Le plan quinquennal avait un objectif très clair : industrialiser l’URSS, qui était isolée du reste du monde, contrôlé par les capitalistes. Le pays devait de lui-même réaliser des centaines d’usines de constructions mécaniques, de machines-outils, d’automobiles, de produits chimiques, de moteurs, d’outillages pour centrales électriques, d’artillerie, de tanks, etc. etc.
Il y parvint. Au début des années 1930, l’industrie formait la majorité de l’économie. Elle avait rattrapé le niveau d’avant-guerre en 1926-1927 et représentait en 1933 201 % du niveau de 1929, alors qu’en même temps, en raison de la crise générale du capitalisme, l’industrie des États-Unis passait à 65 % par rapport à 1929, celle d’Angleterre à 86 %, celle de France à 77 % et celle d’Allemagne à 66 %.
Cela ne veut pas dire que l’URSS avait alors rattrapé ces pays. Tant sur le plan électrique que métallurgique, le retard était encore très grand. La production de fonte visait, en 1929-1930, 5,5 millions de tonnes, la France en produisant alors presque le double et l’Allemagne un peu moins du triple.
C’est pourquoi, pour assurer la stabilité de la croissance, il avait fallu liquider les koulaks, les paysans riches dont la production ne permettait pas d’avancer, de par son caractère arriéré. Comme le constatait Staline alors :
« Ceux qui disent que le koulak «n’est pas plus terrible» que le capitaliste de la ville,qu’il n’est pas plus dangereux que le nepman, que nous n’avons aujourd’hui rien à «redouter», de la part des koulaks,—ceux-là se livrent à un vain bavardage libéral, destiné à endormir la vigilance de la classe ouvrière et des masses fondamentales de la paysannerie.
Il ne faut pas oublier que si, dans l’industrie, nous pouvons opposer au petit capitaliste de la ville la grande industrie socialiste, qui fournit les neuf dixièmes de la masse des marchandises industrielles, nous ne pouvons, dans les campagnes, opposer à la grosse production des koulaks que les collectivités agricoles et fermes d’État,insuffisantes encore et produisant huit fois moins de céréales que les exploitations koulaks.
Ceux qui ne se rendent pas compte de ce que sont les grandes exploitations agricoles koulaks, ceux qui ne comprennent pas que le rôle de ces exploitations est cent fois plus considérable que celui des capitalistes dans l’industrie urbaine, sont des fous qui cherchent à rompre avec le léninisme, à passer au camp des ennemis de la classe ouvrière.
Donc, comment sortir de la situation?
Il faut avant tout abandonner le système des petites exploitations paysannes, éparpillées et retardataires, et former de grandes exploitations collectives unifiées,munies de machines, armées des progrès de la science et aptes à produire pour le marché le maximum de céréales. » (Sur le front des céréales, 1928)
L’industrialisation, c’est donc aussi les tracteurs destinés aux grandes entreprises agraires… qui restent à fonder avant la liquidation des koulaks.
Un kolkhoze, c’est une coopérative agricole où tout est mis en commun, depuis les terres jusqu’aux outils, ainsi que les animaux employés, même si chaque membre a droit à un lopin de terre.
Le salaire du kolkozien dépend de sa part de travail par rapport à l’ensemble produit, revendu à l’État. Dans le sovkhoze, au contraire, les membres sont des salariés, l’entreprise étant directement une composante de l’État.
Moderniser les moyens de production, c’est donc permettre aux kolkhozes et aux sovkhozes de produire plus et de se passer des koulaks.
Ces dernier produisaient, en 1927, plus de 600 millions de pouds de blé (1 poud = environ 16 kg) dont environ 130 millions de pouds de blé marchand, alors que les sovkhozes et les kolkhozes ne produisaient que 35 millions de pouds de blé marchand. Ce dernier chiffre passa à 130 millions dès 1929, puis 400 millions en 1930.
En 1930, environ la moitié des exploitations paysannes avaient été collectivisées, contre pratiquement rien en 1928 ; la grande majorité de la production de céréales était désormais réalisée par les kolkhozes.
Les koulaks, parallèlement, n’avaient plus le droit de s’approprier la terre et d’employer de la main d’oeuvre ; leurs propriétés furent saisis par le reste de la paysannerie organisée en kolkhozes.
C’était la fin de la propriété individuelle s’appuyant sur un capital pour exploiter, engendrant par conséquent le capitalisme et menaçant le régime socialiste de restauration capitaliste.
En 1931, dans les principales régions agricoles, les 200.000 kolkhozes regroupaient 80 % des exploitations, et 50 % dans les régions secondaires. Les sovkhozes n’étaient, quant à deux, pour l’instant que 4000. Cependant, les paysans individuels ne travaillaient déjà plus qu’un tiers de la superficie cultivable.
En 1937, les kolkhozes représenteront 93 % de l’agriculture, avec également 99 % des céréales, produisant un quart de plus que toute l’agriculture de 1913. De fait, les terres agricoles elles-mêmes étaient passées de 105 millions d’hectares en 1913 à 135 millions en 1937. 18,8 millions de foyers paysans faisaient partie des kolkhozes.
Le précis d’histoire du PCUS (b) de 1938 donne les chiffres suivants : la production des céréales augmenta de 4 milliards 800 millions de pouds en 1913 à 6 milliards 800 millions en 1937 ; la production de coton brut, de 44 millions de pouds à 154 millions ; la production de lin (fibre), de 19 millions de pouds à 31 millions ; la production de betterave, de 654 millions de pouds à 1 milliard 311 millions ; la production des plantes oléagineuses, de 129 millions de pouds à 306 millions.
En 1933, 17.000 cadres furent envoyés dans les campagnes, pour organiser des sections politiques dans les SMT, les stations de machines et tracteurs, qui étaient au nombre de 2860. Dès 1931, il y avait déjà 281.000 tracteurs et 32.000 moissonneuses-batteuses.
Le second plan quinquennal mis en œuvre fit en sorte que l’on passa de d’une puissance du parc de tracteurs de 2,25 millions de CV en 1932 à plus de 8 millions de CV en 1937.
L’industrialisation se développait de la même manière. Le nombre d’ouvriers et d’employés passa de 14,5 millions en 1930 à 21,8 millions en 1933.
De la même manière, le nombre de personnes sachant lire et écrire passa de 67 % en 1930 et 90 % en 1933.
Le nombre d’élèves dans les écoles passa de 14,3 millions en 1929 à 26,4 millions en 1933 ; le nombre d’enfants en maternelle passa de 838.000 en 1929 à 5,9 millions en 1933.
Le nombre d’établissements supérieurs, généraux et spéciaux passa de 91 en 1914 à 600 en 1933, alors que le nombre d’institutions de recherche scientifique passa de 400 en 1929 à 840 en 1933.
Le commerce coopératif et d’État, avec également les restaurants, vit son chiffre d’affaires passer de 18 milliards 900 millions de roubles en 1930 à 49 milliards en 1933.
Entre 1933 et 1937, les fonds destinés aux salaires passa de 37 à 81 milliards de roubles, et ceux pour les assurances sociales de 4 à 5,6 milliards, alors qu’en 1937 10 milliards furent dépensés pour l’amélioration des conditions d’existence pour les œuvres culturelles, les sanatoriums, les stations de cure, les maisons de repos et l’assistance médicale.
De la même manière, les fonds pour les maternités, les crèches, les jardins d’enfants… passèrent de 875 millions de roubles en 1935 à presque 2,2 milliards.
L’URSS commençait à devenir un pays de culture avancée, où la vie quotidienne était avancée sur le plan de la civilisation.