L’exclusion de Jacques Doriot par la Conférence nationale du Parti Communiste Français de la fin juin 1934 s’est ainsi déroulé de manière strictement parallèle à l’unité antifasciste communiste – socialiste se mettant en place.
C’est le paradoxe, puisque Jacques Doriot était censé être le représentant d’une telle unité. Mais les communistes n’ont pas été dupes et ont compris le sens liquidateur de son initiative, tout en réussissant véritablement l’unité antifasciste dans les faits. Il a bien été compris que Jacques Doriot s’était transformé en agent du fascisme, en cinquième colonne.
Voici l’article de l’Humanité annonçant la nouvelle de l’exclusion de Jacques Doriot.
« POUR LE FRONT UNIQUE ANTIFASCISTE POUR L’UNITÉ DU PARTI
Doriot est exclu du Parti communiste
La Conférence Nationale a dit avec force : « Le Parti communiste veut obtenir à tout prix l’unité d’action des masses contre la bourgeoisie et le fascisme. Le Parti communiste pratique loyalement et constamment la tactique du front unique ».
La Conférence du Parti a rappelé la condamnation prononcée autrefois contre Treint, passé au trotskysme contre-révolutionnaire, pour qui la tactique du front unique consistait à « plumer la volaille ».
La Conférence Nationale a condamné l’attitude scissionniste et antiunitaire de Doriot. Comme Treint autrefois, Doriot considère le front unique comme une manoeuvre subalterne et non comme un effort réel et sincère pour l’organisation effective de la lutte anti-fasciste de tous les travailleurs. Il souhaite le refus du Parti socialiste aux propositions d’action commune de notre Parti, alors que dans l’intérêt de la classe ouvrière, nous souhaitons la réalisation d’un accord pour la lutte contre le fascisme.
Les phrases hypocrites de Doriot sur l’unité ont pour but de masquer le travail de désagrégation entrepris par lui contre le Parti communiste, champion et organisateur de l’unité ouvrière. Doriot mène son attaque antiunitaire au moment où les travailleurs poussent à l’organisation du front unique, au moment où les ouvriers socialistes se rapprochent de leurs frères communistes, au moment où rayonne d’un éclat toujours plus grand le prestige de l’Internationale Communiste et de l’Union soviétique.
La Conférence Nationale, exprimant la volonté unanime du Parti, a demandé au Comité Central l’exclusion de Doriot.
Le Comité Central déclare :
Par sa lutte ouverte contre le Parti et l’Internationale Communiste, Doriot a couronné une longue période d’hostilité plus ou moins dissimulée, à l’égard du Parti et de ses organismes dirigeants.
Doriot s’est désintéressé de ses propres responsabilités. Doriot a refusé d’accomplir de nombreuses délégations que voulait lui confier le Comité Central (grève de Strasbourg, meeting à Issoudun contre le renégat Chasseigne).Il a refusé d’interpeller à la Chambre sur les affaires Gorgulov et Staviski. Jetant les bases de son groupement fractionnel, Doriot a encouragé et soutenu Barbé qui refusa de se plier à une décision du Comité Central.
Depuis son agression publique contre le Parti, Doriot a cessé d’assister aux séances du Bureau Politique. Rompant avec la plus élémentaire discipline, Doriot a rédigé et publié de nombreux factums hostiles au Parti et à l’Internationale Communiste.
Il a transformé le journal communiste l’Emancipation en une feuille de ragots et de calomnies contre le Parti et ses militants. Il a désorganisé l’activité du rayon de Saint-Denis et des cellules. Il a rendu difficile et même impossible aux ouvriers fidèles à l’Internationale Communiste, la présence dans les assemblées du Parti et l’expression de leur attachement au communisme.Doriot a démissionné de ses fonctions de maire sans y être autorisé, afin de provoquer une campagne électorale dirigée exclusivement contre le Parti communiste, et tenter de dresser les ouvriers de Saint-Denis contre le communisme. Par la violence, il a empêché d’entendre, le 26 avril, au meeting de Saint-Denis le représentant du Comité Central, le camarade Marcel Cachin.
Doriot s’est associé aux renégats du communisme, aux ennemis déclarés de l’Union soviétique, pour entreprendre une campagne de discrédit contre le Parti et l’Internationale communiste (meetings de Rouen et de Troyes).
Malgré l’invitation répétée du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste, et en dépit de ses propres déclarations destinées à tromper les ouvriers de Saint-Denis sur ses véritables intentions scissionnistes, Doriot a refusé de se rendre à Moscou. Par sa réponse hostile à la décision du Comité Exécutif, signée du nom glorieux de Dimitrov, Doriot s’est démasqué comme un ennemi de l’Internationale Communiste.
Enfin Doriot, membre de droit de la Conférence Nationale, avisé par une lettre expresse de la Conférence, « qu’il eût pu et qu’il pouvait encore développer ses opinions à la tribune » n’a pas daigné se présenter, marquant ainsi sa volonté de rupture avec le Parti.Doriot a fait la démonstration qu’il est devenu un élément étranger à la classe ouvrière et au Parti communiste. Il a prouvé qu’il ne lutte pas pour l’unité de la classe ouvrière. Il a vérifié le jugement porté sur son activité par l’Internationale Communiste. Il rejoint le contre-révolutionnaire Trotsky. Il roule à l’abime.
Par son activité, Doriot n’aide pas au front unique contre le fascisme ; il aide le fascisme.
Le Comité Central du Parti, ayant épuisé tous les moyens de sauver Doriot, ratifiant la volonté unanime du Parti qui exige que soient écartés tous les obstacles s’opposant à l’unité d’action, exclut Doriot des rangs du Parti communiste.
Appel de cette décision peut être fait devant le congrès du Parti et devant le congrès de l’Internationale Communiste.Le Comité Central.
Le séquence de février 1934 est ainsi complexe : le Parti Communiste Français est combatif, mais n’a pas l’initiative politique ; il profite toutefois du travail effectué en amont et parvient à éviter le piège terrible tendu par Jacques Doriot. La voie est ouverte au Front populaire.
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La séquence de février 1934 pour le Parti Communiste Français