L’Édit de Nantes est promulgué le 13 avril 1598. Il a fallu deux années de négociation pour arriver un texte acceptable ou tout au moins relativement gérable par le pouvoir royal, aux dépens des factions catholique et protestante.
Trente années de troubles provoqués par d’incessantes guerres de religion et d’influences extérieures imposaient au pouvoir royal, pour se maintenir, de stabiliser à tout prix la situation, au moins pour un temps. La dimension nationale l’emporterait : en pratique, c’est sur la bourgeoisie que mise la monarchie absolue.
L’Édit de Nantes est donc censé être « perpétuel et irrévocable » : en pratique il est évidemment un simple moment de stabilisation des rapports de force.
Il consiste en 95 articles publics, 56 articles secrets, ainsi que deux brevets. L’Édit de Nantes ne reconnaît en pratique que le catholicisme comme religion officielle, le protestantisme est désigné par l’expression catholique de « religion prétendument réformée ».
Les protestants sont ainsi seulement tolérés et ils doivent payer la dîme. Afin de les pousser à accepter l’Édit, des acquis sociaux leur sont fournis, comme l’accession théorique à tous les emplois, des postes d’officiers dans certains parlements lorsqu’il est traité des protestants.
On a là un aboutissement d’un processus ayant consisté en la multiplication d’Édits. On a un mouvement de balancier : à l’acceptation suit un recul puis une interdiction, le tout recommençant. Encore s’agit-il des décisions officielles, plus ou moins inappliquées.
Le premier Édit, celui de Saint-Germain en janvier 1562, permettait la liberté de conscience et la liberté de culte en dehors des villes closes. En avril 1562 le tout est suspendu, puis rétabli à ceci près que l’Édit d’Amboise en mars 1563 limitera ensuite énormément la liberté de culte.
En mars 1568 la paix de Longjumeau ramène une marge de manœuvre pour les protestants, mais l’Édit de Saint-Mauren septembre 1568 rétablit la répression. En août 1570 la paix de Saint-Germain est favorable au protestantisme, mais on va alors vers la Saint-Barthélemy en 1572.
À ce moment-là, la question militaire s’associe à celle de la liberté de culte. Les protestants obtinrent à partir de là des « places de sûreté », par exemple avec l’Édit de Boulogne en 1573. Elles furent toujours au nombre de quatre : La Rochelle et Montauban, ainsi que Cognac et La Charité, puis Nîmes et Sancerre.
Par la suite, la « paix de Monsieur » en mai 1576, avec l’Édit de Beaulieu, leur nombre passa à huit.
La situation était celle d’une formidable avancée pour les protestants : la liberté de culte était générale sauf à Paris et dans les résidences royales, liberté de conscience, réhabilitation et indemnisation des victimes de la Saint-Barthélemy, accession possible à tous les emplois y compris militaires, chambres à parties égales pour garantir l’équité dans la justice, grâces et faveurs pour les chefs protestants. Dès octobre 1577 toutefois, l’Édit de Poitiers restreint la liberté de culte prévue.
Le traité de Nérac en février 1579 maintient le statu quo, mais le nombre de places de sûreté passe à 16, pour six mois. La Paix de Fleix, en novembre 1580, prolonge ce traité de six ans.
Avec l’Édit de Nantes, les protestants voient leur culte autorisé de manière relative : seulement là où il était pratiqué à la fin d’août 1597, ainsi que dans deux villes par bailliage et chez les seigneurs hauts justiciers.
Afin de gagner la direction protestante, les synodes provinciaux et nationaux sont reconnus, et les accords secrets accordent des garanties militaires. 150 lieux de refuges sont reconnus, dont 51 places de sûreté, avec des garnisons et des gouverneurs protestants payés par le roi.
Ces accords secrets sont d’ailleurs accordés par le roi lui-même et ainsi non pas soumis à l’enregistrement des cours souveraines.
Militairement, la sécurité des protestants semblait enfin relativement assurée. Cependant, l’approche est d’une certaine manière une erreur grossière. Ce qui semble un avantage est en effet ici problématique, car cela signifie qu’on est là dans une logique pragmatique, qui contourne l’opinion publique.
La bataille pour celle-ci est à la base même oubliée. Les protestants se posent comme force à la marge, négociant des avantages spécifiques, avec à l’esprit seulement les questions pratiques à court terme : politiquement c’est un désavantage.
D’ailleurs, Henri IV va mettre deux années pour que chaque parlement existant en France finisse par reconnaître l’Édit. Les assemblées du clergé ne cesseront, année après année, d’appeler à supprimer «l’hérésie ». Quant à la monarchie absolue, elle prend les choses comme elles sont, et si le catholicisme est majoritaire et que le pape lâche du lest, alors le choix est rapidement fait.