Maurice Thorez va pousser très loin la ligne d’ouverture au nom de l’unité. Le régime doit être soutenu, afin de renforcer la « démocratie » comme tendance. Il s’agit de défendre la République, protéger le franc comme monnaie permettant de stabiliser les salaires, d’appeler à faire payer les riches, etc.
La révolution est soumise à la démocratie bourgeoise. Maurice Thorez résume cela, en disant dans « Pour la cause du peuple », qui est le rapport au comité central du PCF du 17 octobre 1935, que :
« Nous déclarons très nettement et très franchement qu’en ce moment les masses ouvrières n’ont pas à choisir entre la dictature prolétarienne et la démocratie, mais entre la démocratie bourgeoise et le fascisme. C’est très important (…).
C’est pourquoi nous avons adopté très tranquillement, signé et contre-signé les ordres du jour qui parlaient de la défense de la République, des institutions républicaines ; c’est pourquoi nous acceptons bien volontiers de travailler à créer dans l’armée des comités pour la défense de la Constitution ; c’est pourquoi nous voulons lutter pour chasser de l’appareil d’État les éléments fascistes et les plus réactionnaires. »
Dans l’Humanité du 5 décembre 1935, on lit pareillement dans l’article « Défense de la démocratie » :
« Le mérite des communistes de France, c’est d’avoir compris que, dans le moment présent, le choix pour la classe ouvrière n’était pas entre la dictature du prolétariat et la démocratie bourgeoise, mais entre la démocratie bourgeoise et le fascisme. Et ils ont agi en conséquence. »
Ce qu’il y a ici, c’est une ligne opportuniste de droite. Les ambiguïtés – en fait, la lutte entre deux lignes au sein de l’Internationale Communiste – font qu’avec le VIIe congrès de celle-ci, le PCF peut donc avaliser sa ligne, car elle est tendanciellement la pointe d’une ligne opportuniste déjà présente.
L’Internationale Communiste, à son VIIe congrès, a en effet souligné qu’en cas d’une poussée des masses, il peut exister un gouvernement de front unique prolétarien, de Front populaire antifasciste.
Mais les conditions sont la paralysie de l’appareil d’État, le soulèvement violent des masses, le soutien d’une grande partie de la social-démocratie aux mesures antifascistes. Cela fut le cas après 1945 dans les pays de l’Est européen ; ce n’est pas le cas en France au milieu des années 1930.
Ce Front Populaire était une tactique ; Maurice Thorez en a fait une stratégie, et effectivement une large partie de l’Internationale Communiste ira dans ce sens, l’exception notable étant le Parti Communiste de Chine avec Mao Zedong, qui appliquera correctement le principe de la « révolution ininterompue », qu’il formulera sous le concept de « révolution de nouvelle démocratie ».
Nouveaux fondements de l’identité du PCF
A partir de la ligne opportuniste de droite, Maurice Thorez a développé toute une argumentation chauvine, soulignant les traits historiquement « révolutionnaires » des Français, appelant à la « véritable réconciliation française », posant en fait pratiquement une sorte de « socialisme national » qui s’opposerait au Capital résumé à une oligarchie qui serait organiquement liée à l’Italie fasciste et à l’Allemagne nazie.
Cet argumentaire porte véritablement dans les faits. Entre 1927 et 1931, les effectifs du PCF avaient chuté de 55 000 à 25 000 ; aux élections législatives de 1932, le parti communiste tombait à son plus bas niveau (6,8 %).
Cependant, en 1935, le PCF a 80 000 membres, l’Humanité tire à 250 000 exemplaires et pratiquement 400 000 le dimanche, alors que la Jeunesse Communiste est vite passée de 3500 à 30 000 membres, avec un journal, intitulé l’Avant-Garde, publié à 40 000 exemplaires.
Cette tendance qui donne véritablement naissance au PCF, Maurice Thorez en fait le cœur de l’identité idéologique, le tout étant résumé avec le mot d’ordre « Une seule classe, un seul syndicat, un seul Parti ».
Plus jamais le PCF ne changera de culture, prônant toujours une démocratie plus développée et appelant au rassemblement des forces de gauche en défense de la République face à la réaction.