Gauche Prolétarienne: Turin 1969, de la grève de guérilla au soulèvement

[Juillet 1969, supplément au numéro 13 de la Cause du Peuple, qui va avec trois autres documents de l’organisation italeinne Lotta Continua: Lettre des ouvriers de la Fiat à leurs camarades du Sud, Nichelino, Lotta Continua.]

QUE VOULONS-NOUS? TOUT !

Vive la lutte de nos frères italiens.

Pendant des années, à la Fiat, le pouvoir d’Agnelli le patron semblait invincible.

Comme partout en Italie et dans toute l’Europe, à la Fiat on croyait au miracle.

On produisait en paix; de temps en temps avec les syndicats , on s’arrangeait pour lâcher quelques miettes; la guerre, c’était pour les « sous-développés ».

Mais les esclaves qui vivent dans les bagnes du grand capitalisme moderne ont parfaitement entendu et compris l’appel aux armes qui monte du Vietnam, de Chine.

Depuis plusieurs mois, en France depuis mai 1968, ils ont à leur tour lancé le mot d’ordre qui cristallise leurs aspirations: « PATRONS, C’EST LA GUERRE ! « 

Oui, c’est la guerre. Pour les travailleurs français, l’expérience de lutte des ouvriers de la Fiat est des plus importantes.

Tout simplement parce que les problè -mes que nous nous posons ici en France, là-bas aussi on se les pose. Et parfois les solutions qui sont apportées là-bas peuvent nous servir directement ici.

De même que mai 1968 a été capital pour les ouvriers révolutionnaires italiens, le soulèvement de Turin est pour nous une expérience dont nous devons tirer les leçons.

C’est pourquoi nous publions les textes qui suivent.

Il s’agit d’une série de tracts ou de petites brochures qui suivent de très près le déroulement des luttes.

C’est la forme la plus directe qui soit pour réfléchir sur cette expérience et tirer des règles.

QUE VOULONS-NOUS ? TOUT!

Il faut bien voir la différence entre les luttes de la Fiat et les luttes prolétariennes en France depuis mai 68 (Flins, Sochaux,S.N. C. F…), et les luttes « traditionnelles » menées par les syndicats.

Pour les syndicalistes, la lutte, c’est un moyen de pression qui doit conduire à des négociations avec le patron, et quand la pression est très forte comme en mai 68 en France, ou actuellement enIta-lie, on essaie de faire plus: de pousser au gouvernement des ministres communistes.

Les luttes prolétariennes ac-tuelles en France comme en Italie visent un tout autre but. En clair, elles visent le pouvoir, elles visent à détruire le pouvoir des exploiteurs.

Ce que nous voulons, ce n’est pas quelques aménagements de détail qui enjoliveraient l’exploitation, ce que nous voulons, c’est TOUT.

Un autre travail, une autre vie, une autre société débarassée des profiteurs et de leurs collaborateurs en tout genre, à l’intérieur comme à l’extérieur des usines.

Le travail et la vie d’esclaves qui servent à engraisser une petite poignée de crapules bourgeoises, nous les refusons de fond en comble: nous refusons l’actuelle hiérarchie dans les usines, la pyramide de chefs bons à rien, sinon à matraquer les ouvriers; nous refusons les cadences meurtrières, l’ambiance infernale de l’atelier, nous refusons la misère: que ce soit les salaires de famine, les logements infects, les taudis et les bidonvilles.

Et on est misérable même si on n’est pas payé au SMIG ou si on n’est pas chômeur: avec les prix qui montent, les prix de la nourriture, des transports, du logement.

Et il y a tout le reste, ce qu’on appelle le « temps libre », celui qui n’est pas employé directement par le patron.

Ce temps libre, une fois qu’on a retiré le temps de l’usine, le temps des transports, il est bien mince: même celui-là est bouffé par la bourgeoisie; les « loisirs » et la’fculture » sont des industries qui non seulement servent à fabriquer du profit, mais aussi à nous conditionner et à nous abrutir pour nous enlever de la tête toute idée de révolte.

Cette occupation de la vie de l’ouvrier, de toute sa vie par la bourgeoisie qu’il faut détruire. C’est le sens de la révolte actuelle.

Nous voulons tout: de meilleurs salaires, un logement, mais aussi que le pouvoir des chefs, flics du patron soit renversé, mais aussi qu’on ne soit pas transportés, dans les métros et les trains, comme des bêtes, qu’on ne soit pas abrutis par le bourrage de crâne de la télé et des journaux au service de la bourgeoisie; nous voulons le bien-être mais surtout la liberté.

Nous ne sommes pas des chiens. Pour le montrer, et pour conquérir la liberté, il faut le pouvoir. « Tout le pouvoir aux ouvriers », disaient les ouvriers de la Fiat dans leurs manifestations à l’intérieur de l’usine. Que voulons-nous? Tout. Et d’abord, parce que sans lui on n’a rien, le pouvoir.

NOUS SOMMES TOUS DES DELEGUES

Ce que nous voulons, ce n’est pas ce que veulent les syndicalistes, les bureaucrates, les porte-serviettes de la nouvelle bande d’arrivistes, des nouveaux bourgeois qui sont à la direction des syndicats.

Notre guerre contre les patrons, c’est aussi une guerre contre ces syndicalistes.

Nous leur disons:

« Dans le passé, nous avons subi vos trahisons comme nous avons dû subir l’exploitation et l’humiliation. Mais aujourd’hui, ça suffit.

Nous n’hésiterons pas à vous rentrer dedans; si vous attaquez,nous contr’attaquerons.

A Argenteuil, avec les masses du bidonville que vous escroquiez misérablement, nous vous avons donné une sérieuse leçon; nous continuerons le temps qu’il faudra.

Chaque fois que vous vous interposerez entre le patron et nous pour réprimer notre révolte, nous passerons sur votre cadavre ».

Et on aura raison, car c’est la loi du développement de notre révolte.

En France, ces arrivistes n’hésitent pas à s’entendre avec les flics ou les patrons pour vendre les ouvriers révolutionnaires; ils n’hésitent pas, tellement ils ont eu la trouille en mai 68, à employer la violence fasciste contre les révolutionnaires prolétariens, ils suivent en cela les leçons de leurs maîtres: les nouveaux tsars russes.

Ces patrons « rouges » qui, après la révolution de 1917, et après Lénine, ont peu à peu repris le pouvoir.

Eux non plus n’hésitent pas à employer la violence fasciste pour mater le peuple: ils envoient leurs chars à Prague pour réinstaurer l’ordre.

En Italie, ces arrivistes semblent plus doux, plus intelligents, mais au fond, ils sont pareils: lors du soulèvement du 3 juillet à Turin, ils n’ont pas hésité à attaquer les ouvriers révolutionnaires, aies traiter de « voyous », d' »éléments étrangers à la classe ouvrière ».

Ça nous rappelle quelque chose?

Et comment se comportent-ils dans les ateliers ?

Leur objectif, ce n’est pas de renforcer le pouvoir des ouvriers et d’unir leurs forces contre le patron, mais bien de renforcer leur propre pouvoir.

A la Fiat, les ouvriers luttent contre les cadences infernales, en brisant ces cadences, en réduisant la production.

Eux, ils négocient l’institution d’un système de délégués de chaîne qui doivent contrôler les cadences.

Les ouvriers se battent pour une forte augmentation non hiérarchisée des salaires; eux, ils négocient quelques miettes, et de toute façon des augmentations hiérarchisées.

 » CAMARADES: A QUOI SERVENT CES DELEGUES ?

Disons-le clairement une fois pour toutes:

Ils servent à vérifier que les cadences fixées « par la direction sont bien respectées.

-En cas d’abus de la part des chefs et des gardiens, le délégué, au lieu d’organiser un débrayage avec ses camarades, doir courir au bureau des délégués dans lequel il transmet, par la filière bureaucratique, sa protestation à la direction.

Dans ces conditions, les délégués deviennent obligatoirement les sergents du patron.

Leur rôle, c’est d’arrêter les ouvriers quand ils vont commencer la lutte, en leur faisant croire que tout se règle dans le bureau du patron.

Mais ce piège répugnant que nous tendent le patron et les syndicats ne peut marcher que si nous renonçons à la lutte pour nous jeter dans les bras des délégués et des bureaucrates syndicaux.

CAMARADES: NOUS NE DEVONS COMPTER QUE SUR NOS PROPRES FORCES!

Ripostons à l’augmentation des cadences en débrayant ou en réduisant la production; mais cela ne suffit pas, puisque notre meilleure défense, c’est l’attaque.

ORGANISONS-NOUS ATELIER PAR ATELIER POUR REPRENDRE LA LUTTE SUR TOUS LES  » POINTS DE LA CONDITION OUVRIERE!

LE SALAIRE, L’HORAIRE, L’EGALITE AVEC LES EMPLOYES »

(Extrait de la première brochure sur « Turin 1969, la grève de guérilla)

En France, c’est pareil.

Quand les ouvriers de la Redoute à Tourcoing brisent les cadences infernales, les syndicalistes les découragent en négociant des augmentations de salaires.

Dans le secteur nationalisé comme dans le secteur privé, la lutte pour maintenir la hiérarchie des salaires avec quelques aménagements de détail est un véritable principe pour les syndicalistes révisionnistes.

Il ne faut pas nier qu’il puisse y avoir de nombreux délégués honnêtes; nous le savons, et très souvent c’est avec eux que nous luttons.

Mais il est clair qu’entre le syndicalisme et la manière dont nous luttons, il y a un monde.

Ce sont deux voies. La voie des syndicalistes, la vie l’a montré n’est pas bonne pour nous; cette voie nous remet invariablement dans le système bourgeois.

Alors que faire? Se passer des syndicats? S’organiser à notre façon? C’est possible.

Suivons les camarades de la Fiat:

 » Une organisation, cela signifie beau coup de choses:

Ça veut dire savoir coordonner les luttes entre les ateliers de façon à provoquer une baisse de production maximum avec une perte de salaire minimum.

Ça veut dire savoir clairement les objectifs qubn veut atteindre, de façon à pouvoir rejeter les propositions-bidons avec lesquelles le patron essaie de ne lâcher que quelques miettes, et seulement à quelques ouvriers.

Ça veut dire savoir riposter aux manoeuvres des syndicats pour saboter notre lutte ».

(Extrait de la première brochure sur Turin 1969, la grève de guérilla)

A chaque débrayage,dans les cantines, dans les vestiaires, les ouvriers utilisent les « temps libres » pour discuter des objectifs et des formes de lutte; c’est comme cela qu’il faut s’organiser dans l’atelier.

De cette façon,tous les ouvriers « sont des délégués ».

Le patron vient s’expliquer devant tous les ouvriers de l’atelier; alors, ce sont eux qui ont la parole, ce sont eux leurs propres délégués.

C’est cela « l’autonomie ouvrière », il faut conquérir cette autonomie si l’on veut lutter pour que ça change.

Ecoutons les camarades de la Fiat:

 » Notre objectif, ce n’est pas les 50 lires, même si elles nous arrangent bien; notre objectif, c’est d’organiser les ouvriers de façon permanente; ainsi on pourra battre le patron n’importe quand.

On se fout de la démocratie: ça fait 25 ans que la démocratie, on ne sait pas ce que c’est, et qu’on se fout de nous.

Il faut que nous nous organisions. « 

(Extrait de la première brochure sur Turin 1969, la grève de guérilla)

Et il faut bien voir que nous avons tout le temps besoin de cette organisation et de cette autonomie:

 » NOUS DEVONS NOUS ORGANISER DE FAÇON  » STABLE: nous ne pouvons plus nous dire: « il suffit  » de commencer, et puis les syndicats se chargeront  » du reste. »

(Extrait de la première brochure sur Turin 1969, la grève de guérilla)

Regardons ce qui s’est passé tout récemment en France:

Les ouvriers révolutionnaires, à la SNCF, aux PTT, à la RATP, ont commencé; et puis les syndicats se sont chargés du reste, car ils se sont chargés de trahir, en laissantpou-rir la grève puis en négociant par dessus la tête des ouvriers.

En France comme en Italie, la grande question qui se pose à travaers toutes les luttes, c’est bien celle-là: Comment arracher l’autonomie?

Comment s’organiser à notre façon, en rejetant le syndicalisme?

SI NOUS AVONS FAIT GREVE HIER, MAIS QU’AUJOURD’HUI LE CHEF N’A RIEN PERDU DE SON POUVOIR, RIEN N’A CHANGE!

Nous voulons le pouvoir. De cela, nous sommes parfaitement convaincus. Il faut que cette idée devienne à travers les luttes une force matérielle pour des millions de travailleurs. Quelles luttes?

Des luttes qui renforcent l’autonomie ouvrière. Le sens de ces luttes est donné par les camarades de la Fiat:

« Si nous sommes organisés et unis, nous pissons quand nous voulons, nous mangeons quand nous vouIons, nous travaillons quand nous voulons et comme nous voulons. »

(Extrait de la première brochure sur Turin 1969, la grève de guérilla)

C’est assez clair, mais il faut être plus précis. Alors :

 » Nous avons démontré que quelques lires d’augmentation ce n’est pas le principal, mais qu’il faut lutter et nous organiser pour dire NON
– aux cadences
– à l’organisation du travail
– au pouvoir du patron. »

(Extrait de la première brochure sur Turin 1969, la grève de guérilla)

C’est logique: nous voulons détruire le pouvoir des patrons, donc dès maintenant et sans cesse nous devons attaquer le pouvoir des patrons et de leurs valets les chef-flics.

Nous voulons que cesse le travail d’esclave, donc dès maintenant et sans cesse nous devons lutter pour briser les cadences infernales, nous devons lutter contre toute l’actuelle organisation du travail qui fait de nous des bêtes, seulement bonnes à produire toujours plus.

Nous devons avoir des objectifs clairs,  » sinon nous courons le risque d’être achetés par le patron qui nous divisera en distribuant quelques sous et quelques catégories supérieures à une minorité d’entre nous ».

(Extrait de la première brochure sur Turin 1969, la grève de guérilla)

Ce sont les syndicalistes professionnels qui noircissent des pages et des pages de tracts avec des chiffres et des pourcentages compliqués.

Exactement comme les patrons nous donnent des feuilles de paie absolument incompréhensibles. T

out cela passe par dessus nos têtes; et c’est fait pour cela: les patrons peuvent nous voler sans qu’on s’ en rende compte et les syndicalistes peuvent raconter n’im -porte quoi sur les succès qu’ils ont obtenus dans les bureaux du patron sans qu’on puisse vérifier.

Nous voulons donc des objectifs clairs qui visent à:

– affaiblir le patron, son pouvoir.
– renforcer, unir les ouvriers.

Nous soutenons tout ce qui combat le pouvoir des patrons.

Nous combattons tout ce qui soutient la division entre ouvriers.

Nous exigeons, exactement comme les ouvriers de la Fiat et ceux de l’Italie entière: de fortes augmentations de salaire NON HIERARCHISEES.

Les luttes du printemps dernier à la Sollac comme les luttes à Renault-Le Mans et à Flins contestaient le système hiérarchisé actuel de rémunération: nous ne voulons plus que pour un même travail, il y ait des paies différentes.

Il nous faut briser le système de division entre ouvriers: les feuilles de paie à la tête du client, les différences soi- disant scientifiques entre postes de travail.

Tout cela ne sert qu’à renforcer la division parmi les ouvriers, l’égoisme.

Et qui cela sert-il? le patron. Ce système sert à renforcer l’autorité patronale.

Nous sommes aussi, comme les ouvriers de la Fiat , contre le système des primes de production et autres , qui visent à enchaîner l’ouvrier à son travail d’esclave, et à semer la division.

Nous voulons l’intégration des primes au salaire.

Bref: NON aux divisions entre ouvriers que le patron organise lui-même: classes, augmentations suivariFle mérite, favoritisme; fayotage.

NON AUX CADENCES INFERNALES.

Les cadences, ça ne se négocie pas, ça se refuse, ça se brise.

L’an dernier à Sochaux et depuis un peu partout, à la Redoute, aux PTT Austerlitz, à Renault-Flins, dans l’alimentation: cette méthode de lutte se généralise. Les ouvriers brisent les cadences, ils organisent la réduction de la production.

HALTE AUX ASSASSINATS D’OUVRIERS!

Les assassinats d’ouvriers dans les mines (silicose et « accidents »), dans la sidérurgie, dans le bâtiment.

Les maladies comme les accidents qui résultent de la « nocivité » du travail, ce n’est pas une fatalité.

Le fait de ne pas avoir de repos digne de ce nom, comme à la SNCF ou à la RATP, ce n’est pas non plus inévitable.

C’est la conséquence d’un système qui se fout de la vie et de la santé de l’ouvrier, pourvu qu’il puisse continuer à trimer pour rapporter des profits au patron.

Contre cette organisation du travail criminelle, mais que pourtant les tribunaux bourgeois si prompts à condamner les jeunes en révolte ne condamnent pas, ON A RAISON DE SE REVOLTER.

Et en France, la révolte pénètre profondément, comme le montre la rentrée ouvrière de 1969.

La lutte contre le chômage, les heures supplémentaires se développera quand le plan de redressement du capital, mis sur pied par le gouvernement à la solde des profiteurs, se traduira dans la pratique par une montée du chômage goulue par le patronat pour essayer de casser la combativité ouvrière.

En Italie, les luttes actuelles se développent sur ce front.

Quel que soit l’aspect de la condition ouvrière contre lequel on se révolte:

 » Si nous avons fait grève hier, mais qu’aujourd’hui le chef n’a rien perdu de son pouvoir, rien n’a changé ».

(Extrait de la première brochure sur Turin 1969, la grève de guérilla)

La question fondamentale, c’est la question du pouvoir.

Conquérir le pouvoir et libérer le peuple, c’est armer les ouvriers et tout le peuple pour vaincre les forces armêea des exploiteurs.

Mais tant qu’on n’a pas le fusil, doit-on s’ abstenir d’attaquer le pouvoir des patrons?

Absolument pas.

Précisément pour que les ouvriers et tout le peuple s’ arment progressivement en vue d’anéantir les forces armées du capital, il faut dès maintenant attaquer le pouvoir des patrons.

Lutter contre le despotisme capitaliste à l’intérieur de l’usine et aussi à l’extérieur, c’est précisément préparer les esprits à l’armement révolutionnaire en vue de vaincre définitivement le régime des patrons.

De toute façon, comment peut-on briser les cadences?

Comment peut-on lutter de manière autonome et révolutionnaire aujourd’hui en faisant payer très cher au patron son exploitation et son oppression, si on n’est pas décidé à s’attaquer à son pouvoir dans l’usine?

Peut-on briser les cadences sans lutter contre les chefs-flics?

C’est impossible.

Voilà pour quoi nous disons:

« Si nous avons fait grève hier, mais qu’aujourd’hui le chef n’a rien perdu de son pouvoir, rien n’a changé ».

A l’égard des chefs-flics, notre politique est claire:

 » Pour un oeil les deux yeux, pour une dent toute la gueule.' »

Notre politique; c’est de rabattre la grande gueule de ces crapules, de porter un coup au prestige du patron en le ridiculisant, en frappant ses valets.

Notre politique, et nous ne nous en cachons pas, parce que c’est conforme aux aspirations des travailleurs, c’est la terreur rouge à l’égard des salauds qui sont responsables des pires exactions contre les ouvriers.

En juin 1969, nous avons donné une raclée à cette canaille, cadres-flics et contremaîtres; c’était à Flins.

Depuis, cette méthode de lutte se généralise.

Aujourd’hui, on séquestre les patrons et les chefs-flics, et ON A RAISON DE SEQUESTRER LES PATRONS.

A la Fiat actuellement, cette méthode de lutte commencée à être prise en mains: la Palazzina d’Agnelli [bâtiment de la direction de Fiat à Mirafiori-Turin, Agnelli étant le patron et propriétaire] connaîtra le sort du cercle-hôtel de Sochaux en juin 68 [Foyer des cadres de Peugeot, pillé par les ouvriers].

La terreur dans les rangs de l’ennemi, l’espoir dans le coeur des ouvriers et de toutes les petites gens exploitées par les bourgeois, c’est le fond de notre politique.

C’est la politique conforme aux intérêts des ouvriers, de toutes nationalités.

DE LA GREVE DE GUERILLA AU SOULEVEMENT

Il faut des objectifs clairs.

Comment lutter?

Les ouvriers de la Fiat ont inventé une forme de lutte tout à fait appropriée: la grève de guérilla.

Le principe de cette forme de lutte, c’est:

Perte maximum pour le patron, minimum pour les ouvriers.

 » La grève dans l’atelier est importante, parce que le patron n’est jamais sûr qu’entre une lutte et l’autre la production va continuer tranquillement, ou même augmenter pour récupérer la perte, comme c’était le cas pour les grèves où on restait en dehors de l’usine.

La grève dans l’atelier renforce et unit les ouvriers parce qu’on utilise le temps de grève pour s’éclaircir les idées et organiser la poursuite de la lutte.

La grève dans l’atelier bloque la production, non seulement là où on lutte, mais dans toute l’usine.

Elle coûte plus cher au patron qu’aux ouvriers.

Elle permet même aux ouvriers des ateliers suivants, qui sont arrêtés pour manque de travail, de discuter pour préparer à leur tour le combat. »

(Extrait de la première brochure sur Turin 1969, la grève de guérilla)

Cette méthode, que tous les tracts présentés dans les brochures illustrent, est très efficace, et à leur tour, les ouvriers français l’expérimentent actuellement, à Renault , à Saulnier-Duval de Nantes, etc…

C’est la forme de lutte qui permet, au moindre coût pour les ouvriers, de renforcer leur combativité, d’édifier une organisation autonome dans les ateliers.

Elle permet de passer à un stade supérieur: l’offensive généralisée, l’occupation de masse avec séquestration des principaux flics, patrons en tête, le soulèvement des ouvriers forts de leur unité conquise dans l’usine qui sortent de l’usine pour élargir leur combat.

Comme le 3 juillet, les ouvriers de la Fiat et les étudiants révolutionnaires ont élargi leur combat par leur soulèvement dans plusieurs quartiers de Turin.

[Ce jour-là, plus de 100.000 manifestants, ouvriers, étudiants, habitants des quartiers, ont tenu tête pendant plus de
24 heures à la police]

Les luttes engagées au même moment dans Turin contre la ville-usine les prix exorbitants des loyers et les expulsions se sont confondues avec le combat d’usine.


DE L’USINE A LA VILLE-USINE

En France aussi, à Nancy, à Ivry, à Argenteuil,à Flins, on s’élance à l’assaut des villes de classe.

La lutte pour des logements décents , des logements pour tous à des prix a-bordables, a commencé aussi.

Elle se fondra à la lutte d’usine, l’élargira.

Dès lors, on assistera à un soulèvement formidable qui fera trembler patrons, flics, journalistes et tous les vendus, syndicalistes révisionnistes en tête.

Tout nous conduits vers ces soulèvements : les luttes d’usine, les luttes sur le loyer, sur les transports (déjà, à la gare de Lyon, à la gare Saint-Lazate, la révolte est née), les luttes pour détruire l’école de classe.

Toutes ces luttes se fondront comme un fleuve en marche.

En particulier, l’unité des ouvriers avec les étudiants et les lycéens se renforce.

En Italie comme en France:

 » Les étudiants et les ouvriers luttent ensemble parce qu’ils savent que le patron qui exploite les ouvriers dans l’usine, qui leur fait mener une vie de chien, c’est aussi celui qui fait de l’école une caserne où seront formés les imbéciles et les fidèles serviteurs du patron dans l’usine et à l’extérieur. »

(Extrait de la première brochure sur Turin 1969, la grève de guérilla)

Tous les tracts de cette brochure ont été faits en commun avec les étudiants.

Tous les jours, à toutes les portes de la Fiat,des étudiants discutent avec les ouvriers.

Puis ils font des meetings ou bien des assemblées dans les Universités.

Dans la rue, ils se battent côte à côte; et aujourd’hui les ouvriers rentrent dans les lycées et les universités pour s’unir aux étudiants et lycéens, pour les encourager à la lutte.

Cette unité-là, nous la voulons, nous y tenons parce qu’elle est indispensable pour la continuation1 du combat.

Les étudiants français sauront se mettre à l’école de leurs camarades italiens: en particulier, ils apprendront ce style de travail continuions les joursàla porte de l’usine), qui a fait défaut après mai en France.

VIVE LE COMBAT DE NOS FRÈRES ITALIENS !

QUE DANS CHAQUE ATELIER, L’EXEMPLE DE TURIN DEVIENNE UNE PUISSANTE FORCE MATÉRIELLE !

TOUT LE POUVOIR AUX TRAVAILLEURS !

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