Appel du 3e Congrès du Parti Communiste (SFIC)

Lyon, janvier 1924

Aux TRAVAILLEURS FRANÇAIS !
Aux TRAVAILLEURS DU MONDE !

Le troisième congrès du Parti Communiste français, réuni à Lyon, s’adresse aux travailleurs de France et du monde entier.

La France capitaliste vient de vivre une heure tragique de son existence : pour la première fois, elle a ressenti l’ébranlement annonciateur de sa fin. Ce que les communistes affirment depuis la guerre, et dont elle se riait, — elle l’a tout à coup entrevu.

La chute rapide du franc lui a donné pour la première fois conscience du danger. Et c’est elle-même qui compare sa position économique d’aujourd’hui à sa situation militaire de Verdun, où son sort était à la merci d’un hasard de la guerre.

La France capitaliste croyait échapper aux conséquences économiques de la guerre mondiale. Ayant bénéficié pour un temps de la victoire des alliés, grâce à l’oppression et à l’exploitation des peuples vaincus innocents, elle s’est grisée de sa prospérité apparente. Le moment est venu de déchanter. La catastrophe de 1914 a frappé à mort le régime lui-même et la France bourgeoise ne sera pas épargnée.

Comme l’Internationale Communiste l’a prévu, la question qui détermine la vie politique et sociale de l’Europe et dont la réponse décidera du sort de l’humanité, c’est celle de savoir qui paiera les frais gigantesques du honteux massacre.

La bourgeoisie française a proclamé que « l’Allemagne paiera » : elle a menti. Les ruines, les désastres et les dettes sont là. L’Allemagne capitaliste n’a pas payé et ne paiera pas. Ce sont les travailleurs français et allemands qui commencent à payer et qui paieront, à moins qu’ils ne se révoltent.

Au lendemain du carnage mondial, le prolétariat des tranchées et des usines était résolu à ne pas supporter les frais d’une guerre qu’il n’avait pas voulue, et qui n’a été provoquée et conduite que dans l’intérêt de groupes capitalistes rivaux.

La révolution partie victorieusement de Russie, gagnant les Balkans, la Hongrie, l’Autriche et l’Allemagne, s’annonçait même dans les États victorieux. Les travailleurs étaient animés d’une grande espérance de libération et d’une farouche volonté de vaincre.

Mais ils n’avaient pas alors, sauf en Russie, de parti communiste pour les organiser et les guider. La deuxième Internationale socialiste les trahit et sauva Ha bourgeoisie. Le prolétariat européen fut vaincu et la Révolution russe resta seule, encerclée, bloquée, assiégée.

La bourgeoisie fit payer cher à la classe ouvrière son inquiétude d’un jour. Elle réprima le mouvement prolétarien avec une férocité sans exemple dans l’histoire.


En Hongrie d’abord/où la Révolution fut trahie par les social-démocrates et les syndicalistes-réformistes, de connivence avec les généraux alliés, la réaction se livra à des vengeances atroces. En Allemagne, les social-démocrates eux-mêmes se firent les bourreaux des ouvriers de Berlin, de Munich et de la Ruhr.

Les pays limitrophes de la Russie, la Finlande, les États baltiques, et la Pologne furent plantés de potences et de poteaux d’exécution, leurs prisons bondées de prolétaires et de révolutionnaires. L’Italie, l’Espagne et la Bulgarie, conquises par des coups de force réactionnaires, sont devenues des bagnes pour les ouvriers. Une réaction implacable règne sur une grande partie de l’Europe.

Mais si le prolétariat fut momentanément vaincu, il n’est pas écrasé. En dépit des exactions de la bourgeoisie et de la social-démocratie, il a repris conscience de sa force.

Et, malgré des persécutions sans nombre, des partis communistes sont nés dans tous les pays, une nouvelle Internationale révolutionnaire s’est formée et grandit, appuyée sur la Révolution russe irréductible. Le mouvement communiste se développe et se fortifie, gagne des masses et tient tête aux gouvernements bourgeois.

En même temps que l’idée et l’organisation communistes progressent, la faillite de la démocratie bourgeoise s’avère irrémédiable. La soi-disant Société des Nations est un objet de dérision universelle— dans son impuissance caricaturale.

Les partis démocratiques, complices actifs ou passifs de la terreur blanche tombent dans le discrédit. Partout, la lutte des classes s’amplifie et le combat se livre entre la réaction et la révolution,

La France impérialiste a précipité encore les événements qui aboutiront à son désastre, en donnant cours aux appétits insatiables de sa ploutocratie dominante.

Elle a envahi les plus riches territoires allemands, occupé la Ruhr, sous le prétexte public d’imposer l’exécution du traité de Versailles, eu réalité pour assurer l’hégémonie du monde industriel. Maïs déjà, la rivalité des groupes capitalistes concurrents lui vaut l’hostilité de ses, alliés de guerre, bien résolus à contrecarrer sa monstrueuse expansion.

La France impérialiste a, contre elle, non seulement tous les peuples qui haïssent l’oppression, mais tous les capitalismes qui jalousent son insolente fortune.

Par son opération criminelle de la Ruhr, elle a définitivement consacré la faillite du chiffon de papier de Versailles, de ses signatures sans valeur arrachées par la violence et répudiées par les travailleurs des deux continents. Elle n’a réussi qu’à ruiner l’Allemagne laborieuse, à affamer cruellement un grand peuple, en attendant d’infliger la même ruine et la même famine au peuple français.

Les premiers signes de la débâcle sont apparus. La monnaie française subit une dépréciation qui rappelle celle de l’argent allemand, trois ans plus tôt. Le prix de la vie s’élève sans arrêt.

Les salaires ouvriers perdent chaque jour de leur valeur réelle. Les classes moyennes sont menacées dans leur niveau d’existence. Le gouvernement, après avoir masqué l’état précaire de ses finances avec le concours de la presse pourrie, avoue la gravité de la situation et recourt à des procédures d’exception.

Un parlement domestiqué s’apprête à voter sept milliards, de nouveaux impôts qui retomberont sur la masse travailleuse.

Les projets de loi d’intérêt social sont écartés, la loi de huit heures menacée d’abrogation.

De quelque côté que se tourne la ploutocratie française, elle ne voit que des ennemis, car mieux vaut ne pas parler de ses vassaux, acquis au prix de milliards et qui l’abandonneront dès qu’il n’y aura plus d’argent à toucher. Et voici qu’elle doit compter avec une renaissance manifeste du mouvement prolétarien occidental.

En Allemagne, le Parti Communiste est devenu la force dirigeante du prolétariat éveillé; près d’engager la lutte pour la révolution, il a dû ajourner son effort décisif devant la félonie renouvelée de la social-démocratie ; mais la situation reste profondément révolutionnaire et les masses ouvrières, réduites à une condition misérable, donneront l’assaut contre la bourgeoisie lorsqu’elles auront, éliminé leurs dirigeants indignes et seront convaincues de la nécessité d’engager une lutte sans merci.

En Angleterre la conscience de classe du prolétariat s’est exprimée sous la traditionnelle forme parlementaire, en attendant des expressions plus efficaces. Mais en ouvrant au Labour Party le chemin du pouvoir, elle franchit une étape indispensable vers la lutte révolutionnaire et dresse contre l’impérialisme français un obstacle d’importance.

Et en attendant l’inévitable déception que le gouvernement travailliste apportera aux ouvriers britanniques, par l’usage des moyens parlementaires et des procédures démocratiques, inventés pour consolider le régime bourgeois, le Labour Party ne pourra pas ne pas s’opposer aux menées impérialistes de la France.

Le déclin de l’impérialisme occidental fait un saisissant contraste avec l’essor ininterrompu de la grande Union des Républiques soviétiques.

Cette révolution russe, si décriée, si honnie, si bafouée, si calomniée, si accablée d’ennemis à l’intérieur et à l’extérieur, elle est debout, plus forte que jamais, après six ans de lutte, invaincue, invincible. Seule, la République soviétique, livrée au travail pacifique et constructeur, donne au monde l’exemple de la prospérité, de la création, de la vraie grandeur.

Les États bourgeois, qui avaient juré la perte du premier État prolétarien, se résignent à lui reconnaître le droit à l’existence, s’avouent impuissants même à l’ignorer. La reconnaissance de la République des Soviets est partout à l’ordre du jour.

L’Italie fasciste et l’Angleterre travailliste s’apprêtent à la proclamer, La France réactionnaire elle-même devra tôt ou tard s’y décider. C’est la victoire indiscutable de la Révolution prolétarienne sur un sixième du globe, la victoire du Parti Communiste de Russie.

Les communistes de toute la terre sont fiers de leurs frères russes et n’aspirent qu’à les égaler.

Le Parti Communiste français déclare qu’il mènera sans répit une guerre implacable au régime de sang de l’impérialisme et que, dans sa conscience du rôle particulièrement néfaste, de l’impérialisme français, il redoublera d’efforts pour le briser. Avec l’année 1924 commence une lutte opiniâtre pour la formation en France du Bloc des ouvriers et des paysans travailleurs, pour l’avènement au pouvoir d’un gouvernement ouvrier et paysan, étape vers la révolution.

Les travailleurs français, les exploités, les opprimés, tous ceux qui aspirent à la justice sociale, se rallieront au seul parti dont l’intérêt s’identifie au leur, dont la raison d’être est de faire triompher leur cause.

Les travailleurs du monde entier, pour aider à la victoire de leurs frères de France, grossiront les rangs de l’Internationale communiste.

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !

Unissez-vous sous le signe de la Troisième Internationale !

Le IIIe congrès du Parti Communiste français

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et la bolchevisation du Parti Communiste
Section Française de l’Internationale Communiste