Croix de Feu : l’absence revendiquée de programme

François de La Rocque se pose donc en sauveur de la Nation, qu’il veut refonder, en procédant à la réconciliation de la population et en purifiant l’administration. En cela, sa position peut se conjuguer aux Croix de Feu, qui ont également des attentes de réorganisation nationale, de valorisation du patriotisme complet, de rétablissement des valeurs traditionnelles, etc.

Cette dynamique est puissante et elle n’a pas besoin, par conséquent de s’inspirer d’autres tentatives du même genre ou différentes effectuées ailleurs. François de La Rocque rejette donc le fascisme, ce dernier étant considéré comme correspondant uniquement au modèle italien. 

« Le fascisme est un article étranger que nous n’avons pas à importer chez nous. Il a pu porter ses fruits dans certains pays, où il convenait au tempérament national.

Il ne convient pas au tempérament français, épris de LIBERTE, de BON SENS et de MESURE. »

Pour autant, l’objectif est clairement le même que le fascisme italien et le national-socialisme allemand, à savoir dépolitiser, abolir la politique, unifier tous les individus au sein d’un organisme général : la Nation.

Les Croix de Feu ont très clairement la même lecture anti-politique que le fascisme italien et le national-socialisme allemand :

« Nous considérons que la Politique de Parti est périmée. Nous accusons la Politique et les Politiciens d’avoir ruiné la France depuis 50 ans (moralement et économiquement) :

– parce que la Politique de Parti a empêché notre Pays de faire les Progrès économiques et sociaux que d’autres Pays ont réalisés.

– parce que la Politique de parti favorise la démagogie, la surenchère électorale, le gaspillage de la fortune publique au profit de quelques uns.

– parce qu’elle favorise l’accession au Pouvoir d’incapables ou de Profiteurs qui se préoccupent de leur élection et de leur réélections avant de se préoccuper des intérêts supérieurs du Pays.

– parce que la Politique de Parti stimule les bas calculs, les alliances douteuses, les marchandages éhontés et une cuisine électorale souvent ignoble, sur le dos de la France honnête et travailleuse (…).

– parce qu’enfin, la Politique de Parti dresse les Fils de France les uns contre les autres à une heure où l’union de tous est indispensable. »

Pour bien saisir qu’il s’agit ici non pas simplement de critique démagogique pour se faire élire, mais bien d’une vision du monde, voyons ce que les Croix de Feu disent au sujet de leur programme : 

« Les Plans, les Programmes, les Manifestes électoraux, utopistes, contradictoires, sont presque toujours restés lettres mortes : la France est en train « d’en crever ».

Si on nous demande le notre, nous répondons QUE NOUS N’EN AVONS PAS. »

Il reste alors à voir quelles sont les valeurs mises en avant. Là les choses sont très claires : on retrouve tous les thèmes historiques du fascisme, adaptés à la situation française.

Le renforcement national passe par l’Armée, une troisième voie est proposée entre le socialisme d’un côté, un capitalisme résumé à la spéculation de l’autre. Le processus se veut une restauration, un rétablissement. La situation spécifique de l’impérialisme français est souligné, avec une allusion à l’Allemagne.

« Nous ne voulons NI SOCIALISME, NI ÉTATISME.

Nous ne voulons plus du CAPITALISME DE SPÉCULATION qui exploite le travail pour la réalisation de Profits boursiers, et pour qui l’usine ou l’entreprise ne sont qu’une façade couvrant l’agiotage et la spéculation.

Nous voulons un CONTRÔLE de l’ÉCONOMIE, une ORGANISATION de la PROFESSION où toutes les catégories de Producteurs et de Travailleurs auront leurs responsabilités.

Nous voulons la COLLABORATION DES CLASSES et l’amélioration du sort des Travailleurs pour la défense de leurs salaires ainsi qu’un développement des progrès sociaux, en particulier des assurances sociales, sur le plan Mutualiste.

Nous voulons être maîtres chez nous : trop d’étrangers et de métèques, profitant de notre hospitalité, se mêlent indiscrètement de nos affaires, interviennent dans notre Politique Intérieure, sabotent nos valeurs morales dans la Métropole et dans nos Colonies, tout en mangeant chez nous un pain dont bien des travailleurs FRANÇAIS sont maintenant privés.

Nous voulons que soient restaurées et respectées les TROIS VALEURS MORALES ESSENTIELLES qui sont les éléments de la Civilisation Française : TRAVAIL, FAMILLE, PATRIE.

Nous voulons aussi qu’on respecte, chez nous et en-dehors de nos frontières, LE NOM DE LA FRANCE, SON DRAPEAU, SES DECORES DE GUERRE, SON ARMEE…

Enfin, nous avons horreur de la Guerre, et nous ne voulons pas la revoir, car nous avons trop souffert dans notre chair, dans la douleur de nos foyers décimés, et dans les ruines de nos régions dévastées.

Aussi voulons-nous une France assez forte pour garantir sa sécurité, imposer le respect et ôter à des agresseurs éventuels l’envie de recommencer. »

Cet anti-programme typique du fascisme fait que la prise du pouvoir est l’objectif. François de La Rocque se retrouve ici au cœur d’un projet de prise du pouvoir combinant mobilisation de masse et organisation méthodique d’un soulèvement armé.

Méprisant l’amateurisme de l’extrême-droite, il accompagne un processus généralisé de militarisation de son organisation.

Illustrant cette démarche, voici les paroles du Chant des croix de feu et des volontaires nationaux.

Les Croix de Feu se sont dressées 
Pour chasser toutes les souffrances 
Pour que l’honneur renaisse en France 
Et que le vainqueur respecté 
De nouveau chante sa fierté 
Aux trois eaux bleues de l’espérance

Ecoutez, écoutez que chacun se taise 
Les vieux, de nos vieux clochers 
Sur les vergés, sur les paliers 
Ont lancés l’appel enchanté 
Nous voulons la France française 
Nous voulons la France française

Le Croix de Feu a l’âme franche 
Et le volontaire au franc coeur 
Par l’amour d’un peuple sans peur 
Feront le destin de la France 
Que déjà retentisse en cœur  
Volontaires, votre espérance

Ecoutez, écoutez, que chacun se taise 
Vous entendrez dans les maisons 
Sur les gazons sur les buissons 
Le refrain des gentils garçons 
Nous voulons la France française 
Nous voulons la France française

Aladins de France, debout ! 
Debout (?) est si haut 
Les Croix de Feu sont devant vous 
Par leurs faisceaux renaît la France 
Et le bonheur dans les maisons 
Et les refrains de l’espérance

Ecoutez, écoutez, que chacun se taise 
L’honneur revient dans nos maisons 
Et les chansons dans les buissons 
Les Croix de Feu sont bons garçons 
Ils font la France française 
Ils font la France française

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