Alexander Dubček était le fer de lance d’une offensive de la petite-bourgeoisie intellectuelle slovaque ayant littéralement pris le contrôle du Parti dans cette partie du pays.
La Slovaquie avait connu un parcours tourmenté durant la seconde guerre mondiale. Une large partie fut amputée par la Hongrie, mais elle devint en même temps un satellite de l’axe sous l’égide du prêtre catholique Jozef Tiso.
En fin de compte, la Résistance se forma avec un front démocratique mis en place par les communistes, ce qui amena le grand soulèvement national d’août 1944.
Le programme du 5 avril 1945 dit de Košice, du nom de la ville de l’est de la Slovaquie où s’était établi le gouvernement provisoire de Front National de la nouvelle république tchécoslovaque, mettait sur un pied d’égalité les deux nations tchèque et slovaque.
L’accent était particulièrement mis sur leur caractère slave ; il était parlé de « la grande puissance slave victorieuse à l’Ouest », d’une « ligne slave » à appliquer dans sa politique extérieure. Un étroit rapprochement devait être mené avec la Pologne et l’URSS, mais également la Bulgarie et la Yougoslavie.
Le triomphe du révisionnisme marqua la perte pour la Slovaquie de ses prérogatives, ce qui fut institutionnalisé lors de l’établissement en 1960 de la « République socialiste tchécoslovaque », censé marquer la fin de la période de la démocratie populaire.
Les Slovaques ne s’en accommodèrent pas et l’avancée dans le positionnement libéral fit qu’une ouverture se fit, la pression slovaque servant de fait l’avancée du libéralisme en général.
Bratislava devint ainsi fin février 1968 la capitale administrative au même titre que Prague. Le conseil national slovaque demanda alors un retour ouvert au fédéralisme, au moyen d’un vaste programme. Une République socialiste slovaque devait être le pendant d’une République socialiste tchèque.
Tout cela était chapeauté par Alexander Dubček, qui était depuis 1963 le premier secrétaire du Parti Communiste de Slovaquie. A ce titre, il avait notamment réhabilité Gustáv Husák, condamné à vie pour nationalisme bourgeois slovaque en 1950, ainsi que les autres condamnés du même procès : Laco Novomeský, Ladislav Holdoš et Daniel Okáli. Vladimír Clementis, condamné à mort, fut réhabilité.
Dès 1963 parurent ainsi, en slovaque, les Reportages tardifs du slovaque Ladislav Mňačko, l’auteur le plus lu du pays, un ouvrage résolument anti-Staline qui fut largement diffusé, mais qui ne fut pas autorisé à paraître en tchèque dans l’autre partie du pays. Il eut un grand succès en Allemagne sous le nom trompeur de « Reportages interdits ». Ladislav Mňačko finit par partir en Israël en 1967, pour revenir au moment du Printemps de Prague.
Le moment déclencheur de l’offensive slovaque fut la session du Comité Central de septembre 1967, où il fut affirmé que l’économie tchécoslovaque était en passe de s’effondrer. La direction du PCT, avec Antonín Novotný, repoussa la question et décida la répression d’intellectuels. En octobre les Slovaques furent dénoncés lors d’une nouvelle session du Comité Central pour ne pas avoir appliqué la répression chez eux.
Antonín Novotný accusa ouvertement Alexander Dubček de représenter le nationalisme petit-bourgeois slovaque. Il demanda à Léonid Brejnev, le dirigeant de l’URSS, de venir, ce qu’il fit du 8 au 10 décembre 1967, sans pour autant décider de soutenir en fin de compte Antonín Novotný. La partie était jouée.