Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Le discours de Maurice Thorez à Waziers

    Voici le discours clairement révisionniste de Maurice Thorez, à Waziers, le 21 juillet 1945. La convergence avec le capitalisme correspond très clairement à l’abandon des principes de Marx, Engels, Lénine et Staline, alors qu’au même moment Mao Zedong fait avancer la révolution chinoise.


    PRODUIRE, FAIRE DU CHARBON

    Chers camarades,

    C’est pour moi, vous pensez bien, une grande joie d’avoir été chargé par le Bureau politique de présenter le compte-rendu des travaux du Xe Congrès de notre Parti communiste français aux délégués des organisations communistes du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais, à un moment, où, de l’effort des mineurs, dépend, dans une grande mesure, la renaissance de notre pays et l’indépendance de la France : une grande joie de me retrouver au milieu de tant de vieux camarades avec lesquels j’ai milité voici déjà près de vingt années.

    Il me semble que dans la vieille mairie de Waziers, j’étais venu il y a vingt trois ans; celle ci, je l’ai inaugurée aussi il y a une quinzaine d’années.

    Je songe à ceux des camarades qui ne sont plus ; à ceux qui sont tombés dans la bataille contre l’Allemand et contre les traîtres de Vichy; ceux à qui nous devons rester fidèles en comprenant quel est actuellement le devoir que nous avons à accomplir vis-à-vis de la classe ouvrière, vis-à-vis de la République, à l’égard de la France.

    Le Xe Congrès de notre Parti a été un grand congrès. Grand par le nombre des délégués : plus de 1.300 ouvriers, paysans, fonctionnaires, intellectuels parmi les plus renommés, des francs-tireurs et partisans, des hommes, des femmes, combattants de la Résistance qui, dans toutes les épreuves, ont montré leur fidélité au pays et au communisme dans la grande bataille de ces dernières années.

    Un grand congrès par le nombre même des membres de notre Parti. Dans le rapport que j’ai présenté, j’avais indiqué le chiffre de 900.000 cartes, expédiées par notre trésorier aux Fédérations. Le chiffre s’était élevé à 927.000 à la date du 30 juin. Nous allons vers le million, nous y serons bientôt.

    Un grand congrès par la profondeur et le sérieux des rapports présentés ; par la profondeur et le sérieux des discussions ; chacun des délégués ayant à l’esprit :

    « Comment travailler le plus activement, le plus efficacement à la renaissance du pays » ?

    Un grand congrès par l’écho de nos décisions en France et hors de France : en France en dépit des consignes de silence données à la presse, en dépit de ce fait bien singulier qu’en 1937, nous avions obtenu que le discours de clôture fût radiodiffusé par tous les postes et qu’en 1945, alors que nous appelons le peuple à produire, la même radio nous a été refusée.

    Un grand congrès par les manifestations émouvantes de solidarité agissante qui accueillirent les délégués des Partis communistes frères de l’Afrique du Nord, communistes d’Algérie, communistes du Maroc, communistes de Tunisie, luttant dans leur pays pour l’union confiante et libre de leur population avec le peuple de France dans une belle bataille pour la liberté et la démocratie ; manifestations de vibrant internationalisme lorsque s’élevaient les acclamations à l’adresse de Staline, le chef des peuples de l’Union soviétique, le chef de l’Armée rouge; manifestations d’internationalisme lorsque le congrès, debout acclamait en Dolorès Ibarruri le peuple d’Espagne en lutte contre Franco et que nous voulons aider à se débarrasser de Franco comme nous sommes parvenus à l’aider malgré la non intervention, responsable pour une grande part des malheurs qui se sont abattus sur la République espagnole; manifestations, acclamations envers les délégués des Partis communistes de la Belgique, de Suisse, qui étaient présents et envers le Parti communiste italien qui nous avait envoyé son salut.

    Le rapport du Comité central que j’ai eu l’honneur de présenter, comprenait trois parties :

    Une première partie : le compte-rendu d’activité du Comité central de notre parti depuis Arles, il y a presque huit ans, exposé de la politique nationale de notre parti, le seul Parti qui ait pratiqué la seule politique française, la seule politique nationale.

    Une deuxième partie : une analyse de la situation actuelle, nos mots d’ordre pour terminer la guerre, furent unir, combattre, travailler et aujourd’hui toujours unir, combattre, travailler.

    Une troisième partie : les questions intérieures à notre grande organisation.

    Je voudrais aborder ces trois parties successivement.

    La première partie du rapport comportait un rappel utile des événements et des attitudes des uns et des autres, établissant les causes véritables et les responsabilités dans la défaite et l’invasion de notre pays, dans les souffrances qui ont accablé notre peuple depuis 1939.

    Nous sommes remontés au delà du Congrès d’Arles, jusqu’à l’avènement de Hitler, lorsque la venue au pouvoir du fascisme hitlérien en Allemagne, signifiait un grand péril pour les travailleurs de notre pays, pour la démocratie, pour la France.

    Nous avions donné une juste appréciation du fascisme hitlérien, représentant des tendances les plus féroces, les plus rapaces de l’impérialisme germanique assoiffé de revanche contre notre pays. La classe ouvrière nous avait compris. Elle nous comprenait lorsque nous l’appelions à se grouper, à se rassembler dans la bataille contre le fascisme à l’intérieur, condition d’une résistance victorieuse.

    Nous avons proposé et fait accepter par le Parti socialiste le Front unique contre la guerre et contre le fascisme en juillet 1934, et non pas, comme on l’a écrit récemment, après la signature du pacte franco soviétique, lequel ne fut signé qu’en mai 1935; nous avons fait accepter le Front unique après la première tentative d’assaut du fascisme le 6 février 1934.

    C’est en 1934, que nous avons proposé, lancé et fait triompher l’idée du Front populaire pour la liberté. Quel Français, maintenant, pourrait douter que si le programme du Front populaire avait été appliqué rigoureusement par les gouvernements, bien des malheurs auraient été évités à notre pays ?

    Car le programme du Front populaire ne comprenait pas le recul devant les provocations des cagoulards, pour ne parler que de cela sur le plan intérieur, et il ne comportait pas, sur le plan extérieur, la non intervention et la capitulation de Munich. Nous ne nous étions pas contentés d’unir tous les républicains dans le Front populaire, nous avons tendu la main aux travailleurs catholiques.

    « Les curés avec nous », vous vous en souvenez, chers camarades, mais oui, les curés avec nous. Si bien des princes de l’Eglise ont été de parfaits hitlériens, la masse des catholiques est restée fidèle au pays. Combien de catholiques et combien de curés se sont battus côte à côte avec les nôtres, avec aussi des socialistes, avec des républicains de toute nature, dans un même combat contre l’Allemand et contre Vichy !

    Combien sont tombés, combien ont payé de leur sang ! Bien malheureux ceux qui, à cette époque, se sont moqués de nous, parce que nous proposions l’unité avec les travailleurs catholiques, et qui maintenant pratiquent une certaine unité, qui n’est plus la main tendue aux travailleurs catholiques…

    Nous avons proposé le Front français, l’union de tous les Français. C’était désirer éviter à notre pays la honte, l’horreur d’une dictature fasciste, alors que, de l’autre côté, les deux cents familles, les « trusts » comme on dit maintenant, voyaient en Hitler le gardien de leurs privilèges. Et il était de bon ton de dire chez certains : « Plutôt Hitler que le Front populaire ».

    Ceux là se mirent à saboter l’économie nationale, à saboter la défense nationale, à provoquer les grèves comme le rappelait tout à l’heure Martel.

    C’est vrai que nous seuls, les communistes, avons eu assez d’autorité pour pouvoir, en juin 1936, mettre un terme aux grèves, que nous seuls pouvions avoir assez d’autorité pour dire, il y a cinq mois : il faut finir avec les jeux de guerre civile et ne pas permettre des provocations contre la classe ouvrière et contre notre pays.

    Sabotage, par les deux cents familles, de l’économie nationale, si bien que nous nous sommes trouvés en 1940, dans un pays qui est le plus riche en fer, le premier pays producteur de fer, nous nous sommes trouvés presque sans tanks, dans le pays qui est le premier producteur de bauxite en Europe, nous nous sommes trouvés presque sans avions.

    Et l’oeuvre de trahison était poursuivie dans tous les domaines, non seulement dans le domaine économique mais dans le domaine militaire où les grands chefs ne croyaient pas à la guerre des moteurs; ils en restaient aux conceptions militaires de 1918.

    Les chefs militaires, dont c’est le métier d’étudier la technique, ne comprenaient pas qu’une révolution dans la technique devait apporter une révolution dans l’art militaire ; alors que nous, les militants, nous comprenions mieux qu’eux comment se déroulerait la guerre, alors que nous, les militants, dès avant la guerre, nous indiquions dans quel sens pourrait se dérouler cette guerre.

    Vous vous souvenez des campagnes que nous avons menées pour montrer ce que c’est que la guerre des tanks, la guerre de l’avion. Dans le domaine culturel, des écrivains, des artistes ne s’employaient qu’à empoisonner l’âme du peuple, à décrier tout ce qu’il pouvait y avoir de bon, de juste, de sain dans nos propos.

    On nous proposait ce qui se faisait chez le voisin, c’est à dire chez le fasciste italien, chez le fasciste allemand. Il y avait un comité France-Allemagne où l’on trouvait tous ceux qui furent les ambassadeurs de Pétain : un François Piétri, et aussi un Jules Romain qui nous revient d’Amérique avec la prétention de nous faire la leçon.

    Hitler jouait sur toutes les touches comme un bon organiste. Il jouait sur la touche ouvrière. Il avait, jusque dans les milieux ouvriers, ses agents qui prêchaient un pacifisme réactionnaire. On osait lancer cette formule déshonorante : « Plutôt la servitude que la mort ».

    Jamais nous, communistes, même lorsque nous avons lutté dans certaines circonstances contre des guerres impérialistes, contre des guerres injustes, jamais nous n’avons été des pacifistes réactionnaires.

    Toujours, nous nous sommes inspirés de cette recommandation : « Si on donne un fusil à ton fils, ne pleure pas ; dis lui qu’il apprenne à s’en servir ».

    En même temps, ils organisaient leurs cagoulards. Il paraît qu’ils étaient plusieurs bataillons organisés à Paris avec un état-major, avec leur Deloncle dont le secrétaire M. Passy est actuellement le chef d’une police spéciale.

    Le journal Combat dit que trop de cagoulards approchent encore actuellement les membres du gouvernement.

    Ces cagoulards s’étaient livrés à une besogne abominable de provocations. Ces cagoulards avaient déposé une bombe dans les locaux de la rue de Presbourg pour pouvoir en accuser les militants ouvriers.

    Heureusement, grâce à un journaliste courageux qui savait mener les campagnes, on a pu découvrir que ceux qui avaient déposé la bombe, c’étaient des ingénieurs de M. Michelin, M. Michelin de Clermont-Ferrand.

    Toute cette politique de trahison et de désorganisation de la Défense nationale avait pour complément une politique de concessions et de capitulations devant le fascisme. Politique de capitulation inaugurée par Laval, lors des accords de Rome, destinée à livrer l’Abyssinie à Mussolini. Nous avons été seuls, alors, les communistes, à voter contre cette politique.

    Et nous avons eu Munich, Munich, dont on disait :

    « C’est la paix ». Vous vous souvenez, chers camarades, « Munich c’est la paix », et celui qui venait de signer la plus grande défaite diplomatique préparant la plus grande défaite militaire de notre pays, montait l’avenue des Champs-Elysées, dans une voiture découverte, debout et salué par des gestes à l’hitlérienne par les petits « crevés » de l’Action française.

    Chers camarades, à ce moment là, un journal, Le Petit Parisien, ouvrait une souscription pour offrir une villa à M. Chamberlain, afin qu’il puisse se reposer d’une paix si chèrement gagnée.

    Et nous seuls, comme Parti, nous avons pris la responsabilité, luttant contre le courant, de dire au peuple :

    « On te trompe ; Munich, ce n’est pas la paix. Munich, c’est le noir complot contre les peuples, contre la démocratie, contre la France, contre l’Union soviétique. Munich, c’est le glissement irrésistible à la catastrophe ; il est encore temps, mais il est juste temps si nous voulons sauver la paix, empêcher la guerre ».

    Cette politique alla en s’aggravant jusqu’en 1939. Plus le péril grandissait, plus nos gouvernants, aveugles ou traîtres, s’acharnaient à isoler la France.

    La vérité sur 1939 : vous vous souvenez encore de ces journaux, chers camarades : la trahison de Staline, la trahison russe, la trahison des communistes ?

    On nous avait bâillonnés, on avait interdit notre presse. Le député communiste Quinet, avait remplacé notre Humanité interdite, par une feuille ronéotypée.

    On l’a arrêté, condamné à treize mois de prison. Il en est ressorti plus tard pour travailler avec nos militants dans l’activité clandestine contre les Allemands. Il est hélas ! tombé. Ils l’ont assassiné en Allemagne. Il a été l’une des premières victimes de la drôle de guerre, la victime des impérialistes !

    Maintenant nous savons que toute la politique de nos gouvernants était une politique de sabotage du pacte franco soviétique. Maintenant tout le monde sait qu’ils pratiquaient ce qu’ils appelaient la politique des mains libres à l’Est, c’est à dire l’invitation à l’attaque contre l’Union soviétique.

    Un texte publié à la veille de la guerre, en témoigne : c’est l’interview accordée par Vorochilov, le 26 août 1939, au journal les Isvestia :

    « Ce n’est pas, déclarait alors le maréchal Vorochilov , parce que l’URSS. a signé un pacte de non agression avec l’Allemagne que les pourparlers militaires avec la France et l’Angleterre ont été rompus, mais au contraire, parce que les pourparlers militaires avec la France et l’Angleterre se trouvaient dans une impasse par suite de désaccords insurmontables ».

    Voilà la vérité. Cette vérité, chers camarades, que beaucoup transformèrent. Nous l’avons su; nous l’avions entendu à la radio de Moscou et comme nous n’avions pas de journaux, nous avons essayé de ronéotyper nos nouvelles et de les distribuer dans toute la France. C’est pour cela que nos premiers militants ont été arrêtés, pourchassés.

    Dans son livre publié aux États-Unis , Les Fossoyeurs , Pertinax confirme que les négociateurs français et anglais prétendaient reléguer la Russie à l’arrière plan, ne traiter avec elle qu’après avoir passé contrat avec Varsovie et Bucarest, la ravaler ensuite à la fonction de magasin de ravitaillement où Polonais et Roumains puiseraient à leur aise, selon leurs besoins sans même qu’une promesse d’alliance véritable lui eût été donnée…

    La Russie, fournissant des armes, attirerait sur elle l’hostilité de Hitler, et subirait le contre coup des revers polonais. Mais elle ne serait pas autorisée à pousser ses soldats au delà du territoire national. Conception délirante !

    Et voici ce qu’Ernest Bevin, chef travailliste, qui était encore, il y a quelques semaines ministre dans le gouvernement d’unité nationale de M. Churchill, a déclaré le mois dernier au congrès du Labour Party :

    « Si nous, les travaillistes, nous avions été au pouvoir en 1939, nous aurions envoyé notre ministre des Affaires étrangères négocier avec Moscou ».

    On ne peut pas mieux dire que les négociations de Moscou n’avaient pas été menées, du côté des gouvernements de Londres et de Paris, loyalement, avec la volonté d’aboutir à un accord.

    En vérité, c’était un traquenard que l’on tendait à l’Union soviétique. On prétendait engager la guerre, une guerre où la Pologne devait s’effondrer rapidement, comme ce fut le cas, et ainsi les armées hitlériennes pourraient déferler rapidement à travers toute l’Union soviétique.

    L’Armée rouge avait été mise dans l’impossibilité de préparer sa mobilisation, l’Armée rouge était dans l’impossibilité de faire face à l’agression. C’est vrai que c’était là le plan des provocateurs de guerre. C’était contre l’Union soviétique qu’ils voulaient engager la guerre.

    Dans le journal Libération Soir, on a pu lire un extrait des carnets du comte Ciano, gendre de Mussolini, ministre des Affaires étrangères d’Italie. Il dit :

    « Au début de 1940, j’ai reçu l’ambassadeur de Finlande, qui m’a remercié pour l’aide que nous avons apportée à son pays et qui m’a demandé des armes ainsi que des techniciens. J’ai répondu, ajoute Ciano : cela n’est possible qu’aussi longtemps que l’Allemagne n’interdira pas le trafic.

    Le diplomate me répond que la chose est réglée et va jusqu’à me confier que l’Allemagne a déjà livré des armes à la Finlande, en particulier du matériel pris aux Polonais ».

    Vous entendez, chers camarades, l’Allemagne livrait des armes à la Finlande.

    Mais je lis dans le Journal officiel du 15 mars 1940, une déclaration de M. Daladier, disant :

    « Depuis le 28 février, un corps expéditionnaire de 50.000 hommes est prêt à être embarqué pour la Finlande ».

    Et je lis dans Le Temps du 9 mars 1940, que le ministre de l’Air Guy La Chambre avait envoyé 175 avions à la Finlande, avions pris sur les faibles moyens de notre armée de l’air.

    Vous comprenez, chers camarades, les Allemands et les Italiens étaient en guerre contre les Français et les Anglais, mais tous ensemble envoyaient des armes, à la Finlande contre l’Union soviétique.

    Dans le même moment, il y avait là bas, au Moyen Orient, une armée, l’armée Weygand, qui se préparait aussi à la guerre, non pas contre l’Allemagne, mais contre l’Union soviétique.

    Ici également, une lettre adressée par le général Weygand au général Gamelin, le 17 avril 1940, trois semaines avant l’offensive de Hitler, en fait foi. Weygand dit :

    « Au point où en est arrivée la préparation de bombardement des régions pétrolifères du Caucase, il est possible d’établir le délai au bout duquel ces opérations seront exécutées (suivent quelques détails techniques).

    Ce délai est nécessaire à la Turquie, poursuit Weygand, comme l’a signalé M. Massigli, qui était alors ambassadeur en Turquie et qui est maintenant, hélas ! notre ambassadeur à Londres , pour qu’elle se mette, pendant qu’il s’écoulera, en état de faire face à toutes les actions ennemies qui pourraient se produire contre elle à la suite de ces bombardements ».

    Ce n’est pas à bombarder les usines allemandes ni même à bombarder le chemin de fer qui court de l’autre côté du Rhin que l’on songeait, c’était à faire bombarder les centres de pétrole de l’Union soviétique.

    C’était la guerre contre l’Union soviétique et la guerre contre le peuple français, la répression contre les militants de la classe ouvrière restés fidèles au peuple, sous le seul prétexte de notre fidélité à l’amitié franco soviétique. Mais, camarades, pourtant, où en serions nous sans l’Union soviétique ?

    Où en serions nous sans l’Armée rouge ? Je me permets d’insister parce que ceux qui nous ont calomniés affreusement, loin de faire leur mea culpa, continuent à nous représenter comme un parti nationaliste étranger. Dans sa campagne contre l’unité, Léon Blum nous reproche de demeurer dans un état de dépendance psychique vis-à-vis de Moscou.

    Il parle de notre attachement, il dit même « notre amour » pour l’Union soviétique. Chers camarades, et si même nous nous placions sur ce terrain, et si même nous avions cet attachement pour le grand peuple soviétique, pour le premier État socialiste, en serions nous de moins bons Français ?

    En 1789, en 1792, les Anglais, les Allemands, les Autrichiens, les Espagnols, les Polonais, les Russes qui tournaient les yeux vers la grande Révolution française, qui vibraient à l’unisson avec les Jacobins, nos ancêtres, étaient ils de mauvais citoyens de leur pays ?

    Je tiens qu’ils étaient les meilleurs citoyens de leur pays, parce qu’ils voyaient, dans cette Révolution française, la préfiguration de leur propre avenir, parce qu’ils fondaient une politique juste sur ce qui naît, sur ce qui se développe, sur ce qui doit être.

    De même que nous, prolétaires et bons Français, en reconnaissant dans la Révolution soviétique certains traits d’un caractère universel qui préfigurent l’avenir vers lequel nous irons infailliblement selon des voies françaises, j’affirme que nous sommes les seuls à pouvoir préconiser et pratiquer une politique juste, conforme aux intérêts bien compris de notre pays.

    Au contraire, ceux qui méconnaissent l’Union soviétique. ceux qui lui ont été constamment hostiles, ceux qui, dans leurs journaux, ne publiaient jamais une ligne favorable à l’Union soviétique, mais qui ont fait écho à toutes les campagnes anti-soviétiques, ceux-là ne pouvaient pas pratiquer une politique juste, ils ne pouvaient pas assurer l’amitié et l’alliance de notre peuple avec le grand peuple soviétique ; ceux-là, ils devaient aller, peut-être par attachement pour les conservateurs anglais, jusqu’à la non intervention et la capitulation de Munich.

    Nous avions raison avant et pendant la « drôle de guerre » en menant le combat contre les munichois qui devaient nous conduire à la catastrophe.

    Après l’interdiction de notre Parti, le 25 septembre 1939, le Comité central de notre Parti a eu raison de me faire passer à l’action clandestine. Je me suis placé à la tête du Parti avec tout le Comité central, au service du peuple dans la bataille contre les ennemis du peuple.

    Certains appelaient cela une désertion ; nous appelions cela faire notre devoir vis-à-vis de la classe ouvrière, vis-à-vis du peuple et vis-à-vis de la France.

    Les premiers, lors de l’assaut hitlérien, nous avons été dans la bataille. Nous seuls, nous avons proposé de défendre Paris les armes à la main.

    Le chef du gouvernement, qui avait déjà introduit Pétain dans son gouvernement et placé Weygand à la tête de notre armée, se refusa à accepter les propositions des communistes et nomma Dentz, le traître Dentz, gouverneur militaire de Paris. Le résultat, c’est que Dentz livra Paris à l’occupant.

    Dès juillet 1940, nous lancions notre grand appel à la résistance.

    « La France, disions nous dans un manifeste signé de Jacques Duclos et de moi même, et diffusé dans le pays à un million d’exemplaires , la France encore toute sanglante, veut vivre libre et indépendante. Jamais un grand peuple comme le nôtre ne sera un peuple d’esclaves.

    La France ne deviendra pas une sorte de pays colonisé. La France, au passé si glorieux, ne s’agenouillera pas devant une équipe de valets prêts à toutes les besognes. Ce ne sont pas les généraux battus qui peuvent relever la France.

    C’est dans le peuple que résident les grands espoirs de libération nationale et sociale, et c’est autour de la classe ouvrière, ardente et généreuse, pleine de confiance et de courage, que peut se constituer le front de la liberté, de l’indépendance et de la renaissance de la France ».

    De Londres, le général de Gaulle lançait son appel, organisait les « Force françaises libres ». Nous menions la bataille de la résistance à l’intérieur de notre pays, la lutte contre les occupants, la lutte contre les traîtres, la lutte contre la révolution dite nationale avec sa démagogie, la lutte pour la libération.

    La révolution par en haut, cela signifiait simplement la réaction. C’était la crainte de la révolution. Il n’y a pas de révolution si ce n’est le peuple qui l’accomplit, qui la réalise.

    La « révolution nationale » de Vichy, sous le couvert d’une démagogie anticapitaliste et de la bataille contre les « trusts », mettait sur pied les Comités d’organisation où se retrouvaient les deux cents familles.

    Pétain ne voulait pas entendre parler de la lutte des classes parce qu’il pratiquait la lutte de classe à sens unique avec ses gardes mobiles, sa police, sa gestapo, ses bourreaux, dont fut victime le jeune Caron, guillotiné à la prison de Cuincy, âgé de vingt ans, et qui disait aux bourreaux : « Vous faites un vilain métier, messieurs ».

    C’était la lutte de classe à sens unique de Pétain et de ses agents, contre la classe ouvrière et contre le peuple de France. Vichy, ce n’était pas la révolution nationale, c’était la réaction antinationale, c’était un instrument au service de l’ennemi. Toute la France livrée à Hitler : nos hommes, nos ressources, nos matières premières, notre charbon, notre fer, nos locomotives, nos wagons, notre blé, notre bétail, notre vin, tout pour les Allemands, tout pour Hitler, afin qu’il puisse mener sa guerre contre le monde civilisé.

    Nous nous sommes battus, nous, les communistes, appelant en même temps à la lutte tous les bons Français, organisant la classe ouvrière, organisant le peuple.

    Dès juin 1940, nous manifestions à Paris. Un journal anglais, le Daily Telegraph, à ce moment, écrivait :

    « Un seul Parti en France manifeste de l’activité contre les occupants, c’est le Parti communiste ».

    En mai 1941, vous n’en avez pas perdu le souvenir, vous faisiez la grande grève des mineurs du Pas-de-Calais, contre les Allemands et contre les vichystes.

    C’est le mois suivant que Hitler déclencha son agression contre l’Union soviétique. Il est évident que dès l’instant où Hitler se lançait dans une aventure aussi insensée, il allait à sa perte. Chaque Français, chaque homme de bon sens comprenait que les choses allaient changer. Un nouvel élan fut imprimé à la lutte de la résistance, au sabotage, à la grève.

    Il devenait possible d’intensifier l’action armée, ne fût ce que pour cette raison de bons sens qu’au lieu d’avoir sur notre sol 60 ou 70 divisions hitlériennes, et les meilleures – qui étaient parties à l’Est se faire écraser par l’Armée rouge – nous n’avions devant nous que 20, 25 ou 30 divisions et pas parmi les meilleures. C’est alors que nous avons organisé les Francs-Tireurs et Partisans, notamment avec les camarades que nous avions dans le Pas-de-Calais, Debarge, Hapiot et d’autres.

    Toute cette bataille s’est développée. Mais l’ennemi a usé de la répression, l’ennemi a pris des otages, les a fusillés par centaines. Au lendemain de Châteaubriant, certains, cédant au chantage de l’ennemi, donnaient l’ordre à la radio de ne plus tuer d’Allemands, et le peuple disait : « Nous en tuerons davantage, nous vengerons ceux qui sont morts » et le cri de : « Mort aux traîtres, mort aux envahisseurs » ! devenait, ici comme dans toute l’Europe opprimée, notre cri de combat.

    Nous avons développé l’action armée et l’avons, en multipliant les petits groupes, combinée avec le sabotage, avec la lutte contre la politique de déportation, avec la lutte des paysans contre les réquisitions, nous l’avons combinée avec la préparation de toute une série de grèves partielles, préparation de la grande grève générale.

    C’est tout cela qui a conduit à l’insurrection nationale, c’est tout cela qui a aidé si efficacement à la victoire des Alliés, au succès du débarquement et à la rapide campagne en France. Le général Eisenhower et le maréchal Montgomery, dans leurs visites respectives à Paris, ont tous les deux proclamé :

    « On ne dira jamais assez ce que nous devons aux Forces françaises de l’Intérieur », dans lesquelles se trouvaient 90 % de nos Francs-tireurs et partisans.

    Conclusion de cette première partie : la trahison des « trusts » ; le désarroi, la confusion dans tous les milieux, excepté dans notre Parti ; les masses populaires éclairées, guidées par notre Parti communiste qui a pris leur tête. Grâce au peuple, la France a sa place parmi les nations victorieuses.

    L’AVENIR DE LA FRANCE

    Mais il ne faut pas se faire d’illusions, et j’aborde ici la deuxième partie de ce rapport : notre pays est très affaibli. Pour nous libérer, malgré tant de sacrifices, et malgré tant d’héroïsme, nous avons eu besoin de nos alliés et nous aurons encore besoin de nos alliés pour l’oeuvre de renaissance de notre pays.

    C’est pourquoi, nous suivons d’un œil si sympathique la Conférence des Trois Grands. Tous les Français de bon sens comprennent que l’accord étroit entre les trois grandes nations : les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Union soviétique, fut indispensable pour arracher la victoire sur l’Allemagne hitlérienne et que leur accord demeure la condition d’une paix durable et solide.

    D’autant plus que la victoire militaire ne signifie pas encore la liquidation du fascisme. Il subsiste encore bien des foyers de fascisme en Europe et dans le monde la réaction est encore forte et ne se résigne pas.

    Elle ne pardonne pas à l’Union soviétique d’avoir joué un rôle décisif dans l’écrasement de l’Allemagne hitlérienne. La réaction, sur le plan international, s’efforce de diviser les forces populaires et progressistes, d’isoler la classe ouvrière. Elle recommence les campagnes antisoviétiques et anticommunistes. Nous avons vu les événements qui se déroulèrent en Grèce.

    Nous voyons comment on essaie d’imposer de nouveau un roi aux Belges qui n’en veulent plus et nous voyons comment on empêche les Italiens de se débarrasser d’une dynastie qui a soutenu Mussolini, le fasciste, pendant vingt années. Nous voyons aussi comment les trusts internationaux s’efforcent actuellement de sauver la grande industrie allemande, cette base de l’impérialisme fasciste.

    J’avais dit, dans mon rapport au Comité central, comment certains trusts. certains monopoles américains et anglais avaient entretenu non seulement avant la guerre, mais même pendant la guerre, des rapports avec des trusts allemands.

    Voici l’information que nous avons eue par la suite. C’est un journal anglais qui dit :

    « Les grandes industries de produits chimiques en Allemagne n’ont jamais été bombardées. L’immense édifice de l’administration centrale de l’I.G. Farben s’élève maintenant au dessus des ruines de Francfort. Pourtant Francfort a été systématiquement bombardé pendant trois ans.

    On aurait pu penser que le grand centre industriel, vital pour le potentiel de guerre allemand, aurait été une des cibles les plus importantes de l’aviation. On se demande s’il ne faut pas chercher l’explication de ces faits étranges dans la politique par trop internationale des grands trusts ».

    Ce n’est pas moi qui parle, c’est le journal anglais. Sous prétexte de faciliter le relèvement de ses ruines, on voit de grands trusts essayer de recommencer comme après 1914 1918 où, sous prétexte de permettre à l’Allemagne de payer les réparations, ils ont aidé l’industrie allemande.

    On a facilité son essor. On a en quelque sorte permis l’armement de Hitler qui devait servir au déclenchement de la guerre contre tous les peuples civilisés et, en définitive, l’Allemagne n’a pas payé les réparations. L’Allemagne reçut beaucoup plus des capitalistes anglais, américains et français qu’elle ne nous paya.

    Ce qui ne veut pas dire que, dans le scandale des réparations, certains, parmi les deux cents familles, chez nous, ne réalisèrent pas de belles opérations. Par exemple : MM. de Wendel qui avaient racheté pour une somme dérisoire de 750 millions, qu’ils ne payèrent jamais d’ailleurs, des entreprises évaluées à plus d’un milliard. Et ils les revendirent à Goering en 1940, pour une somme estimée à 15 ou 20 milliards.

    Nous, nous estimons qu’il est juste que les Allemands réparent. Le peuple allemand porte une part des responsabilités, pas la même responsabilité que les chefs, mais les Allemands qui ont suivi leur Hitler dans son entreprise criminelle contre tous les peuples, doivent réparer. C’est d’une justice élémentaire. Ils doivent réparer en travaillant chez eux, chez nous.

    Pourquoi n’iraient ils pas reconstruire nos villages qu’ils ont détruits, les usines et les villages polonais, et les villages soviétiques, et les chemins de fer ? Pourquoi ne seraient ils pas employés à déminer ? Actuellement, tant de jeunes Français meurent pour enlever les mines qui ont été placées par les Allemands.

    Pourquoi ne les ferions nous pas travailler dans nos fosses où nous manquons actuellement de main-d’œuvre ? Les Allemands doivent payer. Encore une fois, c’est d’une justice élémentaire.

    Voici que les groupements financiers sont plus intéressés au relèvement de l’agresseur allemand qu’à celui de notre pays et d’autres pays qui ont été envahis, ravagés et pillés par les Allemands. Et, dans le même moment, nous voyons la réaction en France qui s’efforce d’empêcher la reconstruction économique.

    Hier, elle provoquait des actions inconsidérées. De là la décision de notre Comité central d’Ivry, demandant la dissolution des gardes civiques et de tous les groupes armés.

    Aujourd’hui, chers camarades, de graves périls nous menacent dans le domaine de la production. On ne le sent pas assez.

    Les mêmes gens, les mêmes groupements, qui ont provoqué la défaite poursuivent un plan diabolique de désorganisation et de désagrégation de notre économie nationale. Ils veulent créer le chaos et le désordre. Ils veulent créer une atmosphère de panique et de trouble qui serait propice aux entreprises de la réaction.

    Il faut examiner, près d’un an après la Libération, le sombre tableau de notre situation économique. Certains disent : « Mais c’est que nous avons beaucoup plus souffert qu’après la guerre de 1914 1918 ».

    Il est vrai que la destruction s’étend sur beaucoup plus de départements, mais elle touche surtout les maisons d’habitation et les transports, qui ont été particulièrement atteints. Notre appareil industriel de base est presque intact.

    Vous le savez bien, nos houillères. à l’exception d’une partie de Béthune, de Noeux, de Bruay, et des autres concessions, plus à l’ouest, nos houillères étaient presque entièrement dévastées en 1918, noyées, toutes les installations de surface détruites. Il a fallu des années pour pouvoir revenir à la production d’avant guerre.

    Actuellement, à part un outillage usé, nos houillères sont intactes. Nos grandes usines de la sidérurgie, nos hauts fourneaux pourraient travailler à 90 % de leur potentiel d’avant guerre.

    Le problème décisif de l’heure, c’est le problème de la production. Vous le savez déjà, chers camarades, c’est ce qui m’a amené à Waziers ; c’est pourquoi le Bureau politique m’a envoyé vous parler, à vous, les mineurs. J’aborde ici une partie importante de mon rapport, la question du charbon.

    LE CHARBON

    C’est le problème le plus important à l’heure actuelle. Sans charbon, rien ne va, vous le savez bien, ni l’industrie, ni les transports ne peuvent fonctionner et, en premier lieu, sans l’augmentation de notre propre production, pas de reprise économique, pas de relèvement industriel, pas de renaissance nationale.

    Déjà avant la guerre, nous devions importer le tiers environ de nos besoins, ce qui grevait lourdement notre balance commerciale, ce qui réduisait les possibilités d’essor industriel. Avant la guerre, notre consommation s’élevait en moyenne de 60 à 70 millions de tonnes. Nous produisions 45 à 50 millions de tonnes. Nous devions importer 20 à 25 millions de tonnes de charbon.

    Et voici que la situation s’est aggravée en raison d’abord d’une diminution sensible de la production, et ensuite en raison des difficultés d’importation des autres pays qui ont également à satisfaire des besoins intérieurs et connaissent eux mêmes une crise approfondie et, soit dit en passant, même là où il n’y a pas de nationalisation.

    Certains disent que la production charbonnière dans notre région baisse en raison des premières mesures, bien insuffisantes, de nationalisation…

    En Belgique, en avril dernier, la production atteignait 1.036.000 tonnes de charbon, 46 % de la production de 1940 où elle était de 2.254.000 tonnes chaque mois.

    En Angleterre, en Hollande, crise charbonnière.

    Nous devons encore actuellement fournir, sur nos faibles ressources 300.000 tonnes chaque mois pour les besoins de l’armée alliée.

    Je voudrais établir un fait pour montrer l’effort des mineurs. En janvier, la production brute s’était élevée à 2.700.000 tonnes contre, en 1938, une production mensuelle de 3.400.000 tonnes, c’est à dire 80 % de la production.

    Le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais, en janvier, avait donné 1.725.000 tonnes, en mars 1.900.000 tonnes contre une production mensuelle en 1938 de 2.350.000 tonnes, c’est à dire également 80 % de la production d’avant guerre.

    En janvier, toujours dans notre bassin, le rendement individuel pour le fond, s’était élevé à 880 kg. En mars, il s’est même élevé à 913 kg. contre 1.156 kg. en 1938, également 80 % du rendement de 1938. Je ne cite pas le rendement des années ultérieures.

    Un groupe ici à Douai a donné, dans les semaines du 19 au 22 avril une production qui égalait et parfois dépassait en certains puits celle de 1938, avec un total de 65.000 tonnes et un rendement de 1.155 kg.

    Il est vrai qu’il s’est produit un fléchissement à partir d’avril, fléchissement dans la production et fléchissement dans le rendement.

    Il y a eu diverses causes à cela : ravitaillement défectueux, manque de vêtements, et en raison d’un mécontentement plus ou moins justifié contre l’insuffisance de l’épuration. Il y a aussi des grèves, elles, très peu justifiées.

    Il y a aussi, et n’en tiennent pas compte ceux qui font les campagnes contre les mineurs, toute une série de fêtes, fêtes religieuses, Ascension, lundi de Pentecôte et fêtes de la Victoire. Tout cela entraîne, dans un métier comme le métier des mineurs, une certaine désorganisation.

    Ensuite nouveau progrès. La production en juin atteint dans notre bassin 1.650.000 tonnes. La dernière semaine du 25 juin au 1er juillet 383.000 tonnes, le rendement moyen 836 kg. Au groupe d’Hénin-Liétard 891 kg, au groupe de Valenciennes 901 kg.

    Mais on est encore loin des chiffres de janvier et de mars. Ici, dans ce groupe de Douai, loin des chiffres d’avril, avec 46.000 tonnes et 865 kg. de rendement, pour l’ouvrier du fond dans la semaine du 25 au 2 juillet, contre 63.000 tonnes et 1.155 kg. pendant la semaine du 19 au 22 avril.

    Il faut examiner honnêtement, loyalement les causes de cette situation qui est préjudiciable aux intérêts du pays et proposer des remèdes.

    La première des causes, je l’ai dit au Congrès national de notre Parti, c’est la diminution du personnel occupé. En 1929, qui fut l’année de la plus forte production charbonnière, les houillères occupaient 330.000 ouvriers, dont 186.000 pour le fond. En 1945. il ne reste que 200.000 ouvriers au total, dont 140.000 seulement pour le fond, soit 25 %, un quart en moins, pour le bassin du Nord et du Pas-de-Calais.

    Une diminution moyenne de 20 à 25 % des ouvriers dans une profession où la production générale dépend du facteur humain expliquerait déjà largement une baisse générale de la production de 20 % et expliquerait ensuite une perte du rendement individuel.

    La diminution en ce qui concerne le fond porte surtout sur les ouvriers qualifiés, alors que le personnel occupé à transporter le charbon, galibots, rouleurs, etc… reste sensiblement le même.

    La crise des effectifs risque d’ailleurs de s’aggraver avec le départ de nos camarades polonais, départ vers leur pays où ils sont assurés de trouver de meilleures conditions, un pays entièrement renouvelé.

    La réaction proteste et protestera, prétendant empêcher les mineurs polonais de regagner leur pays, parce que les conditions économiques et politiques dans lesquelles étaient maintenus les mineurs polonais en faisaient une main-d’œuvre à bon marché, concurrençant la main-d’œuvre française.

    Le premier remède, je l’ai dit à notre Congrès national, consiste à revaloriser la condition du mineur. Il faut améliorer ses conditions de salaire et ses conditions de sécurité, d’hygiène, de logement, il faut que le mineur trouve avantage à travailler de son métier.

    Il y a quarante ans, il y avait, dans les mines de Marles et dans les mines de Bruay, des mineurs qui venaient depuis au delà de Frévent jusqu’à Doullens ; ils gagnaient 50 sous dans leur village et gagnaient ici 6 fr. 50 à 7 francs ; avec une demi heure de chemin de fer le matin et une l’après-midi ; ils se trouvaient bien plus avantagés que leurs camarades restés au travail des champs.

    Il faut donner aux ouvriers mineurs du fond un certain salaire ; encore une fois, il faut qu’ils trouvent avantage à travailler de leur métier et qu’ils puissent engager leurs enfants à continuer à travailler au fond de la mine. Il faut que les mineurs aiment la mine.

    D’ailleurs, ce n’est pas vrai que les mineurs n’aiment pas leur métier. Vous savez bien que je suis d’une famille de mineurs. J’ai assisté assez souvent, à la remonte, aux discussions entre mes oncles et le grand père qui était passionné et qui ne pouvait plus aller à la mine.

    Chaque soir, il demandait : « Alors comment ça s’est il passé ? Qu’est ce que vous avez fait ? Et moi, j’aurais fait comme ça, et moi j’aurais fait autrement; je ne m’y serais pas pris comme cela, etc.. ». Il suivait au fur et à mesure avec ses fils l’avance des travaux.

    Il connaissait tout. Est ce que tous les vieux mineurs ne sont pas ainsi ? Les vieux mineurs ont l’amour de leur métier comme les marins ont l’amour du leur.

    Les prix à la tâche. On a accordé la possibilité d’une majoration qui peut aller jusqu’à 60 % et voilà que déjà on nous cite quelques groupes, où les ingénieurs réduisent les prix à la tâche. Je dis qu’il faut relever les prix à la tâche et les maintenir, payer les prix fixés, même et surtout si l’ouvrier gagne de grosses journées.

    L’essentiel est d’obtenir du charbon et pour obtenir du charbon, il faut payer les sommes fixées.

    Il faut payer les jeunes à partir de vingt et un ans comme des ouvriers. Un vrai mineur, c’est celui qui a commencé jeune, qui a été galibot, à condition qu’on reconnaisse ses mérites. Ce n’est pas bien, ce qui se passe dans telle fosse.

    Je prends le n° 7. Des dizaines de jeunes gens de vingt à vingt cinq ans, et même parfois trente ans, sont maintenus comme herscheux [= ouvrier qui fait circuler les wagons], sous prétexte qu’on manque de main-d’œuvre. Il n’y a qu’à mettre à ces travaux des ouvriers du jour qui seraient remplacés avantageusement au jour par des jeunes filles et par des femmes.

    Je pose pour vous, mes camarades mineurs, cette question. Il faut peut-être encore changer quelque chose même dans nos mœurs ici dans notre bassin minier en ce qui concerne le travail des jeunes filles et des femmes.

    Vous savez qu’il y a une trentaine d’années, nos jeunes filles étaient servantes à Lille et à Paris parce qu’il fallait quand même aider un peu au ménage. Servantes à Lille et à Paris, c’était tout l’avenir. Puis on se mariait, et c’était fini.

    Par la suite, entre les deux guerres, en particulier dans les régions d’Hénin-Liétard, de Lens, elles allaient travailler dans les usines du textile de la région lilloise.

    Je dis qu’il faut, en même temps qu’on revalorise la condition du mineur, assurer les conditions du travail normal pour les filles et pour les femmes des mineurs.

    Je le dis aussi pour ceux qui ont des idées réactionnaires sur ces questions, pour ceux qui sont, par exemple, partisans de la théorie « les femmes au foyer ». Il n’y aura pas d’émancipation de la femme aussi longtemps qu’elle n’aura pas elle même obtenu sa propre émancipation.

    Mettre des jeunes filles et des femmes à une quantité de travaux au jour, à la surface, c’est permettre d’envoyer au fond ceux qui devraient s’y trouver.

    Maintenant, et pendant une période transitoire, pourquoi ne pas mettre au fond ceux qui ont été volontaires pour le travail en Allemagne ? Comment, ces messieurs, lorsque Hitler leur a dit : « Venez travailler chez moi », y sont allés et ils reviennent maintenant et veulent reprendre leur vie tranquille ? Allez travailler au fond ! Vous y serez maintenant, enfin, utiles au pays.

    Et puis, il y a les prisonniers allemands. D’une façon générale on peut et on doit occuper davantage les prisonniers, même en tenant compte que parfois il peut y avoir un rendement inférieur. A condition naturellement que l’on crée les conditions matérielles pour que ces prisonniers puissent produire.

    Il ne s’agit pas de donner aux prisonniers le salaire des ouvriers mineurs: non, il s’agit de leur donner les conditions de ravitaillement nécessaire, de leur assurer les conditions de couchage, d’hygiène qui leur permettent tous les matins d’aller travailler et non pas de rester dans les cantonnements.

    Il ne faut pas toujours nous amener ici des prisonniers officiers pour créer des camps militaires ; qu’on nous amène des prisonniers qui iront travailler ! Autrement, on ne sera pas long à nous dire:  » Mais le rendement a encore baissé ».

    Si nous avons 15.000 ou 20.000 prisonniers, cela ne nous fera que 10.000 à 15.000 journées et des demi-journées. On s’en prendra aux ouvriers mineurs du Nord et du Pas-de-Calais.

    Et voilà la première raison : baisse du personnel. Remède: donner de meilleurs salaires, faire en sorte que le courant revienne vers les mines, qu’elles soient comme auparavant un aimant, c’est à dire qu’elles attirent ceux qui n’ont pas peur du travail et qui veulent gagner de grosses journées : donner du travail à la surface aux jeunes filles et aux femmes pour libérer la main-d’ouvre.

    Mettre, dans les périodes transitoires, des volontaires du travail en Allemagne et occuper le plus grand nombre possible de prisonniers.

    La seconde cause de la baisse de la production, du rendement, c’est la déficience physiologique des mineurs. C’est vrai que cinq années d’oppression, cinq années de privations ont amené une fatigue extrême.

    C’est vrai que beaucoup de mineurs sont à la limite de leurs forces. Il arrive une heure où la machine humaine se détraque, s’affaisse, et c’est sans doute une des explications. Mais là encore, Martel a absolument raison, faut il ne pas répéter tous les matins aux mineurs : « Vous êtes usés, vous êtes usés ». Il faut apporter le remède efficace.

    Il ne faut pas dire dans les rapports : « Les mineurs ont droit à 37 litres de vin par mois » ; il faut dire : « Les mineurs ont reçu 37 litres de vin par mois ». Il ne faut pas dire : « Les mineurs ont droit à 2,750 kg de viande par mois » ; il faut dire : « Le mois dernier les mineurs ont effectivement touché 2,750 kg de viande ».

    Les rations ne doivent pas être sur le papier, mais dans la réalité : il faut de la viande, des matières grasses, de la bière, du vin, du café, des vêtements, des chaussures pour les mineurs.

    Je puis vous dire, chers camarades, je le sais assez, je connais assez l’opinion dans toute la France, je visite assez les différentes régions de notre pays : il n’est pas un ouvrier dans une autre profession, il n’est pas un paysan, il n’est pas un seul Français qui ne soit prêt à accepter qu’on prenne sur sa propre part de beurre, de viande, de bière, de café et de vin si on lui dit

    « Tout cela, c’est afin que les mineurs puissent donner du charbon ».

    Une troisième cause, c’est la médiocrité de notre appareillage aussi bien que l’outillage individuel. Nous avons un outillage fatigué, d’un modèle usé. Et ceux qui comparent le rendement individuel du mineur français à celui des mineurs d’autres pays devraient en tenir compte.

    Ainsi, il faut faire un gros effort. Il y a eu une progression de la mécanique. En 1914, 1,7 % du charbon en Russie était extrait par les procédés mécaniques ; en 1939, 95 %.

    Chez nous, on manque de machines à air comprimé, de marteaux piqueurs, de lampes, de tuyaux. L’introduction d’un outillage perfectionné aurait permis d’économiser la peine des ouvriers en permettant l’augmentation de la production. L’outillage, c’est une grave question, c’est un grave problème. J’y reviendrai d’ailleurs.

    En raison du manque de charbon, on travaille au ralenti ; en raison aussi d’un certain sabotage. C’est un cercle vicieux : pas de charbon pour les usines, les usines ne fabriquent pas d’outils pour les mineurs.

    Il faut ici, chers camarades, saluer le sacrifice de vos camarades de la métallurgie qui viennent de renoncer à leurs vacances payées pour vous fabriquer des marteaux piqueurs.

    Ce sont les mêmes camarades qui, l’hiver dernier, aux Forges et Ateliers de Meudon, manquant de courant électrique dans le jour, avaient demandé et obtenu de leur direction, de travailler la nuit par un froid rigoureux et sans supplément de salaire, pour pouvoir produire pour vous.

    Une quatrième cause, absolument certaine quoique sujette à la controverse : c’est une certaine forme de résistance à la production et de sabotage de la part de certaines directions, de quelques employés supérieurs, de quelques ingénieurs qui n’ont pas encore compris que tout de même quelque chose a changé dans notre pays.

    Ils demeurent plus ou moins dévoués à leurs anciens maîtres et gardent quand même l’espoir que ces anciens maîtres reviendront et reprendront tout en main.

    C’est la conséquence aussi d’une épuration insuffisante, quoique ayant été prolongée indéfiniment. C’est la conséquence d’un système de nationalisation encore imparfait. Il est imparfait en raison, par exemple, de ce versement inadmissible d’une indemnité considérable aux anciens exploitants.

    Car si nous admettons le dédommagement des petits actionnaires, nous ne pouvons admettre que l’on dédommage les barons de la mine, accusés de collaboration et qui doivent être frappés de confiscation de leurs biens comme tous les traîtres à la patrie.

    Un système imparfait aussi parce que les leviers de commande sont très souvent aux mains de personnes qui ont intérêt à faire échouer ce premier essai timide de la nationalisation. Des faits, chaque minute, chaque délégué mineur nous en apportent.

    D’une façon générale, c’est l’abandon parfois de veines à grand rendement, pour l’exploitation de veines plus dures à exploiter.

    A la fosse Barrois, l’une des plus importantes d’Aniche, on se prépare à exploiter la veine 21, qui présente deux sillons de charbon de 0 m 35 séparés par un banc de terre de 0 m 50. alors que la veine 22, pour une même ouverture de 1 m 20, n’offre que 10 à 15 cm de terre.

    Au puits Saint-René, on laisse un panneau de 5.000 t. Au grand moulin 112, on exploite une veine où 17 ouvriers font 30 balles par poste alors que pendant la guerre, dans la veine Laure, un ouvrier seul faisait 20 à 25 balles.

    Quel est, ici comme ailleurs, le prétexte ? On prétend qu’il est nécessaire de revenir à une exploitation normale. Ce serait très bien si nous étions en période normale. Et il est inadmissible qu’on ne tienne compte des règles qu’après le départ forcé des Allemands et lorsqu’il s’agit de travailler pour la France.

    Au 7 de l’Escarpelle, à Courcelles, on maintient 10 ouvriers dans une taille de 69 m complètement en cran, au lieu de les déplacer dans la taille au levant de la même veine.

    A Thivencelles, on exploite une veine de 90 cm dont 80 cm de terre. De 20 balles remontées au jour, il reste, après le triage, 50 kg de charbon.

    Et je pourrais continuer ainsi longtemps, ajouter à cela des méthodes défectueuses.

    A la fosse Barrois, le triage commence à 7 h 30, ce qui retarde la coupe, puis gêne l’après-midi pour la coupe à terre qui fonctionne mal. Le matin, les mineurs perdent des heures, d’où baisse de rendement.

    A propos de coupe à terre, pourquoi ne pas généraliser les 3 X 8 : deux postes au charbon, le troisième au remblai ?

    Dans les services du jour : fours à coke, traction, etc., même gabegie, même sabotage. Des wagons demeurent chargés alors qu’on en manque. Ou bien, ils restent sur des voies de garage, faute d’une réparation minime.

    On va me dire que ces faits ne sont pas probants ; il faut en discuter. Les ingénieurs, les agents de maîtrise doivent en discuter avec le comité du puits et porter éventuellement la chose devant les conférences, devant l’assemblée des mineurs, et dire : voilà dans quelles conditions nous nous trouvons, voilà ce que nous pouvons faire. Les mineurs donneront leur avis. Il y a encore des ingénieurs qui ont ce sentiment qu’eux seuls connaissent les conditions d’exploitation.

    Ce n’est pas nous qui allons diminuer le moins du monde la valeur de la science et de la technique, mais nous savons aussi qu’un petit grain de pratique ne gêne en rien. Nous savons que les avis des ouvriers peuvent bien souvent influencer d’une façon très favorable les décisions des ingénieurs.

    Je pense qu’en définitive la décision reste à l’ingénieur et qu’une décision doit être appliquée sur l’ordre de l’ingénieur, autrement il n’y a pas d’autorité possible, d’exploitation possible.

    Il y a d’autres raisons de la crise du charbon sur lesquelles je voudrais m’expliquer aussi ouvertement et aussi franchement.

    Ce sont celles qui tiennent à l’effort insuffisant des mineurs eux mêmes, à votre effort à vous.

    Aux dernières informations, pour la semaine du 2 au 8 juillet, on indique une légère baisse de la production. Je dois dire que cette baisse provient uniquement de la baisse dans le bassin du Nord et du Pas-de-Calais.

    Dans la même période, les camarades de la Loire ont battu leur record et ils dépassent les chiffres d’avant guerre. Ici nous sommes à la traîne dans le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais.

    C’est un fait bien regrettable que, dans nos bassins tout particulièrement, tous les mineurs ne soient pas encore parvenus à la conscience juste de la responsabilité qui pèse sur eux.

    Les mineurs ont des raisons de se plaindre. Il y a des causes de mécontentement, mais ce n’est pas une raison pour ralentir l’effort. Il faut au contraire le développer et briser tous les obstacles. Vous croyez que les camarades de la Loire sont contents quand on leur envoie comme directeur l’ancien directeur épuré des Mines de Dourges ?

    Ils ne sont pas contents non plus et vous croyez qu’ils ont dit pour cela : nous faisons la grève ?

    Non. Martel a eu raison tout à l’heure de stigmatiser de telles attitudes. Ils n’ont pas cédé au courant public de démagogie et de vaine popularité. Comme disait Staline, nous ne craignons pas les difficultés, nous sommes faits pour surmonter les difficultés et nous les surmonterons.

    Les mineurs doivent vaincre la réaction. Si les agents sabotent la production générale et la production du charbon afin d’empêcher la renaissance de l’économie nationale, c’est une raison suffisante pour qu’un ouvrier comprenant son devoir multiplie son effort de production. Il y a pas mal d’exemples de mineurs qui prétendent ne pas forcer à la production, ne pas pousser à la production et pas seulement parce qu’ils ont la crainte de voir baisser les prix à la tâche.

    Par exemple, dans un rapport, je vois : « Nous avons des conditions assez normales mais si nous dépassons, on va nous baisser les prix à la tâche ». Il y a aussi le fait que ces camarades eux mêmes parfois ont peur de toucher de grosses quinzaines ; allons, disons le mot ils ne veulent pas paraître des macas [= un très bon ouvrier, dans l’argot des mineurs], n’est ce pas ? Eh bien, ce n’est pas juste. Il y a tout de même un intérêt différent.

    Les macas, chers camarades, c’étaient ceux qui forçaient à la production pour le profit du patron au détriment de leurs frères, les ouvriers mineurs. Ils forçaient à la production pour faire baisser les prix à la tâche de leurs autres camarades.

    Aujourd’hui, il ne s’agit pas d’être un maca, il s’agit de produire afin que nous puissions accomplir, poursuivre, développer l’oeuvre de libération libération, non plus seulement maintenant du joug allemand, mais libération de toutes les entreprises de réaction, de toutes les entreprises fascistes.

    Je veux d’ailleurs faire remarquer une chose, chers camarades, il y a des camarades qui disent: « Mais si je travaille davantage, je donne davantage aux actionnaires, puisqu’il reste des actionnaires ». C’est une erreur, chers camarades. Dans les conditions actuelles, mettez vous bien cela dans la tête, si vous avez peu produit, les actionnaires ont leurs 8 francs et si vous produisez beaucoup, ils ont quand même leurs 8 francs.

    Je dis cela parce que cela ne doit pas vous arrêter, étant donné que si vous sortez plus de charbon, cela ne signifie pas qu’il y a un franc de plus pour les actionnaires. Par conséquent, même de ce côté, il faut écarter l’argument démagogique de ceux qui disent : « Si je produis beaucoup, c’est pour les actionnaires ». Si vous produisez beaucoup, c’est seulement dans l’intérêt du pays, et c’est dans votre propre intérêt.

    Et puis, je veux revenir sur la question des absences. On parle, on donne beaucoup de raisons, de prétextes, à ce propos. Je dois vous dire, chers camarades, que je ne suis pas tout à fait convaincu des raisons qu’on donne pour justifier les absences.

    Quand on me dit, par exemple, qu’à Notre-Dame, ou dans certaines fosses de l’ancienne concession, on a payé jusqu’à 27, 28, 30 % d’absences, je dis que c’est un scandale, ce n’est pas possible, cela ne peut pas continuer.

    On s’absente trop facilement pour un oui ou pour un non et un mineur qui a le goût de son métier, sait très bien que tant d’absences entraîne une désorganisation complète du travail. Les camarades présents sont les premiers à en souffrir.

    L’absence est justifiée ou n’est pas justifiée. Au lieu de produire, on désorganise la production, on fait tort à ses camarades, et pour quelle raison ? Parfois pour un oui ou pour un non, pour une égratignure. Je dis que c’est un scandale.

    Je ne peux pas comprendre, par exemple, que des délégués à la Caisse de secours puissent donner des billets de malade sans journée de malade.

    « Si tu es malade, tu auras ta journée de malade, tu auras tous les soins. Mais si tu n’es pas malade, tu travailleras, et si tu ne veux pas travailler, tant pis ».

    Chers camarades, celui qui a le billet de malade sans journée de malade, il a aussi son ravitaillement ; il a aussi les litres de vin, il a aussi la viande ; il mange la part de ses camarades. Ce n’est pas possible, on ne peut pas continuer comme cela.

    Il faut avoir plus de conscience. Je vais vous dire, mes chers camarades, que dans le bassin de la Loire la même question s’est posée pendant l’hiver quand il y a eu tant de grippes, quand il y a eu tant de difficultés alimentaires.

    Le syndicat a réuni les délégués des Caisses de secours et leur a dit : « Épluchez les billets de malades et discutez avec les médecins » et on leur a dit : « Ces médecins, pour la plupart, ne sont pas vos amis. Ces médecins, ils donnent facilement les billets. Eux qui ont été longtemps les adversaires de la classe ouvrière, qui sont les ennemis des nationalisations, ils donnent facilement les billets de malade ; ils poussent à la désorganisation ».

    Il va y avoir des élections à la Caisse de secours. Le syndicat doit demander que ces questions soient posées largement et dire aux délégués des Caisses de secours que vous allez élire : « Il faut être intransigeant ; c’en est fini avec de telles méthodes, parce que c’est de l’anarchie, un encouragement à la paresse ».

    Voici un autre cas. On m’a signalé l’autre jour que dans un puits, le puits de l’Escarpelle, une quinzaine de jeunes gens, des galibots, ont demandé de partir à six heures pour aller au bal. Je dis que c’est inadmissible.

    Vous le savez bien, chers camarades, j’ai été jeune aussi. J’ai été aussi au bal et j’ai dansé, mais je n’ai jamais manqué un seul poste, à cause d’une fête ou d’un dimanche, jamais. D’ailleurs, il n’aurait pas fait bon à la maison. Il m’est arrivé de rentrer à la maison à cinq heures, de passer les loques et de partir.

    Je ne dis pas que la journée ait été très grosse, mais je n’ai pas manqué. Une fois, je l’ai raconté à mes camarades, j’avais 19 ans ; il m’est arrivé de travailler un lundi de ducasse [= une fête annuelle dans le Nord de la France et en Belgique, avec des processions, une kermesse, etc.] au poste de deux heures.

    Je n’ai pas pu changer, je n’ai pas pu obtenir autre chose. J’ai travaillé au poste de deux heures et puis, la journée finie, je me suis lavé et j’ai couru à nouveau danser. Mais j’ai fait mon poste.

    Chers camarades, ici je m’adresse aux jeunes et aux jeunes tout particulièrement. Il faut faire un effort. Je l’ai dit non seulement à cette assemblée, mais au Congrès de l’Union de la Jeunesse républicaine, à Paris. il faut surmonter la crise de la moralité qui sévit en général dans notre pays et qui atteint particulièrement notre jeunesse.

    J’ai dit aux jeunes : il faut avoir le goût de son ouvrage, parce qu’il faut trouver dans son travail la condition de sa propre élévation et de l’élévation générale ; les paresseux ne seront jamais de bons communistes, de bons révolutionnaires, jamais, jamais.

    Les mineurs courageux, ceux qui ne craignent pas la peine, ceux qui connaissent leur métier, ceux là ont toujours été les meilleurs de nos militants ouvriers, ils ont été les pionniers, les organisateurs de nos syndicats, les piliers de notre Parti.

    Ici, chers camarades, je le dis en toute responsabilité au nom du Comité central, au nom des décisions du Congrès du Parti, je le dis franchement : il est impossible d’approuver la moindre grève, surtout lorsqu’elle éclate, comme la semaine dernière, aux mines de Béthune, en dehors du syndicat et contre le syndicat.

    On a pris des sanctions. Sur quatre porions [= agents de maîtrise], on en a réintégré deux, en les rétrogradant d’ailleurs.

    L’un de ces rétrogradés a été placé comme surveillant dans une taille avec des Allemands. Ce n’est pas si mal. On lui reprochait seulement d’avoir poussé au « carton » pendant l’occupation. « Eh bien ! va pousser maintenant les Allemands à faire du carton ». Ce n’est pas si mal, chers camarades.

    On peut ne pas être satisfait de cette décision, on peut ne pas être content, mais on n’a pas le droit d’en empêcher l’application. Je le dis tout net : si nous n’appliquons pas les décisions de notre propre syndicat – je suis toujours un syndiqué du syndicat minier du Pas-de-Calais – nous allons à l’anarchie, nous faciliterons les provocations contre les mineurs, contre la classe ouvrière et contre la République.

    Eh bien ! quelques camarades s’insurgent, ils déclenchent la grève au n° 2 et dans toute la concession, si bien que nous avons perdu 30.000 tonnes de charbon au moins, en une période où le pays a besoin de la moindre gaillette [= gros morceau de charbon], à l’heure où nous fermons des usines, à l’heure où dans la région parisienne, on arrête des entreprises faute de charbon, et ces ouvriers, dont on arrête les usines, apprennent que dans un des trous essentiels du bassin minier du Pas-de-Calais, on fait grève parce que le nez du porion [= agent de maîtrise] ne revient pas à un délégué.

    C’est un scandale. c’est une honte, c’est une faute très grave contre le syndicat et l’intérêt des mineurs.

    Des sanctions ont été prises, peut-être pas dans les formes où elles devaient l’être contre le délégué mineur et son suppléant. qui avaient couru les autres puits pour déclencher la grève. Je dis ouvertement que le mal, ce n’est pas la sanction ; le mal, c’est que des communistes et des militants du syndicat des mineurs se soient exposés à de telles sanctions.

    Et, sous prétexte que l’on a sanctionné le délégué mineur, on recommence la grève jusqu’à jeudi soir, et on a eu de la peine hier à faire reprendre le travail, bien que le ministre de la Production ait rapporté la sanction prise par le commissaire régional. Ce n’est pas ainsi qu’on travaille pour le pays.

    On ne peut pas épurer pendant 107 ans. On ne peut pas, pendant des mois et des mois, avoir des porions [= agents de maîtrise] qui sont payés en restant chez eux et entretenant l’agitation.

    Et puis, entre nous, sérieusement parlant, les porions, quand ils n’ont pas été des chiens, se révélant comme de vrais collaborateurs, ne sont pas les plus mauvais ; ce ne sont pas eux les principaux responsables.

    Ce ne sont pas même les ingénieurs, c’est encore plus haut qu’il faut frapper. C’est pourquoi nous demandons de véritables nationalisations et la confiscation des biens des traîtres.

    Il y a mieux ou pire. Voilà les agents de maîtrise et les employés des mines de Bruay qui décident de faire la grève. Vous voyez d’une part une exigence d’épuration contre les porions, contre les agents de maîtrise et d’autre part la grève pour soutenir les revendications des porions et des agents de maîtrise.

    Chers camarades, alors on veut à chaque fois faire la grève, pour épurer ou pour soutenir. On pourrait au fond en définir le seul but : faire la grève pourvu qu’il y ait un prétexte. On fera la grève, cela fait plaisir au porion. Ce n’est pas sérieux.

    Je voudrais attirer votre attention sur ce point, sur ces agents de maîtrise et employés qui se sont pris d’un tel zèle pour la grève. Je n’ai pas vu beaucoup de porions faire la grève en 1920, ni en 1922, 1923, ni en 1931, ni même en 1936 et moins encore en 1941.

    Comment, je le dis sans acrimonie, voilà des hommes qui, par tradition, étaient des briseurs de grève, allaient travailler sous la protection des gardes mobiles, pendant l’occupation de l’armée allemande, et les voici maintenant qui, tout feu tout flamme, veulent faire la grève et entraîner les autres à la faire ?

    Il y a des mineurs qui n’auraient pas assez de bon sens pour comprendre qu’on veut les tirer par le bout du nez et les conduire à tout prix dans une aventure.

    Je vous fais juges : vous verrez combien de journaux de Paris parleront des conseils que je viens de vous donner pour la production. Il n’y en aura pas, sauf l’Humanité . Mais faites une grève d’une demi heure, dans la plus petite fosse, à 10 ouvriers, tous les journaux de Paris, avec un grand titre, en parleront.

    L’autre tour, on m’a parlé d’une grève possible des mécaniciens d’extraction. J’ai beaucoup de sympathie pour la mécanique d’extraction. C’est vraiment un travail qui comporte une lourde responsabilité, et on trouve chez les mécaniciens d’extraction une grande conscience professionnelle.

    Je pense qu’il faut leur assurer les meilleures conditions de salaire et de travail. Mais là encore, pas par la grève. Comment, vous êtes deux et parce qu’à deux vous avez décidé de faire la grève, vous allez empêcher mille ouvriers de travailler ? Ce n’est pas possible, voyons, il faut être plus sérieux.

    Ici encore, on emploie les mêmes méthodes. On essaie par tous les moyens, chers camarades, de pousser et de profiter.

    Je voudrais vous faire comprendre, je voudrais que ce que nous pensons au Comité central puisse passer dans la tête, dans le cour de chacun de vous ici, militants communistes, secrétaires des organisations, délégués mineurs, délégués les plus responsables ; chez vous d’abord, puis chez tous les mineurs communistes, chez tous les syndiqués, chez tous les mineurs, que produire, produire et encore produire, faire du charbon, c’est aujourd’hui la forme la plus élevée de votre devoir de classe, de votre devoir de Français.

    Hier, l’arme, c’était le sabotage, mais aujourd’hui l’arme du mineur, c’est produire pour faire échec au mouvement de réaction, pour manifester sa solidarité de classe envers les ouvriers des autres corporations. Le travail, la production sont subordonnés à l’effort des mineurs.

    Pour préserver et pour renforcer l’union de la classe ouvrière avec les travailleurs des classes moyennes, avec les masses paysannes, pour assurer la vie du pays, pour permettre la reconstruction économique, pour permettre la renaissance morale et culturelle de la France, chers camarades, au nom du Comité central, au nom du Parti, au nom de tous les travailleurs, je vous dis : « Toute la France a les yeux fixés sur vous ; toute la France attend des mineurs, et tout particulièrement des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais, un nouvel et grand effort ».

    Songez que la situation est difficile et demeurera difficile encore longtemps.

    Songez que nous allons connaître un hiver qui sera sans doute plus rude que l’hiver précédent, que les usines seront fermées, que les femmes et les enfants auront froid pour le sixième hiver et, dans ces conditions, la moindre défaillance de votre part nourrirait toutes les campagnes des ennemis du pays contre vous, contre toute la masse ouvrière.

    Avec le même héroïsme dont vous avez fait preuve sous l’occupation dans la bataille contre l’occupant, il faut vous dépenser pour la production. Je suis sûr que nous gagnerons la bataille de la production comme nous avons gagné la bataille contre l’occupant.

    Électrification. – On peut faire passer de 10 à 50 milliards de kilowatts notre production électrique, jusqu’à la fin de 1947, il nous serait possible de disposer de 7 milliards de kilowatts en plus. Dans un autre ordre d’idées, la seule électrification des chemins de fer économisant 10 millions de tonnes de houille, permettrait de rallumer nos hauts fourneaux.

    Nous en avons 12 en activité sur 207 . Il y a quelques semaines, deux viennent encore de s’éteindre dans la Sambre. Alors que nous avons du fer, alors que nous pourrions en avoir encore, on nous dit : il nous faut le coke de la Ruhr, le coke de la Sarre.

    Mais de 1914 à 1918, quand ces deux bassins se trouvaient aux mains des Allemands, avions nous le coke de la Sarre, le coke de la Ruhr ? On pourrait échanger avec la Belgique du coke contre du fer, on pourrait surtout produire davantage chez nous. Ici aussi il y a un sabotage systématique.

    Toute notre industrie mécanique est à réorganiser. Nous avons l’outillage le plus désuet et n’avons que 550.000 machines outils.

    Les Anglais et les Américains ont un matériel beaucoup plus perfectionné. Imaginez ce que va être la concurrence si nous ne parvenons pas rapidement à importer quelques dizaines de milliers de machines outils perfectionnées et à en construire nous même.

    Où irons nous ? Les patrons ont réussi jusqu’ici à empêcher qu’on introduise de nouvelles machines. Ils craignent la concurrence; ils sont routiniers, et il faut dire aussi à leur décharge que l’Administration des Finances ne les encourage pas ; elle ne veut pas leur dire à quelles conditions ils pourront ensuite s’acquitter.

    Et je ne parle pas des actes de sabotage avérés ; refus de 10 camions chez Genève, à Ivry, parce que la peinture n’avait pas la couleur voulue.

    Refus de camions chez Paquette, à Bagnolet, parce que les caisses étaient en peuplier, alors qu’elles étaient prévues en sapin.

    Dans les chemins de fer, c’est un millier de wagons immobilisés à Sotteville.

    A Jarville, 25 wagons de bauxite sont restés à quai d’août 1944 à mars 1945.

    A l’origine de tous ces sabotages, on retrouve tout jours les Comités d’organisation.

    En résumé, d’abord travailler. Je répète : avoir à l’esprit toujours cette pensée, et pour produire appliquer le programme du Congrès national de la Résistance : liquider Vichy, complètement, les institutions de Vichy, l’esprit de Vichy, les Comités d’organisation de Vichy qui subsistent encore sous l’appellation d’ « Offices professionnels » ; épurer, châtier les traîtres, confisquer leurs biens et procéder aux véritables nationalisations réclamées dans le manifeste du Parti communiste et du Parti socialiste, avec une participation plus grande des ingénieurs, des techniciens et des ouvriers ; l’administration des entreprises disposant d’une plus large autonomie dans leur exploitation, dans leurs possibilités commerciales et financières.

    LE RENOUVELLEMENT DE LA DÉMOCRATIE

    N’est il pas vrai, chers camarades, que nous avons des raisons d’être inquiets ? N’est il pas vrai que jusqu’ici notre République n’en a que le nom ? Nous vivons sous un régime provisoire qui se prolonge.

    Après les élections municipales, on pouvait croire qu’il y aurait quelques changements, le peuple avait signifié clairement sa volonté. Le peuple tout entier, hommes et femmes, avait voté pour la Résistance, pour la démocratie.

    Nous, communistes, nous avons toujours fait confiance aux femmes. Nous avions pensé que, dans l’ordre général, il se pourrait que les femmes votent mieux que les hommes.

    Nous ne nous sommes pas trompés. Les résultats du vote en France signifiaient que le peuple demandait qu’on en revînt à la démocratie ; eh bien ! rien n’a changé, et même la situation s’est plutôt aggravée.

    Par exemple dans l’armée : au lieu de se hâter d’organiser une véritable armée républicaine par l’amalgame de nos divisions réorganisées en Afrique et de toutes nos Forces françaises de l’Intérieur, nos bataillons innombrables de Francs-Tireurs et Partisans, on chasse les officiers FFI, on les écarte alors qu’on maintient aux postes les plus éminents des pétainistes notoires.

    Notre Xe Congrès a réclamé une Assemblée constituante souveraine. On nous propose un double vote :

    un référendum d’une part, et d’autre part, un vote pour des hommes dont on ne saura pas ce qu’ils sont au moment où nous voterons : des élus à une Chambre des Députés ou des élus à une Assemblée constituante qui pourrait être, dans un cas, vraiment souveraine et, dans un autre cas, simplement une prolongation de l’actuelle Assemblée consultative dont on demande les conseils pour ne jamais les suivre.

    On nous propose de choisir entre la Constitution de 1875 qui est morte et bien morte et qu’on ne ressuscitera pas, et la prolongation des méthodes de pouvoir personnel.

    Fait plus grave, chers camarades, le chef du gouvernement engage son autorité, dans un grand discours où il ne craint pas de dire qu’une Assemblée unique, ce serait la dictature. Comment peut on assimiler une assemblée élue par le peuple à une dictature ?

    Si le chef du gouvernement a une telle notion de la démocratie, comment voulez vous que nous ne puissions pas dire que c’est là l’expression de la crainte du peuple, la crainte devant les forces nouvelles ; et comment ne serions nous pas d’accord avec nos camarades de L’Aube lorsqu’ils disent que le référendum qu’on nous propose, c’est une tentative pure et simple d’escamotage de la Constituante souveraine ?

    Nous sommes d’accord. Le Parti communiste n’accepte pas ces escamotages et les ministres communistes les ont combattus. Nous voulons que les choses soient claires. Les communistes disent ce qu’ils font et font ce qu’ils disent.

    Devant ces faits, le CNR. et les États-généraux unanimes décidèrent d’imprimer un bulletin de vote exigeant une Assemblée constituante souveraine et voilà que ce même jour, le 13 juillet, on a donné de nouvelles explications entortillées disant qu’une troisième réponse pourrait être ajoutée. On pourrait répondre oui oui, non non. Imaginez une telle façon de voter.

    Tout cela est fait pour diviser les républicains. Le oui-oui, non non, c’est pour appeler à se diviser ceux des républicains qui pensent qu’il ne faudrait qu’une seule Chambre et ceux des républicains qui pensent qu’il faudrait deux Chambres.

    L’essentiel pour les républicains, c’est que le gouvernement soit sous le contrôle des élus de la nation. Tous sont unis sur ce point, ainsi qu’en témoigne le vote unanime de la question préalable à la Commission de l’Assemblée consultative.

    L’UNION NÉCESSAIRE

    Ici également, il importe de déjouer les manœuvres de division, telles celle tentée par cette « majorité » du Mouvement de Libération Nationale qui prétend unir tout en jetant l’exclusive contre les radicaux et contre les communistes.

    Et maintenant, elle exclut du M.L.N. les représentants de la « minorité », c’est à dire qu’en fait elle crée la scission.

    Cela n’est pas surprenant si l’on songe que M. Frenay, l’ami de Pucheu, siège à la majorité du M.L.N.

    L’union de tous les républicains, c’est d’abord l’unité de la classe ouvrière. Il faut dire partout, dans tout le pays, dans les réunions intérieures de notre Parti, il faut dire aux camarades socialistes : il est impossible que nous recommencions comme avant la guerre à nous quereller, à nous chamailler, à nous disputer et à nous battre au profit de la réaction.

    N’est il pas vrai qu’il y a vingt cinq années, à Lens, à Hénin et en quelques autres localités, nous ne nous disputions pas seulement, nous nous battions avec nos camarades socialistes ? Il y avait des divergences.

    Ce n’était pas seulement des petites querelles de tempérament et de caractère, mais il y avait des divergences sérieuses. La vie a aplani ces divergences. Nous ne pouvons pas revenir à cela.

    Je pourrais raconter comment j’ai été jeté en bas d’un mur, à Béthune, à coups de perche par les socialistes. Nous allions à une manifestation. J’y allais pour porter la contradiction à Dumoulin et à quelques autres, tous du même acabit, et puis je repris le train le soir à Béthune.

    Sur le quai de la gare de Béthune, un vieux camarade, un réformiste, j’ai toujours conservé cette scène dans mon esprit, est venu vers moi.

    C’était un jeune homme alors : il me dit: « Alors tu es content, tu t’en vas toucher tes sous ? » Comprenez, chers camarades, vous riez, moi je ne riais pas, je vous assure.

    Vous comprenez que ce militant socialiste avait la conviction honnête et sincère que nous faisions, pour le compte des compagnies, une politique de division de la classe ouvrière.

    J’ai discuté avec lui : « Vous dites des bêtises : d’abord vous me connaissez mal ; vous pourriez vous informer, vous pourriez savoir qui je suis, qui est mon père, qui est mon grand père. Vous auriez su que je suis d’une famille de militants syndiqués ».

    J’ai commencé à discuter avec lui, mais au point de départ, l’accrochage avait été un peu rude. Cela m’est toujours resté dans l’esprit, et vous savez bien, camarades du Pas-de-Calais, du Nord, vous savez bien ici dans cette région, que j’ai toujours bataillé pour l’unité.

    Je savais qu’il y avait, chez les socialistes, des dirigeants qui ne valaient pas cher, mais ce que je savais aussi, c’est qu’il y avait de bons ouvriers que nous devions gagner. Si on recrute des militaires dans le civil, il faut bien que nous allions recruter quelque part ceux qui sont dans notre Parti. Nous sommes 900.000 ; il faut bien qu’ils viennent de quelque part. Nous avons gagné les socialistes.

    Les ouvriers socialistes, comme les communistes, veulent l’unité ; ils comprennent quelle force ce serait si nous parvenions à l’unité. Quel avenir lumineux s’ouvrirait pour la classe ouvrière et pour notre pays.

    Regardez déjà aux élections municipales, quel succès ? A une Assemblée nationale constituante, si nous étions unis dans un seul parti, je vous assure que nous ne serions pas loin d’être la majorité.

    Je ne peux pas comprendre qu’on puisse se refuser à travailler à un tel avenir pour la classe ouvrière.

    Notre Parti a élaboré un projet de charte, sur la base des principes du socialisme de Marx et d’Engels, enrichi par Lénine et Staline.

    Ensemble, socialistes et communistes, nous discuterons et nous déciderons des principes, des méthodes, des cormes d’organisation du Parti ouvrier français.

    Certains objectent le climat. Le climat n’y serait pas. Chers camarades, je vous demande si le climat n’y est pas, après les épreuves de la guerre, après que tant de socialistes se sont battus au coude à coude avec les communistes contre l’ennemi commun !

    Quand nous avons tant de héros qui sont tombés côte à côte, quand le sang a été versé en commun, si les conditions ne sont pas réunies, nous n’aurons jamais l’unité.

    Ce n’est pas vrai. Ceux qui disent que le climat n’y est pas, ce sont ceux qui sont contre l’unité et qui n’osent pas le dire, qui entortillent tous leurs raisonnements afin de s’opposer à l’unité. En tout cas, que faut il faire ?

    Puisqu’on nous dit qu’il faut d’abord préserver l’unité d’action, eh bien ! il faut accepter les propositions que notre camarade Jacques Duclos a formulées à notre Xe Congrès : il faut dire que le Comité directeur du Parti socialiste et le Comité central du Parti communiste tiendront des séances en commun, que leurs bureaux politiques se réuniront en commun ; nous mettrons en commun tous nos efforts.

    Nos camarades socialistes écriront dans l’Humanité et nous écrirons dans Le Populaire. Nous offrirons les colonnes de Liberté et nous écrirons dans leurs journaux. Ainsi nous préparerons le meilleur climat s’il faut préparer le climat.

    De nombreux camarades socialistes approuvent nos propositions à Paris et en province, dans la Seine, la Somme, les Côtes-du-Nord, les congrès fédéraux du Parti socialiste se prononcent pour l’unité organique.

    LE PARTI

    Et maintenant, très rapidement, la troisième partie il s’agit des questions intérieures du Parti.

    1° Nous avons toujours été fidèles à la cause du peuple. Nous sommes restés constamment à la pointe du combat contre le complot hitlérien, ayant une politique résolument nationale, résolument française.

    2° Nous avons toujours défendu avec acharnement les intérêts des travailleurs, les intérêts des malheureux. Nos élus dans les municipalités, dans toutes les assemblées, nos camarades dans les syndicats, dans les grandes organisations, les coopératives, ont travaillé au mieux des intérêts de leurs camarades. Nous avons été le parti de la protection de l’enfance, du soutien de la famille. de la retraite pour les vieux.

    3° Nous avons toujours servi avec passion la cause de l’unité, unité de la classe ouvrière, unité entre Français.

    4° Nous avons toujours été fidèles à notre idéal communiste, aux principes du marxisme léninisme.

    5° Dans la bataille, nous n’avons jamais renoncé et jamais reculé devant tous les sacrifices imposés. Des milliers des nôtres sont tombés : membres du Comité central dont on rappelait tout à l’heure les noms, militants de cette région du Nord : les frères Martel, Hentgès, Froissard, les frères Camphin, nos délégués mineurs comme Noël, et tous les autres.

    Nous sommes devenus un grand parti, un parti de gouvernement, un parti qui a des militants dans les hautes administrations, un parti dont la voix est entendue dans tout le pays, qui est écoutée, dont on suit les indications, les conseils.

    Noblesse oblige ; nous devons être fidèles à nos morts. Nous devons être dignes de la confiance que nous accorde la classe ouvrière, que nous accorde le peuple.

    Il faut éduquer nos ouvriers, leur apprendre l’histoire du Parti, leur apprendre les enseignements de notre parti, leur montrer qu’il faut savoir être fier et intransigeant en matière de principes, leur apprendre que nous avons forgé notre Parti dans une bataille de vingt-cinq années, une bataille intransigeante contre toutes les déviations opportunistes et sectaires.

    Vous vous en souvenez, camarades du Nord et du Pas-de-Calais, des batailles que nous avons menées ici même à Douai, il y a de cela une vingtaine d’années, quand nous avons battu les tendances opportunistes, et dans le Pas-de-Calais, quand nous nous sommes battus contre l’élément sectaire et opportuniste. Nous avons développé la lutte contre les sectaires qui voulaient étouffer notre Parti.

    Les communistes doivent avoir la possibilité d’émettre librement leurs opinions dans le Parti, discuter de tous les problèmes du Parti. Il va de soi qu’une fois la discussion terminée, la décision prise, tout le monde doit appliquer la décision, majorité comme minorité.

    Par exemple, où en serions nous si nous avions permis à Doriot de développer dans le Parti des opinions opportunistes ? Est ce que notre Parti aurait pu accomplir sa tâche à la tête des masses si nous avions laissé gangrener notre Parti ? Luttons donc contre les éléments de provocation qui se sont glissés dans notre Parti.

    Dans le domaine de l’organisation, il faut prêter une grande attention au travail des cellules et des sections.

    Moins de paperasse et de bavardages inutiles. Il faut prendre des décisions et veiller à leur application; aider les secrétaires de cellule. Peut-être est il nécessaire de décentraliser.

    Il y a encore des camarades qui disent que nous manquons de cadres. Si nous manquons de cadres maintenant, qu’aurions nous dit, il y a quinze ans ?

    Les camarades qui disent cela sont des camarades qui travaillent mal ; ce sont des camarades qui ne découvrent pas toutes les richesses qui sont autour de nous dans le Parti et dans la classe ouvrière, qui ne voient pas toute cette jeunesse.

    Il faut faire confiance aux jeunes, il faut faire confiance aux femmes, il faut faire confiance aux vieux camarades expérimentés. L’enthousiasme des jeunes, l’expérience des vieux, voilà de quoi faire un bon mélange et même un mélange étonnant qui pourrait, dans tout le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais, nous conduire à une meilleure production charbonnière si tous nos militants s’y attachent.

    Il est vrai aussi que parfois les camarades se considèrent arrivés quand ils sont délégués mineurs, ou maires, adjoints ou directeurs de coopérative, ou secrétaires d’une grande section. Eh bien, non, chers camarades. Il ne s’agit pas de se laisser tourner la tête, il ne s’agit pas d’avoir le vertige du succès.

    Plus nous avançons, et plus nous avons de responsabilités, et plus la tâche devient difficile, et plus il faut être attentif.

    Les camarades qui ne sont pas attentifs, ceux qui se laissent peu à peu absorber par le train train, qui oublient, qui perdent de vue le combat nécessaire de tous les instants, ceux là commettent des erreurs, commettent des fautes.

    Il faut savoir faire notre mea culpa, reconnaître qu’on a commis une faute. Lorsqu’on s’est trompé, il faut le reconnaître.

    La grande tâche pour les organisateurs communistes du Pas-de-Calais, c’est d’aller dans toutes les concessions de Béthune, il faut aller à Béthune, il faut réunir toutes les sections communistes, discuter avec chaque camarade, et amener les délégués mineurs à reconnaître qu’ils ont commis une grande erreur, qu’ils doivent comprendre cette erreur et qu’ils ne doivent plus recommencer cette faute.

    Chers camarades, je vous le dis : dans notre Parti, il n’en sera pas comme dans d’autres partis, nous avons trop le souci de nos responsabilités pour permettre que chacun fasse ce qui lui plaît. Nous exigerons de chaque camarade le respect des décisions du Xe Congrès du Parti, et le Xe Congrès du Parti a dit : « Il faut produire ».

    C’est à la volonté qu’ils mettront pour produire que nous jugerons nos militants dans le Nord et le Pas-de-Calais.

    Ce Congrès a élu, en conclusion de ses travaux, un Comité central. Nous avons réélu 29 camarades ; un est mort, malheureusement. Parmi ces 28 camarades, ici chez nous, nous avons Ramette, nous avons Martel, nous avons Bonte, du Nord.

    Nous avons Tournemaine, du Nord, de Somain ; peut-être aussi un petit peu moi et puis nous avons 41 nouveaux camarades, des anciens chefs des FTP, des militants, des ouvriers, de grands intellectuels, et des femmes qui ont donné les preuves de leur capacité, de leur courage, de leur fermeté dans l’action clandestine. Nous avons élu au Comité central.

    Lecoeur, le maire de Lens ; Camphin, l’ancien secrétaire du Pas-de-Calais (colonel Baudouin) ; Lallemand, le secrétaire fédéral du Nord ; Grenier, député de Saint Denis, ancien secrétaire de la section d’Halluin ; Jeannette Vermeersch, ouvrière du textile, dirigeante du Mouvement des femmes. Et nous avons élu à la Commission de contrôle notre camarade Calonne, le dirigeant de l’organisation de la grande grève de mai 1941.

    Tout le Parti, avec son Comité central, fera l’effort, – n’est il pas vrai, chers camarades ? – pour produire, pour assurer la renaissance économique, politique, culturelle de notre pays.

    Nous lutterons pour obtenir une Constituante souveraine et un élargissement de la démocratie.

    Nous lutterons pour constituer un grand Parti ouvrier français.

    J’ai la conviction, la certitude absolue que les mineurs communistes du Nord et du Pas-de-Calais seront au premier rang dans cette bataille pour faire une France nouvelle, une France libre, forte et heureuse.

    =>Retour au dossier sur Le Parti Communiste Français au gouvernement avec la bataille du charbon

  • L’ambiguïté du PCF sur le plan Marshall en 1947

    Léon Blum avait compris que le projet de Maurice Thorez n’était pas cohérent, puisque le Parti Communiste Français avait un pied dans le système et un pied en-dehors. D’un côté, il se voulait totalement républicain, hyperactif au service de l’économie, partie prenant des institutions. De l’autre, il prétendait vouloir une transformation générale.

    En se moquant de la rectification de Maurice Thorez, Léon Blum tapait dans le mille.

    Cette rectification s’était produite durant le congrès lui-même, en l’occurrence le 26 juin 1947, soit le deuxième jour.

    Cette rectification, au-delà de son contenu, est ignoble. Maurice Thorez, devant tous les congressistes, agresse ses camarades, les dénonce.

    Tout cela, qui plus est, pour justifier une savant ambiguïté, puisqu’il cherche à tout prix à ne pas dénoncer le plan Marshall, afin encore et toujours d’aller dans le sens de la légitimité nationale-républicaine.

    « Chers camarades. Vous savez qu’il n’est pas dans nos habitudes d’apporter des rectifications à tout ce que l’on peut dire sur notre Parti dans la presse adverse.

    Mais il s’est glissé ce matin une telle formule dans toute la presse française et étrangère qu’elle nous oblige à faire une déclaration très nette.

    Toute la presse reproduit une expression qui n’a pas été prononcé ici, que personne de vous n’a entendue, à savoir que l’on aurait dénoncé le plan Marshall comme un piège occidental.

    En militants responsables, nous avons l’habitude de peser ce que nous disons et de ne parler qu’avec beaucoup de prudence sur les problèmes de la politique extérieure qui intéressent l’avenir de notre pays.

    Je répète que nous sentons trop notre responsabilité pour créer des difficultés entre les alliés et faire quoi que ce soit qui puise gêner l’entente nécessaire entre alliés et en définitive le relèvement de notre pays. Voici donc ce que j’ai dit hier :

    « Le plan dont on parle ces jours-ci nous semble comporter de graves inconvénients.

    Tel quel, il aboutirait en fait à liquider les réparations et à mettre l’Allemagne sur le même plan que la France et les autres pays victimes de l’agression hitlérienne.

    Certains réactionnaires enragés voulaient déjà voir dans ce plan comme une machine de guerre contre l’Union Soviétique, comme l’amorce d’un bloc occidental qui couperait l’Europe et le monde en deux.

    La venue à Paris de Molotov sur l’invitation des ministres des Affaires étrangères français et anglais porte un coup aux espoirs des pêcheurs en eau trouble. »

    Voilà ce que j’ai dit. Tout autre expression ou interprétation ne peut être considérée que comme un coup dirigé à la fois contre l’unité de notre peuple et contre l’unité nécessaire entre les grands alliés.

    J’ajoute, parce que nous nous devons d’être loyaux, que les journalistes ne sont nullement responsables pour la formule incriminée.

    L’interprétation qu’ils en font est autre chose. Malheureusement, l’expression leur a été livrée dans un résumé qui a été préparé pur nos services de presse.

    Des militants responsables, au lieu de reproduire simplement ce que nous disons, croient devoir interpréter et ont commis cette faute très grave que j’avais le devoir de rectifier devant le Congrès.

    Je suis convaincu que nous pouvons compter sur la courtoisie et la bonne foi des journalistes présents à notre congrès, pour apporter partout les rectifications nécessaires. »

    C’est lamentable et, bien entendu, encore plus quand on sait que justement sur exigence révolutionnaire de la part de l’URSS, le Parti Communiste Français va être amené à combattre le plan Marshall et les initiatives américaines en France.

    =>Retour au dossier sur Le Parti Communiste Français au gouvernement avec la bataille du charbon

  • Le PCF en 1947 : la ligne de la rectification

    Voici les extraits significatifs du rapport de Maurice Thorez au 11e congrès de juin 1947. Ils ont été choisis par les Cahiers du Communisme, qui a pris le relais des Cahiers du Bolchevisme pour la formation des cadres.

    Depuis le thème de la crise générale du capitalisme et la valorisation de l’idéologie jusqu’à la dénonciation de l’impérialisme américain en passant par la dénonciation des socialistes comme agent de celui-ci, on est très clairement sur le terrain du Kominform qui ne se formera que quelques mois après.

    C’est une modification complète de la ligne du Parti Communiste Français, et même de mise en perspective. Pendant plusieurs années, le Parti Communiste va changer son expression, il va réellement tendre vers l’idéologie de l’URSS, vers le matérialisme dialectique.

    De 1947 à 1953, le Parti Communiste assume l’affirmation d’une vision complète du monde, ce qu’il n’avait jamais fait, sauf au moment de l’arrivée juste avant l’interdiction de la traduction, massivement diffusée, du Précis d’histoire du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchevik).

    Tout cela a un prix, pourtant. Le Parti Communiste Français revendique, en même temps, son entière autonomie historique.

    On ne parle pas que des décisions politiques, on parle de la définition même du socialisme et du communisme.

    Le Parti Communiste Français revendique non seulement une voie française particulière au socialisme, ce qui est cohérent, il revendique également une nature historique différente pour la France.

    Il n’y a pas une idéologie universelle et une application nationale, il y a une application universelle et une idéologie nationale.

    Pour le Parti Communiste Français, en 1947, c’est officialisé : le socialisme en France est un socialisme français, mais également un socialisme à la française.

    On comprend tout à fait que le Parti Communiste Français ait pu se maintenir après 1989 et l’effondrement de l’URSS. Il a établi une idéologie qui lui est propre, de type national-républicaine.

    « I

    CAUSES ET CARACTÈRES DE LA IIe GUERRE MONDIALE

    Ce passage est extrait du chapitre « Le Combat pour l’organisation de la paix » où Maurice Thorez montre les origines de la deuxième guerre mondiale.

    La seconde guerre mondiale a éclaté comme résultat de l’approfondissement de la crise générale du capitalisme et de la rupture d’équilibre qui est apparue entre les principaux pays capitalistes.

    En janvier 1936, à Villeurbanne, nous analysions la situation internationale dans les termes suivants :

    « Deux groupes d’États coexistent dans le monde capitaliste. Ceux qui, bénéficiaires du statut de 1919, veulent le conserver et pour qui la guerre présente plus d’inconvénients que d’avantages ; ceux qui désirent bousculer par la violence des armes l’ordre de 1919.

    A l’intérieur du premier groupe, des cercles d’industriels de guerre et de militaristes défendent une politique de complaisance ou de complicité à l’égard des projets des puissances fascistes (…).

    Les trois puissances intéressées à un nouveau partage du monde (Allemagne, Italie, Japon) s’associent de plus en plus étroitement entre elles.

    L’entreprise italienne en Afrique (il s’agissait de la guerre contre l’Éthiopie) doit être considérée comme la première étape du conflit armé auquel ait abouti la lutte menée par les puissances impérialistes les plus agressives pour le bouleversement à coups de canon de la carte de l’Europe et de l’Asie (Une politique de grandeur française). »

    La méthode marxiste, la connaissance de la loi léniniste sur le développement inégal des pays capitalistes dam la période impérialiste, nous permettaient de souligner :

    1° la cause fondamentale de la guerre— qui approchait — dans le système capitaliste lui même, selon la belle image de Jaurès: « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ».

    2° la cause immédiate dans l’agressivité des États fascistes qui cherchaient à établir leur hégémonie sur le monde, à détruire dans tous les pays comme chez eux les derniers vestiges de la démocratie, à courber tous les peuples sous le joug du fascisme sanglant.

    3° l’appui direct apporté aux agresseurs fascistes par toute la réaction internationale, pratiquant à l’égard de l’Allemagne hitlérienne et de ses associés une politique de complaisance et de complicité qui devait, après notre congrès de Villeurbanne, trouver son expression dans la non-intervention, la capitulation de Munich et la drôle de guerre.

    La réaction internationale soutenait le fascisme. Chez nous, les gens de droite disaient « Plutôt Hitler que le Front Populaire ».

    Les peuples combattaient pour la liberté, contre la réaction et contre le fascisme.

    La guerre, survenue dans ces conditions, revêtit pour les peuples le caractère d’une guerre juste, d’une guerre antifasciste.

    Le crime des Munichois fut de rompre, un moment, au profit de Hitler, le front des démocraties et de dénaturer, pendant la drôle de guerre, par leur agression criminelle contre la classe ouvrière et son Parti Communiste, le caractère de la guerre.

    II

    L’EXPANSIONNISME AMÉRICAIN

    Le chapitre consacré à l’expansionnisme américain est l’occasion pour notre Secrétaire général de rappeler les caractéristiques de l’impérialisme.

    Contrastant avec l’appauvrissement général des pays européens dévasta, les États-Unis (et le Canada) sont sortis de la guerre plus riches encore.

    La guerre mondiale, les besoins des armées, la demande illimitée de marchandises, ont rendu possible le plein emploi des forces productives qui n’étaient que partiellement utilisées jusque-là.

    L’appareil de production s’est encore développé ; la productivité s’est accrue de 20 %.

    La production générale, qui était de 89 milliards de dollars en 1939, est montée à 135 milliards en 1944.

    Calculé sur la base de 100 pour la période 1935-1939, l’indice général de la production industrielle monta à 249 en octobre 1943 ; il redescendit à 211 en août 1945 et à 148 en février 1946.

    Il s’était relevé à 180 au début de cette année. C’est-à-dire que la capacité de production n’est utilisée actuellement qu’aux 3/5. La raison en est simple c’est la difficulté pour les capitalistes américains d’écouler leur production.

    Les capitalistes ne produisent pas pour les besoins des masses ; ils produisent pour le profit.

    La raison d’être du capital, c’est la production du capital. Les capitalistes américains réalisent des profits toujours plus fabuleux.

    Au cours de la guerre, ils ont eu un bénéfice net de 52 milliards de dollars. C’est en moyenne pour chaque attifée de guerre un chiffre trois fois et demi supérieur à celui des années d’avant 1939.

    La course au profit a continué depuis la fin des hostilités : 9,9 milliards en 1945, 12 milliards en 1946. Les résultats du premier trimestre font prévoir de 15 à 17 milliards pour 1947.

    Mais si les profits capitalistes montent, le niveau de vie des masses laborieuses baisse. L’inflation, la hausse des prix ont réduit le pouvoir d’achat du salaire ouvrier.

    La masse des salaires a diminué, à cause du retour à une journée de travail normale et de la suppression des heures supplémentaires qui étaient payées plus cher, et à cause du chômage qui grandit.

    2.500.000 chômeurs sont officiellement enregistrés, plus 1.600.000 démobilisés qui n’ont pas retrouvé de travail ; 8 millions d’ouvriers travaillent moins de 34 heures par semaine, dont 2 millions moins de 15 heures.

    On estime que les revenus ouvriers ont diminué de 30 % depuis la fin de la guerre.

    La conséquence, c’est la contraction du marché intérieur et la nécessité d’écouler toujours plus de produits sur les marchés extérieurs.

    Avant-guerre, les États-Unis exportaient environ 10 % de leur production.

    En 1946, ils ont exporté pour une somme de 9 milliards et demi de dollars, chiffre qui comprennent la valeur des denrées alimentaires et de matières premières et non pas seulement des produits de l’industrie.

    9 milliards d’exportation, c’est insuffisant pour maintenir l’activité industrielle des États-Unis.

    Dans le rapport au Xe Congrès, nous avions estimé que les États-Unis essayeraient de porter leurs exportations à 20 milliards de dollars.

    Dans sa conversation avec le camarade Staline, M. Stassen a parlé de 15 % de la production. En valeur absolue, c’est à peu près l’ordre de grandeur que nous avions indiqué.

    Les pays dévastés et ruinés seraient certes en mesure d’absorber les exportations américaines.

    Mais il leur manque les moyens d’achat, l’or, les devises; et ils n’exportent pas suffisamment pour payer leurs importations en marchandises. Or, les États-Unis n’ont guère besoin de marchandises.

    L’Angleterre et l’Allemagne d’avant-guerre achetaient des denrées alimentaires et des matières premières dans les pays auxquels elles vendaient les produits de leur industrie.

    Les États-Unis sont exportateurs de denrées alimentaires, et ils n’ont besoin d’importer que des quantités très restreintes de matières premières.

    Sur le marché mondial, les États-Unis sont essentiellement des vendeurs. C’est un aspect qu’il ne faut pas oublier lors-qu’on parle des crédits américains.

    Les pays appauvris ont besoin de crédits américains pour acheter des marchandises américain, et les États-Unis, pour placer leurs marchandises, sont dans l’obligation d’accorder des facilités à leurs clients possibles.

    Naturellement, tout cela ne va pas sans contradictions. Vendre sans jamais acheter, ce n’est pas une opération qui puisse durer. Mais comment les capitalistes américains pourraient-ils envisager de se laisser concurrencer sur leur marché intérieur par les marchandises étrangères ?

    D’ailleurs, leurs frais de production moins élevés les mettent à l’abri de la concurrence. Au besoin, ils useraient du dumping que facilite le capital des monopoles.

    Les capitalistes américains ont en vue d’étendre leur hégémonie sur l’Europe et le monde entier. L’octroi des crédits, estiment-ils, leur permettra d’atteindre ce but.

    Les États-Unis peuvent fournir des crédits. Ils sont exportateurs de capitaux comme ils sont exportateurs de marchandises.

    Les milliards et les milliards qui ne peuvent être réinvestis dans l’industrie américaine doivent être placés à l’étranger. Les crédits d’État ouvrent la voie aux investissements privés.

    La recherche de débouchés pour les marchandises coïncide avec la volonté de s’assurer des bases politiques à travers le monde.

    C’est pour appuyer cette politique expansionniste que le budget de guerre des États-Unis à pour cette année — d’après l’inventaire de M. Robert Schuman — s’élève à la somme formidable de 19 milliards de dollars (environ 2.600 milliards de francs, quatre fois tout le budget de la France), ce qui représente 45,7 % du total des dépenses budgétaires des États-Unis (30 % en Angleterre, 22 % en Union Soviétique).

    Mais le budget de l’instruction primaire aux États-Unis est proportionnellement plus faible qu’en aucun autre pays. 70 % des instituteurs américains doivent exercer un deuxième métier pour joindre les deux bouts.

    LA TOUTE-PUISSANCE DU CAPITAL FINANCIER ET DES MONOPOLES, LA RECHERCHE DES DÉBOUCHÉS POUR L’ÉCOULEMENT DES MARCHANDISES, L’EXPORTATION DES CAPITAUX, LE DÉVELOPPEMENT DU MILITARISME, CE SONT RIEN LA DES CARACTÉRISTIQUES DE L’IMPÉRIALISME TELLES QUE LES A DÉFINIES LÉNINE.

    Et lorsque Léon Blum écrit que les États-Unis n’ont pas besoin d’exporter, que leur attitude dans les problèmes du commerce international est guidée par des motifs paressent désintéressés, il confirme sur ce point également son éloignement du marxisme vivant.

    Il reprend la théorie de Kautsky, démentie cruellement par les événements, sur le « super-impérialisme », l’impérialisme de la paix qui se-rait capable d’organiser une économie capitaliste mondiale et unique, sans contradictions violentes entre les classes et entre les États, et sans guerres entre impérialismes rivaux.

    En fait, Léon Blum sème les illusions ; sa tentative d’idéaliser la politique expansionniste des monopoles américains ne peut que désarmer idéologiquement et politiquement la classe ouvrière et le peuple de France dans leur résistance nécessaire aux empiétements de la finance internationale qui mettent en danger notre indépendance nationale.

    « L’impérialisme — a écrit Lénine — est l’époque du capital financier et des monopole qui partent partout leurs aspirations à la domination et non à la liberté.

    Réaction sur toute la ligne, quel que doit le régisse politique, extrême tension des antagonismes en présence… tel est le résultat de ces tendances. »

    La crainte de la crise qui approche accélère ces tendances aux États-Unis.

    Les Américains vivent dans la psychose de crise. Les prodromes de crise apparaissent d’ailleurs dans l’accroissement des stocks consécutifs à la hausse des prix (34 milliards de stocks, chiffre jamais connu), dans la chute des actions en bourse, dans la diminution des investissements et la baisse des prix agricoles.

    On a jeté des millions de tonnes de pommes de terre à la mer pour maintenir les cours, tandis que les peuples souffrent de la faim en Europe et dans le monde.

    « La réaction sur toute la ligne », n’est-ce pas évident, à l’intérieur, avec les 200 projets de lois antiouvrières déposés sur le bureau du Congrès, en vue de mater les travailleurs et de faire cesser, par la force, les grèves toujours plus nombreuses.

    Avec l’anticommunisme virulent et la chasse aux éléments progressifs suspects de ne pas adorer le veau d’or (ne parle-t-on pas d’expulser l’immortel Charlot [Charlie Chaplin] ?). Avec le racisme le plus barbare allant jusqu’au lynchage des noirs.

    « La réaction sur toute la ligne s, n’est-ce pas évident, dans la politique extérieure des États-Unis, avec leur lutte systématique contre ion pays de démocratie nouvelle, leur soutien aux régimes de dictature fasciste, l’appui qu’ils donnent partout aux groupements de droite et aux factieux?

    III

    LE LIEN ÉTROIT QUI RELIE LES POSITIONS POLITIQUES ET TACTIQUES DU PARTI SOCIALISTE ET LE RÉVISIONNISME DE LÉON BLUM

    Il est impossible de ne pas remarquer le rapport direct entre les positions politiques et tactiques du Parti socialiste et le révisionnisme ouvertement prêché dans ses rangs par Léon Blum et quelques autres.

    Nous avons vu, à propos du problème des salaires et prix, à propos des caractéristiques de l’impérialisme, combien la pensée officielle du Parti socialiste s’éloigne de la doctrine de Marx.

    Nous voudrions montrer que c’est tout le marxisme qui est répudié par Léon Blum, même lorsqu’il déclare, pour la forme, s’en tenir aux principes essentiels du marxisme.

    Le débats commencé dans le Parti socialiste à l’occasion d’une proposition de modification aux statuts. Léon Blum demandait que soit abandonnée l’expression « lutte de classes ».

    Mais comme tout se tient, Léon Blum a dû s’en prendre aux fondements du marxisme.

    Il a condamné le matérialisme dialectique. Il a repoussé le matérialisme philosophique en tant que théorie de la connaissance, en tant que conception des phénomènes de la nature et d’explication de l’univers.

    Il a contesté le lien de connexion entre le matérialisme dialectique et le matérialisme historique.

    Employant une ficelle un peu grosse, Léon Blum a « essayé de distinguer — je cite ses paroles — entre le matérialisme historique de Marx et le matérialisme dialectique de Lénine et de Staline dont le livre récent [L’Homme est révolutionnaire] de Georges Izard a fourni une analyse si riche, si exact, et si profonde. »

    Aucun marxiste digne de ce nom ne saurait ignorer la riche contribution de Lénine et de Staline à l’approfondissement et au développement de la doctrine de Marx « qui n’est pas un dogme, mais un guide pour l’action ».

    Mais tous les marxistes reportent sans hésiter sur Marx le mérite d’avoir le premier formulé la conception matérialiste du monde et de son développement que l’on désigne depuis par les mots : matérialisme dialectique.

    Marx a dit que pour lui « le mouvement de la pensée n’est que la réflexion du mouvement réel transporté et transposé par le cerveau de l’homme » (Le Capital, p. 29).

    « On ne saurait, précise-t-il, séparer la pensée de la matière pensante. »

    Engels, dans le chapitre intitulé : « Matérialisme dialectique », a écrit dans son Ludwig Feuerbach, « que la conception matérialiste du monde signifie simplement la conception de la nature telle qu’elle est, sans addition étrangère ».

    Plekhanov a souligné, lui aussi, que « l’édifice entier du marxisme repose sur le matérialisme dialectique » (Le Matérialisme militant, p. 26)

    Quant au livre d’Izard, c’est en effet une attaque sur toute la ligne contre le matérialisme dialectique, et lors non point seulement contre Lénine et Staline, mais bien contre Marx, que le disciple de Blum cite abondamment et qu’il prétend réfuter et dépasser !

    Parce qu’il est sans doute tenu à moins de précautions, Izard n’hésite pas à contredire Blum et à reconnaître carré-ment que l’œuvre maîtresse de Marx, Le Capital, « n’est rien d’autre qu’une illustration du matérialisme dialectique appliqué à l’économie politique » (p. 181).

    Et voici deux échantillons de la pensée « si riche, si exacte et si profonde » de Georges Izard :

    « Bien loin que ma pensée en soit la copie, c’est la réalité qui est le miroir de ma pensée et de eue vie, sans quoi elle ne pourrait pas être la réalité ? » (p. 127)

    Et ailleurs :

    « L’esprit est le primordial… Dès qu’on admet l’activité autonome de l’esprit, il faut renoncer à le retenir au rang de la matière dans une égale dignité : il impose sa suprématie » (p. 122).

    Ainsi avec Georges Izard, avec Léon Blum et avec Maurice Schumann et le cardinal Suhard, les ouvriers socialistes devraient admettre la primauté de l’esprit sur la matière.

    Ils ne devraient plus penser avec Marx que la matière, la nature, l’être, c’est une réalité objective existant en dehors et indépendamment de la conscience, que la conscience n’est que le reflet de la matière, que la pensée n’est que le produit de la matière.

    On comprend que la réaction ait accueilli avec transport les thèses idéalistes de Léon Blum.

    La répudiation du matérialisme obtient toujours un succès certain auprès de philistins très attachés à leurs intérêts matériels, et elle flatte agréablement les préjugés de leurs idéologues.

    De l’abandon du matérialisme philosophique découle le rapprochement politique des dirigeants socialistes avec d’autres groupements qui professent l’idéalisme philosophique, le déisme, la croyance à une religion révélée.

    De là l’alliance de certains socialistes avec les adversaires de la laïcité, avec les adversaires de la pensée matérialiste des encyclopédistes.

    Marx lui-même avait noté le lien entre le socialisme, le communisme et le matérialisme d’Helvétius, de d’Holbach, de Diderot.

    Quel recul donc sur le siècle des lumières ? Comment redire avec Diderot que « la supposition d’un être quelconque placé en dehors de l’univers matériel est impossible » ?

    Léon Blum dit qu’il continue à adhérer au matérialisme historique en tant que philosophie de l’histoire.

    Il pense, toutefois, que « les phénomènes économiques n’ont rien de plus matériel que les autres ».

    Et il suggère une synthèse entre la théorie du matérialisme historique et sa conception idéaliste de l’histoire qui fait intervenir les courants de l’esprit et de la conscience, les aspirations vers la justice, vers l’humanité, vers la charité humaine, qui traverseraient l’humanité indépendamment des rapports de production, de la structure sociale aux différentes époques de l’histoire.

    Si bien que ce n’est plus, comme chez Marx, l’existence sociale qui déterminerait la conscience, mais la conscience qui déterminerait l’existence sociale.

    Ce n’est plus le mode de production de la vie matérielle qui conditionne le procès de vie social, politique et intellectuel, mais une morale indépendante des forces économiques et supérieure à elles qui déterminerait les pro-grès du mode de production de la vie matérielle.

    La conclusion pratique c’est qu’on remplace l’émancipation du prolétariat au moyen de la transformation du mode de production en une vague libération de l’humanité au moyen de l’amour, comme raillait Engels, il y a soixante années déjà.

    La conclusion politique c’est que tout le monde est « socialiste », puisque le socialisme n’est plus que l’aboutissement inévitable des lois économiques et du mouvement de la société actuelle, puisque la classe ouvrière n’est plus la force motrice des prochaines transformations, le principal agent de son émancipation et de l’affranchissement de tous les travailleurs.

    Il n’est plus nécessaires, dès lors, de rendre la classe ouvrière toujours plus consciente de sa mission historique, de l’organiser, de la préparer à cette mission.

    On doit rejeter non seulement l’expression « lutte de classes », mais aussi, comme le propose Izard, la notion de « conscience de classe ».

    Le socialisme d’une science redevient un rêve. Les masses doivent, avant tout, compter sur la générosité, sur la charité de bonnes âmes qu’il s’agit de convaincre par les raisonnements sur la morale et les vérités éternelles.

    C’est en cela que réside « l’humanisme » de ce néo-socialisme.

    Car, s’il s’agit de reconnaître le rôle des idées, la valeur des sentiments, il n’est pas besoin de « dépasser » Marx.

    Il nous a enseigné qu’une idée devient une force matérielle lorsqu’elle s’empare des masses.

    Et s’il est simplement question de l’épanouissement de la personnalité humaine, il n’y a rien non plus à ajouter aux écrits de nos maîtres.

    Il n’y a rien à ajouter à ces lignes d’Engels :

    « La possibilité d’assurer au moyen de la production sociale une existence non seulement parfaitement suffisante et plus riche de jour en jour au point de vue matériel, mais leur garantissant le développement et la mise en œuvre absolument libre de leurs DISPOSITIONS PHYSIQUES ET INTELLECTUELLES, cette possibilité existe aujourd’hui pour la première fois.

    (Par le socialisme…) « la lutte pour l’existence individuelle prend fin.

    Alors seulement l’homme sort en un certain sens du RÈGNE ANIMAL, quitte des conditions animales d’existence pour des CONDITIONS VRAIMENT HUMAINES. » (L’Anti-Dühring, p. 364)

    Il suffit aussi de constater la réalité au pays du socialisme, en Union Soviétique, où se forge l’homme nouveau.

    « L’homme, ce capital le plus précieux », a dit Staline. Les armées soviétiques ont eu des canons, des tanks, des avions ; elles en ont eu davantage que les Allemands, et d’une qualité supérieure.

    Mais ce que le régime soviétique a produit de mieux, c’est l’HOMME qui utilisait ce matériel, c’est l’HOMME soviétique qui a été supérieur, sous tous les rapports, à l’esclave de Hitler.

    DÉMOCRATIE ET SOCIALISME

    L’abandon des positions marxistes est également évident dans les thèses de Léon Blum sur le rapport entre la démocratie et le socialisme.

    Lors de mon interview au Times, où je disais que les progrès de la démocratie à travers le monde permettent d’envisager don voies nouvelles dans la marche du socialisme, Léon Blum a parlé d’un coup de barre brutal.

    Je venais de découvrir, d’après lui, « que la transformation du régime capitaliste en régime socialiste est compatible avec le maintien et le développement de la démocratie ».

    Blum avançait l’opinion, contraire à la vérité, que les communistes auraient jus-qu’alors opposé démocratie et socialisme.

    De même qu’il avait prêté à Bebel cette idée absurde que « l’évolution des partis ouvriers et prolétariens était indépendante des for-mes politiques de la société dans laquelle ils agissent ».

    Or, jamais un marxiste n’a été indifférent aux formes politiques, et, pour être plus précis, à l’existence et au progrès possibles de la démocratie.

    Bebel déclarait au Congrès d’Amsterdam :

    « Il va sans dire que nous sommes républicains, républicains socialistes. »

    Le « manifeste communiste », dont nous allons célébrer le centenaire, proclame que :

    « la première étape dans la révolution ouvrière, c’est la constitution du prolétariat en classe dominante, la conquête de la démocratie. »

    Marx, en 1848, loua les Parisiens d’avoir imposé la République ; Engels, loin de se désintéresser des formes de l’État, analyse avec soin chacune de ces formes il montre que

    « NOTRE PARTI ET LA CLASSE OUVRIÈRE NE PEUVENT ARRIVER AU POUVOIR QUE SOUS LA FORME DÉMOCRATIQUE. »

    Lénine a parlé de « l’énorme importance de la démocratie dans la lutte de la classe ouvrière contre le capitalisme ».

    « Développer la démocratie jusqu’au bout, rechercher les formes de ce développement, les mettre à l’épreuve de la pratique, voilà l’un des problèmes fondamentaux de la lutte pour la révolution sociale. » (Lénine, Œuvres complètes, tome XXI, p. 506.)

    C’est sur ces notions théoriques précises que nous avons fondé notre lutte ardente contre le fascisme, notre politique du Front Populaire, notre combat pour la défense de la démocratie, pour tout ce qui était en jeu dans la dernière guerre.

    En novembre 1936, je répondais à une enquête de Raymond Millet :

    « Les communistes sont républicains. Ils sont les républicains les plus conséquents, car ils veulent une république où le régime représentatif ne puisse être faussé par les puissances d’argent.

    Les communistes sont démocrates. Ils sont les démocrates les plus conséquents, car ils entendent substituer à une démocratie encore limitée en droit et en fait une démocratie sans entraves. »

    L’idée centrale du rapport développé au Congrès d’Arles, en 1937, était que la démocratie, qui avait exercé au cours du XIXe siècle un rôle nécessaire et progressif, n’avait pas épuisé toutes ses vertus.

    Le Front Populaire, disions-nous, constitue un nouveau progrès de la démocratie. Et, il y a deux ans, nous répétions : « La démocratie est une création continue. Aujourd’hui, avec l’immense majorité des Français, nous concevons une démocratie débarrassée des trusts, une démocratie où il ne doit pas y avoir de place pour les groupements et pour les hommes qui ont trahi la France et servi Hitler. »

    Une démocratie débarrassée des trusts. En marxistes, nous posons la question du CONTENU de la démocratie ; nous ne parlons pas de la démocratie en général.

    Nous parlons d’une démocratie nouvelle et populaire où la classe ouvrière et ses organisations doivent jouer un rôle déterminant.

    Ce que ne veut pas remarquer Léon Blum quand, en 1947, dand une situation nouvelle, et forts d’une expérience à laquelle nous avons contribué pour une part honorable, nous envisageons la possibilité de voies nouvelles dans la marche du socialisme.

    Encore est-il juste de souligner que c’est à la Révolution d’Octobre, aux travailleurs de l’Union Soviétique qui ont fait tourner plus vite la roue de l’histoire — au prix de quel héroïsme, au prix de quels sacrifices — que nous devrons de toute façon de parcourir, avec moins de peine, les étapes qu’il leur fallut franchir dans des conditions plus difficiles et plus douloureuses.

    Comme résultat de notre action nationale et démocratique, nous avons obtenu la confiance toujours plus large de la classe ouvrière, des masses populaires.

    Nous avons obtenu de pousser quelques pas en avant dans la voie d’une démocratie plus effective. On a procédé à des nationalisations. On a institué les Comités d’entreprises.

    Rappelons-nous, à ce propos, ce que disait Lénine :

    « Prise à part, aucune démocratie ne donnera le socialisme ; mais, dans la vie, la démocratie ne sera jamais « prise à part », elle sera « prise dans l’ensemble », et elle exercera son influence sur l’économie dont elle précipitera la transformation tout en subissant elle-même l’influence du développement économique. Telle est le logique de l’histoire vivante. » (Œuvres complètes, tome XXI, p. 506)

    D’autres pays, nous l’avons vu, sont beaucoup plus avancés dans cette voie de la démocratie nouvelle.

    En plus des nationalisations, on pu remis la terre aux paysans. Les derniers vestiges du fascisme ont été éliminés.

    Mais nous devons remarquer que les formes parlementaires subsistent.

    « Cette démocratie populaire, a déclaré Dimitrov, n’est ni socialiste, ni soviétique. Elle est le passage de la démocratie au socialisme. Elle crée les conditions favorables eu développement du socialisme par un progrès de lutte et de travail.

    Chaque pays passera au socialisme par sa voie propre. L’avantage de cette démocratie populaire, c’est que le passage au socialisme est rendu possible sans dictature du prolétariat. »

    Je me permets de rappeler, en m’en excusant, que j’ai dit de même au rédacteur du Times :

    « Le chemin est nécessairement différent pour chaque pays. Nous avons toujours pensé et déclaré que le peuple de France, riche d’une glorieuse tradition, trouverait lui-même sa voie…

    Cependant, . l’histoire montre qu’il n’y a pas de progrès sans lutte. Il n’y a pas de route toute tracée sur laquelle les hommes puissent avancer sans effort. Il leur a toujours, fallu surmonter bien des obstacles. »

    Ainsi, fidèle à l’enseignement du marxisme, nous nous appliquons à déterminer la politique et l’action de la classe ouvrière, en fonction de la situation et des perspectives.

    Comme disait Jaurès, « nous nous efforçons de comprendre le réel, pour aller à l’idéal ».

    Nous tenons compte de cet événement formidable qu’a été la bataille victorieuse livrée par les peuples libres, par les forces ouvrières et démocratiques, contre le fascisme barbare.

    Nous tenons compte des modifications profondes dans l’ordre social, économique et politique, que la victoire a déterminées en Europe et dans le monde.

    Nous tenons compte du nouveau rapport des forces de classes qui s’est établi dans notre pays et à l’échelle internationale. Nom nous efforçons d’éclairer les voies encore inexplorées qui conduisent au socialisme.

    Mais Léon Blum, aussi éloigné du marxisme en 1947 qu’en 1920 ou 1933, passe à côté de la vie et poursuit ses analyses subtiles sur la distinction entre la révolution politique et la révolution sociale, la première ne lui apparaissant que comme la conquête du pouvoir, la transformation des institutions gouvernementales, et la seconde connue une pure transformation économique.

    Comme si la méthode dialectique ne nous faisait pas saisir le rapport nécessaire entre la conquête du pouvoir par la classe ouvrière et la transformation sociale qu’elle a mission de promouvoir…

    On voit que ce n’est pas seulement la formule prétendument équivoque, mais bien la méthode du matérialisme historique que Blum rejette.

    Même dans les cas où elles n’aboutissent pas à des révolutions, toutes les luttes politiques trouvent leur origine et leur explication dans les antagonismes de classe, et elles ont pour but, en dernière analyse, l’émancipation économique de la classe exploitée.

    Cependant, la thèse de Blum n’est pas fortuite. L’opposition formelle qu’il établit entre révolution politique et révolution sociale l’avait conduit à nier le caractère socialiste de la Révolution d’Octobre.

    Certains dirigeante socialistes continuent à parler des tentatives de révolution socialiste en U.R.S.S.

    Il n’y aurait pas de révolution socialiste. Il n’y aurait pas non plus de démocratie en U.R.S.S.

    On continue à répandre les pires ragots, les pires calomnies contre l’Union Soviétique.

    On fait preuve d’une méconnaissance absolue, nullement involontaire, du contenu de la démocratie soviétique, la démocratie la plus large.

    Naturellement, les dirigeants socialistes sont aussi pleins de méfiance envers les démocraties nouvelles, les démocraties populaires de l’Europe centrale et balkanique, où l’on ne s’en tient pas aux règles de la démocratie bourgeoise, où l’on a vraiment aboli la domination des trusts, où les traîtres et les collaborateurs n’ont pas la possibilité de voter, encore moins de se faire élire.

    Les attaques contre la démocratie soviétique et contre les démocraties populaires visent peut-être à détourner l’attention des insuffisances de la démocratie chez nous, et en ces pays vers lesquels certains tournent si volontiers les yeux, cette « démocratie » qui maintient Franco au pouvoir, écrase le peuple grec, opprime les esclaves coloniaux et fait couler le sang en Palestine.

    Ainsi on ne peut contester le lien évident entre l’assaut révisionniste à l’intérieur du Parti socialiste et la politique poursuivie par ce parti : le refus de l’unité ouvrière, le soutien sans réserves longtemps accordé à de Gaulle (qu’on se rappelle du « Oui-Oui » [au premier référendum sur la constitution]) ; les brevets de républicanisme décernés au M.R.P., le rejet des communistes hors du gouvernement, la tentative de constituer une majorité parlementaire orientée à droite et dont nous serions exclus.

    La répudiation du marxisme faciliterait, croit-on, la conjonction du Parti socialiste et du M.R.P. ; et l’avènement de ce travaillisme sans travailleurs-qui hante l’esprit de certains.

    La politique de ses principaux dirigeants ne conduit pas seulement le Parti socialiste à sa perte — il est tombé de 4.500.000 à 2.700.000 voix en un an.

    Elle met en danger le mouvement ouvrier et la démocratie. Les ouvriers socialistes s’en rendent compte. Ils sont inquiets. Notre devoir de militant est de les aider à voir clair dans cette situation difficile.

    Il est de découvrir à leurs yeux les racines idéologiques de la politique erronée de leur parti. Nous devons le faire sans vains éclats de voix, sans vaines récriminations, en camarades et en frères, dont le souci exclusif est de faire progresser la cause commune, la cause des travailleurs, la cause de la France.

    Nous devons rappeler nos efforts pour parvenir à l’unité. Et le désintéressement de notre Parti en toutes occasions.

    Nous devons rappeler comment nos 186 députés, unanimes, ont porté Léon Blum à la présidence du gouvernement, malgré des préventions trop justifiées et sur lesquelles il n’est pas nécessaire d’insister, et malgré le fait que 20 députés socialistes, trois jours auparavant, avaient refusé de voter pour le candidat communiste.

    Nous devons rappeler comment, déjouant les combinaisons des partisans du pouvoir personnel, nous avons porté Vincent Auriol à la présidence de la République.

    Nous devons rappeler le concours loyal et sans réserves que nous ayons apporté au pressier gouvernement Ramadier, en taisant nos préférences doctrinales et en défendant la politique déterminée en commun.

    Les socialistes de Toulon et de Guéret, et le chef du gouvernement lui-même, n’y contrediront pas.

    Nous avons aussi le devoir de mettre en garde les ouvriers socialistes qui, sincèrement. veulent aller à gauche contre la démagogie d’éléments trotskysants, dont certains chassés de nos rangs autrefois.

    Ces gens se livrent à un verbiage pseudo-révolutionnaire pour détourner, eux aussi, les ouvriers socialistes du seul chemin qui mène au socialisme : le chemin de l’unité.

    L’unité, et encore l’unité, voilà notre loi, à nous communistes. Nous avons l’espoir d’être entendus.

    L’unité s’est réalisée dans l’action revendicative, chez les cheminots et dans les services publics, chez les employés de banque et dans les usines métallurgiques. L’unité s’est réalisée dans l’action pour la défense de la République contre les factieux du R.P.F.

    Les Comités de la Libération ont repris une vie nouvelle. Des comités de vigilance ont été constitué dans les localités et dans les usines.

    L’unité, qui est la condition du salut, doit se faire. L’unité se fera, ce sera la tâche des communiste. après la XIe Congrès de notre Parti.

    IV

    LES RACINES FRANÇAISES DU MARXISME-LÉNINISME
    ET NOTRE DEVOIR DE L’ENRICHIR

    Ce passage est tiré du chapitre sur « Le Parti » et où Maurice Thorez rappelle les sources françaises du marxisme-léninisme et justifie théoriquement la conception de la recherche des voies nouvelles conduisant au socialisme.

    Le marxisme-léninisme, le matérialisme dialectique est notre boussole.

    Il nous permet d’avancer sur un terrain pas toujours commode, sans perdre de vue le but : la totale émancipation de la classe ouvrière dans une France qui ne connaîtra plus la division en classes, l’exploitation du plus grand nombre par la minorité, et dans un monde où toutes les causes d’oppression, de misère, de conflits et de guerre auront disparu parce qu’aura disparu le capitalisme.

    Nous savons les racines profondes de notre Parti et de sa doctrine dans l’histoire nationale. Le communisme est un courant authentique de la pensée française qui procède du matérialisme des philosophes du XVIIIe siècle, et qui, de Babeuf à Cabet, de Saint-Simon et de Fourier à Blanqui, s’est nourri, gonflé, enrichi d’une critique brillante, et à bien des égards toujours actuelle, du système de production capitaliste, et de ses contradictions, de ses iniquités.

    Un siècle s’est écoulé depuis qu’Engels constatait que les notions de socialisme et de communisme étalent courantes parmi les travailleurs français.

    Il y a soixante-seize années déjà que les ouvriers parisiens firent flotter sur la capitale le drapeau de la Commune.

    Le socialisme français, a souligné Lénine, est avec la philosophie allemande et l’économie politique anglaise l’une des trois sources essentielles du marxisme.

    En particulier, c’est le communisme français, le déroulement de la lutte des classe en Europe, qu’avaient remarqué Augustin Thierry et Guizot, c’est l’expérience déjà riche alors du mouvement ouvrier dans notre pays, qui ont permis à Marx de mettre en lumière le rôle historique du prolétariat, comme édificateur de la société socialiste.

    Nous n’avons pas seulement à défendre ce que le mouvement ouvrier français, fécondé par le matérialisme philosophique français a produit de meilleur : le communisme, élevé au niveau d’une science par Marx.

    Nous n’avons pas seulement à défendre le matérialisme dialectique contre ses détracteurs, avoués ou hypocrites, et à mener un combat vigoureux contre tous les aspects de l’idéalisme philosophique, contre toutes les manifestations de l’idéologie réactionnaire.

    Nous devons aussi faire progresser la science du communisme, selon la recommandation expresse de Lénine, rappelée opportunément par le camarade Staline, dans sa réponse au professeur Razine :

    « Nous ne considérons nullement la théorie de Marx comme quelque chose d’achevé et d’inviolable ; noue sommes persuadés, au contraire, qu’elle a posé seulement la pierre angulaire d’une doctrine que les socialistes doivent pousser dans toutes les directions, s’ils ne veulent pas rester en arrière.

    Nous pensons que les socialistes russes ont besoin d’une étude PARTICULIÈRE de la théorie de Marx, car cette théorie ne donne que les directives générales qui s’appliquent en PARTICULIER à l’Angleterre autrement qu’a la France, à la France autrement qu’à l’Allemagne, à l’Allemagne autrement qu’à la Russie. » (Lénine, Marx, Engels, Marxisme. P. 81, Édition de la Bibliothèque marxiste, 1935)

    On voit combien nous sommes fidèles à l’esprit du léninisme, quand nous posons devant notre Parti et devant les masses la question de la démocratie nouvelle et des voies différentes qu’il est permis d’envisager dans notre, marche au socialisme. »

    Léon Blum répondit de manière furieuse dans Le Populaire, avec un éditorial intitulé « Les excommunications de Maurice Thorez ».

    Il est vrai cependant qu’il n’avait qu’à reprendre l’argument de départ du côté socialiste, qui est de dire qu’il n’y a pas lieu d’avoir une idéologie dirigeante, et qu’il faut de toutes façons des tendances.

    Tel est le problème : ce sont les bourgeois qui ont compris, mieux que le Parti Communiste Français, la dimension « absolue » du matérialisme dialectique. L’assumer exige un haut niveau idéologique et une ligne d’affrontement révolutionnaire.

    C’est pourquoi, dès la mort de Staline, le Parti Communiste Français s’empressera de liquider les exigences idéologiques « absolues ».

    Mais dans son éditorial, Léon Blum se moqua aussi de la « rectification » de Maurice Thorez, au sujet du plan Marshall. C’était politiquement intelligent de sa part de se moquer de l’ambiguïté de Maurice Thorez, très révélatrice justement.

    =>Retour au dossier sur Le Parti Communiste Français au gouvernement avec la bataille du charbon

  • Le PCF en 1947 : le XIe congrès, la rectification et le compromis

    Pour Maurice Thorez, c’était un désastre. Il apparaissait comme la principale cause de l’échec, il le vivait extrêmement mal.

    L’Humanité se lança alors dans une vaste campagne d’expression de « confiance et d’affection » à son sujet.

    On rentre dans une période où il va être présenté comme la grande figure, l’équivalent du Parti. Il y a ici un jeu étrange, avec des tendances contradictoires.

    D’un côté, le Parti cherche à survivre coûte que coûte, avec Maurice Thorez comme symbole, de l’autre il a besoin de justifier son existence.

    D’où la voie française au socialisme formulé en 1947.

    Tout se joue au 11e congrès du Parti Communiste Français, qui se déroula du 25 au 28 juin à Strasbourg, en présence de 1 200 délégués. Son mot d’ordre était « Au service du peuple de France » et Maurice Thorez est mis en avant comme le « guide idéologique de la classe ouvrière et du peuple ».

    Or, jusque-là, jamais le Parti Communiste Français n’avait parlé d’idéologie, si on omet la diffusion juste avant son interdiction du Petit précis d’histoire du Parti Communiste d’Union soviétique (bolchevik).

    Il s’agit là d’un changement complet. Et comment cela se concrétise-t-il ?

    Par un rapport qui contient deux choses nouvelles : tout d’abord une dénonciation de l’expansionnisme américain, ensuite une dénonciation idéologique de Léon Blum !

    Tout cela est totalement nouveau. Depuis 1945, le Parti Communiste Français n’a cessé d’appeler à l’unité organique avec les socialistes, au sein d’un Parti Ouvrier Français. On a maintenant une attaque frontale du Parti socialiste-SFIO.

    Le Parti Communiste Français n’avait jamais mené non plus de bataille idéologique et d’ailleurs la seule idéologie mise en avant était la « République » définie comme sociale et laïque. C’en était au point où le nationalisme primait et où il fallait soutenir le régime à tout prix pour servir la « renaissance française », la « grandeur nationale ».

    Que s’est-il passé ? Pour comprendre ce qui se passe au 11e congrès, il faut aller un peu plus loin.

    Maurice Thorez accorde une interview au journaliste anglais Harold Pinter, le 21 septembre 1947.

    L’Humanité la publia le lendemain. On y lit notamment :

    « Le Parti Communiste est un parti de gouvernement, dont le programme fondamental et le langage n’ont pas changé et ne changeront pas, selon que le Parti, est ou n’est pas au gouvernement (…).

    Depuis mai 1943, il n’y a plus d’internationale Communiste, pour la raison essentielle que les voies du développement du mouvement ouvrier sont devenues extrêmement diverses et que chaque Parti Communiste doit tenir compte des problèmes concrets posés devant la classe ouvrière de son pays.

    Dans une autre période historique, la même question s’était posée aux fondateurs de la Première Internationale qui l’avait résolue de la même façon. Il n’est donc pas possible de parler de « tactique d’ensemble » des partis communistes, ni pour le passé récent, ni pour l’avenir.

    Ce que peut dire tout homme attentif aux questions de politique internationale, c’est que les Partis Communistes apparaissent bien, chacun dans son pays, comme les animateurs d’une large, politique d’union ouvrière et démocratique, pour la renaissance et l’indépendance de leur patrie respective, pour l’entente entre les peuples et pour la paix. »

    Ce qu’on lit ici, c’est le grand compromis, c’est ce que Maurice Thorez a réussi à sauver de sa propre ligne. Pour le reste, il s’est fait critiquer par le Mouvement Communiste International.

    Le lendemain de la publication de ces propos s’ouvrait justement la réunion fondatrice du Kominform, le Bureau d’information des partis communistes et ouvriers.

    Celle-ci se déroula eu 22 au 27 septembre 1947, en Pologne à Szklarska Poreba, en présence de représentants des Partis communistes de l’URSS, de la Bulgarie, de la Hongrie, de la Pologne, de la Roumanie, de la Tchécoslovaquie, de la Yougoslavie, ainsi que de France et d’Italie.

    Le Parti Communiste Français en prit immédiatement pour son grade : qu’avez-vous fait depuis 1945, demande-t-on en substance ? Et la même accusation est faite aux communistes italiens.

    C’est Andreï Jdanov qui est en première ligne. Il critique les communistes français et italiens pour faire de la participation gouvernementale l’alpha et l’oméga de leur politique. Où est la bataille pour la prise du pouvoir ? Où est la critique de l’impérialisme américain ?

    Le Parti Communiste Français a même pris la décision de quitter le gouvernement sans en informer personne !

    Tout cela reflète que le Parti Communiste Français s’est cru dans un régime devenu démocratique, il a cru qu’il pouvait s’installer dans les institutions et qu’il suffirait de promouvoir l’unité populaire pour réussir à changer le cours des choses.

    C’était de l’opportunisme, d’où la sanction en 1947 avec une critique impliquant une rectification générale.

    Les 29-30 octobre 1947, le Comité central du Parti Communiste Français assume la critique faite à la réunion du Kominform ; le rapport qu’y fait Maurice Thorez reflète vigoureusement la ligne attendue par le Kominform, avec une dimension autocritique.

    « Le Comité Central, dans sa dernière session, avait signalé des lacunes, des erreurs dans l’activité du Parti, de ses divers organismes et des militants, aux différents postes auxquels la confiance des masses les a appelés.

    La racine de ces erreurs, nous la trouvons dans le retard du Comité Central lui-même à constater et à définir clairement la nature et la portée des changements intervenus dans la situation internationale et notamment du regroupement des forces impérialistes et antidémocratiques, sous la direction et au profit des États-Unis.

    Dès lors, nous n’avons pas souligné, dès le début, et avec la vigueur nécessaire, que nous n’avions été écartés du gouvernement que sur l’ordre exprès de la réaction américaine. Et nous avons prêté le flanc à la manœuvre de Léon BLUM et de RAMADIER qui voulaient faire croire à des divergences portant exclusivement sur les questions de salaires et de prix.

    Nous avons laissé mettre en avant ce qui n’avait été qu’un prétexte pour nous éloigner du gouvernement.

    D’autre part, si nous avons eu raison de dénoncer notre éviction du gouvernement, comme étant une violation des lois de la démocratie parlementaire — comme un nouvel indice de la crise de la démocratie bourgeoise que les capitalistes jettent par-dessus bord dès l’instant oh elle peut être utilisée par la classe ouvrière — nous avons laissé l’impression qu’il s’agissait d’une crise ministérielle plus ou moins ordinaire, tandis qu’il s’agissait d’une intervention brutale des impérialistes américains dans les affaires de la France.

    Par suite de cette faute initiale, nous n’avons pas, dès le début, démasqué impitoyablement la conduite des dirigeants socialistes, et des divers partis au gouvernement, comme étant une véritable ignominie, une honteuse trahison des intérêts nationaux.

    Il en est résulté les indécisions, les flottements de notre groupe à l’Assemblée Nationale, critiqués par le Comité Central dans sa dernière session : l’abstention au lieu d’un vote résolument hostile contre certains textes gouvernementaux (mesures de vexation envers les paysans, statut de l’Algérie) ; la dénonciation insuffisante de la loi électorale municipale DEPREUX-BARRACHIN, en raison des illusions que l’on cultivait sur l’attitude de tel ou tel groupe, sans tenir compte de la nouvelle situation en France et dans le monde.

    Pendant un certain temps, le Parti a semblé hésiter dans son opposition à un gouvernement qui méconnaît si gravement les intérêts du pays.

    Nous avons paru sensibles aux criailleries des socialistes et autres qui nota reprochaient de vouloir faire échec à l’octroi de crédits américains et de porter préjudice à notre pays, en somme, de ne pas agir en patriotes.

    Alors que, seuls, nous avons, sur ce problème comme dans toutes les autres questions, une attitude absolument conforme aux intérêts de la France.

    Alors que, seuls, nous nous comportons en patriotes passionnément attachés à leur pays.

    Les hésitations du Comité Central et du Groupe Parlementaire ont nui, dans une certaine mesure, à la rapide mobilisation des masses ouvrières et démocratiques contre le gouvernement RAMADIER et sa politique néfaste.

    Elles ont nourri les tendances opportunistes, condamnées le mois dernier par le Comité Central, et qui s’expriment dans la sous-estimation des forces de la classe ouvrière et la crainte du mouvement de masse.

    Alors que le devoir des communistes, dit notre résolution de septembre, est ‘de se placer résolument à la tête du mouvement populaire avec hardiesse et esprit de responsabilité.

    Alors que le Parti Communiste a pour mission d’élever, d’éduquer, d’organiser, de guider le mouvement de la classe ouvrière et des masses laborieuses.’ »

    Le 18 novembre 1947, Maurice Thorez se rend également à Moscou pour rencontrer Staline.

    Désormais, le Parti Communiste Français est « surveillé » de près. Cela va modifier toute sa perspective.

    Mais ce qu’on lit au 11e congrès allait déjà dans ce sens : dès la crise gouvernementale, marquée par la sortie du gouvernement, l’URSS était intervenue et c’est ce qui explique le discours subitement différent.

    Le 11e congrès a ainsi une double nature : il est acceptation de la rectification… mais au prix d’un compromis à accepter du point de vue du Mouvement Communiste International. La France aurait sa propre « voie ».

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  • 1946-1947 : le PCF débordé et sorti du gouvernement

    En 1946, l’industrie et la production en général n’étaient pas trop loin d’être revenues au niveau d’avant-guerre. Ce n’était pas vrai par contre la production des biens de consommation, plus en retard, ainsi que de l’alimentation elle encore plus en retard dans le rattrapage : le café, le pain, la viande, le beurre relevaient du marché noir.

    Une situation d’autant plus difficile que les salaires ne suivaient pas l’inflation.

    AnnéesSalairesPrix
    1938100100
    1945370398
    1946407577
    1947530856

    Autrement dit, c’est la classe ouvrière qui payait la reconstruction. La panique commençait à se faire sentir et Benoît Frachon fit en sorte qu’en décembre 1946 la Commission administrative de la CGT se mette à exiger un salaire minimum de 7000 Francs par mois ou bien 84 000 Francs par an, pour 40 heures hebdomadaires.

    Il était considéré que c’était une avancée revendicative, alors qu’en même temps, la même Commission administrative de la CGT estimait que le salaire minimum pour subsister était de 103 800 Francs !

    André Marty, l’un des dirigeants de la CGT Léon Mauvais (responsable des FTP de la zone Sud auparavant et également chargé du contrôle des cadres et de la sécurité), le chargé des intellectuels Laurent Casanova poussèrent alors à la rupture gouvernementale.

    Maurice Thorez et Jacques Duclos réagirent en envoyant une missive à toutes les Fédérations pour orienter la colère populaire en direction d’un renforcement de la présence ministérielle communiste.

    Il était trop tard : la vague de grève commença en février 1947, dans la presse parisienne tout d’abord. La fonction publique parisienne commença de son côté des manifestations contre le passage de 42 à 48 heures hebdomadaires sans augmentation de salaire.

    Cela fit contagion dans tout Paris, notamment dans la police, puis aux usines Renault de Boulogne. Cela se prolongea dans les différents ports, chez les cheminots.

    C’était la catastrophe : le Parti Communiste Français apparaissait comme celui qui avait retardé le déclenchement de la grève, et donc joué un rôle anti-revendications. La CGT, elle, se lança dans des campagnes de revendications, notamment pour élever le salaire minimum, pour tout le mois de mars.

    La contradiction de fond s’exprimait ainsi par celle entre le Parti Communiste Français et la CGT.

    Pour renforcer la gravité du contexte, le président américain Harry S. Truman présenta le 12 mars 1947 sa doctrine d’interventionnisme généralisée pour « endiguer » le communisme. Le fameux plan Marshall va être annoncé dans la foulée le 5 juin 1947.

    Entre-temps, les catastrophes s’accumulaient du point de vue gouvernemental. Les salariés d’EDF et GDF s’étaient mis en grève, avec succès pour obtenir des augmentations. Des manifestations violentes un peu partout dans le pays, sur le thème du ravitaillement, avaient éclaté en mai, durant jusqu’en septembre.

    C’est tellement vrai que des éléments gauchistes parvenaient à déclencher une grève de 1 500 travailleurs dans les usines Renault le 25 avril 1947.

    Une telle configuration semblait impossible deux ans auparavant : un petit groupe trotskiste, des gens qui avaient rejeté la résistance armée pendant la guerre, réussissait dans une grande base ouvrière à convaincre des travailleurs et à les lancer dans l’action !

    Les usines Renault, c’était la moitié des travailleurs à la CGT, 90 % des voix pour la CGT. Malgré le refus communiste, trois jours plus tard la grève fut saluée par la majorité des travailleurs, par 11 354 voix pour la grève et 8015 contre.

    Naturellement, tant les socialistes que les démocrates-chrétiens avaient massivement appuyé la grève. C’est le début du processus qui va aboutir, quelques mois après, à la cassure au sein de la CGT et la formation, avec l’appui de la CIA, de la CGT-Force ouvrière.

    C’était le grand tournant : les socialistes basculèrent alors entièrement dans l’anticommunisme, sous l’influence claire de la superpuissance impérialiste américaine. Léon Blum expliqua à Paul Ramadier que :

    « L’élimination des communistes est vitale pour la France et pour la République. »

    Le mouvement est en attendant irrépressible et le 30 avril 1947, Maurice Thorez annonce à Paul Ramadier qu’il ne s’en tiendra plus à l’accord de janvier 1947 selon lequel le Parti Communiste Français et la CGT ne feraient pas de revendications salariales avant le mois de juillet.

    Paul Ramadier pose alors le 4 mai 1947 la question de confiance, qui lui est accordée. Les députés communistes ont cependant voté contre lui. Le lendemain, Paul Ramadier fait publier au Journal Officiel que les ministres communistes ne font plus partie du gouvernement.

    C’était la fin d’une longue séquence, et c’était un désastre. Cela faisait trois ans et un mois que le Parti Communiste Français participait au gouvernement. Il n’avait réussi ni à instaurer un régime où l’assemblée décide de tout, ni à apparaître comme incontournable au gouvernement.

    En pratique, il avait simplement servi de support à la relance de la production, avant de se faire sortir du gouvernement. Et ce n’était pas un cas unique, puisque la même éjection du gouvernement était arrivée aux ministres communistes de Belgique le 19 mars, et elle arrivera à ceux d’Italie quelques jours plus tard, le 13 mai.

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  • Apogée et désillusion du PCF en 1946

    1946 est l’apogée d’une trajectoire commencée en 1934, avec un Front populaire et une Résistance déformée par la ligne opportuniste de droite de Maurice Thorez.

    Le Parti Communiste Français a tout perdu niveau communisme, il a tout gagné sur le plan de l’acceptation, de l’intégration.

    Même s’il est contesté, évité, rejeté, le Parti Communiste Français fait partie du paysage. On ne peut plus l’en chasser, cela lui suffit.

    Sur le plan gouvernemental, rien ne changeait vraiment. Après la démission de de Gaulle, c’est le socialiste Félix Gouin qui avait été chef du gouvernement, du 26 janvier au 24 juin 1946.

    Il fut remplacé par le démocrate-chrétien Georges Bidault jusqu’au 28 novembre 1946.

    C’est la logique du « tripartisme », avec le Parti Communiste Français, le Parti socialiste-SFIO, les démocrates-chrétiens du Mouvement républicain populaire.

    Les socialistes avaient relativement besoin des deux autres forces, qui quant à elles espéraient obtenir assez de poids pour se passer l’une de l’autre.

    Viennent alors les élections législatives du 10 novembre 1946, les premières dans le cadre de la nouvelle constitution. Elles permettent le plus grand succès électoral du Parti Communiste Français.

    Voici les résultats :

    – le Parti Communiste Français obtient 28,26 % des voix (soit 5,4 millions d’électeurs) ;

    – les démocrates-chrétiens du Mouvement républicain populaire obtiennent 25,96 % des voix (4,9 millions d’électeurs) ;

    – le Parti socialiste-SFIO obtient 17,87 % des voix (soit 3,4 millions d’électeurs) ;

    – la droite avec le Parti républicain de la liberté obtient 12,94 % des voix (soit 2,4 millions d’électeurs) ;

    – le Rassemblement des gauches républicaines obtient 11,12 % des voix (soit 2,1 millions d’électeurs).

    Naturellement, les deux principales forces revendiquent de former le centre de gravité. Le 11 novembre 1946, le dirigeant démocrate-chrétien Maurice Schumann explique dans le quotidien catholique L’Aube que :

    « Une majorité, quelle qu’elle soit, exige un pôle d’attraction. Il n’en est que deux possibles : le communisme ou nous. »

    Le Parti Communiste Français réclame quant à lui la direction du gouvernement, par la voix de son Bureau Politique, le 15 novembre 1946 :

    « Le Parti communiste, conscient de ses responsabilités est prêt à assumer toutes les charges qui découlent pour lui de sa position de premier Parti de France.

    C’est pourquoi, respectueux des décisions du suffrage universel, il revendique l’honneur et la responsabilité de la présidence du gouvernement de la République française, dans une volonté d’étroite collaboration avec tous les républicains soucieux de poursuivre dans l’union et la concorde, dans le respect des convictions et des croyances de chacun et dans l’exaltation de l’effort de tout un peuple, une politique démocratique, laïque et sociale, gage de la renaissance de la France

    Le Bureau Politique décide de s’adresser au Conseil National du Parti Socialiste convoqué pour le 17 novembre, et de lui faire des propositions relatives à la formation d’un gouvernement d’union démocratique, laïque et sociale, à présidence communiste.

    Le Parti communiste et le Parti socialiste disposent, dans la nouvelle Assemblée nationale, de forces suffisantes pour faire appliquer, en accord avec tous les républicains sincères, la volonté de suffrage universel. »

    Il va de soi que Maurice Thorez ne devint pas président du Conseil. Les socialistes répondirent simplement qu’il appartenait au Parti Communiste Français d’établir son projet, puisque lui revenait la première place électorale et donc le droit de proposer un président du Conseil.

    Cela torpillait sans le dire la possibilité d’un projet commun.

    Pour autant, les socialistes ajoutèrent leurs voix aux communistes pour avoir Maurice Thorez comme président du Conseil… Tout en sachant très bien que l’entreprise échouerait, aboutissant à 259 voix alors qu’il en aurait fallu au moins 310.

    Les démocrates-chrétiens se proposent alors, se font rejeter ; il ne reste bien entendu à tout le monde qu’à proposer un candidat socialiste…

    Et ce fut le retour de Léon Blum à la présidence du Conseil, avec uniquement des ministres socialistes, pour un court interlude, en raison de la prochaine élection présidentielle.

    La naïveté du Parti Communiste Française est ici édifiante, mais elle a surtout comme source l’opportunisme, car son but était d’exister à tout prix dans le cadre républicain.

    La quête de légitimité et l’expression du légitimisme l’emportaient sur toute autre considération.

    Pour cette raison, le Parti Communiste Français soutint également le socialiste Vincent Auriol comme candidat à la présidence de la République, ce que les socialistes avaient parfaitement calculé.

    Vincent Auriol fut élu (par l’Assemblée et l’équivalent de ce qu’on appellera les sénateurs) en janvier 1947 ; c’est le communiste Jacques Duclos qui annonce sa victoire (« Soyons unis pour assurer par l’effort créateur de tout un peuple la prospérité de la France et la grandeur de la République »), puis Vincent Auriol embrasse Léon Blum avant de rejoindre l’Élysée.

    Le socialiste Paul Ramadier prend alors le relais de Léon Blum à la présidence de la République, avec de nouveau des ministres communistes.

    Malgré le poids des communistes, ce sont les socialistes qui sont au centre du jeu !

    Dans le nouveau gouvernement, Maurice Thorez est vice-président du conseil et ministre d’État (comme le démocrate-chrétien Pierre-Henri Teitgen), François Billoux est ministre de la Défense nationale (mais pas ministre de la Guerre, poste occupé par un démocrate-chrétien), Charles Tillon est ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, Ambroise Croizat est ministre du Travail et de la Sécurité sociale, Georges Marrane est ministre de la Santé publique et de la Population.

    Seulement, le Parti Communiste Français doit faire face à un revers terrible. Au 38e congrès du Parti socialiste-SFIO à Paris (du 29 août au 1er septembre 1946), le basculement déjà évident en 1945 s’officialise.

    La direction démissionne après que le rapport moral soit repoussé par 2 975 voix contre 1 365 (et 145 abstentions) et le document qui ressort du congrès repousse clairement le Parti Communiste Français :

    « L’unité organique du prolétariat demeure pour le Parti socialiste un objectif essentiel.

    Mais force est de constater qu’elle ne pourra être réalisée tant que les partis communistes nationaux ne se seront pas libérés de leur assujettissement politique et intellectuel vis-à-vis de l’État russe, et tant qu’ils ne pratiqueront pas une véritable démocratie ouvrière.

    Désormais le Comité directeur du Parti sera seul habilité pour prendre contact, et uniquement dans des circonstances exceptionnelles, avec les organisations politiques, syndicales ou philosophiques voisines en vue d’actions communes ayant des buts précis, limités dans leur objet et dans le temps. »

    C’en est fini de la fiction d’un possible « Parti Ouvrier Français ». Après l’échec d’une assemblée toute-puissante, il ne reste plus que le gouvernement auquel s’accrocher.

    La contestation interne se fait également toujours plus pressante. Maurice Thorez se retrouve notamment en minorité au Comité central du 19 mars 1947, où la majorité avait exigé que soit cessé l’appui aux crédits militaires pour la guerre en Indochine.

    On est ici dans un angle mort de la stratégie républicaine, puisque le Parti Communiste Français avait, de manière persistante, par souci d’acquérir une légitimité, accompagné le maintien de l’Empire français.

    Le 20 mars 1945 à l’Assemblée, André Mercier avait par exemple fait une intervention très documentée en faveur… d’un « programme colonial humain et démocratique ».

    La question de l’Indochine fit sauter ce verrou, et Maurice Thorez fut alors obligé de forcer le 22 mars 1947 à une réunion d’urgence du Bureau Politique pour soutenir le vote de confiance au gouvernement, et éviter la sortie des ministres communistes.

    Mais la question du soutien à outrance au gouvernement se posait désormais ouvertement. Manœuvrer commençait à devenir difficile, d’autant plus que sur le plan économique, les masses ne pouvaient que gronder.

    Et cette activité des masses commençait à se produire hors du cadre du Parti. En mars 1947, L’Humanité tire à 613 000 exemplaires, ce qui est à la fois beaucoup et extrêmement faible.

    Dans l’ordre des choses, ce quotidien devrait être lu par bien plus de gens que les membres du Parti, là il est lu par bien moins !

    Et quand la CGT organise une vaste journée le 25 mars 1947, il y a finalement peu de monde. 500 000 personnes à Paris, 120 000 à Lyon, 80 000 à Bordeaux, 60 000 à Marseille, 20 000 à Rouen et autant à Lille et Nîmes, 10 000 à Strasbourg et autant à Béziers, Châteauroux, Montluçon, Toulouse.

    Le 1er mai, il y a bien un million de personnes, mais cela veut dire que les mobilisations ne réussissent que de manière formalisée. Il en va de même pour les meetings : Maurice Thorez rassemble des dizaines de milliers de personnes lors de son passage dans différentes villes du monde.

    Mais il n’existe aucune dynamique idéologique, aucune dynamique politique. On marche par rituels, traditions et revendications syndicalistes.

    Le contexte va alors tout faite sauter.

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  • Maurice Thorez et l’interview au Times

    Apogée du Parti Communiste Français, 1946 est l’année où Maurice Thorez expose de manière assumée sa rupture avec l’idéal révolutionnaire en tant que prise violente du pouvoir.

    Il faut ici être très clair : dans la séquence 1945-1947, le Parti Communiste Français abandonne ouvertement le principe de l’insurrection, de destruction de l’État.

    L’épisode du Times est l’annonce la plus connue, mais elle est embryonnaire ; on trouve l’idée de manière encore plus développée et assumée au niveau du Parti en 1947.

    Pour l’épisode du Times, cela se déroule en deux temps. On a d’abord une interview accordée par Maurice Thorez au journaliste anglais Harold King et reproduite par le quotidien britannique conservateur Daily Mail (édition continentale), le 15 novembre 1946.

    On y lit :

    « Nous désirons un gouvernement dans lequel il y ait place pour tous ceux qui veulent travailler à la reconstruction de la France.

    Il n’est aucunement question de gouvernement d’un parti, mais de gouvernement de la France.

    Il est certain que le Parti communiste connaîtra de nouveaux succès aux élections à la deuxième Assemblée. II existe un courant puissant en France en faveur du Parti communiste. »

    Puis il y a la retentissante déclaration accordée au Times, revue britannique où Maurice Thorez s’était déjà retrouvé en couverture le 3 juin 1946.

    Publiée le 18 novembre 1946, la déclaration sera mise en valeur par la suite par le Parti Communiste Français pendant plusieurs décennies. On est à rebours de toute perspective de confrontation révolutionnaire.

    « Les élections du 10 novembre ont souligné une fois de plus le caractère national et démocratique du Parti communiste français, profondément enraciné dans les couches populaires, à la ville et à la campagne.

    Les travailleurs, les républicains font confiance au Parti communiste français parce qu’il a été et qu’il demeure le parti de la clairvoyance et du courage.

    Seul, avant la guerre, il a dénoncé et combattu la prétendue non-intervention et la capitulation de Munich, c’est-à-dire la politique de concessions qui a encouragé les agresseurs fascistes. Il a été, sur le sol national, l’organisateur et le dirigeant de la lutte armée contre l’envahisseur allemand et contre la trahison vichyste.

    Il est, depuis la Libération, l’initiateur et le conducteur de l’effort populaire pour la reconstruction de la France.

    Tout le monde sait qu’à l’appel du Parti communiste, les mineurs français ont, depuis un an, doublé notre production de charbon qui dépasse de quinze pour cent les chiffres d’avant-guerre.

    En même temps, grâce à l’initiative des ministres communistes, les ouvriers, les fonctionnaires, les paysans, les vieux travailleurs, les mères ont obtenu des avantages substantiels.

    Enfin, l’opinion démocratique française approuve nos positions en matière de politique extérieure, notamment sur les problèmes de la sécurité et des réparations.

    Nous n’admettons pas l’idée émise par certains de rendre à l’Allemagne une position économique dominante en Europe.

    Nous demandons l’internationalisation de la Ruhr et le rattachement de la Sarre à notre système économique. Nous voulons la liquidation du fascisme et le désarmement effectif de l’Allemagne.

    Nous estimons nécessaire, indispensable, l’entente entre nos grands alliés anglais, américain et soviétique.

    Nous repoussons toute politique de blocs et d’orientation exclusive sur l’un quelconque de nos alliés, notre gratitude allant également à tous.

    Nous souhaitons le resserrement des liens d’amitié et d’alliance entre la Grande-Bretagne et la France. Je suis d’une province arrosée de trop de sang britannique pour ne pas mesurer le prix de l’amitié franco-anglaise.

    L’accord devrait résulter d’une juste solution de la question allemande. Nous ne comprenons pas qu’on nous refuse le charbon de la Ruhr et que l’on compromette ainsi le relèvement de notre pays.

    Nous avons répété expressément au cours de notre campagne électorale que nous ne demandions pas au peuple le mandat d’appliquer un programme strictement communiste, c’est-à-dire reposant sur une transformation radicale du régime actuel de la propriété et des rapports de production qui en découlent.

    Nous avons préconisé un programme démocratique et de reconstruction nationale, acceptable pour tous les républicains, comportant les nationalisations, mais aussi le soutien des moyennes et petites entreprises industrielles et artisanales et la défense de la propriété paysanne contre les trusts.

    A l’étape actuelle du développement de la société, nous avons la conviction que les nationalisations – le retour à la nation des grands moyens de production monopolisés – constituent un progrès dans la voie du socialisme.

    Les nationalisations portent atteinte à la toute-puissance des oligarchies financières, elles limitent les possibilités légales de l’exploitation de l’homme par l’homme, elles placent entre les mains d’un gouvernement démocratique des moyens appréciables pour l’œuvre de redressement économique et social du pays.

    Il est évident que le Parti communiste, dans son activité gouvernementale, et dans le cadre du système parlementaire qu’il a contribué à rétablir, s’en tiendra strictement au programme démocratique qui lui a valu la confiance des masses populaires.

    Les progrès de la démocratie à travers le monde, en dépit de rares exceptions qui confirment la règle, permettent d’envisager pour la marche au socialisme d’autres chemins que celui suivi par les communistes russes.

    De toute façon, le chemin est nécessairement différent pour chaque pays. Nous avons toujours pensé et déclaré que le peuple de France, riche d’une glorieuse tradition, trouverait lui-même sa voie vers plus de démocratie, de progrès et de justice sociale.

    Cependant, l’histoire montre qu’il n’y a pas de progrès sans lutte. Il n’y a pas de route toute tracée sur laquelle les hommes puissent avancer sans effort.

    Il leur a toujours fallu surmonter bien des obstacles. C’est le sens même de la vie.

    L’union des forces ouvrières et républicaines est le sûr fondement de la démocratie.

    Le Parti ouvrier français que nous proposons de constituer par la fusion des partis communiste et socialiste, serait le guide de notre démocratie nouvelle et populaire.

    Il ouvrirait largement ses rangs aux travailleurs catholiques auxquels nous avons tendu bien avant la guerre une main fraternelle que beaucoup ont saisie.

    Nombreux sont d’ailleurs les Français qui partagent notre conception de la laïcité : pas de guerre à la religion, neutralité absolue de l’enseignement au regard de la religion.

    Les Français communistes désirent vivement que le caractère national et démocratique de toute leur activité soit compris en Grande-Bretagne.

    Il n’en peut résulter que des effets heureux dans les rapports entre nos deux pays, pour le plus grand bien de notre cause commune, la cause de tous les peuples, la cause de la liberté et de la paix. »

    Cette déclaration va être formalisée idéologiquement en 1947.

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  • Contestation interne et soutien à la constitution

    Une fois les élections passées et l’entrée de nouveaux ministres communistes au gouvernement, le légitimisme ne va évidemment pas cesser. Le discours de Waziers est réitéré à plusieurs reprises, sous plusieurs formes, voire démultiplié avec par exemple la mise en avant de la « bataille pour l’acier », la « bataille du vin ».

    Le 17 février 1946, Maurice Thorez est à Montceau-les-Mines, où il prononce un discours dans l’esprit de celui de Waziers. Voici comment l’événement est raconté par Georges Cogniot, dans l’article « Politique de résultats, politique d’avenir » publié dans L’Humanité.

    On notera que le discours de Maurice Thorez a également été diffusé à la radio nationale.

    « POLITIQUE DE RÉSULTATS, POLITIQUE D’AVENIR

    Le magnifique congrès du Sous-Sol de Montceau-les-Mines s’est achevé dans une atmosphère de virile allégresse et d’enthousiasme réfléchi ; dimanche, au cours d’une manifestation de trente mille personnes, Maurice Thorez a parlé.

    Le secrétaire général du Parti Communiste, le vice-président du gouvernement, a développé les idées pour lesquelles, depuis dix-huit mois, il combat inflexiblement.

    Il a préconisé une fois de plus la politique de production, la politique de résultats, la politique d’avenir.

    Avec son langage direct et franc son sens aigu des réalités et son civisme il, a appelé les mineurs, — après avoir salué leurs efforts et leur victoire, — à dépasser encore leurs résultats. Il leur a demandé 100 kilos de plus par travailleur et par jour pour que la France puisse hausser sa production sidérurgique a 75% du niveau d’avant guerre.

    Maurice Thorez a redit comment l’augmentation de la production est la clé la seule clé de tous nos problèmes comment il faut accroître le volume des marchandises pour mettre fin au désordre des prix et aux risques de la monnaie, au marché noir et à la misère.

    Les forces ennemies du rétablissement national, elles aussi sont appelées par leur nom dans le discours de Montceau. C’est la gabegie, c’est l’esprit bureaucratique, c’est l’apathie et la défiance à l’égard des énergies populaires, qu’une grande voix de combattant nous exhorte à attaquer à boulet rouge, en unissant tous nos efforts, qui que nous soyons, socialistes, communistes, catholiques.

    En vain, la réaction puise dans sa collection de masques. Maurice Thorez les lui arrache l’un après l’autre.

    Comme ils s’effondrent sous ses coups, ceux qui voudraient prendre l’apparence d’une entière sécurité et camoufler nos difficultés passagères, et ces autres qui, après avoir été les idéologues de la grande pénitence, se déguisent aujourd’hui en défenseurs des libertés syndicales et ceux-là encore qui, hier partisans de la tyrannique Charte du Travail de Pétain, excitent aujourd’hui à la grève…

    Quand la classe ouvrière ne saurait pas que son intérêt est de produire elle s’en apercevrait rien qu’à voir quels sont ceux qui sabotent la production.

    A la fin de 1900 à propos du mouvement grandiose des mineurs de Montceau Jean Jaurès s’écriait : « C’est la résurrection de la classe ouvrière depuis vingt ans couchée dans sa servitude comme en un tombeau. »

    Un demi-siècle plus tard les syndicats du Sous-Sol font de nouveau des prodiges et, de nouveau, Montceau marquera, une étape sur la voie d’une reprise, d’une remontée, d’une résurrection.

    Cette fois, le prolétariat ne se relève plus seulement lui-même. Il joue son rôle, le premier, dans le redressement du pays.

    Dans sa volonté de liberté et de progrès, il se range au service de la grande politique nationale inlassablement défendue par Maurice Thorez. »

    Quelques jours plus tard, le Parti Communiste Français participait à l’esprit unanime du vote consacrant la propriété dans la constitution. C’est une reconnaissance absolue du capitalisme, une capitulation en rase campagne.

    L’article de la constitution est rédigé comme suit :

    « La propriété est le droit inviolable et sacré d’user, de jouir et de disposer des biens garantie à chacun par la loi.

    Nul ne saurait en être privé, si ce n’est pour cause d’utilité publique légalement constatée et sous la condition d’une juste indemnité fixée conformément à la loi. »

    Si on comprend que Maurice Thorez représente une ligne opportuniste de droite, on saisit forcément que tout cela est catastrophique. Il n’y a pourtant absolument personne pour le voir alors dans le Parti et il ne se formera jamais aucune opposition en son sein.

    C’est que les militants sont nouveaux, façonnés par l’élan et l’entrain du Front populaire, puis de la Résistance, tous deux interprétés comme une « fusion » populaire et nationale.

    Quant aux cadres historiques, ils sont heureux de ne pas être isolés comme le Parti l’était dans les années 1920 et c’est l’alpha et l’oméga de leur vision du monde. Tout sauf les années 1920 est la règle absolue.

    À leurs yeux, avoir été 30 000 rejetés par tout le pays était atroce, alors forcément, se retrouver à un million avec la légitimité républicaine, cela change tout pour eux.

    Cela ne veut pas dire pour autant qu’il n’y a pas de perplexité, voire de mécontentement profond devant ce qui est souvent considéré comme une tendance trop conciliatrice.

    À la mi-1946, la contestation commence à gronder dans les rangs ; d’ici la fin de l’année, le Parti aura perdu 100 000 membres. La direction fut dans l’obligation de maintenir toujours plus fermement sa ligne opportuniste de droite ; elle s’empressa notamment de changer les cadres dirigeants de la Charente, de la Haute-Vienne et du Lot-et-Garonne.

    Les 15 et 16 juin 1946, à la session du Comité Central, Maurice Thorez eut même un mal fou à faire passer le maintien de la ligne. Il fut obligé de dénoncer ceux qui « mettent en doute notre ligne générale ».

    En plus d’Auguste Lecœur, il est fait allusion ici à André Marty, l’ancien mutin de la Mer Noire et grand organisateur au sein des Brigades Internationales ; il était en URSS pendant la guerre. Il faisait partie des hauts dirigeants, notamment dans le cadre de la question de la mise en place du gouvernement.

    Néanmoins, André Marty ne dénonça jamais frontalement les porteurs de la ligne opportuniste de droite ; il prônait seulement une rectification. Il fut rapidement mis de côté dans le Parti lui-même, puis exclu, lui-même passant dans une sorte de mélange d’anarchisme et de révisionnisme.

    Il faut dire que la direction du Parti Communiste Français pratiquait la fuite en avant. Il parvint ainsi à un accord avec les socialistes pour proposer un projet de constitution.

    Le régime proposé consistait en une seule assemblée, où le président de la République n’avait finalement qu’un rôle honorifique. Cela eut son effet : le projet obtint 309 voix contre 249 à l’Assemblée en avril 1946 et fut donc proposé par référendum.

    L’appel de Maurice Thorez relatif à ce projet de constitution est exemplaire de l’opportunisme « républicain » désormais identité profonde du Parti Communiste Français.

    Participation à la vie de l’entreprise, protection de la propriété, justificatif par une revue conservatrice britannique, éloge de la stabilité… le document est un véritable drame historique, une honte absolue.

    « L’appel de Maurice THOREZ à la Nation française

    Français et Françaises,

    Dans quelques heures vous fixerez les destinées de la Patrie.

    Toutes les raisons du cœur et de l’esprit vous recommandent de voter OUI, de ratifier la Constitution démocratique adoptée par l’Assemblée Nationale.

    OUI POUR l’amour de la France et de la République que le sacrifice de nos héros et de nos martyrs, et l’aide de nos alliés, ont fait triompher de l’envahisseur hitlérien et de ses complices vichyssois.

    OUI PAR fidélité à l’idéal des combattants de la résistance qui s’étaient unis pour libérer la France et qui doivent le demeurer afin de poursuivre et de mener à bien l’œuvre immense de redressement national.

    OUI PAR attachement aux libertés que la Constitution garantit à tous les Français de la métropole et aux ressortissants des territoires d’outre-mer : liberté de pensée et de presse ; liberté de réunion et de défilé dans la rue ; liberté de conscience dans le respect absolu de la laïcité ; liberté d’association ; droits égaux pour la femme et pour l’homme.

    OUI POUR rendre effectifs les droits sociaux et économiques inscrits dans la Constitution : intégrité et dignité de la personne humaine ; protection de la famille, de la mère et de l’enfant ; droit à l’instruction pour tous ; droit au travail comme au repos ; droit des salariés de participer à la gestion des entreprises.

    OUI POUR sauvegarder la propriété, fruit du travail et de l’épargne, et d’autant mieux garantie que les grandes entreprises des trusts expropriateurs deviennent propriété de la Nation.

    OUI POUR ne pas laisser remettre en question les avantages acquis par le monde du travail : le principe des 40 heures et les majorations de salaires pour les heures supplémentaires ; l’organisation des Comités d’entreprises ; la retraite des vieux ; le statut du fermage et du métayage ; le prêt d’installation aux jeunes ménages paysans, etc…

    OUI ENFIN, pour sortir du provisoire, pour ne pas laisser sombrer le pays dans le chaos et l’anarchie ; pour que des institutions stables assurent les conditions les plus propres au développement de notre production, source unique de prospérité et de bien-être ;

    et pour que le gouvernement de demain soit en mesure de faire aboutir les revendications légitimes de notre pays en matière de sécurité et de réparations, gage d’une paix solide et durable.

    Français et Françaises,

    Votez OUI, pour une Constitution « raisonnable et modérée » comme le reconnaît le Times, le grand journal conservateur anglais, qui ajoute :

    « La « dictature de la majorité » – entre guillemets – qui effraye tant la droite, diffère peu des méthodes parlementaires actuellement en usage à la Chambre des Communes ».

    Le Times dit encore : « Si le peuple français vote pour la nouvelle Constitution, alors le pays aura renoué avec la tradition de 1789 ».

    Français et Françaises.

    Le PARTI COMMUNISTE vous appelle avec confiance à voter OUI.

    OUI POUR LA FRANCE DE 1789,

    OUI, POUR LA RÉPUBLIQUE DÉ

    MOCRATIQUE, LAÏQUE ET SOCIALE. »

    Le vote national fut un échec. Le 5 mai 1946, il y eut 52,82 % de « non », pour 47,18 % de « oui » (soit 10 584 359 de voix contre 9 454 034), avec 79 % de participation.

    La tentative de court-circuiter la question « deux » du référendum de 1945 était un échec. Elle avait permis de rêver pendant plusieurs mois, mais en mai 1946, on retourne à la case départ.

    Qui plus est, il était alors nécessaire de refaire des élections pour qu’une nouvelle assemblée soit élue et propose une nouvelle constitution.

    Les élections du 2 juin 1946 donnent le rapport suivant :

    – les démocrates-chrétiens du Mouvement républicain populaire obtiennent 28,22 % des voix (5,5 millions d’électeurs) ;

    – le Parti Communiste Français obtient 25,98 % des voix (soit 5,1 millions d’électeurs) ;

    – le Parti socialiste-SFIO obtient 21,14 % des voix (soit 4,1 millions d’électeurs) ;

    – la droite avec le Parti républicain de la liberté obtient 12,76 % des voix (soit 2,5 millions d’électeurs) ;

    – le Rassemblement des gauches républicaines obtient 11,61 % des voix (soit 2,2 millions d’électeurs).

    Il y a alors un nouveau projet de constitution, dans l’esprit traditionnel français avec une assemblée, un sénat, etc. Ce fut la dépolitisation massive, puisque le référendum le 13 octobre 1946 était marqué par 32 % d’abstention.

    Et le projet fut adopté par 53,24 % des voix (contre 46,76 %).

    La victoire fut courte, mais cela suffisait à anéantir tous les efforts du Parti Communiste Français depuis 1945. La nouvelle de Constitution n’avait rien à voir avec celle espérée.

    Pire encore, le Parti Communiste Français a considéré… qu’il fallait la soutenir.

    C’était un retournement de position totalement opportuniste sur le plan stratégique, mais justement : une fois ancré dans le régime, le Parti Communiste Français n’a qu’une seule obsession, la tactique pour rester dans le jeu politique, à tout prix.

    Voici son commentaire suite au résultat.

    « Vive la Constitution ! Vive la République !

    FRANÇAIS et FRANÇAISES !

    Vous venez de remporter une grande victoire républicaine en ratifiant la Constitution.

    En votant OUI, vous avez assuré le triomphe de la République et écarté le danger du pouvoir personnel. Vous avez permis ainsi à la France de sortir du provisoire propice aux désordres, aux, scandales, aux aventures.

    La France va enfin avoir les institutions stables qui vont permettre de poursuivre à l’intérieur une politique vigoureuse de Renaissance nationale, et à l’extérieur une politique de paix fondée sur l’union des alliés, la sécurité de nos frontières et le paiement des réparations.

    Les adversaires de la démocratie espéraient que la victoire des NON leur permettrait de remettre en discussion les principes républicains auxquels le peuple de France est traditionnellement attaché.

    La victoire des OUI a mis tous ces plans en échec, mais le danger réactionnaire reste menaçant.

    Autour de la nouvelle Constitution adoptée par le peuple et qui doit être la loi pour tous, autour de la République indivisible, laïque, démocratique et sociale, il faut monter une garde vigilante.

    Communistes, socialistes et républicains de toute nuance, fermement attachés à la cause de la République inséparable de celle de la France, soyons unis autour de la Constitution pour conduire notre pays vers plus de liberté et de bien-être.

    VIVE LA FRANCE ! VIVE LA RÉPUBLIQUE !

    Le Parti Communiste Français »

    Comme on le voit, le soutien au projet tient au refus des « désordres », des « scandales », des « aventures ». De quoi est-il parlé ici, au juste ?

    Tout simplement du retour politique de Charles de Gaulle. Celui-ci était à la tête du gouvernement provisoire depuis juin 1944 ; il avait conservé son poste après les élections de 1945. Mais le 20 janvier 1946, il avait démissionné.

    Son motif : il était pour un régime centralisé ; de fait, il vient de la droite la plus autoritaire, confinant au fascisme. Son explication est sans ambiguïtés par ailleurs :

    « Le régime exclusif des partis est reparu. Je le réprouve. Mais, à moins d’établir par la force une dictature dont je ne veux pas, et qui sans doute tournerait mal, je n’ai pas les moyens d’empêcher cette expérience. »

    Charles de Gaulle théorisa son refus de la quatrième république dans un premier discours à Bayeux le 16 juin 1946 (il s’agit de la première ville libérée par le débarquement et de Gaulle était présent deux ans auparavant, tenant un discours), et surtout dans un second discours à Épinal du 29 septembre 1946, où il expliqua la nécessité d’un « État fort ».

    En voici les extraits les plus significatifs.

    « La République a été sauvée en même temps que la patrie (…). Entre-temps, nous avons gouverné, en appelant à nos côtés des hommes de toutes origines.

    Nous l’avons fait, certes, avec autorité, parce que rien ne marche autrement, et nous avons sans rémission, mais non sans peine, brisé ou dissous à mesure toutes les tentatives intérieures ou extérieures d’établir quelque pouvoir que ce fût en dehors de celui du Gouvernement de la République.

    Peu à peu, la nation avait bien voulu nous entendre et nous suivre. Ainsi furent sauvés la maison et même quelques meubles. Ainsi le pays put-il recouvrer le trésor intact de sa souveraineté vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis des autres.

    C’est pourquoi – soit dit en passant – nous accueillons avec un mépris de fer les dérisoires imputations d’ambitions dictatoriales, que certains, aujourd’hui, prodiguent à notre égard et qui sont exactement les mêmes que celles dont, depuis le 18 juin 1940, nous fûmes comblé, sans en être accablé, par l’ennemi et ses complices, par la tourbe des intrigants mal satisfaits, enfin par certains étrangers qui visaient à travers notre personne l’indépendance de la France et l’intégrité de ses droits.

    Mais, si la République est sauvée, il reste à la rebâtir (…).

    Il nous parait nécessaire que l’état démocratique soit l’état démocratique, c’est-à-dire que chacun des trois pouvoirs publics : exécutif, législatif, judiciaire, soit un pouvoir mais un seul pouvoir, que sa tâche se trouve limitée et séparée de celle des autres et qu’il en soit seul, mais pleinement, responsable.

    Cela afin d’empêcher qu’il règne dans les pouvoirs de l’État cette confusion qui les dégrade et les paralyse ; cela aussi afin de faire en sorte que l’équilibre établi entre eux ne permette à aucun d’en écraser aucun autre, ce qui conduirait à l’anarchie d’abord et, ensuite, à la tyrannie, soit d’un homme, soit d’un groupe d’hommes, soit d’un parti, soit d’un groupement de partis.

    Il nous paraît nécessaire que le Chef de l’État en soit un, c’est-à-dire qu’il soit élu et choisi pour représenter réellement la France et l’Union Française, qu’il lui appartienne, dans notre pays si divisé, si affaibli et si menacé, d’assurer au-dessus des partis le fonctionnement régulier des institutions et de faire valoir, au milieu des contingences politiques, les intérêts permanents de la nation (…).

    Nous ne résoudrons les vastes problèmes du présent et de l’avenir : conditions de la vie des personnes et des familles et, d’abord, des moins avantagées, activité économique du pays, restauration financière, réformes sociales et familiales, organisation de l’Union Française, défense nationale, refonte de l’administration, position et action de la France dans le monde, que sous la conduite d’un État juste et fort.

    Ces convictions-là sont les nôtres. Elles n’ont pas de parti. Elles ne sont ni de gauche, ni de droite. »

    Le Parti Communiste Français voit ainsi en Charles de Gaulle une menace, d’où son appel finalement à soutenir le second projet de constitution, qui aurait au moins le mérite de ne pas être centralisé.

    C’est une « constitution démocratique » afin d’éviter « le provisoire propice aux aventures ».

    Le Parti Communiste Français ne le sait pas encore, mais une telle politique de soumission au régime va permettre à Charles de Gaulle de se positionner en sauveur face à une quatrième république chaotique, d’abord en fondant un « Rassemblement du peuple français » en avril 1947, puis avec le coup d’État en 1958.

    Qui plus est, tout cela entraîne dans une logique impitoyable : le Parti Communiste Français est pour les améliorations démocratiques, donc s’il y a des améliorations démocratiques c’est que le Parti Communiste Français est pour.

    Son identité est alors forgée, comme aile « républicaine sociale » du régime, que cela soit la quatrième ou la cinquième république.

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  • Les élections d’octobre 1945 et la question de la constitution

    Début septembre 1945, la fête de L’Humanité à Vincennes, en banlieue parisienne, est un immense succès, avec un million de personnes. Ce sera le même succès en 1946 et en 1947.

    Le Parti Communiste Français revendique d’ailleurs autant de membres et il est très confiant pour les élections à venir en octobre.

    La réunion du Bureau Politique du 31 août 1945 avait posé que l’objectif était d’ancrer dans les masses qu’il fallait une participation accrue du Parti au gouvernement. Les élections doivent le permettre.

    Un peu plus tôt, la réunion du Bureau Politique du Parti Communiste Français le 15 mars 1945 avait déjà posé les fondamentaux de la propagande électorale.

    On trouve comme thématiques : l’effort de guerre, la constitution d’une puissante armée de la République française, le châtiment des traîtres et l’épuration, la nationalisation des monopoles de fait, la défense de la laïcité, la liquidation de tous les organismes de Vichy, la dénonciation de l’incurie des services de ravitaillement.

    Cela doit permettre la mise en place de listes « républicaines ». Et pour se placer de la meilleure manière qui soit, le Parti Communiste Français est censé conquérir sa légitimité par son rôle de « meilleur élève » dans le cadre de la « bataille pour le charbon ».

    Mais comment justifie-t-il une voie de transformation révolutionnaire ? Il le fait justement par la République. Celle-ci n’est plus une étape sur la voie des Soviets, elle est déjà en soi la forme nécessaire.

    La séquence 1945-1947 est ainsi essentielle dans l’histoire du Parti Communiste Français, car c’est à ce moment-là qu’est formulée la « voie française au Socialisme », comme projet national-républicain.

    Auparavant, c’était tendanciel ; dans la séquence 1945-1947, c’est officialisé.

    Jacques Duclos, dans un discours à l’Assemblée consultative intitulé L’avenir de la République est en jeu, le 29 juillet 1945, exprime de la manière la plus claire la fin de toute perspective « soviétique » :

    « C’est vrai, il n’y a qu’un souverain, qui est le peuple. Mais encore faut-il s’entendre sur la façon dont on veut permettre à ce souverain d’exercer sa souveraineté.

    Qu’on le veuille ou non, il n’y a pas d’autre moyen pour le peuple d’exercer sa souveraineté que de la déléguer à des hommes dont il a pu juger le programme, à qui il a pu poser toutes les questions utiles et en qui il a placé sa confiance.

    A partir du moment où ces représentants du peuple sont élus, ils sont dépositaires de la souveraineté du peuple. C’est la doctrine républicaine. »

    Le gros souci de cette approche, c’est qu’elle implique que la nouvelle Assemblée dispose de leviers pour façonner les institutions et décider de la constitution.

    Le Parti Communiste Français dit la chose suivante. Le régime de la troisième République, né en 1870, a échoué en 1940. On va voter pour une nouvelle Assemblée, qui va décider d’une nouvelle constitution. Nous, communistes, avons un poids immense numériquement et un puissant prestige. On va faire en sorte que la République bascule dans le sens que l’on veut, sur tous les plans.

    Cependant, la bourgeoisie française est expérimentée politiquement. Le plan institutionnel du Parti Communiste Français était facile à deviner, et cela dès le départ.

    Dans ses Mémoires, Charles de Gaulle décrit ainsi les choses :

    « Et les communistes? La part qu’ils prennent à la résistance, ainsi que mon intention de faire en sorte que leurs forces s’incorporent à celles de la nation au moins pour la durée de la guerre, m’ont conduit à la décision d’en mettre deux au gouvernement.

    Depuis la fin du mois d’août, le « parti », pressenti a volontiers promis le concours de plusieurs de ses membres.

    Mais, au moment de s’exécuter, toutes sortes de traverses viennent empêcher ceux que j’appelle au Comité de la libération de me donner une réponse positive.

    Tantôt la délégation du parti m’en propose d’autres, tantôt elle s’enquiert du détail de mon programme, tantôt elle insiste pour que les siens reçoivent tels portefeuilles déterminés. Bientôt, indisposé parce marchandage prolongé, j’interromps les pourparlers.

    En réalité, deux tendances divisent la délégation. Il y a celle des violents qui, à la suite d’André Marty, voudrait que le parti ne se liât à personne et, à travers la lutte contre l’ennemi, préparât d’une manière directe l’action révolutionnaire pour la prise du pouvoir.

    Il y a celle des manœuvriers qui vise à pénétrer l’État en collaborant avec d’autres et, d’abord, avec moi-même ; l’inspirateur de cette tactique étant Maurice Thorez, toujours à Moscou et qui adjure qu’on lui permette d’en revenir. Finalement, en mars 1944, les communistes se décideront.

    Ils laisseront Fernand Grenier et François Billoux prendre les postes que je leur offre : le ministère de l’Air au premier, un commissariat d’État au second. »

    Par conséquent, lorsqu’il y a, le 21 octobre 1945, les premières élections législatives depuis la Libération, la bourgeoisie a ajouté un autre dispositif, sous la forme d’un référendum avec deux questions. Il s’agit d’un piège, afin de faire en sorte que le processus de mise en place des institutions soit encadré.

    La première question était la suivante :

    « Voulez-vous que l’Assemblée Nationale, élue ce jour, soit Constituante ? »

    Le Parti Communiste Français est naturellement pour le oui. La question est de toute façon formelle, puisque tout le monde va dire oui. La question sert à légitimer l’assemblée qui va rédiger la constitution et les institutions qui vont en découler.

    Reste la seconde question :

    « Si le corps électoral a répondu oui à la première question, approuvez-vous que les pouvoirs publics soient, jusqu’à la mise en vigueur de la nouvelle Constitution, organisés conformément au projet ci-contre ? »

    Le projet « ci-contre » consiste en un document établissant une loi constitutionnelle, avec un plan bien établi pour la mise en place des institutions. Ces dernières sont ainsi établies avant d’être établies ; l’État se structure avant qu’il soit « officiellement » décidé de comment le structurer.

    Cela court-circuite toute possibilité d’un nouvel État issu de l’assemblée constituante, pour peu d’ailleurs qu’une telle réalisation soit faisable. C’est naturellement Charles de Gaulle qui a formulé cette loi, avec l’idée d’un appui des socialistes de la SFIO, ainsi que des centristes du Mouvement républicain populaire. C’est un vecteur anti-communiste et contre-révolutionnaire.

    Le Parti Communiste Français, forcément, demandait de voter oui à la première question, mais non à la seconde.

    Or, c’était une position qui surévaluait totalement la dimension démocratique populaire de la question. Le Parti Communiste Français était aveuglé par la « République » comme régime censé être « porté » par le peuple.

    Un exemple flagrant tient dans les États-Généraux de la renaissance française. Ceux-ci se tinrent du 10 juillet au 13 juillet 1945 à Paris, en étant mis en place de manière formelle par le Conseil national de la Résistance.

    Le Parti Communiste Français y fut extrêmement actif, et les états-généraux demandèrent une assemblée constituante totalement libre, avec l’idée d’une réponse négative à la seconde question. Un million de personnes défilèrent même à Paris à la mi-juillet en soutien à cette prise de position.

    Sauf que ce n’était qu’une mise en scène, le gouvernement provisoire n’ayant rien à faire de ces états-généraux et ne les prenant pas du tout en compte.

    Et en agissant comme il le faisait, le Parti Communiste Français poussait pratiquement à un référendum, avec la seconde question, pour savoir s’il devait jouer un rôle central dans la mise en place des institutions ou non. Ce fut d’autant plus l’unité pour lui faire face, pour le contrer dans son initiative.

    Il y eut alors 80 % de participation aux élections d’octobre 1945 ; la première question du référendum obtint 96 % de « oui ». C’était la victoire du nouveau régime.

    Cependant, la seconde question obtenait quant à elle 66,5 % de « oui », ce qui faisait tomber à l’eau tous les espoirs du Parti Communiste Français d’une assemblée constituante faisant ce qu’elle veut et où lui-même serait une force motrice.

    C’est alors une première défaite pour le Parti Communiste Français, et sans aucun doute celle qui était fatale. Si le « non » à la seconde question l’avait emporté, il aurait été porté par son élan et aurait pu se transformer face à l’adversité forcément rencontrée.

    Désormais, toute son identité, pour des décennies, va tenir à la nostalgie de cette absence de triomphe du « non » pour la seconde question, qui lui aurait permis d’agir sur les institutions comme il l’entendait.

    Surtout que l’inverse est vrai. Les institutions se mettent en place de manière pour ainsi dire parallèle à l’Assemblée, selon un plan préétabli et bien encadré. Il s’agit historiquement d’une expérience bourgeoise de rejet unitaire du Parti Communiste Français.

    Ce dernier ne le sait pas encore, mais c’est le premier grand test en ce sens, avant une série d’autres, qui vont rapidement arriver.

    Reste alors la question du gouvernement, où là les communistes espèrent avoir tout à gagner.

    Les élections ayant eu lieu le même jour que le référendum ont donné le rapport de force suivant (avec 77,8 % de participation) :

    – 26,2 % pour le Parti Communiste Français (5 millions d’électeurs),

    – 23,9 % pour les démocrates-chrétiens du Mouvement républicain populaire (4,5 millions),

    – 23,45 % de voix pour les socialistes de la SFIO (4,4 millions),

    -15,6 % pour les républicains modérés (3 millions),

    – 10,5 % pour le Parti républicain, radical et radical-socialiste (2 millions de voix).

    Le Parti Communiste Français dit logiquement : nous sommes déjà au gouvernement, mais nous sommes désormais le premier parti politique. C’est dans nos rangs que doit maintenant se trouver le chef du gouvernement.

    Charles de Gaulle démissionne alors de son poste de chef du gouvernement mis en place à la Libération. Mais c’est lui qui va reformer directement un nouveau gouvernement.

    Pourquoi ? Parce que, bien entendu, le Parti Communiste Français n’est pas parvenu à obtenir suffisamment de voix pour obtenir une majorité.

    Il lui faut donc céder à de Gaulle, se contentant d’obtenir de nouvelles places de ministre.

    Le 18 novembre 1945, le Parti Communiste Français dénonçait de Gaulle comme « partisan » et ne devant par conséquent plus avoir à former un gouvernement ; trois jours après il capitulait et intégrait le «Gouvernement de Gaulle II » !

    En plus de ce recul dans son exigence, il y a une capitulation et une erreur fatale. La capitulation, c’est que Charles de Gaulle refuse catégoriquement aux communistes les ministères des Affaires étrangères, des Armées et de l’Intérieur.

    Les communistes acceptent, ce qui revient à reconnaître l’existence de l’État et à se soumettre à lui. Politiquement, l’impact est énorme en termes stratégiques.

    L’erreur fatale, c’est la nomination de Maurice Thorez comme ministre d’État ! Celui qui devait gouverner la France des soviets se retrouve à un poste subalterne, ce qui bien entendu ruine son prestige et empêche toute contestation du régime puisque le chef des communistes en fait partie.

    Un tel positionnement est toutefois tout à fait en phase avec la ligne opportuniste de droite de Maurice Thorez, lui qui n’a eu de cesse de poser le Parti Communiste Français comme le « meilleur élève » de la République.

    Le nouveau gouvernement en place le 13 novembre 1945 sous l’égide de Charles de Gaulle témoigne donc d’un véritable échec stratégique pour le Parti Communiste Français, qui n’avance que pour se faire intégrer.

    Au moment de la Libération, les communistes au gouvernement étaient François Billoux comme Ministre de la Santé publique et Charles Tillon comme Ministre de l’Air.

    Dans ce nouveau gouvernement on a donc Maurice Thorez comme ministre d’État (et bientôt vice-président du Conseil), Ambroise Croizat comme ministre du Travail, Marcel Paul comme ministre de la Production industrielle, François Billoux comme ministre de l’Économie nationale, Charles Tillon comme ministre de l’Armement.

    On reconnaît tout de suite un autre problème : tous ces ministères sont relatifs à la production. Le Parti Communiste Français ne peut donc plus mener aucune lutte contre le capitalisme, puisqu’il devient une composante de l’appareil d’État chargé d’épauler la production, de fait capitaliste.

    En 1945, le Parti Communiste Français a obtenu ce qu’il recherchait depuis l’arrivée de Maurice Thorez à sa tête : l’acceptation. Mais il s’est transformé en simple support du capitalisme modernisé.

    =>Retour au dossier sur Le Parti Communiste Français au gouvernement avec la bataille du charbon

  • Le Parti Communiste Français et la bataille pour le charbon

    Le Xe congrès de juin 1945 s’est tenu sous le triptyque « produire », « renouveler la démocratie par la Constituante », « former le Parti ouvrier français comme fondement de l’union de tous les républicains ».

    Le premier aspect est le plus important. Il est la clef du dispositif mis en place par Maurice Thorez. L’idée est simple : les communistes vont montrer qu’ils sont les meilleurs serviteurs de la nation.

    Comment ? En gérant eux-mêmes la « bataille pour le charbon ». Sans charbon, il n’y a pas d’économie qui puisse tourner, pas de pays qui puisse se chauffer. Donc, les communistes vont conquérir leur légitimité nationale à travers l’élévation de la production.

    Mieux encore : ils vont gérer cette production. Les nationalisations de la production de charbon, ce sont les communistes qui vont s’en occuper. Le travail des mineurs, ce sont les communistes qui vont le gérer.

    L’ennemi, du point de vue du Parti Communiste Français, ce sont ici les trusts. Il s’agit de montrer que les trusts sabotent l’économie, alors que les communistes contribuent de manière décisive à la faire tourner.

    On a ici la reprise du schéma propre aux démocraties populaires… sauf qu’il est appliqué à un pays capitaliste. Cela ne peut naturellement pas marcher, puisque dans les démocraties populaires, les trusts ont été mis hors d’état de nuire, la bourgeoisie mise au pas, et il y a la présence de l’armée rouge pour épauler le nouveau régime.

    Le Parti Communiste Français a ici une démarche opportuniste, propre à la ligne opportuniste de droite de Maurice Thorez.

    Par manque de cran, manque de fermeté, le Parti s’en remet toujours aux autres. Aux centristes pendant le Front populaire, à de Gaulle pendant l’Occupation, à la République à la Libération.

    Voici l’appel du premier mai 1945 du Parti Communiste Français, où notamment plus d’un million de personnes ont manifesté à Paris, 250 000 à Marseille, 250 000 à Lyon, à l’appel de la CGT. On y a résumé toute la ligne du Parti Communiste Français.

    « 1er MAI DE MANIFESTATIONS

    Contre les trusts sans patrie, coupables de trahison et organisateurs de la division des Français ;

    Pour l’anéantissement du fascisme en Allemagne et partout, y compris en France ;

    Pour le châtiment des traîtres et la confiscation de leurs biens ;

    Pour la condamnation à mort du traître Bazaine-Pétain [allusion au maréchale François Achille Bazaine qui tenta lors de la guerre franco-allemande de 1870 de jouer sur plusieurs tableaux et fut accusé d’avoir fait perdre la guerre à la France] ;

    Pour la défense de la République contre les entreprises de la réaction et du fascisme ;

    Pour l’union et le triomphe de toutes les forces de démocratie et de progrès.

    TRAVAILLEURS,
    FRANÇAIS ET FRANÇAISES,
    RÉPUBLICAINS !

    Le Parti Communiste Français vous appelle à participer en masses ardentes aux manifestations du PREMIER MAI organisées par la C. G. T. à Paris et en province.

    A l’heure où la glorieuse Armée Rouge fait flotter ses étendards sur la tanière de l’hitlérisme et opère sa jonction avec les puissantes armées anglo-américaines, à l’heure où dans toute l’Italie du Nord le peuple se bat les armes à la main et écrase l’envahisseur fasciste allemand et ses complices fascistes italiens, manifestez votre volonté de contribuer de toutes vos forces à l’écrasement définitif du fascisme barbare en Allemagne et de ses prolongements dans notre pays !

    Exigez que soient brisées toutes les entraves qui empêchent la France d’avoir une grande armée nationale et républicaine digne de son rôle de grande puissance mondiale, d’autant plus qu’une armée de métier pourrait servir à des fins politiques réactionnaires.

    Manifestez contre les trusts sans patrie, qui ordonnent le blocage des salaires ouvriers à des taux insuffisants, qui organisent la vie chère en augmentant le prix du pain, celui du gaz dans la région parisienne.

    Manifestez contre les agents des trusts placés par Vichy à la tête des Comités d’Organisation, maintenus en place contre la volonté nationale, qui désorganisent systématiquement le ravitaillement et affament tout un peuple !

    Dressez-vous contre la hante finance, le Comité des Forges, le Comité des Houillères, les Compagnies d’assurances, les Compagnies d’électricité, qui, après avoir préparé l’invasion et ramassé d’énormes profits dans la collaboration la plus ignoble avec les bourreaux hitlériens, cherchent à semer la division entre Français.

    Exigez un châtiment implacable des traîtres, la confiscation de leurs biens au profit de la Nation, le jugement immédiat et la condamnation à mort de Bazaine-Pétain [allusion au maréchal François Achille Bazaine qui tenta lors de la guerre franco-allemande de 1870 de jouer sur plusieurs tableaux et fut accusé d’avoir fait perdre la guerre à la France].

    Manifestez contre les entreprises antinationales et antidémocratiques du fascisme et de la réaction, pour la défense de la laïcité, fondement de la République.

    Exprimez votre volonté de ne laisser porter aucune atteinte à la souveraineté populaire et exigez que soit élue au suffrage universel, dès le retour de tous les prisonniers et déportés, une Assemblée Constituante souveraine.

    FRANÇAIS ET FRANÇAISES,
    RÉPUBLICAINS,

    VIVE LE PREMIER MAI !
    VIVE LA FRANCE !
    VIVE LA RÉPUBLIQUE !

    Le Comité Central du Parti Communiste Français.

    A PARIS, TOUS LE 1er MAI A 14h, DE LA BASTILLE A LA NATION »

    Quel est alors le problème ? Il est simple : comme le Parti Communiste Français se veut le défenseur de la « bataille pour la production de charbon », et de la bataille pour la production en général, dès qu’à ses yeux on sort du cadre, on se heurte à lui.

    Cela va être vrai pour toute la période 1945-1947, sans commune mesure, et de manière toujours grandissante.

    Les exemples sont nombreux. En décembre 1945, la fonction publique veut entrer en grève après une grève d’avertissement le 12 décembre ; on y échappe de peu. Les ouvriers du Livre sont en grève du 24 au 30 janvier 1946, refusant l’accord pourtant validé par la CGT.

    Du 30 juillet au 4 août 1946, ce sont les postiers qui sont en grève, alors que la Fédération Postale de la CGT n’avait autorisé qu’une grève d’avertissement d’une durée de dix heures. En septembre 1946, ce sont les douaniers qui sont en grève, agissant contrairement à leur syndicat CGT.

    Toutes ces contestations, le Parti Communiste Français ne les veut pas et ne veut même pas en entendre parler. L’épisode le plus connu est celui de Waziers, dans le Nord. Il y a alors dans cette toute petite ville un peu moins de 10 000 habitants, avec une mairie communiste depuis 1920.

    Il y a de nombreuses mines, qui appartenaient à la Compagnie des mines d’Aniche, jusqu’en 1945, où toute la production de charbon a été nationalisée.

    Maurice Thorez à Waziers

    L’occasion du voyage de Maurice Thorez, le 21 juillet 1945, est une grève sauvage : les mineurs protestent contre la présence d’anciens collabos dans l’appareil de gestion des mines. Maurice Thorez agresse alors directement les mineurs et les cadres communistes locaux, dans un très long discours.

    « On ne peut pas épurer pendant cent sept ans. »

    « Quand on me dit, par exemple, qu’à Notre-Dame, ou dans certaines fosses de l’ancienne concession, on a payé jusqu’à 27, 28, 30 % d’absences, je dis que c’est un scandale, ce n’est pas possible, cela ne peut pas continuer. »

    « On s’absente trop facilement pour un oui, pour un non, et pour un mineur qui a le goût de son métier, il sait très bien que tant d’absences, c’est une désorganisation complète du travail. On fait tort à ses camarades et pour quelles raisons ? Parfois pour une égratignure. Je dis que c’est un scandale…

    C’est fini avec de telles méthodes parce que ça c’est de l’anarchie, de l’encouragement à la paresse. Voici un autre cas : on m’a signalé l’autre jour que dans les puits de l’Escarpelle, une quinzaine de jeunes gens, des galibots, ont demandé de partir à six heures pour aller au bal. Je dis que c’est un scandale, inadmissible, impossible.

    Vous le savez bien, chers camarades, j’ai été jeune aussi. J’ai été aussi au bal et j’ai dansé, mais je n’ai pas manqué un seul poste à cause d’une fête ou d’un dimanche.

    Je dis aux jeunes : il faut avoir le goût de son ouvrage, parce qu’il faut trouver dans son travail la condition de sa propre élévation et de l’élévation générale : les paresseux ne seront jamais de bons communistes, de bons révolutionnaires, jamais, jamais. »

    « Je voudrais vous faire comprendre, je voudrais que ce que nous pensons au Comité central puisse passer dans la tête, dans le cœur de chacun de vous ici, militants communistes, secrétaires des organisations, délégués mineurs, délégués les plus responsables chez vous d’abord, puis chez tous les mineurs communistes, chez tous les syndiqués, chez tous les mineurs, que produire, produire, et encore produire, faire du charbon, c’est aujourd’hui la forme la plus élevée de votre devoir de classe, de votre devoir de Français. »

    Le discours de Waziers est emblématique du légitimisme de Maurice Thorez, qui se veut absolu. Si on était en démocratie populaire, son discours aurait un sens. Mais dans le capitalisme ?

    Il rééditera une mise en scène à de nombreuses reprises, notamment devant les mineurs pour un long discours à Valenciennes, le 24 décembre 1945, devant 40 000 personnes :

    « Produire et encore produire pour le salut de la France et de la République »

    Tout ce contexte va provoquer une grande altercation entre Maurice Thorez et Auguste Lecœur, car celui-ci n’apprécie pas la situation.

    On parle de quelqu’un plus jeune que Maurice Thorez (il est né en 1911, Maurice Thorez en 1900), avec une carrière exemplaire, précisément dans cette région (tout comme Maurice Thorez) où il a commencé comme mineur à treize ans.

    Il a été le secrétaire fédéral du Pas-de-Calais à partir de 1939, après être passé en Espagne dans les Brigades Internationales. Il reconstruit le Parti dans l’illégalité, devenant responsable du Nord et du Pas-de-Calais, qui sont sous occupation allemande directe dans le cadre d’une zone spéciale.

    Il est l’un des dirigeants de la grève anti-allemande des 100 000 mineurs du Nord-Pas-de-Calais de 1941. Il est alors appelé à la direction du Parti, dont il devient pratiquement le numéro 2, puisqu’il épaule Jacques Duclos, qui gère le Parti (Maurice Thorez étant en Russie).

    Auguste Lecœur s’occupe de l’organisation des cadres, poste ô combien essentiel, et c’est lui la figure majeure en ce domaine pendant toute la Résistance. C’est également lui qui va en 1944, à Paris, diriger l’assaut armé afin de récupérer le siège du Parti alors occupé par la milice.

    Il va ensuite être maire de Lens et président de la fédération régionale des mineurs, puis secrétaire d’État au Charbon. Sous son égide, la production de charbon qui était de 18 millions de tonnes de charbon en 1944 rattrape dès 1946 les 28,2 millions de tonnes de 1938.

    Il devient alors sous-secrétaire d’État au Charbon en 1946, lorsqu’un autre communiste, Marcel Paul, devient ministre de l’Énergie. Contre ce dernier, il impose un statut du mineur, puis est contraint à cesser d’occuper sa fonction.

    C’est que les tensions dans les mines ne cessent pas, la contestation ne va pas cesser de grandir. De plus, la position d’Auguste Lecœur se fait attaquer au sein du Parti. Aligné sur Maurice Thorez, Louis Aragon fait en sorte de publier dans la revue Europe, en février 1946, un poème en prose d’André Stil.

    Ce poème fait la promotion de la position de Maurice Thorez dans la bataille pour le charbon (« Le soleil, l’air, l’eau, les rêves et les dimanches entrent dans la bataille du charbon ») ; quelques années plus tard, André Stil qui lui-même vient de la classe ouvrière du Nord dira au sujet du discours aux mineurs de Maurice Thorez : « Waziers, la chance de ma vie ».

    André Stil invitera à ce moment-là également Louis Aragon à lui rendre visite, notamment pour aller voir le puits de mine n°7 de Dourges-Dahomey où commença la grève de 1941. Grâce à Louis Aragon, André Stil publie alors son premier ouvrage, Le Mot « mineur », camarades…, naturellement sur la bataille du charbon.

    Il devient également rédacteur en chef adjoint du quotidien parisien Ce Soir, justement dirigé par Louis Aragon. Par la suite, André Stil sera membre de son Comité Central du Parti Communiste Français pendant vingt ans et pas moins que le rédacteur en chef de L’Humanité, de 1950 à 1960.

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  • Le matérialisme dialectique et la multiplication par 1 dans le rapport du zéro à l’infini

    Si on multiplie 3 par 2 on a 6, si on multiplie 5 par 2 on a 10.

    Le principe de multiplier par deux est qu’on a la même chose deux fois ; mathématiquement, on procède à l’addition pour dénombrer le nouvel ensemble.

    On se confronte ici pourtant à une contradiction, car il s’avère qu’on peut multiplier par un.

    Cela ne semble avoir aucun sens, puisque la multiplication a justement comme fonction de rendre multiple.

    Lorsqu’on dit que 8 x 1 = 8, on n’a pas réellement multiplié 8, au sens que 8 n’est pas devenu multiple. 8 est resté 8, et en ce sens l’opération n’a rien changé du tout.

    Qu’on fasse 8 x 1 = 8 ou pas, cela ne change rien pour 8.

    Si on regarde cela avec le matérialisme dialectique, on peut alors constater deux choses.

    La première, c’est que multiplier par un souligne que la chose multipliée par un existe bien.

    Lorsqu’on dit que 8 x 1 = 8, même si cela ne change rien pour 8, par contradiction on peut dire précisément que le fait que cela ne change rien confirme son existence, confirme l’identité de 8.

    La multiplication par 1 trouve alors son sens. Mais quel intérêt y a-t-il alors, puisque tout peut être multiplié par 1 pour vérifier son identité ? C’est là qu’intervient la question du zéro.

    Mais avant d’aborder cette question, tournons-nous vers le second aspect de la multiplication par 1.

    On a dit que tout pouvait être multiplié par 1.

    C’est vrai à l’infini : 4 x 1 = 4, 150 x 1 = 150, 239849 x 1 = 239849, etc.

    On a aussi dit que multiplier par 1 ne changeait rien.

    Qu’est-ce qu’on a alors ?

    Eh bien, si cela ne change rien, c’est quelque chose de nul. Il n’y a pas de modifications ; la modification, quand on multiplie par 1, est de 0.

    Or, cette multiplication par 1 peut être menée une infinité de fois.

    Cette infinité est équivalente à 0, et on retrouve le principe comme quoi 0 est l’infini.

    Maintenant revenons-en justement au 0 dans la multiplication par 1.

    En fait, le piège ici est de considérer que lorsqu’on a 0 x 1 = 0, on a le même 0 des deux côtés du signe égal.

    C’est assez simple si on voit les choses dialectiquement, et on peut présenter cela en deux points :

    – si on dit : 1 x 0 = 0, alors les deux zéros sont bien les mêmes, car c’est une négation ; il n’y a pas 1, il y a zéro 1, on reste à zéro ;

    – si on dit 0 x 1 = 0, alors les deux zéros ne sont pas les mêmes, car c’est une affirmation.

    Le second point semble paradoxal : le 0 est affirmé et en même temps on dit que les deux zéros ne sont pas les mêmes ?

    En même temps, cela semblait moins perturbant lorsqu’on a dit juste avant, dans le premier point, que les deux zéros restaient les mêmes dans le cadre d’une négation.

    C’est là où on trouve le « secret » dialectique de la multiplication par 1.

    Pour comprendre ce qui se passe, revenons à la fameuse formule de Spinoza, admirée par Hegel et Marx : toute définition est une négation.

    On peut faire simple en résumant cela de la manière suivante : définir par exemple 5, c’est dire qu’il n’est pas 1 ni 3, 2 ni 4, 6 ni 7, etc.

    La réalité est ce qu’elle est, et parler d’une chose c’est l’extraire de cette totalité, donc la définir en la séparant du reste. C’est une négation.

    La religion prétend que les choses sont créées : pour elle, les définitions sont des affirmations.

    Voyons maintenant pour les nombres autres que 0.

    Lorsqu’on a 8 x 1 = 8, on a une définition qui est une négation.

    On pose que 8 existe, en apparence c’est une définition affirmative : 8 existe. En réalité, on pose 8 en l’opposant au reste.

    Pour le 0, c’est très différent, car 0 est l’infini.

    On a dit que lorsque 1 x 0 = 0, les deux zéros sont les mêmes, et que c’est une négation : il n’y a pas 1, il y a zéro 1, on reste à zéro.

    Ce qu’il faut comprendre alors, c’est que zéro est l’infini.

    Il se passe donc la chose suivante : 1 x 0 = 1 x infini = une infinité de 1 = l’infini = 0.

    Le premier 0 est l’infini, et il le reste ; une infinité de 1 fait partie de l’infini, se confond avec lui. Les deux 0 sont les mêmes, c’est l’infini.

    On a également dit que lorsque 0 x 1 = 0, les deux zéros ne sont pas les mêmes, et que c’est une affirmation.

    Reprenons 0 = l’infini. Ainsi, on a : 0 x 1 = infini x 1 = infini.

    Cela semble alors incompréhensible.

    Il semble bien qu’on ait le même infini.

    Et on pourrait dire qu’on a triché juste avant, car une infinité de 1, c’est un infini particulier, qui reste différent de l’infini en général, qui lui est non seulement avec les 1, mais également avec les 2, les 3, les 4, etc.

    Sauf qu’on a vu qu’on peut multiplier absolument tout par 1, et que chaque chose qui existe a une identité, et en fait multiplié par 1. Dire qu’une table existe, c’est dire table x 1 ; constater qu’il y a un chat, c’est dire chat x 1.

    [On remarquera ici que la différence entre le matérialiste Aristote et l’idéaliste Platon est justement qu’Aristote a voulu inventer des catégories (donc le premier terme dans table x 1, chat x 1, etc.), tandis que Platon s’est focalisé sur le « x 1 » en imaginant des « idées » pures (l’idée pure de table, de chat, etc.).]

    Une infinité de 1, ce n’est donc pas seulement des 1, mais également 2 x 1, 3 x 1, 4 x 1, c’est-à-dire tout ce qui est « »1″, et tout ce qui existe est « 1 » car ayant sa propre identité.

    Par contre, et là réside la difficulté, on ne peut pas avoir les deux mêmes 0 lorsqu’on dit que :

    0 x 1 = infini x 1 = infini

    En effet, un infini « unique » est une contradiction. L’infini est infini, s’il n’y en a qu’un seul, cela supprime la notion d’infini en tant que tel !

    L’infini, en tant qu’infini, présuppose qu’on ait infini x 1, infini x 2, infini x 3, etc. et ce à l’infini.

    C’est pourquoi le matérialisme dialectique affirme que la matière est inépuisable, que l’univers n’a ni début ni fin, ni commencement ni arrêt.

    Reste un souci. Cet infini x 1, en quoi se différencie-t-il du 1 x infini ?

    C’est justement là où se produit le vertige, qui est le principal risque quand on réfléchit à la notion d’infini.

    Quand on a 1 x 0, on dit qu’il n’y a aucun 1 et en même temps que « 1 x [quelque chose] » existe à l’infini.

    Quand on a 0 x 1, il faut quitter le terrain de la qualité (car l’identité est une qualité) pour passer à la quantité. Il faut avoir en tête 0 x 2, 0 x 3, 0 x 4, etc.

    C’est l’aspect quantitatif de l’infini, par opposition son aspect qualitatif.

    C’est là la grande difficulté du 0 comme infini que l’infini est, justement infini, tant en quantité qu’en qualité. Il n’y a pas « un » infini, mais une infinité.

    Notons pour conclure qu’on a opposé 0 x 1 à 1 x 0, mais qu’on aurait pu inverser les explications, car il est arbitraire de dire que 0 x 1 est une affirmation et que 1 x 0 est une négation.

    On aura compris que ce sont les deux pôles d’une seule et même contradiction ; on peut d’ailleurs remplacer 0 x 1 par 1 x 0.

    Ce remplacement témoigne du fait qu’on a ici d’une situation de nexus, terme que nous avons mis en avant pour désigner le moment où les deux pôles de la contradiction sont les plus en phase l’un avec l’autre, l’un devenant l’autre, pour ainsi dire « juste avant » le saut qualitatif.

    Tel est le paradoxe matérialiste dialectique où toute chose va à un saut qualitatif, tout en étant déjà un saut qualitatif, et ce à l’infini tant dans le passé que l’avenir.

    Toute chose à la fois statique et en mouvement, issu de l’éternité et en même temps n’existant à aucun moment réellement, car l’éternité est la transformation qualitative ininterrompue de la matière.

    Loin de faire tomber dans le relativisme, cela doit aboutir à la compréhension de la nécessité de la vision matérialiste dialectique du monde pour admirer la beauté de la réalité dans son infinie transformation.

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    sur le matérialisme dialectique

  • Le matérialisme dialectique : l’arme idéologique des communistes de tous les pays

    Publié dans la revue L’Internationale Communiste, 1941

    Un peu plus de deux ans se sont écoulés depuis que la science internationale s’est enrichie d’une contribution inestimable : l’œuvre stalinienne intitulée « Histoire du PCUS(b) ».

    Il y a seulement un an, la partie la plus précieuse de cet ouvrage, l’ouvrage du camarade Staline « Sur le matérialisme dialectique et historique », a été publié séparément en russe et dans d’autres langues.

    Cet important ouvrage, « Histoire du PCUS(b) », a circulé dans le monde entier.

    Tout comme l’ouvrage du camarade Staline « Sur le matérialisme dialectique et historique », il a été accueilli avec enthousiasme par les ouvriers et les travailleurs avancés de tous les pays ; il est devenu un puissant outil idéologique du mouvement ouvrier révolutionnaire international, une arme idéologique d’une rare acuité entre les mains des communistes.

    Il n’existe pratiquement aucun pays au monde où les révolutionnaires prolétariens n’étudient pas l’« Histoire du PCUS(b) » ; il n’existe aucun parti communiste qui ne s’efforce de fonder toutes ses activités sur cette encyclopédie du savoir marxiste-léniniste.

    L’ouvrage du camarade Staline « Sur le matérialisme dialectique et historique » est un nouvel exemple de la manière dont les dirigeants de la classe ouvrière allient philosophie et politique, théorie scientifique rigoureuse et luttes révolutionnaires concrètes.

    Les questions philosophiques ont toujours été au cœur de l’attention des classiques du marxisme-léninisme. Lorsque Marx aborda la formation du premier parti prolétarien (la Ligue communiste) en 1847, il écrivit son ouvrage « Misère de la philosophie ».

    Dans cette brillante œuvre philosophique, il porta un coup aux proudhoniens et démontra que la nouvelle société ne naît pas de l’élimination logique de « contradictions stupides », c’est-à-dire de l’amélioration des aspects négatifs de la société capitaliste, comme le supposait Proudhon, mais bien du résultat d’une lutte de classe acharnée et du remplacement de l’ancienne société et de ses deux pôles opposés – le prolétariat et la bourgeoisie – par une nouvelle formation sociale – le socialisme.

    Dans son article « Sur l’histoire de la Ligue communiste », Engels souligna l’importance de la théorie philosophique du marxisme pour la formation d’un parti prolétarien en ces termes :

    « Le communisme ne signifiait plus l’élaboration, par l’imagination, de l’idéal social le plus parfait possible, mais plutôt la compréhension de la nature, des conditions et des objectifs généraux qui en découlaient de la lutte menée par le prolétariat.

    Nous n’avions nullement l’intention de murmurer les nouveaux résultats scientifiques dans d’épais ouvrages exclusivement au monde « savant » (…).

    Nous étions tenus de justifier scientifiquement nos vues ; cependant, il était tout aussi important pour nous de gagner le prolétariat européen, et d’abord allemand, à nos convictions. »

    La tâche de diffuser le socialisme scientifique au sein de la classe ouvrière, celle d’unir la philosophie à la politique, la théorie à la pratique du mouvement ouvrier, fut brillamment menée par Marx et Engels, tant au sein de la Ligue des communistes qu’au sein de l’Association internationale des travailleurs.

    Chaque fois que le mouvement ouvrier fut menacé par le danger d’être détourné par un courant idéologique, Marx et Engels affûtèrent encore plus leur arme éprouvée – la philosophie du matérialisme dialectique – et l’utilisèrent pour vaincre leurs adversaires.

    L’ouvrage d’Engels intitulée « Anti-Dühring » en est un exemple éclatant. À la fin des années 1870, lors de l’unification des Eisennacher et des Lassalliens et de la formation du Parti social-démocrate allemand unifié, certaines sections du parti suivirent Dühring, qui opposa la théorie marxiste du communisme scientifique à la théorie anarchiste petite-bourgeoise dite de la socialité.

    Dühring et ses disciples prônaient un réformisme banal et rejetaient la nécessité pour la classe ouvrière de lutter pour asseoir son propre pouvoir.

    Engels, qui combattait les tentatives des disciples de Dühring de désorganiser le Parti social-démocrate de l’intérieur et d’empoisonner la conscience de la classe ouvrière, a exposé de manière ordonnée et systématique la philosophie marxiste, la doctrine économique et la théorie du socialisme dans son « Anti-Dühring ». Il y démontrait que les principes du socialisme découlaient des intérêts fondamentaux du prolétariat et leur correspondaient.

    Cet ouvrage porta un coup dévastateur à Dühring et à ses disciples au sein du mouvement ouvrier allemand.

    Lénine et Staline ont fourni des exemples tout aussi clairs de l’unité de la théorie et de la pratique, de la philosophie et de la politique. Lorsque, après la défaite de la première révolution russe de 1905-1907, l’ère de la réaction s’ouvrit en Russie, la désintégration idéologique commença au sein du Parti social-démocrate russe.

    Les falsificateurs du marxisme reprirent le dessus. Liquidateurs, déclarés ou cachés, chercheurs et constructeurs de Dieu, empoisonnèrent la conscience de la classe ouvrière. Pour défendre la pureté du marxisme contre ses ennemis et doter le parti d’un nouveau fondement idéologique et théorique, Lénine consacra plus de deux ans à l’ouvrage philosophique classique, publié en 1909 sous le titre « Matérialisme et empiriocriticisme ».

    Dans cet ouvrage, Lénine démontra que les dernières avancées de la science moderne et les nouveaux phénomènes de la vie sociale ne réfutent pas le matérialisme dialectique, mais, au contraire, le confirment.

    Ce merveilleux livre de Lénine a servi de préparation théorique au Parti bolchevique, ce nouveau type de parti ouvrier qui ne tolérait ni l’opportunisme ni le marxisme falsifié, un parti capable non seulement d’expliquer scientifiquement le monde, mais aussi de le transformer de manière créatrice.

    L’ouvrage « Anarchisme ou socialisme », écrit par le camarade Staline dans le Caucase en 1906, a également joué un rôle majeur à cet égard.

    Grâce à cet ouvrage, les ouvriers avancés du Caucase ont compris que la conclusion logique du matérialisme dialectique est le communisme, et ils ont clairement entrevu les perspectives de leur lutte révolutionnaire.

    Dans le labyrinthe complexe de la réalité contemporaine, dans le tourbillon effréné des événements historiques qui bouleversent le destin de peuples et d’États entiers, la classe ouvrière internationale puise dans l’« Histoire du PCUS(b) » stalinienne la confiance nécessaire à sa lutte contre la guerre impérialiste et la réaction.

    Les principes fondamentaux du marxisme créateur, ceux de la méthode dialectique pour la connaissance des formes phénoménales du monde et leur explication matérialiste, sont magistralement formulés dans l’ouvrage du camarade Staline « Sur le matérialisme dialectique et historique ». Ils imprègnent et inspirent de plus en plus le mouvement ouvrier révolutionnaire moderne à travers le monde.

    À son époque, Marx rêvait de publier en deux ou trois feuilles imprimées un exposé populaire et rigoureusement scientifique des fondements de la dialectique matérialiste ; il partait de la nécessité de lier étroitement l’exposé de la dialectique matérialiste à la politique du parti prolétarien.

    Lénine avait également cela à l’esprit lorsque, pendant la Première Guerre mondiale, il prépara la matière d’un nouvel ouvrage philosophique dans ses Cahiers philosophiques.

    Le camarade Staline, brillant successeur de Marx et de Lénine, a brillamment réalisé le rêve des grands maîtres du prolétariat.

    Tout comme « Matérialisme et empiriocriticisme » de Lénine fut l’ouvrage philosophique le plus important de l’ère impérialiste, « Sur le matérialisme dialectique et historique » de Staline est l’ouvrage philosophique insurpassable de la période de l’impérialisme d’après-guerre, de la crise générale du système capitaliste et de la victoire du socialisme en URSS. Cet ouvrage concentre toutes les nouveautés politiques et scientifiques, toutes les expériences de l’époque actuelle.

    La méthode dialectique marxiste part du principe que tous les phénomènes de la nature et de la société sont interconnectés et interdépendants.

    Aucun de ces phénomènes ne peut être correctement compris et expliqué s’il est considéré isolément, de manière abstraite, sans référence aux conditions concrètes dans lesquelles il se développe.

    « Tout dépend des conditions, de l’espace et du temps »,

    écrit le camarade Staline dans son ouvrage « Du matérialisme dialectique et historique ».

    Cette thèse fondamentale de la méthode dialectique marxiste est devenue le principe directeur des communistes de tous les pays. Forts de la grande expérience du PCUS(b) et de l’apprentissage de la dialectique révolutionnaire auprès de Lénine et de Staline, les communistes des pays capitalistes adaptent leur tactique aux conditions historiques.

    Ainsi, les communistes ont modifié leur approche du front unique de la classe ouvrière et de la création du front populaire, partant du constat que, selon les pays et les époques, les conditions de réalisation du front unique de la classe ouvrière et du front populaire diffèrent.

    Alors que, dans les années précédant la Seconde Guerre impérialiste, les partis communistes avaient conclu des accords avec les partis sociaux-démocrates pour parvenir à l’unité d’action des travailleurs, dans la nouvelle situation, où les dirigeants sociaux-démocrates soutiennent ouvertement la guerre impérialiste et encouragent la réaction à réprimer les ouvriers révolutionnaires, la question de l’unité de la classe ouvrière – comme l’écrivait le camarade Dimitrov – doit être posée différemment : cette unité ne peut être réalisée que

    « par la base, sur la base du développement du mouvement des masses ouvrières elles-mêmes et d’une lutte décisive contre la direction traîtresse des partis sociaux-démocrates ». (Internationale communiste, novembre 1939)

    Dans les années précédant la deuxième guerre impérialiste en Europe, les communistes ont obtenu la formation du Front populaire grâce à des accords avec les partis sociaux-démocrates et autres partis petits-bourgeois (les Républicains en Espagne, les Radicaux-socialistes en France, etc.), et grâce à une plate-forme commune de lutte contre la réaction et la guerre impérialiste.

    Dans la nouvelle situation, où les dirigeants de tous ces partis dans plusieurs pays ont commencé à jouer un rôle de premier plan dans le déroulement de la guerre impérialiste, en organisant la terreur contre les communistes et tous les travailleurs révolutionnaires, en déclenchant une campagne contre l’Union soviétique et en attaquant les acquis sociaux des travailleurs, l’unification des masses populaires contre la guerre et la réaction n’est devenue possible que par un front unique et un front populaire d’en bas, fondés sur la lutte la plus décisive contre tous les serviteurs de l’impérialisme, y compris les dirigeants corrompus des partis sociaux-démocrates et autres partis petits-bourgeois.

    La vérité est toujours concrète – comme nous l’enseignent Lénine et Staline : ce qui est bon et juste à un moment donné peut être mauvais et nuisible à un autre, dans des circonstances différentes.

    Alors qu’avant le déclenchement de la Seconde Guerre impérialiste, les communistes anglais soulevaient à plusieurs reprises devant la direction du Parti travailliste la question de l’intégration du Parti communiste au sein du Parti travailliste en tant qu’organisation indépendante, aujourd’hui, alors que la direction officielle du Parti travailliste soutient ouvertement la guerre impérialiste et participe à la mise en œuvre de toutes les mesures gouvernementales visant à abaisser le niveau de vie des travailleurs et à détruire les droits démocratiques acquis par la classe ouvrière au prix de nombreuses années de lutte, le Parti communiste d’Angleterre ne soulève naturellement plus la question de son intégration au Parti travailliste.

    Aujourd’hui, le Parti communiste d’Angleterre, par-dessus la direction du Parti travailliste et en lutte contre elle, appelle la classe ouvrière à mener une lutte résolue et unie contre la classe dirigeante, contre le transfert du fardeau de la guerre sur les masses populaires, pour la satisfaction des revendications immédiates des travailleurs, pour la création d’un gouvernement populaire, etc.

    Il a activement participé à la convocation du Congrès du peuple, autour duquel se sont ralliés de nombreux membres du Parti du travail et des syndicats, s’efforçant de lutter contre la guerre impérialiste et la réaction malgré la direction travailliste.

    Le changement de tactique communiste intervient non seulement lorsque les conditions d’application de la tactique changent avec le temps, mais aussi en fonction de l’espace et des conditions propres à chaque pays.

    En Chine, au Chili, au Mexique, à Cuba et dans d’autres pays dépendants où les masses défendent leur indépendance nationale contre les assauts des impérialistes étrangers, les communistes luttent pour renforcer le front uni national avec les organisations non communistes des travailleurs et avec les partis politiques qui, malgré leurs fluctuations et leurs revers, s’opposent néanmoins à l’impérialisme étranger et à la réaction intérieure, pour la liberté et l’indépendance de leur peuple.

    Les communistes luttent pour le droit des nations opprimées à l’autodétermination, y compris la sécession de leur État, et pour l’élimination de toute dépendance des nations asservies envers les puissances impérialistes.

    Cependant, les communistes ne soutiennent pas n’importe quel mouvement national, mais seulement ceux qui sont de véritables mouvements de libération nationale dirigés contre l’impérialisme. Ils ne peuvent soutenir aucun mouvement pseudo-national, aucun « mouvement » essentiellement dirigé contre la libération des nations opprimées et inspiré par les puissances impérialistes.

    En Inde, par exemple, les communistes soutiennent le mouvement des masses organisé au sein du Congrès national car, malgré ses défauts et ses faiblesses, il promeut la lutte pour la liberté et l’indépendance du peuple indien.

    Mais c’est précisément là, en Inde, que les communistes s’opposent aux dirigeants réactionnaires de la « Ligue musulmane », qui, au profit de l’impérialisme britannique, fomentent la discorde nationale et l’inimitié entre les différentes tribus du peuple indien.

    S’appuyant sur la méthode dialectique marxiste, partant du principe que la vérité est toujours concrète, les communistes non seulement modifient leur tactique, mais concrétisent aussi leurs principes programmatiques.

    Ainsi, lors du XVIIIe Congrès du PCUS(b), le camarade Staline a enrichi les principes programmatiques sur la question de l’État d’une nouvelle contribution : il a démontré que sous le communisme, s’il triomphe initialement dans un pays mais demeure sous l’encerclement capitaliste, l’État ne dépérit pas, mais perdure, même si ses formes évoluent sensiblement.

    Considérer tous les phénomènes dans leurs interconnexions et leur interdépendance pour l’activité des Partis communistes signifie avant tout être capable de coordonner toutes les organisations et méthodes de travail possibles dans les conditions données.

    L’idéalisation des méthodes et formes de travail légales découle de l’attitude opportuniste des partis sociaux-démocrates de la Deuxième Internationale.

    Cela a également conduit les sociaux-démocrates à considérablement exagérer un aspect de leur activité partidaire, à savoir leur activité parlementaire, et leurs organisations partidaires sont souvent devenues un appendice de leurs fractions parlementaires.

    C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles, après la liquidation du parlementarisme bourgeois réactionnaire et des organisations de masse légales, les partis sociaux-démocrates ont de facto abandonné leur existence en tant que partis.

    C’est évident, entre autres, dans l’exemple de la France contemporaine, où, après la victoire de la réaction, le Parti socialiste a pratiquement cessé d’exister et s’est désintégré. Les raisons de cette désintégration résident avant tout dans la faillite de toute la politique de la social-démocratie française et dans la trahison de sa direction.

    Mais l’orientation prioritaire vers la légalité et l’activité parlementaire a joué un rôle significatif dans cet effondrement. Le Parti Communiste de France [nom en fait du Parti communiste français dans tous les documents de l’Internationale Communiste dans une langue autre que le français] incarne l’exact opposé de la désintégration idéologique et organisationnelle qui prévaut parmi les socialistes français.

    Poussé dans l’illégalité, persécuté et traqué, il lutte courageusement pour la cause de la classe ouvrière et du peuple français, sachant combiner formes légales et illégales de travail dans cette lutte.

    Même les ennemis du communisme sont contraints de reconnaître la puissance des communistes et leur influence sur les masses françaises.

    Lénine et Staline ont enseigné que tous les phénomènes du monde sont en perpétuel mouvement, changement et renouvellement ; que l’avenir n’appartient pas à ce qui est obsolète et commence à dépérir, même s’il apparaît solide et dominant à un moment donné ; l’avenir appartient à ce qui émerge et se développe, même s’il apparaît faible et instable à un moment donné, car c’est cela, et cela seul, qui est irrésistible.

    Les communistes, s’inspirant de Lénine et de Staline, partent du principe que de nombreux phénomènes sociaux modernes, autrefois progressistes et bénéfiques pour l’humanité, ont cessé de l’être et prennent un caractère conservateur qui entrave le développement social. C’est le cas, par exemple, de l’État bourgeois.

    À cette époque, l’État-nation bourgeois, et plus particulièrement la démocratie bourgeoise, constituait un phénomène progressiste face à l’arbitraire féodal, à la fragmentation de la nation, à l’absence de pouvoir législatif, etc.

    Mais depuis que les forces productives de la société capitaliste sont entrées en conflit irréconciliable avec les rapports de production capitalistes, depuis l’entrée en scène du prolétariat révolutionnaire, la bourgeoisie est devenue une classe réactionnaire ; elle entrave le développement de la société, et sa domination économique et politique devient un carcan insupportable pour l’humanité.

    Dans l’État bourgeois moderne, comme en un point focal, tous les traits réactionnaires du système capitaliste en déclin sont réunis ; le conservatisme social de la bourgeoisie impérialiste y est parfaitement incarné.

    La bourgeoisie réactionnaire, s’efforçant d’enrayer la chute du vieux système dépassé, s’accroche désespérément à des méthodes « nouvelles » et « ultra-modernes » pour maintenir son pouvoir.

    Il transfère le pouvoir à la clique la plus réactionnaire, se cachant derrière les slogans démagogiques de « révolution nationale », de « renaissance de la nation », etc.

    Celle-ci, qui qui a poussé les peuples à la guerre impérialiste, s’efforce de dissimuler son caractère antipopulaire derrière de fausses affirmations, comme celle selon laquelle cette guerre renouvellerait l’organisme social.

    Ni les « nouvelles » formes d’économie de guerre dans la majorité des pays capitalistes, ni les « nouvelles » formes de pouvoir politique dans ces pays, ni les « nouvelles » formes d’idéologie répandues dans le monde capitaliste ne représentent rien de fondamentalement nouveau ou de sensiblement différent des anciennes.

    C’est quelque chose d’apparemment nouveau, mais en fait rien de véritablement nouveau en réalité. La propriété privée des moyens de production et l’exploitation capitaliste, la dictature d’une poignée de capitalistes et l’oppression cruelle des travailleurs, le parasitisme des classes dirigeantes et la misère des masses – tout cela demeure inchangé : le capitalisme prend simplement une apparence nouvelle, criante et fondamentalement monstrueuse conformément à sa nature.

    Dans tous les pays capitalistes, les communistes dénoncent ces nouvelles ruses de la classe écorchée vive en voie de pourrissement, ces nouvelles formes de lutte du vieux système réactionnaire dépassé.

    Dans chaque défaite temporaire de la classe ouvrière et dans chaque victoire temporaire de la bourgeoisie, les communistes voient des éléments qui portent en eux l’effondrement de la victoire à la Pyrrhus de la bourgeoisie. Dans chaque victoire de la classe ouvrière, dans chaque succès, ils voient, sans se satisfaire des acquis, le point de départ d’une nouvelle avancée, certes extrêmement difficile et entravée, vers la victoire finale.

    Cette vision dialectique des communistes a sans aucun doute trouvé sa confirmation dans la pratique du mouvement révolutionnaire moderne.

    Lorsque le soulèvement des mineurs asturiens fut réprimé en 1934 et que la réaction apparut en Espagne, la clique dirigeante se réjouit que « l’ordre » soit désormais « éternel ».

    Moins d’un an et demi après s’écoula lorsqu’en 1936, un puissant mouvement populaire révolutionnaire éclata en Espagne.

    Ce n’est qu’après environ trois ans que les réactionnaires espagnols et internationaux ont réussi à réprimer le peuple révolutionnaire espagnol, mais ils n’ont pas réussi et ne parviendront pas à briser sa volonté de combattre.

    Les communistes enseignent aux masses que, tout comme la révolution populaire de 1936 a renversé la réaction espagnole, la nouvelle vague de cette révolution portera un coup dévastateur à la « nouvelle » réaction.

    Les communistes savent pertinemment que le véritable nouveau, l’essentiellement nouveau, lorsqu’il se déploie et fait progresser la société, est irrésistible et triomphe, même s’il apparaît initialement faible et instable.

    Les événements de Lituanie, de Lettonie et d’Estonie à l’été 1940 ont fourni un exemple éclatant de l’irrésistibilité du véritable nouveau. Les communistes des pays baltes furent longtemps condamnés à l’illégalité. Les gouvernements réactionnaires croyaient les communistes éradiqués une fois pour toutes. Mais les communistes des pays baltes savaient que la cause pour laquelle ils étaient allés en prison et en exil était invincible et triompherait.

    Ils créèrent des organisations et une presse illégales, tout en menant un travail politique de masse au sein des organisations légales des travailleurs et des travailleuses.

    Et leur cause triompha. Des républiques socialistes soviétiques furent établies dans les États baltes. Les peuples libérés de Lituanie, de Lettonie et d’Estonie s’engagèrent dans une nouvelle voie, celle d’une vie libre et heureuse, déclarant leur amour et leur loyauté aux communistes, leur dévouement à un parti que la réaction considérait déjà comme enterré.

    Les dirigeants de la Deuxième Internationale se vantèrent toujours que les partis sociaux-démocrates comptaient bien plus d’adhérents que les partis communistes dans les pays capitalistes, que les sociaux-démocrates disposaient de bien plus de mandats parlementaires et de plus de représentants dans les municipalités et les syndicats.

    Ils ont traité les communistes avec condescendance, déclarant leur influence sur les masses insignifiante et leur force limitée. Les événements historiques des deux dernières années ont démenti sans pitié le mensonge arrogant des dirigeants sociaux-démocrates.

    Dans la plupart des pays capitalistes, les partis sociaux-démocrates se sont effondrés et la Deuxième Internationale est complètement fragmentée ; elle a de fait cessé d’exister en tant qu’organisation internationale.

    L’Internationale communiste reste unie et monolithique, comme auparavant ; ses sections sont vivantes et luttent activement contre la guerre impérialiste et la réaction ; leur influence sur les masses travailleuses grandit.

    On pose souvent aux communistes des pays capitalistes la question suivante : l’intensification de la réaction dans tous les pays capitalistes ne signifie-t-elle pas la victoire de la bourgeoisie sur la classe ouvrière et le blocage définitif de sa voie vers un nouvel ordre socialiste ?

    La victoire de la réaction ne signifie-t-elle pas que la classe ouvrière est très faible, tandis que la bourgeoisie est invincible ?

    Dans leur réponse à ces questions, les communistes renvoient les ouvriers et les travailleurs à la grande expérience des bolcheviks russes, qui jusqu’à peu avant la victoire de la révolution étaient dans une illégalité complète, qui languissaient dans les prisons et en exil, qui étaient poussés à émigrer, qui étaient soumis aux persécutions les plus cruelles, et qui pourtant n’ont jamais perdu la foi dans la victoire de leur cause et n’ont jamais cessé leur activité révolutionnaire.

    Les communistes peuvent à juste titre s’appuyer sur les paroles du grand révolutionnaire russe Tchernychevski, qui, après la défaite des ouvriers français en 1848, déclarait :

    « Il n’y a jamais eu de guerres où le vainqueur n’ait subi quelques pertes (…).

    Aussi infructueuses que puissent être de nombreuses batailles individuelles, le résultat est et reste le triomphe du camp le plus puissant, dont la force croît d’année en année…

    Plus l’ancien ordre doit recourir à des moyens cruels pour résister à la pression des nouveaux intérêts, plus la force de ces derniers se révèle clairement par ces moyens.

    On n’emploie des mesures sévères que contre un ennemi puissant et dangereux.

    Et si, année après année, l’ancien ordre recourt à des mesures toujours plus strictes pour se maintenir, cela ne révèle-t-il pas que la force de son adversaire augmente d’année en année ?

    Et la mort ne se rapproche-t-elle pas de plus d’elle en plus par les moyens mêmes qu’elle est contrainte d’utiliser pour préserver sa vie ? »

    Dans les conditions les plus difficiles, face à la réaction et à la terreur les plus outrancières, les communistes des pays capitalistes ne perdent pas confiance en leur juste cause, convaincus de sa victoire, car le but de leur mouvement n’est pas imaginaire, mais découle des lois mêmes du développement de la société, qui ne peut plus vivre selon les anciennes méthodes, même avec une « nouvelle » figure de proue. Ils n’oublient jamais les paroles enflammées du timonier du Komintern, Georgi Dimitrov :

    « Au XVIIe siècle, Galilée comparaissait devant le sévère tribunal de l’Inquisition et s’apprêtait à être condamné à mort pour hérésie.

    Il s’exclama avec une conviction et une détermination profondes : « Et pourtant, la Terre tourne !»

    Et cette thèse scientifique devint plus tard le bien commun de toute l’humanité. Nous, communistes, pouvons dire aujourd’hui avec autant de détermination que l’ancien Galilée : Et pourtant, elle tourne !

    La roue de l’histoire tourne vers l’avant – vers une Europe soviétique, vers une union mondiale des républiques soviétiques !

    Et cette roue, mue par le prolétariat sous la direction de l’Internationale communiste, ne sera arrêtée par aucune mesure d’extermination, par aucun bagne ni par aucune condamnation à mort. Elle tourne et tournera jusqu’à la victoire finale du communisme ! »

    Dans ces paroles du camarade Dimitrov, la foi des hommes avancés de la classe ouvrière dans l’irrésistibilité du nouveau, dans sa victoire, se reflète mieux que partout ailleurs.

    Dans son ouvrage « Sur le matérialisme dialectique et historique », le camarade Staline a démontré que le développement de la nature et de la société procède

    « de changements quantitatifs insignifiants et cachés à des changements visibles, à des changements fondamentaux, puis à des changements qualitatifs.

    Ces changements qualitatifs se produisent non pas graduellement, mais rapidement, soudainement, sous la forme d’une transition brutale d’un état à un autre, non pas accidentelle, mais suivant une loi, résultant de l’accumulation de changements quantitatifs imperceptibles et progressifs ».

    Cette thèse fondamentale de la dialectique marxiste a été adoptée par les cadres des partis communistes dans leur lutte de longue date contre le réformisme.

    Bien que les réformistes de tous bords soutiennent que la société ne peut se développer que par un développement lent et évolutif, c’est-à-dire par la voie des réformes, les communistes montrent à la classe ouvrière que sans changements qualitatifs fondamentaux de l’ordre ancien, le nouvel ordre ne peut émerger ni s’imposer.

    Contrairement aux anarchistes et aux « putschistes » de gauche, les communistes affirment que tout tournant révolutionnaire doit être préparé par la lutte des classes et que toute réforme améliorant la situation des travailleurs peut et doit être utilisée par le prolétariat afin de permettre à la classe ouvrière de se rapprocher de la victoire finale.

    L’ordre féodal et l’ordre capitaliste ne sont apparus et n’ont maintenu leur domination que grâce à la révolution sociale. Le système socialiste n’est apparu et n’a triomphé qu’en URSS grâce à la révolution prolétarienne.

    Là où il n’y a pas eu de révolution prolétarienne, toutes les réformes « socialistes » et les « plans de réorganisation » ont éclaté comme une bulle de savon.

    Par exemple, peut-on aujourd’hui sérieusement parler de ce qu’on appelle le « socialisme nordique » dans les pays scandinaves ou de « planification socialiste » au sens de [Henri] de Man en Belgique ?

    Et pourtant, aujourd’hui encore, la bourgeoisie – y compris les « socialistes » du type de Man – tente de présenter les réformes réactionnaires menées par la classe dirigeante comme un changement fondamental, comme une « révolution », alors qu’en réalité aucune révolution, aucun changement qualitatif fondamental, ne se produit actuellement dans les pays capitalistes.

    Seules les formes de pouvoir de la bourgeoisie changent : le pouvoir passe d’un groupe bourgeois à un autre ; on observe seulement un regroupement du capital et des sphères d’influence entre différents groupes capitalistes monopolistiques, mais en aucun cas leur destruction.

    Les communistes qui s’opposent aux « réformes » réactionnaires menées pour préserver l’ordre ancien luttent pour des réformes ouvrant la voie à un changement qualitatif de la société, à la transition vers un nouveau système social.

    Les événements survenus en France dans les années précédant le déclenchement de la Seconde Guerre impérialiste ont clairement confirmé la justesse des communistes et prouvé l’effondrement du réformisme.

    Durant la période du Front populaire en France, le gouvernement, sous la pression des masses, a quelque peu amélioré la situation des ouvriers et des paysans.

    Les communistes français de l’époque affirmaient que la législation sociale mise en œuvre par le gouvernement pouvait améliorer la situation des travailleurs et renforcer leur unité et leur organisation, mais qu’elle ne signifiait en aucun cas la fin du capitalisme ni la libération des masses du joug de l’exploitation.

    Les communistes appelaient les ouvriers et tous les travailleurs à être toujours prêts à résister à la bourgeoisie dirigeante qui, à la première occasion, révoquerait toutes les concessions et même abrogerait les réformes mineures mises en œuvre sous la pression des masses.

    Tout s’est déroulé exactement comme les communistes l’avaient prédit.

    Les ouvriers avancés sont de plus en plus convaincus qu’un changement fondamental et radical de la situation des travailleurs ne peut se produire que par une transformation fondamentale, par le transfert du pouvoir et des principaux moyens de production au peuple.

    Ils adhèrent de plus en plus à l’un des principes fondamentaux du marxisme créatif :

    « Pour éviter les erreurs politiques, il faut être révolutionnaire, et non réformiste » (Staline, Sur le matérialisme dialectique et historique).

    Devant eux se trouvent les grandes expériences des peuples d’Union soviétique, qui ont acquis une vie libre et heureuse grâce à la révolution socialiste.

    Les peuples des États baltes ont récemment emprunté la voie des peuples d’URSS.

    La révolution socialiste populaire en Lettonie, en Lituanie et en Estonie a pris une forme particulière et spécifique : les ouvriers, les paysans, les soldats et l’intelligentsia des pays baltes, inspirés par l’arrivée de l’Armée rouge, ont brisé l’ancien régime capitaliste par des manifestations, des grèves politiques et la libération de prisonniers politiques, et ont instauré un nouveau pouvoir, celui des travailleurs.

    Conformément à la volonté du peuple, la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie sont devenues des républiques socialistes soviétiques.

    La terre, les banques, le système de transport et les grandes entreprises industrielles ont été déclarés propriété du peuple.

    Dans ces pays, l’ancien mode de production capitaliste et l’ancien État bourgeois furent balayés avec une rapidité fulgurante. La construction du nouveau système rêvé par toute l’humanité avancée et progressiste a été commencé.

    Lénine et Staline ont enseigné que le mouvement et le développement dans le monde ne sont en aucun cas une simple répétition du passé, mais plutôt l’émergence du nouveau, un mouvement progressif de l’inférieur vers le supérieur, du simple vers le complexe.

    De génération en génération, d’époque en époque, la puissance productive de l’humanité s’accroît – hormis quelques revers isolés –, son pouvoir sur la nature et sa culture s’accroît ; l’organisation et la conscience des travailleurs, créateurs de toutes les valeurs matérielles et spirituelles de la société, se développent ; les frontières de la connaissance scientifique s’élargissent, et ainsi de suite.

    Dans le processus de progression progressive de l’inférieur vers le supérieur, du simple vers le complexe, tout ce qui a été accumulé de valeur et de positif au cours du développement antérieur est « suspendu », c’est-à-dire contenu dans le nouveau, préservé comme un moment de nouvelles manifestations.

    Le communisme non seulement ne rejette pas toutes les richesses accumulées par l’humanité, mais, au contraire, il se considère comme le gardien légitime de l’héritage culturel du passé, dans lequel il voit une composante du nouveau.

    Les communistes de tous les pays sont les héritiers des meilleures traditions révolutionnaires et culturelles de leur propre peuple tout comme des autres peuples.

    Les communistes des États-Unis sont fiers d’être les véritables fils et défenseurs du peuple américain, ce peuple qui a engendré des hommes tels que Lincoln, ce peuple qui a acquis sa gloire par sa lutte pour la liberté et l’indépendance ; dans des conditions nouvelles, ils perpétuent les traditions démocratiques de la lutte pour la liberté et le bonheur du peuple américain.

    Les communistes de France démontrent toujours et partout que, dans des conditions historiques nouvelles, ils perpétuent la cause des grands révolutionnaires et démocrates – Robespierre, Marat et Saint-Just –, la cause des Communards de Paris.

    Ils préservent fièrement le riche héritage culturel du peuple français, la culture de Descartes et de Voltaire, dont la bourgeoisie réactionnaire française, qui a trahi son peuple, se distance désormais.

    « Nous aimons la France et ce qui fait sa valeur : son peuple, ont déclaré les députés communistes français dans leur déclaration devant le tribunal.

    Nous sommes fiers de ses érudits, de ses penseurs, de ses écrivains et de ses artistes, qui rendent la France si attachante pour tous les peuples du monde.

    Tout au long de son histoire et de son grand passé révolutionnaire, le peuple français s’est opposé aux tyrans… Nous croyons en notre patrie, en la France de 1793, 1830, 1848, en la France de la Commune de Paris, en la France de février 1934 et de mai 1936. » (Internationale communiste, 1940)

    L’histoire du mouvement ouvrier international est un exemple éclatant de cette évolution progressive de l’inférieur vers l’élevé. Si le capitalisme règne encore aujourd’hui sur les cinq sixièmes de la planète, il n’est plus l’ancien capitalisme omniprésent et tout-puissant qu’il était pendant la Commune de Paris et même en 1917, mais un capitalisme secoué par des contradictions toujours plus profondes, un capitalisme qui s’est déjà considérablement rétréci au cours des dix-huit derniers mois, au profit du socialisme.

    Les crises dévastatrices et les guerres impérialistes, la domination sanglante de la réaction dans divers pays et l’asservissement des peuples dans le monde capitaliste moderne sont l’expression des rapports de production capitalistes, qui ne représentant en aucune manière le mouvement de progression de la société.

    Les contradictions inhérentes à l’ancien système spontané et anarchique affaiblissent de plus en plus la bourgeoisie dirigeante, lui causant des difficultés toujours plus grandes et, avec une logique inexorable, rapprochent le moment où elle et son « ordre » seront balayés par le créateur de l’histoire, le peuple.

    Dans les pays capitalistes, les forces sociales qui luttent pour le progrès de la société humaine et contre la domination du système réactionnaire sont vivantes et se consolident.

    Le prolétariat et les couches des masses laborieuses qui lui sont proches sont animés d’une volonté tenace d’un nouvel ordre social progressiste, du socialisme.

    Chaque année qui passe grandit la sympathie des progressistes de la classe ouvrière, des meilleurs éléments de la paysannerie et de l’intelligentsia des pays capitalistes pour le monde du socialisme construit en Union soviétique et pour le progrès véritablement significatif de la société humaine.

    C’est pourquoi le camarade Dimitrov avait parfaitement raison lorsqu’il déclarait au VIIe Congrès mondial du Komintern :

    « Les dirigeants actuels du monde capitaliste sont des hommes temporaires.

    Le prolétariat est le véritable maître du monde, le maître de demain. » (Dimitrov, La classe ouvrière contre le fascisme)

    Mais quelle est la source du mouvement progressif de l’inférieur vers le supérieur, cause du changement et du renouveau de la nature et de la société ?

    Le matérialisme dialectique voit cette source dans la lutte des contradictions internes qui constituent le contenu de tout processus de développement, de tout phénomène dans la nature et la société.

    Dans son ouvrage « Sur le matérialisme dialectique et historique », le camarade Staline écrit que

    « le processus de développement de l’inférieur vers le supérieur ne se déroule pas sous la forme d’un déploiement harmonieux des phénomènes, mais sous la forme d’une révélation des contradictions inhérentes aux choses et aux phénomènes, sous la forme d’une “lutte” de tendances opposées qui agissent sur la base de ces contradictions. »

    Ce principe fondamental de la dialectique marxiste-léniniste, son « noyau », son « âme », pour reprendre les termes de Lénine, est devenu le fondement de l’activité des partis communistes du monde entier.

    Dès 1918, lors du septième congrès du Parti Communiste de Russie (Bolchevik), Lénine déclarait :

    « Les marxistes n’ont jamais oublié que la violence accompagnera inévitablement l’effondrement du capitalisme dans son ensemble et l’avènement de la société socialiste.

    Et cette violence englobera une période historique mondiale, toute une ère de guerres diverses : guerres impérialistes, guerres civiles internes, entrelacement de ces guerres, guerres nationales, guerres de libération des nationalités écrasées par les impérialistes, par divers groupements d’États impérialistes…

    Cette ère est celle d’effondrements massifs, de décisions militaires violentes, de crises de masse.

    Elle a commencé, nous le voyons clairement.

    Mais ce n’est que le début. »

    L’évolution sociale des deux dernières décennies a pleinement donné raison à Lénine. Elle a complètement réfuté le mythe opportuniste du « développement harmonieux » de la société moderne, de la « paix éternelle » entre les nations et de la « paix de classe » dans les pays capitalistes.

    Les contradictions internes du capitalisme s’intensifient, conduisant de plus en plus fréquemment à des crises, à de nouvelles guerres impérialistes et à de nouvelles luttes révolutionnaires.

    Lénine et Staline ont toujours exposé les contradictions internes de la vie sociale actuelle afin d’expliquer les tendances qui en découlent et de montrer où elles mènent.

    Les communistes du monde entier agissent également sur cette question selon la méthode dialectique du marxisme-léninisme.

    Pour résoudre la question nationale et coloniale, par exemple, ils partent du principe suivant : le développement de l’industrie, des communications et du commerce dans les colonies, semi-colonies et pays dépendants conduit à la croissance de la bourgeoisie autochtone et à sa concurrence avec la bourgeoisie impérialiste étrangère, propulsant la bourgeoisie nationale au rang des participants au mouvement de libération nationale.

    D’autre part, la croissance de la classe ouvrière et de sa conscience de classe, ainsi que le développement de l’initiative populaire sous la direction du prolétariat, suscitent des tendances capitulardes au sein de la bourgeoisie nationale.

    La partie de la bourgeoisie nationale qui craint le renforcement de la position du prolétariat est encline à trahir son propre peuple et à conclure des accords avec les impérialistes étrangers.

    Ce fut le cas en Espagne, pays dépendant de l’impérialisme étranger, où la majeure partie de la bourgeoisie et des propriétaires fonciers se rangea du côté des insurgés contre-révolutionnaires et des interventionnistes, tandis qu’une petite partie de la bourgeoisie, notamment catalane et basque, ralliait le camp républicain.

    Les communistes espagnols mirent en garde le peuple espagnol contre les tendances capitulardes de certaines sections de la bourgeoisie nationale, ce qui conduisit finalement à la mutinerie du peuple casado et à sa capitulation face aux forces interventionnistes et à Franco.

    La question des tendances opposées au sein de la bourgeoisie nationale est encore plus aiguë aujourd’hui dans des pays comme la Chine, le Mexique, Cuba et le Chili.

    La fraction progressiste de la bourgeoisie nationale de ces pays semi-coloniaux et dépendants participe au front uni anti-impérialiste, qui s’oppose aux tentatives de l’impérialisme étranger d’asservir leur peuple.

    Cependant, cela ne s’applique nullement à l’ensemble de la bourgeoisie, car sa fraction réactionnaire, mue par des intérêts de classe étroits et observant avec crainte l’initiative et l’activité croissantes des masses populaires, a trahi son propre peuple et s’est rangée du côté de son ennemi.

    C’est pourquoi les communistes de Chine, d’Amérique latine et des autres pays dépendants où le front uni anti-impérialiste existe ou est en voie de formation, ne masquent en rien les contradictions internes au sein de la bourgeoisie nationale.

    Au contraire, ils combattent les éléments capitulards au sein de la bourgeoisie, dévoilant ainsi à l’ensemble du peuple la volonté de ces derniers de se mettre au service des ennemis de la nation.

    Ce n’est qu’ainsi, par une lutte inébranlable contre les capitulards et les traîtres au sein du front uni anti-impérialiste, que la victoire de leur cause pourra être assurée et que le développement libre, indépendant et démocratique des pays autrefois asservis et dépendants pourra être garanti.

    Dans la situation difficile actuelle, les communistes savent identifier et démasquer les tendances opposées, exploitant celles qui favorisent la lutte de la classe ouvrière et la rapprochent de la victoire.

    Ils sont capables d’identifier le maillon de la chaîne générale du processus historique par lequel toute la chaîne peut être entraînée.

    Ainsi, après la défaite militaire de la France, deux tendances sont apparues parmi les couches de la population qui avaient auparavant soutenu le Front populaire : une partie de la petite bourgeoisie et certaines sections de l’aristocratie ouvrière, démoralisées par la défaite, ont vu leurs anciens idéaux trompés.

    Les échelons supérieurs des exploiteurs de la France contemporaine ont tenté d’exploiter la défaite pour instaurer un régime de réaction pure et dure et d’obscurantisme médiéval.

    Une partie importante des ouvriers et des travailleurs, qui reconnaissent de plus en plus les véritables causes de la défaite de la France, éprouve une haine profonde envers la bourgeoisie qui a trahi le peuple.

    Ils voient la voie de la libération sociale et de la renaissance nationale de la France dans le rétablissement des organisations de classe prolétariennes et du front unique et populaire d’en bas, dans la défense des revendications immédiates des travailleurs et de leurs droits contre les visées de la réaction.

    Il est naturel que les communistes renforcent la deuxième tendance, car ils savent que la renaissance de la France dépendra du succès de la lutte des ouvriers et des travailleurs révolutionnaires contre les traîtres et les capitulards, et de la capacité de l’organisation et de la foi en la victoire de la classe ouvrière à surmonter la fragmentation et le découragement que les forces de la bourgeoisie réactionnaire tentent d’enraciner au sein du mouvement ouvrier et parmi les travailleurs.

    Non seulement dans le mouvement ouvrier français, mais aussi dans celui des autres pays capitalistes, un processus dialectique est récemment devenu particulièrement évident : d’une part, on observe une tendance croissante au socialisme et la conviction que seul l’ordre socialiste peut sauver l’humanité des catastrophes militaires et nationales ; d’autre part, le mouvement ouvrier souffre encore d’une grande faiblesse organisationnelle, causée par la destruction de ses organisations de classe et la politique traîtresse de la social-démocratie.

    Surmonter les contradictions internes du mouvement ouvrier et reconstruire les puissantes organisations de classe du prolétariat pour lutter pour le pain, la paix et la liberté représente une étape décisive dans la lutte pour le socialisme.

    Les communistes démontrent aux travailleurs, dans les situations les plus difficiles et les plus complexes, dans les conditions de la réaction la plus cruelle, que le capitalisme est incapable de résoudre ses contradictions internes, qu’il entraîne et continuera d’entraîner les peuples vers l’abîme de nouvelles guerres, de nouveaux bouleversements et de nouvelles catastrophes.

    Les communistes s’efforcent de convaincre tous les travailleurs honnêtes et les masses laborieuses que le socialisme ne peut triompher que par la lutte des classes.

    C’est pourquoi ils œuvrent sans relâche et avec ténacité pour libérer les travailleurs de l’influence des mythes mensongers de la « paix bourgeoise » et de l’« unité nationale » sous le capitalisme. Ils déclarent une guerre acharnée à la social-démocratie, idéologie étrangère et nuisible à la classe ouvrière.

    Ils savent que tant que le capitalisme existera, la bourgeoisie continuera de tenter de corrompre, de semer la discorde et de tromper certaines couches de la population laborieuse.

    Ils sont également convaincus que la victoire du nouveau système socialiste ne pourra se faire par des concessions et une réconciliation avec la social-démocratie, mais seulement par une lutte décisive contre la social-démocratie et les autres influences bourgeoises au sein du mouvement ouvrier.

    La caractéristique distinctive de la méthode marxiste, dont Lénine et Staline furent les pionniers, réside dans son caractère créatif.

    De nombreux théoriciens de la Deuxième Internationale se qualifiaient de dialecticiens, mais, appliquant la formule dialectique de Marx et d’Engels et suivant la lettre du marxisme, ils en ont déformé l’esprit, refusant de prendre en compte les nouvelles conditions de la vie sociale et les avancées scientifiques les plus récentes.

    Même des propagandistes et théoriciens du marxisme aussi connus que Plékhanov en Russie et Paul Lafargue et Wilhelm Liebknecht en Occident n’ont pas su appliquer la théorie marxiste aux nouvelles conditions historiques.

    Ils n’ont pas compris que la lutte des contradictions internes de la vie sociale s’intensifie sous l’impérialisme, rendant possible la rupture de la chaîne impérialiste, d’abord à l’un de ses maillons, et que, d’autre part, le renversement simultané du capitalisme dans tous les pays est d’ores et déjà devenu impossible.

    Ils n’ont pas reconnu que le développement de la lutte de classe du prolétariat créait des formes nouvelles et supérieures et ont continué à supposer que la forme étatique de la dictature du prolétariat serait une république parlementaire.

    Ces marxistes n’ont pas considéré qu’outre les conditions matérielles qui jouent un rôle déterminant dans la vie sociale, le facteur subjectif est d’une importance capitale pour le développement de la société : l’unité et l’organisation de la classe ouvrière, son éducation dans l’esprit de l’idée progressiste et révolutionnaire, puissant moyen de transformation de la société.

    Ils n’ont pas perçu le danger idéaliste que recelait la crise des sciences naturelles modernes.

    Ils ont continué à combattre le courant antimatérialiste en s’appuyant sur les vieux arguments des XVIIIe et XIXe siècles, c’est-à-dire à partir du vieux matérialisme mécaniste, et ont, dans de nombreux cas, reculé vers l’idéalisme le plus extrême.

    Seuls Lénine et Staline ont su développer le marxisme dans son ensemble et sa philosophie – le matérialisme dialectique – dans des conditions historiques nouvelles. Ils ont étroitement lié le développement de la dialectique marxiste à la défense du matérialisme philosophique contre les théories idéalistes les plus récentes.

    Lénine et Staline, qui ont développé la dialectique matérialiste, ont prouvé que, dans les nouvelles conditions historiques, à l’ère de l’impérialisme, la victoire du socialisme est initialement possible dans plusieurs pays, voire dans un seul.

    Ils ont démontré que ce pays peut aussi être un pays qui n’a pas atteint un niveau élevé de développement des forces productives, si les contradictions de l’impérialisme s’y aggravent fortement, si sa classe ouvrière est au plus haut niveau de révolution et d’organisation.

    Ils ont élaboré la théorie des conditions et des possibilités de la victoire du socialisme dans un pays encerclé par le capitalisme ; ils ont mis au premier plan la dictature du prolétariat, c’est-à-dire que la construction du socialisme, l’épanouissement réel de la démocratie populaire et l’éducation des larges masses populaires à la conscience communiste.

    Le camarade Staline a brillamment exprimé le contenu philosophique de ce grand processus historique dans son ouvrage « Sur le matérialisme dialectique et historique » :

    « Sur la base du conflit entre les nouvelles forces productives et les anciens rapports de production, sur la base des nouveaux besoins économiques de la société, de nouvelles idées sociales surgissent.

    Ces idées nouvelles organisent et mobilisent les masses.

    Celles-ci s’unissent en une nouvelle armée politique, créent un nouveau pouvoir révolutionnaire et l’utilisent pour éliminer par la force les anciennes conditions dans les rapports de production et pour établir et consolider de nouvelles conditions.

    Le processus élémentaire de développement cède la place à l’activité consciente des individus, le développement pacifique au développement violent, l’évolution de la révolution. »

    Les communistes de tous les pays apprennent du camarade Staline l’élaboration créative de la méthode dialectique marxiste et son application aux conditions actuelles. Ils savent que les dirigeants de la classe ouvrière, les dirigeants des partis, qui s’accrochent aux thèses marxistes apprises par cœur et les transforment en dogmes, qui ne tiennent pas compte des nouvelles conditions historiques, perdent leurs repères et s’écartent du droit chemin.

    Ce fut le cas, par exemple, au début de la deuxième guerre impérialiste, de certains responsables communistes qui, n’ayant pas saisi le tournant de la situation internationale, n’ayant pas suffisamment saisi le caractère impérialiste de la guerre, n’en tirèrent pas immédiatement les conclusions politiques nécessaires, mais, face à cette situation déjà modifiée, répétèrent les vieux slogans et thèses concernant l’agression et les agresseurs.

    Mais les partis communistes des pays capitalistes ont correctement qualifié la guerre actuelle de guerre impérialiste et ont développé leurs slogans tactiques en fonction des nouvelles conditions historiques.

    Ne dérogeant jamais aux principes du marxisme, les communistes n’hésitent pas à modifier leurs slogans tactiques et leurs formes d’organisation lorsque la situation historique évolue.

    La force du marxisme créatif réside dans le fait que le parti marxiste-léniniste, découvrant les lois caractérisant le monde matériel et étudiant les lois du développement social, ne pose à l’humanité que les tâches qu’il est capable de résoudre.

    Les dirigeants de la classe ouvrière, Marx, Engels, Lénine et Staline, ont toujours lutté contre les philistins opportunistes, habitués à suivre l’histoire et à ne se concentrer que sur les événements qui se déroulaient autour d’eux.

    Dans le même temps, ils ont démasqué les « phraséologues » et les aventuriers qui voient la vie sociale comme le théâtre de « miracles » prétendument accomplis par des figures dominantes, par leur volonté débridée, contrairement aux lois de l’histoire.

    Les communistes, partant des tâches fondamentales générales du prolétariat international, étudient les spécificités et les particularités des conditions dans lesquelles la classe ouvrière de tel ou tel pays doit réaliser les tâches qui lui sont posées, et ils s’opposent résolument au « saut [au sens d’un raccourci] » d’une étape inachevée de développement.

    Lorsqu’en Espagne, pendant la guerre populaire révolutionnaire, les trotskistes et les anarchistes tentèrent d’aliéner la paysannerie de la classe ouvrière, dissimulant leurs arrière-pensées derrière des discours sur la collectivisation de l’agriculture, le Parti Communiste d’Espagne dénonça ces aventures provocatrices des ennemis du peuple espagnol.

    Les communistes espagnols, suivant les enseignements de Staline, procédèrent d’une analyse rigoureuse et globale de la réalité matérielle : ils savaient que les conditions nécessaires à la collectivisation de l’agriculture n’étaient pas réunies dans l’Espagne républicaine.

    C’est pourquoi ils s’opposèrent si résolument aux provocations trotskistes-anarchistes.

    Le Parti Communiste de Chine a mené une lutte non moins acharnée contre les trotskistes, réalisant que les slogans provocateurs, aventureux et démagogiques des trotskistes — par exemple, sur la création d’organes de dictature prolétarienne, etc. — pouvaient conduire à la chute de la cause de la classe ouvrière et de tous les travailleurs en Chine, qu’ils faisaient le jeu de l’ennemi.

    La force du marxisme créateur réside dans le fait que, s’appuyant sur la compréhension des lois du développement de la nature et de la société, le parti marxiste-léniniste prédit scientifiquement le cours futur du développement historique à tout moment et s’oriente vers le nouveau qui, né au sein de l’ancien, se développe et progresse irrésistiblement.

    Marx et Engels, forts de leur connaissance approfondie de l’évolution de la société capitaliste, pressentaient déjà que le capitalisme entrait dans une ère de guerres de rapine, que seule la classe ouvrière, menant les masses, pouvait mettre fin.

    Un exemple classique de prévoyance scientifique à notre époque nous a été fourni par le grand successeur de la cause Marx-Engels-Lénine, génie de la lutte révolutionnaire, maître de la dialectique matérialiste, le camarade Staline.

    C’est ainsi qu’il s’exprimait il y a deux ans dans son rapport au XVIIIe Congrès de l’Union soviétique.

    Lors du 19e Congrès du Parti, il a déclaré, à propos du travail du Comité central du PCUS(b), que

    « le grand et dangereux jeu politique engagé par les partisans de la politique de non-intervention se soldera par un grave fiasco pour eux.»

    Le cours des événements a pleinement confirmé le pronostic scientifique du dirigeant du peuple, le camarade Staline.

    L’intérêt immense et extraordinaire de l’humanité progressiste pour l’ouvrage du camarade Staline « Sur le matérialisme dialectique et historique » s’explique avant tout par le fait que, dans cet ouvrage philosophique, le camarade Staline dresse un tableau du développement progressif de la société et prouve que le communisme, système rêvé par des millions de personnes, est l’aboutissement logique et inéluctable du développement de la société qui obéit à des lois.

    Le camarade Staline a insufflé aux hommes d’avant-garde de la classe ouvrière, aux travailleurs et aux meilleurs représentants de l’intelligentsia des pays capitalistes la confiance dans la force et la puissance du savoir humain, dans la force et la puissance de l’activité pratique des hommes : il a démontré que le processus incessant de la technique et de la science s’est vu offrir des perspectives de développement extraordinaires sous le socialisme.

    Le camarade Staline a ouvert un vaste champ à l’activité fructueuse de la science et de l’art ; il a démasqué la théorie pseudo-scientifique et bourgeoise des « limites du savoir humain » et de l’« incapacité » de l’homme à modifier les phénomènes naturels.

    Les grands esprits de l’humanité progressiste ont un exemple vivant de pensée scientifique en Union soviétique, où des succès inimaginables ont été remportés dans la transformation du monde végétal (Mitchourine, Lyssenko, Tsitsine), dans la conquête de l’Arctique, dans le domaine de la fragmentation atomique, dans la production de l’hélium liquide (Kapitsa), etc.

    Le camarade Staline a fourni dans son œuvre un exemple classique de prospective scientifique, démontrant l’inévitabilité de la nouvelle crise du capitalisme et de la nouvelle guerre impérialiste, ainsi que, parallèlement, la victoire inéluctable de la classe ouvrière qui se soulève.

    La justesse des conclusions philosophiques du camarade Staline est confirmée par la vie elle-même sous le capitalisme. La logique même du développement social, qui exige avec une acharnement de fer le remplacement de l’ancien ordre dépassé par un nouvel ordre, confirme la volonté des masses, qui commencent à entrevoir la voie à suivre pour sortir des souffrances et des catastrophes causées par le capitalisme.

    Les efforts de la réaction bourgeoise pour dissimuler à la classe ouvrière et aux travailleurs la vérité essentielle des enseignements de Marx, Engels, Lénine et Staline sont vains.

    La bourgeoisie peut se déchaîner, mentir et tromper, mais elle ne peut barrer la voie aux idées révolutionnaires ; elle est incapable d’empêcher les ouvriers et les travailleurs avancés de suivre les grands enseignements qui ont déjà triomphé sur un sixième de la planète et qui guident des millions de personnes dans tous les pays encore sous domination capitaliste.

  • Résolution du Kominform sur la défense de la Paix et la lutte contre les fauteurs de guerre


    La défense de la Paix et la lutte contre les fauteurs de guerre

    Novembre 1949

    Les représentants du Parti communiste de Bulgarie, du Parti ouvrier roumain, du Parti des travailleurs hongrois, du Parti ouvrier unifié de Pologne, du Parti communiste bolchevik de l’U.R.S.S., du Parti communiste français, du Parti communiste de Tchécoslovaquie et du Parti communiste italien, après avoir discuté de la défense de la paix et de la lutte contre les fauteurs de guerre, sont arrivés à un accord unanime sur les conclusions suivantes.

    Les événements des deux dernières années ont pleinement confirmé la justesse de l’analyse de la situation internationale donnée par le Bureau d’information des Partis communistes et ouvriers dans sa première conférence, en septembre 1947.

    Au cours de cette période, deux lignes se sont dessinées plus nettement encore dans la politique mondiale : celle du camp démocratique, anti-impérialiste, ayant à sa tête l’U.R.S.S, du camp qui mène une lutte persévérante et conséquente pour la paix entre les peuples, pour la démocratie, et celle du camp impérialiste, anti-démocratique, ayant à sa tête les cercles dirigeants des États-Unis d’Amérique, du camp qui a pour but principal d’établir par la violence la domination anglo-américaine sur le monde, d’asservir les autres pays et les autres peuples, d’écraser la démocratie et de déclencher une nouvelle guerre.

    En même temps, le camp impérialiste devient de plus en plus agressif. Les cercles dirigeants des États-Unis d’Amérique et de Grande-Bretagne mènent ouvertement une politique d’agression et de préparation d’une nouvelle guerre.

    Dans la lutte contre le camp de l’impérialisme et de la guerre, les forces de paix, de démocratie et de socialisme ont grandi et se sont fortifiées. Le développement continu de la puissance de l’Union Soviétique, la consolidation politique et économique des pays de démocratie populaire et leur entrée dans la voie de l’édification socialiste, la victoire historique de la Révolution populaire chinoise sur les forces conjuguées de la réaction intérieure et de l’impérialisme américain, la création de la République démocratique allemande, la consolidation des partis communistes et le développement du mouvement ouvrier et démocratique dans les pays capitalistes, l’ampleur immense du mouvement des partisans de la paix, tout cela marque un élargissement et un renforcement sérieux du camp anti-impérialiste et démocratique.

    En même temps, le camp impérialiste et anti-démocratique s’affaiblit.

    Les succès des forces de démocratie et de socialisme, le fait que la crise économique mûrit, l’aggravation continue de la crise générale du système capitaliste, l’aggravation des contradictions intérieures et extérieures de ce système attestent l’affaiblissement croissant de l’impérialisme.

    Les changements survenus dans le rapport des forces sur l’arène internationale en faveur du camp de la paix et de la démocratie provoquent la rage des fauteurs de guerre impérialistes.

    Les impérialistes anglo-américains comptent, par la guerre, changer le cours du développement historique, résoudre leurs contradictions et leurs difficultés intérieures et extérieures, consolider les positions du capital monopolise et accéder à la domination mondiale.

    Sentant que le temps travaille contre eux, les impérialistes forgent avec une hâte fébrile différents blocs et alliances des forces réactionnaires pour la réalisation de leurs plans d’agression.

    TOUTE la politique du bloc impérialiste anglo-américain sert à préparer une nouvelle guerre.

    Elle s’exprime par la mise en échec du règlement pacifique des relations avec l’Allemagne et le Japon, par l’achèvement du démembrement de l’Allemagne, par la transformation des zones occidentales de l’Allemagne et du Japon occupé par les troupes américaines en pépinières du fascisme, de l’esprit revanchard et en places d’armes pour la réalisation des plans d’agression de ce bloc.

    C’est à cette politique que servent le plan Marshall d’asservissement et sa suite directe, l’Union occidentale et le bloc militaire de l’Atlantique-nord, dirigés contre tous les peuples épris de paix ; c’est à cette politique que servent la course effrénée aux armements aux États-Unis d’Amérique et dans les pays de l’Europe occidentale, le gonflement des budgets de guerre et l’extension du réseau des bases militaires américaines.

    Cette politique s’exprime aussi dans le refus opposé par le bloc anglo-américain à l’interdiction de l’arme atomique, bien que la légende du monopole atomique américain se soit effondrée, et dans l’excitation extrême de l’hystérie belliciste.

    Toute la ligne du bloc anglo-américain à l’Organisation des Nations Unies, ligne visant à saper l’O.N.U. et à en faire l’instrument des monopoles américains, est déterminée par cette politique.

    La politique de déclenchement d’une nouvelle guerre par les impérialistes s’est également exprimée par le complot dévoilé au procès dé Rajk et de Brankov à Budapest, complot organisé par les milieux anglo-américains contre les pays de démocratie populaire et l’Union soviétique avec l’aide de la clique nationaliste et fasciste de Tito, devenue une officine de la réaction impérialiste internationale.

    La politique de préparation d’une nouvelle guerre signifie pour les masses populaires des pays capitalistes un accroissement ininterrompu d’insupportables charges fiscales, l’aggravation de la misère des masses laborieuses parallèlement à l’augmentation fabuleuse des surproduits des monopoles qui s’enrichissent dans la course aux armements.

    Le fait que la crise économique mûrit apporte aux travailleurs des pays capitalistes une misère accrue, le chômage et la faim, l’angoisse du lendemain.

    En même temps, la politique de préparation a la guerre est liée aux atteintes incessantes portées par les cercles impérialistes dirigeants aux droits vitaux élémentaires et aux libertés démocratiques des masses populaires, à l’accentuation de la réaction dans tous les domaines de la vie sociale, politique et idéologique, à l’emploi des méthodes de répression fascistes à l’égard des forces progressistes et démocratiques des peuples.

    Par ces mesures, la bourgeoisie impérialiste essaie de préparer ses arrières pour une guerre de brigandage.

    Ainsi, de même qu’hier les agresseurs fascistes, le bloc anglo-américain prépare une nouvelle guerre dans tous les domaines : mesures militaires et stratégiques, pression et chantage politiques, expansion économique et asservissement des peuples, abrutissement idéologique des masses et accentuation de la réaction.

    Les potentats de l’impérialisme américain édifient leurs plans de déclenchement d’une nouvelle guerre mondiale et d’accession à la domination mondiale sans tenir compte du rapport réel des forces entre le camp de l’impérialisme et le camp du socialisme.

    Leurs plans de domination mondiale ont encore moins de fondement et sont encore plus aventureux que les plans des hitlériens et des impérialistes japonais.

    Manifestement, les impérialistes américains surestiment leurs forces et sous-estiment la force et l’organisation grandissante du camp anti-impérialiste.

    ACTUELLEMENT, la situation historique diffère radicalement de celle dans laquelle a été préparée la deuxième guerre mondiale et, dans les conditions internationales présentes, les fauteurs de guerre auront incomparablement plus de mal à mettre leurs plans sanglants à exécution.

    « Les horreurs de la guerre récente sont encore trop présentes à la mémoire des peuples et les forces sociales qui sont pour la paix sont trop grandes pour que les disciples de Churchill en matière d’agression puissent en triompher et les diriger dans le sens d’une guerre nouvelle » (J. STALINE)

    Les peuples ne veulent pas la guerre, ils haïssent la guerre. Ils ont de plus en plus conscience de l’abîme effrayant dans lequel les impérialistes essaient de les entraîner.

    La lutte instable de l’Union soviétique, des pays de démocratie populaire et du mouvement démocratique international pour la paix, pour la liberté et l’indépendance des peuples, contre les fauteurs de guerre, reçoit chaque jour un soutien plus puissant des couches les plus larges de la population de tous les pays du monde.

    D’où le développement d’un puissant mouvement des partisans de la paix.

    Ce mouvement, qui rassemble dans ses rangs plus de 600 millions d’hommes, s’élargit et grandit, englobant tous les pays du monde et entraînant dans ses rangs des combattants toujours nouveaux contre la menace de guerre.

    Le mouvement des partisans de la paix est l’indice évident que les masses populaires prennent en main la défense de la paix, en affirmant leur volonté inébranlable de sauvegarder la paix et de prévenir la guerre.

    Cependant, il serait faux et nuisible à la cause de la paix de sous-estimer le danger de la nouvelle guerre que préparent les puissances impérialistes, États-Unis d’Amérique et Grande-Bretagne en tête.

    Le développement immense des forces du camp de la démocratie et du socialisme ne doit susciter aucune quiétude dans les rangs des vrais combattants de la paix.

    Ce serait une erreur profonde et impardonnable de croire que la menace de guerre aurait diminué.

    L’expérience de l’histoire montre que plus la cause de la réaction impérialiste est désespérée, plus celle-ci devient furieuse et plus grandit le danger d’aventures militaires.

    Seules, la plus grande vigilance des peuples, leur ferme résolution de lutter activement de toutes leurs forces et par tous les moyens pour la paix conduiront à la faillite des projets criminels des fauteurs d’une nouvelle guerre.

    Dans cette situation où la menace d’une nouvelle guerre augmente de plus en plus, les partis communistes et ouvriers ont une grande responsabilité devant l’histoire.

    La lutte pour une paix solide et durable, pour l’organisation et le rassemblement des forces de paix contre les forces de guerre doit être, à l’heure actuelle, au centre de toute l’activité des partis communistes et des organisations démocratiques.

    Pour remplir cette grande et noble mission : sauver l’humanité de la menace d’une nouvelle guerre, les représentants des partis communistes et ouvriers considèrent comme primordiales les tâches suivantes :

    1. Il faut travailler avec encore plus d’opiniâtreté à l’élargissement et à la consolidation organique du mouvement des partisans de la paix en y entraînant des couches toujours nouvelles, en en faisant un mouvement de l’ensemble du peuple.

    Il faut se préoccuper particulièrement d’entraîner dans le mouvement des partisans de la paix les syndicats, les organisations de femmes, de jeunes, les organisations coopératives, sportives, culturelles et éducatives, religieuses et autres, ainsi que les savants, les écrivains, les journalistes, les intellectuels, les parlementaires et autres personnalités politiques et sociales qui interviennent pour la défense de la paix, contre la guerre.

    Aujourd’hui s’impose avec une force particulière la tâche de rassembler tous les partisans honnêtes de la paix, sans distinction de croyances religieuses, d’opinions politiques et d’appartenance de parti, sur la plus large plate-forme de lutte pour la paix, contre la menace d’une nouvelle guerre qui pèse sur l’humanité.

    2. Pour continuer à développer le mouvement des partisans de la paix, il est d’une importance décisive que la classe ouvrière participe de plus en plus activement à ce mouvement, qu’elle resserre ses rangs et qu’elle s’unisse.

    C’est pourquoi la première tâche des partis communistes et ouvriers consiste à entraîner dans les rangs des combattants de la paix les couches les plus larges de la classe ouvrière, à créer une unité solide de la classe ouvrière, à organiser les actions communes des divers détachements du prolétariat sur une base commune de lutte pour la paix et l’indépendance nationale de leur pays.

    3. L’unité de la classe ouvrière ne peut s’obtenir que par une lutte résolue contre les socialistes de droite, diviseurs et désorganisateurs du mouvement ouvrier.

    Les socialistes de droite à la Bevin, Attlee, Blum, Guy Mollet, Spaak, Schumacher, Renner, Saragat, et les chefs syndicaux réactionnaires dans le genre de Green, de Carrey, de Deakin, qui font une politique anti-populaire de division, sont les principaux ennemis de l’unité de la classe ouvrière, les complices des fauteurs de guerre et les serviteurs de l’impérialisme ; ils couvrent leur trahison d’une phraséologie cosmopolite pseudo-socialiste.

    Les partis communistes et ouvriers doivent, en luttant sans trêve pour la paix, dénoncer quotidiennement les chefs socialistes de droite comme les pires ennemis de la paix.

    Il faut développer et consolider par tous les moyens la collaboration et l’unité d’action avec les organisations et les adhérents de base des partis socialistes, soutenir tous les éléments réellement honnêtes dans les rangs de ces partis en leur expliquant combien la politique des dirigeants réactionnaires de droite est pernicieuse.

    4. Les partis communistes et ouvriers doivent opposer à la propagande haineuse des agresseurs, qui s’efforcent de transformer les pays d’Europe et d’Asie en champs de bataille sanglants, la plus large propagande en faveur d’une paix solide et durable entre les peuples ; ils doivent dénoncer inlassablement les blocs et les alliances politiques et militaires de caractère agressif (en premier lieu l’Union occidentale et le bloc de l’Atlantique-nord) ; ils doivent expliquer largement qu’une nouvelle guerre apporterait aux peuples des détresses terribles entre toutes et des destructions colossales et que la lutte contre la guerre et la défense de la paix est l’affaire de tous les peuples du monde.

    Il faut faire en sorte que la propagande belliciste, que la propagande de la haine raciale et de l’hostilité entre les peuples, faite par les agents de l’impérialisme anglo-américain, se heurte à une condamnation impitoyable de toute l’opinion publique démocratique dans chaque pays. Il faut faire en sorte qu’aucune entreprise des propagandistes d’une nouvelle guerre ne reste sans riposte de la part des partisans honnêtes de la paix.

    5. Recourir largement aux nouvelles formes, efficaces et éprouvées, de lutte de masse pour la paix, telles que les comités de défense de la paix à la ville et à la campagne, l’organisation de pétitions et de protestations, de consultations populaires, qui ont été appliquées par la Conférence des Partis communistes dans une ample mesure en France et en Italie.

    L’édition et la diffusion de littérature dénonçant les préparatifs de guerre, la collecte de fonds pour soutenir la lutte pour la paix, l’organisation du boycott des films, des journaux, des livres, des revues, des campagnes radiophoniques, des institutions et des personnalités qui font de la propagande en faveur d’une nouvelle guerre, tout cela constitue une tâche des plus importantes pour les partis communistes et ouvriers.

    6. Les partis communistes et ouvriers des pays capitalistes considèrent de leur devoir de fusionner la lutte pour l’indépendance nationale et la lutte pour la paix ; de dénoncer inlassablement le caractère antinational, le caractère de trahison de la politique des gouvernements bourgeois devenus les commis avoués de l’impérialisme agressif d’Amérique ; d’unir et de rassembler toutes les forces démocratiques et patriotiques du pays autour des mots d’ordre d’abolition de l’asservissement ignominieux aux monopoles américains et de retour, à l’extérieur et à l’intérieur, à une politique indépendante répondant aux intérêts nationaux des peuples.

    Il faut rassembler les masses populaires les plus larges des pays capitalistes pour défendre les droits et les libertés démocratiques, en leur expliquant sans trêve que la défense de la paix est indissolublement liée à la défense des intérêts vitaux de la classe ouvrière et des masses laborieuses, à la défense de leurs droits économiques et politiques.

    Des tâches importantes incombent aux partis communistes de France, d’Italie, de Grande-Bretagne, d’Allemagne occidentale et des autres pays dont les impérialistes américains veulent utiliser les peuples comme chair à canon pour réaliser leurs plans d’agression.

    Ils doivent développer avec une force accrue la lutte pour la paix, la lutte pour faire échouer les projets criminels des fauteurs de guerre anglo-américains.

    7. Les partis communistes et ouvriers des pays de démocratie populaire et de l’Union soviétique ont pour tâche, en même temps qu’ils dénoncent les fauteurs de guerre impérialistes et leurs complices, de continuer à consolider le camp de la paix et du socialisme pour la défense de la paix et de la sécurité des peuples.

    8. Les impérialistes anglo-américains réservent un rôle important à la clique nationaliste de Tito qui a pria du service dans les organismes d’espionnage des impérialistes, pour réaliser leurs plans d’agression, en particulier dans l’Europe du centre et du sud-est.

    La défense de la paix et la lutte contre les fauteurs de guerre exigent que l’on continue à dénoncer cette clique, passée dans le camp des pires ennemis de la paix, de la démocratie et du socialisme, dans le camp de l’impérialisme et du fascisme.

    Il s’est constitué, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, un front organisé de la paix, ayant à sa tête l’Union soviétique, rempart et champion de la paix dans le monde entier.

    L’appel courageux des partis communistes proclamant que jamais les peuples ne feront la guerre au premier pays socialiste du monde, l’Union soviétique, gagne de plus en plus largement dans les masses populaires des pays capitalistes.

    Pendant la guerre contre le fascisme, les partis communistes ont été l’avant-garde de la résistance des peuples aux envahisseurs; dans la période d’après-guerre, les partis communistes et ouvriers sont les champions d’avant-garde des intérêts vitaux de leurs peuples, contre une nouvelle guerre.

    Rassemblés sous la direction de la classe ouvrière, tous les adversaires d’une nouvelle guerre, le monde du travail, de la science, de la culture, forment un front puissant de la paix, capable de faire échouer les projets criminels des impérialistes.

    De l’énergie et de l’initiative des partis communistes dépend, pour beaucoup, l’issue de la lutte gigantesque et toujours plus ardente pour la paix.

    Il est possible de faire échouer les plans des fauteurs de guerre. Il dépend avant tout des communistes, combattants d’avant-garde, de faire de cette possibilité une réalité.

    Les forces de la démocratie, les forces des partisans de la paix dépassent de beaucoup les forces de la réaction.

    Il s’agit maintenant de porter à un degré plus élevé encore la vigilance des peuples à l’égard des fauteurs de guerre, d’organiser et de rassembler les larges masses populaires dans une lutte active pour la défense de la paix, au nom des intérêts vitaux des peuples, au nom de leur vie et de leur liberté.


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  • Résolution du Kominform sur le Parti communiste yougoslave au pouvoir des assassins et des espions


    Le Parti communiste yougoslave au pouvoir des assassins et des espions

    Novembre 1949

    Après avoir discuté de la question : « Le Parti communiste yougoslave au pouvoir des assassins et des espions« , le Bureau d’information, composé des représentants du Parti communiste bulgare, du Parti ouvrier roumain, du Parti des travailleurs hongrois, du Parti ouvrier unifié de Pologne, du Parti communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., du Parti communiste français, du Parti communiste de Tchécoslovaquie et du Parti communiste italien, est arrivé à un accord unanime sur les conclusions suivantes.

    Si, dans sa conférence de juin 1948, le Bureau d’information des partis communistes a constaté le passage de la clique Tito-Rankovitch de la démocratie et du socialisme au nationalisme bourgeois, la période écoulée depuis cette conférence du Bureau d’information a vu s’achever le passage de cette clique du nationalisme bourgeois au fascisme et à la trahison directe des intérêts nationaux de la Yougoslavie.

    Les événements des derniers temps ont montré que le gouvernement yougoslave se trouve dans l’entière dépendance des cercles impérialistes étrangers et s’est transformé en un instrument de leur politique agressive, ce qui a abouti à la liquidation de l’indépendance et de la souveraineté de la République yougoslave.

    Le Comité central du Parti communiste et le gouvernement de Yougoslavie se sont liés complètement aux cercles impérialistes contre l’ensemble du camp du socialisme et de la démocratie, contre les partis communistes du monde entier, contre les pays de démocratie populaire et l’U.R.S.S.

    La clique des espions et des assassins à gages de Belgrade s’est ouvertement acoquinée avec la réaction impérialiste et s’est mise à son service, ainsi que l’a révélé en toute clarté le procès de Rajk et de Brankov à Budapest.

    Ce procès a montré que les gouvernants yougoslaves actuels sont passés du camp de la démocratie et du socialisme à celui du capitalisme et de la réaction, sont devenus les complices directs des fauteurs d’une nouvelle guerre et s’efforcent, par leurs actes de trahison, de mériter les louanges et de gagner les faveurs des impérialistes.

    Le passage de la clique Tito au fascisme n’est pas l’effet du hasard ; il s’est effectué sur l’ordre des maîtres de cette clique, les impérialistes anglo-américains, à la solde desquels elle est depuis longtemps, ainsi que cela vient d’être révélé.

    C’est pour exécuter la volonté des impérialistes que les traîtres yougoslaves se sont assignés le but de créer, dans les pays de démocratie populaire, des bandes politiques composées d’éléments réactionnaires, nationalistes, cléricaux et fascistes, afin de faire, avec leur appui, des coups d’État contre-révolutionnaires dans ces pays, de détacher ces pays de l’Union soviétique et de tout le camp socialiste et de les soumettre aux forces de l’impérialisme.

    La clique Tito a fait de Belgrade un centre américain d’espionnage et de propagande anticommuniste.

    Alors que tous les véritables amis de la paix, de la démocratie et du socialisme voient en l’U.R.S.S. la puissante forteresse du socialisme, le défenseur fidèle et inébranlable de la liberté et de l’indépendance des peuples, le principal soutien de la paix, la clique Tito-Rankovitch, qui s’est hissée au pouvoir en prenant le masque de l’amitié avec l’U.R.S.S., a fait, sur l’ordre des impérialistes anglo-américains, une campagne calomnieuse et provocatrice contre l’Union soviétique en se servant des inventions les plus infâmes qu’elle a reprises dans l’arsenal des hitlériens.

    La transformation de la clique Tito-Rankovitch en officine directe de l’impérialisme, en complice des fauteurs de guerre, a trouvé son couronnement dans l’adhésion déclarée du gouvernement yougoslave au bloc impérialiste dans le sein de l’Organisation des Nations Unies, où les Kardelj, les Djilas et les Bebler réalisent le front unique avec les réactionnaires américains sur les questions de politique international les plus importantes.

    Dans le domaine de la politique intérieure, le principal résultat de l’activité de la clique traîtresse Tito-Rankovitch est la liquidation de fait du régime de démocratie populaire en Yougoslavie.

    Par suite de la politique contre-révolutionnaire de la clique Tito-Rankovitch, qui a usurpé le pouvoir dans le parti et dans l’État, un régime d’État policier et anticommuniste, de type fasciste, a été instauré en Yougoslavie.

    La base sociale de ce régime, ce sont les koulaks à la campagne et les éléments capitalistes à la ville.

    En Yougoslavie, le pouvoir se trouve en fait aux mains des éléments anti-populaires, réactionnaires.

    Des militants des anciens partis bourgeois, des koulaks et autres éléments hostiles à la démocratie populaire, sont à l’œuvre dans les organismes locaux et centraux.

    La clique fasciste gouvernante s’appuie sur un appareil policier et militaire démesurément gonflé, à l’aide duquel elle opprime les peuples yougoslaves, elle a transformé le pays en un camp militaire, elle a aboli les droits démocratiques des travailleurs et elle foule aux pieds toute libre expression de la pensée.

    Les gouvernants yougoslaves trompent le peuple avec une démagogie effrontée en prétendant faussement qu’ils édifient le socialisme en Yougoslavie.

    En fait, il est clair pour tout marxiste qu’il ne peut nullement être question d’édifier le socialisme en Yougoslavie du moment que la clique Tito a rompu avec l’Union soviétique, avec le camp entier du socialisme et de la démocratie, privant ainsi la Yougoslavie de son principal appui pour édifier le socialisme, du moment que cette clique a soumis le pays, au point de vue économique et politique, aux impérialistes anglo-américains.

    Le secteur d’État, dans l’économie de la Yougoslavie, a cessé d’être le bien du peuple, puisque le pouvoir d’Etat se trouve aux mains des ennemis du peuple.

    La clique Tito-Rankovitch a donné de larges possibilités au capital étranger pour pénétrer dans l’économie du pays qu’elle a placée sons le contrôle des monopoles capitalistes.

    En investissant leurs capitaux dans l’économie yougoslave, les cercles industriels et financiers anglo-américains transforment la Yougoslavie en une dépendance qui fournit des produits agricoles et des matières premières au capital étranger.

    L’asservissement de plus en plus net de la Yougoslavie à l’impérialisme aboutit au renforcement de l’exploitation de la classe ouvrière et à l’aggravation brutale de sa situation matérielle.

    La politique des gouvernants yougoslaves à la campagne revêt un caractère koulak et capitaliste.

    Les pseudo-coopératives, organisées à la campagne par voie d’autorité, se trouvent aux mains des koulaks et de leurs agents et sont une machine à exploiter les grandes masses de paysans travailleurs.

    Après s’être emparés de la direction du Parti communiste yougoslave, les mercenaires yougoslaves de l’impérialisme ont déclenché une campagne terroriste contre les vrais communistes qui sont fidèles aux principes du marxisme-léninisme et qui combattent pour l’indépendance de la Yougoslavie à l’égard des impérialistes.

    Des milliers de patriotes yougoslaves fidèles au communisme ont été exclus du Parti, jetés en prison ou au camp de concentration, et nombre d’entre eux ont été torturés à mort et tués en prison ou traîtreusement assassinés, comme le communiste yougoslave bien connu, Arso Iovanovitch.

    La cruauté avec laquelle on extermine ceux qui, en Yougoslavie, continuent à combattre fermement pour le communisme, n’a d’égale que celle des fascistes hitlériens ou des bourreaux de Tsaldaris en Grèce et de Franco en Espagne.

    Tandis qu’ils excluent des rangs du Parti les communistes restés fidèles à l’internationalisme prolétarien, tandis qu’ils les exterminent, les fascistes yougoslaves ont ouvert toutes grandes les portes du Parti aux éléments bourgeois et koulaks.

    Par suite de la terreur fasciste exercée par la bande de Tito contre les forces saines du Parti communiste yougoslave, la direction du Parti communiste yougoslave s’est trouvée tout entière aux mains des espions et des assassins, mercenaires de l’impérialisme.

    Le Parti est tombé au pouvoir des forces contre-révolutionnaires, qui agissent arbitrairement en son nom.

    On sait, que de tout temps la bourgeoisie a recruté des espions et des provocateurs dans les rangs des partis de la classe ouvrière.

    C’est par ce procédé que les impérialistes essaient de décomposer ces partis de l’intérieur et de se les soumettre. En Yougoslavie, ils ont réussi à atteindre ce but.

    L’idéologie fasciste, la politique intérieure fasciste de la clique Tito, comme sa politique extérieure de trahison, entièrement subordonnée aux cercles impérialistes étrangers, ont irrémédiablement opposé la clique des espions fascistes Tito-Rankovitch aux intérêts fondamentaux des peuples yougoslaves épris de liberté.

    C’est pourquoi l’activité anti-populaire et traîtresse de la clique Tito se heurte de plus en plus à la résistance, tant des communistes restés fidèles au marxisme-léninisme que de la classe ouvrière et de la paysannerie laborieuse de Yougoslavie.

    Partant des faits incontestables qui attestent le passage définitif de la clique Tito au fascisme, la désertion qui l’a conduite dans le camp de l’impérialisme international, le Bureau d’information des partis communistes et ouvriers considère que :

    1. Le groupe d’espions des Tito, Rankovitch, Kardelj,Djilas, Pijade, Gochniak, Maslaritch, Bebler, Mrazovitch, Voukmanovitch, Kotche Popovitch, Kidritch, Nechkovitch, Zlatitch, Velebit, Kolichevski et autres, est l’ennemi de la classe ouvrière et de la paysannerie, l’ennemi des peuples de Yougoslavie.

    2. Ce groupe d’espions ne traduit pas la volonté des peuples de Yougoslavie, mais celle des impérialistes anglo-américains, et c’est pourquoi il a trahi les intérêts du pays et liquidé l’indépendance politique et économique de la Yougoslavie.

    3. Dans sa composition actuelle, le « Parti communiste yougoslave », tombé aux mains des ennemis du peuple, assassins et espions, a perdu le droit de s’intituler parti communiste ; il n’est qu’une machine à exécuter les missions d’espionnage de la clique Tito, Kardelj, Rankovitch et Djilas.

    Le Bureau d’information des partis communistes et ouvriers considère en conséquence que la lutte contre la clique Tito, clique d’espions et d’assassins à gages, est un devoir international pour tous les partis communistes et ouvriers.

    Les partis communistes et ouvriers ont pour obligation d’aider au maximum la classe ouvrière et la paysannerie laborieuse de Yougoslavie, qui luttent pour le retour de la Yougoslavie dans le camp de la démocratie et du socialisme.

    Le retour de la Yougoslavie dans le camp socialiste a pour condition indispensable la lutte active des éléments révolutionnaires tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Parti communiste yougoslave, pour la renaissance d’un parti révolutionnaire, véritablement communiste, fidèle au marxisme-léninisme, aux principes de l’internationalisme prolétarien et luttant pour l’indépendance de la Yougoslavie à l’égard de l’impérialisme.

    Empêchées par une terreur fasciste des plus cruelles d’intervenir ouvertement contre la clique Tito-Rankovitch, les forces de Yougoslavie fidèles au communisme ont été obligées de prendre les mêmes méthodes de lutte pour le communisme que les communistes des pays où le travail légal leur est interdit.

    Le Bureau d’information exprime la ferme certitude qu’il se trouvera parmi les ouvriers et les paysans yougoslaves des forces capables de remporter la victoire sur la clique Tito-Rankovitch, clique d’espions et d’artisans de la restauration bourgeoise ; il est certain que, sous la direction de la classe ouvrière, les travailleurs yougoslaves sauront faire revivre les conquêtes historiques de la démocratie populaire, payées par les durs sacrifices et la lutte héroïque des peuples yougoslaves, et qu’ils s’engageront dans la voie de l’édification socialiste.

    Le Bureau d’information considère comme une des tâches principales des partis communistes et ouvriers de renforcer par tous les moyens la vigilance révolutionnaire dans leurs rangs, de dénoncer et d’extirper les éléments nationalistes bourgeois et les agents de l’impérialisme, quel que soit le pavillon dont ils se couvrent.

    Le Bureau d’information estime indispensable de développer le travail idéologique dans les partis communistes et ouvriers, l’éducation des communistes dans l’esprit de fidélité à l’internationalisme prolétarien, d’intransigeance à l’égard de toute déviation des principes du marxisme-léninisme, dans l’esprit de fidélité à la démocratie populaire et au socialisme.


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  • Résolution du Kominform sur l’unité de la classe ouvrière et les tâches des Partis communistes et ouvriers


    L’unité de la classe ouvrière et les tâches des Partis communistes et ouvriers

    Novembre 1949

    La préparation d’une nouvelle guerre par les Impérialistes anglo-américains, la campagne de la réaction bourgeoise contre les droits démocratiques et les intérêts économiques de la classe ouvrière et des masses populaires imposent l’accentuation de la lutte de la classe ouvrière pour le maintien et la consolidation de la paix, pour l’organisation d’une riposte décidée aux fauteurs de guerre et à la poussée de la réaction impérialiste.

    Le gage du succès dans cette lutte, c’est l’unité des rangs de la classe ouvrière.

    L’expérience d’après guerre montre que la politique de division du mouvement ouvrier occupe une des premières places dans l’arsenal des moyens et des procédés tactiques employés par les-impérialistes pour déclencher une nouvelle guerre, pour écraser les forces de la démocratie et du socialisme, pour réduire brutalement le niveau de vie des masses populaires.

    Au cours de toute l’histoire du mouvement ouvrier international, jamais encore l’unité de la classe ouvrière, aussi bien dans chaque pays qu’à l’échelle mondiale, n’avait eu une importance aussi décisive qu’à l’heure actuelle.

    L’unité des rangs de la classe ouvrière est indispensable pour défendre la paix, pour faire échouer les projets criminels des fauteurs de guerre et le complot des impérialistes contre la démocratie et le socialisme, pour empêcher la mise en œuvre de méthodes de domination fascistes, pour opposer une riposte décidée à la campagne du capital monopoliste contre les intérêts vitaux de la classe ouvrière et obtenir l’amélioration de la situation économique des masses laborieuses.

    C’est avant tout par le rassemblement des larges masses de la classe ouvrière, indépendamment de l’appartenance politique, de l’affiliation syndicale et des croyances religieuses, qu’on peut réaliser ces tâches.

    L’unité à la base, tel est le chemin le plus sûr pour rassembler tous les ouvriers en vue de la défense de la paix et de l’indépendance nationale de leurs pays, en vue de la défense des intérêts économiques et des droits démocratiques des travailleurs.

    L’unité de la classe ouvrière peut parfaitement se réaliser en dépit de l’opposition des centres dirigeants des syndicats ou partis qui ont à leur tête des diviseurs et des ennemis de l’unité,

    La période d’après guerre a été marquée par de grands succès dans la liquidation de la division ouvrière et dans le rassemblement de toutes les forces démocratiques ; ces succès se sont traduits par la création de la Fédération syndicale mondiale, de la Fédération démocratique internationale des femmes et de la Fédération mondiale de la jeunesse démocratique, ainsi que par la tenue du Congrès mondial des partisans de la paix.

    Les succès de l’unité s’expriment par le renforcement de la C.G.T. en France, par la création d’une confédération syndicale unique en Italie (C.G.T.I.), par les batailles que livre le prolétariat français et italien.

    Dans les pays de démocratie populaire, des succès historiques ont été remportés dans le domaine de l’unité de la classe ouvrière : il s’est créé des partis uniques de la classe ouvrière, des syndicats uniques, des coopératives uniques, des organisations uniques de jeunes, de femmes et autres.

    Cette unité de la classe ouvrière a contribué d’une façon décisive à assurer l’essor économique et culturel victorieux des pays de démocratie populaire, à garantir le rôle dirigeant de la classe ouvrière dans l’État et l’amélioration radicale de la situation matérielle des masses travailleuses.

    Tout cela montre la puissance du courant qui entraîne les masses ouvrières vers l’unité de leurs rangs et les possibilités réelles qui existent pour créer un front uni de la classe ouvrière contre les forces conjuguées de la réaction, depuis les impérialistes américains jusqu’aux socialistes de droite.

    Les impérialistes américains et anglais et leurs satellites des pays européens cherchent à disloquer et à désorganiser les forces prolétariennes et populaires en comptant particulièrement sur les socialistes de droite et sur les dirigeants syndicaux réactionnaires.

    Sur l’ordre direct des impérialistes américains et anglais, les chefs socialistes de droite et les dirigeants réactionnaires des syndicats introduisent d’en haut la division dans les rangs du mouvement ouvrier, cherchent à détruire les organisations uniques de la classe ouvrière qui avaient été créées après la guerre.

    Ils ont essayé de faire éclater de l’intérieur la Fédération syndicale mondiale ; ils ont organisé le groupement sécessionniste Force ouvrière en France, la prétendue Fédération du travail en Italie ; ils préparent la création d’une centrale syndicale internationale sécessionniste.

    Dans différents pays, des dirigeants d’organisations catholiques ont fait des tentatives dans le même sens.

    Une confirmation pleine et entière a été fournie de l’appréciation donnée par la première conférence du Bureau d’information des partis communistes sur l’activité de trahison des chefs socialistes de droite, les pires ennemis de l’unité de la classe ouvrière et les auxiliaires de l’impérialisme.

    À l’heure actuelle, les socialistes de droite agissent non seulement en qualité d’agents de la bourgeoisie de leurs pays, mais aussi en qualité d’agents de l’impérialisme américain, en transformant les partis social-démocrates des pays européens en partis américains, en instruments directs de l’agression impérialiste des États-Unis.

    Dans les pays où les socialistes de droite font partie du gouvernement (Grande-Bretagne, France, Autriche, pays Scandinaves), ils se font les défenseurs acharnés du plan Marshall, de l’Union occidentale, du Pacte atlantique et de toutes les autres formes d’expansion américaine.

    Ces pseudo-socialistes jouent le rôle le plus infâme dans la persécution des organisations ouvrières et démocratiques qui défendent les intérêts des travailleurs.

    Engagés de plus en plus dans la voie de la trahison des intérêts de la classe ouvrière, de la démocratie et du socialisme, ayant complètement renié la doctrine marxiste, les socialistes de droite se font maintenant les défenseurs et les propagandistes de l’idéologie de brigandage de l’impérialisme américain.

    Leurs théories de « socialisme démocratique »,, de « troisième force », leurs divagations empreintes de cosmopolitisme sur la nécessité de renoncer à la souveraineté nationale ne sont rien d’autre qu’un camouflage idéologique de l’agression de l’impérialisme américain et anglais.

    Le Comité des conférences socialistes internationales (C.O.M.I.S.C.O.), lamentable sous-produit de la IIe Internationale tombée vivante en putréfaction, est devenu le rendez-vous des pires sécessionnistes et des pires désorganisateurs du mouvement ouvrier.

    Ce Comité est devenu un centre d’espionnage relevant des services de renseignement anglais et américain.

    C’est seulement en luttant énergiquement contre les scissionnistes et les désorganisateurs socialistes de droite du mouvement ouvrier qu’on pourra réaliser l’unité de la classe ouvrière.

    Le Bureau d’information considère comme une tâche de premier plan, pour les partis communistes, de lutter sans trêve pour rassembler et organiser toutes les forces de la classe ouvrière, pour opposer une riposte puissante aux prétentions effrontées de l’impérialisme américain qui mise sur une nouvelle guerre mondiale, pour mettre ce plan en échec, pour défendre et consolider la paix et la sécurité internationale, pour briser l’offensive du capital monopoliste contre le niveau de vie des masses travailleuses.

    Dans la situation internationale actuelle, le premier devoir des partis communistes est d’expliquer que, si la classe ouvrière n’assure pas l’unité de ses rangs, elle se privera de son arme principale pour combattre la menace croissante d’une nouvelle guerre mondiale et l’offensive de la réaction impérialiste contre le niveau de vie des travailleurs.

    Tout en menant une lutte implacable et conséquente, en théorie et en pratique, contre les socialistes de droite et les dirigeants syndicaux réactionnaires, tout en les dénonçant sans pitié et en les isolant des masses, les communistes doivent expliquer avec patience et persévérance aux ouvriers social-démocrates de la base toute l’importance de l’unité de la classe ouvrière, les entraîner dans la lutte active pour la paix, le pain et les libertés démocratiques, faire une politique d’actions communes pour atteindre ces buts.

    L’unité d’action des différents détachements de la classe ouvrière est une méthode éprouvée pour réaliser son unité.

    Les actions communes dans les diverses entreprises, dans des branches entières de production, à l’échelle d’une ville, d’une région, d’un État et à l’échelle internationale mobilisent les larges masses dans la lutte pour leurs besoins les plus immédiats et les pins sensibles et contribuent ainsi à la réalisation de l’unité permanente des rangs prolétariens.

    La réalisation de l’unité d’action de la classe ouvrière à la base peut se traduire par la création de comités de défense de la paix dans les entreprises et dans les administrations, par l’organisation de manifestations de masse contre les fauteurs de guerre, par des actions communes des ouvriers en vue de défendre les droits démocratiques et d’améliorer leur situation économique.

    Dans la lutte pour l’unité de la classe ouvrière, il faut accorder une attention particulière aux masses d’ouvriers et de travailleurs catholiques et à leurs organisations, en ne perdant pas de vue que les croyances religieuses ne sont pas un obstacle à l’unité des travailleurs, surtout quand cette unité est indispensable au salut de la paix.

    Les actions communes, concrètes dans le domaine des revendications économiques, la coordination de la lutte entre les syndicats de classe et les syndicats catholiques, etc…, peuvent être des moyens efficaces pour entraîner les ouvriers catholiques dans le front commun de la lutte pour la paix.

    La principale tâche des partis communistes dans chaque pays capitaliste est de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer l’unité du mouvement syndical.

    A l’heure actuelle, il devient de la plus grande importance d’entraîner les ouvriers non syndiqués dans les syndicats et dans la lutte active.

    Dans les pays capitalistes, ces non syndiqués constituent une partie importante du prolétariat.

    Si les partis communistes développent comme il se doit leur travail auprès des ouvriers organisés, ils pourront remporter des succès sérieux dans la réalisation de l’unité de la classe ouvrière.

    Le Bureau d’information estime que, sur la base de l’unité ouvrière, il faut établir l’unité nationale de toutes les forces démocratiques afin de mobiliser les larges masses populaires dans la lutte contre l’impérialisme anglo-américain et la réaction intérieure.

    L’activité quotidienne dans les différentes organisations de masse des travailleurs : femmes, jeunes, paysans, groupements coopératifs et autres, prend une importance exceptionnelle.

    L’unité du mouvement ouvrier et le rassemblement de toutes les forces démocratiques ne sont pas seulement nécessaires pour mener à bien les tâches quotidiennes et courantes de la classe ouvrière et des masses laborieuses, mais aussi pour résoudre les questions fondamentales posées au prolétariat en tant que classe qui dirige la lutte pour abolir le pouvoir du capital monopoliste et réorganiser la société sur une base socialiste.

    En partant des succès obtenus dans le domaine de l’unité du mouvement ouvrier et du rassemblement de toutes les forces démocratiques, il deviendra possible de déployer la lutte dans les pays capitalistes pour la formation de gouvernements qui rassemblent toutes les forces patriotiques opposées à l’asservissement de leur pays par l’impérialisme américain, de gouvernements qui aient une plateforme de paix solide entre les peuples, qui arrêtent la course aux armements et qui élèvent le niveau de vie des masses laborieuses.

    Dans les pays de démocratie populaire, les partis communistes et ouvriers ont pour tâche de consolider encore l’unité de la classe ouvrière déjà réalisée et les syndicats, les coopératives, les organisations de femmes, de jeunes et autres organisations uniques déjà créées.

    Le Bureau d’information considère que les succès ultérieurs de la lutte pour l’unité de la classe ouvrière et le rassemblement des forces démocratiques dépendent avant tout de l’amélioration du travail idéologique de chaque parti communiste et ouvrier et de son travail d’organisation.

    Pour les partis communistes et ouvriers, il est d’une extrême importance de dénoncer sur le plan idéologique et de combattre sans pitié les manifestations de tout genre d’opportunisme, de sectarisme et de nationalisme bourgeois, l’infiltration des agents de l’ennemi au sein du Parti.

    Les leçons qui découlent de la dénonciation de la clique d’espions Tito-Rankovitch font aux partis communistes et ouvriers une obligation impérieuse d’élever au maximum la vigilance révolutionnaire.

    Les agents de la clique Tito apparaissent maintenant comme les pires diviseurs des rangs du mouvement ouvrier et démocratique, accomplissant la volonté des impérialistes américains.

    C’est pourquoi il faut combattre énergiquement les intrigues de ces agents des impérialistes partout où ils tentent d’agir dans les organisations ouvrières et démocratiques.

    La consolidation des partis communistes et ouvriers du point de vue idéologique, politique et de l’organisation sur la base des principes du marxisme-léninisme est la condition essentielle du succès de la classe ouvrière dans sa lutte pour l’unité de ses rangs, pour la paix, pour l’indépendance nationale, pour la démocratie et le socialisme.

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