L’Algérie française, le discours de Constantine et l’intégration de l’Algérie

La réponse du FLN au coup d’État de 1958 fut simple : dès le mois d’août, il effectua des attentats en France. Cela précipitait les choses pour de Gaulle, dont la stratégie était simple : il entendait que l’Algérie serve au projet impérialiste français et pas qu’elle soit un fardeau économique et culturel.

Si de Gaulle a prononcé une formule célèbre à Alger le 4 juin 1958 (« Je vous ai compris »), reprenant textuellement le même discours le lendemain à Constantine, on peut noter qu’après le discours de Mostaganem le 6 juin, il ne prononcera plus l’expression « Algérie française ».

Il fallait selon lui forcer les choses dans un sens ou dans un autre. Pour cette raison, il mit en place un Plan de développement économique et social en Algérie, annoncé dans un discours devant la préfecture de Constantine dès le 3 octobre 1958.

C’était un ambitieux programme de début d’intégration de l’Algérie à la France, par l’affaiblissement du caractère semi-féodal du pays, au moyen du renforcement des monopoles.

En quelques années, 250 000 hectares devaient être redistribuées dans une réforme agraire, l’irrigation développée, 400 000 emplois industriels créés, tous les enfants scolarisés à partir de 1966, 10 % de la fonction publique occupée par des Français musulmans d’Algérie, les salaires et les revenus alignés sur la métropole.

Les hydrocarbures du Sahara devaient être valorisées, les investissements subventionnés à hauteur de 10 %, une zone industrielle de 1100 hectares fondée à l’est d’Alger à Rouiba-Reghaïa, une fabrique d’aluminium construite à Oran, des usines chimiques mises en place à Oran, une usine sidérurgique construite à Bône…

Voici le discours de Constantine, où on voit à quel point de Gaulle exprime une ambition gigantesque, celui de l’intégration complète de l’Algérie :

« Algériennes, Algériens, Je suis venu ici pour vous l’annoncer : C’est la transformation profonde de ce pays si courageux, si vivant, mais aussi si difficile et souffrant qu’il faut réaliser. 

Cela veut dire qu’il est nécessaire que les conditions de vie de chacune et de chacun s’améliorent de jour en jour. Cela veut dire que le travail des habitants, les ressources du sol, la valeur des élites, doivent être mis au jour et développés. Cela veut dire que les enfants doivent être instruits. 

Cela veut dire que l’Algérie toute entière doit avoir sa part de ce que la civilisation moderne peut et doit apporter aux hommes en fait de bien-être et de dignité. Mais, les plus grands projets ne valent qu’en fonction des mesures pratiques qui sont prises pour les réaliser. Voici les mesures que mon gouvernement va incessamment prescrire pour les cinq années qui viennent, en vertu des pleins pouvoirs qui viennent par la Constitution nouvelle de m’être tout justement conférés. 

Cette évolution profonde, à quoi peut-elle conduire quant au statut politique de l’Algérie ? 

Je crois tout à fait inutile de figer d’avance dans des mots, ce que de toute manière l’entreprise va peu à peu dessiner.

Mais en tout cas, deux choses sont dès à présent certaines. La première concerne le présent.

Dans deux mois, l’Algérie élira ses représentants dans les mêmes conditions que le fera la métropole. Mais, il faudra qu’au moins les deux tiers de ses représentants soient des citoyens musulmans. 

Autre chose se rapporte à l’avenir. L’avenir de l’Algérie, de toute façon, parce que c’est la nature des choses, sera bâti sur une double base, sa personnalité et sa solidarité étroite avec la métropole française. 

Alors, me tournant vers ceux qui prolongent une lutte fratricide, qui organisent en métropole de lamentables attentats, qui répandent à travers les chancelleries, les officines, les radios, les feuilles publiques de certaines capitales étrangères, les invectives qu’ils adressent à la France. Je leur dis à ceux-là : pourquoi tuer ?

Il faut faire vivre. Pourquoi détruire ? Le devoir est de construire. 

Pourquoi haïr ? Il s’agit de coopérer. Cessez ces combats absurdes, et aussitôt, on verra l’espérance refleurir partout, sur les terres de l’Algérie. On verra se vider les prisons, on verra s’ouvrir un avenir assez grand pour tout le monde, en particulier pour vous-mêmes. 

Et puis, m’adressant, m’adressant à tels Etats qui jettent ici de l’huile sur le feu, tandis que leur peuple douloureux halètent sous les dictatures, je leur déclare : Ce que la France est en mesure d’accomplir ici, ce que la France seulement est en mesure de réaliser, pouvez-vous le faire vous autres ? Non.

Alors ? Alors, laissez faire la France, à moins que vos calculs ne vous forcent à envenimer les déchirements pour donner le change sur vos propres embarras. Mais les haineuses excitations, dans l’état où est le monde, à quoi peuvent-elles conduire sinon au cataclysme universel. 

Devant la race des hommes aujourd’hui, il n’y a que deux routes : la guerre ou la fraternité. En Algérie comme partout, la France, pour sa part, a choisi la Fraternité. Vive la République, vive l’Algérie et la France ! »

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