Les trois quartiers généraux des Gardes Rouges et l’affrontement entre factions

L’immense vague des Gardes rouges à travers tout le pays, fut suivie de l’émergence des rebelles et elle devint irrépressible.

Les opposants à Mao Zedong mirent alors l’accent sur la question de l’activité des « groupes de travail » pendant les « cinquante jours ». Ils cherchèrent à valoriser ceux-ci, tout en poussant à la formation de factions conservatrices, opposés aux initiatives des Gardes rouges, voire à former des Gardes rouges ayant d’autres cibles.

C’était là une véritable manœuvre exprimant la ligne de Liu Shaoqi et Deng Xiaoping. On eut ainsi tout d’abord une mobilisation contre la restauration du capitalisme pour ainsi dire en général, qui se transforma ensuite, dans une nouvelle étape, en une bataille au contenu directement politique.

Le curseur déplaça concrètement, passant d’un conflit ouvert entre partisans de Mao Zedong et ce qui relevait de manière flagrante de la restauration du capitalisme à une opposition non ouverte publiquement entre la ligne de Mao Zedong et celle de Liu Shaoqi et Deng Xiaoping, ces derniers n’étant pas mentionnés nommément, seulement indirectement.

Ce processus complexe aboutit à des affrontements parfois très violents entre factions des Gardes rouges se revendiquant en apparence de la même idéologie et des mêmes principes. Ces divisions se cristallisèrent politiquement avec la question des « Quartiers Généraux ».

Les Gardes rouges, dont les dirigeants étaient élus et révocables, avaient en effet mis en place des « Quartiers Généraux ». Il en existait deux, mais un troisième se forma à l’initiative de gardes rouges déçus de ce qu’ils considéraient comme une collusion ou une convergence avec Liu Shaoqi et Deng Xiaoping.

Ils venaient principalement de l’université Tsinghoua de Pékin, de l’institut d’aéronautique et l’institut de géologie ; ce « troisième poste de commandement » en tant que « Quartier Général rebelle révolutionnaire de la capitale des Gardes rouges de l’université » profita rapidement d’un appui avec l’éditorial du Drapeau rouge du 3 octobre 1966, qui visait Liu Shaoqi et Deng Xiaoping et où on lisait notamment :

« Si ceux qui ont commis des erreurs persistent dans leur attitude et les aggravent, ces contradictions peuvent devenir antagoniques. »

Liu Shaoqi et Deng Xiaoping durent alors faire leurs autocritiques. Le premier fut placé en résidence surveillée chez lui et le second envoyé dans une usine dans une zone agricole.

Cependant, ils ne sont pas encore critiqués nommément dans la presse ; Liu Shaoqi est défini par périphrase comme « le Kouchtchev chinois », « le plus haut des responsables engagés dans la voie capitaliste », Deng Xiaoping étant « un autre haut responsable engagé dans la voie capitaliste ».

Malgré leur mise à l’écart, leurs partisans s’avéraient encore largement présents, que ce soit au niveau des municipalités ou des comités du Parti ; leur influence restait notable et, surtout elle agissait en sous-main.

En apparence, les deux premiers quartiers généraux, où ils disposaient de l’hégémonie, prétendaient évidemment eux aussi défendre Mao Zedong et dénoncer les partisans de la voie capitaliste.

L’intense confusion ne cessa pas, les affrontements violents entre gardes rouges, voire très violents et parfois armés, se prolongèrent, dans un imbroglio extrêmement grand et toujours plus étendu.

On était passé d’une révolte soutenue contre les tenants censés être purement isolés de la voie capitaliste à un affrontement entre deux factions du Parti, à travers les Gardes rouges. L’opération de rectification se transformait en véritable lutte entre deux lignes.

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