Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Résolution du Bureau d’information sur la situation dans le Parti Communiste de Yougoslavie

    Juin 1948

    Le Bureau d’information, composé des représentants du Parti Ouvrier (Communiste) Bulgare, du Parti Ouvrier Roumain, du Parti des Travailleurs Hongrois, du Parti Ouvrier Polonais, du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., du Parti Communiste Français, du Parti Communiste de Tchécoslovaquie et du Parti Communiste Italien, ayant discuté la question de la situation existant dans le Parti Communiste de Yougoslavie et constatant que les représentants du Parti Communiste de Yougoslavie ont refusé de venir à la session du Bureau d’information, a adopté à l’unanimité les conclusions suivantes :

    Le Bureau d’Information remarque que la direction du Parti Communiste de Yougoslavie suit ces derniers temps, dans les questions principales de la politique extérieure et intérieure, une ligne fausse représentant l’abandon de la doctrine marxiste-léniniste.

    En conséquence, le Bureau d’information approuve l’action du Comité Central du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., qui a pris l’initiative de dévoiler la politique fausse du Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie et, avant tout, celle des camarades Tito, Kardelj, Djilas et Rankovie.

    Le Bureau d’information constate que la direction du Parti Communiste de Yougoslavie poursuit une politique inamicale à l’égard de l’Union Soviétique et du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S.

    On a laissé se développer en Yougoslavie une politique indigne de diffamation contre les spécialistes militaires soviétiques et de discrédit de l’Année Soviétique.

    En ce qui concerne les spécialistes civils soviétiques en Yougoslavie, on a créé pour eux un régime spécial en vertu duquel ils ont été soumis à la surveillance des organes de sécurité d’Etat de Yougoslavie et ils ont été suivis par des agents.

    Le représentant du Parti Communiste (bolchevik) de l’U.R.S.S. dans le Bureau d’information, le camarade Youdine, et nombre de représentants officiels de l’U.R.S.S. en Yougoslavie ont été soumis à la même surveillance de la part des organes de sécurité d’Etat de Yougoslavie.

    Tous ces faits et d’autres faits semblables témoignent que les dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie ont adopté une position indigne pour des communistes : les dirigeants yougoslaves ont commencé à identifier la politique extérieure de l’U R.S.S. avec celle des puissances impérialistes et se comportent envers l’U.R.S.S. comme à l’égard des Etats bourgeois.

    En conséquence de cette attitude antisoviétique, dans le Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie s’est répandue une propagande calomniatrice sur la « dégénérescence » du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., sur la « dégénérescence » de l’U.R.S.S., etc., empruntée à l’arsenal du trotskisme contre-révolutionnaire.

    Le Bureau d’information condamne cette orientation anti
    soviétique des dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie,
    incompatible avec le marxisme-léninisme et ne convenant qu’à
    des nationalistes.

    Dans leur politique à l’intérieur du pays, les dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie abandonnent les positions de la classe ouvrière et rompent avec la théorie marxiste des classes et de la lutte des classes.

    Ils nient le fait de l’accroissement des éléments capitalistes dans leur pays et l’accentuation de la lutte des classes dans la campagne yougoslave, qui en découle.

    Cette négation a son origine dans la thèse opportuniste selon laquelle, dans la période de transition du capitalisme au socialisme, la lutte des classes ne s’accentuerait pas, comme l’apprend le marxisme-léninisme, mais s’affaiblirait, comme l’affirmaient les opportunistes du type Boukharine, qui propageait la théorie d’une intégration pacifique du capitalisme au socialisme.

    Les dirigeants yougoslaves poursuivent une politique fausse a la campagne, en ignorant la différenciation des classes à la campagne et en considérant les paysans individuels comme un tout unique, en dépit de l’enseignement marxiste-léniniste sur les classes et la lutte de classes, en dépit de la thèse connue de Lénine selon laquelle la petite exploitation individuelle engendre constamment, chaque jour, chaque heure, spontanément et à une grande échelle le capitalisme et la bourgeoisie.

    Or, la situation politique dans la campagne yougoslave ne donne aucune raison de suffisance et d’insouciance.

    Dans les conditions de prédominance en Yougoslavie de la petite exploitation paysanne individuelle — la nationalisation de la terre n’étant pas réalisée et la propriété privée de la terre continuant à exister, l’achat et la vente des terres étant libres, les koulaks concentrant dans leurs mains de grandes propriétés terriennes et le travail salarié étant employé, etc. — on ne peut pas éduquer le parti dans l’esprit de l’apaisement de la lutte de classes et de l’effacement des contradictions de classes, sans le désarmer devant les difficultés de la construction du socialisme.

    Les dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie glissent de la voie marxiste-léniniste dans la voie du parti des koulaks et des populistes, sur la question du rôle dirigeant de la classe ouvrière, en affirmant que les paysans constituent « la base la plus solide de l’Etat yougoslave ».

    Lénine nous enseigne que le prolétariat « comme seule classe révolutionnaire jusqu’à la fin de la société moderne… doit avoir le rôle dirigeant, l’hégémonie dans la lutte du peuple entier pour la transformation démocratique complète, dans la lutte de tous les travailleurs et exploités contre les oppresseurs et les exploiteurs ».

    Les dirigeants yougoslaves violent cette thèse du marxisme-léninisme.

    En ce qui concerne la paysannerie, sa majorité, c’est-à-dire les paysans pauvres et moyens, peut s’allier on s’est déjà alliée à la classe ouvrière, le rôle dirigeant dans cette alliance appartenant à cette dernière.

    L’orientation sus-indiquée des dirigeants yougoslaves viole
    cette thèse du marxisme-léninisme.

    Comme on le voit, cette orientation reflète un point de vue convenant aux nationalisées petits-bourgeois, mais non aux marxistes-léninistes.

    Le Bureau d’information estime que la direction du Parti Communiste de Yougoslavie révise la doctrine marxiste-léniniste sur le parti.

    Selon la théorie marxiste-léniniste, le parti est la force dirigeante principale dans le pays, ayant son propre programme et ne se dissolvant pas dans la masse des sans-parti.

    Le parti est la forme supérieure de l’organisation et l’arme la plus importante de la classe ouvrière.

    Mais en Yougoslavie c’est le Front Populaire et non le Parti Communiste qui est considéré comme la force dirigeante dans le pays.

    Les dirigeants yougoslaves abaissent le rôle du Parti Communiste ; ils le dissolvent en effet dans le Front Populaire des sans-parti, qui comprend des éléments très différents du point de vue de classe (ouvriers, paysans travailleurs ayant une exploitation individuelle, koulaks, commerçants, petits fabricants, intellectuels bourgeois, etc.), ainsi que des groupements politiques de toute sorte, y compris certains partis bourgeois.

    Les dirigeants yougoslaves s’entêtent à ne pas reconnaître la fausseté de leur orientation, selon laquelle le Parti Communiste de Yougoslavie ne peut pas et ne devrait pas avoir son propre programme particulier, mais doit se contenter du programme du Front Populaire.

    Le fait qu’en Yougoslavie seul le Front Populaire agit sur l’arène politique, tandis que le parti et ses organisations ne se présentent pas ouvertement devant le peuple, non seule ment abaisse le rôle du Parti dans la vie politique du pays, mais sape le Parti comme force politique indépendante appelée à conquérir la confiance grandissante du peuple et à attirer sous son influence des masses toujours plus larges de travailleurs, par une activité politique ouverte et par la propagation ouverte de ses points de vue et de son programme.

    Les dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie répètent les fautes des menchéviks russes concernant la dissolution du parti marxiste dans l’organisation des masses de sans-parti.

    Tout cela témoigne de l’existence des tendances liquidatrices
    à l’égard du Parti Communiste en Yougoslavie.

    Le Bureau d’information estime qu’une telle politique du Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie menace l’existence même du Parti Communiste et, en fin de compte, comporte le danger de dégénérescence de la République Populaire de Yougoslavie.

    Le Bureau d’information considère que le régime bureaucratique créé par les dirigeants yougoslaves dans le Parti est néfaste pour la vie et le développement du Parti Communiste de Yougoslavie.

    Dans le Parti, il n’y a ni démocratie intérieure, ni éligibilité des organes dirigeants, ni critique et autocritique.

    En dépit des assertions sans fondement des camarades Tito et Kardelj, le Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie se compose en majorité de membres cooptés et non élus.

    Le Parti Communiste se trouve en réalité dans une situation semi-légale.

    Les réunions du Parti ne sont pas convoquées ou le sont dans le secret, ce qui ne peut pas ne pas nuire à l’influence du Parti dans les masses.

    Cette forme d’organisation du Parti Communiste de Yougoslavie ne peut être qualifiée que de sectaire et bureaucratique.

    Cela mène à la liquidation du Parti en tant qu’organisme actif
    et indépendant, développe dans le Parti les méthodes militaires
    de direction, semblables aux méthodes propagées autrefois
    par Trotski.

    Il est tout à fait intolérable que dans le Parti Communiste de Yougoslavie soient foulés aux pieds les droits les plus élémentaires des membres du Parti, la moindre critique des ordres injustes dans le Parti attirant des représailles sévères.

    Le Bureau d’information considère comme infâmes des faits tels que l’exclusion du Parti et l’arrestation des membres du Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie, les camarades Jujovic et Hebrang, frappés pour avoir osé critiquer les tendances antisoviétiques des dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie et osé se prononcer pour l’amitié entre la Yougoslavie et l’U.R.S.S.

    Le Bureau d’information considère qu’on ne peut pas tolérer dans le Parti Communiste un régime aussi honteux, purement despotique et terroriste.

    L’intérêt du développement et de l’existence même du Parti Communiste de Yougoslavie exige qu’on mette fin à un tel régime.

    Le Bureau d’information considère que la critique des fautes du Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie, de la part du Comité Central du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S. et des Comités Centraux d’autres Partis Communistes, représente une aide fraternelle au Parti Communiste de Yougoslavie et crée pour la direction de ce Parti toutes les conditions nécessaires a la correction aussi rapide que possible des fautes commises.

    Mais au lieu de reconnaître honnêtement cette critique et d’utiliser la voie de la correction bolchévik des fautes commises, les dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie, en proie à une ambition sans bornes, à l’arrogance et à la présomption, ont accueilli la critique avec animosité, ont manifesté de l’hostilité envers elle et se sont engagés dans une voie anti-parti, en niant complètement leurs fautes, en repoussant la théorie marxiste-léniniste concernant la position d’un parti politique envers ses fautes et en aggravant ainsi leurs fautes contre le parti.

    Les dirigeants yougoslaves, qui se sont avérés sans arguments devant la critique du Comité Central du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S. et des Comités Centraux d’autres Partis frères, ont pris la voie du mensonge flagrant à l’égard de leur parti et de leur peuple, en cachant au Parti Communiste de Yougoslavie la critique de la politique fausse du Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie, en dissimulant au parti et au peuple les causes réelles de la répression infligée aux camarades Jujovic et Hebrang.

    Ces derniers temps, déjà, après la critique faite par le Comité Central du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S. et des Partis frères des fautes commises par les dirigeants yougoslaves, ceux-ci ont tenté de promouvoir un certain nombre de nouvelles dispositions gauchistes.

    Les dirigeants yougoslaves se sont empressés de publier une nouvelle loi sur la nationalisation du petit commerce et des petites industries, loi dont l’application n’a nullement été préparée, si bien que cette précipitation ne peut qu’entraver le ravitaillement de la population yougoslave.

    C’est avec la même précipitation qu’ils ont promulgué une nouvelle loi relative à l’impôt sur le blé pour les paysans, loi qui n’a pas été non plus préparée et qui peut en conséquence compromettre l’approvisionnement de la population des villes en blé.

    Enfin, les dirigeants yougoslaves ont annoncé d’une manière tout à fait inattendue, par des déclarations tapageuses, leur amour et leur attachement envers l’Union Soviétique, alors qu’il est bien connu que dans la pratique ils ont poursuivi jusqu’à présent une politique inamicale envers l’U.R.S.S.

    Mais ce n’est pas tout.

    Les dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie déclaraient ces derniers temps, avec beaucoup d’aplomb, qu’ils mèneraient une politique de liquidation des éléments capitalistes en Yougoslavie. Dans leur lettre adressée au Comité Central du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., en date du 13 avril dernier, Tito et Kardelj ont écrit que « la session plénière du Comité Central avait adopté des mesures proposées par le Bureau Politique du Comité Central, visant la liquidation des restes du capitalisme dans le pays ».

    Conformément à cette orientation, dans son discours prononcé à l’Assemblée de la République Fédérative Populaire de Yougoslavie, le 25 avril, Kardelj a déclaré : « Dans notre pays, les jours sont comptés pour tous les restes de l’exploitation de l’homme par l’homme. »

    Cette orientation des dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie, visant la liquidation des éléments capitalistes dans les conditions actuelles de la Yougoslavie, y compris la liquidation des koulaks en tant que classe, ne peut être qualifiée que d’aventuriste et non-marxiste.

    Il est impossible de résoudre cette tâche tant que prédomine dans le pays une exploitation individuelle paysanne, qui engendre inévitablement le capitalisme, avant que ne soient préparées les conditions de la collectivisation massive dans l’agriculture, avant que la majorité des paysans ne soit convaincue de la supériorité des méthodes collectives dans l’agriculture.

    L’expérience du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S. témoigne que la liquidation de la dernière et la plus nombreuse classe d’exploiteurs — la classe des koulaks — n’est possible que sur la base de la collectivisation en masse dans l’agriculture, et que la liquidation des koulaks en tant que classe est une partie intégrante de ia collectivisation de l’agriculture.

    Afin de liquider avec succès les koulaks en tant que classe, et, par conséquent, les éléments capitalistes à la campagne, le Parti doit accomplir un long travail préparatoire et préliminaire pour limiter les éléments capitalistes à la campagne, pour renforcer l’alliance de la classe ouvrière avec la paysannerie, sous la direction de la classe ouvrière, pour développer l’industrie socialiste capable d’organiser la production des machines nécessaires au travail collectif dans l’agriculture.

    La précipitation dans ce cas ne peut que causer des préjudices irréparables.

    Le passage de la limitation des éléments capitalistes à la campagne à leur liquidation n’est possible que sur la base de ces mesures soigneusement préparées et conséquemment appliquées.

    Toutes les tentatives des dirigeants yougoslaves pour résoudre cette tâche précipitamment et par la voie de décrets bureaucratiques ne représentent qu’une aventure vouée d’avance à l’échec ou une vantardise démagogique dépourvue de fondement.

    Le Bureau d’information estime que les dirigeants yougoslaves, en utilisant une tactique aussi fausse et démagogique,
    veulent démontrer qu’ils se tiennent non seulement sur le
    terrain de la lutte de classes, mais qu’ils dépassent même les
    exigences qu’on pourrait présenter au Parti Communiste de
    Yougoslavie dans le domaine de la limitation des éléments
    capitalistes du point de vue des possibilités réelles.

    Le Bureau d’information considère que les décrets et les déclarations gauchistes des dirigeants yougoslaves, n’étant que démagogiques et irréalisables dans le moment présent, ne peuvent que compromettre la cause de la construction socialiste en Yougoslavie.

    Aussi le Bureau d’information apprécie-t-il une telle tactique aventuriste comme une manœuvre indigne et comme un jeu politique inadmissible.

    Comme on le voit, les mesures et les déclarations démagogiques et gauchistes sus-mentionnées des dirigeants yougoslaves ont pour but de masquer leur relus de reconnaître et de corriger honnêtement leurs fautes.

    Tenant compte de la situation créée dans le Parti Communiste de Yougoslavie et s’efforçant de montrer une issue aux dirigeants du Parti Communiste Yougoslave, le Comité Central du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S. et les Comités Centraux d’autres Partis frères ont proposé d’examiner la question de la situation dans le Parti Communiste de Yougoslavie à la session du Bureau d’information, sur la base des principes qui règlent la vie normale des partis, comme cela eut lieu à la première session du Bureau d’information, où fut examinée l’activité d’autres Partis Communistes.

    Mais les dirigeants yougoslaves ont opposé leur refus aux propositions répétées des Partis Communistes frères de discuter la question de la situation dans le Parti Communiste de Yougoslavie au Bureau d’information.

    Essayant de fuir la critique juste des Partis frères au Bureau d’information, les dirigeants yougoslaves ont inventé une version sur leur position soi-disant inégale.

    Il convient de dire que cette version ne correspond en rien à la vérité.

    Il est bien connu que lors de l’organisation du Bureau d’information, les Partis Communistes partaient de la thèse indiscutable selon laquelle chaque parti devra rendre compte de son activité au Bureau d’information, et n’importe quel parti a le droit de critiquer les autres partis.

    Le Parti Communiste de Yougoslavie a largement utilisé ce droit à la première Conférence des neuf Partis Communistes.

    Le refus des Yougoslaves de rendre compte de leurs actes au Bureau d’information, d’écouter les remarques critiques des autres Partis Communistes, signifie en fait une violation du principe de l’égalité des Partis Communistes, équivalant à la demande de créer pour le Parti Communiste de Yougoslavie une position privilégiée au Bureau d’information.

    Tenant compte de ce qui précède, le Bureau d’information se solidarise avec l’appréciation de la situation dans le Parti Communiste Yougoslave et avec la critique des fautes commises par le Comité Central de ce Parti, comme avec l’analyse politique de ces fautes, exposées dans les lettres du Comité Central du Parti Communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., envoyées au Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie, du mois de mars au mois de mai 1948.

    Le Bureau d’Information est unanime à conclure que les dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie — par leurs vues antisoviétiques et étrangères au parti, incompatibles avec le marxisme-léninisme, par toute leur conduite et leur refus de participer à la session du Bureau d’information — se sont mis dans l’opposition envers les Partis Communistes adhérents au Bureau d’information ; qu’ils se sont engagés dans la voie de la division du front unique socialiste contre l’impérialisme, dans la voie de la trahison de la cause de la solidarité internationale des travailleurs et dans le passage aux positions du nationalisme.

    Le Bureau d’information condamne cette politique antiparti et l’attitude du Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie.
    Le Bureau d’information constate qu’en raison de tout ce qui a été exposé le Comité Central du Parti Communiste de Yougoslavie se met et met le Parti Communiste Yougoslave en dehors de la famille des Partis Communistes frères, en dehors du front communiste unique et, par conséquent, en dehors du Bureau d’information.

    Le Bureau d’information estime que toutes ces fautes des dirigeants du Parti Communiste Yougoslave découlent du fait indiscutable que les éléments nationalistes, qui existaient auparavant sous une forme voilée, ont pris le dessus au cours des cinq ou six derniers mois dans la direction du Parti Communiste de Yougoslavie, que les dirigeants du Parti Communiste de Yougoslavie ont rompu avec les traditions internationalistes de ce Parti et se sont engagés dans la voie du
    nationalisme.

    Les dirigeants yougoslaves, surestimant les forces nationales intérieures et les possibilités de la Yougoslavie, croient qu’ils peuvent conserver l’indépendance de la Yougoslavie et créer le socialisme sans le soutien des Partis Communistes des autres pays, sans le soutien des pays de démocratie populaire, sans le soutien de I’U.R.S.S.

    Ils croient que la nouvelle Yougoslavie peut se passer de l’appui de ces forces révolutionnaires.

    Mais les dirigeants yougoslaves, s’orientant mal dans la situation internationale et intimidés par le chantage à la menace des impérialistes, estiment qu’ils pourraient gagner la bienveillance des Etats impérialistes par des concessions faites à ces Etats, s’entendre avec eux sur l’indépendance de la Yougoslavie et inculquer peu à peu au peuple yougoslave l’orientation vers ces Etats, c’est-à-dire l’orientation vers le capitalisme.

    En faisant cela, ils partent tacitement d’une thèse nationaliste bourgeoise bien connue, selon laquelle « les Etats capitalistes présentent un moindre danger que l’U R.S.S. pour l’indépendance de la Yougoslavie ».

    Les dirigeants yougoslaves ne comprennent probablement pas, ou peut-être font semblant de ne pas comprendre, qu’une pareille thèse nationaliste ne peut aboutir qu’à la dégénérescence de la Yougoslavie en une République bourgeoise ordinaire, à la perte de l’indépendance de la Yougoslavie et à sa transformation en une colonie des pays impérialistes.

    Le Bureau d’information ne doute pas qu’il y a au sein du Parti Communiste Yougoslave des éléments sains, fidèles au marxisme-léninisme, fidèles aux traditions internationalistes
    du Parti Communiste Yougoslave, fidèles au front socialiste
    unique.

    A ces forces saines du Parti Communiste de Yougoslavie
    incombe la tâche d’obliger leurs dirigeants actuels à reconnaître ouvertement et honnêtement leurs fautes et à les corriger, à rompre avec le nationalisme, à revenir à l’internationalisme et à renforcer par tous les moyens le front socialiste unique contre l’impérialisme; ou bien, si les dirigeants actuels du Parti Communiste de Yougoslavie s’en montrent incapables, de les changer et de promouvoir une nouvelle direction internationaliste du Parti Communiste de Yougoslavie.

    Le Bureau d’information ne doute pas que le Parti Communiste de Yougoslavie puisse accomplir cette tâche d’honneur.

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  • Le matérialisme dialectique et la définition par la négative pour saisir les deux opposés

    Le rêve du peuple est devenu réalité !

    La dialectique implique que toute avancée a comme opposé le recul. L’avancée s’oppose au recul : lorsqu’on avance, on ne recule pas, et inversement.

    En même temps, toute avancée est un recul et tout recul est une avancée.

    On a également le recul qui se transforme en avancée, l’avancée en recul.

    Les opposés ne sont pas figés l’un par rapport à l’autre : ils s’opposent mais en même temps ils coexistent, ils se succèdent, ils se remplacent l’un l’autre, ils deviennent l’un l’autre.

    Il a été appelé nexus le moment de tension maximale de la contradiction, le point où chaque opposé devient l’autre au maximum, tout en restant lui-même, provoquant le saut qualitatif.

    C’est une manière de voir les choses qui clarifie beaucoup le processus du saut, du bond en avant.

    Il faut néanmoins définir de manière plus approfondie ce qui signifie que toute avancée est un recul et tout recul est une avancée.

    Il y a, en effet, deux aspects. Il y a déjà que toute avancée signifie un recul : en général il y a avancée, mais de par le développement inégal, il y a recul en particulier à un certain niveau. C’est valable pour le recul également, bien entendu.

    Il y a ensuite que toute avancée signifie un recul en même temps, tout comme un recul signifie une avancée. C’est le paradoxe dialectique : un recul est en fait une avancée, une avancée est en fait un recul.

    Lorsque la guerre commence en 1914, le mouvement ouvrier connaît un recul terrible, mais c’est en même temps quelque part une avancée, puisque la première vague de la révolution mondiale se lance en 1917.

    Il y a un renversement, mais en même temps pour que cela ait eu lieu, cela veut dire que le recul a en même temps été une avancée, sans quoi l’avancée n’aurait pas pu exister par la suite.

    Toute la question est ici, si l’on préfère, de savoir si le recul de 1914 a en même temps été une avancée, ou s’il implique une avancée par la suite, de par son existence même. Les deux sont vrais, mais dans quelle mesure ?

    Prenons une voiture qui avance.

    Elle ne recule pas et, même, le fait d’avancer ne semble impliquer aucunement qu’en même temps qu’elle avance, elle serait en train de reculer.

    Quand on tombe, on ne part pas vers le haut ; quand on va vers la gauche, on ne va pas en même temps vers la droite.

    Quand on prend quelque chose de la main droite, on n’agit pas en même temps pareillement de la main gauche ; lorsqu’on lance quelque chose dans une direction, on ne projette rien en sens inverse.

    Ou encore, quand on dort, on n’est pas éveillé et il n’y a rien qui semble montrer qu’en même temps qu’on dort, on est en partie éveillé.

    Ce dernier exemple est intéressant, car on sait combien le fait de dormir reste très mystérieux encore sur le plan de l’activité cérébrale. Et inversement le fait d’être éveillé voudrait dire ici qu’en même temps, on dort.

    Essayons de voir ce que cela signifierait pour les autres exemples.

    Déjà, on peut s’apercevoir que les notions de haut et de bas, de gauche et de droite sont relatives. On peut dire que le haut est le bas et le bas le haut, tout dépend du référentiel.

    On peut plutôt se tourner vers l’exemple de la lancée d’un objet. On jette une balle dans une direction, elle ne va pas en même temps dans l’autre direction.

    Et, pourtant, c’est bien le cas, sauf qu’elle ne le fait pas.

    Pourquoi ? Parce que lorsqu’on jette une balle, on fournit une énergie pour compenser la gravité pendant un certain temps. La lancée n’est pas quelque chose de positif, mais de négatif : on s’oppose à la gravité, de manière relative et temporaire.

    Autrement dit, si on définit les choses par la négative et non plus la positive, alors on peut voir que faire une chose, c’est faire son inverse.

    Cela renverse tout : le contraire d’aller à gauche, ce n’est pas d’aller à droite, mais de ne pas aller à gauche. Le fait d’aller en haut n’a pas comme contraire d’aller en bas, mais de ne pas aller en haut.

    La voiture avance et son contraire n’est pas de reculer, mais de ne pas avancer. Avancer et reculer sont la même chose, mais dans deux directions opposées seulement du point de vue du référentiel. Que la voiture recule ou fasse demi-tour revient au même.

    Maintenant, il faut faire attention. Est-on ici vraiment dans les opposés, ou simplement dans la question de l’identité ?

    Une chose est et n’est pas, en même temps, car elle se transforme.

    Le fait d’avancer et de ne pas avancer sont-ils des contraires, ou bien correspondent-ils à l’identité de la chose, qui avance et n’avance pas en même temps, car elle est et elle n’est pas, en même temps ?

    On est, en fait, bien dans les opposés, car on ne parle pas de la chose qui avance, mais de l’avancée elle-même.

    C’est ce qui fait que lorsque la voiture démarre, on a l’impression d’être tiré en arrière sur son siège, alors qu’en fait on est poussé en avant par le siège. L’inverse se produit lorsque la voiture ralentit, car le corps conserve la vitesse initiale de la voiture, par inertie.

    Toute cette question est, finalement, extrêmement complexe, car ce dont il s’agit, c’est de voir comment quelque chose allant dans un sens implique que, forcément, il y ait un mouvement dans l’autre sens en même temps.

    Et on sait comment l’humanité a pu faire un fétiche parfois de la souffrance, la liant à la joie, en raison de l’intensité et du fait que, forcément, la joie implique ou « contient » de la souffrance comme opposé.

    Ce n’est pas seulement ici que toute détermination est négation.

    C’est que la négation est la détermination, et que l’affirmation est une négation de l’inverse de l’affirmation en même temps qu’il y a cette affirmation.

    Notre univers est en miroir, systématiquement, partout et tout le temps.

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    sur le matérialisme dialectique

  • Le matérialisme dialectique et l’infini de l’addition-soustraction et de la multiplication-division

    Bien-aimé Staline – le bonheur du peuple !

    Si on prend 5 et on enlève 3, on obtient 2.

    On peut refaire le processus dans l’autre sens, prendre 2, ajouter 3 et obtenir 5.

    Le processus peut être mené dans un va-et-vient incessant, rien ne vient l’empêcher.

    Or, tout processus est contradictoire et tout processus connaît un saut qualitatif.

    Pour cette raison, on peut considérer que 5 – 3 = 2 et 2 + 3 = 5 sont des opposés.

    Cependant, où est alors le saut qualitatif ?

    Pour le voir, il faut se tourner vers les opposés.

    5 – 3 = 2

    2 + 3 = 5

    Dans un cas, on a une soustraction, dans l’autre cas une addition. Dans le premier cas, on enlève quelque chose à 5, dans le second cas, on le lui remet.

    Or, si on peut lui remettre ce qui a été enlevé, cela implique que ce qui a été enlevé relève de 5, sans quoi on ne pourrait pas le lui remettre ensuite.

    Cela veut dire que 5, devenu 2 une fois qu’on lui enlève 3, reste 5 d’une certaine manière, sans quoi il ne pourrait pas redevenir 5 quand on lui remet 3.

    Mieux encore, lorsqu’on a 5 – 3 = 2, il faut considérer que le 2 est le 5 à qui on a enlevé 3.

    On a donc : 5 – 5 = 5, au moins relativement.

    Or, si on enlève 5 à 5, on a 0.

    Donc 5 – 5 = 0.

    Et comme 5 – 5 = 5, alors 5 – 5 = 5 = 0, donc 5 = 0.

    Est-ce juste ? Bien sûr si on a compris que 0, c’est l’infini.

    En fait, chaque nombre relève de l’infini (des nombres) et porte en lui-même l’infini. C’est la dialectique du fini et de l’infini, qui est la nature de notre univers en lui-même.

    On a bien un saut dialectique lorsqu’on a :

    5 – 3 = 2

    2 + 3 = 5

    Le saut dialectique tient à ce qu’on peut recomposer ce qui a été décomposé, puis décomposer ce qui a été recomposé.

    C’est un mouvement infini, qui puise dans le caractère infini du fini, dans le « 0 » qu’on retrouve dans chaque nombre fini.

    Regardons maintenant du côté de la multiplication et de la division.

    Prenons 4 x 2 = 8.

    C’est l’équivalent de 4 pris deux fois, ce qui donne 8.

    C’est également l’équivalent de 2 pris 4 fois, ce qui donne 8.

    On a ici une identité entre 2 et 4, puisqu’on peut échanger leur place.

    Et leur identité implique qu’ils s’annulent : leur existence, se dépasse. Ils reviennent à 0, produisant un saut dialectique en même temps, qui donne 8.

    Maintenant, de par l’opposition entre la multiplication et la division, on peut faire le mouvement « en arrière ».

    On a ainsi

    8 : 4 = 2

    et

    8 : 2 = 4.

    Ici, on voit tout de suite le problème : quel est le contraire de 4 x 2 = 8 ?

    Est-ce 8 : 4 = 2 ou 8 : 2 = 4 ?

    On pourrait décider d’affecter arbitrairement une valeur à l’ordre des nombres dans la multiplication, en disant que le contraire 4 x 2 = 8 est 8 : 4 = 2, et que le contraire de 2 x 4 = 8 est 8 : 2 = 4.

    Mais ce serait nier que 2 x 4 = 8 et 4 x 2 = 8 sont strictement équivalents.

    On a ainsi une contradiction : 2 x 4 = 8 et 4 x 2 = 8 sont équivalents, mais pas 8 : 4 = 2 et 8 : 2 = 4.

    Cela veut dire que 1 devient 2, c’est la dialectique : 2 x 4 = 8 et 4 x 2 = 8 sont identiques, mais produisent deux choses et non une seule si on veut faire le processus inverse.

    Maintenant, revenons en arrière. On a posé que pour l’addition et la soustraction, le mouvement inverse ramenait bien au point de départ.

    5 – 3 = 2

    2 + 3 = 5

    Cependant, cela n’a été vrai que parce qu’on a posé la soustraction avant l’addition. On aurait le même problème que pour la multiplication et la division si on avait posé :

    2 + 3 = 5

    5 – 3 = 2

    On aurait eu alors à se demander si le contraire de 2 + 3 = 5 est 5 – 3 = 2 ou bien 5 – 2 = 3.

    On a maintenant compris ici le processus contradictoire et le saut qualitatif.

    Si on commence par la négation ou la division, alors on peut tomber sur la soustraction et la multiplication, et recommence le processus à l’infini si on suit ce qui a été posé au point de départ.

    Par contre, si on pose l’addition et la multiplication comme étant en premier, on se retrouve coincé si on veut aller en arrière, car la négation ou la division impliquent un ordre, une valeur à l’emplacement des nombres par rapport au signe.

    Or, le matérialisme dialectique enseigne que tout processus va forcément de l’avant. Cela veut dire que, dans la matière, l’addition et la multiplication priment sur la négation ou la division.

    Il n’y a jamais d’abord la négation ou la division, il y a toujours au début l’addition et la multiplication.

    Quant au processus « compliqué » de la soustraction et de la division qui exigent d’avoir un ordre dans les nombres qui n’est pas apparent dans l’addition et la multiplication, ils expriment le reflet du processus d’avancée, du progrès.

    La négation et de la division sont des contraires de l’addition et la multiplication en tant que reflets de ceux-ci comme processus de développement.

    D’où la question de l’emplacement par rapport au signe dans la négation et de la division, comme expression de la nature « miroir » de ces opérations : il s’agit de reflets symétriques, ou non.

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  • Le Xe congrès du Parti Communiste Français

    Le Xe congrès du Parti Communiste Français se tient à Paris du 26 au 30 juin 1945 ; il est présenté comme le « congrès de la Renaissance française » et l’atmosphère est triomphaliste.

    L’idée est qu’il va y avoir une vague « républicaine » ; le Parti Communiste Français représente une nouvelle légitimité et lui-même va se dépasser dans la perspective républicaine.

    Le Xe congrès s’oriente ainsi autour de trois axes : « produire », « renouveler la démocratie par la Constituante », « former le Parti ouvrier français comme fondement de l’union de tous les républicains ».

    Cela implique de reconnaître l’économie capitaliste, puisqu’il faut « produire ». Ici, l’existence des nationalisations dans le cadre du programme de la résistance est censée changer la nature de l’économie, aux yeux du Parti Communiste Français et justifier un tel mot d’ordre.

    Cela implique de reconnaître le régime comme une « démocratie », qui doit être améliorée ou renouvelée. En tout cas, il ne s’agit pas de lutter les armes à la main pour renverser les institutions.

    Cela implique une liquidation des fondements même du Parti, puisqu’il faut passer au « Parti Ouvrier Français » et même à un parti plus large encore, « républicain », si c’est possible.

    Voici les propos extraits de l’intervention de Maurice Thorez au congrès.

    « Le sabotage des patrons défaitistes rejoignait l’incapacité et l’imprévoyance d’un état-major routinier.

    En dépit de tant d’avertissements, le grand état-major français ne croyait pas à la guerre des moteurs. Il s’en tenait aux conceptions périmées de la guerre de position, telle qu’elle s’était déroulée de 1914 à 1918 (…).

    Nombre de grands chefs militaires et d’officiers supérieurs étaient hostiles au peuple et à la République.

    C’est chez eux que la Cagoule recruta ses premiers adhérents : le général Dusseigneur, le colonel Groussard, le commandant Lacanau-Loustau, de l’état-major de Pétain.

    En 1937, les cagoulards comptaient, à Paris seulement, six à sept mille hommes, armés par Hitler et Mussolini, groupés en brigades, régiments et bataillons avec un état-major à quatre bureaux.

    Les cagoulards se livrèrent à de nombreux assassinats, à des provocations criminelles comme celle de la rue de Presbourg [à Paris], où ils firent sauter un immeuble patronal pour accuser de ce crime les militants ouvriers (…).

    Jusque dans les rangs de la classe ouvrière, des hommes comme Paul Faure, secrétaire général du Parti socialiste [aux côtés de Léon Blum, et ayant rallié Vichy], et [René] Belin, secrétait général [en fait en pratique le numéro 2] de la CGT [qui devint ministre du Travail de Vichy, rédigea la charte du travail, devint un des acteurs anticommunistes liés à la CIA par la suite], accomplissaient une abominable besogne de division des forces ouvrières, au profit de Hitler.

    Ils minaient le Front populaire. Ils contribuaient à la désagrégation des forces nationales. Ils professaient un pacifisme pleurnichard et réactionnaire qui tendait à désarmer idéologiquement et matériellement notre classe ouvrière, notre peuple, en face d’un ennemi armé jusqu’aux dents et guettant l’heure favorable pour bondir sur la France comme sur une proie facile (…).

    Les Allemands avaient prétendu nous effrayer, nous terroriser et briser dans l’œuf l’organisation naissante des Francs-Tireurs et Partisans. Le peuple de France riposta en décuplant son effort de lutte. Les détachements de patriotes armés devinrent toujours plus nombreux, plus hardis.

    Certains, cédant à la menace de l’ennemi, avaient dit à la radio : « Ne tuez plus d’Allemands ». Le peuple répondit : « Tuons-en davantage. Vengeons les martyrs. Mort aux envahisseurs. Mort aux traîtres ! ».

    Et les trains allemands déraillèrent ; et les bombes éclatèrent dans les locaux allemands ; et les Francs-Tireurs et Partisans tendirent leurs embuscades, attaquèrent à la grenade et à la mitraillette les détachements hitlériens (…).

    Camarades, le patriotisme des masses populaires a fait échec à la trahison des trusts. La France compte au rang des nations victorieuses.

    Mais notre pays a terriblement souffert (…). Il ne faut pas se le dissimuler : la grandeur de la France est à refaire (…).

    Dix mois après la libération, le tableau de notre situation économique est plutôt sombre et décevant, et les perspectives proches sont loin d’être brillantes (…).

    Partout, incurie, malveillance, sabotage. Le péril est extrême. Il semble que l’on se trouve en présence d’un plan concerté.

    Un même plan de ruine, mis à exécution par les mêmes gens et les mêmes groupements qui avaient conduit le pays à la défaite et à l’invasion.

    Le ministre de l’Économie ne l’a-t-il pas reconnu, lorsqu’il évoqua en termes fleuris la « rétention de la production » ? Les 200 familles, plutôt que de se laisser limiter leurs privilèges, n’hésitent pas à saboter la reprise économique, à désorganiser, à ruiner nos faibles possibilités de production.

    Les trusts poussent la France à l’abîme (…).

    La première condition du redressement de la France, c’est la liquidation totale de Vichy, de l’esprit de Vichy, des méthodes de Vichy, des institutions de Vichy.

    C’est la suppression de toute cette bureaucratie qui a la prétention de tout diriger, de tout réglementer, de fixer arbitrairement les prix et les salaires, de pratiquer ce qu’on appelle pompeusement l’économie dirigée (…).

    La démocratie a vaincu le fascisme. Dans cette bataille gigantesque, où se décidait le sort de la civilisation et de l’humanité, la démocratie s’est avérée supérieure au fascisme et dans tous les domaines : militaire, économique, politique et moral (…).

    La démocratie est une création continue. Déjà, à l’époque du Front populaire, nos assemblées, nos congrès soulignaient que les républicains unis rendaient toute sa valeur au beau mot République (…).

    Le Parti a connu un grand succès aux dernières élections municipales. En moyenne, un Français ou une Française sur quatre a voté pour les listes présentées ou soutenues par notre Parti communiste.

    À Paris, la proportion est d’un sur trois. Dans la banlieue parisienne, les listes communistes ou soutenues par les communistes ont obtenu dès le premier tour près de 60 % des suffrages exprimés. Nos militants administrent 60 des 80 communes du département de la Seine.

    Pour la première fois, des villes de plus de 100 000 habitants (Nantes, Reims, Toulon) ont un maire communiste. De même pour une dizaine de préfectures (dont Limoges, Nîmes, Périgueux, Ajaccio, Tarbes) et une vingtaine de sous-préfectures.

    La statistique officielle a dû reconnaître que nous étions devenus le premier parti dans l’administration des villes de plus de 4 000 habitants (…).

    Idéologiquement, l’arme incomparable du matérialisme dialectique, du marxisme-léninisme, nous a permis de faire exactement le point dans les situations compliquées, de prévoir le déroulement probable des événements, de déterminer en conséquence une politique juste, de formuler des mots d’ordre justes, appropriés aux conditions, aux circonstances du moment, mais tenant compte, chaque fois, des intérêts d’avenir de la classe ouvrière et du peuple de France (…).

    Nous devons être partout à la hauteur de nos responsabilités devant le Parti et devant le pays. Pour parler très clairement, si nos militants étaient avant guerre d’excellents propagandistes, s’ils ont été pendant la guerre les organisateurs et les chefs intrépides des groupes de combat contre les Allemands et leurs complices vichyssois, ils doivent maintenant devenir des hommes politiques, les organisateurs et les guides des grandes masses populaires.

    Selon le mot de Lénine, nous devons maintenant compter par millions (…).

    Quelles considérations doivent nous guider dans le choix des cadres ?

    1. Le dévouement le plus absolu à la cause des travailleurs, à la cause du peuple de France, la fidélité au Parti, dévouement et fidélité vérifiés dans le combat, dans les épreuves ;

    2. La liaison la plus étroite avec les masses. Pas de doctrinaires pédants, mais des chefs populaires, connaissant bien les masses, et connus d’elles ;

    3. L’esprit d’initiative et de responsabilité, la capacité de s’orienter rapidement et de prendre soi-même une décision dans toutes les situations ;

    4. L’esprit de discipline, la fermeté du communiste aussi bien dans la lutte contre les ennemis du peuple que dans l’intransigeance à l’égard de toutes les déviations du marxisme-léninisme, et dans l’application résolue de toutes les décisions prises par les organismes réguliers du Parti (…).

    Par exemple, quelles sont nos tâches dans l’immédiat. Les voici :

    1. Hâter la reconstruction, développer la production ;

    2.Élire l’Assemblée nationale souveraine, qui donnera à la France sa nouvelle Constitution ;

    3. Constituer avec nos frères socialistes le grand Parti ouvrier français (…).

    Notre conclusion, c’est que, tous ensemble, Français et Françaises, nous devons nous atteler résolument à la tâche, tous ensemble et sans tarder, nous devons entreprendre un effort tenace et prolongé, afin de :

    Relever notre économie nationale ;

    Produire et rétablir nos échanges avec l’extérieur ;

    Acheter et vendre ;

    c’est-à-dire :

    Refaire effectivement la grandeur de la France ;

    Assurer les conditions matérielles de son indépendance ;

    Et, pour mener à bien l’œuvre immense de reconstruction économique et de rénovation politique, morale et intellectuelle, nous devons, tous ensemble, Français et Françaises :

    Abattre à jamais la puissance des trusts ;

    Frapper impitoyablement les traîtres ;

    Liquider le vichysme, le pétainisme ;

    Consacrer dans nos prochaines institutions le triomphe de la démocratie.

    Unir, combattre et travailler. Voilà qui demeure notre loi, la loi pour tous les Français, pour toutes les Françaises.

    Unis dans le culte de nos morts glorieux et dans l’amour de notre pays, nous combattrons et nous vaincrons les forces obscures de la réaction, obstacle au progrès et au bonheur, nous travaillerons et nous parviendrons à faire une France démocratique et indépendante, une France libre, forte et heureuse.

    Vive le Parti communiste français !

    Vive la France !

    Vive la République ! »

    Le Xe congrès du Parti Communiste Français se termine sur un Manifeste à la nation. Il est dit clairement que le programme, c’est le programme du Conseil National de la Résistance.

    « Pour que l’effort de production remporte un plein succès, il est indispensable que ceux qui travaillent mangent à leur faim.

    Pour cela, il faut gagner la bataille du ravitaillement, payer des salaires et des traitements suffisants, revaloriser les prix des produits agricoles, augmenter la retraite des vieux travailleurs en l’étendant aux vieux paysans, artisans et petits commerçants, établir une fiscalité équitable et confisquer les biens des traîtres.

    Il est non moins indispensable que l’épuration soit faite résolument dans toutes les branches de l’économie et dans la haute administration. Il est indispensable que soient balayées toutes les institutions odieuses de Vichy, tous les vestiges du fascisme.

    Il est indispensable que les traîtres, à commencer par Pétain, soient rapidement et implacablement châtiés. Il faut enfin que, très vite, les grands moyens de production et d’échange, les monopoles de fait retournent à la nation, que soient supprimés les trusts sans patrie, traîtres à la France.

    Il faut, en un mot, que soit appliqué le programme du Conseil National de la Résistance. »

    Le Parti Communiste Français a enfin réussi à être accepté dans le paysage politique français. Mais cela implique sa propre acceptation de la « France républicaine ».

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    Le Parti Communiste Français
    de la lutte armée à l’acceptation

  • Ce que représente le Parti Communiste Français à la veille de son Xe congrès

    Le Parti Communiste Français tient son Xe congrès en juin 1945 ; c’est le premier après celui de 1937.

    Si on ne doit pas s’étonner qu’il n’ait pas été en mesure d’en tenir un dans la période 1940-1945, il est significatif qu’il n’y en ait pas un qui se soit tenu en 1938 ou en 1939.

    Durant ces deux années, le Front populaire s’est effondré, tout en étant officiellement maintenu, et en disposant d’ailleurs du gouvernement. Le Parti Communiste Français n’a pas voulu affronter une question remettant en cause sa confiance absolue en la « république ».

    Cela se lit dans l’état d’esprit en 1945. Obnubilé par son gauchisme des années 1920 ayant amené son isolement social et culturel, politique et idéologique, le Parti Communiste Français s’est rétabli au moyen de la direction de Maurice Thorez.

    Celui-ci a cependant établi une ligne opportuniste de droite, offrant littéralement le Parti à la « république ». On a la même chose en 1945, de manière encore plus marquée.

    Le Parti, déjà très faible idéologiquement, a ouvert de manière massive ses rangs. D’un côté, il triomphe, puisqu’il y a un million de membres. De l’autre, il est absolument impossible de former ces membres : il n’y a ni les cadres, ni le niveau idéologique.

    Il faut donc, pour tenir, sans cesse renforcer le moteur du légitimisme, la logique « du meilleur élève ».

    L’exemple le plus parlant, c’est le changement de nom de la Jeunesse Communiste. Celle-ci, désormais forte de 500 000 membres, s’appelle désormais Union de la Jeunesse Républicaine de France.

    C’est une liquidation. La dimension politique disparaît d’ailleurs : cette Union édite à partir de juin 1945 l’hebdomadaire Vaillant, qui prend le relais du Jeune Patriote fondé en 1942, qui publiait des textes illustrés sur la Résistance. Et Vaillant deviendra Vaillant le journal le plus captivant, puis Vaillant le journal de Pif, avant de terminer en Pif gadget.

    Un excellent exemple de cette ligne est la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT). Elle est passée d’un peu plus de 50 000 licenciés en août 1945 à un peu plus de 250 000 un an après.

    Mais son identité s’est encore plus adaptée à l’esprit « républicain », puisqu’elle propose la naissance d’une grande fédération unique multisports, avec un article 1 des statuts qui précise qu’il s’agit de former un « citoyen au service d’une République Laïque et Démocratique ».

    C’est une démarche où la stratégie est de former un grand parti républicain, au sens strict même « le » parti républicain unique.

    On a, pour cette raison qui se veut nationale et républicaine, une systématisation de l’adjectif « français ».

    Le Secours Populaire de France et des Colonies devient le Secours Populaire Français. Initialement, le nom était Secours Rouge ! On est clairement dans le révisionnisme, la liquidation.

    Le Front National Universitaire fusionne avec des comités de la zone sud pour former l’Union Française Universitaire. On a l’Union des Femmes Françaises née en 1941 et son association sœur Les amies de l’Union, avec autour de 628 000 membres.

    Le Parti Communiste Français fait comme au moment du Front populaire : il est prêt à tout saborder pour obtenir la reconnaissance, et son activité tient à se présenter comme le « meilleur élève ».

    On a un opportunisme où il est considéré que la France serait une nation allant de manière naturelle au socialisme si l’on empêche une infime minorité d’agir. Il n’y a plus de bourgeoisie, seulement les ouvriers, les paysans, les couches intellectuelles, les classes moyennes et l’oligarchie.

    Le Parti Communiste Français tente donc de mettre en place un vaste front républicain organisé à lui tout seul.

    Les organismes sont absolument tous structurés en fonction de cette conception. On a l’unification en mars 1945 dans une Confédération Générale de l’Agriculture de l’ancienne Confédération générale des Paysans travailleurs avec les Comités de défense et d’action paysanne.

    On a un Comité National des Écrivains, fondé dans l’occupation par Jacques Decour, tout comme on a des organisations rassemblant, par catégories, cadres, techniciens, artistes, avocats, médecins ou encore l’Union des vieux de France.

    Reste la surface. Rien que le million de membres du Parti représente 36 000 cellules, dont un quart sont des cellules d’entreprise.

    Cela permet un écho ininterrompu dans la société. Le Parti diffuse ainsi 11 quotidiens nationaux et 75 hebdomadaires, pour ce qui représente pratiquement le quart de la presse nationale en termes de diffusion.

    Le Parti Communiste Français a également réussi à prendre le contrôle de la CGT reconstitué à la Libération. Celle-ci dispose de 5,5 millions d’adhérents.

    La quantité est donc là. Mais la seule qualité présente, c’est la « république ». Tous les problèmes théoriques, culturels, idéologiques… sont systématiquement résolus en s’appuyant sur le concept de « république française ».

    Immanquablement, il faut ici considérer que c’est la ligne de Jean Jaurès ; en 1945, le Parti Communiste Français apparaît comme la social-démocratie que l’Allemagne a connu avant 1914, ni plus, ni moins.

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    Le Parti Communiste Français
    de la lutte armée à l’acceptation

  • La réponse des socialistes à la proposition du PCF d’un Parti Ouvrier Français

    La réponse du Parti socialiste-SFIO au « Projet de charte d’unité de la classe ouvrière de France »  de juin 1945 fut la suivante, quelques jours plus tard après sa publication.

    « Une mise au point

    L’« HUMANITÉ » du 12 juin a publié un « projet de charte d’unité de la classe ouvrière de France » qui appelle quelques commentaires.

    Le congrès extraordinaire que le Parti socialiste a tenu en novembre 1944 avait réaffirmé la volonté du Parti « d’unir tous les travailleurs intellectuels et manuels en une seule et même organisation », et avait « renouvelé solennellement au Parti communiste français, avec sa loyauté et sa traditionnelle bonne foi, l’offre d’unité déjà faite dans la lutte clandestine ».

    Le Parti communiste étant revenu sur son refus, opposé dans la clandestinité, de créer un comité d’entente, les délégués des deux partis se sont réunis le 4 décembre au siège du Parti communiste, sous la présidence de Vincent Auriol.

    Aux termes du communiqué commun publié à l’issue de cette réunion, « les délégués ont été unanimes :

    1° Pour établir entre les deux partis un climat de compréhension, de cordialité et d’amicale collaboration ;

    2° Pour créer un comité permanent d’entente dans le but d’étudier en commun les problèmes d’actualité et les conditions d’une collaboration confiante en ces matières, ainsi que les modalités de la réalisation de politique de la France laborieuse. »

    Trois sous-commissions furent instituées par comité d’entente ainsi créé : commission d’arbitrage, d’unité d’action, et d’unité organique.

    Les deux premières ont travaillé avec assiduité, tandis qu’il fut entendu, pour ce qui concerne la troisième, que chaque parti présenterait un projet de charte constitutive à l’étude de cette commission et avant toute présentation publique.

    Toutefois, des incidents se sont produits entre militants et organisations locales, incidents qui se sont multipliés pendant et après la campagne électorale.

    Les délégués socialistes au comité d’entente ont saisi les délégués communistes d’un grand nombre de faits regrettables.

    Or, les conditions préalables et les bases solides de toute unité réelle et durable sont la confiance réciproque et la loyauté mutuelle.

    Ces conditions prévues dans la déclaration liminaire, ne paraissant pas remplies, la délégation socialiste a informé les camarades de l’autre délégation que le plus sage et le plus utile était de poursuivre l’unité d’action avant d’examiner les mémoires relatifs à l’unité organique.

    Aussi le comité directeur du Parti socialiste a-t-il été surpris de lire dans l’ « Humanité » un projet de charte qui ne lui avait pas été préalablement communiqué.

    Mais, soucieux de ne rien faire qui puisse provoquer de nouveaux dissentiments, il se refuse à discuter l’opportunité et le fond de ce texte — sur lequel il a tant de réserves à faire ; il estime que le meilleur moyen de préparer l’unité, c’est d’éviter tous incidents et toutes manœuvres de division ou de noyautage et de s’efforcer en chaque occasion de maintenir et de resserrer l’unité d’action sur le plan national pour les grands problèmes.

    Au surplus, la proximité des congrès du Parti communiste (26 au 30 juin) et du Parti socialiste (11 au 15 août) oblige le comité directeur à soumettre l’ensemble de la question à tous les militants du Parti.

    En agissant ainsi, le comité directeur est convaincu qu’il préserve toutes les possibilités d’unité organique à laquelle les socialistes demeurent toujours attachés, cette unité étant une condition du succès de la démocratie et de la République.

    D’autre part, et sans autre polémique publique, le comité directeur a décidé de saisir le comité d’entente de l’ensemble des faits dont il est question ci-dessus.

    LE COMITE DIRECTEUR DU PARTI SOCIALISTE (S.F.I.O.) »

    Au Xe congrès du Parti Communiste Français, en juin 1945, c’est Jacques Duclos qui se chargea du rapport sur l’unité de la classe ouvrière et il y eut de nouveau une tentative de forcer la main aux socialistes.

    Cette fois, cela passa par sept propositions mises en avant pour être remises au Comité directeur du Parti Socialiste « en vue de hâter l’unité ».

    « 1. Le Comité directeur du Parti Socialiste et le Comité central du Parti Communiste se réuniront désormais deux fois par mois en commun pour procéder à l’examen de la situation, pour prendre les décisions que commande cette situation et pour en assurer l’exécution ;

    2. Les Bureaux et les Commissions exécutives des Fédérations Socialistes, les Bureaux et les Comités Régionaux des Régions Communistes agiront de même. Les Sections Socialistes et Communistes se réuniront également en commun ;

    3. Les représentants des deux partis au sein du gouvernement adopteront une position identique sur les problèmes soumis à leur examen ;

    4. Les représentants des deux partis dans les diverses assemblées agiront de concert ; ils tiendront des réunions communes afin d’examiner ensemble les questions soumises aux assemblées dont ils dépendent et déterminer une attitude commune ;

    5. Les deux partis réaliseront, en tout état de cause, l’unité de candidature dès les prochaines élections sans préjudice des accords qui pourraient être conclus avec d’autres groupements, selon les circonstances ;

    6. La propagande sera désormais organisée en commun à travers tout le pays en rassemblant les hommes et les moyens dont disposent les deux partis ;

    7. Un accord interviendra sans délai pour régler la collaboration de camarades socialistes à l’Humanité et à l’ensemble de la presse communiste ainsi que la collaboration de camarades communistes au Populaire et à l’ensemble de la presse socialiste. »

    Le Parti socialiste-SFIO répondit à l’occasion de son congrès, à la mi-août 1945. Une motion fut votée de manière extrêmement large, avec 10112 mandats, 274 contre, 212 abstentions et 5 absents.

    Elle dit : oui à l’unité, mais il faut un climat pour cela, il faut « la loyauté et la confiance mutuelles ». De plus, il y a la question de l’unité internationale qui se pose.

    Enfin, il y a des « décisions pratiques » :

    « 1. Il n’est possible de retenir comme une base utile d’unification ni le projet de charte publié par le Parti communiste ni les propositions de quasi-fusion mises en avant par lui à son congrès de juin ;

    2. Le Comité d’entente se réunira sans délai pour assurer, durant la période électorale prochaine, une unité d’action analogue à celle de 1936, chaque Parti défendant clairement son programme et s’engageant, s’il y a lieu, à se désister pour l’autre au deuxième tour des élections cantonales ainsi qu’à tout mettre en œuvre pour faire triompher les réformes de structure définies dans le manifeste commun du 2 mars 1945 ;

    3. Aussitôt les élections terminées, le Comité d’entente reprendra les pourparlers en vue de réaliser l’unité organique, pourparlers qui ont été provisoirement suspendus, sans toutefois avoir jamais été rompus.

    Chaque délégation signalera à l’autre tous faits ou attitudes de nature à nuire à cette réalisation afin que l’un ou l’autre Parti puisse rectifier sa position et préparer un état de fait rendant l’unité possible.

    Des congrès nationaux des deux Partis examineront simultanément et séparément les résultats atteints durant cette période et décideront si les conditions préalables sont d’autre considérées comme remplies et si, en conséquence, un congrès commun peut être convoqué ;

    4. Durant cette même période, l’unité d’action sera maintenue sur les bases fixées par le Comité d’entente le 19 décembre 1944, étant rappelé qu’il n’existera de comité d’entente qu’à l’échelon national, mais que des délégations communes pourront, pour des motifs strictement limités, se réunir sur le plan fédéral ou local, sans jamais avoir de caractère permanent. »

    Autrement dit : pas d’unité à la base, uniquement des accords par en haut, priorité à l’alliance électorale (ici les socialistes veulent une « réunion rapide), et surtout tout est fait pour temporiser pour des motifs techniques.

    La mauvaise foi de la direction socialiste est évidente, mais le Parti Communiste ne le voit pas. Il est grisé par son succès ; il voit que dans certaines parties du pays, les socialistes sont largement favorables à l’unité (région parisienne, Bordeaux).

    Surtout, il est trop faible sur le plan de l’économie politique et il ne voit pas du tout comment les socialistes se sont placés dans l’orbite américaine, ce qui était pourtant déjà flagrant dans le cadre du Front populaire.

    Il est également très naïf. Les socialistes insistent en permanence sur la « démocratie interne », ce qui réfute par principe le centralisme démocratique.

    Les socialistes affirment également de moins en moins le marxisme, pour peu qu’ils l’aient jamais réellement assumé par ailleurs. De ce fait, comment peut-on imaginer une seule seconde qu’ils aillent dans le sens d’assumer le matérialisme dialectique de Marx et Engels, développé par Lénine et Staline ?

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    Le Parti Communiste Français
    de la lutte armée à l’acceptation

  • Le PCF et l’objectif d’un Parti Ouvrier Français

    Les socialistes avaient poignardé dans le dos les communistes en soutenant avec ferveur l’interdiction du Parti Communiste Français en 1940. Impossible de maintenir une telle ligne pendant l’Occupation et le régime de Vichy, aussi les liens se reconstituèrent.

    Il y avait cependant toujours une aile droite dans le Parti socialiste-SFIO, ce que le Parti Communiste Français n’a alors pas vu, étant aveuglé par ses propres progrès.

    Initialement, le 10 septembre 1944, le dirigeant Daniel Mayer avait proposé un travail commun au Parti Communiste Français, soulignant que les socialistes s’opposeraient à la mise en place d’un bloc anti-communiste.

    Le 4 décembre de la même année eut lieu une réunion socialiste-communiste de haut niveau dans les locaux du Parti Communiste Français, avec comme thème la réalisation commune d’un Comité d’Entente.

    Celui-ci se réunit une première fois le 19 décembre 1944 et le premier grand résultat est la publication du 2 mars 1945 dans L’Humanité et Le Populaire. Les organes communiste et socialiste publient, avec les mêmes caractères typographiques, la même disposition, un manifeste commun aux deux partis.

    Ce « manifeste au peuple de France » est signé du Comité central du Parti Communiste Français et du Comité directeur du Parti socialiste-SFIO. Sa ligne fondamentale est la suivante ;

    « Rebâtissons, dans la Victoire, une France libre, généreuse et puissante

    par

    – la nationalisation immédiate des grandes banques
    – la nationalisation rapide des principales sources de matières premières
    et d’énergie, des industries-clés, des transports et des assurances
    – la confiscation des biens des traîtres

    Tel est le mot d’ordre lancé au peuple de France par le Parti socialiste et le Parti Communiste d’accord pour une action immédiate, constructive et hardie »

    Le document est une explication de ce mot d’ordre ; on lit à la fin la chose suivante, qui résume bien la ligne et l’état d’esprit :

    « OSER ET AGIR VITE

    Le Parti communiste et le Parti Socialiste invitent le peuple de France à exiger ces réformes sans délai.

    Prudents et réservés lors de la libération, les trusts redressent la tête, rétablissent leur puissance, possèdent déjà quelques journaux, accroissent leur pression sur le gouvernement, replacent leurs hommes aux postes de commande.

    Attendre, pour décider de leur sort, les élections à la Constituante, reviendrait à leur laisser tout loisir pour se réorganiser. La bataille doit aujourd’hui être gagnée. Le succès demain peut être compromis.

    IL FAUT OSER ET AGIR VITE

    Il le faut, non seulement pour abattre les trusts, mais encore pour ranimer dans le pays cet élan populaire qui, toujours, conduisit nos armées à la victoire ; pour rendre à la France dans le monde son rôle traditionnel de semeuse d’idées généreuses.

    Le peuple de France, à l’appel du Parti Socialiste et du Parti Communiste, exigera que la victoire contre le fascisme extérieur soit prolongée à l’intérieur par la destruction des Bastilles capitalistes, stigmatisées il y a un an par le général de Gaulle qui, le 20 avril 1943, définissait « un régime économique et social tel qu’aucun monopole et aucune coalition ne puissent peser sur l’État ni régir le sort des individus ».

    TOUS UNIS, NOUS ABATTRONS LES TRUSTS »

    Il n’est pas difficile de voir que les communistes et les socialistes cherchent ici à se poser comme aile gauche du Conseil National de la Résistance.

    Début juin 1945, le Parti Communiste Français propose alors un document intitulé « Projet de charte d’unité de la classe ouvrière de France ». C’est un document programmatique, car son propre congrès doit se tenir quelques semaines après.

    On est dans l’idée d’un dépassement du Parti Communiste Français en un « Parti Ouvrier Français », par la fusion avec les socialistes.

    « PRÉAMBULE

    Au sortir de la grande guerre contre le fascisme qui a fait couler tant de larmes et de sang, les travailleurs français ne peuvent manquer de constater que leurs divisions, provoquées et entretenues par les ennemis de la classe ouvrière, ont fait le jeu du fascisme.

    Les ouvriers français qui ont été à la pointe du combat pour la libération de la patrie, ne pourront assurer leur mission de libération totale de la France que s’ils sont unis et groupes en un seul parti.

    Ainsi groupée, la classe ouvrière française, qui a déjà réalise son unité syndicale, sera la force essentielle de la nation, capable de rassembler et d’unir autour d’elle tous les éléments progressifs du pays pour aller de l’avant vers plus de démocratie et de progrès, vers la suppression de l’exploitation de l’homme par l’homme.

    Depuis 1920, la classe ouvrière de France est divisée. Cette division n’a que trop duré; l’heure a sonné de la constitution d’un grand Parti Ouvrier Français, capable de remplir la mission historique assignée à la classe ouvrière de notre pays.

    Le Parti Ouvrier Français plonge ses racines dans le passé révolutionnaire de notre pays.

    Il continue la lutte émancipatrice de la grande Révolution française qui proclama les droits de l’homme et du citoyen.

    Il continue la tradition glorieuse de Babeuf et de ses disciples tombés pour la cause de la justice sociale.

    Il continue les traditions de combat des insurgés parisiens de 1830, celles des canuts de Lyon, celles des révolutionnaires de 1848, celles des combattants immortels et des martyrs de la Commune de Paris.

    Il est l’héritier de tout ce qu’il y a de durable dans l’œuvre des précurseurs du socialisme, les SAINT-SIMON et les FOURIER.

    Il est l’héritier de la combativité révolutionnaire d’Auguste BLANQUI.

    Il se réclame de Paul LAFARGUE qui a tant contribué à faire connaître le marxisme en France, de la politique de classe intransigeante de Jules GUESDE, de la politique de rassemblement des masses populaires contre le réaction symbolisée par Jean JAURÈS.

    LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS, continuateur du Parti Ouvrier Français d’avant l’unité de 1905 et du Parti Socialiste Unifié d’avant la guerre de 1914, instruit par l’expérience du mouvement ouvrier national et international, mène le combat libérateur dans la voie tracée par MARX et ENGELS.

    LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS revendique l’héritage des encyclopédistes du XVIIIe siècle, dont la philosophie matérialiste contribua à saper les bases de la société féodale et trouve son développement dans le matérialisme dialectique de Karl MARX et Frédéric ENGELS.

    Il défend la laïcité que menacent les forces d’obscurantisme et de réaction sociale.

    LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS défend et propage le matérialisme dialectique de Marx et d’Engels enrichi par Lénine et Staline.

    Il l’applique comme méthode révolutionnaire de connaissance et de transformation de la réalité.

    LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS combat en conséquence toutes les variétés de l’idéologie capitaliste et de l’opportunisme théorique et pratique.

    Il combat d’une part toute politique perdant de vue les buts que poursuit la classe ouvrière.

    Il combat, d’autre part, la gesticulation et le verbiage « révolutionnaire » qui discréditent la révolution aux yeux des masses travailleuses et servent, par conséquent, les ennemis de la classe ouvrière.

    LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS qui se fixe pour but de socialiser les moyens de production et d’échange, c’est-à-dire de transformer la société capitaliste en une société collectiviste ou communiste, proclame que la conquête du pouvoir par la classe ouvrière est indispensable pour atteindre cet objectif.

    LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS est donc le Parti qui vise à la disparition de la dictature du capital et à l’instauration d’un État assurant l’exercice du pouvoir à la classe ouvrière pour briser, avec l’aide de ses alliés naturels des villes et des campagnes, les efforts de la réaction et préparer l’acheminement vers la société sans classes qui permettra le plein épanouissement de la personne humaine.

    LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS ne défend pas seulement les intérêts immédiats et à venir des ouvriers, il défend aussi les intérêts présents et futurs des paysans, des petits commerçants, des artisans, des intellectuels, des employés et de tous ceux qui sont victimes de l’exploitation et de la rapacité des trusts.

    Il travaille à unir l’ensemble de la population laborieuse dans un même combat contre le capitaliste, et pour l’avènement d’une société où l’homme ne sera plus exploité par l’homme.

    LES BASES FONDAMENTALES DU PARTI OUVRIER FRANÇAIS

    I LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS considère que la libération humaine des chaînes du capitalisme, la destruction de la dictature du capital ne peuvent se réaliser sans un élargissement considérable de la démocratie pour le peuple, pour les ouvriers, les paysans, les intellectuels et l’ensemble des masses laborieuses et sans une limitation de la liberté des exploiteurs et oppresseurs du peuple, ce qui est traditionnellement désigné par les maîtres du socialisme sous le vocable de dictature du prolétariat, et conduit à la réalisation de la société communiste qui mettra lin à toutes les formes d’exploitation et d’oppression de l’homme par l’homme et permettra un développement harmonieux de toutes les facultés humaines.

    II LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS combat tous les préjugés raciaux. Il entretient des rapports fraternels avec les peuples de tous les pays, non seulement de race blanche, mais de toutes races et de toutes couleurs. Il défend les principes de la liberté et de l’indépendance des peuples.

    III LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS, en vue de démontrer la supériorité des principes dont il se réclame, fait connaître aux larges masses les grandioses victoires du socialisme remportées par le Parti Communiste Bolchevik de l’U.R.S.S. sous la conduite de Lénine et Staline, continuateurs de Marx et Engels.

    IV LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS est à la fois national et internationaliste. Il est national en ce sens qu’il défend, en toutes circonstances, les véritables intérêts français, qui n’entend nullement transposer mécaniquement en France telle ou telle expérience de tel ou tel pays, et il veut assurer la victoire du socialisme en France dans les conditions propres à la situation et au génie national de notre pays.

    Il est internationaliste en ce sens qu’il entend faire bénéficier les partis ouvriers des autres pays de l’expérience de la lutte de la classe ouvrière française, en même temps qu’il veut pouvoir s’enrichir de l’expérience du mouvement ouvrier international.

    En conséquence, le Parti Ouvrier Français établit des rapports fraternels avec les partis des autres pays poursuivant des buts identiques aux siens.

    V LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS détermine librement sa politique et n’admet aucune pression extérieure quelle qu’elle soit. Il conserve une indépendance absolue vis-à-vis du gouvernement français et de tous autres gouvernements.

    VI LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS est fondé sur le centralisme démocratique. Toutes les décisions sont prises après une discussion entièrement libre, mais une fois les décisions prises à l’unanimité ou à la majorité, elles sont obligatoires pour tous.

    La discipline est la même pour tous. En aucun cas on ne saurait admettre d’infraction à la loi du Parti, pas plus de la part de parlementaires ou de militants en vue que de la part de simples militants.

    Pour être membre du Parti, il ne suffit pas de se déclarer d’accord avec les buts et moyens du Parti, il faut travailler à l’application de toutes les décisions du Parti et acquitter régulièrement les cotisations.

    VII LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS est constitué sur de véritables bases démocratiques en ce sens que les décisions étant prises démocratiquement par les assemblées souveraines du Parti, nul n’a le droit de s’y soustraire.

    Les organes de direction aux divers échelons sont élus par les assemblées générales, les conférences et les congrès.

    Les organes de direction sont tenus de rendre compte périodiquement de leur activité devant leurs mandants.

    Les décisions des organes supérieurs du Parti sont obligatoires pour les organes inférieurs.

    Ainsi seulement peut être assurée par l’ensemble du Parti l’application des décisions correspondant aux exigences de la situation et prises dans le cadre de la politique du Partie déterminée, dans les congrès, par l’ensemble des adhérents.

    VIII L’ORGANISME CENTRAL du Parti dirige l’ensemble du Parti, le groupe parlementaire, la presse, et a pour devoir d’exiger de tous l’application des décisions.

    L’unité idéologique, condition de la capacité de lutte du Parti, est indispensable.

    Journalistes, écrivains et orateurs du Parti doivent défendre une même politique, la politique du Parti déterminée démocratiquement par les membres du Parti dans les Assemblées et Congrès du Parti.

    IX LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS adopte une base d’organisation lui permettant de diriger l’action des masses populaires partout où elles se trouvent, tant à l’entreprise que sur le terrain local.

    X LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS poursuit son activité dans le cadre de la légalité existante, qu’il défend contre tous les assauts réactionnaires des ennemis du peuple, décidé qu’il est à ne laisser priver, en aucun cas, la classe ouvrière de la possibilité de poursuivre sa lutte émancipatrice.

    LE PROGRAMME QUE SE PROPOSE DE RÉALISER LE PARTI OUVRIER FRANÇAIS

    Le programme que se propose de réaliser le Parti Ouvrier Français est, en premier lieu, de libérer la France de la domination des trusts, coupables de trahison, de reconstruire l’industrie en la modernisant, de rénover l’agriculture, d’assurer une véritable renaissance de la Nation et de créer une France nouvelle.

    Cela exige la suppression définitive des trusts, le retour à la nation de tous les grands moyens de production, comme le réclame le Conseil National de la Résistance.

    Ainsi, et ainsi seulement, il sera possible d’entreprendre l’organisation méthodique de la prospérité.

    Après la suppression définitive des trusts et le retour à la Nation des grands moyens de production et d’échange, l’économie sera dirigée par la Nation elle-même par l’intermédiaire de ses organes compétents.

    Dès lors, il sera possible d’organiser la production et la distribution des produits d’après un plan dont le but sera l’accroissement du bien-être de la Nation.

    L’accroissement du bien-être de la Nation exige l’augmentation continue de la part de chaque citoyen au produit du travail national.

    Pour que cette part puisse augmenter, il faut que le travail national produise toujours davantage. C’est pourquoi le plan doit prévoir l’augmentation continue de la production.

    L’augmentation de la production est obtenue, sous le régime des trusts, par l’augmentation de l’exploitation des travailleurs.

    Dans la France débarrassée des trusts, elle sera obtenue uniquement par le développement de l’industrie et de l’agriculture, par l’amélioration de la technique et par une organisation du travail qui accroîtra le rendement, tout en ménageant les forces des travailleurs.

    Dans l’économie soumise à la direction des trusts, l’augmentation de la production ne s’accompagne pas de l’accroissement du bien-être de la Nation.

    La majeure partie du revenu national est dévorée par les trusts. C’est pourquoi l’on voit se produire un accroissement de la misère parallèlement aux possibilités d’accroissement de la production.

    Dans une telle économie, il ne saurait y avoir accroissement continu de la production.

    Périodiquement surviennent des crises économiques qui arrêtent la production, provoquent le chômage et la destruction d’immenses quantités de richesses, cependant que des millions d’êtres humains sont dans le dénuement le plus complet.

    Dans l’économie débarrassée des trusts, l’accroissement de la production déterminera l’augmentation du bien-être, l’augmentation du bien-être national ne dépendra que de l’accroissement de la production.

    Dans l’économie soumise à la direction des trusts, le but de la production n’est autre que le profit, et avant tout le profit des trusts.

    Par contre dans une économie définitivement débarrassée des trusts, le but de la production sera la satisfaction des besoins des hommes.

    Dès lors la production française aura pour but unique de satisfaire les besoins des Français.

    Ainsi pourront se créer les fondements d’une France nouvelle débarrassée de la dictature du capital dans laquelle il n’y aura plus d’exploitation de l’homme par l’homme.

    La suppression de l’exploitation de l’homme par l’homme a été souvent présentée sous l’angle de la suppression de la propriété privée, ce qui est faux, la propriété privée, fruit du travail personnel ou familial de la masse des citoyens ne pouvant, au contraire, trouver une garantie sérieuse que par la disparition de l’exploitation de l’homme par l’homme.

    Au surplus, la suppression totale et définitive des trusts et de la dictature du capital, la liquidation de l’exploitation de l’homme par l’homme auront pour résultat l’établissement définitif de l’unité française.

    Dans une telle France, il n’y aura plus de lutte de classes parce qu’il n’y aura plus de classes. Tous les citoyens seront des producteurs et aucun Français ne sera l’exploiteur d’autres Français.

    Pour aller de l’avant vers cette France que nous voulons voir jouer un rôle digne de son passé, dans le mande nouveau qui s’élabore sous nos yeux ;

    pour aller de l’avant vers cette France d’où auront disparu la misère, l’ignorance, les préjugés, les menaces de guerre et où grâce aux conquêtes de ia science, le bien-être des hommes ira en augmentant tandis que la culture connaîtra un développement prodigieux ;

    pour aller de l’avant vers la réalisation, dans notre pays, de la société socialiste qui assurera « De chacun selon ses capacités à chacun selon son travail » et, par la suite, vers la société communiste dont le principe sera « De chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins » ;

    pour aller de l’avant à la conquête de la liberté et du bonheur :

    TRAVAILLEURS DE FRANCE UNISSONS-NOUS ! »

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    Le Parti Communiste Français
    de la lutte armée à l’acceptation

  • Le positionnement du PCF début 1945

    Au début de l’année 1945, l’Allemagne nazie n’est pas encore vaincue, mais sa défaite est inéluctable. Selon le Parti Communiste Français, il n’y a pas lieu de considérer qu’on passe à une autre étape et qu’il faut reformuler les rapports contradictoires au sein de la société française.

    Bien au contraire, même, il s’agissait simplement de prolonger l’élan connu dans la résistance. C’est la ligne de Maurice Thorez, celle du « meilleur élève », et le Parti Communiste Français se place comme aile la plus radicale de la résistance, celle qui veut qu’on aille jusqu’au bout.

    Dans L’Humanité, le 11 janvier 1945, Florimond Bonte résume de manière tout à fait nette la ligne du Parti Communiste Français alors que le processus de Libération était encore en cours. L’article s’intitule « La haine devoir national », les deux intertitres sont « Tout pour la guerre » et « La réconciliation inadmissible ».

    Tout est dit avec cela. Voici ce qu’on lit dans cette seconde partie de l’article.

    « LA RÉCONCILIATION INADMISSIBLE

    Et, cependant, en pleine recrudescence de la guerre [en raison d’une tentative allemande de contre-offensive], nous entendons parfois murmurer des paroles de réconciliation et prononcer des plaidoyers larmoyants.

    Certains même poussent l’aberration jusqu’à réserver leurs malédictions les plus violentes, non aux hitlériens et à leurs complices de Vichy responsables des larmes des déportés et du sang répandu par les martyrs de la cause française, mais aux Français les plus ardents et les plus hardis qui, sous la terreur de l’occupation, se dressèrent face à l’ennemi pour la libération de la Patrie.

    C’est inadmissible. On ne se réconcilie ni avec Hitler, ni avec Pétain. On ne se réconcilie pas avec le nazisme, on le bat et on l’abat. On ne se réconcilie pas avec la trahison.

    Le Devoir ? II est d’attiser la haine, la haine du Boche, la haine de ses complices, la haine des trusts sans patrie, la haine de la cinquième colonne.

    Notre haine, c’est une haine française. Nous la voulons vivace et féconde. Nous la voulons ardente, combative et génératrice d’action.

    Elle doit être semblable à la haine inextinguible des patriotes français de 1792, à celle qui est exprimée par notre immortelle « Marseillaise », lançant, de Strasbourg, son cri de guerre : « Qu’un sang impur abreuve nos sillons ! ».

    Elle doit être semblable à celle de nos francs-tireurs et partisans d’hier, de nos réfractaires à la relève, de nos déportés et de nos prisonniers de guerre, de nos otages, de nos héros, des combattants intrépides des glorieuses journées insurrectionnelles de Paris.

    Cette haine française anime nos soldats, nos marins, nos aviateurs toujours vaillants à la pointe du combat pour la liberté, la démocratie, l’indépendance et la grandeur de la France.

    Cette haine est une haine agissante, elle frappe l’ennemi. Elle n’épargne pas la trahison. Elle na s’assouvit que dans le sang des envahisseurs allemands.

    C’est une haine sacrée. Elle est un devoir. Elle est un devoir national. »

    On est dans la ligne légitimiste et il n’y a pas de stratégie pour l’après-victoire. Il n’est pas raisonné en termes d’État, mais en termes de nation. Il y a la France, comme pays, comme nation, qui s’organise d’une manière ou d’une autre, et il faut empêcher des couches sociales égoïstes de nuire à son existence.

    L’ennemi, aux yeux du Parti Communiste Français, en 1945, ce n’est donc pas la bourgeoisie rétablissant un État fonctionnel, mais uniquement les trusts et les restes du régime de Vichy. Et aux yeux de la direction de Maurice Thorez, qui pratique une ligne opportuniste de droite, il suffit de se placer comme fer de lance de la Résistance en général.

    C’est le sens du mot d’ordre lancé par Maurice Thorez à la session du Comité central de la fin janvier 1945 à Ivry : « S’unir, combattre et travailler ». Il n’y a aucun préparatif pour un éventuel antagonisme.

    Il faut renforcer le pays, coûte que coûte, et Maurice Thorez souligne d’ailleurs que :

    « Les communistes veulent être les meilleurs combattants contre l’hitlérisme, pour l’ordre républicain. »

    Et pour qui n’aurait pas compris :

    « Nous qui sommes des communistes, nous ne formulons pas présentement des exigences de caractère socialiste ou communiste.

    Nous disons cela au risque de paraître tièdes aux yeux de ceux qui ont constamment à la bouche le mot de révolution.

    C’est un peu à la mode, les quatre années de « révolution nationale » sous l’égide de Hitler ont prévenu le peuple contre l’emploi abusif et démagogique de certains termes détournés de leur sens.

    Pour nous, nous disons franchement qu’une seule chose nous préoccupe, parce qu’une seule chose préoccupe le peuple : GAGNER LA GUERRE AU PLUS VITE, faire en sorte que la joie revienne bientôt dans tous nos foyers, avec la paix et la liberté, avec le retour des absents et le lait pour nos petits, le pain pour nos vieux, le verre de vin pour tous. »

    Le coup du « verre de vin pour tous » est emblématique d’un populisme débridé, véritablement assumé. Néanmoins, la démagogie sociale et misérabiliste est également présente, avec une constante syndicaliste : « le lait pour nos petits, le pain pour nos vieux ».

    Il faut ici bien noter que la France était effectivement dans une situation dramatique en ce qui concerne l’approvisionnement, tant pour l’alimentation que le chauffage.

    Cependant, il y a une véritable idéologie de la complainte permanente, sur un mode chrétien, et cela va se voir d’autant plus dans les années 1960, où le Parti Communiste Français n’aura de cesse de parler de l’appauvrissement généralisé des masses alors que le niveau de vie augmentait pourtant.

    Ce qui est à l’œuvre, c’est une mécanique syndicaliste, avec un Parti formant le bras politique de la CGT. La liquidation de la nature communiste du Parti est ainsi tendancielle ; elle est ouvertement abordée dans une interview de Maurice Thorez accordée à l’hebdomadaire catholique Temps présent.

    « Certaines confusions, que je veux croire involontaires ont été faites entre l’idée d’un seul parti des travailleurs et le soi-disant parti unique.

    Dans les conditions actuelles de la démocratie en France, il y a place pour différents partis.

    Mais nous pensons que les travailleurs — et plus particulièrement les socialistes et les communistes — peuvent aboutir à se confondre dans un seul parti.

    Partant de cette base, peut-être, plus tard, pourra-t-on penser à un grand parti du Peuple étendu aux paysans, aux classes moyennes et aux intellectuels.

    Ce qu’il faut actuellement empêcher, c’est l’émiettement politique de la France en partis rivaux qui ne présenteraient qu’une caricature de la démocratie et un danger pour elle…  (…).

    Nous n’avons pas à demander actuellement l’application du programme communiste, puisque nous sommes unis dans le C.N.R. [Conseil national de la Résistance] avec d’autres partis non communistes.

    Nous faisons honneur à la signature que nous avons apposée au bas du programme du C.N.R. au mois de mars 1944. »

    Cette question du dépassement du Parti Communiste Français est vitale en 1945 ; il est considéré que l’unification avec les socialistes est inévitable à court terme, et même pratiquement acquise. La transformation en un « Parti Ouvrier Français ».

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    de la lutte armée à l’acceptation

  • Le PCF et l’alignement sur de Gaulle

    Fernand Grenier fut nommé par le Parti Communiste Français pour représenter le Comité central et les FTP auprès de Charles de Gaulle à Londres :

    « Les FTP se battent, font la guerre et savent mourir avec un courage et un cœur de soldat, c’est pourquoi ils demandent au grand soldat que vous êtes de ne pas laisser ignorer qu’ils font aussi partie de la France Combattante ».

    Le Parti Communiste Français bataille alors pour obtenir une présence gouvernementale et le 4 avril 1944 un accord est trouvé, avec François Billoux au commissariat d’État et Fernand Grenier commissaire à l’Air. Vient très rapidement le nouveau gouvernement provisoire, avec François Billoux ministre de la Santé publique et Charles Tillon ministre de l’Air.

    Cela prolonge l’intégration des FTP dans les FFI, même si celle-ci ne se réalisera bien souvent pas du tout. En général d’ailleurs, la radio britannique ne parle jamais des FTP, il y a peu de livraisons d’armes, bien souvent inadaptées pour la guerre de partisans.

    Waldeck Rochet, représentant à partir d’octobre 1943 du Comité central du Parti Communiste à Londres, explique à ce sujet dans ses Souvenirs d’un militant qu’on lit dans L’Humanité du 30 mars 1956 :

    « De Gaulle et les siens faisaient une discrimination entre les FTP et les autres organisations de la Résistance… On sentait nettement que tous ces gens-là n’étaient pas favorables aux FTP.

    J’avais obtenu la possibilité de parler à la radio une fois tous les quinze jours, pendant cinq minutes, pour faire connaître les mots d’ordre du Parti et de la Résistance par l’intermédiaire de la BBC.

    D’autre part, je prononçais des allocutions particulières destinées aux paysans.

    Mais toutes ces émissions étaient censurées à la fois par les Anglais et par les représentants du général de Gaulle à Londres.

    Chaque semaine, je devais me battre pour pouvoir exprimer nos mots d’ordre d’action, en particulier les mots d’ordre de lutte armée. La tendance de tous mes censeurs était l’attentisme. »

    Ici, il faut avoir en tête que les Américains et les Britanniques prônaient la constitution de maquis, devant rassembler du personnel et des armes, afin d’appuyer le débarquement. La formation de grands regroupements concentrés fut toutefois fatale aux maquis du Vercors dans les Alpes, des Glières en Haute-Savoie, ou encore celui de Saint-Marcel en Bretagne.

    Dans ce contexte, on ne sera pas étonné de la poussée extrêmement rapide de la deuxième division blindée, qui se précipite littéralement à Paris en août 1944 afin de neutraliser la dimension idéologique qu’a la libération de Paris, fruit d’une insurrection à la suite d’une grève générale, l’ensemble étant dirigé par le communiste Henri Rol-Tanguy.

    On ne sera pas étonné non plus de la neutralisation de la question de l’épuration, un sujet explosif politiquement, où le Parti Communiste Français aurait dû être en première ligne.

    Il y eut seulement 10 000 exécutions sommaires, 39 000 emprisonnés et 48 000 personnes frappées de dégradation nationale. 94 Français pour 100 000 furent emprisonnés pour faits de collaboration, un chiffre à comparer, pour la même proportion, avec ceux de 374 Danois, 419 Néerlandais, 596 Belges ou 633 Norvégiens.

    Et les amnisties furent rapides ensuite, Charles de Gaulle cherchant à asseoir son régime autant que possible face à un Parti Communiste Français ayant acquis un poids immense dans la société française : il a 550 000 membres en juin 1945, 800 000 à la fin 1946.

    Pourquoi le Parti Communiste Français accepta-t-il tout cela ? C’est qu’en raison de la ligne du « meilleur élève », il va considérer que ce qu’il faut faire, c’est de se placer comme le meilleur élève du « CNR ».

    Dans le cadre de la Résistance, Charles de Gaulle avait en effet mis en place en 1943, sous l’égide de Jean Moulin, un « Conseil National de la Résistance », regroupant toutes les forces d’opposition, que ce soit les partis politiques, les syndicats ou les mouvements de résistance.

    Ce CNR travaillait à un plan général de la Résistance, mais surtout prévoyait l’après-guerre, dans un programme intitulé « Les jours heureux ».

    Il y est parlé notamment des choses suivantes :

    « l’établissement de la démocratie la plus large en rendant la parole au peuple français par le rétablissement du suffrage universel » ;

    – « l’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie », ;

    – « le retour à la nation de tous les grands moyens de production monopolisés, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d’assurance et des grandes banques » ;

    – « un réajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine » ;

    – « la reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale » ;

    – « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ».

    Le Parti Communiste Français ne considère pas que l’ennemi, ce soit la bourgeoisie. L’ennemi, c’est l’oligarchie et les trusts, et le programme du CNR apparaît comme le levier pour « forcer » la démocratisation élargie de la France.

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    Le Parti Communiste Français
    de la lutte armée à l’acceptation

  • Le PCF et la question de la guerre de partisans

    L’absence d’envergure de masse et la pratique hyper-activiste des FTP ont rendu impossible par la suite un aperçu réel de la résistance mise en place par le Parti Communiste Français.

    L’absence de stratégie a renforcé les courants centrifuges et a abouti dès l’après-guerre à des déchirures internes très grandes au sein de la nouvelle génération « combattante » arrivée au Parti.

    Il est très important de comprendre cela, sinon on ne peut pas saisir pourquoi la résistance armée s’efface du jour au lendemain en 1945, ni même comment il y a eu un alignement pur et simple sur les FFI à la fin 1943.

    On a ici un bon exemple avec la Brigade rouge internationale, qui a agi dans la seconde partie de 1944 en Haute-Savoie. Ses multiples actions sont passées inaperçus du point de vue historique pendant plusieurs décennies, car ce groupe initialement FTP a refusé de rejoindre les FFI.

    Un autre exemple, lui très connu, est le maquis du Limousin, mis en place dès avril 1941 par Georges Guingouin, signant ses documents le « Préfet du Maquis ».

    On a ici quelqu’un qui a immédiatement compris le principe de la clandestinité et était passé dans la lutte armée avec facilité et un grand succès, dès août 1940.

    La Haute-Vienne a ainsi été le département comptant le plus de résistants en armes : 8 000 ; le maquis a multiplié les actions armées, ainsi que les raids pour obtenir des fonds, du ravitaillement, des armes, des explosifs.

    Il a joué un rôle important lors du débarquement en retardant l’envoi en Normandie de la division blindée SS « Das Reich », qui commit à ce moment le massacre d’Oradour-sur-Glane ; par la suite, son maquis a encerclé Limoges, amenant la capitulation allemande.

    Guingouin était considéré par la direction locale des communistes comme un « fou dans les bois » en raison de sa politique menée de manière clairement indépendante par rapport au Parti Communiste Français. Dès l’après-guerre, il y aura un acharnement impitoyable pour le mettre de côté et l’exclure.

    C’est très paradoxal : d’un côté, Georges Guingouin a mené le plus ce qui correspond à une guerre de partisans ; son implantation populaire et régionale était brillante. Le Parti Communiste Français aurait dû trouver cela exemplaire.

    De l’autre côté, Georges Guingouin lui-même n’a jamais prôné l’insurrection armée, s’est toujours aligné sur de Gaulle et est ainsi passé ouvertement dans le réformisme après-guerre. C’est d’ailleurs la même dynamique qui a prévalu pour les anciens membres dirigeants de la Brigade rouge internationale.

    Il y a ici quelque chose d’incompréhensible si on ne comprend pas que la situation de 1940 a permis, comme en 1934, à toute une génération de s’engager dans l’hyper-activisme à travers le Parti Communiste Français, mais sans les fondamentaux idéologiques communistes.

    On n’a donc rien que ce qui se rapproche d’une réflexion de la guerre des partisans comme il y en avait une au même moment en Chine, en Grèce, en Albanie ou en Yougoslavie.

    La guerre des partisans est dans le cadre français réduite à un levier. L’appel du Front National de Juillet 1942 le reflète très bien : on est dans la généralisation des oppositions, pas dans une stratégie.

    « 1. empêcher que les ressources de la France servent à la machine de guerre allemande ;

    2. empêcher les usines françaises de travailler pour Hitler, en soutenant les luttes revendicatrices des ouvriers, qui, en défendant leur pain et celui de leurs enfants, suivent la cause de la France ;

    3. empêcher que nos chemins de fer transportent en Allemagne nos richesses nationales et les produits de notre industrie ;

    4. organiser la résistance des paysans à la livraison des produits agricoles aux oppresseurs de la Patrie ;

    5. organiser la lutte contre la répression hitléro-vichyssoise, chaque militant du Front National, qu’il soit athée ou croyant, radical ou communiste, devant bénéficier de la solidarité de tous ;

    6. diffuser les écrits, appels ou documents du Front National et dénoncer systématiquement les mensonges de l’ennemi ;

    7. propager et exalter, face à l’envahisseur et à ses séides, les sentiments patriotiques, la volonté de lutte pour libérer la France. »

    Ce qui est proposé, c’est la contribution à la mise sous pression générale de l’occupant nazi et du régime de Vichy. C’est le sens du slogan des FTP lancé en février 1943 « s’unir, s’armer, se battre ».

    Et L’Humanité du 15 avril 1943 souligne que les militants doivent s’appliquer avec « courage, un vigoureux esprit offensif et une discipline de fer ».

    Le Parti Communiste Français se voit comme le fer de lance de l’union des Français, comme en 1937.

    Si la démarche est ainsi celle d’un appel à la violence, on en reste sur le plan tactique, à l’instar de ce qu’on lit dans L’Humanité début de 1943 :

    « Agissez, agissez et agissez !

    Luttez contre la déportation des ouvriers en Allemagne, par la manifestation, par la grève, par la dislocation des convois. Répondez par la force à la violence de la police et de la Gestapo.

    Sabotez, sabotez, détériorez les machines, les locomotives, les camions, les chalands.

    Faites sauter les voies ferrées, les ponts et les écluses ; mettez le feu aux entreprises. Paralysez l’industrie de guerre des hitlériens et leurs moyens de transport.

    Organisez la lutte des paysans pour briser par la force le système des réquisitions hitlériennes Organisez des manifestations de femmes contre ceux qui nous condamnent à la famine.

    Exigez 500 grammes de pain par jour, du charbon, du bois. Formez dans chaque usine, dans chaque gare, dans chaque dépôt des chemins de fer, des groupes de saboteurs, de dynamiteurs.

    Organisez de nouveaux détachements de francs-tireurs: enrôlez les ouvriers menacés de déportation en Allemagne ; appelez, pour instruire les Francs-Tireurs, les officiers, les sous-officiers licenciés et les anciens combattants.

    Que chaque patriote considère comme un devoir sacré la lutte armée contre l’ennemi affaibli et obligé de disperser ses forces.

    Français, Françaises ! Agissez, agissez, agissez !

    Ce n’est que de la sorte que nous pourrons préparer l’insurrection nationale, accélérer l’ouverture du deuxième front en Europe et rapprocher l’heure de notre libération. »

    Du 1er octobre au 31 décembre 1943, les FTP ont mené au moins 338 actions contre les voies ferrées ou les trains chargés de troupes et de matériel allemands, tuant dans 246 attaques armées 750 officiers, sous-officiers ou soldats et en blessant 1780. 1200 traîtres furent exécutés.

    Les FTP ont également fait sauter 21 écluses ainsi que 3 sous-stations électriques, 15 transformateurs, une génératrice d’usine et endommagé deux usines électriques, mené 15 opérations contre des canaux, coulant ou sabotant de manière importante 42 péniches.

    65 attaques ont été menées contre des détachements, des patrouilles et des casernements, abattant 215 officiers ou soldats et en blessant 340 ; il faut y ajouter l’incendie de dépôts de blés et de fourrage réquisitionnés.

    Rien qu’en février 1944, les FTP abattent 57 miliciens et agents de la Gestapo ; le journal collabo Je suis partout parle lui de 1200 « attentats » dans le département de la Seine et de 500 à Lyon.

    On ne soulignera jamais assez l’abnégation des communistes, qui firent face à une répression sanglante, notamment en région parisienne par les forces de répression.

    En mai 1940 est crée la Brigade spéciale (B.S) chargée de la lutte contre les communistes, suppléée par une seconde B.S en 1941. Ce sont elles qui pratiqueront les pires sévices sur les militants communistes et de rudes coups à l’organisation, avec par exemple plus de 1000 personnes arrêtées en décembre 1942.

    À cela s’ajoute un contexte très difficile, avec une brigade du métro qui sillonne les couloirs, ou encore la police municipale qui peut à tout moment bloquer une rue et procéder au contrôle de tous les passants pendant 30 minutes, surveillant tout particulièrement toute attitude « suspecte » (comme changer de direction, entrer dans un immeuble, etc.)

    L’un des symboles les plus marquants du début de cette terreur reste l’exécution des « 27 » à Châteaubriant (en même temps que 22 à Nantes et 50 à Bordeaux), dont le jeune Guy Môquet.

    Il faut rappeler ici que Jean-Pierre Timbaud, le secrétaire CGT des métallos, est mort fusillé en criant « Vive le Parti Communiste allemand » (bien qu’il faille noter que le KPD est officiellement, de manière conforme à l’Internationale Communiste, le Parti communiste d’Allemagne et certainement pas « allemand »).

    Voici la dernière lettre à sa femme et sa fille (il faut savoir ici que Jean-Pierre Timbaud n’a quasiment pas été scolarisé) : 

    « Toute ma vie jais combattue pour une humanité mailleure jais le grandes confiance que vous verait realise mon rêve ma mort aura servie a quelque choses mai dernière pensée serront tout d abord a vous deux mes deux amours de ma vie et puis au gran  ideau de ma vie. Au revoire me deux chere amours de ma vi du courage vous me le juré vive la France vive le proletariat international. »

    On trouve également Pierre Sémard, secrétaire général de la Fédération des cheminots depuis 1935, dont la dernière lettre contient les mots suivants :

    « Dans quelques instants je serai fusillé. J’attends la mort avec calme.

    Ma dernière pensée est avec vous, camarades de lutte, avec tous les membres de notre grand Parti, avec tous les Français patriotes, avec les héroïques combattants de l’Armée Rouge et son chef, le grand Staline.

    Je meurs avec la certitude de la libération de la France.

    Dites à mes amis les cheminots que ma dernière volonté est qu’ils ne fassent rien qui puisse aider les nazis. Les cheminots me comprendront ; ils m’entendront, ils agiront et j’en suis convaincu.

    Adieu, mes chers amis. L’heure de mourir approche. Mais je sais que les nazis qui vont me fusiller sont déjà vaincus. Vive l’Union soviétique et ses alliés ! Vive la France ! »

    On notera que la fusillade des otages fut systématisée par l’Allemagne nazie, et même élargie en juillet 1942 par l’application de la responsabilité pénale aux familles mêmes des résistants. 30 000 otages furent fusillés sous l’occupation.

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    de la lutte armée à l’acceptation

  • Les Francs-tireurs et partisans

    Quelle est la ligne des Francs-tireurs et partisans, organisation désormais parallèle au Front national ? Elle se retrouve bien dans les mots d’ordre « Unissez-vous, refusez de servir le fascisme », « A chacun son boche », « S’unir, s’armer, combattre ».

    En ce sens, les Francs-tireurs et partisans ne sont pas sur la ligne de de Gaulle, qui le 23 octobre 1941 affirme encore par exemple que :

    « La guerre des Français doit être conduite par ceux qui en ont la charge… Actuellement, la consigne que je donne pour le territoire occupé, c’est de ne pas y tuer d’Allemands. »

    Quant aux groupes trotskistes, ils réfutent la résistance armée face aux nazis. Le Parti Communiste Français est seul en première ligne.

    On chercherait malheureusement en vain une stratégie de révolution démocratique : le poids de la ligne opportuniste de droite est immense. Façonné dans le syndicalisme révolutionnaire, adapté sur le mode du Parti syndicaliste avec Maurice Thorez, le Parti Communiste Français se veut le « meilleur élève », et ce en permanence.

    Il faut donc chercher agressivement les affrontements : « Il faut tenir tête à la police, reconquérir la rue », comme le formule L’Humanité du 1er mai 1942. Pour ce faire, chaque instance du Parti Communiste Français doit fournir 10 % de ses membres aux FTP ; c’est très peu, mais suffisamment justement pour disposer d’un levier qu’on peut qualifier de propagandiste armé.

    On lit dans la revue des FTP, France d’abord, qui a comme exergue Chasser l’envahisseur ! :

    « Que chaque cri se fasse balle. La lutte armée doit devenir le devoir de toute la Résistance.

    Chaque ennemi sera ainsi visé. Car combien sont-ils donc, et combien sommes-nous, si nous sommes un peuple allié de ses alliés ?

    La victoire ne sera obtenue que par la destruction de l’armée hitlérienne dont la puissance initiale a été forgée, avant la guerre, à l’abri des divers ‘attentismes’ de la non-intervention et de Munich.

    De ces données découle une stratégie commune à tous les peuples unis dans la volonté d’en finir le plus tôt possible avec l’hitlérisme.

    Cependant, si les Russes restent seuls à détruire la puissante armée nazie, les Français devront supporter un autre hiver de guerre, au cours duquel Hitler pourra réaliser au moins ce qui fut le premier article de son programme insensé de domination du monde : détruire la France, berceau de la liberté.

    Donc, aucun Français de France n’a intérêt à laisser durer une guerre atroce, alors qu’il est possible de l’abréger.

    Hitler a en France 250.000 hommes pour faire face au second front.

    Les forces d’occupation sont si réduites que Hitler les double de policiers, gendarmes, légionnaires et autres mercenaires que Pétain et Laval transforment en soldats boches pour aider à occuper, piller, à saigner la France.

    Mais les Français en état de se battre sont dix fois plus nombreux que l’ennemi.

    Un boche isolé est un prisonnier. L’ennemi n’occupe militairement le terrain que là où ses unités peuvent agir en tant qu’unités. Et tous les transports, voies de communication, transports publics, ne sont assurés que par des mains de Français.

    En dehors d’une force d’occupation réduite, il ne reste qu’une occupation politique exercée par des traîtres.

    Dans ce rapport des forces, la terreur nazie n’est opérante que pour ceux qui l’acceptent ou bien l’encouragent en exagérant sa puissance pour mieux masquer leur lâcheté.

    Attendre, faire la guerre avec la peau des Russes, partir en Allemagne pour travailler pour l’ennemi, laisser guillotiner les Français pour crime de patriotisme, c’est reculer l’heure du second front en désertant le front de France !

    Le front de France ? Il est partout où il y a un boche, une de ses armes ou un wagon, un camion, de l’essence ou du blé destiné aux boches, un terrain d’aviation, un dépôt d’armes, un chien de Laval.

    Nos armes ? Elles sont partout où un peu de courage donne le loisir d’en prendre.

    Chaque ennemi désarmé doit servir à armer un chef de groupe, autour duquel s’armeront d’autres patriotes d’armes improvisées.

    Pour la forme de guerre qui nous incombe, contre les forces d’occupation, le nombre doit suppléer à la qualité du matériel. Et nous sommes dix contre un…

    Comme vous le recommande le Front National, dans vos usines, vos quartiers, groupez-vous en Comités populaires de la France combattante pour coordonner toutes les formes d’action politique et économique contre l’ennemi ; arrêtez toute production pour les boches et empêchez tout départ pour l’Allemagne. En même temps, organisez et menez l’action armée.

    « La Libération nationale, a dit le général de Gaulle, ne peut se séparer de l’insurrection nationale… ».

    L’insurrection nationale ne saurait être le produit d’un miracle, une génération spontanée à l’heure H.

    Il n’existe pas d’autres moyens d’organiser une armée de patriotes pour la Libération que le combat quotidien, qui forge la discipline et les chefs, procure les armes et permet d’organiser en agissant, d’agir en organisant.

    Laisser croire le contraire serait préparer à notre peuple des désillusions que nous voulons épargner. Chacun à son poste, chacun à son arme.

    Que sans attendre, tout ce qui appartient à l’armée d’occupation soit cerné de haine, attaqué, frappé, exterminé.

    Et que, sur le Front National de la Libération, retentisse le cri de guerre contre tous ceux qui veulent détruire notre patrie : TOUS DEBOUT ET CHACUN SON BOCHE. »

    Le sous-titre de France d’abord va refléter l’échec du projet initial et le passage du Parti Communiste Français dans le giron gaulliste.

    On passe ainsi d’abord de « organe d’information sur le mouvement des patriotes français pour la libération du territoire » au sous-titre « organe d’information, de liaison et de combat des détachements de FTP qui forment sur le sol de la patrie l’avant-garde armée de la France combattante ».

    Cela change ensuite de nouveau, pour devenir « organe d’information, de liaison et de combat des détachements de Francs-Tireurs et Partisans adhérant aux Forces Françaises de l’Intérieur (FFI), puis enfin organe d’information, de liaison et de combat des unités de Francs-Tireurs et Partisans, membres de l’Armée régulière des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) ».

    Initialement, il s’agissait de représenter toutes les forces, puis les FTP comme meilleur élève, après cela comme élève reconnaissant, enfin comme élève reconnu.

    Il est bien connu ici que ce sont les FTP-MOI de la région parisienne qui ont été les plus actifs en termes d’action de choc. L’affiche rouge de la propagande nazie dénonçant le « Groupe Manouchian-Boczov-Rayman » est très connue.

    Voici leur composition, avec entre parenthèses le nombre d’actions armées pour les six premiers mois de 1943 :

    – le « détachement roumain », avec une trentaine de roumains sous la direction d’Edmond Hirsch (mort en camp en 1943) qui est un ancien combattant des Brigades internationales (18) ;

    – le « détachement juif », avec une quarantaine de juifs polonais sous la direction de Sevek Kirshenbaum (32) ;

    – le « détachement italien » avec une quarantaine d’italiens, sous la direction de Marino Mazetti (31) ;

    – le « détachement des dérailleurs », avec des activistes de plusieurs nationalités des pays de l’Est ainsi que d’Espagne, sous la direction de Joseph Boczov (fusillé au fort du Mont-Valérien en 1944) (11).

    Les FTP ne devinrent cependant jamais un réel mouvement de masse, même s’il fut d’envergure ; on peut considérer qu’ils disposaient de 25 000 membres avant le tournant de 1944, ce qui est un chiffre extrêmement faible.

    En décembre 1943, ils fusionnèrent avec l’Armée secrète (d’orientation gaulliste, regroupant les mouvements Combat, Libération-Sud, Franc-Tireur) et l’Organisation de résistance de l’armée (lié au général Henri Giraud, rival de De Gaulle). Cela donna les Forces françaises de l’intérieur (FFI).

    Les effectifs de celles-ci furent pour l’année 1944 de 100 000 en janvier, de 200 000 en juin et de 400 000 en octobre.

    La Résistance française n’acquit une réelle importance d’envergure que dans la foulée de l’instauration pour des centaines de milliers de Français du « Service du Travail Obligatoire » les envoyant en Allemagne, de la défaite nazie à Stalingrad et du débarquement.

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  • Le Front National mis en place par le PCF en 1941

    En mai 1941, le Parti Communiste Français tente de mettre en place un mouvement de libération nationale ; son appel-programme s’intitule Pour la formation d’un Front national de l’indépendance de la France.

    Le texte est extrêmement mauvais pour deux raisons : la première, flagrante, est qu’il s’agit d’une longue réflexion, difficile à appréhender dans la lecture, en particulier en comparaison avec l’appel du général de Gaulle depuis Londres, en 1940.

    Ensuite, il est dit que le Front national soutiendra « tout gouvernement français, toute organisation et tous hommes dont les efforts seront orientés dans le sens d’une lutte véritable contre l’oppression nationale subie par la France et contre les traîtres au service de l’envahisseur ».

    Or, un véritable Front national est censé porter un tel gouvernement, unifiant toutes les forces de résistance.

    C’était bien pourtant, en théorie, le but, puisque sont mis en place des structures nombreuses en ce sens : le Front National des avocats, le Front National des médecins, le Front National des commerçants, le Front National des paysans, les Fronts Nationaux d’usines, etc.

    Mais on reconnaît ici dans l’appel l’opportunisme de la ligne de Maurice Thorez, avec sa perpétuelle quête de « légitimité ». Le résultat sera, comme on le sait, l’intégration très rapide du Parti Communiste Français dans le dispositif gaulliste, à la grande joie de Maurice Thorez.

    « Pour la formation d’un Front national de lutte pour l’indépendance de la France

    Le Parti communiste français s’adresse à tous ceux qui pensent français et veulent agir en Français

    Français ! Françaises ! M. Darlan qui a récolté ses étoiles d’amiral dans les bureaux de la rue Royale, sous la protection des politiciens les plus pourris de la IIIe République, a été reçu par Hitler, le 11 mai dernier à Berchtesgaden.

    Cet amiral félon que l’opinion publique désigne sous l’appellation de « Laval en uniforme » s’est bien gardé de mettre le peuple de France au courant des détails de ce qui fut maquignonné au cours de cette entrevue.

    L’amiral politicien sait bien que les Français le suspectent et le méprisent, c’est pourquoi il a jugé utile de bredouiller au micro un discours hypocrite d’où il ressort que le Führer ne lui aurait pas demandé la marine française, mais ce que Darlan n’a pas dit c’est que les marins français et les aviateurs français ne seraient, en aucun cas, envoyés à la mort pour le compte du IIIe Reich.

    Darlan, le profiteur de la défaite, est même allé jusqu’à louanger la « magnanimité » de l’envahisseur, osant dire sans honte que si Hitler l’avait voulu la France pouvait être rayée de la carte du monde, comme s’il était au pouvoir de tyrans de passage de faire disparaître des nations constituées au cours de longs siècles d’histoire.

    Ainsi le vice-président du conseil vichyssois, ce militaire sans honneur pour qui le patriotisme n’a jamais comporté que des profits, se montre sous son véritable jour de naufrageur de la patrie.

    Mais cet amiral traître n’agit pas seul, il est couvert par le maréchal Pétain qui est prêt lui aussi à faire couler le sang français pour Hitler, car c’est au nom du maréchal que l’espion de Brinon déclara le 9 mai : « La France a toujours une marine de guerre importante qui est prête à entrer en action. »

    C’est ainsi qu’au lieu de laisser notre pays en dehors de la guerre de rapine que se livrent les impérialismes de l’axe et leurs rivaux anglo-saxons, les gouvernants de Vichy, obéissant aux ordres des impérialistes allemands, s’engagent à nouveau sur les chemins de la guerre sans songer un seul instant à ce que leur politique criminelle coûtera de ruines et de deuils au peuple de France.

    Déjà les aérodromes de Syrie sont livrés par Pétain et Darlan à la Luftwaffe de Goering qui mène en Irak la guerre du pétrole contre l’Angleterre, et en mettant à la disposition du IIIe Reich les possessions africaines de la France ainsi que la marine de guerre française, l’équipe Pétain-Darlan fait prendre ouvertement à notre malheureux pays figure de nation belligérante, or on sait ce que cela va représenter pour nos populations.

    La France étant ainsi jetée à nouveau dans la guerre, nos villes, nos usines, nos campagnes vont être livrées aux bombardements de l’aviation et le peuple paiera, une fois de plus, de son sang et de ses larmes, la criminelle politique de gouvernants indignes et traîtres à la Nation.

    Sans doute, les Bazaine [allusion au maréchale François Achille Bazaine qui tenta lors de la guerre franco-allemande de 1870 de jouer sur plusieurs tableaux et fut accusé d’avoir fait perdre la guerre à la France] 1941, les maîtres provisoires de la France, font-ils étalage du rapatriement projeté de 100.000 prisonniers de guerre (soit 1 sur 20) mais le peuple de France ne se contente pas deçà ; il veut qu’on lui rendre tousses prisonniers.

    Sans doute aussi les gouvernants traîtres de Vichy font-ils grand bruit autour des prétendues mesures d’assouplissement de la ligne de démarcation, mais le peuple de France ne se contente pas de ça : ce qu’il veut, c’est la suppression de la ligne de démarcation.

    Pétain et Darlan, militaires déconsidérés symbolisant à eux deux la faiblesse et la corruption, voudraient que les Français crient d’enthousiastes « merci » au Führer allemand, mais ils n’y parviendront point. Un peuple opprimé ne lèche jamais les bottes de l’oppresseur. Seuls les dirigeants corrompus peuvent se dégrader à ce point.

    Les gouvernants de Vichy veulent lier le destin de notre pays au destin des maîtres du IIIe Reich, mais le peuple de France ne marche pas, car il n’oublie pas et il n’oubliera pas ce que ces messieurs ont fait.

    Les impérialistes hitlériens qui tiennent l’Europe en esclavage et qui depuis un an font peser l’oppression la plus odieuse sur la terre de France savent bien que les capitulards et les traîtres de Vichy, dont ils se servent, ne représentent en rien la pensée et les sentiments de notre peuple.

    Mais il ne suffit pas de maudire les trahisons des dirigeants d’aujourd’hui faisant suite aux trahisons d’hier ; il est indispensable que la Nation française se dresse frémissante face à ses oppresseurs pour dire ce qu’elle pense, pour dire ce qu’elle veut.

    Depuis un an notre pays est occupé, humilié, pillé, soumis à une odieuse dictature et la population française qui étouffe sous le poids de l’oppression nationale aspire à sa libération.

    Les matières premières dont disposait l’industrie française ont été prises par l’envahisseur qui s’en sert pour continuer sa guerre.

    Les récoltes de notre terroir, le bétail de chez nous, toutes les richesses de notre sol et de notre sous-sol sont accaparés par l’envahisseur qui plonge notre pays dans la disette et sous la menace de la famine.

    Les travailleurs français transformés en esclaves sont envoyés de force en Allemagne ou dans les régions bombardées du littoral pour être enrôlés dans la machine de guerre des nazis.

    Deux millions de nos compatriotes sont prisonniers de guerre et odieusement exploités par les impérialistes allemands. Les hitlériens ont libéré le général fasciste Bridoux pour en faire le collaborateur du traître de Brinon ; ils ont libéré des journalistes vendus de « Je Suis Partout » et de la presse doriotiste ainsi que d’autres agents de la trahison.

    Par contre, les Français honnêtes, les fils du peuple sont maintenus, loin des leurs, dans les camps de prisonniers et le gouvernement de la trahison ne veut pas qu’ils reviennent en bloc car il a peur d’eux.

    Notre pays est dépecé ; la ligne de démarcation constitue, en pleine France, une véritable frontière, tandis que les départements du Nord et du Nord-Est situés dans la « zone interdite » sont coupés du reste du pays.

    Le peuple de France sait combien sont dérisoires les fameuses décisions d’assouplissement de cette odieuse ligne de démarcation, expression maudite de l’oppression nationale subie par la France.

    Depuis un an, notre pays, saigné à blanc, paie 400 millions par jour à l’envahisseur qui, avec ce scandaleux tribut de guerre, a vidé notre France des produits indispensables à nos populations, ce qui constitue la forme moderne du pillage.

    Sous la botte de l’envahisseur qui fait directement la loi en zone occupée et indirectement en zone « libre », la liberté d’opinion est supprimée ; seuls ont le droit d’écrire et de parler ceux qui chantent les louanges de l’oppresseur, et les prisons et les camps de concentration sont peuplés des meilleurs fils de France.

    Pendant ce temps, le magnat du Comité des forges, de Wendel, vend à l’envahisseur, pour la somme de 63 milliards, ses intérêts dans les industries lorraines tandis que le banquier et industriel Lehideux fait des affaires avec les banquiers et industriels allemands et italiens. C’est ça, c’est cet odieux régime que les traîtres au service de l’envahisseur baptisent « ordre nouveau ».

    Ces misérables qui insultent bassement le peuple français et se félicitent sans vergogne de la situation terrible imposée à la France se font ainsi les agents de la monstrueuse entreprise de domination impérialiste des maîtres du IIIe Reich.

    La lutte contre l’oppression nationale. Ainsi l’impérialisme allemand fait subir à la France un régime d’oppression bien pire que le régime de Versailles imposé au peuple allemand au lendemain de la guerre de 1914-1918.

    Le traité de Versailles plongea, en effet, le peuple allemand dans une misère atroce pour le plus grand profit de ploutocrates à la de Wendel qui sont aujourd’hui les bénéficiaires de la défaite française comme ils furent hier les bénéficiaires de la défaite de l’Allemagne.

    Le Parti communiste français revendique l’honneur d’avoir lutté à la tête du peuple français contre l’oppression nationale imposée au peuple allemand.

    A cette époque, Hitler s’en prenait dans son livre « Mein Kampf » non pas aux capitalistes français qu’il comble maintenant d’avantages ; non, il s’en prenait à la France, à son peuple qu’il insulte et contre qui il prononça des paroles de haine et de mépris gravées dans les mémoires.

    Victime, aujourd’hui, d’une odieuse oppression allemande, le peuple de France ne prononcera pas des paroles de haine à l’égard de la Nation allemande qu’il ne confond pas avec ses maîtres du moment.

    Et, de même que des Français se levèrent pour protester et agir contre le traité de Versailles imposé au peuple allemand, de même, nous en avons la certitude, se lèveront des Allemands pour protester et agir contre un nouveau Versailles imposé au peuple français par les dirigeants nazis et fascistes qui ont commencé par opprimer férocement leurs peuples pour pouvoir mieux opprimer les autres peuples. Mais l’envahisseur ne se contente pas de tout cela.

    Il veut entraîner la France dans sa guerre ; il veut se servir de la marine de guerre française, des ports français, des colonies françaises ce qui attirerait sur nos cités la rage des bombardements anglais qui, déjà, ravagent les côtes de l’Atlantique et de la Manche parce qu’elles sont utilisées pour la guerre.

    Les traîtres à la solde de l’envahisseur parlent de paix, mais leur « paix » ne signifie rien d’autre qu’une tentative criminelle de lancer à nouveau notre pays dans la guerre en le maintenant sous la domination des impérialistes allemands.

    C’est pourquoi la lutte pour la paix ne peut se séparer de la lutte contre l’oppression nationale, pour l’indépendance de notre pays.

    Le peuple de France ne veut pas la paix du cimetière et de la prison, la paix de la servitude et de l’oppression il veut la paix dans la liberté et l’indépendance du pays et le premier objectif que nous devons, nous Français, nous assigner dans cette lutte pour la paix est le suivant : Il ne faut pas permettre que le peuple de France, les ressources de notre pays et notre territoire soient utilisés dans la guerre entre l’Allemagne et l’Angleterre.

    Non, il ne faut pas que nos ouvriers et nos usines soient utilisés pour la guerre, alors que nos populations manquent de tout.

    Non, il ne faut pas que nos matières premières, nos ressources alimentaires et autres soient utilisées pour la guerre, par nos oppresseurs impérialistes.

    Non, il ne faut pas que notre territoire serve de champ de bataille aux impérialistes dont la cause et les intérêts ne sont pas et ne peuvent pas être ceux du peuple français.

    Voilà ce que pensent, ce que désirent des millions de Français, mais ils se demandent si cela peut sortir du domaine des aspirations pour entrer dans celui des réalités.

    Oui, cela se peut, mais à deux conditions :

    1° Il faut réaliser l’unité de toute la nation à l’exception des traîtres et des capitulards faisant la besogne ou le jeu de l’envahisseur ; il faut constituer un large front national de lutte pour l’indépendance de la France.

    2° Ce Front national de l’indépendance, pour pouvoir remplir sa mission libératrice, doit être constitué avec, comme force fondamentale, la classe ouvrière de France, avec le Parti communiste à la tête.

    Indiscutablement, la lutte pour la libération nationale de la France exige, afin d’être menée à bien, la formation d’un gouvernement du peuple qui avec une main de fer et s’appuyant sur les masses populaires serait capable d’épurer la France de tous les éléments traîtres et capitulards en même temps qu’il serait capable de créer les conditions indispensables au relèvement de la France dans la liberté et l’indépendance.

    La France a besoin pour se sauver d’un gouvernement populaire. L’intérêt supérieur de la France exige la formation d’un tel gouvernement populaire qui serait vraiment l’expression de la Nation unie dans une même volonté de libération contre l’envahisseur et contre les traîtres qui sont à son service.

    La lutte pour la libération nationale qui constitue la grande tâche du peuple de France, en ces heures sombres où notre pays est cruellement opprimé, ne peut point se séparer de la lutte pour la défense des intérêts immédiats des masses laborieuses de la ville et des campagnes.

    C’est pourquoi l’union de la nation française peut et doit se faire sur un programme d’action correspondant aux besoins pressants de nos populations, à leur profond désir de justice et de liberté ainsi qu ’aux intérêts réels de la France.

    L’unité de la Nation peut et doit se faire.

    Le Front national de l’indépendance de la France peut et doit se faire en vue de mener la lutte qui permettra d’exiger avec force et d’obtenir :

    1. Pour libérer la France et les Français.

    a) La suppression de la ligne de démarcation et l’évacuation du territoire.

    b) Le retour de tous nos prisonniers de guerre honteusement détenus, un an après la signature de l’armistice.

    c) La suppression de l’indemnité de guerre de 400 millions de francs par jour payée par la France à l’envahisseur depuis un an.

    2. Pour assurer la subsistance de la population.

    a) La mise à la disposition du peuple de France de toutes les ressources du pays et la mise en activité des usines françaises pour des fabrications correspondant aux besoins de la population de notre pays.

    b) L’organisation du ravitaillement sous le contrôle des comités populaires composés d’ouvriers, de paysans, de petits commerçants, de ménagères, afin de donner à chacun ce qui lui revient, afin de supprimer le favoritisme, afin de mettre un terme aux sinistres exploits d’intendants incapables et de hauts fonctionnaires prévaricateurs qui, de connivence avec les autorités d’occupation, organisent le « Marché Noir », affament le peuple et pillent le pays.

    c) L’achat de blé à l’Union Soviétique.

    3. Pour défendre les travailleurs contre leurs exploiteurs.

    a) L’augmentation générale des salaires, traitements et pensions à un taux correspondant au coût de la vie.

    Il faut mettre un terme à la politique antifrançaise des envahisseurs et de leurs valets qui imposent des salaires de famine, pour détruire, à force de privations, les populations ouvrières de France.

    b) Le rétablissement des libertés syndicales pour tous les travailleurs de l’industrie, du commerce, de l’agriculture et pour les fonctionnaires. Liberté de presse, droit de réunion, élection des délégués-ouvriers, congés payés, application de la semaine de 40 heures, le nombre d’heures de travail ne pouvant être éventuellement augmenté dans telle ou telle branche de la production que s’il n’y a pas de chômeurs parmi les ouvriers de cette branche.

    4. Pour la défense des paysans de France.

    a) La fixation des prix des produits agricoles à la production pour assurer au paysan une juste rémunération de son travail. Le rétablissement de la liberté de vente directe des produits agricoles pour les paysans. Le paiement des dommages de guerre et des sommes encore dues au titre des réquisitions. La création d’une caisse nationale d’assurances contre les calamités agricoles et la mortalité du bétail. La distribution aux paysans sinistrés et victimes des réquisitions de bétail, de machines agricoles, de carburant et d’engrais. Le bénéfice pour tous les paysans des allocations familiales et de la prime de la mère au foyer.

    b) L’annulation des dettes contractées par les paysans, fermiers, métayers et ouvriers agricoles à l’égard des gros propriétaires fonciers, banquiers et usuriers. L’application des lois sociales à la campagne (repos hebdomadaire, limitation du temps de travail, droit à l’allocation de chômage, conventions collectives, etc.). L’augmentation des salaires des ouvriers agricoles.

    5. Pour assurer un foyer à toutes les familles et du pain aux vieux.

    a) La réquisition des hôtels particuliers et des grands immeubles en vue d’y loger les familles privées d’un logement convenable. Construction de logements sains, aérés, spacieux dans les villes et les villages. Destruction des taudis, foyers de tuberculose et de cancer.

    b) Le paiement d’une retraite suffisante à tous les vieux (ouvriers, paysans, artisans, commerçants, professions libérales) à partir de 60 ans.

    6. Pour la jeunesse de France.

    a) La suppression des camps et « chantiers » de la Jeunesse établis en France sous l’inspiration de l’envahisseur et dont le but tend à plonger notre Jeunesse dans l’ignorance et dans la soumission à un esclavage dégradant.

    b) La création d’un vaste réseau d’écoles d’apprentissage pour jeunes gens et jeunes filles. La construction de stades, terrains de sport, piscines, crèches, colonies enfantines, etc.

    7. Pour les victimes et sinistrés de la guerre.

    a) L’octroi aux mutilés, malades, veuves, ascendants et orphelins de la guerre 1939-1940 des droits à pension dont bénéficient les victimes de la guerre 1914-1918. Rajustement des pensions d’invalidité et des allocations de veuves, ascendants et orphelins au coût de la vie. Augmentation de l’allocation versée aux femmes de prisonniers de guerre.

    b) Le paiement des dommages correspondant aux pertes subies aux petits et moyens propriétaires,sinistrés de guerre et aux locataires d’immeubles détruits ou endommagés par la guerre.

    8. Pour dégrever les pauvres et faire payer les riches.

    a) L’exonération des impôts pour les chômeurs, pour les familles disposant d’un faible revenu, pour les petits commerçants et annulation des dettes contractées à l’égard de banquiers et d’usuriers.

    b) La confiscation des 100 milliards de bénéfices de guerre volés à la Nation. Confiscation des 63 milliards que de Wendel a reçu de l’envahisseur. Établissement d’un cadastre des fortunes en vue de procéder à un prélèvement sur les grosses fortunes. Nationalisation sans indemnité des banques, compagnies d’assurances, mines, chemins de fer et grandes sociétés capitalistes

    9. Pour que la France soit la France et non une colonie nazie.

    a) Le rétablissement des libertés démocratiques (droits du suffrage universel, liberté de réunion, d’association, de presse). L’amnistie générale pour les milliers d’hommes et de femmes du peuple jetés dans les prisons et les camps de concentration de France et d’Afrique par ordre de l’envahisseur et de ses valets. Le châtiment de tous les traîtres au service de l’envahisseur. Le rétablissement dans leurs fonctions des municipalités et destitution des délégations spéciales et municipalités nommées par le gouvernement de Vichy. L’abrogation de toutes les mesures racistes appliquées en France par ordre de l’envahisseur et des gouvernants à ses ordres.

    b) Le rétablissement dans leurs fonctions des fonctionnaires révoqués, déplacés ou déclassés pour délit d’opinion. L’abrogation de toutes les mesures portant atteinte à la liberté de conscience, aux principes de la laïcité et aux droits du peuple.

    Le Parti communiste, le seul Parti qui, face à l’envahisseur, a le courage de poursuivre son combat pour la libération de la France, pense que, sur ce programme de lutte pour l’indépendance de la patrie, l’unité de la Nation française peut et doit se réaliser. Nous tendons une main fraternelle à tous les Français de bonne volonté.

    Le Parti Communiste Français, qui paie de persécutions féroces sa clairvoyance et son courage politiques, ce Parti qui représente l’amitié de la France avec l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques de Lénine et Staline, avec le grand et puissant pays du Socialisme où règnent la liberté, l’égalité et la fraternité des peuples, entend tout mettre en œuvre pour Unir les Français dans la lutte commune pour la libération nationale de la France et contre les traîtres et les capitulards au service de l’envahisseur. Les Darlan, Déat, Laval, Deloncle, Doriot, Dumoulin, Scapini et consorts se sont classés en tête des traîtres qui livrent notre pays aux oppresseurs du IIIe Reich.

    Ces hommes flétris et méprisés aujourd’hui, seront châtiés demain par tout un peuple jaloux de son indépendance, par tout un peuple digne et fier qui ne pardonnera jamais aux agents de la trahison, aux valets de l’oppresseur. La domination des tyrans s’effondre toujours devant la résistance des peuples.

    C’est ce que nous enseigne l’histoire, et les impérialistes hitlériens qui étendent leur domination insolente et brutale sur la plupart des pays de l’Europe, apprendront demain, à leurs dépens, que la roche tarpéienne est près du Capitole, comme d’autres impérialistes apprendront aussi à leurs dépens ce qu’il en coûte de vouloir maintenir sous l’esclavage colonial des peuples qui aspirent à la liberté.

    Le Parti communiste français convaincu que la France recouvrera demain son indépendance grâce à l’union de tout son peuple, lance un vibrant appel à tous ceux qui pensent français et veulent agir en Français ; il tend une main fraternelle à tous les Français quels qu’ils soient, qui ne voyant que les malheurs et l’intérêt du pays veulent s’unir pour mettre fin à l’oppression nationale qui rend irrespirable l’air de notre France que nous aimons.

    Le Parti communiste est qualifié pour prendre la tête du rassemblement de tous les Français sous le drapeau de l’indépendance du pays et, ce faisant, il est fidèle à sa politique de toujours.

    Avant la guerre, le Parti communiste a combattu la politique pro-hitlérienne suivie, par haine du peuple et de l’Union soviétique, par les capitalistes franco-britanniques qui se firent les complices de l’assassinat de la République espagnole et de la destruction de la Tchécoslovaquie.

    Dès le début de la guerre, le Parti communiste combattit pour une paix honorable, juste, durable et exclusive de toute hégémonie ; cette paix que demandaient les députés communistes était possible et pouvait être réalisée avec la participation de l’U.R.S.S., ce qui aurait épargné bien des malheurs à la France.

    Mais pour avoir fait preuve ainsi de courage et de clairvoyance politiques, les députés communistes ont été jetés dans les prisons et les camps de concentration.

    Depuis la guerre, le Parti communiste a combattu les gouvernants comme Daladier et Reynaud qui concentrèrent leurs efforts, non pas contre Hitler, mais contre la classe ouvrière et contre l’U.R.S.S.

    Aussitôt après l’armistice, le Parti communiste poursuivant sa lutte malgré les persécutions, a souligné devant le pays que la défaite était le résultat de la trahison des oligarchies capitalistes.

    Et tandis que tout le monde se taisait devant l’envahisseur, tandis que les gouvernants de Vichy s’inclinaient soumis devant les maîtres du IIIe Reich qui annexaient l’Alsace-Lorraine sans la moindre consultation populaire, le Parti communiste revendiquait pour la France le droit à l’indépendance et pour le peuple alsacien-lorrain le droit à disposer librement de son sort.

    Dans son programme qu’il a publié clandestinement sous le titre « Pour le salut du peuple de France », le Parti communiste en préconisant la formation d’un « gouvernement du peuple, expression de la volonté nationale » indique parmi les buts de politique extérieure à atteindre « la libération du territoire national et des prisonniers de guerre ».

    « La conclusion d’un pacte d’amitié et d’un traité commercial avec l’URSS ». « La poursuite résolue d’une politique de paix destinée à tenir la France hors du conflit. »

    L’indépendance et la paix, voilà ce que voulait hier et ce que veut aujourd’hui, pour la France, le Parti communiste français.

    Et maintenant que notre pays se trouve placé devant le double danger de devenir une sorte de colonie nazie et d’être entraîné à nouveau dans la guerre impérialiste, les communistes, les plus courageux et les meilleurs fils de France, qui, par dizaines de milliers, ont payé de leur liberté leur défense des intérêts supérieurs de la Nation, appellent tous les Français de bonne volonté à l’union, à la lutte commune.

    Le Parti communiste ne veut écarter personne, si ce n’est les capitulards et les traîtres, de l’unité de la nation, du Front national de l’indépendance de la France ; il lance un pressant appel aux hommes et aux femmes qui quelles que soient leurs convictions ou leurs croyances, veulent, selon leurs possibilités, prendre part à la lutte pour la libération de la France.

    C’est dans la masse du peuple que résident les forces de libération nationale du pays et plus le Front national de lutte pour l’indépendance de la France sera vaste, puissant, plus il soulèvera de sympathies agissantes parmi les peuples de tous les pays, y compris dans les rangs du peuple allemand.

    A ce peuple, nous devons faire comprendre qu’un peuple qui en opprime un autre ne peut pas être libre ; nous devons lui faire comprendre que nous, Français, qui n’avons pas oublié le mot d’ordre de la Grande Révolution : « Guerre aux tyrans et paix aux peuples », nous ne voulons pas être les esclaves du « nouvel ordre européen », cette formule ne servant qu’à recouvrir le monstrueux plan d’asservissement de l’Europe poursuivi par les chefs nazis.

    Certains Français et certaines Françaises qui souffrent de voir notre pays opprimé par l’envahisseur placent à tort leurs espérances dans le mouvement de Gaulle.

    A ces compatriotes, nous disons que ce n’est pas derrière un tel mouvement d’inspiration réactionnaire et colonialiste, à l’image de l’impérialisme britannique, que peut se réaliser l’unité de la Nation française pour la libération nationale.

    Français et Françaises doivent s’unir entre eux, en toute indépendance, et constituer, face à l’envahisseur, face aux traîtres à sa solde, le front national de lutte contre l’oppression nationale.

    Ainsi le peuple de France peut et doit donner à tous les peuples opprimés l’exemple de la lutte pour l’indépendance, ce qui affaiblira d’autant les forces d’oppression qui pèsent sur nous.

    Voilà ce que propose le Parti communiste à tous les Français, à toutes les Françaises de bonne volonté sans écarter aucun concours, sans jeter la moindre exclusive, étant bien entendu que les traîtres au service de l’envahisseur s’excluent d’eux-mêmes de la collectivité nationale.

    Ce qu’il faut aujourd’hui, c’est, avant tout, éviter que la France demeure écrasée, humiliée, mutilée, soumise à l’impérialisme oppresseur et, pour cela, tous les Français dignes de ce nom doivent être rassemblés pour lutter en commun contre l’oppression nationale.

    Guidé par le souci exclusif de réaliser l’unité de la Nation pour la cause, sacrée entre toutes, de l’indépendance nationale, le Parti communiste mettant au-dessus de tout l’intérêt du pays déclare solennellement qu’en vue d’aboutir à la création d’un large Front de libération nationale, il est prêt à soutenir tout gouvernement français, toute organisation et tous hommes dont les efforts seront orientés dans le sens d’une lutte véritable contre l’oppression nationale subie par la France et contre les traîtres au service de l’envahisseur.

    Français, Françaises de toutes conditions, de toutes opinions, de toutes croyances, répondez « présent » à l’appel que vous lance le Parti Communiste Français !

    Unissez-vous dans chaque ville et dans chaque village pour que la France reste la France, pour qu’elle puisse vivre libre et indépendante, délivrée du joug de l’oppression nationale qui pèse sur elle.

    Vive le Front national de lutte pour l’indépendance de la France !

    Vive la France libre et indépendante !

    15 Mai 1941

    Le Parti communiste français (S.F.l.C.) »

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    Le Parti Communiste Français
    de la lutte armée à l’acceptation

  • L’importance du Nord-Pas-de-Calais et l’hyper-activisme de la résistance armée du PCF

    Le Parti Communiste Français a organisé partout sa résistance clandestine, il est une zone qui va toutefois jouer un rôle décisif : le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais.

    La raison est que cette partie de la France a été déclarée « zone interdite » et dépend de l’administration militaire allemande de la Belgique et du Nord de la France.

    L’objectif de l’Allemagne nazie est double : d’un côté, il s’agit de mettre en place la colonisation allemande de la région ; de l’autre, il s’agit de pressuriser au maximum les mineurs afin de renforcer la production de charbon.

    Dans ce contexte, 100 000 mineurs belges mènent une grande grève du 12 au 19 mai 1941, exigeant 500 grammes de pain par jour pour toute la population ; la distribution effective des 15 kilos de pommes de terre prévus mensuellement ; 500 grammes de beurre, 1 kilo de féculents, 2 kilos de sucre par mois ; 50 grammes de viande par jour ; la distribution de lait pour les malades et les pensionnés sans échange des timbres de beurre ; l’ajournement du paiement de la taxe de crise pour 1939 jusqu’à la fin de la guerre ; 25 % d’augmentation de salaires.

    Le succès de la « grève des 100 000 » trouve écho en Nord-Pas-de-Calais, où la grève dure du 27 mai au 9 juin 1941, portée par 100 000 mineurs (sur 143 000), le plus souvent d’origine polonaise.

    Des centaines de grévistes sont arrêtés, des dizaines d’autres sont amenés à passer dans la clandestinité, alors que l’Allemagne nazie procède à des déportations et fusille par centaines. Cependant, en pratique, jusqu’en 1944, la production de charbon baissera d’un tiers en raison des sabotages, dans un climat généralisé de résistance.

    Le Nord-Pas-de-Calais apparaît ici comme l’exemple de l’action, y compris de l’action armée, car l’initiative a ici commencé dès 1940. Les trois figures dirigeantes sont ici Rudolf Larysz, Stefan Franciszczak et Jan Rutkowski.

    On notera ici que, de 1945 à 1949, 62 000 Polonais de France sont retournés dans leur pays d’origine à l’appel de leur pays devenu une démocratie populaire ; ils serviront souvent de cadres pour le nouvel État.

    La lutte armée a commencé par le rassemblement d’armes dès 1940, rapidement suivi de sabotages, dont le plus connu est l’incendie d’une dizaine de véhicules militaires allemands à Vimy en septembre de la même année.

    De juillet à septembre, les nazis considèrent qu’il y a eu dans la région 61 sabotages téléphoniques, 47 sabotages ferroviaires et 3 attentats.

    Il faut dans ce cadre mentionner les noms de trois acteurs essentiels : Michel Brulé, Charles Debarge et Julien Hapiot, assassinés par les nazis respectivement en 1941, en 1942 et en 1943.

    On peut attribuer à Charles « Charlie » Debarge, surnommé « l’insaisissable » par les collabos, la mise en œuvre d’une trentaine de sabotages contre des voies ferrées, de deux attaques de poudrières et de 18 attaques de mairie avec récupération des cartes de ravitaillement et de machines à écrire, de quatre attaques à la grenade de locaux occupés par les Allemands, de l’attaque du poste de garde du Pont Césarine à Lens (avril 1942), où il succombera par ailleurs à ses blessures.

    Et là est bien le problème. Si le Parti Communiste Français a réussi à se reconstituer, la lutte armée offensive qu’il initie repose sur une poignée d’activistes d’un grand courage et prêts au sacrifice.

    Sur le plan défensif, on reste dans une dimension de masse. L’Organisation Spéciale a comme tâche de trouver des armes, de protéger les militants lors d’une action d’agitation ou de propagande, de défendre les grèves, de collecter des informations et du matériel, de susciter des appuis, soutenir militairement les actions de sabotage, trouver des médecins et des infirmières, ou encore liquider les traîtres.

    C’est par exemple un commando cycliste issu de l’Organisation spéciale qui liquide le collaborateur et ex-membre du PCF, Marcel Gitton, le 4 septembre 1941.

    L’Organisation Spéciale intervient aussi lors des nombreuses manifestations de femmes à propos du ravitaillement, notamment en banlieue parisienne (Rueil-Malmaison, Ivry, Bagnolet…).

    Ici, deux actions connues à Paris même sont celles de la rue de Buci le 31 mai 1942 et de la rue Daguerre le 1er août 1942. La consigne du Parti aux femmes de l’organisation était alors « d’organiser des manifestations contre le rationnement, d’envahir en masse les restaurants et épiceries de luxe et de partager les vivres. »

    Sur le plan offensif, cependant, on est dans des actions en mode tête brûlée. Il n’y a pas de plan d’action stratégique ; il y a une démarche pragmatique-machiavélique où des gens en armes sont à la recherche d’opportunités, avec la logique d’aider l’URSS et d’essayer de parvenir à faire boule de neige.

    L’exemple le plus connu de la démarche tient en août 1941 à l’exécution d’un officier allemand dans le métro parisien par Pierre Georges, le futur colonel Fabien qui sera un héros de la Résistance. Il y a aussi l’exécution de Karl Hotz, Feldkommandant à Nantes, le 22 octobre 1941, qui fut une opération totalement hasardeuse, bien que triomphante.

    Ce que cela reflète ici, c’est l’incapacité à formuler une stratégie de prise de pouvoir. On aura la preuve de cela à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque ni la direction du Parti Communiste Français, ni les chefs sur le terrain de la résistance armée ne sauront quoi faire du patrimoine accumulé.

    La lutte armée est assumée héroïquement, tout en étant conçue comme une anomalie, comme fruit d’un problème temporaire à résoudre. Voilà pourquoi les Cahiers du bolchévisme, en 1942, présentent la ligne de manière simple, finalement :

    « Dans les conditions de la guerre réactionnaire d’agression hitlérienne contre les Peuples en vue de leur asservissement total, l’action des patriotes de chaque pays, organisés en partisans, porte en elle l’embryon d’une armée populaire nationale à qui incombe la tâche historique de reconquérir et de garantir l’indépendance dans chaque pays agressé. »

    L’hyper-activisme a donc un objectif quantitatif, et quantitatif seulement. C’est très précisément l’origine du choix du nom de l’organisation de lutte armée : « Francs-Tireurs Partisans », avec les Francs-Tireurs Partisans Français (FTPF) et des Francs-Tireurs Partisans – Main d’œuvre Immigrée (FTP-MOI).

    Le terme a d’ailleurs comme origine la guerre franco-prussienne de 1870, où des corps de volontaires se sont mis en place, justement sous le nom de francs-tireurs. C’est le reflet de la dérive droitière entamée pendant l’époque du Front Populaire en 1935-1937.

    La notion d’organisation, de front, d’unité politique n’est pas soulignée ; ce qui compte, c’est le côté franc-tireur, le partisan menant des actions de guérilla pour perturber l’ennemi. Il n’y a pas de stratégie de la guerre mise en place.

    La naissance des FTP est d’ailleurs simplement l’expression directe d’une unification technique. Sont ainsi rassemblés l’Organisation spéciale, les Bataillons de la jeunesse et les secteurs armés de la Main-d’œuvre immigrée.

    Au départ, l’Organisation spéciale est chargée de pratiquer des actions chocs pour entraîner les FTP, dans une sorte d’émulation ; lorsqu’ils naissent en octobre 1941, les FTP sont considérés comme un simple levier.

    Car le Parti Communiste Français a une ligne définie par Maurice Thorez et cette Ligne Opportuniste de Droite appelle, depuis 1937, à l’union des Français.

    C’est pourquoi les FTP ne sont qu’un aspect bien secondaire par rapport au « Front national » mis en place le 15 mai 1941 avec l’appel Pour la formation d’un Front national de l’indépendance de la France.

    Il faut saisir le glissement qui s’est produit. Les premiers groupes armés du Parti Communiste Français sont portés par une logique de confrontation, et leur souci immédiat est d’appuyer des initiatives contestataires, notamment à travers des revendications concernant la vie quotidienne : le ravitaillement, les salaires, etc. D’où leur dimension éparpillée.

    En unifiant tous les groupes, le Parti Communiste Français tente d’appuyer son appel à un Front national, en cherchant à présenter l’unification des groupes (en fait que le produit direct de l’appareil militaire du Parti) comme relevant de la mise en place d’une armée de libération nationale dont la dimension est « quantitative » seulement.

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    Le Parti Communiste Français
    de la lutte armée à l’acceptation

  • La plongée dans la clandestinité du Parti Communiste Français

    Ce qu’on lit dans La vie du Parti en avril 1941 est riche d’enseignements. C’est un rappel des conditions de la lutte et comme c’est en quelque sorte un manuel de la clandestinité, on y retrouve un excellent portrait de la situation des communistes.

    « Il faut en finir avec le « crétinisme légaliste »

    Notre Parti travaille dans les conditions de l’illégalité. La bourgeoisie n’hésitant pas un instant à violer sa propre légalité fait arrêter par la police, sans l’ombre du moindre prétexte, des personnes soupçonnées de pouvoir être communistes.

    Cela chaque communiste le sait et il est donc clair qu’un militant quelque peu connu avant guerre ne peut songer à participer au travail illégal du Parti sans prendre d’indispensables mesures de précaution.

    La première des choses à faire est de ne plus aller sous aucun prétexte à son domicile connu de la police et sûrement surveillé.

    C’est là une précaution élémentaire que chacun devrait comprendre sans avoir besoin de beaucoup d’explications, et pourtant il n’en est rien.

    Il y a des camarades qui se croient encore dans la période légale d’avant-guerre et qui font preuve de ce l’on peut appeler un « crétinisme légaliste ».

    On a pu voir des militants à qui on demandait s’ils avaient bien quitté leur domicile, s’ils prenaient des précautions, répondre avec une naïveté désarmante : « Je ne couche pas chez moi, je n’y vais qu’à midi pour déjeuner ».

    Notre Parti a payé de l’arrestation de plusieurs de ses cadres de telles méthodes qui sont empreintes d’un opportunisme intolérable et doivent être condamnées de la façon la plus nette.

    Être un bon communiste dans les circonstances actuelles, c’est avant tout appliquer scrupuleusement les règles du travail illégal ; c’est comprendre que chaque défaillance dans ce domaine constitue un danger pour le Parti et un véritable crime contre la classe ouvrière.

    C’est pourquoi nous voulons rappeler aux membres du Parti des règles fondamentales qu’on ne doit laisser transgresser en aucune manière par qui que ce soit.

    Le « crétinisme légaliste » et l’organisation

    La sous-estimation de la répression capitaliste, le « crétinisme légaliste » dont certains camarades font preuve dans le domaine de l’organisation constituent un péril pour le Parti.

    L’intérêt de la classe ouvrière, l’intérêt de notre pays que nous voulons libérer de l’exploitation capitaliste, de la misère, de la famine et de l’oppression nationale, l’intérêt du Parti exigent que tous les responsables, quels qu’ils soient, qui se livrent à des bavardages, font preuve de légèreté et d’esprit d’irresponsabilité soient implacablement éliminés de leurs responsabilités.

    « L’ennemi de classe » est aux aguets, il dispose de moyens formidables et il y a des camarades qui, sans tenir compte de cette réalité, se comportent d’une façon scandaleuse.

    Là ce sont des militants ayant été un peu connus avant-guerre qui au lieu de conserver l’incognito le plus strict auprès des personnes avec lesquelles ils sont en contact, se font connaître agissant ainsi comme des petits-bourgeois prétentieux et irresponsables.

    Là ce sont des militants qui stupidement établissent des listes de militants susceptibles de tomber entre les mains de la police, alors que l’établissement de listes de ce genre est rigoureusement interdit par le Parti et doit être considéré comme une provocation.

    Ailleurs ce sont d’anciens exclus du Parti qu’on utilise pour de toutes petites tâches et puis on trouve que ces éléments sont « dévoués », on élargit le champ des prétendus services rendus par ces individus à qui on permet de se mettre au courant de beaucoup de choses jusqu’au jour où ces messieurs livrent tout à la police. Une telle naïveté n’est-elle pas criminelle ?

    Ailleurs encore, ce sont des responsables qui avec une légèreté indigne de communistes confient des tâches importantes à des membres du Parti qui ont mal travaillé et nui à la sécurité du Parti.

    Ce sont des domiciles illégaux de camarades que connaissent un tas de personnes.

    Ce sont des liaisons nombreuses effectuées par la même personne sans aucune coupure, ce qui met en danger tout le système de liaison.

    Ce sont des renégats qui peuvent livrer à la police, s’ils sont arrêtés, toute une série de noms qu’ils n’auraient pas dû connaître.

    Ce sont des responsables qui avec une légèreté incroyable organisent des réunions d’une dizaine de militants.

    Ce sont des filatures, des surveillances policières qu’on néglige, faisant preuve ainsi d’une quiétude criminelle, au lieu de combattre l’ennemi avec vigilance, au lieu de tout changer dès qu’on s’est aperçu de la surveillance policière qui ne peut pas ne pas être rapidement observée si chaque militant a sans cesse l’esprit en éveil.

    On a pu voir des responsables qui avec une cécité politique incroyable ont laissé la police préparer un grand coup pendant des semaines sans s’apercevoir de quoi que ce soit.

    Ce sont aussi dans de trop nombreux cas des militants qui, oubliant que la police traque notre Parti, vont chez les uns, chez les autres comme si nous étions en période légale et qui un beau jour sont tous pris bêtement sans avoir rendu le moindre service à la classe ouvrière.

    Ce sont des bavards qui par vanité petite-bourgeoise disent ou laissent entendre qu’ils font un travail important sans penser que cela peut aider l’ennemi.

    Et puis, c’est aussi le libéralisme pourri à l’égard des lâches, des traîtres, la tendance à plaindre ou à excuser ceux qui, tombés entre les mains de la police, ont livré leurs camarades alors qu’ils doivent être dénoncés comme traîtres dans leur localité. Cela fera réfléchir ceux qui seraient tentés de les imiter.

    De tout cela se dégagent pour notre Parti des règles sévères :

    1. Tout membre du Parti qui, soit par négligence, soit par ses bavardages, soit en livrant ce qu’il sait à la police s’il est arrêté aura permis à l’ennemi de classe de découvrir ne serait-ce qu’une petite partie de l’organisation fera l’objet d’une enquête minutieuse et ses agissements nuisibles au Parti seront dénoncés publiquement devant les masses laborieuses.

    2. Tout membre du Parti qui essaiera d’apprendre quoi que ce soit de l’organisation du Parti en dehors de ce qu’il sait de son propre travail et de sa propre organisation doit être considéré comme suspect et son cas doit être soumis à l’organisme supérieur en vue des mesures et sanctions à prendre.

    3. Toute tentative pour un groupe de base de trois membres d’entrer en contact avec un groupe similaire sera considérée comme suspecte et des sanctions en conséquence seront prises. Les liaisons entre organisations d’un même échelon sont absolument interdites.

    (Les groupes de base de trois ne doivent pas se connaître entre eux, les cellules ne doivent pas se connaître entre elles ; il ne doit pas y avoir de liaisons horizontales).

    4. Aucune réunion de plus de trois camarades ne doit être tenue.
    Les groupes de trois constituent la base d’organisation de la cellule du Parti et toute tentative de faire constituer des groupes de plus de trois membres doit être considéré comme une violation de la discipline du Parti.

    Sur la base de ces règles d’action correspondant aux exigences de notre travail illégal une lutte implacable doit être menée contre le laisser-aller, le laisser-faire, contre l’esprit de « copinerie », contre le libéralisme pourri à l’égard de ceux qui transgressent les directives du Parti.

    Et c’est dans la mesure où ils seront capables d’appliquer, dans les conditions actuelles, la politique du Parti avec esprit de responsabilité, avec fermeté, avec dévouement et esprit de sacrifice, faisant en toutes circonstances passer le Parti avant tout, que les camarades doivent être appelés aux fonctions responsables.

    Il faut cloisonner hermétiquement l’organisation du Parti

    Chacun sait que la sécurité d’un navire de guerre est assurée par la multiplication de compartiments isolés hermétiquement les uns des autres, mais tous reliés à la direction unique du navire.

    Qu’un projectile ennemi traverse la cuirasse du bateau, l’eau s’engouffre dans le compartiment touché mais s’arrête aux cloisons étanches.

    Plus le compartiment est petit, moins il contient de marins ou d’armements, plus les dégâts sont réduits et plus le navire de guerre conserve de moyens d’action pour continuer le combat jusqu’à son issue victorieuse.

    L’adversaire a porté un coup, soit, mais il n’a pu atteindre son objectif qui est la mise totale hors de combat du vaisseau.

    Ce principe de compartimentage doit être appliqué au Parti dans tous les cas. Le groupe de trois doit être le compartiment de base du Parti. Les groupes de trois doivent être isolés hermétiquement les uns des autres.

    Les camarades d’un groupe de trois ne doivent connaître exclusivement que leur propre travail. Les groupes comprenant plus de trois adhérents doivent être immédiatement décentralisés.

    L’objection souvent formulée pour différer cette décentralisation si nécessaire est le « manque de cadres ».

    Cette objection ne tient pas, au contraire la décentralisation en multipliant les groupes de trois permettra de faire accéder à des responsabilités des dizaines, des centaines de militants qui à la tête d’un groupe de trois feront leurs premières armes de dirigeants politiques.

    Comment doit être organisée une section du Parti

    Afin de mieux faire comprendre à tous nos membres comment doit être organisé le Parti, nous allons prendre l’exemple d’une section, la section de …

    A la tête de la section, il y a trois camarades ayant été désignés par l’échelon supérieur.
    La localité est divisée en quatre quartiers.

    A la tête de chaque quartier, il y a une direction de trois camarades désignés et contrôlés par la direction de la section (après vérification).

    Dans chacun des trois premiers quartiers, il y a trois cellules locales et dans le quatrième il n’y en a que deux pour le moment.

    Il y a, en outre, deux organisations du Parti dans deux importantes usines de la localité.
    Voyons comment fonctionne cette section.

    A la direction de la section, la répartition du travail est ainsi établie :

    1. Le responsable politique chargé de l’application de la ligne du Parti par les organisations et la presse du Parti. En outre, il s’occupe des questions de la Jeunesse, des Femmes et de la lutte contre la répression capitaliste.

    2. Le responsable de l’organisation chargé de l’organisation du Parti sur la base de l’entreprise, et sur la base locale. Il a la charge de l’organisation matérielle de la propagande (impression et diffusion), et s’occupe aussi des divers mouvements de masse : paysans, classes moyennes, vieux travailleurs, comités populaires locaux.

    3. Le responsable du travail syndical chargé du travail des communistes dans les syndicats, des comités populaires d’entreprises et des chômeurs.

    Dans cette direction, comme dans toutes les directions du Parti à tous les échelons les décisions doivent être prises collectivement, les tâches pour chacun des membres de la direction doivent être fixées et les responsabilités doivent être personnelles.

    La direction de l’organisation du quartier est constituée d’après les mêmes principes de répartition du travail.

    A la tête de chaque cellule, il y a également une direction de trois camarades et trois groupes de base de trois, soit en tout douze camarades.

    Du fait de cette organisation compartimentée, la direction de la section connaît et est en liaison avec quatre directions de quartiers et deux directions d’organisations d’entreprises.

    La direction d’un quartier ignorant tout de l’organisation dans les autres quartiers est en liaison, d’une part, avec la direction de la section, et d’autre part avec les trois cellules du quartier.

    La direction d’une cellule est en liaison avec la direction du quartier et avec les trois groupes de trois qui la composent.

    Quant au groupe de base de trois, il a à sa tête un responsable qui, seul, est en liaison avec la direction de la cellule, ce qui fait que dans le groupe de trois, deux camarades ne connaissent personne en dehors de leur groupe et le responsable connaît un dirigeant de la cellule car les trois dirigeants de la cellule établissent chacun la liaison avec un groupe de base et toujours le même.

    Sur la base des organisations existantes, le territoire de la localité est partagé ; la direction du quartier a assigné à chaque cellule le groupe de rues qui constituent son ressort territorial et chaque groupe de trois a aussi un secteur déterminé à travailler, soit un bloc de maisons soit une ou plusieurs rues.

    (Ajoutons qu’avec raison la direction de la section que nous citons en exemple a délimité les quartiers à sa manière, sans tenir compte des divisions officielles).

    Ainsi un groupe de trois sachant où il doit travailler peut jouer un rôle considérable dans l’évolution des sentiments de la masse qui l’entoure. Ces trois hommes que personne ne connaît comme communistes, s’ils savent être à la fois prudents et attentifs à ce qui se passe autour d’eux, ont d’immenses possibilités d’action à leur disposition.

    C’est ainsi qu’un groupe de trois ayant appris que dans son secteur territorial la femme d’un prisonnier de guerre, chargée de famille, était laissée à l’abandon et vivait dans la misère, fit à la polycopie des papillons et des tracts qui, glissés sous les portes, laissés dans des endroits où les ménagères, en descendant au marché, sont amenées à les prendre, escaliers, rebords de fenêtres, etc., est parvenu, ces temps derniers, à provoquer une émotion telle, des commentaires d’une véhémence telle que la mairie dut accorder un secours immédiat à cette malheureuse femme.

    Parce qu’il avait traduit la pensée intime des masses dans une situation déterminée, le groupe de base de notre Parti était parvenu à faire exprimer notre politique de défense des malheureux par des travailleurs qui, à la faveur de ces circonstances, ont acquis une plus grande confiance dans notre Parti qu’ils ont senti présent, qu’ils sentent présent autour d’eux quoique les membres du Parti ne soient pas identifiés.

    Ceci nous amène à souligner combien il est indispensable que chaque groupe de base du Parti, c’est-à-dire chaque groupe de trois, puisse polycopier des textes et faire pénétrer notre propagande partout, non seulement en diffusant le matériel de propagande central, régional ou local, mais en intervenant directement dans son petit coin sur le plan des questions qui préoccupent la population (ravitaillement, injustices, passe-droits, etc.) au moyen de tracts, inscriptions, etc., etc.).

    Avec des dizaines de milliers de groupes de trois agissant à travers tout le pays, rien ne pourra empêcher l’établissement de contacts étroits entre notre Parti et le peuple de France. D’ailleurs, plus il y a de groupes de trois et plus petite est pour chacun d’eux la portion de territoire à travailler.

    Au surplus, dans un groupe de trois, les camarades se connaissent, le travail de chacun d’eux est facilement et immédiatement contrôlable.

    Si par exemple le groupe de trois a décidé de faire des inscriptions tel jour on sait tout de suite si chaque camarade a rempli sa tâche et pour si peu que l’esprit de vigilance règne dans le groupe, il est impossible à un provocateur de faire sa besogne criminelle sans se faire rapidement repérer, après quoi des mesures appropriées peuvent très rapidement chasser cet ennemi et le mettre hors d’état de nuire.

    C’est donc dans une ambiance de confiance mutuelle que peuvent travailler les groupes de trois et ce résultat serait plus difficilement obtenu dans un groupe large où le contrôle de l’activité de chacun des membres serait beaucoup moins commode à effectuer (…).

    On remarquera que cette organisation du Parti, fortement décentralisée, en même temps que soumise à une direction unique transmet tant les directives du Comité central, exige un grand nombre de cadres et c’est pourquoi dans les circonstances actuelles le travail de formation de cadres doit être au premier plan des préoccupations du Parti.

    Nous pouvons et nous devons former des milliers de cadres capables de diriger le mouvement ouvrier aux divers échelons.

    Le choix et le contrôle des cadres

    Nous avons indiqué plus haut que les cadres doivent être désignés par les échelons supérieurs, après une vérification minutieuse et certains camarades se demandent ce que devient dans tout cela le principe de l’électivité inscrit dans les statuts de notre Parti.

    Il est à peine besoin d’indiquer qu’un Parti vivant et travaillant dans l’illégalité ne peut agir comme il le faisait dans la période légale. »

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    Le Parti Communiste Français
    de la lutte armée à l’acceptation

  • L’appel à l’action du Parti Communiste Français en 1940

    Le Parti Communiste Français dispose d’une base assez remuante pour renverser la pression de son interdiction, dans un contexte où de toutes façons tout a changé, puisque désormais c’est l’occupant allemand qui décide, ou bien le régime fasciste de Pétain.

    Un excellent exemple est la réaction à l’arrestation du physicien antifasciste (et futur communiste) Paul Langevin par la Gestapo : le Quartier Latin à Paris est en état de siège le 8 novembre 1940 ; la manifestation patriotique du 11 novembre est également massive et est réprimée militairement par l’armée allemande, avec 11 morts.

    Le 13 novembre les nazis fermèrent en conséquence six établissements secondaires et supérieurs et, le 17, toutes les facultés de Paris, Dijon et Besançon ; ils ne rouvriront qu’en décembre.

    Quel est l’état d’esprit des communistes ? Voici ce qu’on lit dans l’appel du 10 juillet 1940, tiré clandestinement à 600 000 exemplaires.

    « Notre pays connaît maintenant les terribles conséquences de la politique criminelle suivie par des gouvernements indignes, responsables de la guerre, de la défaite, de l’occupation.

    Des milliers et des milliers de jeunes gens et de pères de famille sont tombés, des milliers et des milliers d’évacués chassés de leurs foyers ont connu le plus lamentable des exodes sur les routes de France, de nombreuses villes, de nombreux villages ont été détruits, des malades et des blessés souffrent dans les hôpitaux, des centaines de milliers de prisonniers se morfondent loin de leurs familles, des veuves, des vieux parents, des orphelins pleurent leurs disparus.

    La France meurtrie, douloureuse, trahie par ses dirigeants subit la rançon de la défaite.

    Voilà où nous ont conduits les politiciens à la Daladier, à la Reynaud, qui soutenus par un parlement de valets et de corrompus, ont poussé la France à la guerre pour servir les intérêts des ploutocrates, pour supprimer les libertés publiques, pour faire régner la terreur, écraser le peuple et porter les armes contre l’URSS, pays du socialisme (envoi de matériel de guerre aux gardes blancs finlandais et constitution de l’armée Weygand en Syrie).

    Les faits sont là qui montrent à quel point cette politique a fait faillite, à quel point elle a été néfaste. L’heure est venue de situer les responsabilités de tous ceux qui ont conduit la France à la catastrophe.

    La clique des dirigeants banqueroutiers de la politique de guerre a bénéficié de l’appui de tous les partis unis dans une même besogne de trahison et dans une même haine de la classe ouvrière et du communisme (…).

    La malédiction d’un peuple trahi monte vengeresse vers ces hommes qui ont voulu la guerre et préparé la défaite.

    À cause de ces hommes, la moitié du territoire français subit l’occupation de l’armée allemande, aux frais de la France comme l’indique le traité d’armistice.

    A cause de ces hommes le peuple de France connaît l’humiliation de cette occupation et ne se sent pas chez lui. 

    Il voit en même temps, qu’un gouvernement de traîtres et de vendus siège à Vichy en attendant de venir à Versailles pour imiter le sinistre Thiers et mise sur des concours extérieurs pour se maintenir au pouvoir contre la volonté de la Nation.

    Mais rien ne pourra empêcher que les comptes soient réglés et les masses laborieuses en demandant que la France soit aux Français expriment à la fois la volonté d’indépendance de tout un peuple et sa ferme résolution de se débarrasser à tout jamais de ceux qui l’ont conduit à la catastrophe (…).

    Désormais, chaque Français est à même de constater que si les propositions communistes, toutes de clairvoyance et de sagesse avaient été suivies, la guerre avec ses désastres aurait été épargnée à notre pays.

    Mais les gouvernants qui n’ont pas voulu la paix ne se sont pas préparés à la guerre et ont sciemment organisé la trahison (…).

    Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves et si, malgré la terreur ce peuple a su, sous les formes les plus diverses, montrer sa réprobation de voir la France enchaînée au char de l’impérialisme britannique, il saura signifier aussi à la bande actuellement au pouvoir sa volonté d’être libre.

    Les politiciens civils et militaires, à la solde du capitalisme, ont conduit le peuple de France à la guerre sous prétexte de défendre la liberté et, aujourd’hui, ils imposent leur dictature parce qu’ils ne veulent pas rendre de comptes, parce qu’ils veulent que les ploutocrates puissent s’enrichir de la défaite comme ils se sont enrichis de la guerre.

    Cela ne doit pas être, cela ne sera pas ! La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé, la France au passé si glorieux ne s’agenouillera pas devant une équipe de valets prête à toutes les besognes.

    La France doit se relever, elle se relèvera. Il le faut, dans l’intérêt même de la fraternité des peuples, que, de toutes façons, nous voulons (…).

    C’est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale.

    Et c’est seulement autour de la classe ouvrière ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage, parce que l’avenir lui appartient ; c’est seulement autour de la classe ouvrière, guidée par le Parti Communiste, parti de propreté d’honneur et d’héroïsme, que peut se constituer le Front de la Liberté, de l’Indépendance et de la Renaissance de la France (…).

    Sous le signe de la lutte contre le régime capitaliste générateur de misère et de guerre, d’exploitation et de corruption, qui a déjà disparu sur un sixième du globe, en URSS.

    Sous le signe de l’unité et de l’indépendance de la nation, sous le signe de la fraternité des peuples, nous serons les artisans de la renaissance de la France.

    A bas le capitalisme générateur de misère et de guerre !

    Vive l’Union Soviétique de Lénine et Staline, espoir des travailleurs du monde !

    Vive l’unité de la nation française !

    Vive la France libre et indépendante !

    Vive le Parti Communiste espoir du peuple de France !

    Vive le gouvernement du peuple au service du peuple ! »

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