Dans la seconde moitié des années 1930, l’Internationale Communiste a mis en avant le Front populaire comme moyen de faire obstacle au fascisme. Elle cessa son activité en 1943 mais, parallèlement, les Partis Communistes qui en avaient fait partie et qui faisaient face à l’occupation nazie ou à des régimes fascistes pro-nazis mirent en place une ligne y correspondant.
Un front national-démocratique devait être mis en avant afin d’unifier l’ensemble des forces opposées aux régimes fascistes. Ce Front fut donc proposé sans distinction à tous les partis opposés au régime fasciste, donc jusqu’aux partis bourgeois non nationalistes, du centre, chrétien, etc.
Sa base était nationale, au sens de pour l’indépendance ; sa symbolique reprend les couleurs nationales. Cela devait souligner qu’une petite minorité aux commandes de la guerre et du fascisme étaient hostiles à tout le reste du pays.
Sa base était également démocratique, car il s’agissait de liquider les institutions établies par cette petite minorité aux commandes.
En France est ainsi mis en place un Front National en 1941, alors qu’en Allemagne on a en 1943 un Comité national pour une Allemagne libre, puis en 1945 un Bloc des partis antifascistes-démocratiques et en 1949 un Front National de la République Démocratique Allemande.
En Albanie, il y a un Front de Libération Nationale en 1942, qui devint le Front Démocratique en 1945 ; en Tchécoslovaquie, un Front National des Tchèques et des Slovaques est mis en place en 1943.
En Grèce, on a le Front de Libération Nationale fondé en 1941, en Italie le Front populaire démocratique en 1948.
En Bulgarie, il y a un Front patriotique fondé en 1942 ; en Roumanie, on trouve un Front National Démocratique fondé en 1944 ; en Pologne, c’est un Bloc Démocratique en 1947, puis un Front de l’Unité Nationale en 1952.
En Yougoslavie, c’est un Front Uni de Libération populaire fondé en 1944 (devenant l’Alliance socialiste du peuple travailleur de Yougoslavie en 1953).
En Hongrie, on trouve le Front de l’Indépendance Nationale en 1944, devenant le Front populaire de l’indépendance hongroise en 1949.
Les positionnements de ces fronts étaient cependant très différents et on peut considérer qu’il existe quatre cas de figure.
Le modèle standard est celui où le Parti Communiste développe un élan suffisant pour être à la pointe du Front populaire qu’il a généré, galvanisant les masses populaires et s’arrogeant à la fois prestige et reconnaissance.
Le modèle inverse est celui où le Front disparaît au profit d’une alliance avec la bourgeoisie sous sa direction, comme en France et en Italie ; le Front populaire démocratique en Italie en 1948 est en fait un simple front électoral.
Il y a deux autres cas : celui où le Parti Communiste est très faible et à la traîne dans le Front et celui où il s’efface derrière le Front, n’apparaissant même plus publiquement.
Front national démocratique avec le Parti Communiste puissant comme moteur | Tchécoslovaquie, Grèce, Bulgarie, Allemagne |
Front national démocratique avec le Parti Communiste faible et suiviste | Hongrie, Pologne, Roumanie |
Front national démocratique inexistant | France, Italie |
Front national démocratique remplaçant le Parti Communiste | Albanie, Yougoslavie |
Tous ces Fronts, au-delà des différences de mise en place, de situations, voire de conceptions, ont le même objectif : liquider la haute bourgeoisie et les dirigeants de l’armée, qui tous deux ont dirigé le pays pendant la guerre aux dépens de la population.
Le Front est national et démocratique. Il est national, car il veut éjecter la haute bourgeoisie soit qui a eu une visée impériale cosmopolite ou qui a suivi une telle visée en transformant le pays en satellite. Il est démocratique, car le régime mis en place par la haute bourgeoisie a consisté en une dictature fasciste opprimant les plus larges masses, ne servant que la haute bourgeoisie.
Ce que dit Walter Ulbricht dans son rapport à Berlin le 19 avril 1946 lors du XVe congrès du Parti Communiste d’Allemagne est ainsi valable dans tous les pays où il y a front national démocratique :
« La question essentielle qui se pose présentement en Allemagne est de se débarrasser des bases matérielles de l’impérialisme et du militarisme allemands, et la lutte contre les idéologies impérialistes et militaristes.
Il ne doit pas être de nouveau permis aux forces impérialistes réactionnaires, aux messieurs des monopoles et de la banque et aux grands propriétaires terriens d’utiliser la démocratie dans leur combat contre l’ordre démocratique et pour la reconstruction de leurs organisations réactionnaires.
Le malheur national de notre peuple a tenu justement en cela que les forces réactionnaires aient réussi, à tous les tournants décisifs dans l’histoire allemande, à avoir le dessus sur les forces progressistes.
La tâche nationale fondamentale est pour cette raison présentement d’arracher le pouvoir aux porteurs de cette politique réactionnaire, pillarde, ennemi du peuple. »
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