Le XVIIe siècle est le « grand siècle » de l’histoire de France ; il est le moment-clef où la nation se forme après qu’ait été établi ses fondements au XVIe siècle, avec François Ier. Ce dernier a en effet constitué une entité étatique solide, fixant les frontières de manière strictement organisée et posant une langue comme dénominateur national.
La vie économique se développe de manière générale en s’appuyant sur la capitale maintenant une centralisation de l’ensemble de la culture, aboutissant à formation psychique française se développant par la culture.
Le XVIIe siècle est le produit direct du XVIe siècle, dont il développe toute la base. C’est ce que constatent les moralistes, ces figures littéraires proches de la cour et constatant, d’un œil à la fois critique et servile, enthousiaste et inquiet, le développement de la France.
Jean de La Fontaine (1621-1695) n’a, vu cet arrière-plan, pas une démarche différente de Jean de La Bruyère et de François de La Rochefoucauld, le premier avec ses Caractères, le second avec ses Maximes.
On a un portrait des mœurs, des attitudes, des comportements ; on a une philosophie qui est celle prédominant au XVIIe siècle : le néo-stoïcisme, forme laïque d’une sorte de catholicisme au service de la monarchie absolue.
On a la même constatation que le mode de production capitaliste se développe, corrompant les traditions et amenant l’émergence des marchands et des commerçants, d’une bourgeoisie.
On a, allant de pair avec cela, la compréhension d’une différenciation toujours plus accentuée entre les villes et les campagnes : ici, bien sûr, on a immédiatement à l’esprit la fable de Jean de La Fontaine sur le rat de ville et le rat des champs, fable provenant initialement de l’Antiquité, de Horace.
Car, de la même manière que Molière comptait plaire et instruire, que Jean de La Bruyère et François de La Rochefoucauld construisaient des courtes phrases ou des petites histoires avisant de ce qui est juste ou pas par un ton plaisant et en même temps donnant des leçons, Jean de La Fontaine a écrit des Fables qui ont comme but de distraire et d’enseigner.
Cet aspect essentiel a été particulièrement malmené par des décennies d’enseignement de ses fables aux jeunes enfants, galvaudant ainsi à la fois la dimension portraitiste et la profondeur philosophique.
A la base même, il a posé problème, par ailleurs, car l’approche n’a pas été considérée au XVIIe siècle comme étant à la hauteur des exigences culturelles de l’époque.
Le ton est trop enjoué, la morale trop cocasse, la réflexion trop emportée, les personnages trop naïfs, la démarche pas assez régulière, la philosophie trop attendrie, le portrait trop éparpillé et également, finalement, déformé notamment par l’utilisation d’animaux personnifiés.
Il est vrai que Jean de La Fontaine semble suivre ses impressions ; ses Fables sont traversées de remarques ici et là, sans ligne de conduite stricte. En cela, Jean de La Fontaine se rapproche des Essais de Montaigne, il relève encore du XVIe siècle et a toujours assumé, comme nous le verrons, un certain « style » passé.
Mais en même temps, les Fables porte une réflexion matérialiste qui dépasse largement son ambition initiale, avec la reconnaissance de la dignité du réel en ce qui concerne les animaux.
C’est sans doute cette mise en perspective effectuée par Jean de La Fontaine qui a d’un côté fait qu’il s’est vu reconnu peu de valeur lors du grand siècle, de l’autre fait qu’il a été considéré comme si plaisant.
Concernant son contexte historique, une anecdote veut ainsi que Molière prit la défense de Jean de La Fontaine à Auteuil face à Jean Racine (qui était le cousin de La Fontaine) et Pierre Corneille se moquant de lui, en affirmant :
« Ne nous moquons pas du bonhomme, il vivra peut-être plus que nous tous. »
« Nos beaux esprits ont beau se trémousser, ils n’effaceront pas le bonhomme. »
D’ailleurs, ces faiblesses ont permis à Jean de La Fontaine d’apporter des véritables éléments d’économie politique, façonnant le portrait d’une certaine transformation de la France.