L’expérimentation animale et l’étape idéaliste-naturaliste de l’idéologie empiriste devenue réactionnaire

La bourgeoisie triomphante en France, mais devant encore briser la féodalité, porta aux nues deux bouchers qui firent de la vivisection l’alpha et l’oméga de la connaissance en physiologie : François Magendie (1783–1855) et son disciple Claude Bernard (1813-1878).

Le mot d’ordre de François Magendie – « supposons que rien n’est fait et que tout est à faire » – exprime parfaitement une démarche cynique et sordide au plus haut degré. Il n’y a aucune limite, il faut essayer tout dans toutes les directions pour s’approprier encore plus le monde. François Magendie est le reflet le plus direct d’une bourgeoisie n’ayant qu’une hâte : finir le travail de prise de possession de l’ensemble de la société.

La vision du monde est vitaliste, farouchement anti-intellectuelle :

«  Il ne s’agit pas d’avoir des idées, de créer des suppositions. À l’expérience seule appartient le privilège de dire quelque chose. »

Dans le Précis élémentaire de physiologie, il oppose de la manière suivante les deux approches (et qui correspondent en fait à l’approche religieuse et l’approche empirio-criticiste) :

« Chaque science naturelle peut exister sous deux formes différentes, 1° la systématique ; 2° la théorique.

Sous la forme systématique, la science a pour fondement quelques suppositions gratuites, quelques principes établis à priori auxquels on rattache les faits connus, de manière à les expliquer. Un nouveau phénomène est-il découvert ?

S’il ne s’accorde pas avec le principe fondamental, on modifie celui-ci jusqu’à ce qu’il fournisse une explication qui plaise : si les savants se livrent à des travaux d’expérience, c’est toujours avec l’intention de confirmer le système adopté : tout ce qui pourrait tendre à le renverser est négligé, ou n’est pas aperçu ; on cherche ce qui doit être et non ce qui est ; enfin on suit entièrement la marche synthétique, dans laquelle on descend des hypothèses aux faits, sans s’élever à aucune de ces conséquences générales que l’on doit avoir surtout en vue dans la recherche de la vérité.

Il est presque impossible qu’en conservant cette forme, une science naturelle fasse des progrès réels.

La forme théorique que peuvent présenter les sciences naturelles, est entièrement opposée à celle dont nous venons de parler.

Sous cette forme, les faits, les faits seuls, servent de fondement à la science ; les savants s’attachent à les bien constater, à les multiplier autant qu’il est possible ; ensuite ils étudient les rapports que les phénomènes ont entre eux et les lois auxquelles ils sont assujettis.

Quand on se livre à des recherches expérimentales, c’est pour augmenter la somme des faits connus, ou pour, découvrir leur liaison réciproque ; en un mot on suit la marche analytique, la seule qui conduise directement au vrai.

En suivant cette méthode, les sciences s’accroissent, sinon rapidement, du moins sûrement, et l’on peut espérer de les voir approcher de la perfection. »

« Augmenter la somme des faits connus », c’est exactement le point de vue de son disciple Claude Bernard, qui se fera quitter par sa femme horrifiée, Marie Françoise Bernard, qui donnera naissance au premier mouvement anti-vivisection en France.

La différence entre François Magendie et Claude Bernard est toutefois que le premier était un forcené sans aucun repère, alors que le second effectuait tout de même un plan de recherche.

Claude Bernard fut une figure incontournable en France, en tant que membre de l’Institut de France et de l’Académie de médecine, Professeur de médecine au Collège de France, Professeur de physiologie générale au Muséum d’histoire naturelle, etc. Il apporta la vision « naturaliste » nécessaire à la bourgeoisie.

Il faut ici rappeler que le naturalisme n’est pas du tout le prolongement du réalisme et que, d’ailleurs, les écrivains et peintres naturalistes sombreront souvent dans le décadentisme, preuve de leur caractère réactionnaire dans sa substance même.

Claude Bernard, dans ses Leçons sur la chaleur animale sur les effets de la chaleur et sur la fièvre, datant de 1876, présente ce qu’est la science de la manière suivante :

« La médecine, ainsi que toute science, peut être envisagée par ceux qui la cultivent à deux points de vue : ou bien on se contente d’observer les phénomènes, d’en constater les lois, ou bien on se propose de les expliquer et d’en dévoiler le mécanisme à l’aide d’expériences.

Il y a donc une médecine d’observation, et, si vous me permettez le mot, une médecine d’explication expérimentale. C’est cette dernière que nous revendiquons comme le domaine de cette chaire. »

On retrouve là le principe de l’empirisme, sauf que Claude Bernard pose un élément en plus : l’observation précède l’expérience.

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On n’est plus dans la reconnaissance de la dignité du réel, qu’on veut faire parler quitte à le torturer. On est dans une approche qui voit et qui essaie afin de conquérir du terrain. C’est conforme à la vision du monde devenue réactionnaire.

On a, pour cette raison, une conception isolationniste des phénomènes. Claude Bernard, dans le même ouvrage, est explicite à ce sujet :

« La conception de Descartes domine la physiologie moderne. « Les êtres vivants sont des mécanismes. »

La cause immédiate des phénomènes de la vie ne doit pas être poursuivie dans un principe ou dans une force vitale quelconque. Il ne faut pas la chercher dans la psyché de Pythagore, dans l’âme physiologique d’Hippocrate, dans la pneuma d’Athénée, dans l’archée de Paracelse, dans l’anima de Stahl, dans le principe vital de Barthez.

Ce sont là autant d’êtres imaginaires et insaisissables (…).

Il ne serait pas exact de dire que nous vivons dans le monde extérieur. En réalité, je ne saurais trop le répéter, nous n’avons pas de contact direct avec lui, nous n’y vivons pas. Notre existence ne s’accomplit pas dans l’air, pas plus que celle du poisson ne s’accomplit dans l’eau ou celle du ver dans le sable.

L’atmosphère, les eaux, la terre, sont bien les milieux où se meuvent le animaux, mais le milieu cosmique reste sans contact et sans rapports immédiats avec nos éléments doués de vie. La vérité est que nous vivons dans notre sang, dans notre milieu intérieur. »

Cette démarche est, au sens strict, le contraire exact de la démarche aboutissant à la découverte du principe de Biosphère par Vladimir Vernadsky. Ce dernier était un bourgeois, mais la Russie était profondément en retard et la bourgeoisie portait encore un aspect démocratique – progresssiste. Le principe « isolationniste » ne prédominait ainsi pas encore.

Chez Claude Bernard, l’approche « isolationniste » va alors aboutir à toutes les expériences possibles et imaginables afin d’avoir une sorte de panorama de données. On a déjà le principe du big data comme méthode explicative.

Le big data n’est en effet nullement l’observation des données, c’est également des poussées, des expériences pour voir comment il y a des « réactions », ce qui est autant de données en plus, différentes, sources de pseudos explications.

Avec Claude Bernard, on a ainsi des actions de boucher sur tel ou tel élément, pour voir ce que cela donne avec des modifications légères à chaque fois (un lapin échauffé jusqu’à la mort, un lapin recouvert d’huile échauffé jusqu’à la mort, etc.), afin de compiler le tout et d’avoir un panorama du phénomène. Il faut tout essayer, de manière mécanique : c’est un empirio-criticisme, un empirisme critique, qui refuse toute certitude.

Claude Bernard procède ainsi, comme il le raconte dans son ouvrage, à l’expérience à la fois absurde et meurtrière suivante :

« Si l’on place dans une étuve sèche à 60 ou 80 degrés deux lapins, – l’un vivant, l’autre mort mais encore chaud et venant d’être sacrifié par la section du bulbe rachidien, – on constate que les deux lapins s’échauffent inégalement ; l’animal vivant s’échauffe bien plus rapidement que l’animal mort placé dans les mêmes conditions. »

C’est tout à fait exemplaire de la quête de données pour les données. Ce n’est pas la vérité qui est recherchée, ce sont les données qui permettront de « lire » une prétendue vérité. On l’aura compris, le monde est compris comme statique, fait de briques et il s’agit d’en faire le catalogue de toutes les variantes.

L’expérimentateur est ainsi avant tout un observateur – alors que Claude Bernard prétendait dépasser l’observation. C’est là la clef montrant l’inanité des prétentions de l’étape idéaliste-naturaliste de l’idéologie empiriste. Voici une illustration des écrits d’observation faits par Claude Bernard, tirés du même ouvrage :

« Dans l’étuve, nous plaçons un moineau ; la température est d’environ 65 degrés. Au bout d’un instant, nous voyons l’animal ouvrir le bec, manifester une anxiété qui devient de plus en plus vive, respirer tumultueusement ; enfin, après un instant d’agitation, il tombe et meurt. Son séjour dans l’étuve a duré quatre minutes. (…)

Nous faisons la même expérience sur un lapin : la même série de phénomènes se déroule, avec plus de lenteur il est vrai, car il ne meurt qu’au bout de vingt minutes environ (…).

Engourdissons par le froid une grenouille sur laquelle le sternum enlevé permet d’apercevoir le cœur à nu. Les battements sont très ralentis ; alors plongeons un des membres postérieurs de l’animal dans l’eau tiède, presque instantanément une accélération se manifeste dans les battements du cœur (…).

Quand on opère sur des animaux dans l’état ordinaire, qui ne sont ni contenus par le curare, ni anesthésiés par le chloroforme, le premier effet des atteintes de la douleur est toujours de provoquer une sorte de réaction de sensibilité, réaction qui se traduit par une paralysie instantanée des nerfs vaso-moteurs, avec dilatation des vaisseaux périphériques et chaleur ; puis des mouvements violents apparaissent sur le sujet en expérience : l’animal se débat, il résiste, il essaie de s’échapper.

De là des contractions musculaires qui sont encore une source puissante de calorique. A cette première période d’agitation, à laquelle correspond l’élévation de température du début, succèdent bientôt les effets propres de la douleur ; on voit alors la température s’abaisser d’une façon définitive et descendre au-dessous du niveau naturel. »

Il y a bien deux étapes idéalistes-naturalistes : une qui fait avec les moyens du bord et l’autre qui systématise l’immédiatisme pour l’accumulation de données individuelles et qui correspond à la vision bourgeoise du monde. Claude Bernard sera le premier scientifique à avoir des funérailles nationales.

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L’expérimentation animale et l’étape matérialiste immédiatiste de l’idéologie empiriste progressiste

Le culte de l’expérience comme valeur en soi, l’empirisme, relève initialement d’un matérialisme qui, à son apparition, a la dignité de se révolter contre la féodalité et ses abstractions religieuses. C’est un matérialisme sensualiste, qui va dans la logique de l’athéisme, de la reconnaissance de la nature.

Il est souvent expliqué dans la littérature bourgeoise que l’empirisme est une révolte contre la scolastique catholique et contre Aristote, les deux étant assimilés. C’est une erreur complète. La philosophie d’Aristote est matérialiste, elle reconnaît toute sa valeur à l’expérience. Ce contre quoi les empiristes se sont révoltés, c’est contre l’interprétation catholique faite d’Aristote, avec notamment Thomas d’Aquin.

La religion était un obstacle fondamental à la science, le catholicisme n’utilisait Aristote que pour contrer celui-ci, de l’intérieur pour ainsi dire. Le courant de Thomas d’Aquin n’a par ailleurs jamais représenté qu’un courant du catholicisme, l’autre s’appuyant sur l’idéalisme complet d’Augustin.

Les avancées humaines, avec l’élévation des forces productives, ont permis de bousculer la religion et ensuite de la dépasser. Le progrès en termes de civilisation a notamment permis le développement de la médecine, une démarche tout à fait concrète.

La première grande figure est le Flamand André Vésale (1514–1564) qui le premier amène le dépassement de l’œuvre de Galien de Pergame (129-216) par la confrontation au réel, notamment avec la dissection.

Portrait d’André Vésale dans son ouvrage De humani corporis fabrica, 1543

La vivisection commence alors à s’employer, notamment avec l’Italien Realdo Colombo (1516–1559), son disciple Hieronymus Fabricius (1533-1619), qui lui-même fut le professeur de l’Anglais William Harvey (1578-1657), auteur d’un important ouvrage sur la circulation sanguine, Exercitatio Anatomica de Motu Cordis et Sanguinis in Animalibus (Exercice anatomique sur le mouvement du cœur et du sang chez les animaux).

L’humaniste Francis Bacon (1561–1626) théorise alors l’empirisme : apprendre, c’est faire parler les choses, les faire révéler leur dynamique interne. Dieu a créé le monde – même si ici le Dieu est très proche de celui de Spinoza et est en fait Nature – et on peut se l’approprier en redécouvrant ses propriétés qui parlent pour ainsi dire d’elles-mêmes lorsqu’on travaille sur elles.

Portrait de Francis Bacon par Paul van Somer, 1617

On trouve une vision strictement parallèle avec deux philosophes français, pour le coup anti-Nature, René Descartes (1596-1650) et Nicolas Malebranche (1638-1715), qui bien que tournés vers la spiritualité, reconnaissent une organisation figée du monde, tous deux considérant que les animaux sont des automates.

Pour résumer sommairement, avec la religion on avait une science produisant par déduction en s’appuyant sur des principes abstraits, tandis que désormais on a l’induction : on généralise les observations, on les systématise.

Toute une série de penseurs se lance alors dans de multiples domaines, notamment à travers ce qu’on appellera le groupe d’Oxford. L’immense chercheur multi-domaines Robert Hooke (1635–1703) découvre notamment ce qu’est une cellule, le philosophe John Locke (1632–1704) résume l’esprit humain à une sorte de mécanique accumulatrice d’expériences, le médecin John Mayow (1641–1679) étudie l’air, tout comme le chimiste Robert Boyle (1627–1691).

Une Expérience sur un oiseau dans une pompe à air, peinture de Joseph Wright of Derby représentant une expérience se fondant sur le travail de Robert Boyle

Le médecin Richard Lower (1631–1691) étudie la circulation sanguine dans son rapport avec la physiologie cardiaque, le médecin Thomas Willis (1621–1675) étudie la neuroanatomie, Christopher Wren (1632–1723) se tourne vers l’anatomie, la géométrie, l’astronomie.

On est ici dans un foisonnement expérimental permis par un contexte radicalement nouveau où la bourgeoisie prône la connaissance, l’activité scientifique, les recherches pour faire avancer les forces productives.

Christopher Wren

Le Français Jean Riolan (1577-1657) et l’Irlandais Edmund O’Meara (1614–1681) s’opposèrent à la vivisection, arguant que les conditions faussaient la valeur de l’expérience, mais ils ne faisaient en réalité que chercher à protéger les conceptions anciennes.

On doit considérer les expériences de cette époque comme l’expression, inévitable, d’un matérialisme immédiatiste, empirique, élémentaire, inductionniste.

D’ailleurs, le savant britannique Stephen Hales (1677–1761) et le Suisse Albrecht von Haller (1708–1777) – ce dernier découvrant le rôle des nerfs dans la sensibilité – regrettaient leur propre pratique de la vivisection, qu’ils excusaient en raison de la découverte de processus physiologiques inaccessibles sinon.

La situation devient totalement différente après la révolution française et la grande offensive de la bourgeoisie. La méthode expérimentale va être systématisée sans état d’âme, comme pour chercher à tout prix à prolonger l’élan initial, de manière mécanique.

Les deux principales figures littéralement criminelles qui apparaissent alors assument entièrement la cruauté. Ils sont d’ailleurs Français, exprimant une bourgeoisie se précipitant à la conquête du pouvoir dans tous les domaines, avec cynisme.

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La quête de données de l’expérimentation animale et les animaux transgéniques

Le mode de production capitaliste ne peut pas se passer de l’expérimentation animale, car la concurrence exige d’avoir un temps d’avance et, étant hostile à une lecture matérialiste (dialectique), tout est une bataille pour les données.

Il faut faire ici un parallèle strict entre le big data, la quête du plus d’informations possibles par les entreprises, et les expériences les plus diffuses faites sur les animaux.

Ces expériences touchent les secteurs suivants principalement :

– la recherche « pure », c’est-à-dire clairement à l’aveugle ;

– la recherche concernant les maladies humaines, où des analogies sont recherchées (ce qui pose la question de la valeur de l’analogie comme principe scientifique) ;

– les tests de toxicité ;

– la recherche pharmaceutique ;

– la pratique chirurgicale ;

– la recherche concernant les maladies des animaux d’élevage.

Destruction d’une grange vide d’un centre de recherche agricole dans le Maryland aux Etats-Unis, 1987

Les marchandises sont ici concernées en amont et en aval. Un produit mis sur le marché doit être conforme à des règlements sanitaires et chimiques ; inversement, les « découvertes » faites par les expériences permettent d’élargir le spectre productif.

Il n’y a aucun choix démocratique : les expériences peuvent être faites, donc elles sont faites. C’est le prolongement de la démarche empiriste de la bourgeoisie lorsqu’elle est parvenue à développer la science contre la féodalité, mais un prolongement démultiplié, déformé, halluciné.

Cette hallucination a amené la « production » d’animaux transgéniques, à partir des années 1970, au moyen de différentes méthodes visant à modifier une partie ciblée de l’ADN. Le terme de « transgénique » apparaît en 1981 alors que commence lentement le processus de systématisation de leur « production ».

Un mémorandum de l’OMS de 1993 (« Élevage et expédition des souris transgéniques sensibles aux virus humains ») présente les animaux transgéniques de la manière suivante :

« Généralement, le gène étranger ou transgène est introduit dans I’ADN chromosomique de l’animal transgénique.

Des croisements sélectifs permettent ensuite d’obtenir des animaux homozygotes et hétérozygotes. Ainsi, si l’animal de laboratoire courant, comme la souris, n’est pas naturellement permissif à l’infection par un virus pathogène en raison de l’absence d’une protéine humaine essentielle (le récepteur cellulaire au virus, par exemple), les lignées animales transgéniques qui expriment le gène humain correspondant à cette protéine peuvent être sensibles à l’infection.

Grace à cette technique on espère faire progresser le savoir concernant la prévention et le traitement de certaines maladies infectieuses. »

Ces animaux sont nés pour souffrir, connaître l’expérimentation et mourir. La modification de leur ADN vise en effet à les rendre malades, afin d’intervenir sur eux. Ils sont de la « matière première » à une connaissance reposant sur la boucherie.

Cette « production » elle-même implique également un massacre général dans la sélection faite des animaux, car seule une toute petite partie des tentatives de transmission de gènes étrangers à l’espèce réussit (entre 5 % et 25% au très grand maximum).

Ce chiffre se retrouve pour la descendance, où pareillement on aura seulement un quart des animaux transgéniques, au maximum, portant la modification recherchée.

À cela s’ajoute que ce sont des mères porteuses qui sont employées, étant fécondées artificiellement après la modification génétique du produit d’une reproduction d’animaux normaux. Ce processus est présenté ainsi de manière « neutralisée » dans « Les animaleries pour animaux transgéniques : législation et agrément en France » (Centre de Recherche Pierre Fabre, Service de Zootechnie) :

« Pour l’obtention d’animaux transgéniques, il existe quatre étapes essentielles quel que soit la technique de transgénèse choisie : l’introduction d’une séquence d’ADN dans un embryon, puis l’implantation de cet embryon dans l’utérus d’une femelle pseudo-gestante, suite à quoi la première génération d’animaux est obtenue (il est alors nécessaire de détecter par diverses méthodes les animaux effectivement transgéniques) et finalement, une lignée transgénique qualifiée de «pure» est obtenue par croisements. »

Chaque animal transgénique implique une série de meurtres pour arriver à sa « production », à chaque étape, et cela de bout en bout.

Tout ce processus, outre une série de sélection et d’élimination, implique également des prélèvements tissulaires, cellulaires, etc.

De plus, les « chercheurs » n’ont aucune idée de l’impact futur des modifications faites, aussi minimes qu’elles soient. Les conséquences indirectes potentielles sont innombrables, mais cela n’est bien entendu pas vu car l’animal est ici lui-même une expérience ciblée. Sa dignité comme réalité totale est niée.

Le processus est d’ailleurs sans fin, car la « recherche » pour la « recherche » implique de jouer toujours plus les docteurs Frankenstein pour produire de nouveaux animaux transgéniques, l’un des buts étant notamment le développement d’organes artificiels. Les animaux seraient alors le support d’organes « équivalents » à ceux des humains sur lesquels l’expérimentation aura lieu.

Libération de chats d’un laboratoire au Texas

Il y a également la quête d’organismes vivants modifiés génétiquement qui pourraient intégrer la production pour l’alimentation humaine, ou encore la formation d’animaux transgéniques servant de « bioréacteurs » produisant des formes chimiques utiles : l’utilisation des animaux est totalement au service du mode de production capitaliste et de sa logique d’accumulation.

On a pour cette raison la contradiction entre la compétition concurrentielle et la course au monopole, la contradiction entre la dispersion et la centralisation. Il y a en effet une tendance à la normalisation de la production des animaux transgéniques (principalement les souris et les mouches du vinaigre encore appelées drosophiles, mais également les vers nématodes, les poissons zèbres).

Cette contradiction est explosive au sein de l’expérimentation animale qui, de plus, se fonde sur le principe du tout génétique et de l’invariabilité complète des données génétiques. Et comme le principe d’un monde « mathématisable », statique, composé d’éléments isolés et fixes, se heurte au réel et n’arrive à rien, cela amène une exigence d’encore plus de tests, avec un soutien monopolistique le cas échéant comme avec les animaux transgéniques.

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La systématisation industrielle de l’expérimentation animale

Le procès des médecins nazis par un tribunal militaire américain à Nuremberg en 1947 avait dénoncé la « vivisection humaine », formulant les principes d’une expérimentation humaine présentée comme éclairée, mais justifiant de fait l’expérimentation animale à tous les niveaux.

Cette expérimentation animale existait dès le 19e siècle, mais elle ne possédait pas une systématisation qui n’apparaîtra qu’avec le 24 heures sur 24 du capitalisme. En effet, chaque marchandise va alors être testée, l’animal devenant lui-même l’expérience.

Tout est testé, depuis la barre chocolatée Mars jusqu’aux dentifrices, depuis l’encre de l’imprimante jusqu’aux ceintures de sécurité. Tout est testé non seulement une fois la marchandise réalisée, mais également souvent dans la genèse de la marchandise elle-même.

Et comme il y a de plus en plus de marchandises, il y a de plus en plus d’animaux pour subir les tests.

Beagles libérés par un raid

Il faut bien saisir qu’il ne s’agit pas d’un « choix » ni même d’une logique scientifique ici à l’œuvre. On est dans une démarche tout à fait pragmatique. Les possibilités techniques toujours plus grandes permises par le développement des forces productives amène la tendance à ne plus raisonner, mais à essayer pour trouver.

Plus on a de données, plus on « sait » et donc plus on « sait » mieux que les autres. C’est donc une porte ouverte à la fuite en avant dans l’expérimentation afin de « trouver »… quelque chose qu’on ne cherche pas initialement.

Ce processus est de nature concrète ; il n’est pas une abstraction, mais connaît des étapes bien marquées. Il faut bien distinguer la période d’avant la systématisation du capitalisme de celle d’après.

Le tournant se déroule lorsque le développement puissant du capitalisme dans ses pays bastions avait donné naissance à toute une petite industrie artisanale de l’élevage, très profitable, tournée notamment vers la mode, les scientifiques, etc. et portée par des couches populaires parmi les moins éduquées.

Il y eut alors conjugaison de cette industrie artisanale et la systématisation des expériences. Une date marquante fut 1942, avec la fondation en Grande-Bretagne d’une Conference on the Supply of Experimental Animals (CESA) mise en place par vingt sociétés scientifiques (comme la Société Royale de Médecine, la Société Royale de Médecine tropicale, etc.), afin de « produire » de manière « standardisée » des cochons d’Inde à destination de l’expérimentation.

Image de l’élevage de cochons d’Inde à destination de l’expérimentation animale à Newchurch en Grande-Bretagne. L’élevage a fermé en 2005 après une campagne de harcèlement de six années.

Il faut noter que le directeur du comité de la CESA pour renforcer l’expérimentation animale fut le chimiste Alfred Louis Bacharach, devenu surtout nutritionniste. C’était un pianiste émérite et un fervent socialiste, membre de l’Independant Labour Party, travaillant avec le Workin Men’s College du nord de Londres. Il travailla pourtant 36 années pour Glaxo Laboratories et s’inséra totalement dans la vision « expérimentale ».

De fait, les chiffres sont ici tout à fait édifiants. Il y a en Grande-Bretagne 70 367 expérimentations animales en 1920, 954 691 en 1939 et on dépasse le chiffre de 1,5 million dès 1947. La systématisation du mode de production capitaliste a été la systématisation de l’expérimentation animale.

On doit considérer qu’à partir des années 1950 et du code de Nuremberg, l’expérimentation animale est une norme. Le discours de refus de l’expérimentation humaine par le tribunal militaire américain ne fut que la validation idéologique de la démarche triomphant dans les pays capitalistes les plus avancés, allant au 24 heures sur 24 du capitalisme.

On dépasse ainsi en Grande-Bretagne largement les cinq millions d’animaux employés dans les années 1970.

Le chiffre tombe à 3 millions au milieu des années 1980, notamment en raison de l’immense vague anti-vivisection portée par l’ALF et la BUAV, mais remonte alors que le nombre de marchandises disponibles s’agrandit encore et que les animaux transgéniques sont mis sur le marché à la fin des années 1990. Le chiffre est désormais d’un peu moins de 4 millions d’animaux utilisés chaque année.

Le site hacké d’un laboratoire d’expérimentation animale en 2015

On retrouve la même approche dans tous les pays, avec des tendances et des contre-tendances. Il y a davantage ou moins d’animaux selon les opportunités et il n’y a nulle régression du chiffre. Ainsi, le nombre d’animaux employés en France est passé de 1,77 à 1,92 million entre 2014 et 2016, le nombre de primates non-humains passant de 1103 à 3508.

À l’échelle mondiale, le chiffre tourne autour de 200 millions d’animaux. Environ 11 % de ces animaux (mais 16,7 % en France en 2016) est concerné par les procédures les plus brutales.

Cela n’empêche pas cette pratique relevant de la torture et du meurtre de chercher à se recouvrir d’un vernis pseudo humaniste littéralement fantasmagorique, tellement les « chercheurs » sont dans le rejet de la dignité du réel.

Voici ce que peut raconter, très « sérieusement », un directeur de recherche de l’INRA, Louis-Marie Houdebine, spécialiste des animaux transgéniques (la trangenèse animale et ses risques, Courrier de l’INRA n°23) :

« On oublie trop que avant d’être impliqué dans une expérience ou d’être consommé, l’animal à une vie relativement belle, dans beaucoup de cas, contrairement à une idée reçue. Captif, l’animal n’a en effet ni besoin de chercher sa nourriture, ni de se protéger contre les conditions climatiques et les prédateurs ; il est de plus souvent vacciné contre des maladies mortelles.

Les animaux de laboratoire comme les animaux d’élevage sont souvent bien traités, ne serait-ce que pour qu’ils puissent remplir convenablement la fonction qu’on attend d’eux. Les animaux, transgéniques ou non, sont du matériel expérimental souvent très coûteux et d’un maniement relativement délicat. Pour ces raisons, les expérimentateurs et les industriels préféreraient la plupart du temps ne pas y avoir recours. »

Plus loin dans l’article, on lit un argumentaire d’apprenti-sorcier particulièrement fascinant pour son affirmation du principe cartésien de « l’Homme comme maître et possesseur de la nature » :

« Certains ne peuvent s’empêcher de voir dans les animaux transgéniques des monstres de science-fiction. Il serait bien surprenant qu’il en soit ainsi quand on considère qu’au plus quelques gènes sont ajoutés ou inactivés par la transgenèse.

Ceci est évidemment bien peu en comparaison des 100 000 gènes que doit contenir le génome d’un mammifère. Il n’est pas inconcevable que la transgenèse conduise un jour à l’obtention d’une nouvelle espèce animale. Qu’est-ce en regard de ce que fait l’évolution depuis le début de la vie sur terre et souvent sans tendresse particulière pour les espèces préexistantes. »

Cette prétention à contrôler l’évolution, de la rediriger, correspond à la prétention de « l’esprit » à contrôler la « matière ».

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L’expérimentation animale: le procès de Nuremberg comme base juridique

L’expérimentation animale a été définie dans sa forme moderne dans le cadre du fameux procès de Nuremberg où des criminels nazis ont été jugés de 1946 à 1949. En 1946-1947, vingt médecins et trois scientifiques sont passés en procès pour leurs activités sur des êtres humains et à cette occasion, un « code » dit de Nuremberg a été mis en place.

Cette partie du procès a relevé du seul gouvernement militaire américain.

Ce code ne concerne pas les animaux directement ; il traite de l’expérimentation sur les êtres humains. Cependant, il valide les expériences sur les humains sur la base préalable d’expériences sur les animaux.

Extrait d’une vidéo de 1984 montée par l’association PeTA sur la base des enregistrements des chercheurs eux-mêmes de l’université de Pennsylvanie, dérobés par un raid de l’ALF.

Le piège historique fut le suivant : pour juger les médecins nazis, il faut s’appuyer sur des lois. Ces lois ne peuvent pas être mises en place au moment du procès, car cela ôterait toute validité juridique à la condamnation. On ne peut en effet pas condamner quelqu’un pour des lois non mises en place au moment des crimes. Et comme le droit bourgeois ne reconnaît pas des principes naturels universels, il a été obligé de procéder différemment.

Il fallait employer des lois préexistantes, qui plus est valables internationalement. Il a donc été pris l’idéologie dominante dans le domaine des expériences et on a protégé les humains… en condamnant au passage les animaux.

C’est un terrible paradoxe historique : la condamnation des crimes nazis a validé les crimes sur les animaux, par soumission à l’idéologie dominante, par absence d’analyse matérialiste dialectique de ce qu’est l’expérimentation animale.

Couverture de la revue britannique Arkangel, proche de l’ALF, avec une photo d’un macaque libéré en 1984 par l’Animal Liberation League dans un raid mené contre l’Université Royale des chirurgiens de Grande-Bretagne. Sur son front avait été tatoué « crap » (« merde ») par les « chercheurs ».

Voici les dix points du code de Nuremberg, points qu’on trouve dans le jugement pénal rendu les 19-20 août 1947 au procès.

Le texte qui suit ces points s’appuie sur ceux-ci pour dénoncer les médecins nazis ayant mené des expérimentations dans les camps de concentration (« des personnes non qualifiées », des expériences « conduites au hasard » et « sans raison scientifique précise », « dans des conditions matérielles révoltantes », « avec des souffrances et des blessures inutiles », etc.).

1. Le consentement volontaire du sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne concernée doit avoir la capacité légale de consentir ; qu’elle doit être placée en situation d’exercer un libre pouvoir de choix, sans intervention de quelque élément de force, de fraude, de contrainte, de supercherie, de duperie ou d’autres formes sournoises de contrainte ou de coercition ; et qu’elle doit avoir une connaissance et une compréhension suffisantes de ce que cela implique, de façon à lui permettre de prendre une décision éclairée.

Ce dernier point demande que, avant d’accepter une décision positive par le sujet d’expérience, il lui soit fait connaître : la nature, la durée, et le but de l’expérience ; les méthodes et moyens par lesquels elle sera conduite ; tous les désagréments et risques qui peuvent être raisonnablement envisagés ; et les conséquences pour sa santé ou sa personne, qui pourraient possiblement advenir du fait de sa participation à l’expérience. L’obligation et la responsabilité d’apprécier la qualité du consentement incombent à chaque personne qui prend l’initiative de, dirige ou travaille à l’expérience. Il s’agit d’une obligation et d’une responsabilité personnelles qui ne peuvent pas être déléguées impunément ;

2. L’expérience doit être telle qu’elle produise des résultats avantageux pour le bien de la société, impossibles à obtenir par d’autres méthodes ou moyens d’étude, et pas aléatoires ou superflus par nature ;

3. L’expérience doit être construite et fondée de façon telle sur les résultats de l’expérimentation animale et de la connaissance de l’histoire naturelle de la maladie ou autre problème à l’étude, que les résultats attendus justifient la réalisation de l’expérience ;

4. L’expérience doit être conduite de façon telle que soient évitées toute souffrance et toute atteinte, physiques et mentales, non nécessaires ;

5 .Aucune expérience ne doit être conduite lorsqu’il y a une raison a priori de croire que la mort ou des blessures invalidantes surviendront ; sauf, peut-être, dans ces expériences où les médecins expérimentateurs servent aussi de sujets ;

6. Le niveau des risques devant être pris ne doit jamais excéder celui de l’importance humanitaire du problème que doit résoudre l’expérience ;

7 .Les dispositions doivent être prises et les moyens fournis pour protéger le sujet d’expérience contre les éventualités, même ténues, de blessure, infirmité ou décès ;

8. Les expériences ne doivent être pratiquées que par des personnes scientifiquement qualifiées. Le plus haut degré de compétence professionnelle doit être exigé tout au long de l’expérience, de tous ceux qui la dirigent ou y participent ;

9. Dans le déroulement de l’expérience, le sujet humain doit être libre de mettre un terme à l’expérience s’il a atteint l’état physique ou mental où la continuation de l’expérience lui semble impossible ;

10. Dans le déroulement de l’expérience, le scientifique qui en a la charge doit être prêt à l’interrompre à tout moment, s’il a été conduit à croire — dans l’exercice de la bonne foi, de la compétence du plus haut niveau et du jugement prudent qui sont requis de lui — qu’une continuation de l’expérience pourrait entraîner des blessures, l’invalidité ou la mort pour le sujet d’expérience.

En cherchant à protéger les humains, en cherchant à leur éviter la souffrance, celle-ci a été déportée sur les animaux. En posant que « l’expérience doit être construite et fondée de façon telle sur les résultats de l’expérimentation animale », les animaux ont dû prendre eux l’ensemble du principe de « l’expérience ».

Ce n’était pas seulement une faute morale, c’était également une erreur scientifique, car cela validait la vision empiriste du monde : il n’y aurait plus d’univers comme cadre avec des fondements, mais une quête scientifique de tendances générales au moyen de l’expérience.

C’est l’empirio-criticisme, l’expérimentalisme critique.

Beagles libérés par l’ALF en 1990 (82 beagles et 26 lapins lors d’un raid contre Interfauna en Grande-Bretagne)

L’expérimentation comme vision du monde a ici profité d’un souci moral pour le dévier et se poser comme seule démarche scientifiquement correcte.

Il faut d’ailleurs noter que le texte est attribué au responsable médical du procès, Leo Alexander, un Autrichien s‘étant réfugié aux États-Unis juste avant la guerre en raison de ses origines juives. Or, Leo Alexander était un psychiatre et un neurologue, fervent partisan de deux démarches criminelles censées résoudre les problèmes psychiatriques d’une personne : l’électroconvulsivothérapie c’est-à-dire les électro-chocs pour provoquer l’équivalent d’une crise d’épilepsie, et le coma insulinique.

Dans les deux cas, l’idée est de débrancher le corps ou l’esprit pour procéder à une sorte de redémarrage, tout comme on rallumerait un ordinateur ayant vu son système planter.

L’impérialisme américain portait à ce moment-là de manière violente cette idéologie « expérimentale », la CIA mettant alors même en place les projets de « contrôle mental » MK-Ultra et MKNAOMI, avec des expérimentations clandestines sur le LSD, testant sur des gens à leur insu.

Il faut vraisemblablement attribuer à cette approche l’affaire dite du pain maudit, en août 1951 à Pont-Saint-Esprit dans le Gard, avec une crise de folie de 300 personnes, alors que l’armée américaine était particulièrement active en France.

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L’expérimentation animale : une vision du monde à part entière

L’expérimentation sur les animaux n’est pas une démarche scientifique en soi ; cela répond à une vision du monde, qui est la même que celle pour les big data. L’idée est de collecter suffisamment de données pour décrire des tendances. Cela sous-tend qu’il n’est pas possible de parvenir à une vision d’ensemble et que la seule vérité atteignable consiste en l’arrachage de bribes de séquences revenant de manière régulière dans un cadre chaotique.

Pour bien saisir cela, il est possible de comparer à l’opposition entre réalisme et naturalisme. Ce dernier mouvement est en effet contemporain de l’expérimentation animale et s’en revendique. Dans Le roman expérimental, le manifeste théorique du naturalisme, Émile Zola affirme que sa démarche est en littérature la même que celle de Claude Bernard en science.

Il y a ici un paradoxe par ailleurs marquant car Émile Zola s’est toujours revendiqué favorable à l’amélioration de la condition animale, alors que Claude Bernard, le « prince des vivisecteurs », représente une démarche d’une cruauté sans nom. Il y a ici un aveuglement propre à la bourgeoisie, moraliste encore par certains aspects mais dont l’attrait pour le sensible bascule invariablement dans l’utilitarisme.

Léon Augustin Lhermitte, La leçon de Claude Bernard

Pour le naturalisme, pour l’expérimentation animale, il faut essayer : on place quelqu’un dans une condition donnée et on voit ce que cela donne. On en déduit des tendances générales et c’est ce qui serait la science. Les romans d’Émile Zola sont une grande fresque où l’on voit comment les expériences s’accumulent et permettent, hypothétiquement, de déchiffrer des tendances.

La démarche du réalisme de Balzac est tout à fait différente. Balzac veut une vision d’ensemble ; il part de l’ensemble de la réalité comme un grand tout et il en montre les lois au moyen de caractères types. Les personnages ne relèvent pas d’une expérience, ils sont la simple expression de lois générales.

Balzac, dans la préface de son roman Cousine Bette, use pareillement de la métaphore médicale, mais suivant une ligne tout à fait différente de celle de Zola ; voici comme il se présente : « je vais rester simple docteur en médecine sociale, le vétérinaire des maux incurables »

Balzac était un romantique : il constatait le triomphe du capitalisme et de Paris et savait que rien ne pouvait s’y opposer. Il admettait le déterminisme mais dans le sens d’une transformation concrète en cours, il ne plaçait pas arbitrairement ses personnages dans des « situations » comme Zola.

Le réalisme s’oppose fondamentalement au naturalisme ; le premier reconnaît la dignité du réel, n’isole rien et ne sépare rien du reste, le second isole, sépare, dénature, compartimente artificiellement.

Britches, un jeune macaque, avait les paupières cousus et un sonar implanté sur son crâne, avant sa libération de l’université de Californie en 1985 par un raid de l’ALF.

On retrouve là, au fond, l’opposition entre Aristote et Platon. Pour Aristote, le monde est physique et a des lois, des fondements qu’on doit retrouver. Pour Platon, le monde a une base spirituelle et il y a des tendances qui, par ailleurs, comptent peu ou pas pour lui. L’expérimentation animale reprend la démarche idéaliste de Platon d’un monde matériel reflet d’un monde spirituel, monde spirituel utilisant les nombres pour façonner la matière.

Les expériences permettent de retrouver ces « nombres », en retrouvant les « codes » secrets de la nature. L’expérimentation animale est directement liée à l’idéologie des mathématiques, d’un monde de nombres, sans existence physique, matérielle.

Il est donc impropre, pour les vivisecteurs, de parler d’un chien sur lequel on expérimente. En effet, le chien est l’expérience elle-même. Par le chien, placé dans une situation donnée, on retrouve des nombres, des données chiffrées, qui permettraient de s’orienter dans les tendances générales existant dans le monde matériel.

Tout comme le religieux prie avec des textes codifiés censés avoir des propriétés magiques, en résonance avec le monde créé par Dieu, le vivisecteur espère par les expériences retrouver des formules chiffrées des tendances du monde.

Tout comme le religieux obéit à un cadre façonné par une série de lois, l’expérimentateur veut établir cette série de lois non pas religieusement mais, pense-t-il, scientifiquement, par l’expérience.

Au fond, la démarche des vivisecteurs doit être qualifiée d’empirio-criticisme, ce qu’on peut résumer par : autant de connaissances que l’expérience en a amenées, mais aucune de plus. Ce serait là un esprit critique et les vivisecteurs, tout comme les scientifiques ayant cette approche, revendiquent haut et fort leur scepticisme.

Toute affirmation non expérimentale est pour eux « idéologie » et « mysticisme », et dès le début le marxisme a connu une offensive de la part des empirio-criticistes. Il suffit de lire les critiques faites à Friedrich Engels pour s’en apercevoir : la dialectique de la nature serait une lecture non scientifique du monde, il n’y aurait rien de prouvé, etc.

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10 critères + 3 pour caractériser la crise générale du mode de production capitaliste

Le principe des signes annonciateurs est connu ; la science est très peu avancée à ce niveau, mais on sait qu’il y en a pour les migraines, pour les séismes, pour les accouchements, etc. La raison qui fait que la science souffre en ce domaine est qu’elle s’appuie le principe cause-conséquence et qu’elle ne comprend pas qu’une « conséquence » peut se produire avant sa « cause ».

Les interrelations dialectiques sont extrêmement nombreuses, leurs rapports sont si puissants qu’il n’est pas possible de saisir les choses de manière linéaire. Il ne s’agit pas d’une ligne droite et ce n’est pas parce que la crise générale du mode de production capitaliste éclate avec le covid-19 que ce qui va avec n’apparaît pas « avant » celle-ci, tout en étant celle-ci.

Il faut raisonner ici en termes de cascade, de vague, de marée, en ayant en tête que le mouvement commence de manière interne et entraîne ensuite le reste, les différents autres aspects.

Il est pour cette raison très important de procéder à la recherche des phénomènes relevant de la crise générale du mode de production capitaliste, mais qui se sont produits « avant » son irruption en tant que tel. Ce n’est qu’ainsi qu’on est en mesure de cerner la crise générale.

Les dix critères dans le cadre de l’Internationale Communiste

Pour procéder à cela, on peut essayer de distinguer les phénomènes généraux de la (première) crise générale. Eugen Varga, dans La période de déclin du capitalisme, publié en 1922 dans le cadre de l’Internationale Communiste, fournit dix critères, que voici :

1.L’étalement géographique du mode de production capitaliste se réduit en raison de l’apparition de pays socialistes.

2. Dans les pays capitalistes il y a des tendances à un retour aux formes économiques pré-capitalistes.

3. La division internationale du travail se réduit, le caractère relativement unifié de la production au niveau international est ébranlé.

4. La valeur de la monnaie vacille, la parité-or est remplacée par la planche à billets.

5. L’accumulation du capital cède la place à une désaccumulation.

6. La production se réduit.

7. Le système de crédit s’effondre.

8. Le niveau de vie des masses chute, en raison de l’inflation, du chômage, etc.

9. Une lutte aiguë se produit dans les couches dominantes de la bourgeoisie, ce qui se caractérise par une instabilité politique, l’émergence de nouveaux partis, l’incapacité à disposer d’une majorité parlementaire pour le gouvernement, etc.

10. Le consensus en faveur d’un capitalisme inébranlable commence à disparaître.

Eugen Varga ne prétendait pas ici dresser une liste exhaustive ; de fait, les dimensions psychologique et culturelle, idéologique et militaire ne sont pas ici soulignés.

On a cependant une bonne base de comparaison avec la seconde crise générale du mode de production capitaliste.

Les dix critères dans le contexte de la seconde crise générale

Regardons quelle est la situation aujourd’hui, en rapport avec ces dix critères.

1.L’étalement géographique du mode de production capitaliste se réduit en raison de l’apparition de pays socialistes.

Ce point n’est pas valable aujourd’hui. Cependant, dialectiquement, il montre que la formation de pays socialistes est à l’ordre du jour.

2. Dans les pays capitalistes il y a des tendances à un retour aux formes économiques pré-capitalistes.

Cela est tout à fait le cas. Il y a ici trois exemples tout à fait parlant. On a en effet le mouvement des « ZAD », qui est une utopie artisanale-réactionnaire visant à former des villages à la Astérix et Obélix. Ce « zadisme » a eu un écho très puissant en France, en profitant de l’idéologie de Proudhon et de la petite propriété. On doit mettre cela en parallèle avec la multiplication des initiatives de « circuits courts » dans l’agriculture, de l’apparition administrative du régime de micro-entrepreneurs pour les impôts, etc.

On a également le mouvement des gilets jaunes, qui affirmait l’exigence de « geler » le mode de production capitaliste, tout en exigeant sans en avoir conscience de retourner en arrière. Et de manière encore plus marquée, on a eu le développement de l’État islamique comme utopie coloniale de formation d’une société conforme aux principes de l’époque du prophète musulman Mahomet reflète une tentative de faire tourner la roue de l’histoire en arrière.

L’influence de l’État islamique a été mondial et accompagne le développement d’un esprit littéral, borné, incapable d’analyse, de complexité, à l’instar de toute musique à part d’un chant monophonique totalement tourné vers la religion. Mais en France il reflète toute une volonté d’aller vivre selon une manière « pré-capitaliste », avec même tout le discours romantique allant avec (à l’arrivée un mariage était organisé, une maison fournie pour le couple ainsi qu’un travail pour les hommes).

3. La division internationale du travail se réduit, le caractère relativement unifié de la production au niveau international est ébranlé.

Toute une série de pays semi-féodaux semi-coloniaux ont connu un développement immense de leurs forces productives malgré la nature bureaucratique de leur capitalisme. Des pays comme la Corée du Sud reflètent que le cadre impérialiste enserrant les pays dominés perd toujours plus ses fondements et amène un processus valable toujours plus mondialement. La Corée du Sud a ainsi été en mesure d’affronter la crise sanitaire de manière relativement efficace comparé à la France.

Il y a ainsi un déclassement de la France et une rupture en cours dans la division internationale du travail.

La réaction capitaliste française doit être comprise en ce sens. Lorsque les hommes politiques français exigent un retour de la production, une réindustrialisation, la question des masques et des médicaments n’est qu’un prétexte. Il s’agit d’un esprit de repli, en prévision des batailles à venir.

On a la preuve de cela avec deux phénomènes relevant de la crise générale du mode de production capitaliste, tout en s’étant exprimé avant : le Brexit britannique et l’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Le repli national est en cours, cassant l’élan capitaliste allant dans le sens de la mondialisation.

4. La valeur de la monnaie vacille, la parité-or est remplacée par la planche à billets.

Il n’existe plus de parité-or en économie, mais effectivement la planche à billets tourne à fond, par l’intermédiaire des banques centrales. Cela demande un aperçu approfondi.

5. L’accumulation du capital cède la place à une désaccumulation.

Cette thèse d’Eugen Varga est très mal définie et laisse la place à son révisionnisme, comme au prolongement par Paul Boccara, l’économiste historique du P« C »F. Il serait plus juste de parler de non-accumulation, car sinon on a des monopoles subsistant au moyen d’un capitalisme organisé par l’État et un capitalisme « normal » vivotant à ses côtés mais en perdition.

De plus, il faut savoir de quel capital on parle. Si la planche à billets fonctionne à plein, on a en apparence un capital investi, mais c’est en réalité une bulle spéculative. Il faut parler plus concrètement d’incapacité du capital à réaliser son auto-expansion, ce qui s’exprime par une surproduction de capital : un vaste capital toujours plus grand, incapable de trouver où se placer.

L’analyse de ce phénomène est à mener, mais on voit déjà que c’est le cas non seulement depuis mars 2020, mais même avant : les investissements démentiels dans le football sont à eux seuls un exemple de comment le capital cherche à forcer l’ouverture de voies, coûte que coûte. Le transfert du joueur Neymar pour 222 millions d’euros échappe à toute rationalité et ne s’explique que par du capital en surplus, incapable de trouver mieux.

6. La production se réduit.

On a ici la surproduction de marchandises. En raison de la crise sanitaire, on n’a pas encore un aperçu précis de cet aspect, mais sa réalité se fait déjà sentir. Il était déjà clair, même avant mars 2020, que le capitalisme se heurtait à une limite, qu’il avait fait le tour de ce qu’il pouvait faire, et que la formation de nouveaux marchés passait par de l’idéalisme largement diffusé (sans gluten et halal dans l’alimentation, produits Apple avec « style » pour les plus aisés, luxe toujours plus décadents, collaborations dans l’habillement pour provoquer une « hype » ainsi qu’au moyen des « drops », etc.).

7. Le système de crédit s’effondre.

Il faut être ici subtile : le système de crédit ne s’est pas effondré, en raison d’une intervention généralisée des États. Cela ne fait que repousser le problème, car soit les crédits ne sont pas solvables, soit ils le sont mais la garantie étatique provoque alors une désorganisation structurelle. C’est un sujet complexe à analyser, mais qui sera facile à saisir quand les choses se décanteront avec les bilans comptables, les factures à payer, les échéances retardées refaisant surface, etc.

8. Le niveau de vie des masses chute, en raison de l’inflation, du chômage, etc.

Ici encore il faut être subtile, puisque l’État est intervenu pour geler la situation. On a toutefois la même situation. Soit l’État a maintenu artificiellement des entreprises en vie et cela va être un double chaos avec les licenciements plus le coût du maintien artificiel réalisé pour rien, soit l’État a assuré une continuité mais au prix d’une désorganisation et d’une lourde facture.

9. Une lutte aiguë se produit dans les couches dominantes de la bourgeoisie, ce qui se caractérise par une instabilité politique, l’émergence de nouveaux partis, l’incapacité à disposer d’une majorité parlementaire pour le gouvernement, etc.

Il ne faut pas se leurrer : les révélations du Canard enchaîné sur les affaires de François Fillon en pleine campagne présidentielle relève de la manipulation, ce qui se lit très bien avec le parti politique d’Emmanuel Macron né du jour au lendemain grâce à d’importantes puissances financières à l’arrière-plan. On a assisté au coup de force de la bourgeoisie moderniste sur la bourgeoisie traditionnelle. Et pourtant, en raison de la crise, le parti d’Emmanuel Macron ne cesse de se fracturer, de se diviser, etc. On n’a pas encore une situation à la belge, pays où l’implosion politique est absolument exemplaire d’une instabilité chronique tout à fait caractéristique de la crise générale. On ne l’aura sans doute jamais non plus, car de par la force de l’impérialisme français, on aura plutôt un coup d’État militaire pour rétablir la centralisation, dans l’esprit néo-gaulliste. Néanmoins, centralisation et déstructuration relèvent d’un seul et même processus dialectique.

On l’a d’ailleurs bien vu au Royaume-Uni, avec un Brexit sans cesse retardé, avec une incroyable instabilité au sein des partis eux-mêmes, une paralysie gouvernementale. Il en va de même aux États-Unis où les républicains ont vacillé sous l’effet de l’arrivée de Donald Trump et les démocrates avec le développement des forces autour de Bernie Sanders, etc.

10. Le consensus en faveur d’un capitalisme inébranlable commence à disparaître.

C’est le point le plus difficile à saisir et cela en raison de la nature du 24 heures sur 24 du capitalisme. D’un côté, l’apparition de moyens de communication de masse de niveau élevé tels que Facebook, Twitter, Tumblr, Instagram… a permis une accélération de l’unification mondiale des masses à l’échelle planétaire, bousculant très largement les conceptions étroitement nationales.

Les masses s’unifient toujours plus par l’exigence de l’accès universel à une consommation de qualité et au niveau planétaire. Cela s’exprime grandement dans le domaine de l’habillement où la revendication d’avoir à sa disposition de quoi avoir du style est sous-jacent au mode de vie prolétarien, notamment de la jeunesse. On le retrouve également dans le large mouvement vers les meubles (comme avec Ikea), les objets du quotidien en général.

En fait, l’expérience de l’accès direct à la culture, aux biens culturels, de manière gratuite parfois qui plus est comme au moyen du téléchargement illégal et du streaming, a puissamment fait s’exprimer le besoin du communisme mondial dans les masses, comme partage universel et convivial.

D’un autre côté, le non-accès aux produits de qualité a imposé une incroyable aliénation aux masses avec une fascination servile pour l’argent facile et le grand luxe, déchirant littéralement les habitudes sociales et défigurant les mœurs. Il est difficile pour les masses de s’extirper de ce puissant rapport dialectique, car elles ne disposent pas de suffisamment d’orientation idéologique, sont corrompues à bien des niveaux et ne profitent pas de luttes de classe assez solides, assez franches.

Trois autres critères à prendre en compte

De par le passage de l’idéologie communiste du marxisme-léninisme au marxisme-léninisme-maoïsme, on peut et on doit ajouter cinq autres critères pour caractériser la crise générale. Encore une fois il ne s’agit pas d’être exhaustif, pas plus aujourd’hui qu’en 1922, mais de déterminer des orientations, des rapports internes propres à la crise générale.

1. L’abandon de toute prétention universaliste caractérise un échec du projet civilisationnel.

Le mode de production capitaliste n’a plus de projet, plus d’utopie autre qu’individuelle. Toute dimension collective est gommée ; même l’Europe unifiée se présente, comme projet, comme paradis du consommateur.

Il est évident ici que, dans ce processus d’atomisation générale, l’idéologie « LGBT+ » correspond à un phénomène réactionnaire, expression anticipée de la crise générale du capitalisme. Cette négation de la différence naturelle entre hommes et femmes, au profit d’un « choix », accompagne un processus de définition à la fois totalement individualisée et entièrement identitaire, par l’intermédiaire d’un jeu sur le principe communautaire. L’idéologie LGBT+, appuyée par les grands monopoles d’importance transnationale, a été le fer de lance de cette idéologie de la citoyenneté de type « consommatrice », mais celle-ci ne se résume pas à cela : on a également les religions et tous les communautarismes identitaires particularistes (les bikers, les motards, les cyclistes, les ultras au football, les ethno-différentialistes, etc.).

Le phénomène est par ailleurs général : en France, le baccalauréat universel a été rejeté au profit d’options « personnalisées » à choisir, l’art contemporain a anéanti tout principe universel de beauté et d’harmonie, de synthèse et de réalisme, etc.

2. La contradiction villes-campagnes a atteint un stade destructeur.

On doit faire un parallèle strict entre les gilets jaunes, qui a représenté la France des ronds-points, cette horreur absolue, et le covid-19 comme fruit du conflit villes-campagnes en Chine à Wuhan. Dans tous les pays, la contradiction villes-campagnes devient intenable, les déséquilibres se généralisent et le capitalisme ne parvient pas, au moyen des « écologistes » gestionnaires, à maîtriser quoi que ce soit, ne serait-ce qu’en apparence, à part dans une poignée de pays encore endormis de par le caractère encore peu exprimé de la crise (l’Autriche, la Suède, la Suisse, ces pays de neutralité hypocrite et de médiocrité authentique, de néant consensuel).

La destruction des Sundarbans au Bangladesh et l’étalement urbain français relèvent d’un seul et même phénomène, relevant de la crise générale ; dans chaque pays, il faut en analyser en détail les modalités, sans quoi aucune intervention révolutionnaire n’est possible.

3. La tendance à la guerre se généralise.

Eugen Varga n’a pas placé cet aspect dans sa liste, mais c’était sous-entendu et tout le monde le savait dans l’Internationale Communiste. Il était cependant pensé, en 1922, que la vague révolutionnaire triompherait suffisamment rapidement pour empêcher la guerre impérialiste. À partir de la fin des années 1920, l’Internationale Communiste s’aperçoit que ce ne sera pas le cas et le thème ne devient plus tant la crise générale que son expression par la guerre impérialiste.

Il faut ici s’appuyer sur la définition de Mao Zedong comme quoi « trois mondes se dessinent » et prendre en compte que les deux principales forces impérialistes, la superpuissance impérialiste américaine et la superpuissance impérialiste en devenir chinoise, forment une contradiction qui consiste en l’aspect principal pour la tendance à la guerre. Celle-ci se développe parallèlement à l’approfondissement de la crise générale et ici des pays comme la Belgique et la France apparaissent comme des maillons faibles de la chaîne impérialiste.

Une liste qui se fonde sur le primat de la pratique à travers la crise

Il ne s’agit, encore une fois, pas de considérer comme exhaustive cette liste. Il faut bien saisir que tout phénomène est caractérisé par un faisceau de contradictions, avec des tendances et des contre-tendances, qu’aucun phénomène n’est unilatéral. Décrire un phénomène, c’est malheureusement le poser comme fixe, unilatéral : là est le grand danger. Voilà pourquoi la dignité du réel prime dans l’analyse, qui doit se fonder sur le primat de la pratique, sur l’intervention révolutionnaire au plus haut niveau, celui de l’État, pour avoir un aperçu adéquat, une base réelle.

Crise est ici le média essentiel comme source d’analyses et comme lieu d’échanges productifs. C’est un point d’appui à toute activité révolutionnaire.

Résolution sur le Parti Socialiste d’Égypte au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

§1. Le rapport des délégués du Parti Socialiste d’Égypte, soumis à la commission, a prouvé que ce Parti représente un sérieux mouvement révolutionnaire, conforme au mouvement général de l’IC.

§2. La commission considère cependant que l’affiliation du Parti Socialiste d’Égypte doit être ajournée jusqu’à ce qu’il ait:

1) exclu certains éléments indésirables;

2) convoqué un Congrès où une tentative sera faite pour unir au Parti Socialiste d’Égypte tous les éléments communistes existant dans ce pays en dehors de lui et où les 21 conditions de l’IC seront acceptées;

3) changé son nom contre celui de Parti Communiste d’Égypte.

§3. Le Parti Socialiste d’Égypte est donc invité à convoquer le Congrès dans les buts ci-dessus indiqués le plus tôt possible et au plus tard le 15 janvier 1923.

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de l’Internationale Communiste

Résolution sur l’Irlande au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

Le 4e Congrès de l’IC proteste énergiquement contre l’exécution de cinq révolutionnaires nationalistes, qui eut lieu les 17 et 25 novembre, sur l’ordre de l’État Libre d’Irlande.

Il attire l’attention de tous les travailleurs du monde sur cet acte sauvage qui couronne la terreur féroce sévissant en Irlande.

Plus de 6,000 personnes qui combattaient courageusement contre l’impérialisme britannique ont déjà été incarcérées; nombre de femmes ont été obligées de faire la grève de la faim en prison, et déjà 1,800 procès ont été intentés au cours des cinq mois de lutte contre cette terreur dont les atrocités dépassent celles des «Black and Tans», des fascistes italiens ou des «Trust Thugs» d’Amérique.

L’État Libre qui, sans hésiter, a employé l’artillerie et les munitions fournies par les Anglais, les fusils et les bombes, et même des aéroplanes avec des mitrailleuses contre la foule, aussi bien que contre les révolutionnaires, a couronné tous ces forfaits par l’exécution brutale de cinq hommes, simplement parce qu’ils avaient des armes en leur possession.

Cette exécution est au fond un acte de désespoir, la preuve directe de la faillite de l’État Libre qui fait une dernière tentative pour briser la résistance des masses irlandaises combattant contre l’esclavage que veut leur imposer l’Empire Britannique.

Les républicains ne peuvent être battus que par un gouvernement terroriste impérialiste qui n’hésite pas à employer les moyens les plus brutaux contre le mouvement ouvrier irlandais, dès que ce dernier cherche à arriver au pouvoir ou à améliorer ses conditions d’existence.

Il en est indubitablement ainsi en Irlande; en soutenant ces exécutions, la majorité du Labour Party, dirigée par Johnson, a commis la trahison la plus criminelle qu’elle pouvait perpétrer contre la classe ouvrière, et cela au moment où l’organe capitaliste le plus réactionnaire d’Irlande qui, en 1916, réclamait impérieusement le sang de Connolly, s’élève contre cet acte barbare du gouvernement.

L’IC met en garde la classe ouvrière d’Irlande contre ces trahisons de l’idéal de Connolly et de Larkin, et indique aux travailleurs et paysans irlandais que la seule issue au terrorisme de l’État Libre et à l’oppression impérialiste est dans la lutte organisée et coordonnée, aussi bien dans le domaine politique et industriel que dans le domaine militaire.

La lutte à main armée, si elle n’est pas renforcée et soutenue par l’action politique et économique aboutira inévitablement à la défaite.

Pour être victorieuses, les masses doivent être mobilisées contre l’État Libre, ce qui n’est possible que sur la base du programme social du PC d’Irlande.

L’IC envoie ses salutations fraternelles aux révolutionnaires irlandais luttant pour la libération de leur pays et est persuadée qu’ils s’engageront bientôt dans la seule voie menant à la véritable liberté, la voie du communisme.

L’IC soutiendra tous les efforts ayant pour but d’organiser la lutte contre cette erreur et d’aider les ouvriers irlandais et les paysans à obtenir la victoire.

Vive la lutte nationale de l’Irlande pour son indépendance!Vive la République Ouvrière d’Irlande! Vive l’IC!

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de l’Internationale Communiste

Résolution sur le Parti danois au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

§1. Le Congrès déclare que le PC actuel du Danemark qui a été formé par la fusion du «EnhatsParti» communiste et d’une fraction de l’ancien Parti, en accord avec les directives du CEIC,et qui a exécuté loyalement toutes les décisions de l’IC, est reconnu comme la seule Section de l’IC au Danemark.

Seul, son organe central, Arbeiderbladet et les autres journaux reconnus par ce Parti sont à considérer comme journaux communistes du parti.

§2. Le Congrès demande à toutes les organisations communistes restées en dehors de ce Parti Unifié d’adhérer à ce parti.

Les organisations et les membres de l’ancien parti, qui au cours des trois mois à venir se déclareront prêts à adhérer au PC Unifié et à exécuter fidèlement toutes les décisions de ce Parti et de son CD, ainsi que celles de l’IC, doivent être admis à ce Parti sans difficulté.

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de l’Internationale Communiste

Résolution sur la question yougoslave au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

Le PC yougoslave a été constitué par les organisations de l’ex-Parti social-démocrate dans les provinces qui forment actuellement la Yougoslavie; sa création a été le résultat de l’exclusion des éléments de droite et du centre et de l’adhésion à l’IC au Congrès de Boukovar en 1920.

L’essor du PC a été favorisé par l’effervescence révolutionnaire qui avait envahi alors l’Europe centrale (avance de l’armée rouge sur Varsovie, occupation des usines métallurgiques en Italie, grèves spontanées en Yougoslavie). En un temps très court, le Parti devint une grande organisation exerçant une influence considérable sur les masses ouvrières et paysannes.

Les résultats des élections municipales où le Parti conquit de nombreuses municipalités (entre autres celle de Belgrade) de même que ceux des élections parlementaires, où le Parti conquit 59 sièges, en sont une preuve. Cet essor menaçant du PC provoqua une panique dans les rangs de l’oligarchie militaire et financière, qui engagea une lutte systématique pour anéantir le mouvement communiste.

Après la répression de la grève générale des cheminots (avril 1920), les conseillers municipaux communistes furent chassés de la municipalité d’Agram par cette oligarchie; la municipalité communiste de Belgrade fut dissoute (août 1920), et le 29 septembre, un décret spécial prononça la dissolution de toutes les organisations communistes et syndicales, ferma tous les organes de la presse communiste et livra les clubs communistes aux social-patriotes.

Au mois de juin fut promulguée la loi sur la défense de la sûreté de l’État, qui mettait le PC hors la loi et le chassait de ses derniers refuges, le parlement et les municipalités.

Outre les causes objectives provenant de la situation générale du Parti, l’anéantissement du PC yougoslave doit être en grande partie attribué à sa faiblesse intérieure: son essor extérieur ne correspondait ni au développement, ni à l’homogénéité de l’organisation, ni au niveau de conscience communiste de ses membres.

Le Parti n’avait pas encore eu le temps d’accomplir son évolution dans la direction du communisme. À l’heure actuelle, il est évident que l’organe directeur du Parti a commis une série de fautes graves dues à sa compréhension erronée des méthodes de lutte dictées par l’Internationale. Ces fautes ont facilité la tâche du gouvernement contre-révolutionnaire.

Pendant que les masses ouvrières, par des grèves spontanées, montraient leur énergie et leur volonté révolutionnaire, le Parti ne fit preuve que d’une très faible initiative.

Ainsi en 1920, la police ayant interdit la manifestation du 1emai à Belgrade, le CC n’essaya même pas de soulever les masses pour protester. Il en fut de même l’année suivante. De même, le Parti ne prit aucune mesure pour défendre les conseillers municipaux d’Agram et de Belgrade, chassés de leurs municipalités.

Sa passivité encouragea le gouvernement et lui donna l’audace d’aller jusqu’au bout. Effectivement, à la fin de décembre, ce dernier profita de la grève des mineurs pour procéder à la dissolution du Parti et des syndicats. Et, même à ce moment critique, ce Parti, qui avait obtenu 59 sièges aux élections parlementaires, n’entreprit aucune action de masse!

Si le Parti restait passif devant les coups terribles que lui portait la réaction, c’est qu’il manquait d’une base communiste solide. Les vieilles conceptions social-démocrates pesaient encore sur lui. Quoique le Parti eût adhéré à l’IC (ce qui montrait que les masses étaient disposées à la lutte), ses chefs ne se sentaient pas encore à leur aise dans la nouvelle voie.

Ainsi, ils n’osèrent pas publier les 21 conditions adoptées par le 2e Congrès Mondial, non plus que les thèses sur le parlementarisme révolutionnaire. Et ainsi le Parti et les masses qui le suivaient ignoraient complètement les exigences que l’IC posait aux partis qui désiraient entrer dans son sein.

Les chefs du Parti ne prirent également aucune mesure sérieuse pour préparer le Parti et les masses à la lutte dans tous les domaines contre la réaction menaçante. Ils concentrèrent toute leur attention sur les victoires électorales du Parti et se gardèrent d’effrayer les éléments petits-bourgeois en leur montrant ce qu’était un PC et quelles étaient ses méthodes de lutte.

Pendant que l’oligarchie militaire et financière de Belgrade se préparait à une lutte décisive, impitoyable et furieuse contre le mouvement révolutionnaire ouvrier, le CC du PC yougoslave, consacrait toute son attention et toutes ses forces à des questions secondaires, telles que le parlementarisme, et laissait le Parti inorganisé et exposé à tous les coups. Ce fut là l’erreur fondamentale.

Le Parti yougoslave s’est montré complètement impuissant et incapable de se défendre contre la terreur blanche. Il ne possédait pas d’organisations clandestines lui permettant d’agir dans les nouvelles conditions et de se maintenir en liaison avec les masses.

Jusqu’à la dissolution du groupe parlementaire, les députés communistes avaient été le seul lien entre le centre et les provinces. Ce lien fut rompu par la dissolution du groupe parlementaire.

L’arrestation des principaux chefs, au centre et dans la province, décapita le mouvement. Par suite, le Parti cessa presque d’exister. Le même sort atteignit les organisations locales qui se virent abandonnées des ouvriers livrés à eux-mêmes. Les social-démocrates, avec l’aide de la police, essayèrent de profiter de la situation, mais sans grand succès.

Sous le régime de la terreur, l’organe central du Parti fixa petit à petit de nouvelles formes d’organisation et de nouvelles méthodes de lutte dictées par les nouvelles conditions.

Il resta longtemps passif dans l’attente que la terreur cesserait d’elle-même, sans une intervention active des masses prolétariennes. Il comptait presque exclusivement sur les dissensions intestines éventuelles entre les classes et les partis dirigeants.

Ce n’est que lorsque expira l’espoir de l’amnistie attendue pour les communistes condamnés, que le CC commença à se réorganiser, afin de rappeler le Parti à la vie. Ce n’est qu’en juillet 1922 que fut tenue la première séance plénière élargie du CC à Vienne.

La Conférence de Vienne mérite d’être saluée comme le premier essai de restauration du Parti, malgré les défauts de sa composition et son attitude envers les statuts du Parti.

Les conditions dans lesquelles se trouvait alors le pays, les changements survenus dans la composition du Parti à la suite des arrestations de ses membres, de la trahison de quelques autres et surtout de sa passivité d’un an et demi, ne permettaient pas d’escompter à cette Conférence une représentation véritable du Parti.

C’est pourquoi le CEIC agit sagement en reconnaissant comme représentation suffisamment autorisée du Parti yougoslave le groupe des délégués de la Conférence de Vienne dont il confirma les résolutions, en y introduisant toutefois quelques changements parfaitement justifiés sur la composition du nouveau CC.

C’est pourquoi la tentative de quelques camarades yougoslaves de faire échouer la Conférence en refusant d’y prendre part doit être, malgré la loyauté des intentions de ces camarades, considérée comme nuisible aux intérêts du Parti et, par suite, condamnable.

Les résolutions de la Conférence de Vienne sur la situation générale en Yougoslavie et les tâches prochaines du PC, sur le mouvement professionnel, la réorganisation du Parti, et la résolution de la 3e Conférence de la Fédération Communiste des Balkans, confirmées sans réserve par le CEIC, ne provoquèrent aucun désaccord essentiel entre les représentants de la majorité et de la minorité de la Conférence.

Cette unanimité dans les questions essentielles, au moment actuel, est une preuve convaincante qu’il n’y a aucune raison de diviser le Parti yougoslave en fractions sous le nom de majorité et de minorité, et que la scission survenue à la Conférence de Vienne entre les groupes dirigeants fut exclusivement provoqués par des raisons personnelles.

Au moment de sa renaissance, le Parti yougoslave doit être considéré comme un tout ayant une unité intérieure parfaite. Cette unité doit être sauvegardée dans l’avenir.

En face de la furieuse réaction capitaliste et social-démocrate, rien ne peut être plus nuisible au Parti et au mouvement révolutionnaire yougoslave que le fractionnement.

C’est pourquoi il est du devoir du nouveau CC yougoslave de faire tout ce qui dépend de lui pour prendre les mesures nécessaires propres à apaiser les esprits à l’intérieur du Parti, à dissiper les méfiances personnelles, à restaurer la confiance mutuelle des membres du Parti et à rallier tous les militants restés à leur poste et exposés aux rigueurs de la contre-révolution.

À cet effet il est nécessaire, d’une part, de réaliser les décisions de la Conférence de Vienne en ce qui concerne l’épuration du Parti de ses éléments indignes; d’autre part, de confier des travaux importants aux militants de la minorité de la Conférence de Vienne.

Sous ce rapport, la Fédération Communiste des Balkans peut être d’une aide précieuse; mais pour cela, il est nécessaire d’entrer en liaison avec elle et, à l’exemple des autres PC des Balkans, d’envoyer immédiatement un représentant au Comité Exécutif de la Fédération des Balkans.

L’IC doit aider effectivement au relèvement du Parti yougoslave. Le CEIC doit, plus qu’il ne l’a fait jusqu’à présent, se tenir en liaison étroite avec le CC du Parti yougoslave.

Mais l’avenir du Parti est surtout entre les mains des militants actifs, politiquement et moralement sains. C’est sur eux que compte l’IC et c’est à eux qu’elle s’adresse.

Riches de la dure expérience d’un passé récent, bien organisés, unis dans le même idéal, animés d’une foi ardente dans le triomphe de la révolution mondiale, ces militants sauront réunir et grouper derrière eux les éléments prolétariens dispersés et restés sans chef, organiser et fortifier le secteur yougoslave de la Fédération Communiste des Balkans.

Le Congrès charge le CEIC de prendre toutes les mesures d’organisation nécessitées par les circonstances.

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Résolution sur l’Espagne au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

§1. Le PC d’Espagne qui, à la séance du CEIC élargi de février, vota avec la France et l’Italie contre la tactique du front unique, ne tarda pas à reconnaître son erreur et, dès le mois de mai, à l’occasion de la grande grève des aciéries, il expliqua, non par discipline formelle mais avec compréhension, conviction et intelligence, la tactique du front unique.

Cette action prouva à la classe ouvrière espagnole que le Parti est prêt à la lutte pour ses revendications quotidiennes et capable d’y entraîner la classe ouvrière en se plaçant à l’avant-garde du combat.

En persévérant dans cette voie, en saisissant toutes les possibilités d’action pour y convier l’ensemble des organisations ouvrières et pour y entraîner et y conduire le prolétariat, le PC d’Espagne gagnera la confiance des masses et remplira sa mission historique en unifiant leur effort révolutionnaire.

§2. Le 4e Congrès Mondial est heureux de constater que la crise d’indiscipline qui avait miné le Parti au début de l’année s’est heureusement terminée par un renforcement de la discipline intérieure du Parti. Il engage le Parti à persévérer ainsi dans cette voie et il invite la Jeunesse, en particulier, à participer de toutes ses forces à ce renforcement de la discipline intérieure.

§3. La caractéristique du mouvement ouvrier espagnol est actuellement une décomposition de l’idéologie et du mouvement syndicaliste-anarchiste.

Ce mouvement qui, il y a quelques années, avait réussi à grouper et à entraîner de larges masses ouvrières, a déçu leurs espoirs et leur volonté révolutionnaire en employant non pas la tactique marxiste et communiste de l’action de masses et de l’organisation centralisée de la lutte, mais la tactique anarchiste de l’action individuelle, du terrorisme et du fédéralisme, c’est-à-dire de l’émiettement de l’action.

Aujourd’hui, les masses ouvrières déçues s’en vont et les chefs qui les ont ainsi égarées glissent rapidement vers le réformisme.

Une des tâches principales du PC est de gagner et d’éduquer les masses ouvrières déçues et d’attirer les éléments anarcho-syndicalistes qui se rendent compte de l’erreur de leur doctrine en dénonçant le néo-réformisme des chefs syndicalistes.

Mais dans cet effort pour conquérir la confiance des éléments anarcho-syndicalistes, le PC doit éviter de faire à leur idéologie, condamnée par l’expérience même du prolétariat espagnol, des concessions de principe et de tactique. Il doit combattre et condamner dans ses rangs les tendances qui voudraient, sur ce point et dans le but de gagner les syndicalistes plus rapidement, entraîner le Parti dons la voie des concessions.

Il est préférable que l’assimilation des éléments syndicalistes se fasse plus lentement, mais que ces éléments soient vraiment gagnés à la cause communiste, plutôt que gagnés rapidement au prix d’une déviation du Parti qui préparerait à ce dernier, pour un avenir prochain, des crises nouvelles et pénibles.

Le Parti espagnol en particulier mettra en lumière et fera comprendre aux anarcho-syndicalistes la tactique révolutionnaire du parlementarisme, telle que le 2e Congrès Mondial l’a définie.

Pour le PC, l’action électorale est un moyen de propagande et de lutte des masses ouvrières, non un refuge pour les carriéristes réformistes ou petits-bourgeois. Une application répétée de la tactique du front unique gagnera la confiance des masses encore sous l’influence de l’idéologie anarcho-syndicaliste et leur prouvera que le PC est une organisation politique de combat révolutionnaire du prolétariat.

§4. Le mouvement syndical espagnol doit attirer plus particulièrement l’attention et l’effort de notre Parti. Le PC doit entreprendre une propagande intense et méthodique dans toutes les organisations syndicales, pour l’unité du mouvement syndical en Espagne.

Pour mener à bien cette action, il doit s’appuyer sur un réseau de noyaux communistes dans tous les syndicats appartenant à la Confédération Nationale et à l’Union Générale et dans tous les syndicats autonomes.

Il doit donc repousser et combattre toute idée ou tendance préconisant la sortie des syndicats réformistes. Si des syndicats ou des groupes communistes sont exclus des syndicats réformistes, les communistes doivent éviter de combler les vœux des scissionnistes d’Amsterdam en sortant par solidarité. Au contraire, ils doivent manifester leur solidarité avec les exclus en restant au sein de l’UGT et en y combattant énergiquement pour la réintégration des exclus.

Si, malgré des efforts soutenus, des syndicats et des groupes restent exclus, le PC doit les engager à adhérer à la CNT Les communistes adhérant à la CNT doivent y constituer leurs noyaux liés à la Commission syndicale du Parti.

Ils collaboreront sans doute en toute amitié avec les syndicalistes partisans de l’ISR et n’appartenant pas au Parti. Mais ils conserveront leur organisation propre, n’abdiqueront pas leur point de vue communiste, et discuteront fraternellement avec les syndicalistes les questions sur lesquelles peuvent exister des désaccords.

Pour mener à bien la lutte pour l’unité syndicale, le PC créera un Comité mixte pour l’unité du mouvement syndicale espagnol qui sera à la fois un centre de propagande et un centre de ralliement pour les syndicats autonomes qui adhèrent au principe de l’unité.

Le Parti s’attachera à faire comprendre aux masses ouvrières d’Espagne que seules les ambitions et les intérêts de clocher des chefs syndicaux réformistes ou anarcho-réformistes, s’opposent à l’unité syndicale qui est au plus haut point d’un intérêt vital et nécessaire à la classe ouvrière pour son émancipation complète du joug du capitalisme.

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Résolution sur la question norvégienne au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

Après avoir pris connaissance du rapport de la Commission, le Congrès décide:

§1. Le CC du Parti frère de Norvège doit accorder toute son attention à la nécessité d’appliquer avec plus de précision toutes les décisions de l’Internationale, aussi bien celles de ses Congrès que celles de ses organes exécutifs.

Dans les organes du Parti, ainsi que dans les résolutions et décisions des instances dirigeantes du Parti, il ne doit y avoir aucun doute sur le droit de l’IC à intervenir dans les affaires intérieures des Sections nationales.

§2. Le Congrès exige que le Parti soit, un an au plus tard après son prochain Congrès national, réorganisé sur la base de l’admission individuelle. Le CEIC devra être informé périodiquement, et au moins une fois tous les deux mois, des mesures pratiques dans ce sens et de leurs résultats.

§3. Pour ce qui est du contenu de la presse, le Parti est obligé d’appliquer immédiatement les décisions des précédents Congrès mondiaux et les directives contenues dans la lettre du CEIC en date du 23 septembre dernier. Les noms social-démocrates des journaux du Parti doivent être changés dans les trois mois, à compter du jour de la clôture du Congrès de l’IC.

§4. Le Congrès confirme la justesse du point de vue du CEIC qui a signalé les fautes parlementaires des représentants du Parti. Le Congrès est d’avis que les parlementaires communistes doivent naturellement être soumis au contrôle et à la critique de sa presse; mais cette critique doit toujours être basée sur des faits et porter un caractère amical.

§5. Le Congrès considère qu’il est permis et nécessaire dans la lutte contre toute la bourgeoisie de profiter des antagonismes entre les différentes couches de la bourgeoisie norvégienne et plus particulièrement des antagonismes entre le grand capital et les agrariens d’un part, et la classe paysanne de l’autre. La lutte pour la conquête des masses paysannes doit constituer une des tâches essentielles du Parti prolétarien de Norvège.

§6. Le Congrès confirme une fois de plus la nécessité pour la fraction parlementaire, ainsi que pour les organes de la presse du Parti, d’une subordination constante et sans réserve au CC du Parti.

§7. Le groupe «Mot Dag», qui est une association fermée, est dissout. L’existence et le maintien d’un groupe d’étudiants communistes ouvert à tous les étudiants communistes est naturellement parfaitement admissible, sous le contrôle entier de la direction centrale.

Le périodique Mot Dag devient organe du Parti, à la condition que la composition de sa rédaction soit déterminée par le CC du Parti Ouvrier Norvégien, d’accord avec le CEIC.

§8. Le Congrès donne suite à l’appel interjeté par le camarade H. Olsen, et comme il s’agit là d’un vieux et fidèle camarade du Parti ouvrier et fonctionnaire toujours très actif de ceParti, le Congrès le réintègre dans tous ses droits de membre du Parti, mais constate en même temps, expressément, l’incorrection de son attitude au Congrès de l’Union des Métaux.

§9. Le Congrès décide d’exclure Karl Johannsen des rangs de l’IC et du Parti Ouvrier Norvégien.

§10. Dans le but d’établir une meilleure liaison entre le Parti norvégien et le CEIC et de résoudre avec le moins de frottements possibles les conflits, le Congrès charge le futur Exécutif d’envoyer des délégués au prochain Congrès du Parti.

§11. Le Congrès charge le CEIC de rédiger une lettre éclaircissant la présente résolution.

§12. Cette résolution ainsi que la lettre du CEIC devront être publiées dans tous les organes de la presse du Parti et portées à la connaissance de toutes les organisations du Parti avant les élections des représentants au prochain Congrès National.

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Résolution sur la question tchécoslovaque au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

§1. L’opposition. — L’exclusion des camarades Iilek, Bolen, etc., fut le résultat des violations répétées de la discipline dont ces camarades se sont rendus coupables dans le Parti.

Après que leur représentant, le camarade Iilek, de même que celui de la direction du Parti, le camarade Sméral, eurent donné à Moscou leur assentiment à une résolution qui constatait qu’il n’y avait aucune divergence fondamentale dans le PC Tchécoslovaque et qui, en même temps, critiquait le manque de pratique dans un certain nombre de questions, il était du devoir de tous les camarades qui reconnaissaient ce manque de pratique de se mettre à l’œuvre afin de le combler.

Au contraire, l’opposition exigea l’existence d’un organe de fraction, Kommunista, se mettant ainsi en contradiction avec la résolution du 3e Congrès interdisant la formation de fractions.

Quelques jours avant la réunion de la Commission de la Conférence du Parti, l’opposition accomplit une franche violation de la discipline en lançant, malgré l’avertissement de la Direction, un appel qui soutenait les plus graves accusations contre le CD.

Par le refus de retirer ces accusations, l’opposition a particulièrement irrité la Commission et la Conférence du Parti et provoqué par là son exclusion. Devant l’Internationale tout entière, l’opposition a lancé une accusation contre la majorité et contre Sméral, en disant qu’ils travaillaient pour une coalition gouvernementale avec les éléments de gauche de la bourgeoisie.

Cette accusation est en contradiction avec l’action publique du Parti et doit être reconnue comme étant absolument injustifiée. Dans le programme de l’opposition, tel qu’il a été exprimé par Vajtauer, il y a des réclamations d’un caractère syndicaliste et anarchiste qui ne sont pas des conceptions marxistes.

Le fait que l’opposition se solidarise avec ce programme prouve que dans les questions fondamentales elle ne représente qu’une déviation anarchiste-syndicaliste des principes de l’IC. Cependant, le 4e Congrès, estimant inopportune l’exclusion de l’opposition, réintègre cette dernière avec un blâme et une suspension de toutes fonctions jusqu’au prochain Congrès du PC tchécoslovaque.

La décision du Congrès de ne pas confirmer, pour cause d’inopportunité, l’exclusion de l’opposition ne doit pas être interprétée comme une approbation de la ligne de conduite et du programme de l’opposition.

Cette décision est dictée par les considérations suivantes : la Direction du Parti a négligé d’expliquer auparavant à l’opposition que la formation d’un organe de fraction est inadmissible, et c’est pourquoi l’opposition se croyait en droit de lutter pour l’existence d’un tel organe.

La Direction du Parti a laissé s’accomplir toute une série d’actes d’indiscipline et a affaibli de la sorte le sentiment de la nécessité de la discipline et de la responsabilité chez l’opposition. Le 4e Congrès laisse les camarades exclus dans le Parti, si l’opposition reconnaît la nécessité de remplir strictement ses obligations, si elle se soumet sans récriminer à la discipline du Parti.

Cette soumission à la discipline oblige l’opposition à renoncer aux affirmations et aux accusations qui sapent l’unité du Parti et qui ont été reconnues sans fondement et fausses par les recherches de la Commission.

Elle l’oblige à obéir à tous les ordres du CD. Quand un camarade se considère comme lésé dans ses droits, il n’a qu’à s’adresser aux organismes compétents du Parti (CEIC, Conférence Nationale) et, en dernière instance, aux organes de contrôle de l’IC. Jusqu’à la décision de la plus haute instance, chacun doit se soumettre à la décision de l’organisation du Parti.

§2. La presse. — La presse doit être uniquement dirigée par le CD du Parti. Il est inadmissible que l’organe central du Parti se permette, non seulement de mener une politique particulière, mais encore de considérer cela comme son droit.

Même quand la rédaction pense que la Direction responsable a commis une faute dans un cas concret, il est de son devoir de se soumettre à la décision dont il s’agit. La fonction de rédacteur ne constitue pas une sur-instance, mais comme toutes les fonctions du Parti, elle est subordonnée au CD.

Cela ne veut pas dire que les rédacteurs n’aient pas le droit d’exprimer les nuances de leur pensée dans les articles de polémique signés de leurs noms. Les discussions sur les affaires du Parti doivent être faites dans la presse commune du Parti.

Elles ne doivent pas cependant être faites d’une façon qui pourrait mettre en danger la discipline. Le CD et toutes les organisations du Parti doivent préparer leurs actions par une discussion à l’intérieur des organisations.

§3. —Les défauts du Parti. Le 4e Congrès confirme les thèses du CEIC élargi de juillet, qui avait indiqué les défauts du PC tchécoslovaque et qui déclarait qu’ils provenaient de la transition du Parti du social-démocratisme au communisme.

Le fait que ces défauts ont été reconnus aussi bien par le CD que par l’opposition leur crée le devoir de travailler ardemment à les corriger.

Le Congrès affirme que le Parti avance trop lentement dans la suppression de ces défauts; ainsi le Parti a insuffisamment songé à la propagation des idées communistes parmi les soldats tchèques, quoique sa légalité et le fait que les soldats tchèques ont le droit de voter le lui permettaient.

Le 4e Congrès exige du PC tchécoslovaque de se consacrer plus qu’il ne l’a fait jusqu’ici à la question du chômage.

Vu l’extension du chômage et la situation précaire des chômeurs, le PC tchécoslovaque a le devoir de ne pas se contenter de telle ou telle démonstration, mais de mener une agitation systématique et une action démonstrative méthodique parmi les chômeurs de tout le pays.

Il a le devoir de lutter de la façon la plus énergique pour les intérêts des chômeurs, tant au Parlement que dans les conseils communaux, d’accorder l’action parlementaire avec l’action des syndicats dans la rue.

L’action parlementaire doit avoir un caractère beaucoup plus démonstratif, elle doit présenter aux masses, sous une forme nette, l’attitude du PC devant la politique de la classe dominante et leur donner la volonté de conquérir le pouvoir dans l’État.

Vu les grandes luttes économiques qui ont lieu en Tchécoslovaquie et qui peuvent chaque jour se transformer en une lutte politique, le CD doit être réorganisé de façon à pouvoir rapidement et résolument prendre position sur chaque question. Les organisations et les membres du Parti doivent, sans hésitation, maintenir la discipline.

Les questions du front unique etdu gouvernement ouvrier ont été heureusement résolues par le Parti. La Direction du Parti a, avec raison, repoussé quelques erreurs, comme par exemple la conception du camarade Votava tendant, à propos du gouvernement ouvrier, à la création d’une combinaison purement parlementaire.

Le Parti doit savoir qu’un gouvernement ouvrier n’est possible que si l’on réussit, par une large et énergique agitation des masses d’ouvriers social-nationalistes, social-démocrates et indifférents, à convaincre ces derniers de la nécessité d’une rupture avec la bourgeoisie, à séparer de celle-ci une partie des paysans et de la petite bourgeoisie des villes qui souffrent de la cherté de la vie, et à les enrôler dans les rangs du front anticapitaliste; dans ce but, le Parti doit s’immiscer dans chaque conflit par des démarches décisives pour l’élargissement des conflits, chaque fois que c’est possible, afin d’inculquer aux masses le sentiment que le PC tchécoslovaque est un centre d’attraction vers le front unique de tous les éléments anticapitalistes.

Pour que le gouvernement ouvrier puisse se former et se maintenir, le Parti doit concentrer toutes ses forces et réunir en de puissants syndicats les ouvriers exclus des syndicats d’Amsterdam.

Il doit, tout au moins, recruter une partie des ouvriers et des paysans pour la défense des intérêts de la classe ouvrière. De cette façon on évitera la naissance du fascisme qui prépare la vie à l’oppression de la classe ouvrière par la violence armée de la bourgeoisie.

C’est pourquoi la propagande et la lutte pour le gouvernement ouvrier doivent toujours être liées avec la propagande et la lutte pour les organes de masses du prolétariat (comités de défense, comités de contrôle, conseils d’entreprises).

Il est également nécessaire de dérouler devant les yeux des ouvriers le programme du gouvernement ouvrier (report des charges de l’État sur les propriétaires, contrôle de la production par les organes ouvriers, armement du prolétariat).

Il est nécessaire de montrer aux ouvriers la différence entre la coalition social-démocrate bourgeoise et le gouvernement ouvrier basé sur les organes du prolétariat.

Tous les membres du Parti ont à collaborer à cette œuvre. Ce n’est pas la propagation de fausses accusations et la méfiance contre les chefs du Parti, mais c’est une critique impartiale de leurs défauts, un travail quotidien et positif pour les corriger, qui feront du Parti un véritable PC apte à accomplir les tâches que les événements de Tchécoslovaquie poseront devant lui.

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Résolution sur la question italienne au quatrième congrès de l’Internationale Communiste

Les 2e et 3e Congrès de l’IC se sont déjà occupés en détail de la question italienne. Le 4e Congrès est donc en mesure de tirer certaines conclusions. Vers la fin de la guerre impérialiste mondiale, la situation en Italie était objectivement révolutionnaire.

La bourgeoisie avait lâché les rênes du pouvoir. L’appareil de l’État bourgeois était détraqué, l’inquiétude s’était emparée de la classe dominante. Les masses ouvrières étaient lasses de la guerre et dans diverses régions se trouvaient même en état d’insurrection.

Des fractions considérables de la classe paysanne commençaient à se soulever contre les propriétaires fonciers et contre l’État et étaient disposées à soutenir la classe ouvrière dans sa lutte révolutionnaire. Les soldats étaient contre la guerre et prêts à fraterniser avec les ouvriers.

Les conditions objectives d’une révolution victorieuse étaient réalisées. Il ne manquait plus que le facteur subjectif;il manquait un Parti ouvrier décidé, prêt au combat, conscient de sa force, révolutionnaire, en un mot: un véritable PC.

D’une façon générale, à la fin de la guerre, une situation analogue existait dans presque tous les pays belligérants.

Si la classe ouvrière n’a pas triomphé en 1919-20 dans les pays les plus importants, cela provient précisément de l’absence d’un Parti ouvrier révolutionnaire. C’est ce qui s’est manifesté plus particulièrement en Italie, pays qui était le plus rapproché de la révolution et qui traverse actuellement une période de contre-révolution. L’occupation des usines par les ouvriers italiens, en automne 1920, a constitué un moment décisif dans le développement de la lutte des classes en Italie.

Instinctivement, les ouvriers italiens poussaient à la solution de la crise dans un sens révolutionnaire. Mais l’absence d’un Parti ouvrier révolutionnaire décida du sort de la classe ouvrière, consacra sa défaite et prépara le triomphe actuel du fascisme.

La classe ouvrière n’a pas su trouver suffisamment de forces, au point culminant de son mouvement, pour s’emparer du pouvoir; voilà pourquoi la bourgeoisie, en la personne du fascisme, son aile la plus énergique, réussit bientôt à faire mordre la poussière à la classe ouvrière et à établir sa dictature.

Nulle part, la preuve de la grandeur du rôle historique d’un PC pour la révolution mondiale n’a été fournie d’une façon plus nette que dans ce pays, où précisément, faute d’un tel parti, le cours des événements a pris une tournure favorable à la bourgeoisie.

Non pas qu’il n’y ait pas eu en Italie, pendant ces années décisives, de Parti ouvrier: le vieux Parti Socialiste était considérable par le nombre de ses membres et jouissait, extérieurement du moins, d’une grande influence. Mais il abritait dans son sein des éléments réformistes qui le paralysaient à chaque pas.

Malgré la première scission qui avait eu lieu en 1912 (exclusion de l’extrême-droite) et en 1914 (exclusion des Francs-Maçons), il restait encore dans le Parti Socialiste Italien, en 1919-20, un grand nombre de réformistes et de centristes.

À tous les moments décisifs, les réformistes et les centristes étaient comme un boulet aux pieds du Parti. Nulle part ils n’étaient autre chose que des agents de la bourgeoisie dans le camp de la classe ouvrière. Aucun moyen ne fut négligé pour trahir la classe ouvrière au profit de la bourgeoisie.

Des trahisons analogues à celles qui furent commises par les réformistes pendant l’occupation des usines en 1920 se rencontrent fréquemment dans l’histoire du réformisme, qui n’est qu’une chaîne ininterrompue de trahisons. Les souffrances effroyables de la classe ouvrière italienne sont dues en première ligne aux trahisons des réformistes.

Si la classe ouvrière italienne est obligée en ce moment de reprendre, pour ainsi dire, par le commencement, un chemin terriblement dur à parcourir, c’est parce que les réformistes ont été trop longtemps tolérés dans le Parti Italien.

Au début de 1921 se produisit la rupture de la majorité du Parti Socialiste avec l’IC à Livourne, le centre préféra se séparer de l’IC et de 58,000 communistes italiens, simplement pour ne pas rompre avec 16,000 réformistes.

Deux partis se constituèrent: d’une part, le jeune PC qui, en dépit de tout son courage et de tout son dévouement, était trop faible pour mener la classe ouvrière à la victoire; d’autre part, le vieux Parti Socialiste dans lequel, après Livourne, l’influence corruptrice des réformistes alla grandissante. La classe ouvrière était divisée et sans ressources. Avec l’aide des réformistes, la bourgeoisie consolida ses positions.

C’est alors seulement que commença l’offensive du capital dans le domaine tant économique que politique.

Il fallut presque deux années entières de trahison ininterrompue de la part des réformistes pour que même les chefs du centre, sous la pression des masses, reconnaissent leurs erreurs et se proclament prêts à en tirer les conséquences.

Ce n’est qu’au Congrès de Rome, en octobre 1922, que les réformistes furent exclus du Parti Socialiste. On en était arrivé au point que les chefs les plus en vue des réformistes pouvaient se vanter ouvertement d’avoir réussi à saboter la révolution en restant dans le Parti Socialiste Italien et en paralysant son action aux heures décisives.

Les réformistes ont maintenant quitté les rangs du Parti Socialiste Italien et sont passés ouvertement dans le camp de la bourgeoisie.

Ils ont cependant laissé dans les masses un sentiment de faiblesse, d’humiliation et de déception et affaibli considérablement, numériquement et politiquement, le Parti Socialiste.

Cette triste, mais très édifiante leçon des événements d’Italie doit profiter à tous les ouvriers conscients du monde entier.

1) Le réformiste: voilà l’ennemi.

2) Les hésitations des centristes constituent un danger mortel pour un Parti ouvrier.

3) La condition la plus importante de la victoire du prolétariat, c’est l’existence d’un PC conscient et homogène. Tels sont les enseignements de la tragédie italienne. En considération de la décision par laquelle le Congrès du Parti Socialiste Italien à Rome (octobre 1922) exclut les réformistes du Parti et se déclare prêt à adhérer sans réserves à l’IC, le 4e Congrès de l’IC décide:

§1. La situation générale en Italie, surtout après la victoire de la réaction fasciste, exige impérieusement la fusion rapide de toutes les forces révolutionnaire du prolétariat. Les ouvriers italiens reprendront courage s’ils voient se produire, après les défaites et les scissions, une nouvelle concentration de toutes les forces révolutionnaires.

§2. L’IC adresse au prolétariat italien, si lourdement éprouvé, ses salutations fraternelles. Elle est parfaitement convaincue de la sincérité des éléments prolétariens du Parti Socialiste Italien et décide de recevoir ce Parti dans l’IC

§3. Le 4e Congrès Mondial considère l’application des 21 conditions comme une chose hors de toute discussion. Il charge donc le CEIC, en raison des précédents italiens, de veiller avec un soin particulier à l’application de ces conditions, avec toutes les conséquences qui en résultent.

§4. Vu qu’au Congrès du Parti de Rome, le député Vella s’est déclaré contre l’acceptation des 21 conditions, le 4e Congrès estime impossible d’accepter Vella et ses partisans dans l’IC et invite le CD du Parti Socialiste Italien à exclure du Parti Vella et ses partisans.

§5. Attendu qu’en vertu des statuts de l’IC, il ne saurait y avoir dans un pays plus d’une Section de l’IC, le 4e Congrès Mondial décide la fusion immédiate du PC et du Parti Socialiste italien. Le Parti unifié portera le nom de «PC Unifié d’Italie (Section de l’IC)».

§6. Pour la réalisation pratique de cette fusion, le 4e Congrès désigne un Comité spécial d’organisation, composé de deux membres de chaque parti, comité qui fonctionnera sous la présidence d’un membre du CEIC. Sont élus à ce Comité d’organisation: pour le PC, les camarades Bordiga et Tasca;pour le Parti Socialiste, Serrati et Maffi; pour le CEIC, Zinoviev (avec le droit pour le CEIC de remplacer, en cas de besoin, Zinoviev par un autre membre du CEIC, de même que les quatre autres membres du Comité). Ce Comité devra élaborer dès à présent, à Moscou, les conditions détaillées de la fusion en Italie. Il est subordonné dans tout son travail au CEIC.

§7. Dans les diverses régions et dans les grandes villes, des comités d’organisation analogues seront également constitués et seront composés de deux membres du PC (un de la majorité, un de la minorité), deux camarades du Parti Socialiste (un des maximalistes, un des terzinternazionalistes), le président étant nommé par le représentant du CEIC.

§8. Ces comités d’organisation ont pour tâche, non seulement de préparer, au centre et dans la périphérie, la fusion organique, mais aussi de diriger désormais les actions politiques communes des deux partis.

§9. En outre, un Comité Syndical sera immédiatement constitué et aura pour tâche de flétrir, à la Confederazione del Lavoro, la trahison des hommes d’Amsterdam et de gagner la majorité de l’organisation à l’ISR. Ce Comité sera également composé de deux représentants de chaque Parti (un de la majorité, un de la minorité du PC; un des maximalistes et un des terzinternazionalistes), sous la présidence d’un camarade désigné par le CEIC ou par son Présidium.

§10. Dans les villes où existe un journal communiste et un journal socialiste, ils devront fusionner au plus tard le 1ejanvier 1923. Le 1ejanvier 1923 au plus tard, un organe central commun devra commencer à paraître. La rédaction de cet organe central sera désignée par le CEIC pour l’année prochaine.

§11. Le Congrès de la fusion devra avoir lieu au plus tard le 15 février 1923. Si, avant ce Congrès commun, des Congrès spéciaux des deux partis sont nécessaires, c’est le CEIC qui décidera de la date, du lieu et des conditions de ces Congrès.

§12. Le Congrès décide de lancer un manifeste sur la question de la fusion, manifeste qui devra être immédiatement publié avec la signature du Présidium et des délégués des deux Partis au 4e Congrès.

§13. Le Congrès rappelle à tous les camarades italiens la nécessité de la plus stricte discipline. Tous les camarades, sans exception, sont tenus de faire tout leur possible pour que la fusion s’opère sans gêne et au plus tôt. Toute faute contre la discipline constituerait dans la situation actuelle un crime contre le prolétariat italien et l’IC.

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de l’Internationale Communiste