Lorsque le PCMLF fut passé dans l’illégalité en juin 1968 suite à son interdiction, son dirigeant Jacques Jurquet court-circuita la direction élue quelques mois auparavant lors du premier congrès.
La conséquence fut la révolte d’une partie de l’organisation, au nom du « Bureau Politique (majoritaire) », qui fonda le PCMLF – Le travailleur.
Jurquet s’appuya alors sur les jeunes ayant rejoint récemment l’organisation, mais ceux-ci firent « bande à part » et renversèrent la direction. Le PCMLF connut alors une scission à la fin de 1970, avec la tenue en novembre 1970 d’une « conférence nationale de rectification », par les « jeunes. »
Par la suite est fondé Front rouge en mai 1971, comme « journal de combat marxiste-léniniste », devenant hebdomadaire à partir de janvier 1972.
Les raisons à Front rouge
Lors de mai 1968, l’Union de la Jeunesse Communiste (marxiste-léniniste) s’est effondrée politiquement, mais ses membres menèrent une très importante activité. L’échec de l’affirmation politique amena cependant un mouvement de « rectification » et de demande d’adhésion au PCMLF, auparavant honni.
Le PCMLF fut très méfiant et n’accepta que les adhésions individuelles. Cela ne changea pas la donne : les ex-UJC(ml) étaient des étudiants, rodés à l’activisme ininterrompu, alors que les cadres du PCMLF suivaient une logique très « plan – plan » du militantisme PCF typique de la fin des années 1950.
La tension ne pouvait devenir qu’explosive alors qu’au lendemain de mai 1968 et malgré l’échec de l’UJC(ml), la minorité de celle-ci, qui refusait le PCMLF, obtenait succès sur succès en tant que « Gauche Prolétarienne. »
Entre la pseudo-illégalité et ses vraies contraintes et l’activisme, les ex-UJC(ml) ne choisirent pas longtemps.
La première étape
Le PCMLF Front rouge, afin de se développer, assume directement les méthodes ayant un succès chez la Gauche Prolétarienne. L’établissement dans les usines ne doit pas être une immersion temporaire ; le passé étudiant doit être oublié et le parcours d’études rompu.
A cela s’ajoute donc les interventions chocs. Lorsque des tracts sont distribués clandestinement devant les portes du complexe de Creusot-Loire à Firminy dans la Loire, avec cagoules et manches de pioche, le car de police qui passe voit ses occupants ne s’en tirer qu’en faisant l’usage de leurs armes.
Le PCMLF Front rouge ne maintint cependant pas cette approche, qui ne servait qu’à se positionner par rapport à « l’ancien » PCMLF. Ainsi, le 1er mai 1972 se tint une conférence nationale, bien entendu clandestine, en Ardèche, mettant un terme à l’activisme dur, au nom justement de la construction réussie de l’organisation, représentée par 50 délégués.
La seconde étape
Reste alors pour le PCMLF Front rouge de définir une ligne. On reste toutefois dans le dengisme : si le PCMLF privilégiait la dimension internationale du dengisme, avec le soutien unilatéral au troisième monde et l’appel au deuxième monde à participer aux luttes contre les superpuissances, le PCMLF Front rouge assuma davantage la dimension pragmatique.
L’idéologie ne comptait pas plus qu’au PCMLF, malgré le verbiage « marxiste-léniniste » ; en pratique, le PCMLF Front rouge devenait une organisation gauchiste, mais en mode technique « marxiste-léniniste. »
Lorsque sort, en février 1973, le premier numéro de Octobre. Les cahiers du marxisme-léninisme, comme revue théorique, le numéro aborde « L’histoire du révisionnisme en France : 1944-1947. Le PCF au gouvernement. »
L’idée est que le PCF a capitulé et rompu avec la ligne de masses ; il n’est pas question d’idéologie. Le révisionnisme se résume à une question de méthode.
La troisième et dernière étape
Le PCMLF Front rouge se posa ainsi comme véritable alternative marxiste-léniniste, c’est-à-dire comme organisation ayant les meilleurs méthodes, la meilleure approche.
En pratique fut donné naissance à une Opposition Syndicale Révolutionnaire, avec une majorité de membres à la CFDT et comme bulletin Brisons nos chaînes.
Furent également organisés des comités pour l’abrogation de la circulaire Fontanet, qui n’autorise l’attribution de carte de séjour qu’avec un permis de travail, et des comités Indochine-Palestine, qui tiennent notamment un grand meeting le 4 mars 1973.
Cette structuration permet de rassembler 2000 personnes à la salle de la Mutualité à Paris, le 28 octobre 1973, avec comme appel : « Oui, la révolution est possible ! ».
Le PCMLF Front rouge se débarrasse alors du sigle PCMLF, afin de pouvoir utiliser le champ de la légalité de manière la plus complète. Ainsi, en mars 1974, près de Pontarlier, en Franche-Comté, se tient le congrès de fondation du Parti communiste révolutionnaire (marxiste-léniniste).
Le PCR (ML) comme pôle radical
La ligne du PCR (ml) n’est, bien évidemment, pas non plus réellement solide, mais sa démarche permet de prendre la place du pôle le plus radical.
Le PCR(ml) a ainsi dénoncé violemment l’alliance du PCMLF avec la Ligue Communiste pour l’attaque du meeting des fascistes d’Ordre Nouveau, le 21 juin 1973, qui selon le PCR (ml) – et cela est vrai – aurait permis à la Ligue d’être présenté par la bourgeoisie comme la « véritable » organisation révolutionnaire.
Car si le PCMLF en effet tend vers la gauche de la gauche, le PCR (ml) reste fondamentalement opposé au trotskysme et à la social-démocratie : lors du rassemblement anti-militariste du Larzac, le dirigeant socialiste François Mitterrand est très violemment attaqué et cela termine en affrontement physique entre le PCR(ml) et l’extrême-gauche défendant Mitterrand.
Il assume une ligne dure, comme avec la fondation en mars 1975 d’un tribunal populaire à Liévin pour condamner les Houillères considérées comme responsables de la catastrophe du 27 décembre 1974, qui avait amené la mort de 43 mineurs.
Le PCR(ml) a ainsi du succès comme pôle radical et il peut rassembler 5000 personnes à la salle de la Mutualité à Paris pour un « rassemblement communiste pour le pouvoir des ouvriers et des paysans. »
Il peut fonder en mai 1975 l’Union communiste de la jeunesse révolutionnaire (UCJR), dont le journal est Rebelles et dont la section parisienne mène une activité violente contre le fascistes, les sionistes et les anarchistes. La fête de Rebelles, le 1er mai 1976 en banlieue parisienne, rassemblera six mille personnes.
Le PCR (ml) prend également l’initiative le 27 septembre 1975, jour de l’exécution de 5 antifascistes en Espagne pour leur activité au sein du Front révolutionnaire antifasciste et patriote, vaste mouvement anti-franquiste organisé par le Parti Communiste d’Espagne (marxiste-léniniste). La manifestation en marche vers l’ambassade d’Espagne vers les Champs-Elysées est marquée par une heure d’affrontement réussi face à la police, qui utilisa pourtant des grenades lacrymogènes lancées depuis des hélicoptères.
Enfin, le PCR(ml) lance même son quotidien, en septembre 1975 : Le Quotidien du peuple, alors que Front rouge, à partir de novembre, devient mensuel (jusqu’en 1977, puis trimestriel jusqu’en 1980).
Il profite ici de l’appui de la Chine populaire, avec qui il a désormais des liens, avec l’envoi de délégations.
Le PCR(ml) incapable d’assumer
Les succès du PCR(ml) reposaient cependant sur son dépassement pratique de la social-démocratie, alors qu’il manquait la base idéologique et culturelle. Il y a donc effondrement.
L’Opposition Syndicale Révolutionnaire est abandonnée et désormais les membres de Front Rouge tentent de grimper les échelons de la CFDT.
Il y a l’électoralisme. En 1974, il y eut la volonté de présenter, finalement sans succès, son propre candidat aux présidentielles. Il y eut aussi la tentative de se présenter aux législative de 1978, en alliance avec diverses organisations trotskystes, dont la Ligue Communiste Révolutionnaire.
Finalement, la liste sera faite avec le PCMLF et appelée « Union ouvrière et paysanne pour la démocratie prolétarienne », obtenant 28 000 voix dans 115 circonscriptions (soit entre 0,8 et 2%).
Le populisme prédomine : Johnny Hallyday est séquestré quelques heures en solidarité avec les mineurs de Longwy, le trophée de la coupe de France de football est subtilisé, etc. Il y eut également la tentative de lancer La Tribune de Paris, un quotidien ultra-populiste échouant au bout de quelques numéros.
Le Quotidien du peuple s’essouffla également, et devint commun au PCR(ml) et au PCML au tout début 1980, mais il s’effondra rapidement.
Le PCR(ml) lança alors en avril 1980 un hebdomadaire, Pour le socialisme, qui cessa en décembre 1981, et le mensuel Que faire aujourd’hui ?, qui dura une année et demi.
Son dernier succès fut alors, en juin 1980 à Paris, les « Six heures pour l’Afghanistan » en opposition à l’invasion soviétique.
Le PCR(ml) soutint en fin de compte la candidate du Parti Socialiste Unifié en 1981, rejoignant la mouvance syndicaliste – trotskyste et changeant de nom pour devenir « PCR ». Le droit de tendance fut accordée en 1982 et le PCR disparut en 1983.
Le PCR(ml), une variante de dengisme
Le PCR(ml) avait la même dynamique que le PCMLF, et d’ailleurs en 1975, il salua la venue en France de Deng Xiaoping, alors que celui-ci a été une grande cible en Chine de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP).
Cela signifie que le PCR(ml) n’a rien compris au déroulement de la GRCP et aux apports de Mao Zedong, ni aux fondements idéologiques du dengisme. Le PCR(ml) se tourna d’ailleurs de plus en plus vers Gramsci, se social-démocratisant sous l’influence du Parti Socialiste (dont l’ancien dirigeant du PCR(ml) est aujourd’hui un spécialiste auprès du Centre de recherches politiques de Sciences Po).
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Nouvelle Cause du Peuple, NAPAP, Action Directe