Le Parti Communiste Français avait mis en place la bolchevisation, mais celle-ci avait échoué en raison des activités ultra-gauchistes du groupe Barbé-Celor s’arrogeant la direction de manière conspiratrice, au nom d’un prétendu caractère « révolutionnaire » des jeunes cadres.
Aussi, les mois d’août et de septembre 1931 sont marqués par une immense campagne de rectification. « Enfin, on va discuter ! » titre l’éditorial de l’Humanité du premier septembre, expliquant sous la plume de Maurice Thorez que :
« Enfin, on va discuter ! Tel est le cri de satisfaction – et de soulagement qui montre du parti et qui s’exprime dans les lettres toujours plus nombreuses de nos correspondants.
C’est la réponse aux articles par lesquels le Comité Central a dit sa ferme volonté de changer quelque chose dans la vie intérieure du Parti et dans son travail pour gagner les prolétaires au communisme (…).
Il n’est pas juste de considérer comme « opportunistes » ou « éléments malsains » ceux qui ne sont pas toujours d’accord et qui veulent critiquer.
Le Comité central du Parti veut la discussion. On ne doit pas la craindre.
Il ne faut naturellement pas l’envisager comme une tâche « complémentaire et momentanée », comme on le fit jusqu’alors avec « l’autocritique ».
Dans le Parti, la discussion, la critique de soi-même et des autres sont une méthode à pratiquer de façon permanente. »
Maurice Thorez fait principalement référence à deux articles publiés précédemment, qui eurent un écho dans tout le Parti. Le premier était « Pas de mannequins » le 14 août 1931 :
« Le comité du 6ème rayon de Paris avait convoqué, l’autre soir, une assemblée des communistes du rayon en vue d’établir le bilan de la campagne du 1er août et aussi afin d’élaborer le plan de travail pour les prochaines semaines.
Le rapporteur a constaté que les résultats du 1er août étaient franchement mauvais dans ce rayon où se trouve une des plus grandes usines de la Région parisienne.
Toutefois, selon une tendance remarquée un peu chez tous nos militants, le rapporteur n’a pas cessé de répéter : « malgré tout, nous avons fait ceci…, nous avons obtenu cela » .
On cherche ainsi à atténuer les couleurs sombres du tableau et à affaiblir, par conséquent, la vigueur et l’efficacité d’une autocritique sincère et salutaire.
En cette période d’offensive du capital et de poussée révolutionnaire des masses; il n’est pas possible de se prévaloir de quelques menus résultats, voire même de quelques petits succès ; pour se dissimuler à soi-même, et dissimuler au parti, la persistance des graves faiblesses de notre mouvement et même sa régression partielle.
Par exemple ; le comité du 6ème rayon doit voir nettement que l’absence de manifestation le 1er août, dans les usines ou dans la rue, est la conséquence d’un travail, insuffisant dans les entreprises principales (…).
En exigeant, des membres du parti qu’ils réalisent seuls et sans la masse telle ou telle manifestation, on aboutit peu à peu à faire du communiste un exécutant, au lieu d’un entraîneur. La vie intérieure du parti s’en trouve affectée.
On ne cherche plus à convaincre les camarades de la cellule de base, afin qu’eux-mêmes aient la possibilité et les moyens de convaincre à leur tour tous les ouvriers de l’usine, du syndicat, du quartier ou de la localité.
Il suffit de donner une directive sèche, j’allais écrire un ordre. Les discussions politiques sont ainsi peu à peu éliminées et l’esprit critique se dissout dans les détails matériels.
Un ouvrier a exprimé franchement son sentiment « On nous prend pour des mannequins. » (…).
La tendance à la secte, c’est-à-dire la méfiance vis-à-vis des masses, a comme conséquence la méfiance à l’égard même du parti et de ses militants.
Elle fausse les principes du centralisme démocratique, en rendant illusoire la critique de la base, elle aboutit, consciemment ou non, à la formation, à l’intérieur du parti, de petits clans fermés et étroits.
Elle menace le développement du parti en tant qu’organisation de l’avant-garde prolétarienne, numériquement forte et étroitement liée à l’ensemble des exploités que nous devons entraîner à la bataille et à la victoire sur le capital.
Les remèdes sont avant tout dans la réponse quotidienne aux préoccupations de la classe ouvrière et de tous les travailleurs et dans la possibilité pour chacun de nos adhérents de dire franchement son opinion sur la politique du parti dans le cadre régulier de nos organisations. »
Le second article majeur était « Les bouches s’ouvrent », le 21 août :
« Les derniers articles, dans lesquels j’ai marqué la volonté de notre Comité central d’obtenir un changement dans le travail du parti, notamment celui sur les « mannequins », ont, semble-t-il, trouvé un assez large écho dans le parti et même autour du parti, chez les ouvriers sympathisants.
De nombreux camarades m’ont écrit pour dire leur satisfaction. Il n’est malheureusement pas possible de publier Intégralement toutes ces lettres. [Suivrent plusieurs extraits de lettres]
Si même des camarades se trompent et commettent des erreurs opportunistes, nous ne voulons pas croire que la solution consiste à les frapper au lieu de les convaincre, à les écarter de tout travail au lieu de les gagner à la politique juste du parti et à toute son activité pratique (…). Nous ne sommes encore qu’au commencement. »
Suivra même « Jetons la pagaïe » le 23 septembre :
« L’impulsion de critique et de vie donnée par le Comité Central se transmet peu à peu à l’ensemble du Parti. On approuve ou on désapprouve, c’est donc que l’on a commencé à discuter.
En général, les Comités du Parti affirment leur accord avec la critique vigoureuse dont le Comité Central a donné le signal, comme aussi avec les dernières décisions du Comité Central sur le programme et la critique du Parti.
Mais il est nécessaire de ne pas s’en tenir aux formules d’accord général. Il faut vraiment changer quelque chose. Or il semble que tous les militants responsables ne font pas encore l’effort suffisant dans ce sens.
Les journaux régionaux ne contiennent encore aucun article élargissant avec des exemples locaux, et en suivant l’engagement pris au Comité Central, la critique de nos fautes et de nos faiblesses (…).
Le camarade T. qui travaille dans le 8e rayon déclare que le Comité Central a sans doute raison, mais que poser les questions avec précision comme nous l’avons fait dans l’Humanité et comme nous le voulons faire dans tout le Parti, c’est « jeter la pagaïe ».
Alors qu’il s’agit simplement de mettre fin, avec l’aide des ouvriers, aux procédés bureaucratiques et sectaires encore en l’honneur dans le Parti (…). Il faut critiquer les directions et ne pas craindre, ainsi que l’a indiqué le comité de la région parisienne, de changer les directions qui n’acceptent pas la critique ou qui ne changent pas leur pratique (…).
Un des résultats de la discussion en cours dans le Parti ce doit être le renforcement des organismes de direction au moyen d’élections régulières, et en conclusion d’une critique de tous les Sentuc [dirigeant d’une cellule de cochers-chauffeurs à Paris, prenant les décisions par en haut et s’opposant à l’expression de la base sur le journal mural], sans craindre ce que le camarade L. appelle tout à fait à tort la « pagaïe ». »
Cette ligne avait été entérinée lors d’une session du Comité Central du Parti Communiste Français, tenu du 25 au 28 août 1931. C’est une révolution des mentalités. Mais elle concernait que les méthodes de travail. Les questions idéologiques n’étaient pas posées et d’ailleurs même la question des méthodes restait pour cette raison abstraite-mécanique.
Cependant, le contexte international se modifiait et l’Internationale Communiste maintenait le Parti dans le cadre des deux axes fondamentaux : la lutte contre les restructurations et celle contre la guerre impérialiste.
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