Reconstruction va batailler fermement pour que sa ligne de l’unité d’action avec la CGT s’impose, et en 1952 la CFTC sera au bord de la rupture entre l’ancienne direction voulant maintenir la logique confessionnelle et la minorité exigeant que la CFTC s’ouvre et parte à l’assaut des grandes masses pour les ravir à la CGT, la CGT-Force ouvrière étant hors du coup.
Il y a même la démission de cadres dirigeants de la CFTC appartenant à la minorité, en octobre 1952 ; le congrès de mai 1953 aboutit cependant à leur réintégration et la mise en place d’un vaste compromis.
Ce compromis va permettre à Reconstruction de systématiser son idéologie de l’unité d’action, et d’accompagner les premiers efforts en ce sens.
Albert Detraz, secrétaire de la Fédération CFTC du Bâtiment et du Bois, tient une « chronique de
l’unité d’action » et ses réflexions sont compilées dans une étude en 1957 largement diffusée, puis rééditée en 1961.
Ainsi, concrètement, tout en refusant les initiatives politiques anti-guerre de la CGT, la CFTC se coordonne avec elle pour les luttes limitées aux revendications sociales.
C’est le cas notamment en 1950 lors d’une loi sur les conventions collectives qui provoqua une vague de grève d’en moyenne trois semaines. La CFTC y gagna en prestige et l’alliance avec la CGT se reproduisit dans la grève des fonctionnaires d’août 1953.
Ce fut un mouvement fort, avec le 7 août 1,5 million de fonctionnaires en grève aux côtés de 400 000 cheminots et de 100 000 agents d’EDF ; d’autres secteurs rejoignirent le mouvement, dont les métallurgistes, portant à 4 millions le nombre de grévistes le 13 août.
Et, dans ce cadre, la CFTC en profita pour négocier avec le gouvernement aux côtés de la CGT-Force ouvrière, mettant la CGT de côté.
Ce scénario se reproduisit à de nombreuses reprises. La CFDT se plaça systématiquement comme combative aux côtés de la CGT et comme prompte à la négociation avec la CGT-Force ouvrière.
En théorie, la CGT aurait dû parer à cette tactique. Elle ne le fit cependant pas, car à partir de 1952, elle a abandonné sa ligne d’avoir des revendications politiques, surtout anti-guerre. Rien qu’en 1950, la CGT avait organisé 1500 arrêts de travail pour désorganiser la production d’armement ou les transports militaires.
A partir de 1953 et la prise du pouvoir en URSS par le révisionnisme, la CGT basculait dans une posture syndicaliste révolutionnaire aux côtés du Parti communiste français électoraliste ; cela laissait d’autant plus d’espace pour les initiatives de la CFTC.
Eut ainsi lieu un intense aller-retour d’articles critiques de la part de la CGT et de la CFTC, la CGT mettant le paquet pour chercher à stopper la CFTC sur le plan des idées en 1956-1957 : « Comment aller de l’avant dans la voie de l’unité », « Sur quelques aspects du problème de l’unité », « Unité syndicale et démocratie syndicale », « La lutte des travailleurs contre l’exploitation et pour le bien-être, base de l’unité de la classe ouvrière internationale », « Soyons précis », « Pour la défense efficace des intérêts ouvriers, pour l’unité de la classe ouvrière » (Lettre ouverte à la CFTC), « Ecartons les vrais obstacles », etc.
Le point culminant fut la campagne de la CGT pour l’unité syndicale en 1957, qui échoua ; à partir de là, il était clair que la CFTC était en mesure de pratiquer « l’unité d’action », tout en évitant toute unité organique.
Le coup d’État gaulliste de 1958 et la capitulation de l’ensemble de la gauche française accentua encore plus la situation, plaçant la CGT dans une situation de dépendance pour apparaître constructive.
Pour cette raison, le 28 mai 1958, alors qu’ils avaient appelé à manifester pour la veille initialement, le PCF et la CGT rejoignirent les manifestations CFTC et CGT-Force ouvrière contre le coup d’État.
La CFTC pratiquait dans les faits un double jeu. Plus l’initiative avait une portée politique, gouvernementale, plus elle se tournait vers la CGT-Force ouvrière ; plus il s’agissait de simples revendications, plus elle se tournait vers la CGT.
Autrement dit, la CFTC avait comme rôle historique à la fois d’épauler la CGT-Force ouvrière pour renforcer le réformisme et les négociations, et de pousser la CGT à édulcorer son contenu de par les nécessités d’un front syndical.
La Guerre d’Algérie continua de renforcer cette situation et le 8 février 1962, lors de la manifestation contre la guerre qui culmina dans la charge de police amenant la mort de huit personnes, les organisations appelantes étaient la CGT, la CFTC et le syndicat étudiant UNEF.
Lors de la grande grève du secteur public en 1964, la CFTC dispose d’un « comité de liaison » œuvrant avec le « Comité d’action » de la CGT.
La même année, la CFTC devint la CFDT, Confédération française démocratique du travail.
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