Dans l’optique d’un refus de l’opposition droite contre gauche et dans l’idée d’une renaissance-réconciliation, les Croix de Feu fondaient leur activité publique sur la mobilisation. Il ne s’agissait pas, comme l’extrême-droite liée au royalisme, de passer par la violence pour mener des coups d’éclat.
Il s’agit de diffuser un état d’esprit, une mentalité, ce qui correspond absolument aux démarches des S.A allemands et des chemises noires italiennes.
François de La Rocque, toutefois, était tout à fait conscient des profondes différences de l’Italie et de l’Allemagne avec la France. Aucun modèle n’était reproductible, il fallait s’adapter au contexte. On retrouve cette capacité de flexibilité pratique lorsqu’il explique la chose suivante :
« Quand on m’a parlé de béret, j’ai dit : « A quand le pas de l’oie ? » Non, j’aime bien mieux que mes hommes défilent en rigolant un peu, qui en chapeau melon, qui en casquette. C’est plus touchant et c’est plus français! »
Pour cette raison, si initialement les Croix de Feu participent à la logique de l’extrême-droite « bruyante », ils le font de manière indépendante, avec comme objectif, en arrière-plan, d’être de masse. Les résultats seront d’ailleurs incomparables.
Un exemple marquant d’initiatives des Croix de Feu furent les rassemblements. Ainsi, le 11 novembre 1929, plusieurs milliers de Croix de Feu défilent sur de la musique militaire autour de la tombe du soldat inconnu, dans un cérémonial qui se veut millimétré et solennel.
Lors d’une manifestation le 8 juillet 1934, plus de 15 000 Croix de Feu, en colonnes de douze, marchèrent pendant 45 minutes sous l’arc de triomphe, à Paris. Lors du défilé parisien du 11 novembre 1934, plus de 25 000 personnes défilèrent en rang par six.
En mai 1934, lors du défilé pour Jeanne d’Arc, 20 000 personnes participèrent à la marche, pour rejoindre 20 000 autres personnes pour une remise de symboles honorifiques par François de La Rocque.
Ce dernier, pour ses meetings, pouvait rassembler plusieurs milliers de personnes : en juin 1934, 10 000 personnes étaient présentes place Wagram, 15 000 à la salle Bullier. En décembre de la même année eut même lieu un double meeting dans ces deux salles, François de La Rocque passant de l’une à l’autre.
Le procédé sera réitéré en janvier et en avril 1935, avec pas moins de quatre salles ; en décembre 1935, il y eut même six réunions en deux jours. À Alger, en 1935, François de La Rocque fut accueilli par 15 000 personnes et le survol d’une trentaine d’avions avec les symboles Croix de Feu, alors que le maire d’Alger vint le saluer dans la section locale de l’organisation.
En juin 1935, devant les menaces de la gauche socialiste et communiste, François de La Rocque annula le défilé à Chartres, pour le déplacer dans une ferme appartenant au responsable du département, 25 000 personnes venant au moyen de 6000 voitures, dans une ambiance marquée par un défilé au flambeau.
Ce type de marche et de grand messe était un grand classique des Croix de Feu et rendu possible par sa ligne de masse. Mais il est cependant nécessaire de souligner le très haut niveau d’organisation.
Le 30 septembre, 16 000 personnes sont amenées sur hippodrome de Chantilly acclamer François de La Rocque et défiler dans les rues, devant le monument aux morts et la statue du maréchal Joffre, la ville ayant accueilli de 1914 à 1916 le Grand Quartier Général de l’armée française, alors que six avions avec les symboles des Croix de Feu passaient au-dessus d’eux, en formation de trois.
Les conducteurs des voitures et autocars avaient pris des itinéraires différents, n’ayant appris qu’au dernier moment où aller, alors qu’à Meaux et Coulommiers, de petites délégations déposaient des gerbes devant les monuments aux morts, afin d’induire les opposants et la police en erreur.
En septembre 1935, pour célébrer la bataille de la Marne, 80 000 personnes prirent 16 000 voitures, alors que les routes étaient surveillées par le tiers des effectifs parisiens, munis de brassards et supervisant le mouvement.
La capacité d’organisation rapide était au cœur des Croix de Feu et du P.S.F. qui en est issu, dans l’esprit de roder afin d’être prêt le jour J. En septembre 1935, on a ainsi les Croix de Feu qui occupent des points stratégiques de Bonneuil, dont la mairie est communiste.
Celle-ci voit ses communications téléphoniques bloquées, alors que les passants sont arrêtés et contrôlés par les Croix de Feu venus au moyen d’une trentaine de voitures et de camionnettes, habillés de paletots de cuir, un béret basque sur la tête, matraques au poing, parfois le revolver à la ceinture.
François de La Rocque entendait parfaitement maîtriser ce processus, afin que tout se passe de manière militaire, ordonnée. Un exemple parlant est l’utilisation d’une ruse consistant à monter une fausse discussion sur des boulevards parisiens, entre deux personnes s’invectivant, celui jouant au « communiste » tenant des propos outranciers, orduriers, etc.
Mais les débordements d’un esprit en fait paramilitaire étaient inévitables : en août 1934, lorsque les Croix de Feu organisant un rassemblement à Aix-en-Provence furent accueillis par 3 000 antifascistes partis de la bourse du travail pour rejoindre le lieu de rassemblement, ils doivent s’enfuir et n’hésitant pas par la suite à tirer deux coups de feu depuis une voiture.
Début juillet 1936, les membres du P.S.F. issu des Croix de Feu n’hésitèrent pas à affronter la police sur la place de l’Étoile à Paris, 105 personnes étant blessées, alors que quelques semaines plus tard la section de Clermont-Ferrand occupait la préfecture du Puy-de-Dôme.
En octobre, le meeting parisien au Vélodrome d’hiver fut interdit par la Préfecture en raison de la campagne antifasciste du Parti Communiste, ce dernier organisant deux jours plus tard un meeting au Parc des Princes avec 40 000 personnes. En réponse, le P.S.F. organisa un rassemblement de plus de 20 000 personnes, encadré par pas moins de 20 000 forces de police et gardes mobiles pour éviter tout affrontement.
Ceux-ci eurent tout de même lieu, le P.S.F. attaquant la Police, voyant 1149 de ses membres arrêtés mais avec seulement quelques mis en examen pour port d’armes, bien qu’il y eut aussi dans la foulée 50 perquisitions de menées.
En novembre, ce sont des usines qui étaient occupés à Troyes et Dijon, de manière « préemptive », pour faire face à la gauche socialiste et communiste.
La gauche communiste et socialiste ne s’y trompa pas et elle constatait qu’à l’arrière-plan, il existait un processus de militarisation accompagnant les mobilisations.
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