre.

A cette fin, nous examinerons successivement :

a) Les contradictions du monde contemporain et la conception juste du front uni contre l’impérialisme américain.

b) L’idéologie propagée par les dirigeants soviétiques et leur politique face à l’agression américaine au Vietnam.

Les quatre contradictions

Elles opposent :

1° Le camp socialiste au camp impérialiste ;
2° le prolétariat à la bourgeoisie ;
3° les nations opprimées à l’impérialisme ;
4° les pays impérialistes et les groupes monopolistes entre eux.

Ces quatre contradictions sont un  » invariant de toute la période de la crise générale du capitalisme qui s’est ouverte avec la révolution d’Octobre et se poursuivra jusqu’au triomphe mondial du socialisme.

Elles constituent un système lié, chacune d’entre elles étant présente dans toutes les autres.

En voici deux exemples :

a) la contradiction entre les deux camps se manifeste à travers les trois
autres contradictions ;
b) les luttes de libération nationale font partie intégrante de la révolu
tion socialiste mondiale.

Leur caractère et leur développement sont affectés

1° par le soutien du camp socialiste, et la peur des impérialistes de voir ce camp renforcé ;

2° par le soutien des prolétariats des pays capitalistes
avancés ;

3° par les contradictions inter-impérialistes qui favorisent ces luttes.

Le caractère lié du système des quatre contradictions fondamentales explique qu’elles puissent converger.

Actuellement, elles convergent en Asie, en Afrique et en Amérique latine, dans les pays dominés par l’impérialisme, « maillon le plus faible  » de sa chaîne, et  » zone des tempêtes  » du monde.

Autrement dit, la troisième contradiction est celle qui est actuellement la plus explosive.

Front uni anti-américain

Les peuples de ces régions se heurtent partout à l’impérialisme américain, à ses acolytes, à ses fantoches.

Il intervient partout pour réprimer les luttes populaires en tant que gendarme international de la  » civilisation occidentale « .

En même temps, il tente d’imposer son hégémonie aux autres pays impérialistes, ce qui ne va pas sans susciter des résistances.

L’impérialisme U.S. se trouve ainsi à l’un des pôles de chacune des quatre contradictions fondamentales.

Il est possible et nécessaire de l’isoler en réalisant un large front uni.

Celui-ci implique :

– le regroupement de toutes les forces qui s’opposent résolument à l’impérialisme américain.

– la dénonciation de la supercherie que représentent les  » négocia
tions de paix n proposées par Johnson, ou par ses garçons de course britanniques et autres, ainsi que de toutes les tentatives pour lui ménager une  » porte de sortie  » au Vietnam grâce à un compromis sur le dos du peuple vietnamien.

Il y a compromis et compromis

Qu’on nous comprenne bien, cela ne veut pas dire qu’il n’existe pas de situations où un compromis soit nécessaire avec l’ennemi ; mais ce sont toujours des compromis tactiques ; des trêves qui ne servent qu’à mieux préparer ses forces pour l’attaque ultérieure.

Un tel compromis s’apparente à une retraite stratégique. Le but de celle-ci, dit Mao,  » c’est de conserver les forces de l’armée et de préparer la contre-offensive « .

Les compromis sans principes sont ceux qui préparent, non la contre-offensive, mais un règlement définitif avec l’ennemi ; c’est-à-dire la capitulation.

Pour des révolutionnaires, renoncer à la révolution, n’est-ce pas capituler ?

C’est cela, et même plus, car il n’y a pas de troisième voie.

On est révolutionnaire ou contre-révolutionnaire.

Celui qui veut faire sa paix avec l’impérialisme est sur le point de passer avec armes et bagages de son côté.

Ce que promet la coexistence…

La dégénérescence des dirigeants du P.C.U.S illustre ce processus.

Depuis le vingtième congrès (février 56), Khrouchtchev, ses successeurs et ses partisans de par le monde, ont expliqué que le but de la politique soviétique était de bannir de la vie sociale, dès aujourd’hui et définitivement, toutes les guerres et pas seulement la guerre atomique.

L’instauration d’une paix perpétuelle est nécessaire, puisque « l’étincelle d’une guerre locale peut mettre le feu au monde  » et détruire l’humanité.

Elle est d’autre part possible avant le triomphe mondial du socialisme et la disparition des antagonismes de classes, notamment grâce à la présence d’hommes d’Etat « raisonnables  » à la tête du principal pays impérialiste (le président Eisenhower  » se soucie autant que nous d’assurer la paix « , disait Khrouchtchev).

Les guerres civiles étant aussi des guerres, ce noble idéal de paix se réalisera d’autant plus facilement que les communistes éviteront d’avoir recours à la violence.

Celle-ci n’est plus nécessaire, car il leur est désormais possible de a conquérir une solide majorité parlementaire  » et de s’en servir pour effectuer pacifiquement le passage au socialisme.

 » La mission historique du prolétariat est de défendre la paix  » et  » la coexistence pacifique est la forme supérieure de la lutte des classes « .

Cette conception de la coexistence pacifique aurait déjà fait la preuve de son efficacité.

Le théoricien soviétique G. Strarouchenko, par exemple, écrivait :

 » A présent la politique de coexistence pacifique […] paralyse l’agression contre-révolutionnaire de l’impérialisme sur toute la terre (sic), favorisant la montée du mouvement révolutionnaire de libération nationale.  » (La Vie internationale, octobre 1963.)

… Ce qu’elle accomplit

Aujourd’hui, avec les exemples du Vietnam, du Laos, du Congo, du Gabon et de Saint-Domingue, cette image idyllique des relations internationales ne semble guère convaincante.

Ce ne sont pas là, d’ailleurs, des échecs contingents de cette politique de  » coexistence pacifique « , mais son résultat direct.

Les dirigeants soviétiques pourraient faire leur la devise de Guillaume le Taciturne :  » II n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer. « 

Que  » l’esprit de camp David  » ait été suivi de l’incident de l’U-2, que la rencontre de Vienne n’ait pas empêché le blocus de Cuba, que le traité de Moscou ait conduit à l’agression au Vietnam du Nord, tout cela n’a pas dissipé leurs illusions concernant la possibilité de s’entendre avec les impérialistes.

Se font-ils d’ailleurs des illusions ? Partagent-ils celles que leur propagande répand tous les jours dans les masses ? (Notamment sur la possibilité d’imposer aux impérialistes un désarmement général et complet ?)

Ou bien n’est-ce là qu’un écran de fumée derrière lequel ils poursuivent leur grand dessein qui est le rapprochement avec les Etats-Unis sur le dos des peuples du monde entier ?

Etant donné le principe selon lequel les pays socialistes n’exportent pas la révolution, la coexistence pacifique telle que l’entendent les marxistes-léninistes (maintien du système des quatre contradictions fondamentales, non-franchissement des frontières par des armées) peut être imposée par le rapport des forces.

Par contre, la  » coexistence pacifique  » khrouchtché-vienne (fin de la guerre froide, coopération et amitié avec les impérialistes) suppose l’accord de l’adversaire.

Voyant Khrouchtchev quémander leur amitié, les impérialistes lui ont posé leurs conditions.

Le président Johnson les a formulées dans son message du 21 janvier 1964 à la conférence de Genève :

Nous sommes prêts, dit-il  » à examiner les moyens qui proscriront la menace ou l’usage de la force, directs ou indirects, que ce soit par agression, subversion, ou fournitures d’armes clandestines, pour modifier des frontières ou ^ des lignes de démarcation, pour gêner l’accès à un territoire ; pour étendre le contrôle ou l’administration sur un territoire en remplaçant les autorités établies « .

Ainsi le président Johnson demande au gouvernement soviétique de coopérer avec lui pour proscrire la menace contre les autorités établies.

 » C’est là le véritable problème de fond « , commentait Le Monde.

Partage du monde

Depuis toujours, les réactionnaires ont redouté beaucoup plus la  » subversion  » et l' » agression indirecte  » qu’une guerre de conquête déclenchée par l’U.R.S.S.

S’ils ont claironné qu’elle était une puissance agressive qui aspirait à conquérir le monde, c’était la traduction dans leur langage du fait que l’U.R.S.S. soutenait les luttes révolutionnaires des peuples.

Il faut croire qu’aujourd’hui ils n’ont plus aucune inquiétude à ce sujet. Lorsque à son retour de Moscou, en 1964, la délégation de la S.F.I.O. déclare qu’elle reconnaît la volonté de paix de l’U.R.S.S., on est en droit de se demander qui s’est converti aux conceptions de l’autre.

On est fixé sur cette question en lisant les déclarations enthousiastes de l’ex-chancelier Adenauer, à la suite de l’accord de Tachkent, saluant en TU.R.S.S. un champion de la paix.

Le mot  » paix  » peut-il avoir le même sens dans la bouche des révolutionnaires et dans celle du plus réactionnaire des réactionnaires allemands ?

Peut-on faire l’unité d’action avec ceux qui ont maintes fois proclamé leur volonté de s’entendre et de s’unir avec les impérialistes américains pour le partage du monde ?

Voici ce que déclarait Gromyko le 13 décembre 1962 (lendemain de la crise des Caraïbes) :

 » Nous sommes les pays les plus puissants du monde. Si nous nous unissons dans l’intérêt de la paix, il n’y aura pas de guerre. Et si un fou s’avisait alors de déclencher la guerre, il nous suffirait de le menacer du doigt pour qu’il se calme. « 

 » Si un accord est conclu entre le chef du gouvernement soviétique, Nikita Serguéiévitch Khrouchtchev et le président des Etats-Unis, John Kennedy, il sera trouvé une solution aux problèmes internationaux dont dépend le sort de l’humanité. « 

C étaient là de douces illusions, car les peuples du monde n’ont pas accepté et n’accepteront jamais que leur sort soit décidé par deux hommes cl Etat.

Le développement impétueux de la lutte du peuple vietnamien a quelque peu troublé les projets des khrouchtchéviens.

Les impérialistes préparent l’escalade

Vers la fin de 1963, les Américains commençaient à envisager l’extension de la guerre au Vietnam du Nord pour tenter, par une sorte de fuite en avant, de terminer un conflit où ils sentaient qu’ils s’enlisaient irrémédiablement.

En passant de la guerre spéciale à la guerre classique, ils espéraient que la supériorité en armes leur donnerait la victoire.

Le 9 juin 1964, grâce à une fuite dirigée du Pentagone, le New York Times annonçait que l’état-major américain avait conseillé au gouvernement le bombardement d’objectifs situés au Nord.

Le but de cette annonce et de toute la campagne de déclarations officielles et officieuses dans laquelle elle prenait place était de sonder les intentions de l’U.R.S.S. tout en exerçant un chantage sur Hanoï.

Face à une menace aussi précise, l’Union soviétique avait un moyen infaillible de dissuader les Américains de porter leur coup : déclarer solennellement qu’il serait riposté à toute agression contre la R.D.V., membre du camp socialiste, exactement comme s’il s’agissait de l’U.R.S.S. elle-même, de montrer le sérieux de cette mise en garde en renforçant la défense anti-aérienne au Vietnam avec les engins les plus modernes, en envoyant aussi les unités de la Flotte soviétique munies de fusées devant le golfe du Tonkin.

Non seulement l’U.R.S.S. s’est soigneusement abstenue de prendre ces mesures qui seules pouvaient préserver la paix, mais elle laissait en outre entendre qu’elle se désintéressait de ce qui se^passait en Asie du Sud-Est, en faisant savoir qu’elle envisageait de se démettre de ses fonctions de coprésident de la Conférence de Genève.

Déjà le 24 janvier 1962, le maréchal Malinovski déclarait que la puissance militaire de l’Union soviétique protégeait  » les pays socialistes qui nous sont favorables « .

Ces déclarations et d’autres analogues (cf. Pravda du 7 janvier 1963) ont été interprétées par les experts du Pentagone dans un sens restrictif.

Pour mettre les points sur les i, Valérian Zorine publiait le 30 juin 1964 un article dans les Izvestia, intitulé  » Les Problèmes du désarmement et les manœuvres de Pékin  » dans lequel il affirmait que si la Chine cherche à se constituer un armement nucléaire, c’est parce qu’elle  » vise des buts et poursuit des intérêts particuliers que le camp socialiste ne peut pas soutenir de sa force militaire « .

Cet avertissement voilé tenait compte de certains plans américains.

La revue The Minority of one (dont le comité de rédaction comprend quatre prix Nobel) a publié une enquête dans laquelle on lit :

 » Le débat partiellement public entre le gouvernement et l’armée des Etats-Unis sur le point de savoir si une intervention armée au Nord-Vietnam affaiblirait la pression ennemie contre les forces engagées au Sud ne sert qu’à camoufler une discussion bien plus secrète sur l’opportunité de se lancer dans une guerre bien plus totale contre la République populaire de Chine. « 

Ainsi dans le conflit qui approchait, l’U.R.S.S. dénonçait d’avance la Chine comme étant responsable, et déclarait qu’elle se tiendrait à l’écart.

Répondant le 8 juillet à une note de Hanoï du 25 juin, le gouvernement soviétique se taisait concernant l’aide qu’il pourrait fournir en cas d’agression américaine contre le Nord-Vietnam.

Les dirigeants de Washington interprétèrent l’ensemble de ces faits comme signifiant qu’ils avaient le feu vert pour une telle entreprise.

La suite des événements allait leur donner raison.

N’allez pas trop loin !

A la suite d’un incident inventé de toutes pièces par les Américains, ceux-ci bombardèrent cinq villes du Nord-Vietnam, le 4 août 1964. Comment l’U.R.S.S. a-t-elle réagi? C’est très simple… elle n’a pas réagi. Certes les Izvestia publièrent le 6 août un article sous le titre ;  » N’allez pas trop loin ! « 

Une façon comme une autre de dire que les Américains n’étaient pas allés trop loin.

Position logique d’ailleurs puisque le journal admettait implicitement la véracité du prétexte invoqué par les Etats-Unis, leur objectant seulement qu’on ne saurait parler de légitime défense  » à des milliers de kilomètres du territoire américain « .

Le correspondant de l’agence Chine Nouvelle s’attachait au contraire à montrer toutes les invraisemblances, les contradictions et les absurdités contenues dans la version américaine que les organes relativement sérieux de la presse occidentale commentaient d’ailleurs avec autant de scepticisme.

L’agence Tass, elle, déclarait seulement :  » Les milieux soviétiques autorisés condamnent résolument les actions agressives des Etats-Unis dans le golfe du Tonkin qui conduisent à une aggravation dangereuse d’une situation déjà tendue, n Bref, l’U.R.S.S. ne reprochait aux Etats-Unis que des  » actes  » et des  » démarches inconsidérées ou provocatrices  » (L’Humanité, août 1964) qui accroissent la « tension « .

La presse réactionnaire ne s’y est pas trompée ; France-Soir du 11 août par exemple, déclarait dans un article intitulé  » Russes et Américains, le même but  » :

 » Selon les Américains, la Chine sait maintenant qu’elle ne peut compter sur la protection des moyens nucléaires soviétique si elle s’engage dans une aventure belliqueuse. Soviétiques et Américains paraissent donc avoir pour le moment le même but : le rétablissement de la paix dans le Sud-Est asiatique.

Ils s’entendent sur le dos de Pékin. Il semble même que le président Johnson ait eu des contacts à ce sujet avec Khrouchtchev pendant la crise. « 

Traité de Moscou

Au fait, Khrouchtchev a-t-il fait usage du télétype rouge, quand il en était encore temps (Johnson a prononcé un discours annonçant l’attaque plusieurs heures avant que les bombardiers ne décollent), ou bien a-t-il estimé que le bombardement d’un pays socialiste n’était pas un acte susceptible de mettre en danger la paix mondiale ?..

Au cas où les deux compères se sont parlé, il est d’ailleurs probable qu’ils ont surtout échangé des félicitations à l’occasion du premier anniversaire du traité de Moscou, « grand pas vers la détente et le désarmement général complet  » qu’on fêtait justement en grande pompe en U.R.S.S.

Les impérialistes s’enhardissent

Voyant que, conformément à leurs prévisions, et contrairement à ses assurances, l’U.R.S.S. ne réagissait pas, les impérialistes américains se sont enhardis.

La seule assurance donnée d’ailleurs par les dirigeants soviétiques était  » qu’ils ne resteraient pas indifférents « .

Le président Johnson estima que l’indifférence ou la non-indifférence de Moscou ne ferait pour lui aucune différence.

Dès le mois de septembre, il avait pris la décision de bombarder systématiquement le Nord.

Peut-être parce qu’ils n’étaient pas au courant de cette décision les révisionnistes soviétiques et français ont salué comme une victoire de la paix son succès aux élections présidentielles.

Lorsqu’en mars 1965, les bombardements du Vietnam du Nord devinrent quotidiens,  » les militaires et les politiciens soviétiques joignirent leurs voix pour agiter le spectre de la guerre mondiale plutôt que de souligner les capacités soviétiques d’exercer une pression militaire locale  » remarquait ironiquement un expert du Pentagone, T.W. Wolfe, dans un exposé devant une sous-commission de la Chambre des représentants (11 mars 1965).

La doctrine soviétique : capitulation totale ou destruction totale

Selon la doctrine enseignée dans les manuels de stratégie militaire en U.R.S.S., un conflit local, dans lequel les deux plus grandes puissances mondiales se trouveraient impliquées  » dégénérerait inévitablement en guerre thermo-nucléaire mondiale « . (Cf. Voiennaia Strategia, sous la direction du maréchal Sokolovski, p. 299 de la traduction américaine The Rand Corporation.)

Dès lors, on comprend pourquoi l’U.R.S.S. n’a pas riposté aux bombardements de villes vietnamiennes.

On pourrait se demander simplement s’il existe une ligne dont le franchissement par les agresseurs impérialistes américains entraînerait une riposte soviétique.

Jusqu’en 1964, on pensait que cette ligne entourait le camp socialiste tout entier.

Depuis, on peut croire raisonnablement qu’elle n’englobe que l’U.R.S.S.

Une question surgit alors : si les Américains bombardaient demain Odessa, pourquoi l’humanité entière devrait-elle périr pour venger les habitants d’Odessa ? Leur vie serait-elle plus précieuse que celle des habitants de Dong Hoï ?

A cette question, il y a deux réponses :

1° La vie des habitants d’Odessa est effectivement plus précieuse, car ils sont Russes et non Vietnamiens. Comme disait un journaliste soviétique,  » l’homme de la rue n’a que faire des dogmes subtils, il pense : tant qu’il ne me tombe pas de bombes sur la tête, ça va ! » (France Nouvelle, 25-9-63).

Les dirigeants soviétiques se sont depuis longtemps débarrassés du  » dogme subtil  » de l’internationalisme prolétarien et ne prendront jamais le moindre risque pour défendre même un pays socialiste contre l’impérialisme.

2° II n’est pas vrai qu’un conflit local opposant l’U.R.S.S. aux Etats-Unis dégénérerait nécessairement en conflit thermo-nucléaire.

Cette thèse n’est mise en avant que pour justifier la passivité de l’U.R.S.S. dont le véritable motif est sa volonté de s’entendre et de coopérer avec les Etats-Unis.

Trahir sans en avoir l’air

La défense de la paix passe par la résistance à l’impérialisme. Le vrai problème est celui de savoir si l’on veut lui résister et si l’on se tient prêt à lui résister.

A chaque agression des Etats-Unis, à chaque franchissement d’un degré de l’escalade les dirigeants soviétiques ont été pris au dépourvu.

Ni sur le plan matériel ni sur le plan idéologique, ils ne s’étaient préparés à y faire face. Comment le pourraient-ils si on considère que depuis plus de dix ans les faits ont constamment démenti leurs analyses ?

Celles-ci n’ont d’ailleurs pour eux qu’une fonction apologétique.

Leur problème est : comment coopérer avec les impérialistes tout en gardant leur influence sur une partie au moins du mouvement communiste international ?

Cette influence accroît leur  » pouvoir de marchandage  » avec leurs  » partenaires  » américains.

Elle leur est en outre nécessaire pour rendre service à ces derniers.

Ils ont imaginé pour tromper les peuples deux énormes duperies :

– les prétendus obstacles mis par la Chine au passage sur son territoire de l’aide soviétique au Vietnam ;

– l’unité d’action pour aider le Vietnam.

 » Plus le mensonge est gros, plus il est efficace  » (Goebbels).

Examinons la première affirmation. Depuis Je mois de mars 1965, les hauts fonctionnaires soviétiques ont soufflé aux correspondants occidentaux à Moscou l’information selon laquelle la Chine s’opposerait au transit des armes expédiées par l’U.R.S.S., alors qu’en fait la Chine fait parvenir tout le matériel qu’elle reçoit d’urgence, en priorité absolue, et gratuitement.

La presse révisionniste reproduisait les dépêches des agences occidentales, datées de Moscou, qui pourtant étaient contredites par les déclarations conjointes soviéto-vietnamiennes selon lesquelles le programme d’aide au Vietnam se déroulait comme prévu.

En janvier 1966 le gouvernement chinois remit au gouvernement soviétique une note lui demandant de démentir  » les fausses rumeurs sur les prétendus sabotages par la Chine de l’aide au Vietnam du Nord « .

Moscou refusa de recevoir cette note pour ne pas être obligé de répondre dans un sens ou dans un autre.

En mars 1966, les dirigeants du P.C.U.S. ont envoyé une lettre aux partis communistes d’Europe orientale qui reprenait les mêmes accusations.

Cette lettre fut reproduite par Die Welt et par Le Monde et n’a jamais été désavouée.

Enfin, le maréchal Malinovski, dans un discours prononcé le 20 avril 1966 à Budapest, eut le courage (ou le cynisme) de prendre la responsabilité de ces calomnies.

Il reçut la riposte qu’il méritait. Le 4 mai, un porte-parole chinois le qualifiait de  » menteur « , faits à l’appui.

Sans user d’expressions aussi virulentes, le Premier ministre vietnamien Pham Van Dong remercia, dès le 25 avril la Chine pour  » son assistance efficace, ainsi que pour son aide dévouée dans l’acheminement des secours envoyés par l’Union soviétique et les autres pays européens fraternels « .

Par la suite, les camarades vietnamiens ont démenti à plusieurs reprises les allégations calomnieuses mises en circulation par les renégats soviétiques.

C’est ainsi quelle 19 juin 1966, l’agence vietnamienne d’information communiqua :  » Récemment un certain nombre d’agences occidentales ont propagé la rumeur selon laquelle le matériel de l’aide militaire de l’Union soviétique rencontre actuellement des difficultés entravant son transit à travers la Chine […] les susdites informations ne sont qu’une fable inventée de toutes pièces, suscitée par de mauvaises intentions de provocation.  » (Voir le texte complet, ainsi que la déclaration du général Giap, dans Garde Rouge n° 2.)

Les révisionnistes, néanmoins, continuent à répéter imperturbablement les mêmes mensonges, conformément au précepte :  » Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose. « 

Un aveu

Ce qu’il faut retenir de cette affaire, ce n’est pas le caractère ignoble des procédés auxquels a recours la clique dégénérée à la tête du P.C.U.S., mais l’aveu implicite qu’ils contiennent.

C’est la faute de la Chine si le Vietnam reçoit une aide insuffisante, semblent dire les révisionnistes.

C’est qu’en effet le Vietnam reçoit une aide très inférieure aux possibilités de l’U.R.S.S., aussi bien en quantité qu’en qualité.

Tandis que les impérialistes font le maximum pour gagner la guerre, l’U.R.S.S. fait le minimum nécessaire pour masquer sa collusion avec eux.

Washington lui sait même gré de cette  » aide  » et proclame à toute occasion que la guerre au Vietnam ne devrait pas empêcher le resserrement de la coopération soviéto-américaine.

Une défense anti-aérienne périmée

Considérons la défense anti-aérienne.

Depuis 1962, les Soviétiques affirment qu’ils possèdent des fusées antifusées. Or il est mille fois plus difficile d’atteindre en vol une fusée qu’un avion.

Aujourd’hui l’U.R.S.S. est en train d’installer ces fusées autour de ses grandes villes.

Ces dispositifs sont tellement coûteux que les Etats-Unis ont reculé devant la dépense, et ont renoncé à les installer.

Donc les fusées anti-fusées soviétiques ont une efficacité suffisante pour justifier de tels sacrifices.

N’est-il pas étonnant de constater que l’ensemble de la défense anti-aérienne vietnamienne a rarement infligé aux pirates américains des pertes excédant 1,5 % ?

C’est que les fusées fournies par l’U.R.S.S. datent de 1958 et sont totalement périmées.

Selon les experts militaires français, les fusées antiaériennes ordinaires, dont dispose la France, sont capables d’abattre 80 % des avions assaillants.

Nous pouvons donc supposer raisonnablement que les fusées soviétiques sont capables d’en abattre au moins 60%, même si elles étaient servies par un personnel vietnamien insuffisamment entraîné.

Cette proportion aurait été encore plus élevée si l’U.R.S.S. avait formé les servants avant les bombardements.

Dans ce cas, il est même certain que ceux-ci n’auraient pas été lancés en premier lieu.

La guerre froide : un malentendu

C’est encourager l’agression que de ne pas se préparer à y résister.

Mais comment les dirigeants soviétiques pourraient-ils empêcher les impérialistes de leur ravir l’initiative, quand ils ont toujours considère la guerre froide comme un malentendu que des tête-à-tête entre hommes d’Etat suffiraient à dissiper ? (Voir l’esprit de camp David, qui a longtemps hante la propagande révisionniste.)

Lorsque Mao dit :  » Quel que soit le moment où éclatera la guerre civile, nous devons nous tenir prêts.

Pour le cas ou elle arriverait tôt, mettons demain matin, nous devons aussi être prêts « , il semble énoncer un lieu commun analogue à celui de Démosthène disant :  » Ceux qui savent faire la guerre précèdent les événements au Heu de les suivre.  » Certes, cette idée n’est pas difficile à comprendre ; encore faut-il considérer l’ennemi comme un ennemi.

Les dirigeants soviétiques à l’abri de toute attaque contre leur territoire, grâce à leur armement moderne, ne croient pas que leurs intérêts nationaux soient par ailleurs toujours opposés à ceux des Etats-Unis.

Ils évitent de donner au Vietnam des moyens susceptibles de faire trop de mal aux Américains.

Cela compromettrait leur bonne entente avec eux.

Même sur le plan quantitatif, l’aide soviétique est ridiculement insuffisante, a Durant l’année 1965, la Chine a transporté au Vietnam quelque 43 000 tonnes de matériel soviétique  » déclara un porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Chine le 4 mai 1966.

Jean Baby (La Grande Controverse sino-soviétique, p. 219), qui cite cette déclaration, remarque:  » A titre de comparaison, les Américains ont envoyé 800 000 tonnes de matériel militaire par mois, sans compter les bombes transportées par les avions de la Septième Flotte. « 

Le porte-parole chinois ajoutait la précision suivante : K Pour le premier trimestre 1966, l’U.R.S.S. a demandé à la Chine 1730 wagons pour le transport de matériel militaire.

La Chine a donné son accord et préparé les wagons ; toutefois les livraisons effectuées n’ont représenté que 536 wagons.  » (Cité par Jean Baby, ibid.)

Les dirigeants soviétiques aident les Etats-Unis à déplacer leurs forces d’Europe en Asie en leur faisant concession sur concession sur les questions de l’Allemagne et de Berlin-Ouest.

N’ont-ils pas renoncé à signer un traité de paix séparé avec la R.D.A. ?

Eux-mêmes ont déplacé des troupes d’Europe centrale en Extrême-Orient. Conjointement avec les impérialistes, ils contribuent à l’encerclement de la Chine, base rouge des peuples révolutionnaires.

Coordination ou arrêt de polémiques

Maintenant, les révisionnistes reprochent à la Chine de ne pas coopérer avec les autres pays socialistes pour coordonner l’aide au Vietnam.

Que signifie cette accusation ?

« La Chine fournit au peuple vietnamien une aide que seules ses possibilités limitent  » selon Le Quotidien du Peuple du 14 juin 1965.

Les Soviétiques n’ont pas osé faire une déclaration pareille.

Selon l’évaluation des experts américains, la Chine fournirait une aide au moins égale en valeur à celle de l’U.R.S.S. (quelque 500 millions de dollars) bien que sa production industrielle soit quatre fois moindre.

Nous avons vu que la Chine n’empêche pas l’aide des autres pays socialistes de parvenir à destination.

A quoi donc servirait la  » coordination  » que réclament à cor et à cris les Soviétiques puisqu’elle n’accroîtrait ni l’aide chinoise, ni la leur ?

Elle servirait uniquement à obtenir de la Chine un satisfecit implicite concernant la politique soviétique au Vietnam.

Ce ne serait ni plus ni moins que l’arrêt des polémiques que demandent désespérément les renégats du Kremlin depuis 1963, c’est-à-dire depuis qu’ils ont eux-mêmes déclenché la polémique publique contre les marxistes-léninistes.

Or, la lutte conséquente contre l’impérialisme est inséparable de la lutte contre le révisionnisme et l’opportunisme.

Cela est une position de principe énoncée déjà par Lénine.

Un nouveau Tachkent

Les révisionnistes ne soutiennent pas politiquement la lutte du peuple vietnamien. Ils proclament son  » droit à la paix « .

Mais ils ne proclament pas son droit à une paix juste, fondée sur les quatre points de la R.D.V.N. et les cinq points du F.N.L.

Ils mettent unilatéralement l’accent sur les souffrances du peuple vietnamien, et sur le danger de la guerre mondiale, mais passent sous silence le caractère invincible de la guerre juste qu’il mène contre l’agresseur.

Ils qualifient le F.N.L. de  » représentant « , non de seul représentant authentique du peuple vietnamien.

Ils présentent comme seule condition de l’ouverture des négociations l’arrêt des bombardements et l’engagement de la part des Américains de retirer leurs troupes, et non le retrait préalable de celles-ci exigé par les Vietnamiens.

Ils dénoncent du bout des lèvres la supercherie des propositions de paix américaines (tout en pratiquant en grand la diplomatie secrète avec lui) mais se taisent sur les agissements de ses fidèles commis, la clique Tito-Gandhi.

Ils préparent ainsi l’opinion à un nouveau  » Tachkent « , c’est-à-dire à un accord fondé sur le maintien du statu quo territorial et des lignes de démarcation (le dix-septième parallèle !) ce qui livrerait le Sud-Vietnam à la domination impérialiste, de même que l’accord de Tachkent a livré le peuple du Cachemire à l’oppression du chauvinisme indien.

Ils ne cachent même pas leurs intentions.

En mars 1966, n’ont-ils pas publié dans Les Temps nouveaux (n° 6) un article déclarant que  » deux voies s’offrent au monde, celle de Tachkent ou celle du Vietnam ?

Lutte contre les agents de l’impérialisme

Si l’U.R.S.S. fournit au Vietnam une aide très insuffisante et très limitée (de vieux stocks d’armes périmées) c’est pour accumuler un capital politique afin de peser le moment venu en faveur d’une solution qui offrirait selon l’expression de Kossyguine  » une porte de sortie aux Etats-Unis « .

Mais les impérialistes ne cherchent pas une porte de sortie, ils veulent la victoire.

La porte de sortie que voudraient leur offrir les révisionnistes correspond à leur objectif fondamental : le maintien sous leur domination du Sud-Vietnam.

Comment pourrait-il y avoir de front uni sur cette base ?

Consentir en outre à l’arrêt de la polémique, ce serait désarmer idéologiquement les peuples et les livrer à la pénétration de l’idéologie bourgeoise et de son auxiliaire le révisionnisme.

Comme a dit le journal vietnamien Tarn Viet Hoa (le 13 juillet 1966)  » seuls sont de vrais révolutionnaires, ceux qui combattent résolument l’impérialisme américain, tandis que les révisionnistes modernes sont parvenus à un compromis avec l’impérialisme américain, et sont des renégats qui mettent des bâtons dans les roues de la révolution « .

Pour conclure, les révisionnistes n’ont pas de place dans un front uni contre l’impérialisme américain pour la bonne raison qu’ils en sont les agents au sein du mouvement ouvrier !

Comme disait Lénine :

 » La lutte contre l’impérialisme, si elle n’est pas indissolublement liée à la lutte contre l’opportunisme, est une phase vide et mensongère « . (L’impérialisme, stade suprême du capitalisme.)

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