Si l’Internationale Communiste est dominée en large partie par une approche techniciste, c’est que pour elle il y a urgence. Il y avait urgence, alors que la vague révolutionnaire mondial se lançait ; il y a désormais urgence par rapport à la menace d’une guerre contre l’URSS.
La Pravda du 17 juillet 1928, le jour de l’ouverture du sixième congrès, pose ainsi dans son article sur Le Congrès communiste mondial, évidemment en tête de ce quotidien, que :
« Premièrement, la question de la guerre se trouve posée, devant le VIe Congrès de l’Internationale Communiste, comme la plus importante de l’ordre du jour.
La bourgeoisie prépare (et a déjà commencé sur certains points), de nouvelles guerres, tandis que la social-démocratie de chaque pays, en criant qu’elle lutte pour la paix, fait campagne contre ceux, que lui désigne la bourgeoisie de son pays.
Elle attaque l’U.R.S.S., elle attaque la révolution chinoise, elle excite les antagonismes nationaux des peuples de l’Europe et des autres parties du monde.
La question de la guerre ne saurait être posée devant le Congrès de l’Internationale Communiste, sans être liée à la question du renforcement de la lutte contre la social-démocratie et les réformistes.
C’est la deuxième des questions qu’il aura à traiter. Le Congrès devra donc élaborer les mesures pratiques, que les partis communistes doivent prendre aussi bien avant la guerre qu’au début de la guerre. »
La Pravda publia également à cette occasion un message d’Ernst Thälmann, dirigeant du Parti Communiste d’Allemagne, axant pareillement l’actualité par rapport à la menace de guerre contre l’URSS :
« Le point central des tâches, qui s’imposent à tous les partis communistes, et en particulier à la section allemande de l’Internationale communiste, est la lutte contre le redoutable danger d’une nouvelle guerre impérialiste contre l’Union soviétique.
Le capitalisme allemand, qui a repris des forces, prend également part avec zèle à la préparation de cette guerre.
Le gouvernement socialiste actuel de l’Allemagne coopérera, dans le domaine de la politique extérieure, à la préparation de la guerre. A l’intérieur du pays, il mènera la politique réactionnaire des patrons, politique qui consiste à asservir les travailleurs.
Le parti communiste, sans hésiter une minute, luttera de la manière la plus impitoyable et la plus acharnée contre ce gouvernement de social-traîtres. Il mettra en jeu tous les moyens pour déterminer les masses prolétariennes à lutter pour son renversement. »
Dès le début du congrès, Ernst Thälmann insiste sur cet aspect :
« Nous pensons que dans le moment historique présent l’Internationale Communiste saura passer sa grande épreuve du feu dans les tempêtes de la guerre à venir, tout comme le Parti russe s’est maintenue victorieusement durant la guerre mondiale. »
La menace de guerre contre l’URSS, alors que la guerre impérialiste est inéluctable, est ainsi un leitmotiv du sixième congrès ; l’Ecossais Tom Bell, qui présente cette question, souligne que non seulement tout Parti Communiste doit lutter contre cette menace, mais que toutes les activités de chaque parti doit également posséder un rapport avec cela.
Au sens strict, le sixième congrès définit le parti communiste de chaque pays comme la force révolutionnaire luttant contre la crise générale du capitalisme qui s’est transformée en élan vers une guerre impérialiste relativement imminente, avec l’URSS étant à protéger à tout prix.
Eugen Varga résume le point de vue du congrès en disant :
« Camarades ! Notre congrès a comme tâche de tirer les leçons stratégiques sur la base de l’analyse des périodes passées et de constater les tâches actuelles pour les prochaines années.
Le point central du développement des prochaines années est sans aucun doute le danger de guerre : la tâche principale de l’ensemble du mouvement communiste dans ces prochaines années est de détourner le danger de guerre menaçant l’Union Soviétique. »
Les délégués des différents pays, lors de leurs interventions, accordèrent une place significative à cette question, en présentant la situation relative à cela chez eux. Le communiste italien Garlandi (en fait Ruggero Grieco) nota par exemple la situation profondément instable dans son pays et expliqua ainsi avec justesse que :
« Le fascisme ne peut plus désormais que tenter de sortir de la crise économique par la guerre. »
L’Allemand Ernst Schneller constata que l’Allemagne profitait du soutien de l’impérialisme américain, ce dernier cherchant à empêcher la concurrence d’une alliance franco-britannique. Or, de par l’immense force des monopoles en Allemagne, cela aboutit à une redynamisation rapide de l’impérialisme allemand. La menace de guerre contre l’URSS est tout à fait réelle.
Le Français Henri Barbé – quelques mois après il deviendra pratiquement le dirigeant du PCF, pour finalement rejoindre le fascisme aux côtés de Jacques Doriot – présenta les chiffres concernant la course française aux armements. Le budget de la marine avait quadruplé entre 1922 et 1928 ; le budget général des armées était en 1927/1928 le double d’avant 1914.
Le nombre d’appelés chaque année s’élève à 240 000, à quoi s’ajoutent 150 000 soldats de métier, 30 000 officiers, 45 000 gendarmes, 200 000 hommes dans les troupes coloniales.
L’Américain Jay Lovestone – qui devint par la suite rapidement un « oppositionnel » boukharinien puis un anticommuniste patenté – présenta de son côté la force incroyable de l’économie américaine, qui a pratiquement doublé en vingt ans avant 1914, puis encore doublé en dix ans depuis la fin de la guerre mondiale.
30 % du budget allait pour le renforcement de sa marine militaire ; la doctrine Monroe faisait de l’Amérique du Sud et de l’Amérique centrale un protectorat américain. Seuls l’Argentine, le Brésil et le Chili parviennent un tant soit peu à disposer d’une certaine autonomie.
Dans ce cadre, les États-Unis se présentent comme une force de « paix » afin d’affaiblir les puissances coloniales et de conquérir des zones d’influence nouvelles. Ils sont particulièrement en concurrence avec l’empire britannique, qui a par ailleurs été chassé du Canada, passé sous la coupe américaine.
Tous ces pays poussent naturellement également à une guerre avec l’URSS, mais le pays qui est en première ligne pour cela est la Pologne.
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de l’Internationale Communiste