Le réalisme socialiste s’appuie sur la vision du monde du matérialisme dialectique. Le matérialisme affirme que tout est matériel, que l’univers n’est que matière, que les conceptions, les pensées, les réflexions… reflètent la réalité. Rien n’est indépendant, isolé.
Le matérialisme dialectique est plus développé que le simple matérialisme : il affirme qu’il y a un mouvement général, des tendances qui s’affirment dans l’histoire, dans la réalité matérielle. Connaître ces tendances, les épouser, est la position active de qui a compris le matérialisme dialectique.
Pour toutes ces raisons, l’artiste n’est pas quelqu’un d’isolé. Il existe dans un contexte, qu’il reflète. Ce qui fait la valeur de son travail, c’est sa haute technicité dans la représentation de la réalité, dans la synthèse des moments importants dans la réalité. Son œuvre est d’autant plus réussie qu’elle exprime la tendance l’emportant.
Ce qui fait la valeur du tableau Nous allons à une nouvelle vie, d’Ahmed Kitaev datant de 1953, c’est qu’il exprime une situation caractéristique en la plaçant dans une tendance générale : celle de jeunes femmes finissant un cycle de leur vie, possédant une certaine qualité de vie, un avenir plein de richesses se proposant à elles.
On a la dimension collective, un ton à la fois joyeux mais sans ostentation ; à l’arrière-plan il y a les félicitations des anciennes générations. L’ambiance printanière conforte l’image de bienveillance et de bienfaisance, caractérisant précisément le socialisme.
L’un des grands mots d’ordre de l’URSS lancé par Staline et correspondant à cet état d’esprit était justement :
« La vie est devenue meilleure, camarades, la vie est devenue plus joyeuse. »
Il y a ainsi toujours un contenu qui s’allie dialectiquement à la forme ; l’un sans l’autre, ce n’est pas de la culture. Il y a donc une exigence qui se pose, celle de la compréhension réelle des faits, de l’importance des situations, sur le plan humain, culturel, historique, naturel, etc.
Si l’on prend le tableau de Vladimir Aleksandrovich Serov datant de 1950 où Lénine converse avec des paysans à Smolny, on peut voir une situation empreinte de gravité, mais en même temps un portrait vivant. On y voit le besoin de bienveillance de la part du paysan âgé, l’attitude tendue et bienveillante de Lénine, la fixation énergique des deux paysans sur Lénine.
Le sac posé au premier plan témoigne de la situation des paysans, dont les habits (de la fourrure en peau de mouton), la coupe de cheveux, les barbes, la peau, etc. sont typiques. Le tableau reflète la réalité, mais il ne le fait pas en la prenant comme une matière brute, il en prend le caractère synthétique, par la figure de Lénine.
L’œuvre d’art est ici le reflet de la réalité, la synthèse d’un de ses moments, en exprimant une tendance historique l’emportant, ce qui fait sa valeur sensible.