Le plan d’intégration de l’Algérie sur le plan économique s’accompagnait du Plan Challe, du général Maurice Challe, qui prévoyait l’occupation des massifs montagneux afin de désorganiser le FLN.
Effectivement, 26 000 guérilleros du FLN furent tués, 10 800 prisonniers, mais il était évident que cela ne suffirait pas pour un écrasement définitif du FLN.
Cette impossibilité de triompher militairement et la tâche faramineuse que représentait l’effort économique d’une intégration par en haut, mettant sur un pied d’égalité Français et Algériens en général, fit que de Gaulle abandonna rapidement son projet.
A partir de septembre 1959, il considère « comme nécessaire le recours à l’autodétermination » et ce retournement provoqua une onde de choc d’une profondeur immense. Il était alors clair que le maintien de l’Algérie dans la structure politique française était intenable, à moins de réaliser cela de manière démocratique. Ce n’était pas l’option de De Gaulle, qui ne concevait que deux options : la sortie de l’Algérie ou bien l’intégration par en haut.
Devant les difficultés de mise en oeuvre de la seconde option, la première apparaissait comme inévitable, afin justement d’empêcher l’émergence d’une question démocratique et d’une remise en cause du régime.
Le général Jacques Massu affirma alors immédiatement en réponse, en janvier 1960, dans une interview au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung :
« De Gaulle était le seul homme à notre disposition. Peut-être l’armée a-t-elle fait une erreur.»
Pour cette raison, il fut ramené en métropole, ce qui provoqua en réponse la semaine des barricades à Alger du 24 janvier au 1er février 1960.
Les masses françaises en Algérie étaient passées sous l’hégémonie des ultras nationalistes, alors que parallèlement De Gaulle essayait de provoquer une sortie où les intérêts impérialistes français se maintiendraient au moins relativement.
Il y eut de ce fait ici une importante intervention du social-impérialisme soviétique. Le 16 septembre, le FLN rejeta l’appartenance à l’OTAN, ce qui amena l’URSS à reconnaître son gouvernement provisoire le 7 octobre. Dès le lendemain, de Gaulle expliqua alors que « l’Algérie française est une illusion ».
De Gaulle organisait la sortie de l’Algérie, en plaçant la France dans une option d’ouverture relative à l’URSS et en décalage par rapport à l’OTAN, ce qui revenait à passer la population française par pertes et profits, puisqu’aucune option démocratique n’était alors plus viable.
Il s’ensuivit, le 11 décembre, de grandes manifestations arabes ont lieu dans les principales villes lorsque le 19 décembre l’ONU reconnut le droit de l’Algérie à l’auto-détermination.
A partir de mars 1960, les négociations furent annoncées et un référendum annoncé en France. Celui-ci se tient le 7 janvier 1961, avec la question suivante :
« Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le président de la République et concernant l’autodétermination des populations algériennes et l’organisation des pouvoirs publics en Algérie avant l’autodétermination ? »
Le oui l’emporta avec 74,99% des voix, avec 76% comme taux de participation. ; le oui obtint également 70 % en Algérie, avec une participation de 59%.
Cette situation était bien sûr inacceptable pour les ultras, qui étaient cependant isolés désormais, de Gaulle ayant instauré un exécutif très puissant, mettant de côté les militaires et les cadres en désaccord.
Quatre généraux – Maurice Challe, Edmond Jouhaud, Raoul Salan, André Zeller – tentèrent alors un coup d’État, le 21 avril 1961.
C’est une fuite en avant sans aucune base : seulement mille soldats, soit 0,3 % des soldats présents en Algérie, participèrent à l’opération, alors que l’État était au courant et fit arrêter directement le général Jacques Faure devant agir en métropole.
Ce fut, de fait, un moyen très efficace pour de Gaulle d’apparaître de nouveau comme le sauveur de la nation, ce qu’il fit au lendemain de la tentative de coup d’État en Algérie, prenant de nouveau les pleins pouvoirs, alors que douze vieux chars Sherman de la Seconde Guerre mondiale désarmés prennent position devant l’assemblée nationale.
Voici les propos de de Gaulle, alors qu’il s’exprima à la télévision :
« Un pouvoir insurrectionnel s’est établi en Algérie par un pronunciamento militaire. Les coupables de l’usurpation ont exploité la passion des cadres de certaines unités spéciales, l’adhésion enflammée d’une partie de la population de souche européenne égarée de craintes et de mythes, l’impuissance des responsables submergés par la conjuration militaire. Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite ; il a une réalité : un groupe d’officiers partisans, ambitieux et fanatiques.
Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire limité et expéditif, mais ils ne voient et ne connaissent la nation et le monde que déformés au travers de leur frénésie.
Leur entreprise ne peut conduire qu’à un désastre national ; car l’immense effort de redressement de la France, entamé depuis le fond de l’abîme, le 18 juin 1940 ; mené ensuite en dépit de tout, jusqu’à ce que la victoire fût remportée, l’Indépendance assurée, la République restaurée ; repris depuis trois ans, afin de refaire l’État, de maintenir l’unité nationale, de reconstituer notre puissance, de rétablir notre rang au dehors, de poursuivre notre œuvre outre-mer à travers une nécessaire décolonisation, tout cela risque d’être rendu vain, à la veille même de la réussite, par l’odieuse et stupide aventure d’Algérie.
Voici que l’État est bafoué, la nation bravée, notre puissance dégradée, notre prestige international abaissé, notre rôle et notre place en Afrique compromis.
Et par qui ?
Hélas ! Hélas ! Hélas !
Par des hommes dont c’était le devoir, l’honneur, la raison d’être de servir et d’obéir.
Au nom de la France, j’ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés partout pour barrer la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire.
J’interdis à tout Français, et d’abord à tout soldat, d’exécuter aucun de leurs ordres. L’argument suivant lequel il pourrait être localement nécessaire d’accepter leur commandement, sous prétexte d’obligations opérationnelles ou administratives, ne saurait tromper personne.
Les chefs, civils et militaires, qui ont le droit d’assumer les responsabilités sont ceux qui ont été nommés régulièrement pour cela et que, précisément, les insurgés empêchent de le faire.
L’avenir des usurpateurs ne doit être que celui que leur destine la rigueur des lois.
Devant le malheur qui plane sur la Patrie et devant la menace qui pèse sur la République, ayant pris l’avis officiel du Conseil constitutionnel, du Premier ministre, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, j’ai décidé de mettre en œuvre l’article 16 de notre Constitution.
À partir d’aujourd’hui, je prendrai, au besoin directement, les mesures qui me paraîtront exigées par les circonstances.
Par là même, je m’affirme en la légitimité française et républicaine qui m’a été conférée par la nation, que je maintiendrai quoi qu’il arrive, jusqu’au terme de mon mandat ou jusqu’à ce que viennent à me manquer soit les forces, soit la vie, et que je prendrai les moyens de faire en sorte qu’elle demeure après moi.
Françaises, Français ! Voyez où risque d’aller la France par rapport à ce qu’elle était en train de redevenir.
Françaises, Français ! Aidez-moi ! »
C’était une véritable mise en scène, asseyant le régime, renforçant l’unité nationale au moyen des ultras, après une intense division dans le pays sur la question coloniale et celle de la torture.