Brigades Rouges – Noyaux Armés Prolétaires: Pour l’unité de la guérilla (1976)

Noyaux Armés Prolétaires
Brigades Rouges

Pour l’unité de la guérilla (1er mars 1976)

Camarades,

Les multinationales, Agnelli, Cefis, la Confindustria (Confederazione Générale dell’Industria Italiana) ont déclenché depuis longtemps une grande attaque contre la classe ouvrière, en créant, par des licenciements massifs et le coût de la vie croissant, un climat de terreur avec lequel ils espèrent avoir ensuite carte blanche pour rétablir leurs profits, que les luttes ont définitivement compromis.

Mais ils savent que tout cela ne suffit pas et que leur « ordre » devra être imposé par les armes. Dans ce projet, les carabiniers (CC) représentent la pointe de diamant et le noyau stratégique de la répression armée contre-révolutionnaire.

C’est ainsi que, dernièrement, la pratique de l’homicide contre les prolétaires avec laquelle les CC ont construit leur « lumineuse » histoire, s’est déchaînée dans la tentative de liquider les avant-gardes révolutionnaires.

La mise en marche de tout leur appareil terroriste veut rejoindre l’objectif de décourager et vaincre toute phase de résistance prolétarienne.

La « permission de tuer » de la célèbre loi Reale est devenue un « ordre de tuer » explicite.

La politique suivie par le parti de Berlinguer, qui jusqu’ici pouvait être prise pour une complaisance honteuse avec les patrons » se révèle maintenant être une vraie complicité dans les plans de restructuration de l’ordre impérialiste des multinationales de la classe ouvrière :

– s’organiser sur le terrain de la guerre de classe, de la
lutte armée pour empêcher qu’à travers l’oppression militai
re, l’Etat impérialiste des multinationales décrète sa défaite

– lutter dans n’importe quel milieu pour approfondir la crise de la bourgeoisie, parce que les besoins prolétariens sont, aujourd’hui plus que jamais, antagonistes à ce qu’attendent les patrons, et leur seul intérêt est la Révolution Communiste

– unifier le mouvement ouvrier autour de la stratégie de la lutte armée pour le pouvoir prolétarien en isolant et en
écrasant les paladins du « compromis » et de l' »Intérêt
national ».

L’attaque des casernes des CC n’indique pas un gout de la représaille, mais une ligne de lutte que nous entendons poursuivre avec toutes les autres forces révolutionnaires JUSQU’A LA VICTOIRE !

PORTER L’ATTAQUE CONTRE L’ETAT !

IL NE DOIT Y AVOIR QU’UNE SEULE FORCE ARMEE : LES PROLETAIRES AVEC LE FUSIL A L’EPAULE !

LUTTE ARMEE POUR LE COMMUNISME !

Le 1er Mars 1976 des noyaux armés des B.R. et des N.A.P. ont attaqué simultanément les casernes de CC suivantes, détruisant de nombreux engins militaires :

Milan : commandement de la Compagnie de Rhô, via Buon Turin : caserne de Madonna di Campagna, via Zubrieno
Gêns : commandement de la Compagnie de Sampierdarena, corso L.A. Martinetti n. 7
Rome : 3 casernes de carabiniers ont été attaquées : caserne de Quadraro, celle de via Quintilli 130 et la caserne Garbanella de via Luigi Orlandi 8
Naples: caserne zone Fuorigrotta, via Benedetto Cariteo Florence : caserne du Campo di Marte
Pise : la brigade d’assaut « Dante di Nanni » a attaqué la caserne des carabiniers de via Guido da Pisa.

Camarades,

Le présent communiqué est signé par deux organisations combattantes : Brigades Rouges et Noyaux Armés Prolétariens.

Dans la perspective de la construction du Parti Combattant, il faut oeuvrer pour la réunification de tout le mouvement révolutionnaire, en faisant tous les efforts pour que de chaque expérience de lutte armée naisse une capacité de plus en plus grande, tant du point de vue politique que militaire et d’organisation du prolétariat révolutionnaire.

C’est dans ce sens qu’une confrontation politique est en cours depuis longtemps entre les B.R. et les N.A.P.

Une fois vérifié qu’il n’existe pas de divergences stratégiques substancielles entre les deux organisations, celles-ci permettent toutefois des diversités de praxis politique dues surtout à l’histoire différente des B.R. et des N.A.P. et au chemin différent parcouru Jusqu’ici.

Donc, dans le respect de leur propre autonomie, les B.R. et les N.A.P. peuvent jusqu’à présent pratiquer des luttes communes et réaliser une unité d’action en un front unique de combat.

A la bourgeoisie, qui a tout intérêt à présenter les forces combattantes comme étant divisées, brisées, dispersées, il faut opposer une unité de plus en plus grande des Organisations Révolutionnaires qui combattent pour une société communiste par la stratégie de la lutte armée.

FACE A L’ENNEMI COMMUN, UNITÉ DES FORCES COMBATTANTES !

TOUT LE POUVOIR AU PEUPLE ARMÉ !

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Quatre questions aux Noyaux Armés Prolétaires (1975)

[20 Juin 1975.]

1) COMMENT SONT NES LES NOYAUX ARMES PROLETARIENS ET QUELS OBJECTIFS SE PROPOSENT-ILS ?

Les N.A.P. sont nés d’expériences de masse précises dans différents secteurs, qui ont poussé certains camarades à se poser concrètement le problème de la clandestinité.

Pour nous, clandestinité signifie conquérir des structures politiques et d’organisation qui nous permettent de développer et de consolider toutes ces expériences de lutte violente illégale qui furent et demeurent une période centrale pour la croissance de l’autonomie prolétarienne et de l’alternative révolutionnaire dans la lutte de classe de l’Italie d’aujourd’hui.

Par lutte violente illégale, nous entendons soit des expériences de masse telles que l’occupation de FIAT, S.Basilio, les journées d’Avril à Milan, soit la lutte conduite par des avant-gardes armées clandestines accomplissant toutes les actions qui ne peuvent être organisées à un niveau de masse, bien que répondant à des exigences profondes et générales du mouvement révolutionnaire dans la période actuelle, celle-ci ne pouvant pas, selon nous, être considérée comme pré-insurrectionnelle.

Ces actions sont pour nous les pointes émergeantes d’une pratique politique quotidienne, d’une vraie praxis alternative qui s’est répandue assez massivement ces dernières années en Italie, et représente une première ébauche d’un programme communiste général.

Pour nous, l’unique terrain d’évolution commune et d’homogénéisation fut la construction d’une expérience de lutte armée, période essentielle de notre développement, dont la continuité a été assurée par une croissance permanente de l’organisation.

C’est le seul terrain sur lequel il a été possible de réaliser en nous-même un niveau d’unité non formel.

Les développements des différentes expériences ont amené à la création de noyaux de camarades qui agissent dans des endroits et des situations diverses, de manière totalement autonome et qui conservent entre eux un rapport d’organisation et de confrontation politique.

Nous voyons le sigle « Noyaux Armés Prolétariens », non comme une signature qui caractérise une organisation avec un programme d’ensemble, mais comme une synthèse de caractères propres à notre expérience.

Pour définir encore mieux l’autonomie des différents noyaux, les camarades qui ont répondu à ces questions ont signé leurs actions « Noyau armé 29 Octobre ».

2) QUELS RAPPORTS LES N.A.P. ONT OU VEULENT-ILS AVOIR AVEC LES ORGANISATIONS DE MASSE NON CLANDESTINES ?

Nous pensons que l’on peut, aujourd’hui en Italie, s’organiser et agir efficacement de manière non clandestine.

Il faut cependant garder bien présent à l’esprit que la dureté et la violence de la lutte des classes demandent de la part de tous les camarades révolutionnaires, quel que soit le secteur de la société où ils agissent, qu’ils soient conscients de la nécessité de construire des niveaux de clandestinité qui leur permettent, non seulement de résister à la répression qu’ils auront à subir, mais aussi de pratiquer efficacement, et avec le maximum de sécurité possible, les formes de lutte illégales et violentes que leur travail de masse, quel qu’il soit, réclame.

Sur les rapports que nous avons avec les camarades non clandestins : d’une part, ils veulent mettre à leur disposition les instruments pratiques et théoriques qui nous viennent de notre expérience de la clandestinité, d’autre part, ils nous sont utiles pour trouver, à travers une confrontation la plus large possible, de nouvelles formes à nos actions, de nouveaux objectifs, des éléments qui accélèrent le développement de notre expérience et donc, du mouvement révolutionnaire dont nous sommes une composante.

Naturellement, ces rapports revêtent différentes formes qui dépendent :

a) du niveau réel d’illégalité réclamé par la situation où opèrent les camarades auxquels nous sommes confrontés,

b) de la maturité avec laquelle ils affrontent le problème de la clandestinité et les risques qui y sont liés pour eux et pour nous,

c) de notre pouvoir à nous mesurer réellement avec le niveau de lutte de classe dans les différents secteurs avec lesquels nous entrons en contact, et donc de donner une contribution non formelle à la croissance révolutionnaire dans ce secteur.

Il fauten effet être conscient que les expériences et les situations de militantisme au milieu desquelles on agit dans l’Italie d’aujourd’hui ont encore des caractéristiques assez particulières pour lesquelles il n’est pas dit que les périodes et les formes de la clandestinité qu’il est nécessaire de pratiquer, soient homogènes entre elles. Cependant aujourd’hui déjà, certains mouvements comme les journées d’Avril à Milan constituent une échéance pour le mouvement tout entier et donc aussi pour nous.

C’est ainsi qu’il faut voir notre action à Rome contre Filippo De Jorio, agent du S.I.D. (Service Information de la Défense) et conseiller régional Démocrate Chrétien.

La confrontation pratique et théorique avec les camarades de l’extérieur doit nous faire poursuivre l’objectif d’une réelle unité d’action dans des occasiona comme celle-ci, soit pour les développer au plus haut niveau possible, soit pour expérimenter de nouvelles formes d’action et d’organisation.

3) QU’AVEZ VOUS A DIRE AU SUJET DE L’IMAGE QUE LA PRESSE BOURGEOISE ET NEO-REFORMISTE DONNE DE VOTRE EXPERIENCE ?

En ce qui concerne la presse bourgeoise, la seule chose à dire, c’est qu’elle assume son devoir de provocation et de calomnie contre les avant-gardes révolutionnaires, méritant la paye des patrons.

Certains journalistes et journaux, que nous n’oublierons pas, ont exécuté ce rôle avec un zèle particulier ; en ce qui concerne les presses réformiste et néo-réformiste, dans leur peur de perdre la petite part légale qu’elles se sont créées dans un Etat où la légalité est celle des patrons, elles sont habituées à crier à la provocation chaque fois qu’elles sont confrontées à la violence prolétarienne armée et se conduisent en vrais chacals quand elles subissent des défaites.

Leur rôle (Avant-Garde Ouvrière en tête) se présente objectivement comme provocateur.

Il est tempe que chacun prenne ses responsabilités.

D’une part, des camarades tombés ou arrêtés ont été calomniés, d’autre part, en acceptant pleinement et même en enrichissant de détails inventés de toutes pièces les versions que la police fournissait de nos actions, ils ont introduit un soupçon d’infiltrations pour discréditer un choix et des hypothèses politiques, et les périodes d’organisation qui en découlent.

Tout ceci en faisant étalage d’une attitude professorale et experte en problèmes de clandestinité, attitude profondément ridicule pour tous les camarades qui connaissent le passé de fainéants des aspirants conseillers communaux Corvisieri et compagnie, ainsi que les exploits héroïques des divers « services d’ordre » à commencer par celui d’Avant-Garde Ouvrière, plus connu sous le nom de « brigade lièvre ».

Les Noyaux Armés Prolétariens se sont caractérisés jusqu’ici par la parfaite connaissance réciproque de tous les militants de chaque noyau, qui est autonome politiquement et dans son organisation.

A travers la discussion et le travail politique commun, on tend à avoir le contrôle réciproque maximum sur les militants et les structures.

Cela ne veut pas dire que l’on ne commette pas d’erreurs technico-militaires ou d’évaluation politique dans certaines actions.

Ces erreurs très lourdes de conséquences sont difficiles à éviter quand on fréquente un terrain, celui de la construction d’une organisation clandestine, pour lequel les expériences sont extrêmement limitées.

Nous revendiquons comme notre patrimoine les erreurs commises et tenons comme fondamental de les comprendre : trop de fois nous avons payé pour notre inexpérience et trop de fois aussi pour la légèreté des camarades extérieurs à nos structures, sur lesquels nous n’avons pas eu le contrôle nécessaire.

Pour terminer, les camarades, et spécialement ceux qui agissent ou désirent agir dans la clandestinité, doivent être bien conscients du renforcement qualitatif et quantitatif continuel de l’appareil répressif bourgeois et le coût politique, humain, organisationnel, que cela comporte.

A chacune de nos actions, nous nous renforçons au niveau politique et d’organisation, cependant, nous nous battons avec une répression plus forte et raffinée.

Dans cette situation, il serait illusoire de penser pouvoir éviter les erreurs et les défaites qui peuvent même être fatales pour tel noyau ou tel autre.

La valeur d’une expérience de clandestinité doit être évaluée seulement pour juger si elle se présente ou non comme une composante du projet d’ensemble que le prolétariat est en train d’élaborer actuellement en Italie.

4) SUR LES BASES DE QUELLES ANALYSES ET DANS QUELLES PERSPECTIVES ENTENDEZ-VOUS AGIR ?

Avant tout, précisons que d’après nous, le mouvement révolutionnaire en Italie n’a pas encore atteint un niveau et une généralisation telles pour posséder une réelle analyse qui prévoie sur le plan tactique et stratégique l’époque et les formes du combat de classe, et un programme communiste articulé à tous les aspects de la société.

Il y a sans doute certains points théoriques et pratiques arrêtés qui sont le patrimoine du mouvement révolutionnaire, tels que : le refus du travail dans sa forme actuelle, la lutte violente contre l’oppression capitaliste, le droit de se réapproprier complètement ea propre existence.

Il s’agit plus d’un programme pratique que théorique, programme d’ores et déjà posé en actes à un niveau de masse.

Certains camarades en sont plus conscients et en voient plus clairement les implications, d’autres en ont une conscience théorique moins claire mais leur praxis politique est différente.

La dimension de masse de ces faits et le potentiel révolutionnaire qu’ils peuvent exprimer nous semblent amplement démontrés par des dizaines d’épisodes particuliers de la lutte de classe dans ces dernières années et par les époques générales de lutte auxquelles nous avons été confrontés.

A l’intérieur de ce processus dont nous sommes une composante, nous entendons développer au maximum nos capacités d’intervention, soit pratiques, soit comme contribution théorique sur la base de notre expérience.

Le fait d’avoir amené récemment à leur terme, dans de bonnes conditions, certaines opérations ne nous fait pas penser que nous sommes invincibles.

La mort des camarades Sergio, Luca Vito, la valeur des camarades arrêtés et condamnés, souvent sur la base de fausses preuves, par lesquels nous avons payé toute erreur minime, ne sont pas choses que l’on peut sous-estimer.

Mais nous tenons à répondre par notre action et par nos expériences à une réelle exigeance de la lutte des classes, et à contribuer au développement du programme communiste.

Ce fait et cette perspective justifient les risques que nous courrons.

CREER, ORGANISER 10 100, 1000 NOYAUX ARMES PROLETARIENS

LUTTE ARMÉE POUR LE COMMUNISME 

>Sommaire du dossier

Brigades Rouges: Communiqué du 15 mai 1975

[Ce communiqué revendique la « jambisation » de Massimo De Carolis lors de l’attaque menée contre le siège d’Initiative Démocratique à Milan le 15 mai 1975]

Une unité armée des Brigades Rouges a recherché et éliminé un nid démocrate-chrétien situé au 15 de la rue Monte de Pieta : le siège d’Initiative Démocratique, un groupe de provocateurs anti- communistes mieux connu sous le nom de « bande à De Carolis ».

La Démocratie Chrétienne est le dirigeant politique principal du plan pour la réorganisation impérialiste de l’Etat. C’est le centre d’unité pour le regroupement des forces réactionnaires et contre- révolutionnaires qui ont uni Fanfani à Tanassi, Sogno Pacciardi, Almirante et les groupes terroristes.

LA DC EST L’ENNEMI PRINCIPAL DU MOMENT : c’est le parti organique de la bourgeoisie, des classes dominantes et de l’impérialisme.

C’est le centre politique et organisationnel de la réaction et du terrorisme.

C’est la force motrice de la contre-révolution générale et la force directrice du fascisme moderne : le fascisme impérialiste.

Nous ne devons pas nous laisser tromper par les «professions de foi démocratiques et anti-fascistes» qui sont faites de temps en temps par certains leaders de ce parti.

Ces professions de foi sont faites parce qu’elles répondent au besoin tactique de maintenir en vie la dialectique entre «fascisme» et «anti-fascisme» qui permet à la DC de récolter des voix, en faisant croire au peuple qu’en tant qu’opposée au danger «fasciste», la «démocratie réformée», c’est-à-dire l’Etat impérialiste, est une meilleure chose.

Le problème posé aux avant-gardes révolutionnaires est faire toute la clarté sur ce manège, en frappant ses nids cachés, ses connexions, ses connivences et ses plans.

La DC n’est pas seulement un parti, c’est l’âme noire d’un régime qui depuis 30 ans opprime les masses populaires et ouvrières du pays. Cela n’a aucun sens d’être en paroles pour la défaite de ce régime et de proposer en fait un compromis historique avec la DC. Cela a encore moins de sens de bavarder au sujet de la façon de le réformer.

LA DC DOIT ETRE LIQUIDEE, BATTUE ET DISPERSEE.

La ruine de ce régime doit emporter avec elle cet immonde parti et l’ensemble de ses dirigeants, comme cela est arrivé en 1945 au régime fasciste et au parti de Mussolini.

La liquidation de la DC et de son régime est la prémisse indispensable pour atteindre un véritable « tournant historique » dans notre pays. Voilà la tâche principale du mouvement.

Initiative Démocratique est un centre réactionnaire et contre- révolutionnaire étroitement lié aux structures politiques et économiques de la métropole milanaise.

Les hommes de ce centre, qui selon les mots de son leader Massimo De Carolis représentent aujourd’hui « la plus importante force démocrate-chrétienne de la ville et de la région, et numériquement le groupe le plus fort au conseil municipal » sont tous compromis, de façon ouverte ou dissimulée, avec la réaction la plus sinistre.

En ce moment, la bande à De Carolis est en train de préparer dans sa tanière une campagne électorale visant à « drainer les voix des Milanais vers la DC et celles de la DC vers les candidats du parti les plus sûrs ».

Avec cette action, nous avons donné une anticipation du jugement que les prolétaires portent sur lui, ses associés et son immonde parti.

Mais ce n’est qu’un acompte. Le reste il pourra l’encaisser directement dans les quartiers prolétaires s’il essaie d’y poser un seul pied.

Les lois spéciales pour l’ordre public désirées par la Démocratie Chrétienne encouragent l’usage des armes contre la « criminalité politique ». Nous avons, pour une fois, suivi cet avis en tirant dans les jambes d’un des partisans les plus convaincus de ces lois liberticides.

Il méritait certainement plus, mais pour ces choses-là rien ne presse. Nous pouvons très vite serrer la vis et identifier qui sont les vrais « criminels » !

PORTER L’ATTAQUE CONTRE LES TANIERES DEMOCRATES-CHRETIENNES, FOYER DU CRIME DE DROIT COMMUN ET DU CRIME POLITIQUE, DE LA REACTION ET DE LA CONTRE-REVOLUTION.

BRIGADES ROUGES

15 mai 1975.


Nous précisons qu’il n’existe aucun lien organisationnel ou opérationnel entre les Noyaux Armés Prolétaires (NAP) et les Brigades Rouges. Vive la lutte des Noyaux Armés Prolétaires !                          

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Brigades Rouges: Résolution de la direction stratégique (1975)

avril 1975

 » Les Etats-Unis ont choisi d’être l’ennemi mortel de tous les gouvernements populaires, de toutes les mobilisations de la conscience socialiste scientifique partout dans le monde, de tous les mouvements anti-impérialistes de la terre. Leur histoire dans les cinquante dernières années et plus, les caractéristiques intrinsèques de leurs structures fondamentales, leur dynamique politique, économique et militaire, font des Etats-Unis le prototype de la contre-révolution fasciste internationale « .

George L. Jackson

Nous commençons ce texte par une citation du grand combattant afro-américain assassiné par les gorilles impérialistes dans la prison de S. Quentin parce qu’elle saisit dans son essentiel le coeur d’une question fondamentale pour nous: la question de l’impérialisme.

On peut résumer les termes généraux du problème de la façon suivante.

L’impérialisme est un système de domination mondiale au centre duquel se trouvent les Etats-Unis, au milieu desquels siègent les grandes compagnies multinationales et leurs intérêts.

Au cours des années, ce système s’est articulé et stratifié en zones fonctionnelles de production et de consommation qui sont en même temps des zones politiques et militaires. Les pays du « vieux continent » composent une importante aire économique, politique et militaire de l’impérialisme.

Cette aire, d’un point de vue capitaliste substantiellement homogène, est définie en termes stratégiques comme « système démocratique occidentale ».

Récemment, après la victorieuse lutte de libération du Viet-Nam et du Cambodge, après la crise de Chypre et du Moyen-Orient, ce « système » avec le Japon est devenu le banc d’essai du système impérialiste tout entier.

Cela veut dire que c’est principalement en Europe que se joueront toujours plus la permanence et le bouleversement des équilibres mondiaux sanctionnés par la deuxième guerre mondiale.

En d’autres termes, l’unité économique politique et militaire, sous le signe atlantiste, de cette zone, est décisive pour les Etats-Unis.

Et c’est à tel point qu’il n’est pas du tout hasardeux de soutenir que du point de vue « amérikain » (qui n’est pas seulement celui des USA mais aussi celui de ses alliés atlantistes), le « système démocratique occidental  » constitue dans cette conjoncture une totalité stratégique (politique, économique, militaire) qui n’admet pas de mutilations et ne tolère pas de modifications de substance.

L’Italie, en tant que composante organique de ce système et donc du système impérialiste mondial dirigé par les USA, se trouve dans une position extrêmement importante parce que: -avec la crise de régime qui l’afflige, elle forme un facteur de crise du dispositif impérialiste tout entier, -par la grande influence qu’a le PCI (parti communiste italien), elle constitue un point fort du dispositif social-impérialiste et après les récents événements portugais, cela n’est pas négligeable; -par l’énergie assez importante du mouvement révolutionnaire, elle peut se transformer en une zone révolutionnaire explosive de l’Europe.

Cette situation est très favorable pour les forces révolutionnaires de notre pays car, au niveau mondial, l’impérialisme est secoué de violentes convulsions et tout fait penser que le pire n’est pas encore arrivé.

La crise qu’il traverse est sans aucun doute la plus grave depuis la deuxième guerre mondiale, elle est en même temps économique, politique et militaire.

Economique parce c’est une crise cyclique de surproduction en présence d’une inflation galopante et d’un désordre financier et monétaire jamais enregistré; politique puisqu’elle déchaîne les facteurs d’instabilité de certains régimes subalternes et attise la lutte ouvrière, prolétarienne et révolutionnaire des classes opprimées tant aux USA qu’en Europe.

Militaire puisqu’elle détermine un décollement croissant de l’OTAN et la défection de certains pays importants.

Les luttes des peuples et des classes qui avec une détermination révolutionnaire, ont opposé une résistance idéologique, politique et armée à des prétentions hégémoniques planétaires, ont été une force de déchaînement de la crise.

Plus précisément, les contradictions qui ont contraint l’impérialisme à la « crise », à la défensive et donc à entrer dans la phase historique de sa dissolution sont au nombre de trois :

-les pays qui luttent pour leur libération et pour le communisme;

-le social-impérialisme soviétique, lui aussi intéressé par le contrôle des zones stratégiques, le ratissage des matières premières, les nouveaux marchés et les débouchés pour ses investissements;

-les luttes ouvrières et la montée des guérillas prolétariennes dans ses centres industriels et métropolitains.

C’est dans la dialectique complexe entre ces contradictions qui pousse irréversiblement vers une redéfinition des rapports de force entre impérialisme, social-impérialisme et forces révolutionnaires et donc qui alimente, dans le monde capitaliste occidental en général, et en Italie en particulier, des conditions objectivement favorables à la croissance de l’initiative ouvertement révolutionnaire.

Il appartient aux classes révolutionnaires et à leurs avant-gardes politiques et militaires de saisir l’occasion.

Sur la scène européenne, l’impérialisme réagit à sa crise en poursuivant trois objectifs fondamentaux :

-favoriser un processus de contre-révolution globale et ouverte  contre toute force antagoniste,

-mesurer de nouveau à l’intérieur de chaque pays la force de la classe ouvrière et rétablir des rapports de force favorables aux classes dirigeantes locales  » assurément atlantistes « , -décourager les velléités autonomistes qui ont fait leur chemin dans certains pays pour les reconduire sous  » l’aile américaine « .

Manoeuvres économiques et services secrets travaillent assidûment dans cette perspective.

L’utilisation de la « crise du pétrole » en est le dernier exemple même si, à l’épreuve des faits, il s’est montré une arme à double tranchant.

En effet, si d’un côté l’inflation sauvage, la récession économique et le danger d’une vraie dépression ont permis le chantage politique (« si vous voulez combler le déficit pétrolier et remettre en ordre, au moins en partie, les balances des paiements avec nos emprunts, il faut liquider sans hésitation les poussées « communistes » qui érodent à la base la stabilité des régimes politiques »); de l’autre côté, ils ont rendu plus aigués les tensions de classe et ainsi favorisé les poussées révolutionnaires.

Toutefois, il apparaît clairement que « crise de l’impérialisme », dans l’immédiat, ne signifie pas « effondrement » mais contre-révolution impérialiste globale, c’est-à-dire :

a) restructuration des modèles économiques de base;

b) restructuration rigidement planifiée des fonctions économiques à l’intérieur d’une division internationale du travail et des marchés;

c) réajustement des structures institutionnelles, militaires et étatiques des régimes moins stables et plus menacés dans le cadre de l’ordre impérialiste.

Affirmer que l’Italie est le maillon faible du « système démocratique occidental » veut donc aussi dire que c’est le pays où la contre-révolution se déchaînera le plus fort et le système impérialiste entier assumera la responsabilité de ce processus.

Cela signifie que le prolétariat italien, à mesure que la guerre de classe s’intensifie dans le pays, ne se trouvera pas seul pour « régler ses comptes » avec un ennemi interne, mais bien avec l’entière organisation économique, politique et militaire de l’impérialisme.

Cela veut dire, plus généralement, que la guerre de classe révolutionnaire dans les métropoles européennes est immédiatement, aussi, guerre de libération anti-impérialiste, parce que l’émancipation d’un peuple dans un contexte impérialiste doit affronter la répression impérialiste.

Il n’existe pas de « voies nationales » au communisme, parce qu’il n’existe pas actuellement de possibilité de se soustraire de façon singulière au système de domination impérialiste.
Face à la demande de pouvoir qui est à la base des mouvements des forces communistes qui oeuvrent sur le continent européen, la contre-révolution impérialiste assume une spécificité différente seulement par la forme et l’intensité, pas par la qualité.

Quelle différence y a-t-il entre la CDU et la DC?

Strauss est bien semblable à Fanfani!

Pour cet ensemble de motifs, l’internationalisme prolétarien est notre premier étendard de lutte; la zone continentale est le décor général dans lequel sont étudiées « les lois de la conduite de la guerre qui influent sur la situation d’ensemble de la guerre »; le territoire national est le théâtre opérationnel de notre guérilla; les pôles de classe industriels et métropolitains, les points de force et d’irradiation de la guerre civile révolutionnaire.

Aspects économiques de la crise du régime

Si l’on admet que la crise est le résultat de la contradiction qui a opposé les forces productives aux rapports de production capitalistes, donc de l’antagonisme exprimé continuellement par les luttes ouvrières des six dernières années, on en voit la spécificité économique.

La crise économique actuelle présente trois caractères principaux :

– c’est une crise de surproduction ou mieux de sous-consommation: après la forte expansion des années 50/60 (miracle économique à, nous sommes entrés dans une phase caractérisée par un fort déséquilibre entre la quantité de marchandises produites ou productibles et l’absorption du marché. Ceci est l’aspect historique de la crise actuelle;

– c’est une crise en présence d’une forte augmentation des matières premières, dont le pétrole. Ceci a pour effet que, dans la mesure où le prix des machines augmente, en conséquence de l’augmentation du prix,, soient des matières premières qui les composent, soient des matières premières auxiliaires à leur fonctionnement, le taux moyen de profit diminue proportionnellement. L’augmentation du coût des matières premières produit en outre la réduction ou l’arrêt du processus entier de reproduction du capital, soit parce que le produit de la vente des marchandises est insuffisant pour reproduire tous les éléments constitutifs de la marchandise elle-même, soit parce que la continuation du processus reproductif à une échelle correspondant à son élargissement technique est impossible;

-c’est une crise en présence d’une forte chute du taux moyen de profit. Ceci est l’aspect spécifique de la crise économique actuelle. Il est important d’analyser les conséquences que cette forte chute du taux moyen de profit a produit et produira sur la structure économique et politique du système.

Si la chute tendancielle du taux moyen de profit est une caractéristique fondamentale du processus capitaliste (d’autant plus que le capital constant tend toujours plus à augmenter par rapport au capital variable) en Italie dans cette dernière décennie (1966-1974) cette chute tendancielle a subi un processus d’accélération notable dû surtout au violent jaillissement de l’industrie chimique comme industrie impérialiste multinationale (Montedison).

L’industrie chimique est caractérisée en effet par un taux de plus-value élevé (c’est-à-dire hautes valeurs de la productivité pour chaque ouvrier), mais par un taux moyen de profits très bas.

Ceci entraîne qu’il est de plus en plus difficile pour un capitaliste dans la chimie de repérer à l’intérieur même du processus de production les capitaux nécessaires à la restructuration technologique, et il doit recourir à l’endettement.

Mais, étant donné la grande quantité de capital financier, il devient de plus en plus dur de ratisser ces fonds à l’intérieur du marché financier privé (finance privée et actionnariat), c’est pourquoi il doit recourir aux emprunts d’Etat.

Dans ces conditions apparaît pour le capitaliste de la chimie la nécessité d’établir de bons rapports avec l’appareil d’Etat pour obtenir ces prêts aux conditions les plus avantageuses.

De là à transformer l’appareil d’Etat en une structure étroitement subordonnée à ses exigences de développement, il n’y a qu’un pas et il est même absolument nécessaire.
L’Etat assume donc, dans le camp économique les fonctions d’une grosse banque au service des grands groupes impérialistes multinationaux.

Du moyen par lequel l’Etat/banque ramasse « au niveau social » ces capitaux nécessaires (qui ne sont autres que la plus-value globale « assignée » aux multinationales) naît le fort processus inflationniste caractéristique du développement capitaliste actuel, dominé par les grands, groupes impénalistes multinationaux.

Il est clair que le processus ici simplifié pour le secteur chimique est valable pour tout autre secteur où domine la structure capitaliste multinationale (c’est-à-dire pour Montedison, comme pour Pirelli) et pour toute fonction de l’Etat (économique, politique et militaire).

L’Etat devient l’expression directe des grands groupes impérialistes multinationaux, avec un pôle national.

C’est-à-dire que l’Etat devient une fonction spécifique du développement capitaliste dans la phase de l’impérialisme des multinationales; il devient: Etat impérialiste des multinationales.

Cela signifie aussi que l’Italie tente de rejoindre le modèle germano-américain.

Modifications sur la composante de classe.

Voyons les conséquences que la chute du taux moyen de profit produit sur la structure de classe.

Dans les secteurs où le taux de profit est très bas. on note une diminution absolue de la force-travail utilisée. Par exemple, pour la Montedison, dans les années 66-71. dans le secteur chimique, on a des investissements en installations fixes pour 600 milliards, avec une augmentation notable par rapport aux années précédentes, et une diminution de la force-travail de 70.761 à 70.661 unités.

Cette tendance est aussi plus que confirmée dans les quatre dernières années.

D’autre part, le système capitaliste, aussi en tant que producteur de la marchandise force-travail, produit une forte augmentation de la population globale. Il suffit de penser que, vers 1800, la population de la terre était évaluée à environ 1 milliards d’unités; avec l’avènement du système capitaliste, on assiste en 150 ans à une multiplication par quatre de la population mondiale (actuellement nous en sommes autour de 4 milliards).

De cela on peut tirer une généralisation: la chute tendancielle du taux moyen de profit produit une diminution de la force-travail utilisée par rapport à la population totale: c’est-à-dire que, face à une augmentation constante de la population totale, il n’y a pas une augmentation proportionneDe de la force-travail utilisée.

Nous avons dit précédemment que l’aspect scientifique de la crise économique est la forte chute du taux moyen de profit. Donc, on peut soutenir que la crise actuelle produira une diminution notable de la force-travail utilisée par rapport à la population globale.

Ce phénomène se développera de manière de plus en plus accélérée et sera une caractéristique constante de notre développement économique.

Tout ceci produit et produira sur la composante de classe des modifications stables que l’on peut schématiser ainsi. Par rapport à la population globale, on aura :

a) une diminution continue des salariés ayant un emploi stable;

b) une augmentation de « l’armée de réserve » (réservoir où puiser dans les moments d’expansion), c’est-à-dire des salariés ayant un emploi instable (voir actuellement.l’utilisation de la Caisse d’Intégration)

c) une augmentation de cette partie de la population qui sera éjectée définitivement par le processus capitaliste (les marginaux).

Ce dernier phénomène ne s’était pas manifesté nettement jusqu’à présent grâce à l’émigration qui a signifié pour toute une période, le débouché à la surproduction de force-travail.

Actuellement, étant donné la forte chute du taux moyen de profit, cette soupape de sécurité ne peut plus fonctionner. Les émigrés retournent chez eux pour repeupler le rang des chômeurs totaux ou partiels, c’est-à-dire, en définitive, des marginaux.

Par rapport aux comportements de classe, on peut formuler l’hypothèse suivante:
– salariés ayant un emploi stable –

Une partie de ceux-ci reflète le niveau de conscience immédiate qui est la défense de leur condition de salariés (salaire équitable).

Ceux-là forment la base matérielle du réformisme.

Une autre partie, et c’est la couche la plus productive, celle dont l’exploitation s’accentue de plus en plus (travailleurs à la chaîne), développe une conscience révolutionnaire, c’est-à-dire l’abolition du travail salarié et la destruction de la société capitaliste.

– les marginaux

Les marginaux sont un produit de la société capitaliste dans sa phase actuelle de développement et leur nombre est en constante augmentation. Ils sont utilisés comme consommateurs par la société capitaliste en tant que société de consommation.
Ce sont toutefois des consommateurs sans salaire.

De cette contradiction naît la  » criminalité « .

L’utilisation  » économique  » de la criminalité de la part du capitalisme réside dans le fait que celle-ci contribue à la destruction de la marchandise nécessaire pour continuer le cycle.

Par exemple, on pourrait très bien construire des voitures à l’épreuve des voleurs, mais cela irait contre les intérêts de Fiat.

Une partie des marginaux reflète au niveau immédiat la conscience bourgeoise: individualisme extrême, aspiration à toujours « consommer  » plus.

Une autre partie reflète la conscience révolutionnaire d’abolition de leur condition de marginaux, d’où l’abolition de la société fondée sur le travail salarié.

– l’armée de réserve

En ce qui concerne l’armée de réserve, les niveaux de conscience sont donnés par l’entrelacement des niveaux de conscience rencontrés parmi les salariés ayant un emploi stable et les marginaux.

Le projet politique démocrate-chrétien

Si les années 70/74 ont été caractérisées par de fortes contradictions à l’intérieur de la bourgeoisie (par exemple: duel Montedison-Fiat), contradictions qui ont fendu verticalement la structure de l’Etat, des partis, des forces syndicales, la période actuelle semble caractérisée par une phase d' »armistice » entre les différents groupes capitalistes italiens: c’est-à-dire que face à l’aggravation de la crise les différents groupes capitalistes ont serré les rangs.

Armistice ne signifie cependant pas la fin des contradictions à l’intérieur du front bourgeois, cela signifie simplement un gel momentané de ces contradictions, gel qui se manifeste à travers un accord (lui aussi momentané) sur la répartition du pouvoir entre les groupes bourgeois les plus forts.

C’est au moyen de cette clef qu’il faut interpréter l’accord au sommet de la cofindustria au printemps 74 (Agnelli président et Cefis vice-président), l’unité établie autour de Fanfani des plus forts courants de la DC (Fanfaniens, Dorotéistes, Andreottistes, etc…), l’actuelle composition et la fonction du gouvernement Moro.

Penser que les contradictions qui divisent le front de la bourgeoisie sont des contradictions de caractère antagoniste serait donc une erreur.

Ce sont simplement des tactiques variantes du même projet: la construction de l’Etat impérialiste des Multinationales. L’essence du conflit inter-capitaliste se situe simplement en cela; quel sera le groupe impérialiste multinational qui, en guidant le projet de construction de l’Etat impérialiste, s’assurera la part la plus grosse du pouvoir.

Le projet politique de la DC, qui trouve en ce moment en Fanfani son interprète le plus autorisé, vise à faire de la DC elle-même, l’axe principal de ce projet d’Etat impérialiste.

En se posant à tout moment comme gérant de « l’armistice », la DC cherche à être l’élément de médiation dialectique continue entre les intérêts des différents groupes capitalistes.

Dans les intentions de la DC on devra ainsi réaliser, à l’intérieur d’un processus caractérisé par des contradictions dans le dispositif bourgeois et par une forte opposition entre bourgeoisie et prolétariat, la construction « pièce par pièce » de l’Etat impérialiste et, à la fin de ce processus, une complète intégration entre DC et Etat impérialiste.

Il est clair cependant que ce processus ne se déroulera certainement pas de manière pacifique, mais prendra de plus en plus les caractères de « guerre civile ».

Ceci aussi, et surtout, par la profonde crise d’hégémonie qui contraint la bourgeoisie, ses représentations politiques et les institutions de l’Etat, à résoudre les contradictions de classe de plus en plus au moyen de la force, c’est-à-dire en utilisant l’appareil de coercition tout entier, et seulement celui-là.

Le projet politique démocrate-chrétien, plus particulièrement, soutenu ouvertement aussi par Tanassi, Sogno et Almirante, se propose de construire autour du bloc intégrationniste de la DC, un « bloc historique » plus vaste et articulé ouvertement réactionnaire et contre-révolutionnaire, fonctionnel pour la construction de l’Etat impérialiste.

On joue les élections administratives de juin, et encore plus les prochaines élections politiques, dans cette perspective à long terme.

De même que les thèmes « dominants » de la propagande politique en ces sinistres campagnes électorales n’ont pas un caractère contingent comme paraissent le croire les révisionnistes, mais sont eux aussi une étape de la construction  » pièce par pièce  » de l’Etat impérialiste.

A cet égard la question de « l’ordre public » et de la guerre à la « criminalité politique » fait figure d’emblème, car elle vise moins à une augmentation des voix qu’à la militarisation préventive du territoire et de la lutte de classe, ou bien c’est un instrument direct de la nécessité de reconstruire un cadre des valeurs de masse qui consentent à la restructuration et à la concentration de tous les pouvoirs de l’Etat dans la perspective de la guerre civile contre-révolutionnaire.

Parce que c’est la voie, l’unique voie que la DC indique et suit pour faire front à la crise du régime.

Au-delà des apparences « conciliaires », ce que veut la DC, c’est un conflit entre les forces révolutionnaires et progressistes et le bloc historique contre-révolutionnaire.

Elle cherche une fente verticale qui marginalise et anéantisse les forces hostiles à la restructuration impérialiste de l’Etat du régime.

Elle propose de garantir aux patrons des multinationales impérialistes :

1) un renforcement des structures et de l’organe militaire clans les deux sens de fonctionnalisalion aux projets de l’OTAN et de spécialisation anti-guérilla contre la subversion interne;

2) la création d’une « magistrature de régime » et le raidissement des mesures pénales sur les chapitres particulièrement inhérent à la guerre de classe, de la législation sur la détention d’armes à celle sur la détention préventive, l’arrestation, les frontières, les peines exemplaires pour les militants révolutionnaires;

3) l’adoption de mesures « préventives » comme la militarisation des grandes villes, des institutions, des hommes les plus exposés du régime.

Et plus généralement, justement pour réaliser ces objectifs avec le plus petit nombre de contradictions, elle vise à une réforme constitutionnelle précise, à l’élection directe du président de la république et à une augmentation décisive du pouvoir de l’exécutif: en bref, à la « république présidentielle ».

Restructurer l’Etat pour battre le mouvement ouvrier sur le terrain de la guerre civile, tel est l’essentiel du projet politique démocrate-chrétien.

Le pacte corporatif

La tentative de construire des liens corporatifs entre la classe dirigeante du régime et les organisations syndicales des travailleurs joue un rôle plus important qu’on ne le croit pour la formation de l’Etat impérialiste.

Agnelli en tant que porte-parole du patronat tout entier, l’avait prévu dans son premier discours comme président de la confindustria, quand il soutenait la nécessité d' »en venir à un pacte social qui, trente ans après avril 45, redéfinisse les objectifs nationaux du peuple italien en vue des années 80-90.

Il ne s’agit cependant pas d’un pacte entre syndicats-patronat et gouvernement ».

Il l’a également confirmé cette année: « la dureté de la crise économique, ses complications d’ordre social et l’exigence d’un prompt retour au développement, donnent à l’organisation industrielle des objectifs de caractère général qui sont en grande partie communs aux organisations de travailleurs.

Je pense que les syndicats et patronat se trouvent devant le même problème: celui de la construction d’un cadre général, fait de choix et de directions qui favorisent non pas la consommation passive, les rentes, et l’accumulation parasitaire, mais bien l’initiative et la capacité ».

Donc, selon Agnelli les plus grandes forces industrielles-multinationales du pays devraient assumer une responsabilité plus directe dans la gestion du pouvoir en fixant une série de principes politiques et de solutions techniques pour réaliser une gestion commune de la crise d’aujourd’hui et de la reprise, demain, avec les confédérations syndicales et le gouvernement.

Ce qui nous intéresse, c’est qu’on justifie le « pacte social » non pas dans une fonction « anticonjoncturelle », donc comme accord tactique, mais comme exigence anticipée et, par conséquent, comme projet de stabilisation pour les années 80!

On peut définir ainsi l’opération d’emprisonnement que cela présuppose: incorporation organique de la classe ouvrière dans le capital et dans l’Etat.

Il s’ensuit la logique que la classe ouvrière, pour se sauver, doit sauver le patron; pour sauver le patron, doit sauver l’Etat; pour sauver l’Etat, doit assumer les coûts économiques de la reconversion de la production et les sacrifices de la restructuration impérialiste.

C’est une logique misérable et il faut en tenir compte uniquement parce qu’elle est faite justement par les directions des syndicats et du Parti Communiste.

Les argumentations pour la justification du « pacte corporatiste » sont fausses en ceci :

– on identifie l’intérêt ouvrier avec l’intérêt de développement du grand capital des multinationales, et l’intérêt des multinationales avec l’intérêt national;

– on introduit habilement par une disposition réformiste, l’exigence de reconversion productive du grand capital.

Le « pacte corporatif » en ce qui concerne l’usine veut cacher une réalité que les avant-gardes ouvrières appellent depuis des années « fascisme d’usine », c’est-à-dire une restructuration du cycle et de l’organisation du travail avec ses revers :

a) Rupture de la rigidité de la force-travail (mobilité: destruction systématique des noyaux d’avant-garde; utilisation plus grande des installations; intensification de l’exploitation);

b) Militarisation de l’appareil de domination (corporatisation des dirigeants, des cadres, des chefs; syndicalisme jaune; utilisation des fascistes pour les « travaux de basse oeuvre »; espionnage).

Quant à la lutte ouvrière, une conséquence décisive du « pacte » est donc une conception plus moderne de la répression: syndicaliste et flic, espionnage patronal et contrôle syndical se fondent en un but unique d’anéantissement de l’autonomie et de l’opposition.

La tendance, déjà démontrée dans de nombreuses usines où la lutte autonome est particulièrement incisive, qui voit les représentants syndicaux et les directions du personnel engagés à collaborer pour l’identification des « provocateurs » avec comme objectif spécifique leur élimination par le licenciement ou la dénonciation à la magistrature, cette tendance en est un exemple.

En substance, cette proposition corporatiste est résolument réactionnaire.

Elle préfigure une dictature féroce dans les conflits des forces de classe révolutionnaire; et, dans la mesure où elle s’affirme à l’usine, elle tend à se projeter sur le terrain politique général en fermant tout espace à la guerre de classe révolutionnaire.

Le compromis historique

La gauche officielle ne comprend pas les profondes transformations structurelles et politiques qui s’accomplissent sous l’égide de la DC et de la confindustria à l’intérieur de la contre-révolution globale impérialiste.

Le P.C.I. surtout montre son incapacité à indiquer une stratégie alternative de classe. La ligne rappelée au XTVème Congrès en est une évidente démonstration. Les données de la « stratégie » du Compromis Historique sont rendues caduques pour deux raisons: le caractère partisan de la guerre à outrance de l’impérialisme et le caractère réactionnaire et impérialiste de la DC.

Berlinguer, ce Kautsky de 1916, indique comme tendance au niveau mondiai et même justifie par le comportement des USA, la politique de la « coexistence » et de la « coopération », allant jusqu’à prophétiser « un système de coopération et d’intégration assez vaste pour dépasser progressivement la logique de l’impérialisme et du capitalisme et renfermer les les aspects les plus différents du développement économique et civil de l’humanité entière ».

Pour Berlinguer, il n’y a pas d’antagonisme entre impérialisme, social-impérialisme et révolution, mais des contradictions sur la voie d’une solution « pacifique » et « civile ».

La réalité l’a démenti.

La tendance générale aujourd’hui dans le monde est celle qu’indiquent les camarades chinois: c’est la révolution.

Impérialisme et social-démocratie se trouvent de plus en plus souvent en contradiction ouverte et les guerres de libération des peuples connaissent de nouvelles victoires.

C’est le cas au Viet-Nam, au Cambodge, ou au Portugal.

En ce qui concerne l’Italie, l’idylle philosophico-capitaliste de Berlinguer dépasse les limites de la pudeur.

Avec une opération théorique très éloignée du matérialisme historique et dialectique, il propose le « compromis avec les masses populaires catholiques », c’est-à-dire avec la DC dont il néglige, ou tout simplement, nie le caractère impérialiste, antinational et antipopulaire qui depuis trente ans fait de ce parti l’âme et le cerveau de toutes les poussées réactionnaires et fascistes, de plus en plus croissantes dans le pays.

On déserte le marxisme-léninisme, on s’éloigne de l’analyse de classe à un tel point que la contradiction principale est désormais présentée comme contradiction entre « démocrates » et « antidémocrates »; les premiers étant tous ceux qui agissent dans le milieu constitutionnel, les seconds, tous les autres, peu importe qu’ils soient fascistes, révolutionnaires ou ouvriers, qui poursuivent des objectifs de luttes « particularistes » ou « corporatifs ».

La fonction que s’est assigné le PCI est donc de récupérer à l’intériieur du système « démocratique » toutes les poussées antagonistes du prolétariat en les détournant en termes réformistes.

En effet, le « compromis historique » ne présuppose pas une opposition stratégique à l’égard du programme de réalisation de l’Etat impérialiste (dans l’Etat impérialiste « démocrate-chrétien », il y aura un peu plus de flics, dans celui du PCI un peu moins, mais seulement parce que chacun devra être son propre flic), mais se présente simplement comme une formule différente pour la gestion du pouvoir de ce même pouvoir.

Le « compromis historique » ne correspond pas à un besoin politique de classe, mais, plutôt, au profit opportuniste d’une couche de classe qui tire quelques misérables avantages du renforcement du système capitaliste. Pour cette raison le PCI s’oppose désormais violemment au mouvement révolutionnaire et aux forces de classe dont il tire sa vigueur et ses ressources.

C’est pourquoi les projets révisionnistes échoueront certainement.

Toutefois, il ne faut pas sous-estimer la fonction ambivalente que la ligne du « compromis historique » développe dans la crise du régime en une courte période :

– d’un côté il constitue un puissant facteur de crise politique du régime; il inspire la terreur et accélère les contradictions dans les secteurs les plus conservateurs et les plus réactionnaires.

-de l’autre il évite que le pays devienne ingouvernable, c’est-à-dire qu’il fasse obstacle au développement de la guerre des classes.

En effet, cela signifie que, alors que les secteurs conservateurs ou réactionnaires, préoccupés par la tournure des événements, conçoivent et développent des projets ouvertement contre-révolutionnaires, de larges secteurs du mouvement ouvrier et populaire restent prisonniers du piège paralysant qu’est la ligne du « compromis ».

Et cette ligne, en figeant les forces de classe, retarde et entrave la prise de conscience, au niveau de la masse, de la nécessité de la guerre, et ce, juste au moment où la situation est très favorable aux forces révolutionnaires. Dès qu’on oublie que ce sont les exploités qui doivent vouloir la guerre, on est prêt pour la paix du patron!

Porter l’attaque au coeur de l’Etat

Notre ligne, dans ce cadre général de projets et de contradictions, reste d’unifier et de renverser toute manifestation partielle de l’opposition prolétarienne en une attaque convergente au « coeur de l’Etat ».

Elle commence par la considération évidente, que c’est l’Etat, par son comportement, qui garantit et impose le projet global de restructuration et que, par conséquent, en-dehors du rapport classe ouvrière/Etat, il n’y a pas, comme de reste il n’y a jamais eu, de lutte révolutionnaire.

L’objectif intermédiaire est l’affaiblissement et la crise définitive du régime démocrate-chrétien, prémisse nécessaire pour un « virage historique » vers le communisme.

Le devoir principal de l’action révolutionnaire dans cette phase est donc la plus grande désarticulation politique possible tant du régime, que de l’Etat.

C’est-à-dire le plus grand développement possible de contradictions entre les institutions, à l’intérieur de chacune d’elles entre les différents projets tactiques de solution de la crise, et à l’intérieur de chacun d’eux.

Le passage à une phase plus avancée de désarticulation militaire de l’Etat et du régime est prématurée et donc échoue, pour deux motifs :

1) La crise politique du régime est très avancée, mais nous ne sommes pas encore près du « point de rupture »;

2) L’accumulation des forces révolutionnaires sur le terrain de la lutte armée, même si elle a connu une grande accélération dans les deux dernières années, n’est pas encore assez puissante, par son expansion sur le territoire et sa maturité politique et militaire pour consentir le passage à une nouvelle phase de la guerre.

La destruction de l’ennemi et la mobilisation politique et militaire des forces populaires ne peuvent qu’aller de pair.

En d’autres termes, le renforcement du pouvoir prolétarien est la condition préliminaire du passage à la phase la plus avancée de la désarticulation militaire du régime et de l’Etat ennemi.

La guérilla urbaine

A notre avis, on doit affronter la question à partir de la couche de classe qui plus que toute autre subit l’intensification de l’exploitation due aux projets de restructuration capitaliste et impérialiste.

La théorie révolutionnaire, c’est la théorie des besoins politico-militaires de « libération » de cette couche de classe.

Elle seule en fait exprime en puissance, sinon en conscience (qui signifie « organisation », l’universalité des intérêts de classe.

C’est seulement autour de ses besoins que peuvent être organisés et assumés les besoins des couches sociales marginalisées par le processus de restructuration et que peuvent être battues les résolutions révisionnistes, réformistes ou corporatives de cette partie de la classe ouvrière qui trouve un avantage, même moindre, dans le renforcement du système de domination impérialiste.

La guérilla urbaine joue un rôle décisif dans l’action de désarticulation politique du régime et de l’Etat. Elle atteint directement l’ennemi et fraye un chemin au mouvement de résistance.

C’est dans la guérilla que se constitue et s’articule le mouvement de résistance et le terrain de l’autonomie, et non le contraire.

Elargir ce terrain signifie en premier lieu développer l’organisation de la guérilla, sa capacité politique et militaire.

Toutes les positions qui considèrent la croissance de la guérilla comme une conséquence du développement du terrain légal ou semi-légal de « l’autonomie » sont fausses.

Il est nécessaire de faire la lumière sur ce point. Dans ce qui est défini comme « terrain de l’autonomie » s’entassent des positions très diverses.

Certains, qui situent leur place dans la lutte des classes par la voie « subjective », se reconnaissent comme faisant partie de ce terrain, plus pour lui imposer ses problèmes et ses besoins, c’est-à-dire pour le « récupérer », si bien qu’ils expriment, aujourd’hui, une interprétation très partiale et surtout sectorielle de ses besoins.

A leur source, ils ont constitué un facteur décisif dans le processus de dépassement de « l’esprit de chapelle », mais aujourd’hui ils risquent de finir eux-mêmes dans le cul-de-sac de ce processus.

C’est le « fétichisme de la légalité » qui prédispose à ce danger, c’est-à-dire l’incapacité à sortir de la fausse opposition entre « légalité et illégalité ».

En d’autres termes, les assemblées autonomes ne réussissent pas à poser le problème de l’organisation à partir des besoins politiques, et finissent ainsi par les délimiter dans le type d’organisations légales existantes.

Ce qui correspond à couper le pied pour le faire entrer dans la chaussure!

Certains, plus conscients de la contradiction où ils se débattent, arrivent à admettre un dualisme d’organisation et ainsi à reproposer l’improposable théorie du « bras armé », dans la vieille logique de faillite de la 3ème Internationale.

Mais, dans cette nouvelle situation, sous peine d’extinction de leur fonction révolutionnaire, ils doivent faire un saut dialectique s’ils veulent rester fidèles à l’engagement fondamental d’organiser sur le terrain de la guerre de classe l’opposition de la couche « objectivement » révolutionnaire.

En-dehors de cette perspective, il n’y a que conceptions minoritaires ou inféodés au révisionnisme.

La guérilla urbaine organise le « noyau stratégique » du mouvement de classe, pas le bras armé.

Dans la guérilla urbaine, il n’y a pas contradiction entre penser et agir militairement et donner la première place à la politique.

Celle-ci développe son initiative révolutionnaire selon une ligne de masse politico-militaire.
Pour la guérilla, ligne de masse ne veut pas dire, comme quelqu’un l’a mal compris, « organiser le mouvement de masse sur le terrain de la lutte armée », tout au moins pas pour le moment.

Dans l’immédiat, l’aspect fondamental du problème reste la construction du « Parti Combattant » comme interprète des besoins politiques et militaires de la couche de classe « objectivement » révolutionnaire et l’articulation des organismes de combat au niveau de classe sur les divers fronts de la guerre révolutionnaire.

La différence n’est pas sans importance et cela vaut la peine de l’expliquer, car elle cache une divergence sur une question primordiale: l’organisation.

Cette divergence réside dans le fait que la première thèse aplanit jusqu’à la faire disparaître l’organisation du « mouvement » qui, dans le même temps, gonfle jusqu’à atteindre des dimensions mythiques; la seconde conçoit organisation et mouvement en tant que réalités nettement distinctes en perpétuelle discussion.

Le parti combattant est un parti de cadres combattants. C’est donc une unité avancée et armée de la classe ouvrière, par conséquent distincte et en même temps partie intégrante de celle-ci.

Le mouvement est une réalité complexe et hétérogène où de multiples niveaux de conscience coexistent et se combattent.

Il est impensable, et impossible d’ « organiser » cette multiplicité de niveaux de conscience « sur le terrain de la lutte armée ».

Parce que ce terrain, bien qu’étant stratégique, n’est pas encore le principal, parce que le noyau que constitue le parti combattant, c’est-à-dire les BR, n’a certainement pas mûri les capacités politiques, militaires et d’organisation, nécessaires à son objectif.

Il ne s’agit pas d' »organiser le mouvement de masse sur le terrain de la lutte armée » mais d’enraciner l’organisation de la lutte armée et la conscience politique de sa nécessité historique, dans le mouvement de classe.

Cela reste le principal objectif du parti combattant actuellement dans sa période de construction.

Pour l’ensemble des motifs que nous avons exposé, le niveau de combat adéquat à cette période reste celui de la propagande armée.

Les objectifs principaux de l’action de propagande armée sont au nombre de trois :

– Créer le plus grand nombre possible de contradictions politiques à l’intérieur du système ennemi, c’est-à-dire le désarticuler, l’empêcher de fonctionner.

– Ouvrir la voie au mouvement de résistance en utilisant des terrains de combat souvent inconnus, mais non mois essentiels.

– Organiser le niveau de classe avancé, dans le Parti ou dans des organismes de combat sur les divers fronts de la guerre.

La propagande armée réalisée à travers l’action de guérilla indique une phase de la guerre de classe, et non comme le pense quelqu’un, une « forme de lutte ».

A cette phase succède celle de la « guerre civile en action », où la tâche principale de l’avant-garde armée sera de désarticuler, même militairement, et de briser la machine bureaucratique et militaire de l’Etat.

L’assaut de la prison de Casale pour la libération d’un camarade, éclaire l’idée de la propagande armée de la façon suivante :

– il a produit une désarticulation profonde de l’Etat: renversement de la campagne de propagande, dont la tentative de nous faire passer pour « désespérés »; échec des projets démocrates-chrétiens de « procès exemplaire » durant les élections; accentuation des contradictions entre magistrature et C.C., entre magistrature de Milan et magistrature de Turin, entre grades supérieurs et grades inférieurs de la magistrature, entre DC et autres forces politiques, etc…

– il a ouvert la voie au mouvement de résistance dans les deux sens: avoir réalisé un mot d’ordre du programme révolutionnaire (libération des prisonniers politiques) et aussi avoir crée un climat de confiance dans la masse des prisonniers politiques au-delà des avant-gardes révolutionnaires; avoir exploré un nouveau terrain de combat et en avoir tiré des indications et une expérience décisifs dans un proche avenir.

– il a crée les prémices pour organiser l’avant-garde révolutionnaire, enfermée dans les prisons du régime, sur un programme révolutionnaire d’attaque de l’Etat.

Maintenant il appartient au Parti Combattant de transformer, à l’intérieur et en-dehors des prisons, les prémices en structures, les puissances révolutionnaires libérées, en pouvoir prolétarien armé.

Sur quel terrain doit se développer notre initiative tactique?

On peut le définir en trois mots d’ordre fondamentaux :

1 – rompre les liens corporatistes entre la classe dirigeante industrielle et les organisations de travailleurs

2 – briser la DC, centre politique d’organisation de la réaction et du terrorisme

3 – frapper l’Etat dans ses maillons les plus faibles

Rompre les liens corporatistes entre la classe dirigeante industrielle et les organisations de travailleurs

Sur le terrain de la lutte ouvrière, le noeud à défaire est aussi le point central du programme de lutte, c’est le « pacte corporatif »: le rapport Confindustria-Syndicats-Gouvernement comme axe porteur de la restructuration capitaliste et comme élément fondamental de l’Etat corporatiste impérialiste des multinationales.

Il est très important, bien qu’insuffisant dans cette perspective, d’intensifier les mouvements autonomes de lutte contre tout aspect de la restructuration, comme la caisse d’Intégration, la mobilité du travail, les licenciements et l’intensification forcenée de l’exploitation.

Ces niveaux de lutte se situent dans la direction juste et assument un caractère offensif, dans la mesure où ils réussissent à briser la « cage » syndicale et à mettre en échec, c’est-à-dire à miner, la capacité de contrôle des Confédérations.

Mais l’attaque doit surtout être étendue à la structure politico-militaire du commandement; parce que la Confindustria réformée est le principal centre de l’initiative patronale; parce qu’elle se sert des organisations « syndicales » des dirigeants, des cadres, des petits chefs et des ouvriers à mentalité de patron, comme courroies de transmission de la nouvelle idéologie et comme centres d’organisation corporatiste.

Désarticuler à fond cette « courroie » en en expliquant la structure, les fonctionnements et les liens avec les centres de pouvoir politique et avec le projet général, est une exigence immédiate de la lutte révolutionnaire.

Jusqu’à présent nous avons mené l’épuration au niveau de la production.
Dorénavant, il sera nécessaire d’attaquer également les niveaux administratifs, dirigeants, ou directement les patrons les plus importants.

Désarticuler cette trame veut dire en faire sauter la fonction politique et militaire.

En effet, la tendance corporatiste porte en elle l’exigence et l’organisation de la répression violente contre l’opposition de classe, c’est-à-dire de ceux qui refusent le suicide révisionniste.

En conséquence, la fonction du commando va de plus en plus se spécialisant aussi dans cette direction.

La récolte d’informations sur les noyaux d’avant-garde ouvrière, l’espionnage politique, l’infiltration, la provocation, et tout autre genre de travail contre-révolutionnaire sont amenés à de niveaux d’efficacité.

Il s’agit de ne pas les laisser fonctionner, de les prévoir, de les neutraliser, et de punk avec la dureté opportune quiconque assume la responsabilité de leur fonctionnement.

Briser la démocratie chrétienne, centre politique d’organisation de la réaction et du terrorisme

Sur le terrain politique, c’est la D.C. qu’il faut combattre et vaincre, parce qu’elle est le vecteur principal du projet de restructuration impérialiste de l’Etat, et le point d’unification du faisceau des forces réactionnaires et contre-révolutionnaires qui lie Fanfani à Tanassi, à Sogno, à Pacciardi, à Almirante, aux groupes terroristes.

La démocratie chrétienne est l’ennemi principal.

C’est le parti organique de la bourgeoisie, de la classe dominante, et de l’ impérialisme.

C’est le centre politique d’organisation de la réaction et du terrorisme, c’est le moteur de la contre-révolution globale et le support du fascisme moderne: le fascisme impérialiste.

On ne doit pas se laisser tromper par les professions de foi « démocratique et antifasciste » parfois tenues par certains dirigeants de ce parti, parce qu’elles répondent au besoin tactique de maintenir la substitution dialectique entre « fascisme » et « antifascisme » qui permet à la D.C. de récupérer des voix en faisant croire que la « démocratie réformée », c’est-à-dire l’Etat impérialiste, est le meilleur rempart contre le danger « fasciste ».

Le problème des avant-gardes révolutionnaires est de faire la lumière sur tout le jeu en frappant les liaisons, les complicités et les projets.

La D.C. n’est pas seulement un parti, mais l’âme noire d’un régime qui depuis 30 ans opprime les masses ouvrières populaires du pays.

Déclarer la nécessité d’abattre le régime et proposer dans les faits, un compromis « historique » avec la D.C. n’a pas de sens.

Bavarder sur le moyen de la « réformer » en a encore moins.

Il faut liquider, battre et disperser la démocratie chrétienne. La défaite du régime doit entraîner avec elle cet immonde parti et l’ensemble de ses dirigeants.

Comme cela s’est passé en 45 pour le régime fasciste et le parti de Mussolini.

Liquider la D.C. et son régime est la prémisse indispensable pour arriver à un « tournant historique » effectif dans notre pays.

C’est le principal devoir du moment!

Frapper l’Etat dans ses maillons les plus faibles

La question de l’Etat est celle qui nous différencie le plus des forces révisionnistes et para-révisionnistes qui travaillent inlassablement à perfectionner cette machine anti-prolétarienne.

Avec Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao, nous aussi nous disons que: « Briser la machine bureaucratique et militaire de l’Etat est la condition préliminaire à une réelle révolution prolétarienne ».

La lutte contre le corporatisme, le fascisme et le régime ne peut pas être séparée de l’action directe contre les institutions de l’Etat, et revient, dans cette phase, à leur désarticulation politique maximale.

« Désarticulation politique » et non pas « érosion propagandiste de la crédibilité démocratique » parce que cet Etat en voie de restructuration est déjà l’Etat de la guerre civile.

Pour cela, il est nécessaire d’obtenir des résultats sur le terrain de la libération des camarades détenus; sur le terrain des représailles contre al structure militaire des prisons; contre l’anti-guérilla dans toutes ses articulations; contre la magistrature du régime; contre ces secteurs du journalisme qui se distinguent dans la « guerre psychologique ».

L’actualité de cette perspective est plus que démontrée à travers les niveaux de l’action contre-révolutionnaire dans nos confrontations et dans les confrontations de toutes les forces qui se sont mobilisées sur le terrain de la guerre de classe; démontrée également à travers les excellents résultats politiques qui ont suivi l’opération Sossi et l’assaut de la prison de Casale Monferrato.

Notre présence dans le mouvement révolutionnaire et notre initiative de guérilla et de construction du pouvoir prolétarien se conformeront à ces lignes.

Mais il est important d’ajouter une dernière chose: il est nécessaire de surmonter toute tension particulariste et tout esprit de secte.

Nous croyons à la nécessité de  » s’unir au peuple pour unir le peuple  » dans la guerre pour le communisme.

Nous combattons et luttons dans cette perspective pour l’unité du mouvement révolutionnaire.

>Sommaire du dossier

Brigades Rouges: Contre le néo-gaullisme, porter l’attaque au coeur de l’Etat

[Avril 1974.]

Parallèlement à l’approfondissement de leur propre crise gouvernementale, un processus contre-révolutionnaire est en train de se dérouler inexorablement, dans lequel l’ensemble de la classe possédante s’unit dans la tentative de détruire les mouvements de lutte et les niveaux autonomes et révolutionnaires d’organisation qu’ils ont produit.

A l’heure actuelle, si dans les usines l’autonomie ouvrière est assez forte et assez organisée pour maintenir un état permanent d’insubordination et même conquérir un espace de pouvoir de plus en plus grand, elle reste par contre trop faible en dehors des usines pour offrir une résistance aux attaques de la contre-révolution.

Pour cette raison, les forces de la contre-révolution tendent à déplacer la contradiction principale en-dehors des usines. Ils s’engagent désormais dans des batailles décisives pour isoler notre lutte pour le pouvoir à l’intérieur des usines, afin d’être capable de la contrôler plus facilement et d’ensuite la détruire.

L’initiative révolutionnaire génère inévitablement son antagonisme organisé : la contre-révolution.

Marx avait déjà fait toute la clarté sur cette loi scientifique qui règle les rapports de classe, en nous avertissant que « ce n’est point par ses conquêtes tragi-comiques directes que le progrès révolutionnaire s’est frayé la voie; au contraire, c’est seulement en faisant surgir une contre-révolution compacte, puissante, en se créant un adversaire et en le combattant que le parti de la subversion a pu enfin devenir un parti vraiment révolutionnaire. »

Néanmoins, la contre-révolution dans cette période ne suit pas un chemin linéaire. En son sein, il y a deux lignes politiques qui se combattent, dont l’opposition est de nature tactique.

L’une est la tendance putschiste, l’autre est la tendance néo-gaulliste pour la « réforme constitutionnelle ». Les deux tendances jouent leur rôle spécifique dans le processus stratégique de la contre-révolution.

La ligne putschiste

Une considération est fondamentale : aussi longtemps qu’il y a aura une place en Italie pour les solutions contre-révolutionnaires qui maintiennent les apparences et la forme de la démocratie bourgeoise, ces solutions prendront le dessus sur les solutions putschistes…

Le plan néo-gaulliste de « réforme constitutionnelle »

L’aggravation de la crise économique, l’incapacité de contrôler les tensions sociales potentiellement explosives et les luttes impérieuses du mouvement ouvrier… démontrent toujours plus clairement que la crise gouvernementale en cours ne peut pas être résolue par de simples changements au sommet du gouvernement.

Ayant écarté l’hypothèse d’un « compromis historique », les groupes dominants de la bourgeoisie n’ont plus qu’un seul choix : « le virage à droite ».

Mais cette fois-ci, le virage à droite doit leur donner toutes les garanties de stabilité, d’organicité et de crédibilité ; il doit affronter tous les problèmes politiques, économiques et d’ordre public à la racine, avec des changements constitutionnels précis, capables de créer une nouvelle base pour l’ensemble du système institutionnel de notre pays.

Ce plan, dont le premier ministre Leone a parlé explicitement pour la première fois dans son discours à la fin de l’année 1973, vise à la transformation de la république née de la Résistance en une république présidentielle.

Les points fondamentaux de ce projet sont : renforcer l’exécutif par l’attribution de plus grands pouvoirs législatifs et administratifs au chef de l’Etat et au président du conseil ; vider progressivement le parlement de son pouvoir législatif ; recourir à la législation directe par le référendum ; réviser la loi électorale pour la faire passer de proportionnelle à majoritaire.

Mais, pour mener  à bien un plan si ambitieux, il faut une direction politique solidement unie et surtout un contrôle de fer sur les mouvements des diverses forces sociales et politiques existantes.

Pour cette raison, le plan néo-gaulliste pour la réforme constitutionnelle doit être un projet armé, et chaque phase de sa réalisation doit aller de pair avec une militarisation croissante du pouvoir.

Le néo-gaullisme est un plan armé

L’objectif principal des forces néo-gaullistes est nécessairement le renforcement de leur contrôle sur les noeuds centraux de l’appareil d’Etat.

Les « corps séparés » de l’Etat, qui jusqu’à maintenant ont opéré indépendamment les uns des autres et souvent contradictoirement, doivent maintenant être soumis à une nouvelle discipline…

Est très révélateur de cela le processus de réorganisation qui se développe dans le pouvoir judiciaire.

Le néo-gaullisme est en train d’essayer ce que même le fascisme n’est pas arrivé à faire : construire une identité stricte entre ses propres intérêts de pouvoir et la « loi ».

L’affrontement politique au sujet du référendum

Le plan néo-gaulliste pour la « réforme constitutionnelle » par l’entremise du référendum, trouve, outre les premiers pas de sa réalisation, l’opportunité de rassembler autour de lui toutes les forces de la droite, du MSI [Mouvement Social Italien] à la DC [Démocratie Chrétienne].

Donc le référendum est une étape fondamentale pour ce plan, une première preuve de la force politique générale de ce nouveau bloc de pouvoir… La stratégie politique de la DC, dans cette phase est de :

– ruiner définitivement la stratégie du centre-gauche

– créer un climat général d’insécurité qui permet à la DC, à la tête des forces néo-gaullistes, de se présenter au public comme la seule force capable de restaurer l’ordre et la tranquillité politique et économique dans le pays…

Il est clair que si la DC venait à gagner le référendum à la tête des forces né-gaullistes, le plan pour la « réforme constitutionnelle » recevrait un énorme élan.

Il deviendrait immédiatement une plateforme « démocratique » pour la « restauration » de l’Etat et le ré-établissement de la domination intégrale de la bourgeoisie…

Jusqu’à aujourd’hui, le mouvement révolutionnaire ne s’est opposé au processus révolutionnaire que sur le terrain restreint de l’anti-fascisme militant.

Mais comme l’initiative contre-révolutionnaire est désormais dirigée personnellement par le bloc de pouvoir interne à l’Etat, alors c’est avant tout contre ces forces que nous devons déchaîner nos coups les plus durs.

Il est temps de percer les brumes du passé et de dépasser les formulations traditionnelles de l’anti-fascisme militant.

Frapper les fascistes par tous les moyens et où qu’ils se trouvent est correct et nécessaire. Mais la contradiction principale aujourd’hui est celle qui nous oppose au faisceau de forces de la contre- révolution.

Car s’il est vrai que la crise du régime et la naissance par conséquent d’une contre-révolution organisée et aguerrie ont été produites par des années de dures luttes de classe ouvrière et populaire, il est encore plus vrai que pour vaincre, le mouvement de masses doit maintenant dépasser la phase spontanée et s’organiser sur le terrain stratégique de la lutte pour le pouvoir.

Et la classe ouvrière ne prendra le pouvoir que par la lutte armée.      

>Sommaire du dossier                

Brigades Rouges: Communiqué de septembre 1971

Nous sommes fatigués des interminables déclarations de principe, de concepts déjà énoncés dans les -C.P.M, -« Sinistra Proletaria », -« Nuova Résistenza ». La nouveauté consiste par dessus tout dans l’opération de systématisation accomplie.

La bourgeoisie, face à sa crise n’a pas d’autre alternative que la militarisation non pas de type fasciste traditionnelle, mais fasciste-gaulliste qui prend une apparence démocratique (prépondérance du premier ministre et du président de la République sous la Constitution de la Verne).

La gauche non réformiste n’est pas préparée à faire face à ce type d’affrontement armé.

Il y a donc deux possibilités :

1°) répondre sur le mode de la troisième Internationale avec des variantes anarcho-syndicaliste ; les « groupes » ont déjà choisi celle-ci.

2°) ou rejoindre l’expression révolutionnaire métropolitaine de notre époque à savoir : les B.R. et ce en référence au marxisme-léninisme, la révolution culturelle prolétarienne sur le modèle d’expériences des mouvements de guérillas métropolitaines.

Nous voulons seulement être le premier point de rencontre des formations du parti armé, qui n’est pas le bras armé d’un mouvement de masse désarmé, mais plutôt le point d’unification le plus élevé.

Nous n’acceptons pas les schémas du P.C européen, surtout en ce qui concerne la question des rapports entre une organisation politique et militaire.

Nous voulons une guérilla !

1°) Comment voyez-vous la phase actuelle de l’affrontement de classe?

La gauche révolutionnaire extra-parlementaire s’est trouvée démunie, pas préparée face à la recherche d’un nouvel équilibre de la part de la bourgeoisie.

Notre expérience politique naît de cette exigence.

2°) Quelles sont les causes à la base de la crise actuelle?

Aujourd’hui on est face à un revirement de prospective politique de la bourgeoisie mise au pied du mur face à l’initiative de la classe ouvrière qui a refusé le réformisme comme projet de stabilisation sociale, mettant à l’ordre du jour la fin de l’exploitation.

3°) Comment va évoluer la situation politique ?

Il n’y a qu’une seule possibilité pour la bourgeoisie : rétablir la situation, moyennant une organisation toujours plus despotique du pouvoir. Le despotisme croissant du capital sur le travail, la militarisation progressive de l’Etat et de l’affrontement de classe, la montée de la répression comme fait stratégique sont les conséquences objectives et inexorables.

En Italie on assiste à la formation d’un bloc de type réactionnaire alternatif au centre gauche, tout ça sous le drapeau de la droite nationaliste qui tend à se réassurer le contrôle de la situation économique et sociale ; c’est-à-dire de la répression de toute forme de lutte révolutionnaire et anti-capitaliste .

4°) Pensez-vous à un retour du fascisme ?

La question ne se pose pas en ces termes. La décision répressive pour le moment vise moins à la liquidation institutionnelle de l’Etat « démocratique » comme l’a fait le fascisme qu’à la répression plus féroce du mouvement révolutionnaire.

En France le « coup d’Etat » de De Gaulle et l’actuel « fascisme » gaullien vivent sous les apparences de la démocratie.

Il serait cependant ingénu d’espérer une stabilisation modérée de la situation économique et sociale en présence d’un mouvement révolutionnaire combatif.

5°) Quels sont donc vos choix?

La réponse de la bourgeoisie par la répression est déjà amorcée et tend à supprimer la capacité de résistance de la classe ouvrière.

L’heure X de l’Insurrection n’arrivera pas, en tout cas pas celle que se figurent de nombreux camarades, à savoir un affrontement décisif entre prolétariat et bourgeoisie, comme ce fut le cas en 1922.

6°) Finalement à quel filon idéologique et historique vous rattachez-vous?

Nos points de repère sont le marxisme-léninisme, la révolution culturelle chinoise et l’expérience d’actes des mouvements de guérilla métropolitaine en un mot : la tradition scientifique du mouvement ouvrier et révolutionnaire international ; ce qui signifie aussi que nous n’acceptons pas en bloc les schémas qui ont guidé les partis communistes européens dans la phase r évolutionnaire de leur histoire, surtout en ce qui concerne la question de l’organisation politique et militaire.

8°) Votre problème est donc celui de commencer la lutte armée ?

La lutte armée a déjà commencé.

C’est la bourgeoisie qui frappe, il faut donc créer l’instrument de classe capable de l’affronter au même niveau.

Les B.R. sont le premier sédiment du processus de transformation de l’avant-garde politique de classe en avant-garde politique armée.

La lutte armée en Italie doit être conduite par une organisation qui soit la directe expression du mouvement de classe, et pour cela nous travaillons à l’organisation des noyaux ouvriers d’usine et de quartiers dans les pôles industriels et métropolitains où il existe une concentration de révolte et d’exploitation.

10°) Vous êtes donc dans une phase de préparation ?

On ne peut en être qu’à ce stade car en fonction de la route que nous avons choisi, il nous faut accumuler expériences et schémas ; mais elle ne constitue pas une phase détachée de la lutte de classe mais se réalise à l’intérieur de celle-ci.

11°) Les B.R. sont donc engagées dans l’affrontement ?

Nous exigeons, à la différence des organisations extra-parlementaires, de nouvelles formes d’organisation de la lutte révolutionnaire : organisation de l’auto-défense, premières formes de la clandestinité, actions directes.

De ces premières expériences de phase tactique nécessaire, nous devons passer à la phase stratégique de lutte armée.

12°) Quelles sont les conditions pour que ce passage se produise?

Il existe deux conditions fondamentales : se mesurer à tous les niveaux avec le pouvoir (libérer les détenus politiques, exiger la peine de morts contre les policiers assassins, exproprier les capitalistes… et bien sûr, prouver qu’on peut survivre à ce stade d’affrontement.

Faire naître un pouvoir alternatif dans les usines et les quartiers populaires.

13°) Qu’entendez -vous par pouvoir prolétaire alternatif ?

La révolution n’est pas seulement un fait technico-militaire ; et l’avant-garde armée n’est pas le bras armé d’un mouvement de masse désarmé, mais son point d’unification le plus élevé, de sa demande de pouvoir.

14°) Quelle direction désirez-vous suivre dans la phase actuelle?

Radicaliser le discours stratégique, casser l’offensive tactique de la bourgeoisie, lier la lutte à tous les aspects de l’organisation capitaliste du travail, ne pas laisser les sbires espions impunis, ni les magistrats qui attaquent le mouvement de classe dans ses intérêts ni ses militants.

Dans l’immédiat cette action doit se maintenir à un haut niveau de mobilisation populaire pour empêcher tout courant pessimiste et défaitiste ; le choc ne peut déboucher par un retour à la situation précédente mais constituer la promesse pour un choc stratégique : la lutte armée pour le pouvoir. 15°) Les B.R. c’est donc un organisme de transition?

Non, car la lutte armée ne peut être envisagée par des organismes intermédiaires comme les comités de base, les cercles étudiants, ouvriers ou des organisations politiques extra-parlementaires ; iI faut une organisation stratégique à la base.

16°) Vous voulez dire un parti ?

Exactement.

Les B.R. sont un premier point d’agrégation pour la formation du parti armé du prolétariat.

>Sommaire du dossier

La planification soviétique : biogéocénose et biosphère

Ce qui est frappant c’est que si les zapovedniks n’avaient pas été compris par les communistes d’Union Soviétique, une fois le révisionnisme ayant triomphé après 1953, les révisionnistes avaient tout à fait compris que les zapovedniks formaient pour eux une menace terrible.

Le principe des zapovedniks tient à celui de Biosphère, de superorganisme ; il s’oppose à la conception bourgeoise d’écosystème où tout est relatif et individualisé, défendue par exemple en URSS par Leontii Ramensky (1884-1953), qui rejoignit le PCUS(b) en 1946.

La base du zapovednik n’est pas que des êtres vivent en commun, mais bien qu’ils forment un ensemble. Pour cette raison, un nouveau concept fut développé et établi en URSS, en 1944 : celui de biogéocénose.

Ce concept fut élaboré par Vladimir Sukachev (1880-1967), qui rejoignit le PCUS(b) en 1937 et fut un disciple de Ivan Borodine et de Georgy Morozov (1867-1920), devenant un spécialiste des sols dans la lignée de Vassili Dokoutchaïev. Georgy Morozov concevait également la forêt comme un système, considérant qu’il n’était pas possible de la considérer comme une sorte de « ferme » produisant des arbres.

Selon lui, la forêt est « un seul organisme complexe avec des interconnections régulières entre ses parties et, comme tout autre organisme, se distinguant par une stabilité définie ». Ainsi, « une forêt n’est pas simplement une accumulation d’arbres, mais est elle-même une société, une communauté d’arbres s’influençant mutuellement, donnant ainsi naissance à toute une série de nouveaux phénomènes qui ne sont pas la propriété des arbres seulement ».

C’est là un point de vue tout à fait matérialiste et bien entendu Georgy Morozov élargit le champ d’action des forêts au sol et à l’atmosphère ; la forêt n’est pas un phénomène géographique seulement, mais bien biologique.

Georgy Morozov (1867-1920)

Le concept de biogéocénose se situe dans cette perspective, étudiant la biocénose – un ensemble d’être vivants en interaction dans un milieu précis – en y ajoutant la dimension planétaire exigée par Vladimir Vernadsky. On a ici une assimilation de la biologie et de la géologie dans une même science planétaire d’étude des forêts.

Il faut donc étudier le rapport entre les plantes, les micro-organismes, les animaux, les champignons, les bactéries, etc. c’est-à-dire voir comment l’énergie solaire permet à la vie de se développer et d’adapter l’ensemble de la réalité matérielle où elle se développe.

Le problème est que le concept de biogéocénose a été limité à certains systèmes au sein de la Biosphère, sans que la dimension unifiée de celle-ci n’ait été soulignée. Cela n’aurait pu l’être justement qu’avec une juste compréhension matérialiste dialectique et des forces productives suffisamment développées pour avoir un niveau de conscience adéquat.

La situation après 1950 a alors été la suivante : le révisionnisme rejetait tout ce qui se rapprochait du matérialisme dialectique et de son monisme, de sa vision unifiée de la réalité – même si dans le domaine de la Biosphère, les communistes soviétiques n’ont pas su aller jusqu’au bout de leur démarche.

Cependant, les défenseurs de la nature ont formé, dès les années 1950, un frein au révisionnisme en défendant les zapovedniks et empêché que celui-ci réussisse sur toute la ligne à imposer ses vues.

Le prix à payer était par contre que les zapovedniks se voyaient limiter à la fonction de ressources d’étalons, d’exemples de développement naturel propres à une région géographique, qu’il pourrait être utile de comparer avec des développements imposés par les humains. La question de l’écotourisme se développa également.

De plus, étant donné que le plan avait échoué et se voyait remplacé par la concurrence capitaliste des entreprises soviétiques, les zapovedniks faisaient face à un environnement autour d’eux toujours plus agressif, polluant et pollué, modifiant leur propre situation. Au lieu d’un paradis universel vert, les zapovedniks formaient des îlots de résistance ne pouvant triompher à eux seuls.

C’est bien là le sens de ce qui a été raté par le plan soviétique : se mettre au niveau du développement de la nature sauvage, synthétiser la nature et la culture.

Pour cette raison, et depuis les années 1960, les zapovedniks – tant en URSS qu’en ex-URSS, ainsi qu’en république tchèque – sont les témoins d’un même débat sans fin pour savoir dans quelle mesure la zone est vraiment sauvage, dans quelle mesure il n’y a pas eu historiquement de changements faits par l’humanité, dans quelle mesure par conséquent il faut intervenir ou non pour réguler, notamment en cas de maladies ou d’insectes bouleversant les forêts.

C’est toute la conception d’un zapovednik n’évoluant pas, formant un îlot indépendant, existant de manière séparée du reste du monde, qui montre à chaque fois son absurdité. C’est là le prix à payer pour l’échec du plan à fusionner, à se synthétiser avec les zapovedniks.

>Sommaire du dossier

La planification soviétique et l’erreur du plan révélé par le rapport aux zapovedniks

Le plan considère l’ensemble des forces productives. Par conséquent, l’existence de zones naturelles fait face à lui comme une possibilité et une menace. C’est une possibilité, car le développement de l’humanité se déroule au sein même de la nature et il y a donc une nécessaire rencontre qui doit se faire. C’est une menace, au sens où les zones naturelles échappent à la tendance historique formée par le plan.

La question de la résolution de cette question était vitale pour le plan ; on peut considérer que cet aspect – qui va de pair avec la question de l’agriculture, arriérée malgré sa base socialiste majoritaire, en raison de l’importance de la production des kolkhozes relativement autonomes, ainsi que de l’infime secteur privé – a joué un rôle central dans l’émergence et la victoire du révisionnisme.

L’évolution du nombre de zapovedniks exprime parfaitement bien cette crise. On reconnaît tout à fait qu’il y a ici une tendance démocratique qui se renforce avec le socialisme avant de se voir brisée.

En 1946, un décret sur la protection de la nature en Russie soviétique annonçait qu’il y aurait davantage de zapovedniks ; de nouveaux zapovedniks furent instaurés : Denezkhin Kamen et Visim en 1946, Chita ainsi que Sakhaline du centre et du sud en 1948, alors que d’autres zones furent agrandies.

La Russie soviétique comptait 19 zapovedniks en 1937, 27 en 1940, 31 en 1948.

Cependant, en 1950, en URSS en tant que telle, dix zones furent réduites en taille, passant 8 784 800 hectares à 5 591 200. 1951 est l’année charnière, avec un conseil des ministres qui organisa le décret « Sur les zapovedniks » en août, avec la liquidation de 88 zapovedniks sur 128.

La surface des zapovedniks passa alors de 12,5 millions d’hectares à 1,5 million, ceux-ci étant cette fois unifiés au-delà des républiques, de manière centrale, avec une élévation des salaires des scientifiques. En Russie soviétique, en 1952, les vingt zapovedniks restants formaient 6,8 % de la surface du total deux années auparavant.

Toutefois, au sens strict, moins de 100 000 hectares devaient rester véritablement sauvages. La nature devait s’intégrer au plan, comme s’il y avait une contradiction entre elle et lui.

On ne sera nullement surpris qu’avec le révisionnisme, la tendance se prolonge, réalisant ouvertement cette tendance erronée. Un conseil des ministres de décembre 1960 exige une étude sur les zapovedniks, amenant Nikita Khrouchtchev à affirmer devant le Comité Central en 1961 :

« Qu’est-ce qu’un zapovednik ? C’est de la richesse nationale ayant besoin d’être protégée. Mais il apparaît que nos zapovedniks ne sont d’aucune valeur. Nous devons régler cela… Qu’arriverait-il dans les forêts si les zapovedniks n’existaient pas ? Rien du tout… »

On peut aisément opposer cette conception de Nikita Khrouchtchev à celle de Grigori Aleksandrovich Kozhevnikov (1866–1933), une figure des zapovedniks.

Grigori Aleksandrovich Kozhevnikov

Celui-ci considérait que : 

« Protéger la nature vierge, sauvage, pour elle-même, est l’idée à la base même de la protection de la nature. La considération de ses applications [pour un usage humain] est de valeur, mais d’intérêt secondaire. »

Sa vision allait par ailleurs de pair avec une conception résolument scientifique : 

« Afin d’étudier la nature, nous devons nous efforcer de préserver la terre dans un état parfait, non touché, protégeant les exemples les plus typiques de tels territoires. Bien sûr, avant tout nous avons besoin de protéger la steppe vierge et les forêts primaires de la taïga.

Quel est l’objectif de telles zones non dérangées ? Tout d’abord, il y en a un scientifique, et ainsi également purement pratique, étant donné que seule la recherche scientifique nous donne une base ferme pour l’utilisation pratique de la nature…  (…)  De telles zones préservées doivent être protégées au sens strict du terme. Aucune chasse ou trappage en aucune forme ne doit être permis, des prélèvements seulement pour des objectifs scientifiques. »

Nikita Khrouchtchev, de son côté, fut alors connu comme la figure se moquant publiquement des zapovedniks, insistant sur le passage d’un film où l’on voit un scientifique regardant un écureuil manger une noix.

S’ensuivit un document intitulé « Sur la rationalisation du réseau d’État des zapovedniks et des zakazniks [c’est-à-dire des réserves pouvant être partiellement utilisées] », amenant la fermeture de six zapovedniks, deux autres étant réduits au total de 353 600 hectares, trois autres étant transformés en branches d’autres.

En pratique, en 1961, la moitié de la surface est laissée aux « besoins » de l’économie et il faut se rappeler ici que Nikita Khrouchtchev a sabordé la totalité du matérialisme dialectique, ne préservant de l’époque de Staline qu’une seule chose : la perspective anthropocentrique, par conséquent, idéaliste de Trofim Lyssenko, qui considérait qu’il était possible d’agir arbitrairement sur la nature pour la « forcer » à pratiquer des synthèses.

On se doute évidemment que le plan de transformation de la nature fut stoppé par la clique de Nikita Khrouchtchev. Le programme des forêts ne fut réalisé selon les zones qu’à 27, 29, 31, 33, 46, 49, 71, 98, 100 %, dans des conditions particulièrement mauvaises amenant rapidement un grand retour en arrière ; le Minleskhoz, le ministère de la gestion de la forêt, fut liquidé et intégré dans le ministère de l’agriculture.

C’était là une rupture avec toute une tendance historique soviétique. La VOOP, Société panrusse pour la protection de la nature, avait été fondée dès 1924 sur l’initiative de scientifiques, notamment des biologistes.

En 1926, un Comité d’État pour la protection de la nature fut mis en place, ayant la capacité d’examiner toutes les décisions étatiques concernant les ressources et en mesure de proposer un veto en cas de dégâts écologiques trop prononcés.

En 1931 fut fondé le Journal d’écologie et de biocénologie (« Zhurnal ekologii i biotsenologii »), la biocénologie désignant l’étude des biocénoses, c’est-à-dire de l’ensemble de la vie dans un biotope ; existait aussi Protection de la nature(« Okhrana prirody »), qui devint La nature et l’économie socialiste (« Priroda i sotsialisticheskoe khoziaistvo »).

La loi exigea qu’autour des fleuves, une bande boisée d’au moins un kilomètre inviolable fut formée ; en 1932, la VOOP avait 15 000 membres et était soutenue par un bureau central d’étude des connaissances locales de 60 000 membres ; dans les années 1930, la VOOP disposait de 5000 ouvrages, en 16 langues et tint son premier congrès en 1938, après la tenue d’un congrès pour la protection de la nature en 1933, prolongeant celui de 1929. A Kharkov, en Ukraine, eut également lieu en avril 1935 la première conférence soviétique sur le contrôle de l’air pollué.

Par la suite participèrent l’académie des sciences, le comité des zapovedniks, l’administration des forêts et du reboisement, alors qu’à partir de 1936 fut fondée une section ornithologique et en 1938 une section dédiée aux mammifères, établissant des listes d’espèces menacées et oeuvrant notamment pour la défense des dauphins de la Mer noire, celle des lions de mer dans l’Est du pays ou encore celle des ours polaires lors des opérations dans l’océan arctique soviétique. En 1941, une section pour la protection de la mer et des voies navigables fut aussi mise en place.

Une section pour la protection de la croûte terrestre fut fondée par Alexandre Fersman (1883-1945), un disciple de Vladimir Vernadsky, qui fut la grande figure du congrès géologique international qui se tint à Moscou en juillet 1937 et avait dirigé de 1917 à 1930 la revue scientifique à visée populaire, Priroda (« nature »), qui dépendit de la Commission pour l’étude des forces productives de la nature, puis directement de l’académie des sciences.

Il fut appelé à former une ceinture de forêts de 25 kilomètres de large autour de Moscou, ce qui fut réalisé après 1950 ; en juin 1948 fut établie une société panrusse pour la promotion et la protection des plantations vertes urbaines (VOSSOGZN), qui regroupa rapidement 100 000 adultes et jeunes, avec 26 unités administratives fonctionnelles, alors qu’en Géorgie la société « L’ami de la forêt » comptait pas moins de 800 000 membres.

Toutefois, la VOOP fut incapable de proposer un modèle concret au plan et devint subordonnée au révisionnisme, fusionnant avec la VOSSOGZN pour donner naissance en septembre 1954, sur décision du conseil des ministres la Société panrusse pour la promotion de la protection de la nature et du verdissement des centres de populations, VOSOPiONP, avant de redevenir la VOOP en 1959, dirigée par l’ancien responsable de l’Administration principale de protection des forêts et de reforestation qui avait été fondée en 1936.

Le plan de transformation de la nature n’avait pas été en mesure de converger avec les zapovedniks ; la porte était ouverte au révisionnisme.

>Sommaire du dossier

La planification soviétique et la question des zapovedniks

Il existe une contradiction dans la société soviétique, qui n’a pas été vue par le PCUS(b). Celle-ci ne tient pas seulement aux restes idéologiques de la bourgeoisie, mais à l’arriération de l’agriculture. C’est d’ailleurs cette arriération qui empêche la liquidation complète des restes idéologiques du passé.

Ainsi, en 1931, une loi organisa l’établissement de « zones de culture de forêts » et appela le Commissariat au peuple à l’agriculture à empêcher les sécheresses par une ceinture de forêts, en formulant bien que cela devait être réalisé sur le terrain de l’État et celui des fermes collectives.

C’est là reconnaître une contradiction sociale, implicitement ; le problème qui sera évident lors de la formation de ces ceintures, y compris dans les années 1950, est l’indifférence totale des fermes collectives à ce sujet, leur non participation. Il n’y a pas eu d’engouement des masses, ni de mobilisation par le PCUS(b), à part idéologiquement et symboliquement au niveau de l’État.

Cela tient à une erreur de positionnement du PCUS(b) sur la question de la Nature.

En 1932, 40 000 hectares de ceinture de forêts sont formés et 350 000 au total de 1933 à 1936. De ce point de vue, c’est un succès et en 1936 est également formé la GLO, l’organisme central de protection des forêts et de boisement. La GLO dispose également d’une revue, au titre parfaitement évocateur : Za zashchitu lesa, « En défense de la forêt ».

Toutefois, en 1947 la GLO devient le Ministère de la Gestion de la Forêt et la GUPL fut formée, un organisme directement dédié à la formation de la ceinture de protection. Cela révèle un glissement dans la démarche soviétique, reflétant le positionnement quant à la nature.

Le problème qui se posa fut celui des zapovedniks. Il s’agit de vastes parcs naturels, ayant cependant le statut de sanctuaires. La Nature y est absolument sauvage et y pénétrer est strictement interdit, sauf pour des scientifiques triés sur le volet, dans des conditions bien spécifiques, etc.

Le processus commença avant 1917, mais dès 1919 Lénine donne une base légale aux zapovedniks, qui furent érigés au fur et à mesure.

Celui de l’Astrakhan fut fondé en 1919, celui d’Ilmen en 1920, celui du Caucase et celui de Galichya Gora, ainsi que celui de Kedrovaya Pad et celui de Stolby, en 1925, celui de Voronezh en 1927, celui de Bashkirsky et celui de Pechoro-Ilych en 1930, celui de Kivach en 1931, celui de l’Altaï et celui de Kandalaksha furent fondés en 1932, celui de Belogorye et celui du Tsernozemsky central, ainsi que celui de Khopyor, celui de Mordovski, celui de Sikhote-Alin et celui d’Oka, en 1935, celui de Teberda en 1936, celui de Polistovsky en 1944, celui de Prioksko-Terrasny en 1945.

Deux raisons historiques sont à l’origine des zapovedniks, qui ont de fait une même base. Dans la culture russe, la forêt se voit attribuée une grande valeur culturelle et à ce titre dispose d’un large respect.

C’est cela qui a aidé à la formation de perspectives scientifiques particulières, notamment celle de Vassili Dokoutchaïev (1846-1903), le fondateur de la pédologie (la science des sols) et qui a joué un grand rôle pour la naissance des zapovedniks.

Vassili Dokoutchaïev est aux sols ce que Vladimir Vernadsky est à la géologie, Vladimir Vernadsky sera d’ailleurs un de ses élèves. Il a compris qu’il existait des interactions, que les sols relevaient d’un ensemble, lié aux roches d’un côté et lié à la vie de l’autre côté, c’est-à-dire connaissant une évolution en propre et ne relevant pas simplement de la géographie, mais également de la climatologie, de la chimie, de la biologie, de la physique, de la minéralogie, etc.

Voici comment Vassili Dokoutchaïev avait formulé, initialement, au début du XXe siècle, sa demande de formation d’un zapovednik :

« Afin de restaurer la steppe, si possible dans un état parfait… pour témoigner cette influence puissante de la couverture herbacée vierge sur la vie et la qualité du sol et de la surface de l’eau… afin de prévenir finalement de la destruction des steppes… afin de préserver ce remarquable monde de la steppe pour nos descendants, pour toujours… afin de le préserver pour des objectifs scientifiques (et pratiques)…. afin de prévenir de la part de toute une série d’organismes particuliers, animaux et végétaux, de la steppe, dans sa lutte avec l’humanité… l’État devrait placer sous protection permanente une étendue plus ou moins large dans le Sud de la Russie et la placer à la disposition de ces organismes primordiaux, et maintenant disparaissant.

Et si une station de recherche permanente est établie dans un tel endroit, il n’y a pas de doute que les dépenses reviendront rapidement et pleinement en retour. »

Ivan Borodine (1847-1930) contribua également à avoir une vue d’ensemble des zapovedniks, en les formant non plus selon les occasions mais comme représentatifs des différents types propres à la nature russe. Le groupe de travail fondé par Vassili Dokoutchaïev fut intégré en 1919 par Féodor Loewinson-Lessing dans une Commission pour l’étude des forces productives naturelles, qui devint en avril 1927 l’Institut d’études des sols Dokoutchaïev, basé à Léningrad puis Moscou.

Le problème se posa alors : comment fallait-il considérer les zapovedniks, alors que la planification se renforçait toujours davantage ?

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La planification soviétique et le plan de transformation de la nature

Le plan le plus connu qui fut développé parallèlement aux plans quinquennaux est ce qui fut connu sous le nom doctobre 1948 avait comme nom complet « Plan des plantations forestières protectrices, de l’introduction d’ensemencement en herbes variables, sur la construction des digues et d’étangs artificiels en vue d’obtenir des rendements élevés et stables dans les régions de la steppe et de la steppe boisée de la partie européenne de l’URSS ».

C’était une décision du Conseil des ministres de l’URSS et du Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchévik) ; administrativement, un poste de vice-premier ministre à l’irrigation fut constitué et l’Administration Centrale de l’Économie des Eaux, dépendant du ministère de l’agriculture, fut renforcée.

Il s’agissait de faire en sorte que la production puisse exister dans une zone marquée par la sécheresse et de vents particulièrement secs provenant d’Asie centrale. 

Voici comment la revue Etudes Soviétiques présente la question, en décembre 1948 :

« Cette méthode est fondée sur l’observation suivante, jamais controuvée : des récoltes abondantes et sans cesse croissantes (ce qui, entre parenthèses, démolit la théorie réactionnaire de l’appauvrissement des sols) ne sont possibles que sur un sol de structure solide et finement granuleuse. Or, le moyen le plus efficace d’assurer une structure finement granuleuse du sol est l’introduction périodique dans les assolements d’un mélange d’herbes vivaces, de légumineuses et de céréales. En se putréfiant, les racines des herbes vivaces accomplissent un travail gigantesque d’amélioration et d’enrichissement des qualités physiques du sol. Ce dernier acquiert une structure solide et fine qui possède une remarquable capacité d’accumuler et de conserver l’humidité qui apparaît à l’époque des pluies et de la fonte des neiges. L’eau des averses orageuses de l’été ne parvient pas non plus à raviner les terres; elle est retenue et utilisée ultérieurement par les plantes. »

Le plan devait permettre un accroissement de 656 000 hectares de la superficie des terres irriguées et de 615 000 hectares des terres asséchées. Pour ce faire, devaient être formées des forêts sur une longueur de 5320 kilomètres, d’une largeur entre 30 et 300 mètres, 60 mètres étant la norme.

L’opération devait s’étaler sur quinze ans, de 1950 à 1965, sur les bords de la Volga de Saratov à Astrakhan sur 900 kilomètres ainsi que de Chapaevsk jusqu’à Vladimirova sur 580 km, depuis Stalingrad vers le sud pour une longueur de 570 kilomètres et 170 kilomètres, sur les bords de l’Oural sur 1080 kilomètres (trois de chaque côté, espacé chacun de 200 mètres), sur les deux bords du fleuve Don de Voronezh à Rostov, sur 920 kilomètres, sur les bords de la rivière Donets sur 500 kilomètres et 600 kilomètres.

De 1949 à 1965 devaient également être formés 5 709 000 hectares de plantations forestières dans les régions des steppes et steppes boisées, dont 3 592 000 hectares par les kolkhozes, 580 000 par les sovkhozes et 1 536 500 par le ministère de l’économie forestière.

C’était là bien sûr un pas en avant pour renforcer l’économie des kolkhozes et les amener à s’intégrer plus en avant dans le socialisme, liquidant l’opposition villes-campagnes un peu plus.

Les nouvelles forêts s’étendraient alors sur 16 provinces, 204 districts, sur un territoire plus grand que la France, l’Angleterre, l’Italie, la Belgique et les Pays-Bas réunis ; unie en une seule ceinture de 30 mètres, celle-ci ferait 50 fois le tour de la planète.

En plus de cela, le ministère de la sylviculture devait procéder à des travaux d’endiguement et de reboisement sur 322 000 hectares.

Enfin, de 1949 à 1955, les kolkhozes devait produire 41 300 étangs artificiels, les sovkhozes 2928 ; 570 stations de protection forestière devaient être formées, 22 000 tracteurs et 5 000 machines fabriqués et fournis aux stations pour planter les semences, des pépinières et des plantations d’herbes organisées, la formation d’une Administration centrale des plantations forestières de protection dépendant directement du conseil des ministres.

Parallèlement à ce projet, il exista également celui de former un barrage sur le fleuve Ob, qui fait 5400 kilomètres et se jette dans la partie sibérienne dans l’océan Arctique, où règne parfois une température de -60°C, et de construire un canal 930 kilomètres pour le faire aboutir dans la mer d’Aral et la mer Caspienne.

Ce projet était l’aboutissement logique de l’idéologie portant la planification ; de par son ampleur toutefois, il formulait l’expression d’une nouvelle étape. A celle de la construction d’une économie suit celle d’un rapport nouveau à la nature.

Comme expression de ce passage, le 15 novembre 1949, Le Chant des forêts du compositeur Dmitri Chostakovitch fut joué au philarmonique de Léningrad, sous la direction de Ievgueni Mravinski.

Staline y est présenté comme « le grand jardinier », la composition étant divisée en sept parties : « Lorsque la guerre fut finie » (Andante), « L’appel retentit à travers le pays » (Allegro), « Souvenir du passé » (Adagio), « Les pionniers plantent les forêts » (Allegretto), « Les combattants des forges de Stalingrad avancent » (Allegro con brio), « Promenade dans l’avenir » (Adagio), « Gloire » (Allegro non troppo).

Or, à ce moment-là, la contradiction entre les villes et les campagnes est encore présente ; si l’industrie est socialisée, les campagnes sont encore dépendantes des kolhozes, qui sont des fermes collectives autonomes par rapport à l’État en grande partie, et où existe une production individuelle jouant encore un grand rôle dans l’économie.

Le plan de transformation de la nature va alors connaître une contradiction importante, propre à la société soviétique de l’époque.

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La planification soviétique et la libération des forces productives

La planification de la totalité de l’économie permet, plan quinquennal après plan quinquennal, d’agrandir la production et par conséquent de renforcer la consommation qui n’a, dans le socialisme, pas le même sens que dans le capitalisme. Ce dernier, en effet, nivelle culturellement vers le bas, tend à des produits de masse de mauvaise qualité et à des marchandises élitistes sans intérêt réel bien souvent.

En URSS, la planification visait donc à renforcer le développement matériel et spirituel, en attribuant une part toujours plus grande à la culture, aux sciences, à la vie sociale, aux soins médicaux, etc. Une partie des ressources servait à l’accumulation pour lancer et renforcer le prochain cycle quinquennal, une autre partie à la consommation afin de satisfaire de mieux en mieux les masses.

Plus l’accumulation permettait de renforcer la production, plus celle-ci permet de déverser ses avancées dans le domaine de la consommation.

Cela allait d’autant plus vite que la distribution des marchandises échappait au parasitage commercial réalisé par les capitalistes existant normalement dans ce secteur, à la spéculation, à l’absurdité de la concurrence, aux crises, etc.

Le problème de l’URSS était que le pays partait de très loin, d’une arriération économique terrible ; le plan quinquennal ne pouvait pas profiter d’un socle déjà solide en termes de développement. Toutefois, on voit d’autant plus comment la production s’est agrandi justement grâce à la planification.

Entre 1929 et 1932, 2 400 usines et ateliers sont formés, entre 1933 et 1937 4 500 y sont ajoutés et 3 000 entre 1938 et 1940, 8 000 entre 1946 et 1954. Entre 1929 et 1933, la production industrielle a doublé et représente déjà plus de quatre fois celle de 1913 ; en 1938, elle est 4,7 fois plus grande qu’en 1929.

Staline, dans son rapport de 1933 sur le bilan du premier plan quinquennal, qui fut réalisé en quatre ans, explique la chose suivante :

« La tâche essentielle du plan quinquennal était de faire passer notre pays, de sa technique arriérée, parfois médiévale, à une technique nouvelle, moderne. La tâche essentielle du plan quinquennal était de transformer l’U.R.S.S., de pays agraire et débile, qui dépendait des caprices des pays capitalistes, en un pays industriel et puissant parfaitement libre de ses actions et indépendant des caprices du capitalisme mondial.

L’idée que le pouvoir des Soviets ne peut longtemps se maintenir sur la base d’une industrie arriérée; que seule une grande industrie moderne, qui non seulement ne le cède en rien à l’industrie des pays capitalistes mais est capable, avec le temps, de la surpasser, peut servir de fondement réel et sûr au pouvoir des Soviets.

L’idée que le pouvoir des Soviets ne peut longtemps se baser sur deux fondements opposés, sur la grande industrie socialiste qui anéantit les éléments capitalistes, et sur la petite économie paysanne individuelle, qui engendre les éléments capitalistes.

L’idée qu’aussi longtemps qu’une base de grosse production ne sera pas assignée à l’agriculture; qu’aussi longtemps que les petites exploitations paysannes ne seront pas groupées en de grandes exploitations collectives, le danger de restauration du capitalisme en U.R.S.S. est le danger le plus réel de tous les dangers possibles (…).

Avons-nous remporté la victoire dans ce domaine ? Oui, nous l’avons remportée. Et non seulement nous l’avons remportée, mais nous avons fait plus que nous n’attendions nous-mêmes, plus que ne pouvaient attendre les têtes les plus chaudes de notre Parti. Cela, nos ennemis eux-mêmes ne le nient plus maintenant. D’autant moins peuvent le nier nos amis.

Nous n’avions pas de sidérurgie, base de l’industrialisation du pays. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas d’industrie des tracteurs. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas d’industrie automobile. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas d’industrie des constructions mécaniques. Nous l’avons maintenant.

Nous n’avions pas une sérieuse industrie chimique moderne. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas une véritable et sérieuse industrie pour la fabrication des machines agricoles modernes. Nous l’avons maintenant. Nous n’avions pas d’industrie aéronautique. Nous l’avons maintenant.

Pour la production de l’énergie électrique nous occupions la toute dernière place. Nous sommes maintenant arrivés à une des premières places. Pour la production des produits du pétrole et du charbon, nous occupions la dernière place. Maintenant nous sommes arrivés à une des premières places. Nous ne possédions qu’une seule base houillère et métallurgique, — celle de l’Ukraine, — que nous avions beaucoup de mal à exploiter.

Nous sommes arrivés non seulement à remettre debout cette base, — mais encore nous avons créé une nouvelle base houillère et métallurgique dans l’Est, qui fait l’orgueil de notre pays.

Nous ne possédions qu’une seule base de l’industrie textile, dans le nord du pays. Nous avons fait en sorte que d’ici peu nous aurons deux nouvelles bases de l’industrie textile, en Asie centrale et en Sibérie occidentale. Et non seulement nous avons créé ces nouvelles et vastes industries, mais nous les avons créées sur une échelle et dans des proportions qui font pâlir les échelles et les proportions de l’industrie européenne.

Tout cela a abouti au fait que les éléments capitalistes sont éliminés de l’industrie, définitivement et sans retour, cependant que l’industrie socialiste est devenue la seule forme de l’industrie en U.R.S.S.

Tout cela a abouti au fait que notre pays, d’agraire est devenu industriel, puisque la part de la production industrielle par rapport à la production agricole a passé de 48%, au début de la période quinquennale (1928), à 70% vers la fin de la quatrième année du plan quinquennal (1932).

Tout cela a abouti au fait que, vers la fin de la quatrième année de la période quinquennale, nous avons accompli le programme de l’ensemble de la production industrielle, établi pour cinq ans, à 93,7%, en augmentant ainsi le volume de la production industrielle de plus du triple en comparaison du niveau d’avant-guerre, et de plus du double en comparaison du niveau de 1928. Quant au programme de la production de l’industrie lourde, nous avons réalisé le plan quinquennal à 108%. »

Voici comment Staline présente cela en 1934 au XVIIe congrès du PCUS(b) :

« Comment ces changements prodigieux ont-ils pu s’opérer en quelque trois ou quatre ans, sur le territoire d’un immense Etat, à technique et à culture arriérées ? N’est-ce point là un miracle ?

C’en eût été un, si ce développement s’était fait sur la base du capitalisme et de la petite économie individuelle. Mais on ne peut parler de miracle, si l’on tient compte que l’essor s’est poursuivi chez nous sur la base du développement de l’édification socialiste.

On conçoit que cet essor gigantesque n’ait pu se développer que sur la base des succès de l’édification socialiste, sur la base du travail social de dizaines de millions d’hommes, sur la base des avantages que le système d’économie socialiste a sur le système d’économie capitaliste, sur le système d’économie paysanne individuelle.

Il n’est donc pas étonnant que le prodigieux essor économique et culturel de l’U.R.S.S., pendant la période écoulée, ait marqué en même temps la suppression des éléments capitalistes et le refoulement à l’arrière-plan de l’économie paysanne individuelle.

C’est un fait que la part du système d’économie socialiste dans l’industrie est actuellement de 99% et, dans l’agriculture, si l’on tient compte des emblavures de céréales, de 84,5%, tandis qu’à l’économie paysanne individuelle il n’en revient que 15,5%.

Il en résulte que l’économie capitaliste est d’ores et déjà liquidée en U.R.S.S., et le secteur des paysans individuels à la campagne, refoulé sur des positions de second plan. »

La planification a permis de libérer les forces productives, qui pouvaient s’élancer alors de manière naturelle, sans les freins du capitalisme décadent.

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La planification soviétique : du léninisme à la planification

La planification soviétique consistait, à l’époque de Staline, en une comptabilité administrée par un organisme d’État, donnant aux entreprises d’État une liste de tâches productives.

C’est là le grand apport de Staline au marxisme-léninisme, puisque la planification n’est pas mise en place en URSS, en tant que telle et véritablement, avant 1932, cet apport étant dans la continuité directe du léninisme.

Il est important de voir comment la planification débouche directement de la révolution d’Octobre, c’est-à-dire comment Staline – qui met en place la planification – est le produit du léninisme. Dans Les bolcheviks garderont-ils le pouvoir ?, Lénine constatait, ainsi, en 1917 :

« Si le génie créateur des classes révolutionnaires n’avait pas formé les Soviets, la révolution prolétarienne serait sans espoir en Russie, car, avec l’ancien appareil d’Etat, le prolétariat, sans aucun doute, n’aurait pas pu garder le pouvoir, et on ne peut d’un coup créer un nouvel appareil.

La triste histoire de la prostitution des Soviets par Tsérétéli et Tchernov, l’histoire de la « coalition » est en même temps l’histoire de l’affranchissement des Soviets à l’égard des illusions petites-bourgeoises, de leur passage par le « purgatoire » de l’étude pratique qu’ils ont faite de toutes les turpitudes et saletés qu’entraînent toutes les coalitions bourgeoises quelles quelles soient.

Espérons que ce « purgatoire » n’a pas débilité les Soviets, mais les a trempés. La principale difficulté pour la révolution prolétarienne est de réaliser a l’échelle nationale l’inventaire et le contrôle le plus précis et le plus scrupuleux, le contrôle ouvrier, de la production et de la répartition des produits (…).

Quand nous disons : « contrôle ouvrier », ce mot d’ordre étant toujours accompagné de celui de la dictature du prolétariat, le suivant toujours, nous expliquons par là de quel Etat il s’agit. L’Etat est l’organe de domination d’une classe.

De quelle classe ?

Si c’est de la bourgeoisie, c’est bien l’Etat cadet-Kornilov-« Kérenski », par lequel le peuple est « kornilovisé et kérenskisé » en Russie voici déjà plus de six mois.

Si c’est la domination du prolétariat, s’il s’agit de l’Etat prolétarien, c’est-à-dire de la dictature du prolétariat, le contrôle ouvrier peut devenir le recensement national, général, universel, le plus minutieux et le plus scrupuleux de la production et de la répartition des produits.

Là est la principale difficulté, la tâche principale de la révolution prolétarienne, c’est-à-dire socialiste.

Sans les Soviets cette tâche, du moins pour la Russie, serait insoluble. Les Soviets décident du travail d’organisation qui permettra au prolétariat de réaliser cette tâche de portée universelle.»

Lénine, dans Sur l’infantilisme « de gauche » et les idées petites-bourgeoises, datant de 1918, affirme également :

« Le socialisme est impossible sans la technique du grand capitalisme, conçue d’après le dernier mot de la science la plus moderne, sans une organisation d’Etat méthodique qui subordonne des dizaines de millions d’hommes à l’observation la plus rigoureuse d’une norme unique dans la production et la répartition des produits.

Nous, les marxistes, nous l’avons toujours affirmé ; quant aux gens qui ont été incapables de comprendre au moins cela (les anarchistes et une bonne moitié des socialistes-révolutionnaires de gauche), il est inutile de perdre même deux secondes à discuter avec eux.

Le socialisme est également impossible sans que le prolétariat domine dans l’Etat : cela aussi, c’est de l’abc. »

Comme on le voit, la planification mise en place par Staline est le prolongement de la position de Lénine.

>Sommaire du dossier

La planification soviétique : un accompagnement de la marche à la matière vers le communisme

Comment l’URSS de Staline concevait-elle sa planification ? Quelle était sa « loi économique », c’est-à-dire sa manière d’appréhender la production et la consommation ?

Cette question est d’une importance capitale, car il serait faux de penser que la planification suffirait « en soi » à caractériser le socialisme. Le socialisme a un contenu et la planification ne peut pas exister s’il n’y a pas ce contenu.

La bourgeoisie ne peut pas, de ce fait, pratiquer de planification, seule la classe ouvrière suivant la tendance inéluctable au communisme est en mesure de le faire.

L’avancée du socialisme au communisme

Voici ce que dit à ce sujet Staline, en 1951, dans Les problèmes économiques du socialisme, dans un passage très important :

« Existe-t-il une loi économique fondamentale du socialisme ?

Oui, elle existe.

Quels sont les traits essentiels et les dispositions de cette loi ?

Les traits essentiels et les dispositions de la loi économique fondamentale du socialisme pourraient être formulés à peu près ainsi : assurer au maximum la satisfaction des besoins matériels et culturels sans cesse accrus de toute la société, en augmentant et en perfectionnant toujours la production socialiste sur la base d’une technique supérieure.

Par conséquent : au lieu que soit assuré le maximum de profits, c’est la satisfaction au maximum des besoins matériels et culturels de la société ; au lieu que la production se développe avec des temps d’arrêt – de l’essor à la crise, de la crise à l’essor, – c’est une croissance ininterrompue de la production ; au lieu de temps d’arrêt périodiques qui s’opèrent dans le progrès technique et s’accompagnent de la destruction des forces productives de la société, c’est un perfectionnement ininterrompu de la production sur la base d’une technique supérieure.

On dit que la loi économique fondamentale du socialisme est celle d’un développement harmonieux, proportionnel de l’économie nationale. Cela est faux.

Le développement harmonieux de l’économie nationale et, par suite, sa planification, qui constitue le reflet plus ou moins fidèle de cette loi, ne peuvent rien donner par eux-mêmes, si on ignore au nom de quels objectifs se fait le développement planifié de l’économie nationale, ou bien si la tâche n’est pas claire.

La loi du développement harmonieux de l’économie nationale, ne peut donner l’effet voulu que dans le cas où il y a une tâche au nom de laquelle ce développement se poursuit.

Cette tâche ne peut être fournie par la loi même du développement harmonieux de l’économie nationale.

A plus forte raison ne peut-elle pas être fournie par la planification de l’économie nationale. Cette tâche est contenue dans la loi économique fondamentale du socialisme sous la forme des dispositions exposées plus haut.

Aussi, la loi du développement harmonieux de l’économie nationale ne peut-elle exercer à fond son action que si cette action s’appuie sur la loi économique fondamentale du socialisme.

En ce qui concerne la planification de l’économie nationale, elle ne peut obtenir de résultats positifs qu’en observant deux conditions :

a) si elle reflète correctement les dispositions de la loi du développement harmonieux de l’économie nationale ;

b) si elle tient compte partout des dispositions de la loi économique fondamentale du socialisme. »

Lénine et Staline

La question de la loi du développement harmonieux tient à ce que la planification est l’expression d’une tendance à la synthèse. Il ne peut pas y avoir de planification qui serait une simple reproduction de l’économie précédente, qui donnerait une économie statique.

La planification n’est qu’un reflet imparfait de la réalité matérielle en développement, et qu’un plan correctement mené de bout en bout retranscrirait en développement harmonieux de l’économie nationale.

La matière est, en effet, en marche vers le communisme ; par conséquent, la planification ne fait que correspondre à une tendance inéluctable. Pour cette raison, la loi du développement harmonieux est subordonnée au développement de la production socialiste : seul le développement des forces productives permet d’être en accord avec la marche au communisme.

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La planification soviétique : un équilibre général

Organisant l’économie à l’échelle d’un pays, le GOSPLAN était dans la nécessité de procéder à des équilibres, des opérations de balances, afin qu’il y ait un équilibre général.

Le plan consiste en la gestion de la matière relevant des forces productives, avec un plan comptable consistant en des entrées et des sorties, un équilibre devant être réalisé, chaque entreprise devant être capable d’une « assimilation » complète de ses possibilités afin de les réaliser.

Ce plan général était la synthèse d’autres plans, dont le découpage était le suivant :

– production de l’industrie et de l’agriculture,

– transports et développement des communications,

– grands travaux et développement et de l’introduction de nouvelles techniques

– approvisionnement

– travail et salaires,

– commerce et stockages,

– domaines social et culturel,

– prix de revient de la production,

– développement de l’économie nationale par république fédérée et par région économique,

– prix et finances,

– commerce extérieur,

– synthèse générale des plans.

L’arithmétique du contre-plan :
2 [ans] + 2 [ans] + l’enthousiasme des travailleurs = 5

Dans chaque plan, il faut des équilibres également entre les balances, ces équilibres se reliant par branches ; en 1951, il y avait 1600 balances, formant le noyau de l’économie et réparties dans les 14 groupes suivants : les métaux ferreux, les métaux non ferreux, les combustibles solides, les produits pétroliers, l’énergie électrique, les produits chimiques, les produits en caoutchouc, les machines et les équipements, les matériaux de construction, les produits forestiers, le papier, les produits alimentaires, les produits manufactures, les matières premières d’origine agricole.

L’ensemble de l’économie était alors évalué selon le revenu national, en portant l’attention sur la part relevant de la consommation et celle relevant de l’accumulation destinée pour les prochains cycles productifs.

Bien sûr, en raison des faiblesses générales de l’économie, le plan est obligé de faire en sorte que le salaire à la pièce soit la règle dans les usines et dans les ateliers ; les entreprises elles-mêmes disposent de davantage de moyens en fonction de leur réussite, de leur capacité à bien exécuter le plan, à rembourser les éventuels prêts, l’idée étant que chaque entreprise doit tout faire pour dépasser le plan, une partie des « revenus » de chacune lui étant remise de toutes manières et d’autant plus en cas de dépassement.

Cela contribue de meilleure manière à l’amélioration des techniques, des outils, de l’entretien, des conditions générales de travail, de la vie sociale et culturelle avec des équipements sportifs, artistiques, etc.

La nécessité d’aller de l’avant dans le plan amena le GOSPLAN à élaborer toute une série d’initiatives théoriques et documentaires. L’Académie des sciences en 1943 formula par exemple les « Perspectives générales de la science soviétique », pour développer les sciences, visant ainsi le long terme ; un autre exemple parlant est le Second Plan d’Électrification, dont les documents de préparation de 1932 font pas moins de 4 000 pages.

On notera à ce sujet la présence d’une proposition de systématisation de l’énergie éolienne ; si le projet avait été choisi, dès 1937 l’énergie éolienne aurait fourni 2 millions de kW, soit 9 % du total, tout en formant 34 % du secteur énergétique. Après 1945, en tout cas, l’URSS produisait 9000 éoliennes par an ; rien qu’entre 1950 et 1952, la production électrique augmenta de plus de la moitié.

Un autre exemple intéressant est, en 1936, la mise en place par le GOSPLAN d’études communes avec l’Académie des sciences dans huit domaines de recherches considérés comme d’une importance capitale : l’établissement de la balance de l’économie nationale, le développement de la culture des céréales, la mécanisation et l’automatisation, l’intensification dans la chimie et la sidérurgie, la prospection minière, la recherche d’une nouvelle base pétrolière, la formation d’un centre d’interconnexion, l’approvisionnement en essence des automobiles et des tracteurs.

On se doute que, avec la question de la tendance à la guerre des pays capitalistes, la défense était une question essentielle ; l’éditorial de la revue Planexpliquait à ce sujet en mai 1937 :

« L’encerclement capitaliste et les préparatifs des États fascistes en vue d’une guerre contre l’URSS met les organes de planification devant l’obligation d’assurer un renforcement général du potentiel de défense du pays.

Tous les Plans de développement des différentes branches et de la répartition géographique des constructions nouvelles doivent être réexaminés en fonction du renforcement de la puissance militaire et défensive de l’URSS. Un élan particulier doit être donné au développement de l’industrie de la défense. »

Hors industrie d’armement, le budget de la défense passa ainsi de 23,2 milliards de roubles en 1938 à 39,2 milliards de roubles en 1939. Une telle évolution ne pouvait que nuire à la planification, de par les changements imposés ; le troisième plan fut lui-même interrompu en 1941, le quatrième n’intervenant qu’en 1945.

Ce qui nuisait également à la réalisation de la planification étaient les obstacles posées par des contre-révolutionnaires ou des personnes ne saisissant pas l’évolution en cours, provoquant des utilisations incorrectes du matériel, des retards, des manquements dans la réparation, des commandes incorrectes, une absence de modernisation, un frein aux mobilisations ouvrières, la bureaucratisation, la sous-estimation des moyens réels, des allongements de délais, la dispersion des moyens, la sous-évaluation des devis, etc.

Tout cela relevait du sabotage, mené soit subjectivement, soit objectivement, ce qui revient au même et relève de la lutte de classes, ce que les commentateurs bourgeois ont toujours nié.

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La planification soviétique : un plan en mouvement

Si le GOSPLAN a besoin de statistiques, ce n’est pas pour gérer une économie qui se reproduit, c’est pour saisir la situation afin de la transformer en transmettant des ordres et des moyens aux entreprises collectivisées.

Cela passait également par une gestion par branches économiques, ainsi que par territoires (l’URSS étant une fédération de républiques, comprenant chacune une division territoriale plus ou moins hiérarchisée).

Or, la difficulté était alors d’organiser des comités et sections administratives chargées, à chaque étape entre le haut (le GOSPLAN) et le bas (les entreprises), de transmettre, de vérifier, de servir d’intermédiaire (dans les deux sens). A la mort de Staline, il existait ainsi 5 000 commissions du plan au niveau des districts et des villes.

C’est le GOSPLAN lui-même qui devait gérer tout cela et, conformément à ses missions, ses consignes devaient être comprises et il devait lui-même donner les moyens qu’on les comprenne. Pour cela, des indices étaient utilisés et il n’en fallait pas trop, pour ne pas saper les initiatives à la base. Dans la production industrielle, on en trouvait environ 1600, et 9500 pour l’ensemble de l’économie.

Le GOSPLAN ne consistait pas qu’une administration formant un plan. Il devait gérer chaque programme de production, organiser le développement scientifique et administratif pour que le plan puisse être conçu et mis en place, gérer la diffusion des ordres ainsi que l’organisation du travail de la planification, vérifier la cohérence de l’ensemble, etc.

On comprendra la difficulté qu’il y avait à réaliser cela, dans la période 1917-1953, sans l’informatique. Pour cette raison, la planification soviétique a scindé certains aspects au départ, tentant d’améliorer ensuite l’organisation du travail.

Jusqu’au milieu des années 1930, le Commissariat aux voies de communication, celui des télécommunications, de l’approvisionnement de l’industrie légère, des transports par eau… fonctionnaient de manière autonome.

En 1948, et cela jusqu’à dix jours après la mort de Staline, le GOSPLAN – devenu un comité et non une commission – abandonna également certaines prérogatives : l’approvisionnement matériel de l’économie nationale au GOSSNAB, l’introduction des techniques nouvelles dans l’économie au GOSTEKHNIKA, la répartition des fonds matériels, ainsi que le département de technologie.

En pratique, le plan lui-même obéissait au plan, à l’évolution de la production, à son amélioration. La planification se situe dans une marche au communisme, c’est dans sa nature même : son moteur est idéologique, sa raison même d’exister. En 1937, on lit ainsi dans le document du PCUS(b) intitulé « Liquider jusqu’au bout les suites du sabotage dans la planification » :

« La condition essentielle de la solution des problèmes de planification économique réside dans l’approche politique de n’importe quel problème du plan, de n’importe quel chiffre, de chaque projet…

Ces directives du camarade Staline constituent la base de la direction bolchevique.

Pour élaborer, de façon correcte, le plan économique et diriger la lutte pour sa réalisation, il est indispensable de garder fermement en vue le caractère inséparable du politique et de l’économique.

Tout le travail du GOSPLAN et de tous les organes de planification doit être imprégné de l’esprit de Parti et garantir la réalisation bolchevique des directives du Parti et du gouvernement. »

Là où les choses se compliquaient donc, c’est qu’en plus lorsqu’un plan est réalisé, un autre est préparé, année après année, alors que, tous les cinq ans, il faut fournir de nouveau un plan pour cinq ans.

Les entreprises, tout comme les Républiques, les régions, etc., étaient, naturellement, en liaison régulière avec le GOSPLAN, effectuant des demandes, des ajustements ayant lieu, des améliorations, des changements, des demandes d’investissement, etc. Tout cela demande une intendance très efficace.

On a, bien entendu, ici une raison essentielle pour laquelle Nikita Khrouchtchev a attendu le XXe congrès en 1956, pour asseoir ouvertement la prise du pouvoir par la clique révisionniste, alors que Staline était mort en 1953. Il était nécessaire d’attendre qu’un cycle quinquennal se conclut, afin de jouer sur le nouveau plan, sur les cadres liés à ce plan.

Le cœur de l’URSS, c’était la planification, la compréhension politique et idéologique de celle-ci en haut comme en bas. Le Grand Bond en Avant et la Grande Révolution Prolétarienne Culturelle en Chine populaire visaient justement à donner à la réalisation de la planification une dimension idéologique, politique et culturelle à la hauteur.

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