I. Le caractère mondial de la crise sanitaire
a) l’intervention de l’ONU par l’intermédiaire de l’OMS
L’Organisation des Nations-Unies dispose de différentes instances mettant en rapport les États du monde ; l’une d’elles est l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). L’OMS porte naturellement une grande attention aux virus et aux risques de pandémie. Aussi a-t-elle, le 30 janvier 2020, déclaré qu’il s’était produit une « urgence de santé publique de portée internationale ».
Cette déclaration suit la découverte de 7700 cas en Chine et 82 hors de Chine d’une maladie inconnue jusque-là. Cette maladie provoque des troubles respiratoires et relève d’un virus de la famille des coronavirus, appelé coronavirus du syndrome respiratoire aigu sévère 2 (SRAS-CoV-2). Une semaine auparavant, la ville chinoise de Wuhan avait été isolée du reste du pays, le foyer du virus semblant être le marché d’animaux vivants Huanan Seafood.
La maladie s’est cependant tout de même répandue, devenant un phénomène international, amenant l’OMS à prendre une décision historique le 11 mars 2020 en qualifiant la maladie COVID-19 de pandémie. Le 12 mars, il y avait déjà 120 000 cas répertoriés dans le monde, avec plus de 4600 décès. Le nombre de cas n’a cessé depuis de progresser, jusque mars 2021.
En agissant comme elle l’a fait, l’OMS a posé le caractère universel de la vie de l’humanité sur la planète, puisque tout le monde a été concerné pareillement par un même phénomène.
Cela a provoqué une onde de choc au niveau mondial. L’humanité entière se retrouvait face au même défi, absolument personne ne pouvait prétendre exister séparément. La décision de l’ONU a abouti à une élévation de niveau conscience humaine quant à la nature planétaire de l’humanité.
Forcément, il y a eu par conséquent une prise de conscience de l’ampleur de la contradiction entre les villes et les campagnes, avec de manière sous-jacente le rapport de l’humanité aux animaux.
b) le caractère à la fois naturel et contre-nature de la pandémie
La maladie COVID-19 est portée par un virus qui a muté, passant d’un animal à un autre, puis à l’humanité. Cela brise la prétention humaine à être sorti de l’animalité.
En réalité, l’être humain est un animal comme les autres et c’est la raison pour laquelle il a pu faire partie de la chaîne de la mutation du virus.
Cependant, ce caractère naturel de la diffusion du virus repose sur un caractère non-naturel : celui de la déforestation, de l’établissement de grands centres urbains surpeuplés, de la formation de vastes industries utilisant les animaux en masse pour la production de viande.
Ce dernier aspect est essentiel, car il témoigne particulièrement de la pénétration du capitalisme dans les mœurs, dans la vie quotidienne, façonnant des besoins à son image. La production élargie de viande correspond à une consommation systématisée, dont le rôle est de satisfaire la croissance des profits.
Le bouleversement de la Biosphère par l’humanité est la base pour la mutation des virus dans le cadre d’un nouvel écosystème.
Avec l’agriculture, la domestication et l’élevage mis en place au début de l’Histoire de l’humanité, avec la systématisation chaotique de cette démarche par le capitalisme, les virus ont pu profiter de la concentration de la vie pour se répandre et se transformer, pour se transformer et se répandre.
C’est le cas des virus provoquant la grippe. Et le renforcement démesuré du capitalisme depuis les années 1990 a bien entendu accéléré ce processus, agrandissant le nombre de nouvelles maladies et réduisant les intervalles entre leurs apparitions.
L’opinion publique a ainsi entendu parler d’Ebola, du MERS (Syndrome respiratoire du Moyen-Orient), du (SRAS – Syndrome respiratoire aigu sévère), de la grippe aviaire, de la grippe porcine.
Ce constat est reconnu de manière mondiale, même si bien entendu les observateurs, prisonniers d’une vision du monde conforme au mode de production capitaliste, sont incapables de dépasser une position passive.
Voici ce que constate le document Stratégie 2011. Position française sur le concept « One Health/Une seule santé », ministère français des Affaires étrangères et européennes, Direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats.
« La taille de certaines populations humaines, le développement et la rapidité des flux migratoires et des échanges à l’échelle mondiale, la croissance de la pression anthropique dans de nombreux écosystèmes du globe (en raison de la déforestation et de l’urbanisation notamment), le changement climatique ainsi que l’effondrement des systèmes de santé dans certains pays contribuent à expliquer cette augmentation.
De même, les changements dans les modes de production ou d’élevage (intensification, augmentation de l’utilisation d’intrants dans les productions animales ou végétales, réduction de la diversité génétique, pratiques de monoculture, contacts étroits entre espèces animales et entre humains et animaux domestiques ou sauvages) favorisent la circulation des agents pathogènes entre espèces et ont un impact croissant sur le fonctionnement des écosystèmes, la santé et l’environnement.
Parallèlement, les micro-organismes et leurs vecteurs s’adaptent et peuvent rapidement développer des phénomènes de résistance, tandis que des ressources génétiques disparaissent sans que leur potentiel pharmaceutique ait pu être exploité.
Enfin, l’érosion de la biodiversité a un impact sur la santé publique, en termes de richesse et de variété de l’alimentation, mais aussi de pathologies.
De nombreux pathogènes se révèlent capables de menacer les êtres humains lorsque leur niche environnementale a subi de profondes perturbations.
La biodiversité constitue donc une barrière importante contre les maladies, en particulier celles transmises par des vecteurs (paludisme), car un écosystème déséquilibré peut engendrer la prolifération de l’espèce véhiculant le pathogène ou la pousser à s’attaquer davantage aux êtres humains. »
c) les réactions paniquées des États et les mesures de confinement
Les États ont été débordés par l’expansion de la maladie à travers le monde. C’est que les échanges mondiaux, tellement développés, impliquent des rencontres innombrables entre les gens. La maladie COVID-19 a ainsi par exemple profité des manifestations religieuses dans la ville de Daegu en Corée du Sud, des rassemblements religieux à Qom en Iran, du match de football de la Ligue des Champions à Bergame en Italie.
De plus, la maladie n’a pas une létalité qui est forte, mais sature les urgences de par les graves troubles respiratoires provoqués, exigeant par conséquent la disponibilité d’appareils pour aide respiratoire.
Deux réponses étaient possibles. La première était de chercher les individus malades au moyen de tests, de les isoler, de tester également les cas contacts. Cela exigeait un haut niveau d’intervention dans la vie privée des gens, ainsi qu’un important appui technique, afin de disposer des tests, d’obtenir efficacement les résultats, d’être en mesure d’isoler les malades, etc.
La seconde réponse possible était de chercher à freiner l’expansion de la maladie par des mesures chocs non ciblées, pour empêcher les contacts, avec également la diffusion de masques et l’exigence de la distanciation entre les gens. Une telle initiative, prolongée et systématisée, aboutit s’il le faut au couvre-feu, voire au confinement, et même jusqu’au shut-down c’est-à-dire à l’isolement généralisé des gens par la cessation des activités en général.
Dans tous les cas, il faut un haut niveau d’organisation, une administration efficace, ainsi que des moyens à la disposition et une population partie prenante. Cela est impossible dans une société capitaliste, à moins que ce soit un capitalisme bureaucratique, de type monopoliste, comme en Chine.
Ainsi, la gestion de la pandémie fut souvent calamiteuse dans les pays de l’Union Européenne. La ministre de la Santé publique belge Maggie De Block expliquait le 26 janvier 2020 que le pays était bien préparé à une éventuelle irruption du virus ; le 17 mars, la Première ministre belge Sophie Wilmès annonçait un confinement généralisé dans le pays, qui dura jusqu’au 3 mai.
Le 6 mars 2020, le président français Emmanuel Macron allait au théâtre, annonçant qu’il n’y avait absolument aucune raison pour les gens de modifier les habitudes de sortie. Le 17 mars, la France était confinée jusqu’au 11 mai, puis de nouveau du 30 octobre au 15 décembre. Qui plus est, le gouvernement français expliqua au départ que le port du masque n’était pas nécessaire, alors que toutes façons il n’y en avait pas de disponible, pour ensuite exiger sa systématisation dans l’espace public.
Les capacités étatiques d’intervention révélaient leurs faiblesses, causées par la putréfaction du capitalisme en perdition.
d) le recul de l’économie capitaliste à l’échelle mondiale
Le PIB mondial a fortement reculé de par la situation impliquée par la pandémie. Les échanges traditionnels ont été bouleversés par les mesures sanitaires, tout comme évidemment la production elle-même, sans parler de lieux de consommation. C’est toute la vie quotidienne dans un cadre capitaliste qui a été freinée, modifiée, voire stoppée, et qui a même reculé.
Le recul du PIB mondial reflète l’impact de la crise sanitaire, une crise sanitaire qui part d’une pandémie qui est elle-même le produit de l’expansion capitaliste et de son élargissement toujours plus destructeur de la contradiction villes-campagnes.
Le recul du PIB mondial montre un recul qui enraye la croissance capitaliste, qui désarticule ses cycles, qui agit tel un grain de sable empêchant des rouages de fonctionner.
Si l’on prend l’Union Européenne, ce n’est qu’en 2022 que son économie reviendra au niveau de 2019… et encore si la crise sanitaire est maîtrisée. De nombreux États tablent à ce niveau sur les vaccins, mais les variants relativisent cet espoir, d’autant plus que si des vaccins ont été trouvés avec une efficacité relativement bonne, leur production et leur distribution s’avèrent un véritable casse-tête, les pays bataillant pour tirer leur propre épingle du jeu qui plus est.
Cela est d’autant plus vrai que les États ont investi des milliers de milliards pour empêcher une désarticulation générale des économies. Cela a encore plus alourdi la dette d’un capitalisme qui fonctionne à crédit. Entre les dettes des États, des entreprises et des États, la dette annuelle est de 355% le PIB mondial.
Le capitalisme ne peut évidemment pas connaître une progression si puissante qu’il se sorte de ces 233 330 milliards d’euros de dettes. La seule solution est un repartage du monde, qui permette d’agrandir par la force la surface capitaliste, qui liquide une partie de la dette par la destruction, qui accompagne l’écrasement des travailleurs.
II. Les positions à l’ampleur de la crise
a) le repli sur soi en attendant le retour au monde d’avant
Les pays capitalistes sont marqués par une importante population petite-bourgeoisie. La formidable accumulation capitaliste des années 1945-1975 marquées par la prépondérance du modèle américain, l’exploitation de l’Afrique, l’Amérique latin et l’Asie, l’intégration à partir des années 1990 de la Chine comme usine du monde, la domination élargie aux pays satellites du social-impérialisme soviétique effondré… tout cela a amené à l’existence de couches sociales heureuses d’accompagner le capitalisme.
La vaste majorité de la population a son mode de vie entièrement façonné par le capitalisme, chaque élément de sa vie étant déterminé dans son rapport à une consommation sur un marché. Cela est si vrai que même les rencontres sentimentales se voient toujours plus épaulées par les sites de rencontre, sans parler des réseaux sociaux qui sont un facteur déterminant dans les rapports entre les gens, surtout les jeunes.
Pour cette raison, les réactions à l’interruption des cycles capitalistes a été très mal vécu dans les pays capitalistes ; plus les cycles ont été interrompus, plus la colère gronde, sur une base petite-bourgeoise, avec l’exigence du retour au monde d’avant.
Il s’agit de pouvoir à payer les traites de ses dettes, ou bien de maintenir la capacité à payer les coûts d’un logement qui relève de la propriété personnelle. Il s’agit de continuer à être passif, à ne pas avoir à prendre de responsabilités sociales, démocratiques, politiques. Pour les gens prisonniers du capitalisme, tout doit aller de soi-même.
Les États se sont comportés exactement de la même manière. En fait, entraînés par le mode de production capitaliste, les gens et les États pensent que seule l’accumulation capitaliste est ce qui compte, que c’est la base de la réalité. Les illusions sur les possibilités de se débarrasser rapidement de la crise sanitaire sont un équivalent de l’idéalisme qu’on trouve dans les autres domaines, telle la philosophie individualiste-subjectiviste de l’art contemporain, les obsessions égocentriques-identitaires LGBTIQ et racialistes, etc.
b) l’affirmation de l’ouverture de la seconde crise générale du capitalisme
De par la nature de la crise, seule une compréhension approfondie du matérialisme dialectique permettait de saisir le processus qui s’ouvrait. Il fallait en effet comprendre que le capitalisme avait rendu aigu la contradiction entre le travail intellectuel et le travail manuel, et que cela avait renforcé d’autant plus la contradiction villes-campagnes.
Pour dire les choses plus directement : seules les personnes ayant saisi le rapport erroné de l’humanité aux animaux, à la Nature, étaient en mesure de comprendre que la situation procédait d’un dérèglement de la Biosphère provoqué par un capitalisme conquérant.
La crise sanitaire indique que le capitalisme se heurte désormais à la vie elle-même. Le PCF(mlm) constate en mars 2020 dans son document La maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) : un produit du mode de production capitaliste :
« L’irruption d’une souche de coronavirus particulière, jamais encore identifiée chez l’être humain, ne doit rien au hasard.
C’est un produit – entièrement nouveau, un saut qualitatif du virus – de la collision entre les villes et les campagnes provoquée par le mode de production capitaliste (MPC).
Ces villes et ces campagnes sont, qui plus est, elles-mêmes largement façonnées par le MPC, ce qui est vrai du mode de vie de l’humanité en général. Et tout cela se déroule de manière planétaire.
Il ne faut donc pas penser que la crise sanitaire vienne de l’extérieur de l’humanité, de l’extérieur du MPC, bien au contraire. Elle naît de l’intérieur même du MPC et du monde qu’il a formé à son image.
Un monde qui n’est nullement fini, ferme, stable, permanent… et qui s’effondre sous les coups de boutoir de ce qui est nouveau, exponentiel, en rupture (…).
Plus le MPC se développe, plus il se confronte à sa limite, son incapacité à amener la reproduction élargie de la vie sans rentrer en contradiction antagonique avec la vie elle-même.
Tant que le capital sera aux mains de personnes particulières, il cherchera de manière irrationnelle sa reproduction élargie et produira une systématisation forcée de la valorisation du capital – c’est-à-dire l’utilisation de ce qui existe, le plus possible, pour amener une production capitaliste, une consommation capitaliste.
La destruction de tout ce qui est naturel est inévitable pour un mode de production dont la fonction est l’accumulation dispersée, désordonnée, systématique et par cycles toujours plus puissants, par un capital toujours plus unifié et violent.
La crise de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) montre que la transformation de la réalité par le MPC a atteint une dimension planétaire et que le seuil de la rupture a été atteint.
Il y avait déjà de nombreux signes indicateurs. Le MPC cherche à forcer le cours des choses, à faire en sorte que tout s’insère parfaitement en lui, quitte à être violemment déformé, broyé, refaçonné.
Le MPC dynamite déjà littéralement le fonctionnement naturel des choses. Il déforme tout ce qui existe pour l’insérer dans le marché capitaliste. Cela est vrai pour les animaux employés dans l’industrie, qui sont modifiés génétiquement que ce soit pour l’alimentation ou pour le secteur des animaux de compagnie.
Cela est vrai pour la végétation et la vie sauvage en général, dont la richesse, la multiplicité, le foisonnement… sont considérés comme hostiles par le MPC, car porteurs de qualité, irréductibles à une simple lecture quantitative.
Cela est vrai pour le mode de vie humain ; il suffit de penser à la consommation de viande, l’utilisation massive du sucre et des produits stimulants (caféine, théine), la généralisation de produits transformés, la multiplication des marchés spécifiques (halal, cacher, sans gluten, produits simili-carnés, etc.).
Et même si les conditions de travail se sont améliorées, elles impliquent une tension humaine bien plus immense, ainsi qu’une déformation profonde de la personnalité. Rien que le travail de nuit s’est considérablement élargi, concernant plus de 15 % des travailleurs en France, avec des conséquences terribles sur la santé.
Le MPC tente concrètement de modifier sa propre base matérielle, afin d’éviter d’atteindre sa propre limite historique, et ce faisant il l’atteint.
Car le MPC rentre ainsi en contradiction avec sa propre base matérielle pour forcer son propre développement – la réalité devient antagonique au MPC. »
c) le renforcement généralisé de la tendance à la guerre pour le repartage du monde
Confrontés à un affaiblissement généralisé, les États ont dû prendre des initiatives pour chercher à surmonter leurs faiblesses et cela a souvent impliqué de le faire aux dépens des autres. Les États-Unis rachetaient par exemple à prix fort, au pied des avions chinois sur l’aéroport même, des cargaisons de masques destinés à l’Europe ; des accords secrets ont lieu entre des États et des entreprises afin de s’approvisionner en priorité en vaccins.
La tension est d’autant plus grande que les États-Unis se sont précipités dans la crise sanitaire alors que son challenger chinois s’en est rapidement extirpé. La tendance à la guerre impérialiste a ainsi été puissamment renforcée, raccourcissant d’une ou deux décennies les échéances guerrières inévitables entre les protagonistes.
Certains pays sont dans ce cadre plus agressifs que d’autres et c’est notamment le cas de la France, qui voit son statut de grande puissance vaciller, comme en témoigne son incapacité à produire un vaccin malgré sa gigantesque industrie pharmaceutique.
L’Union Européenne a d’ailleurs entièrement failli sur ce plan, révélant au grand jour qu’elle est une simple superstructure aux échanges capitalistes et nullement une union réelle de différents peuples, et encore moins une force unitaire capable de faire face à des défis.
La crise sanitaire a ainsi rebattu les cartes d’une concurrence capitaliste déjà exacerbée, comme le montre le BREXIT issu de la ligne solitaire de la Grande-Bretagne.
Elle n’amène pas une tendance à ce que la guerre se déclare : celle-ci se réalise déjà, de manière indirecte, par puissances intermédiaires, ou bien dans la course aux armements, les différents accrochages, les actions d’espionnage et de piratage informatique, l’expansion de la présence militaire, etc.
Le processus est déjà enclenché, le repartage du monde est la seule porte de sortie pour les capitalistes : la restructuration du capitalisme ne suffira pas, l’exploitation accrue des travailleurs ne suffira pas. Le capitalisme est touché à mort dans sa nature même, son expansion est bloquée.
La guerre impérialiste apparaît chaque jour davantage comme la menace principale pour le monde et seuls ceux qui ont compris la nature de la seconde crise générale du capitalisme peuvent en saisir l’ampleur : leur responsabilité est donc immense eu égard aux peuples du monde.