Parti Communiste d’Espagne: Le Parti sur le pied de la guerre (1939)

Résolution du 23 Février 1939

Le Parti Communiste déclare que ce serait une erreur gravissime que de chercher à cacher l’extrême gravité de la situation. La perte de la Catalogne, de l’Armée et du matériel de guerre qui s’y trouvait, constitue un coup très dur porté à la République, qui change   profondément,   en  les  aggravant,  les   conditions  de  notre lutte pour l’indépendance et la liberté de l’Espagne. 

Mais   la   situation   passerait   de   grave   à   catastrophique   si   les dirigeants des organisations et des partis, si le gouvernement, si les chefs  de l’Armée perdaient leur sérénité et leur confiance en la capacité   combative   et   en   l’esprit   de   sacrifice   des   soldats   et  du peuple, et s’ils s’orientaient non pas vers la résistance, mais vers l’abandon de la lutte, vers la capitulation. (…) 

Le triomphe du fascisme dans notre patrie ne signifierait pas une étape brève et transitoire de gouvernement réactionnaire, comme ce fut le cas avec la dictature de Primo de Rivera, ou avec les deux années noires (1934-­1936, années noires de domination des ultra-réactionnaires). Le   triomphe du fascisme sur la République n’aurait rien d’une défaite partielle et passagère. 

Ce serait la fin de tout ce que les ouvriers ont conquis pendant des dizaines d’années de travail et de durs combat, ce serait la fin de toute  liberté,  l’écrasement  de  la  dignité  humaine,  l’esclavage le plus douloureux.

Les paysans et ouvriers agricoles, qui ont reçu de la République la terre pour laquelle ont  lutté des générations de parias de la campagne, en seraient dépouillés, et tomberaient de nouveau sous le joug du propriétaire terrien et du cacique. (…) 

La  résistance  est  possible et sera un fait  qui  nous permettra de sauver la vie et la liberté de milliers et de milliers de nos frères. Les batailles et le retrait de la Catalogne ont fait apparaître toute une série d’erreurs, de fautes, etc. qui ont contribué à affaiblir la résistance de l’Armée et du peuple. Il est nécessaire de corriger rapidement ces faiblesses sous la direction de Gouvernement. L’expérience est suffisamment sanglante  pour que  les sacrifices nécessaires s’imposent à tous. (…) 

Si nous prenons en compte la tragique expérience de la Catalogne et   si   nous   nous   consacrons   tous,   de   façon   disciplinée   et   sans méfiances   partidaires,   à   corriger   rapidement   les   faiblesses   des organismes essentiels de l’Armée et de l’appareil civil d’Etat, alorsnotre résistance s’affirmera à un niveau plus élevé que tout ce qui a été   possible   jusque-­là,   et   sur   cette   résistance   pourront   voler   en éclats les desseins ennemis. (…) 

La   situation   internationale   n’a   jamais   été   aussi   instable qu’aujourd’hui. Et résister est non seulement nécessaire, mais aussi possible. Et nous soutenons que notre résistance, comme cela fut le cas en d’autres moments, où beaucoup croyaient déjà tout perdu (novembre 1936, mars-­avril 1938), peut une fois encore changer la situation et permettre la maturation de faits nouveaux tant en Espagne qu’à l’échelle internationale, et nous ouvrir la perspective de la victoire. (…) 

Le Parti Communiste réitère qu’il est en accord complet et sans réserves avec les Trois Points énoncés par le Président du Conseil, au nom du Gouvernement d’Union Nationale au cours de la session de Corte de Figuras : « indépendance de notre pays, libre disposition du peuple et refus de toutes représailles une fois liquidée la guerre ». (…) 

Sur le plan militaire, nous jugeons nécessaire et urgent que soit étudiée à fond l’expérience de ces derniers mois de combat. Ce qu’elle nous enseigne, encore une fois, c’est que notre armée est bonne, capable d’héroïsme, mais qu’il existe encore en elle de nombreuses  faiblesses qui peuvent être corrigées à  l’aide d’un rapide et intense travail de formation des commandants. 

Le Parti Communiste,   interprétant la  volonté  de  tout   le   peuple, s’adresse de manière particulièrement cordiale aux chefs de toutes les armes. 

Il est dans la tradition de l’armée espagnole d’affronter avec héroïsme, abnégation et esprit de sacrifice les situations les plus graves. Les chefs de l’Armée Républicaine, que le peuple entoure se son
admiration et de son affection, ne renieront pas cette tradition. Il est faux d’affirmer que par manque d’armes on ne saurait continuer le combat. Nous avons assez d’armes pour résister et défaire chaque attaque ennemie. 

Ce qu’il faut, c’est faire  fonctionner  l’industrie   de   guerre   à   un rythme plus intense, en brisant les résistances bureaucratiques qui s’y opposent. Nos ouvriers, et les femmes qui occupent les postes des mobilisés, savent très bien pourquoi ils travaillent, et ils veulent travailler à un rythme de guerre. 

Que l’appareil de direction de la production soit à la hauteur de la volonté et de l’héroïsme du peuple, et alors les moyens de lutter ne nous manqueront pas. La ligne de résistance tracée par le Gouvernement  exige   des sacrifices de la part de la population civile. 

Nous demandons qu’ils soient égaux pour tous, ce qui les rendra plus facile à supporter. 

Nous exigeons que l’organisme des approvisionnements soit débarrassé de toute ingérence bureaucratique ; que l’on donne aux paysans toute liberté de travailler la terre qui est la leur, et à leur guise,   que soit intensifiée la production agricole avec l’apport, dignement rémunéré, des femmes aux travaux des champs. 

Nous exigeons qu’on rende plus effective la lutte contre la « cinquième colonne », qu’on accroisse la vigilance de tous, au front comme à l’arrière, en écrasant sans pitié toute tentative factieuse. (…) 

L’existence et l’effectivité d’un « état de guerre » n’exclut pas, mais au contraire demande que nous développions un grand travail d’explication, d’agitation et de propagande politique. Voilà la tâche du Front Populaire, des partis antifascistes et des syndicats.  Et   les   autorités   civiles   et   militaires   doivent   aider   à l’accomplissement de cette tâche. (…) 

Le Parti Communiste adresse à tous les partis et organisations du Front Populaire, aux dirigeants et aux masses un appel pressant àl’unité et à la fraternité antifasciste. 

Le Front Populaire ne doit pas seulement continuer à exister et à fonctionner, mais il doit aussi être l’axe de la résistance de tout le peuple, en centuplant son activité. Les communistes n’abandonneront jamais la ligne d’unité étroite avec tous les partis, tous les dirigeants, avec tous les organismes syndicaux, politiques et militaires.  

Cela ne veut pas dire que nous renoncions à dénoncer et combattre les hésitations, les déserteurs les couards et autres agents   de l’ennemi. Cela veut dire que nous communistes, faisons la différence seulement entre ceux qui travaillent à l’unité du peuple et ceux qui sabotent cette unité. (…) 

Cette lutte contre les ennemis qui nous menacent de l’intérieur doit être menée à bien par le Front Populaire et ses organisations : c’est à cette tâche que nous les appelons. (…) 

L’unité de la classe ouvrière sera la garantie de l’unité de tout le peuple. 

LE PARTI SUR LE PIED DE GUERRE 

Le Bureau Politique s’adresse de façon particulièrement pressante et sérieuse à tout le Parti ; aux organisations locales, aux dirigeants et aux militants, en rappelant à tous la responsabilité qui incombe à notre Parti et à ses adhérents. En tous lieux où se manifeste une faiblesse, une erreur, une faute, les   communistes doivent   s’empresser avec leur effort et leur sacrifice de rétablir la situation. 

Et ceci vaut également au font et à l’arrière. Nous ne pouvons nous défausser de notre responsabilité en ne faisant que critiquer les autres. Nous devons critiquer quand c’est nécessaire et nous aider tous, réciproquement,  à bien faire notre travail, en appliquant les directives du gouvernement. 

Le Parti doit se considérer comme mobilisé en permanence. Dans chaque endroit, dans chaque village ou localité, les Comités du Parti doivent assurer l’orientation et le contact de tous les communistes entre  eux, chaque  jour, à chaque heure, à chaque minute. 

Dans tous les locaux du Parti, jour et nuit, des relèves doivent être prise par les camarades les plus qualifiés, toujours  en relation étroite avec les dirigeants de toutes les organisations, de façon à être toujours  prêts à résoudre tous les problèmes qui pourraient surgir. 

En particulier, dans les zones voisines des fronts, les organisations du  Parti, en   liaison avec les autorités militaires, doivent être disposées à prêter toute leur aide et à faire tous les sacrifices pour assurer la résistance. 

L’incorporation dans l’armée des dirigeants du Parti affectés par la mobilisation   doit   se   poursuivre,   ils   doivent   être   remplacés automatiquement   par   les   femmes   et   les   hommes   exemptés   du
service militaire. Dans toutes les provinces et localités, doivent être organisés, en plus des écoles, des cours brefs et simples, de jour ou de nuit, pour orienter les camarades à qui échoient les charges de direction.  

Le Parti sur le pied de guerre, uni à toutes les organisations et à tout le peuple pour assurer l’ordre, la discipline et l’unité, et grâce à eux, la résistance et la victoire !

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