Le premier congrès ouvrier international de juillet 1889, qui marque la naissance de la seconde internationale, décida de se structurer pour la bataille concernant la législation sur le travail. Il fut décidé qu’un organe hebdomadaire serait mis en place pour centraliser les expériences faites dans la lutte pour la journée de huit heures.
Une résolution fut également adoptée concernant la législation internationale du travail, témoignant à la fois du rejet de l’option anarchiste de refus d’aborder cet aspect, que celui d’abandonner au syndicat les questions de ce domaine.
On a ici l’approche social-démocrate où le Parti ouvre la voie. Voici la résolution.
Le Congrès international ouvrier socialiste de Paris,
Après avoir affirmé que l’émancipation du travail et de l’humanité ne peut sortir que de l’action internationale du prolétariat organisé en parti de classe, s’emparant du pouvoir politique pour l’expropriation de la classe capitaliste et l’appropriation sociale des moyens de production ;
Considérant :
Que la production capitaliste dans son rapide développement envahit successivement tous les pays ;
Que ce progrès de la production capitaliste implique l’exploitation croissante de la classe ouvrière par la bourgeoisie ;
Que cette exploitation, de plus en plus intensive, a pour conséquence l’oppression politique de la classe ouvrière, son asservissement économique et sa dégénérescence physique et morale ; Que, par suite, il est du devoir des travailleurs de tous les pays de lutter, par tous les moyens à leur disposition, contre une organisation sociale qui les écrase et menace en même temps, le libre développement de l’humanité ;
mais que, d’autre part, il s’agit avant tout de s’opposer à l’action destructive du présent ordre économique ;
Décide :
Une législation protectrice et effective du travail est de nécessité absolue dans tous les pays où sévit la production capitaliste.
Comme bases de cette législation, le Congrès réclame :
a) Limitation de la journée de travail à un maximum de huit heures pour les adultes ;
b) Interdiction du travail des enfants au-dessous de 14 ans, réduction de la journée à six heures pour les jeunes gens des deux sexes au-dessous de 18 ans ;
c) Suppression du travail de nuit, à l’exception de certaines branches d’industrie dont la nature exige un fonctionnement ininterrompu ;
d) Interdiction du travail des femmes dans toutes les branches d’industrie qui affectent plus particulièrement l’organisme féminin ;
e) Suppression du travail de nuit pour les femmes et les ouvriers de moins de 18 ans;
f) Repos ininterrompu de 36 heures au moins, par semaine, pour tous les travailleurs ;
g) Interdiction de certains genres d’industrie et de certains modes de fabrication préjudiciables à la santé des travailleurs;
h) Suppression du marchandage
i) Suppression du paiement en nature, ainsi que des coopératives patronale ;
j) Suppression des bureaux de placement ;
k) Surveillance de tous les ateliers et établissements industriels, y compris l’industrie domestique, par des inspecteurs rétribués par l’État et élus, au moins pour moitié, par les ouvriers eux-mêmes.
Le Congrès déclare que toutes ces mesures d’hygiène sociale doivent faire l’objet de lois et de traités internationaux, que les- prolétaires de tous les pays sont invités à imposer à leurs gouvernants. Ces traités, obtenus de la façon qu’ils jugeront la plus efficace, — ils auront à en surveiller l’application.
Le Congrès déclare en outre qu’il est du devoir des ouvriers d’admettre-les ouvrières dans leurs rangs, sur le pied d’égalité, et de faire prévaloir le principe : à travail égal, salaire égal pour les travailleurs des deux sexes et sans distinction de nationalité.
Pour cela, de même que pour l’émancipation complète du prolétariat, le Congrès considère comme essentielle l’organisation des travailleurs sur tous les terrains et réclame, en conséquence, la liberté absolue d’association et de coalition.
Les revendications sont particulièrement précises :il y a une excellente connaissance de la situation, avec une véritable poussée ouvrière de type politique. Le congrès appelait ainsi à une mobilisation générale au parlement, dans les municipalités, dans les initiatives militantes, pour œuvrer en ce sens.
C’était la lancée du mouvement socialiste de manière internationale, dans une démarche commune, sur une base construite.
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