L’UNEF s’est parfaitement installée dans l’après-guerre, elle est reconnue par les institutions, elle en est même partie prenante avec la sécurité sociale étudiante. Elle est revendicative et, dans la perspective de la Charte de Grenoble de 1946, considère qu’elle porte des valeurs.
La crise politique de 1956 va être un premier défi à ce savant équilibre. C’est en effet le début de la guerre d’Algérie. Or, les tenants de « l’esprit » de l’UNEF sont pour une intervention politique.
A ainsi lieu en juillet 1956 une « Conférence nationale étudiante pour une solution du problème algérien », sous l’égide du président de l’UNEF, François Borella, membre de la Jeunesse Étudiante Chrétienne tout comme d’autres participants de l’UNEF : Robert Chapuis, Michel de La Fournière (Jacques Julliard étant très proche).
Et cela provoqua des terribles remous. D’abord, François Borella est pour cela inculpé pour atteinte à la sûreté de l’État. Ensuite, ceux qui en restent au niveau revendicatif et sont opposés à une intervention qui leur déplaît se font particulièrement bruyants, tels Jean-Marie Le Pen président de la Corpo Droit.
Enfin, le PCF, mis hors de combat au sein de l’UNEF en 1950, organise de son côté en juillet 1956 une Union des Étudiants Communistes (UEC).
La situation est alors explosive au 46e congrès de l’UNEF en avril 1957. Les pro-interventions réussissent à faire passer une motion anti-torture et à faire rejeter une motion d’apolitisme. Mais c’est l’implosion lorsque le congrès adopte une motion où il est dit que l’UNEF tient
« pour légitime la revendication des étudiants d’outre-mer de voir leurs peuples s’administrer eux-mêmes et gérer démocratiquement leurs propres affaires. »
17 AGE sortent alors de l’UNEF pour fonder un Mouvement des étudiants de France ; le gouvernement intervient alors pour forcer un retour au bercail en échange d’un recul de l’UNEF quant à sa ligne favorable aux indépendances des pays colonisés par la France.
L’UNEF persiste cependant dans cette ligne, aux côtés de la seconde gauche : de la mouvance socialiste, du syndicat chrétien CFTC, de la CGT-Force Ouvrière, de la Fédération de l’Éducation Nationale.
Les tenants de la ligne purement revendicative, corporatiste, quittent alors l’UNEF en 1961 pour fonder une Fédération nationale des étudiants de France, dont une partie significative est composée de nationalistes (Bernard Antony, Bruno Gollnisch, Marie-France Stirbois, etc.).
Le gouvernement, qui a bien sûr soutenu cette scission, a pris des mesures pour affaiblir l’UNEF, tel le retrait de subventions et le retrait de deux sièges au CNOUS (Centre national des œuvres universitaires et scolaires qui gère les aides par des CROUS régionaux).
L’UNEF est désormais clairement en opposition au régime. Elle est née en 1946 comme pointe étudiante de la « renaissance française », elle a participé par la suite à la mise en place des institutions universitaires, mais la guerre d’Algérie a imposé le triomphe de la ligne d’opposition sur la base de la seconde gauche.
Lorsqu’en 1963, le gouvernement met en place une Commission de réforme de l’enseignement supérieure, l’UNEF refuse de participer.
Mais cette orientation a un prix. Il y a en 1962 230 000 étudiants, puis 367 000 en 1965, 510 000 en 1968. L’UNEF a par contre largement perdu ses effectifs, qui sont désormais tombés à 30-50 000.
La crise de 1956 l’a transformée en mouvement étudiant d’opposition.