L’esprit internationaliste du congrès devait nécessairement s’allier à une dénonciation du militarisme. Celui-ci n’existait pas alors seulement comme tendance du capitalisme au repartage du monde, ni même comme simple expression allant de pair avec le colonialisme. C’était aussi une expression des puissants restes féodaux existant dans de nombreux pays.
Voici la résolution qui fut prise alors, 25 ans avant la première guerre mondiale.
« Le Congrès international ouvrier socialiste de Paris,
Considérant :
Que l’armée permanente ou la force armée au service de la classe régnante ou possédante, est la négation de tout régime démocratique ou républicain, l’expression militaire du régime monarchique ou oligarchique et capitaliste, un instrument de coups d’État réactionnaires et et d’oppression sociale ;
Que, résultat et cause du système de guerres agressives; danger constant de conflits internationaux, l’armée permanente et la politique offensive dont elle est l’organe, doivent faire place à la politique défensive et pacifique de la démocratie, à l’organisation du peuple entier exercé, armé, non plus pour le pillage et la conquête, mais pour la sauvegarde de son indépendance et de ses libertés ;
Que l’armée permanente, cause incessante de guerre est, ainsi que l’histoire le démontre, incapable de défendre un pays contre les forces supérieures d’une coalition et que sa défaite laisse le pays désarmé, à la merci des vainqueurs, tandis que la nation préparée, organisée, armée, serait inaccessible à l’invasion ;
Que l’armée permanente est la désorganisation de toute vie civile, enlevant à chaque nation pour l’encaserner, la démoraliser, sa meilleure jeunesse, à la période d’apprentissage, d’études, de plus grande activité et d’action ;
Qu’ainsi le travail, la science et l’art se trouvent stérilisés, arrêtés dans leur essor ; le citoyen, l’individu, la famille atteinte dans leur existence, dans leur développement ;
Qu’au contraire dans l’armée vraiment nationale, ou nation armée, le citoyen poursuit dans la vie nationale le développement de ses aptitudes, de ses facultés, exerce ses fonctions militaires comme un attribut nécessaire de sa qualité de citoyen ;
Considérant :
Que l’armée permanente, par les charges incessamment accrues de la dette de guerre, par les impôts et emprunts toujours aggravés qu’elle motive, est une cause de misère et de ruine ;
Répudie hautement les projets belliqueux entretenus par des gouvernants aux abois ;
Affirme la paix comme condition première et indispensable de toute émancipation ouvrière ;
Et réclame, avec la suppression des armées permanentes, l’armement général du peuple sur les bases suivantes :
L’armée nationale ou la nation armée formée de tous les citoyens valides, organisés par région, de telle sorte que chaque ville, chaque canton ait son bataillon, composé de citoyens qui se connaissent, réunis, armés, équipés et prêts à marcher, s’il le faut, dans les vingt-quatre heures.
A chacun, son fusil et son équipement à domicile, comme en Suisse, pour la défense des libertés publiques et de la sécurité nationale.
Le Congrès déclare en outre que la guerre, produit fatal des conditions économiques actuelles, ne disparaîtra définitivement qu’avec la disparition même de l’ordre capitaliste, l’émancipation du travail et le triomphe international du socialisme. »
Le refus du militarisme est alors une composante essentielle du mouvement ouvrier, mais on voit bien que, l’idéal étant l’armée « démocratique » suisse, il y a de grandes faiblesses de compréhension de la nature de l’État.
C’est précisément sur cette question que le passage du capitalisme à l’impérialisme va poser de terribles problèmes, en raison de la formation de couches corrompues du prolétariat, de l’opportunisme face aux « progrès » du capitalisme, de la capitulation devant le nationalisme.
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