Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • A propos de la révolution de la révolution de l’Opéra de Pékin

    Par Jiang Qing + témoignage de la troupe numéro 1 de Pékin, de l’opéra de Pékin, 1966

    Je tiens tout d’abord à vous féliciter pour ce festival, première campagne pour la révolution de l’opéra de Pékin. Vous avez tous fourni un labeur considérable.

    Les résultats en sont prometteurs et auront probablement une profonde influence.

    Désormais, on met en scène des opéras de Pékin à thème révolutionnaire contemporain, mais chacun s’en faitil la même idée ? Je crois qu’il serait prématuré de l’affirmer.

    Il faut avoir une confiance inébranlable dans la réalisation d’opéras de Pékin sur des thèmes révolutionnaires contemporains.

    Il serait inconcevable que les ouvriers, paysans et soldats, créateurs véritables de l’histoire et seuls maîtres de notre pays socialiste dirigé par le Parti communiste, n’aient pas une place prédominante à la scène.

    Nous devons créer une littérature et des arts qui protègent la base économique socialiste de notre pays.

    Au moment où l’on ne distingue pas clairement l’orientation, tous nos efforts doivent tendre à la dégager.

    A titre de renseignement, je citerai deux chiffres, deux chiffres qui n’ont pas laissé de me surprendre.

    Voici le premier chiffre : on évalue à trois mille environ, le nombre de compagnies théâtrales dans l’ensemble du pays (abstraction faite des troupes amateurs ou sans licence). Elles comprennent environ 90 troupes professionnelles de théâtre moderne, plus de 80 ensembles artistiques et plus de 2 800 compagnies qui montent divers genres d’opéras.

    Les empereurs, rois, généraux, ministres, damoiseaux, damoiselles et autres génies malfaisants, règnent sur l’opéra, tandis que les compagnies de théâtre moderne, plutôt que de dépeindre les ouvriers, paysans et soldats, montent le plus souvent des pièces « célèbres », « étrangères » ou « à thèmes anciens », tant et si bien que la scène du théâtre moderne est, elle aussi, occupée par les Chinois et les personnages étrangers des époques révolues. Le théâtre est un moyen d’éduquer le peuple, mais à l’heure actuelle, nos scènes sont encombrées d’empereurs, de rois, de généraux, de ministres, de damoiseaux et de damoiselles, d’un fatras d’idées féodales et bourgeoises.

    Un tel état de choses ne peut protéger notre base économique, il risque, au contraire, d’exercer un rôle de sape sur elle.

    Le second chiffre : il y a plus de six cents millions d’ouvriers, paysans et soldats dans notre pays, tandis que les propriétaires fonciers, paysans riches, contre-révolutionnaires, mauvais éléments, droitiers et éléments bourgeois ne sont qu’une poignée.

    Qui fautil servir ?

    Cette poignée d’individus ou plus de six cents millions d’hommes ? Cette question ne doit pas retenir l’attention des seuls communistes, mais celle de tous les travailleurs patriotes de la littérature et des arts.

    Ce sont les paysans qui cultivent les céréales que nous mangeons ; ce sont les ouvriers qui tissent les vêtements que nous portons et qui construisent les maisons que nous habitons ; ce sont les soldats de l’Armée populaire de libération qui assurent pour nous la défense nationale en montant une garde vigilante, mais nous ne les portons pas à la scène !

    Puis-je vous demander quelle position de classe on adopte ainsi et où se trouve cette « conscience » d’artiste dont on parle tant ?

    La représentation d’opéras de Pékin à thème révolutionnaire contemporain n’est pas un travail de tout repos et vous connaîtrez des revers, mais si vous gardez présents à l’esprit les chiffres que je viens de citer, vous parviendrez à éviter ces revers ou du moins à en rencontrer le moins possible. Pourtant, si vous deviez en rencontrer, cela n’aurait guère d’importance ; la marche de l’histoire est toujours sinueuse, mais jamais la roue de l’histoire ne reculera.

    Pour nous, l’opéra sur des thèmes révolutionnaires contemporains doit refléter la vie réelle au cours des quinze années qui ont suivi la fondation de la République populaire de Chine et créer des types de héros caractéristiques de notre époque.

    C’est notre tâche primordiale, mais cela ne signifie pas que nous refusons les opéras historiques.

    Les pièces historiques révolutionnaires représentaient une proportion non négligeable du programme de ce festival ; nous avons besoin d’opéras historiques révolutionnaires décrivant la vie et les luttes du peuple avant la fondation de notre Parti. De plus, nous devons instituer des modèles dans ce domaine et produire des pièces historiques en conformité avec le point de vue du matérialisme historique qui puissent, par leur thème ancien, servir l’époque actuelle.

    Bien entendu, ce travail doit être entrepris à la condition préalable qu’il ne gêne pas l’accomplissement de la tâche principale : la représentation de la vie actuelle et de l’image des ouvriers, paysans et soldats.

    Nous n’avons pas l’intention de rejeter toutes les pièces traditionnelles.

    A l’exception des pièces présentant des fantômes et de celles prônant la capitulation et la trahison, de bons opéras traditionnels pourront encore être montés.

    Mais ces derniers n’auront qu’une audience négligeable si l’on ne procède pas à un travail d’arrangement et de révision attentif.

    Je me suis rendue systématiquement au théâtre depuis plus de deux ans et un examen profond des acteurs et du public m’a poussée à conclure que le travail d’arrangement et de révision des pièces traditionnelles est nécessaire, sans pouvoir toutefois remplacer la tâche principale.Mais comment se mettre à la tâche ? Je pense que la question clé est celle du livret.

    En effet, sans livret, avec les seuls metteurs en scène et acteurs, on ne parviendrait pas à réaliser de mise en scène ni à présenter une quelconque pièce.

    Certains disent que le livret est la base de la production théâtrale, en quoi ils ont parfaitement raison et c’est pourquoi nous devons mettre l’accent sur la création.

    Au cours des dernières années, et en particulier dans le domaine de l’opéra de Pékin, la création théâtrale était distancée par la réalité de la vie.

    Les librettistes étaient peu nombreux et l’expérience de la vie leur faisait défaut.

    Dans ces conditions, il est normal qu’aucune bonne pièce n’ait été créée.

    Pour résoudre le problème de la création, il faut réaliser la triple association de la direction, des artistes professionnels et des masses populaires.J’ai étudié récemment le processus de création de la pièce La grande muraille de la mer de Chine méridionale et je me suis

    aperçue qu’il était exactement celui que je viens d’indiquer. Tout d’abord, la direction a formulé un sujet ; les auteurs de la pièce entreprirent alors de se familiariser, et cela à trois reprises, avec la vie du milieu en question.

    Ils participèrent même à une opération militaire d’encerclement d’agents ennemis.

    Puis, après la première rédaction de la pièce, eut lieu une discussion à laquelle participèrent de nombreux dirigeants de la garnison de Canton ; enfin, après les répétitions, on sollicita le jugement de divers milieux afin d’améliorer la pièce.

    De cette manière, en consultant sans cesse autrui, et en apportant de constantes améliorations à son travail, cette équipe parvint à produire une très bonne pièce, reflétant la lutte dans sa réalité actuelle en un laps de temps relativement court.

    Le Comité municipal du Parti de Shanghai porte une grande attention au problème de la création ; le camarade Keh Kingche s’en occupe personnellement.

    Dans toutes les localités, il faut charger des cadres compétents de stimuler le travail de création.

    On ne peut guère compter produire des livrets directement pour l’opéra de Pékin dans un avenir rapproché.

    Cependant, il faut désigner dès à présent des camarades qui auront à faire ce travail.

    Ils apprendront tout d’abord les rudiments de leur art, puis ils iront acquérir quelque expérience de la vie.

    Ils pourront commencer par écrire des pièces brèves, pour passer graduellement à la création d’opéras complets. Les pièces courtes, à la condition d’être bien écrites, sont également précieuses.

    Il faut former des forces neuves pour le travail de création, leur faire prendre contact avec le monde réel ; ainsi, en trois à cinq ans, elles s’épanouiront et obtiendront de fructueux résultats.

    La transposition est également un bon moyen d’obtenir de nouvelles pièces.

    La transposition demande un choix prudent.

    Il faut voir tout d’abord si la tendance politique est bonne ou non, puis si la pièce s’adapte aux possibilités de la troupe. En procédant à la transposition, il importe d’analyser soigneusement l’œuvre originale et d’en souligner les qualités sans chercher à leur apporter des modifications superflues, tandis que les faiblesses doivent être corrigées.

    Deux points demandent une attention particulière dans la transposition de divers genres d’opéras en opéras de Pékin ; d’une part, il importe que l’adaptation réponde aux caractéristiques de l’opéra de Pékin en ce qui concerne le chant et l’acrobatie.

    Les paroles des chants doivent répondre aux variations rythmiques de la musique vocale de l’opéra de Pékin et il faut en adopter la langue caractéristique, sinon les acteurs ne pourraient chanter.

    D’autre part, il n’est pas nécessaire de faire trop de concessions aux acteurs.

    Un opéra doit avoir un clairement défini, être d’une structure rigoureuse et les personnages doivent avoir du relief. Il ne faut jamais que l’intérêt de la pièce se disperse et se perde parce que l’on auravoulu confier de belles tirades à chacun des principaux protagonistes.

    L’opéra de Pékin est un art outré, de plus, il a toujours dépeint les temps anciens et les gens qui y vivaient.

    C’est pourquoi il est relativement aisé, dans l’opéra de Pékin, de camper des personnages négatifs et il se trouve d’ailleurs des

    gens pour apprécier grandement cela.

    D’autre part, il est très difficile de créer des personnages positifs, mais nous devons néanmoins créer des figures de héros révolutionnaires d’avant-garde.

    Dans le livret initial de la pièce La Montagne du Tigre prise d’assaut, réalisée à Shanghai, les caractères négatifs avaient beaucoup de relief, tandis que les personnages positifs étaient d’une grande fadeur.

    La direction accorda un soin particulier à cette question et cet opéra fut remarquablement amélioré.

    A présent, la scène où paraît l’ermite Tingho a été supprimée. On n’a pour ainsi dire pas touché au rôle du « Vautour », le chef des bandits (l’acteur chargé de ce rôle joue très bien), mais comme les personnages positifs Yang Tsejong et Chao Kien po ont été mis en relief, les personnages négatifs ont perdu de leur importance.

    Il existe des opinions divergentes au sujet de cette pièce ; il serait bon d’en discuter. Chacun doit considérer sa position. Prenez vous position pour les personnages positifs ou pour les personnages négatifs ?Il paraît que certains s’opposent encore à la description de personnages positifs ; cette position n’est pas correcte. Les honnêtes gens sont toujours en majorité, non seulement dans un pays socialiste comme le nôtre, mais également dans les pays impérialistes, où le peuple travailleur constitue la majorité de la population.

    De même dans les pays révisionnistes, où les révisionnistes ne sont qu’une minorité.

    Il est important que nous donnions une image artistique des révolutionnaires d’avantgarde afin d’éduquer et de galvaniser le public et de l’entraîner dans la marche en avant. Notre but, en créant des opéras sur des thèmes révolutionnaires contemporains est essentiellement d’exalter les personnages positifs.

    La pièce Sœurs héroïques de la steppe, réalisée par la troupe d’opéra de Pékin du Théâtre artistique de Mongolie intérieure est excellente.

    Le librettiste écrivit la pièce sous l’impulsion d’une émotion révolutionnaire, provoquée par les exploits des deux petites héroïnes. Toute la partie centrale de la pièce est très émouvante, mais l’auteur manquait encore d’un contact suffisant avec la vie, d’autre part, il produisit cette œuvre dans des délais extrêmement brefs, sans avoir le temps d’en ciseler toute la matière et il s’ensuit que le début et la fin ne sont pas très satisfaisants.

    Aussi aton l’impression de voir une belle peinture dans un cadre de bois grossier.

    Il y a encore un point sur lequel cette pièce mérite d’attirer l’attention, c’est qu’il s’agit d’un opéra de Pékin destiné aux enfants.

    Bref, cet opéra repose sur une base solide et c’est une bonne œuvre. J’espère que son auteur se plongera plus profondément dans la vie réelle du peuple et qu’il fera de son mieux pour parfaire son œuvre.

    A mon avis, nous devons respecter les fruits de notre travail et ne pas nous en désintéresser.

    Certains camarades en effet se refusent à apporter des modifications à un travail déjà terminé, mais cette attitude les empêche de produire de meilleures réalisations.

    Dans ce domaine, Shanghai nous fournit un bon exemple ; c’est parce que les artistes de Shanghai se sont montrés disposés à apporter modification sur modification au livret original que La Montagne du Tigre prise d’assaut a pu être ce qu’elle est actuellement.

    Ainsi, les œuvres présentées à l’occasion de ce festival devront encore être améliorées, sans pour autant que l’on rejette ce qui était valable de manière inconsidérée.

    En conclusion, je souhaite que chacun consacre une part de son énergie à se faire l’élève des autres, afin de tirer profit de ce festival ; les résultats pourront ensuite être présentés au grand public sur toutes les scènes du pays.

    I

    Pendant des années, contrôlée qu’elle était par la ligne noire révisionniste et contre-révolutionnaire dans les lettres et les arts, la Troupe n° 1 de l’opéra de Pékin de la capitale, n’avait cessé de produire des pièces ayant pour personnages principaux des empereurs, rois, généraux, ministres, damoiseaux et damoiselles, faisant ainsi régner sur la scène du pays socialiste une ambiance écœurante où tout visait à mettre le passé sur un piédestal et à déprécier le présent, où des personnages d’antan trônaient la plupart du temps à la place de nos contemporains.

    L’atmosphère était d’autant plus suffocante que la scène était bourrée de génies malfaisants, de pièces vénéneuses antiparti telles que La Destitution de Haï Jouei, qui visait à faire casser le verdict stigmatisant les opportunistes de droite ; La Favorite Tchen Fei, qui faisait l’éloge d’un agent des impérialistes ; Yang Yenhouei rend visite à sa mère, qui prêchait la philosophies des traîtres à la nation ; L’exécution d’un juge de l’enfer, qui colportait des superstitions de l’époque féodale, etc.

    Le président Mao nous enseigne :

    « La culture impérialiste et la culture semi-féodale sont deux sœurs très unies qui ont contracté une alliance réactionnaire pour s’opposer à la nouvelle culture chinoise.

    Ces cultures réactionnaires sont au service des impérialistes et de la classe féodale et doivent être abattues.

    Sinon, il sera impossible d’édifier une culture nouvelle. Sans destruction, pas de construction ; sans barrage, pas de courant ; sans repos, pas de mouvement.

    Entre la culture nouvelle et les cultures réactionnaires une lutte à mort est engagée. »

    Conformément à renseignement du président Mao selon lequel les lettres et les arts doivent servir les ouvriers, les paysans et les soldats, ainsi que la politique du prolétariat, la camarade Jiang Qing, qui est infiniment loyale à la pensée de Mao Zedong et a le plus grand sens des responsabilités à l’égard des lettres et des arts du prolétariat, dirigea dès 1963 tous les camarades révolutionnaires de notre troupe dans la révolution de l’opéra de Pékin qu’ils entreprirent, et engagea une lutte acharnée contre la ligne noire révisionniste et contre révolutionnaire dans les lettres et les arts.

    La camarade Jiang Qing nous a très amicalement enseigné que le fait que la scène socialiste fût encore occupée par des pièces ayant pour principaux personnages des empereurs, rois, généraux, ministres, damoiseaux et damoiselles, est incompatible avec la base économique et le régime politique socialistes, et que nous devions absolument balayer tous les obstacles, entreprendre ce que personne n’avait jamais osé auparavant, nous ranger résolument aux premiers rangs de la lutte révolutionnaire et rompre une fois pour toutes avec les personnages de la scène précités pour qu’ils fassent place aux ouvriers, paysans et soldats qu’on ne saurait jamais assez dépeindre.

    Les instructions de la camarade Jiang Qing furent pour nous une source de confiance et de force dans notre révolution de l’opéra de Pékin.

    Nous primes la résolution de porter haut levé, sous sa direction, le grand drapeau rouge de la pensée de Mao Zedong, de nous débarrasser entièrement du répertoire classique qui dépeignait uniquement des empereurs, rois, généraux, ministres, damoiseaux et damoiselles, de servir de tout cœur les ouvriers,paysans et soldats, ainsi que la politique du prolétariat.

    Dès lors, nous nous mîmes à monter la pièce L’Étincelle dans les roseaux d’après le livret d’une pièce de l’opéra de Shanghai du même titre, rapporté de Shanghai par la camarade Jiang Qing.

    Toutefois, la révolution dans Topera de Pékin connut sabotages, embûches et répression de la part d’une poignée de révisionnistes contre-révolutionnaires soutenus par le plus haut des responsables du Parti engagés dans la voie du capitalisme.

    Ils clamaient avec arrogance : « Pas de changements envers et contre tout, car les pièces anciennes sont instructives »; « Pas de changements à tort et à travers, car l’opéra de Pékin a un niveau artistique très élevé »; « Il faut qu’il y ait des pièces traditionnelles, puisque des cours d’histoire figurent aux programmes scolaires » ; « II faut appliquer la politique consistant à marcher avec les deux jambes (c’est-à-dire présenter et des pièces traditionnelles et des pièces à thèmes contemporains) » ; « Il faut donner simultanément les trois genres (pièces traditionnelles, pièces à thèmes contemporains et nouvelles pièces historiques). »

    Ils lançaient avec perfidie des calomnies telles que : « Les pièces à thèmes contemporains sont aussi fades que de l’eau. » Ils faisaient tout pour défendre les arts féodaux et capitalistes,craignant que l’on y touche si peu que ce soit ; vis-à-vis des pièces à thèmes révolutionnaires contemporains, leur attitude était tout autre : ils leur vouaient une haine implacable, les attaquaient sur tous les points et par tous les moyens imaginables ; il était net qu’ils ne se tiendraient pour satisfaits que lorsqu’ils auraient réussi à les étouffer.

    C’est à ce moment crucial de la lutte que la camarade Jiang Qing apporta aux acteurs les Œuvres choisies de Mao Zedong, ces précieux ouvrages révolutionnaires qui nous illuminent de leur éclat bénéfique, et elle nous aida à étudier la grande et invincible pensée de Mao Zedong.

    Le président Mao nous y enseigne :

    « Toute culture (en tant que forme idéologique) est le reflet de la politique et de l’économie d’une société déterminée, mais elle exerce à son tour une influence et une action considérables sur la politique et l’économie de cette société. »

    Cet enseignement du président Mao nous ouvrit les yeux, nous éclaira l’esprit.

    Si nous entreprenons la Révolution culturelle et la réforme du théâtre, c’est précisément pour faire en sorte que notre superstructure corresponde à la base économique du socialisme ; et si le plus haut des responsables du Parti engagés dans la voie du capitalisme et ses sous-fifres combattent énergiquement la réforme du théâtre et sabotent la Révolution culturelle, c’est bien dans le but de miner la base économique du socialisme, pour préparer leur restauration du capitalisme.

    Nous ne pouvons en aucune façon admettre cela, non, absolument pas ! Il ne saurait y avoir sur la scène socialiste une coexistence entre les ouvriers, paysans et soldats d’une part, et les empereurs, rois, généraux, ministres, damoiseaux et damoiselles de l’autre.

    C’est une lutte à mort, où les uns doivent absolument évincer les autres.

    Il ne saurait être question de marcher avec les deux jambes ou de présenter les trois genres de pièces simultanément ; ce qui s’impose c’est que les pièces à thèmes révolutionnaires contemporains balaient les autres genres de pièces de la scène et prennent leur place.

    Autrement, la littérature et l’art nouveaux du prolétariat ne pourront occuper à eux seuls la scène socialiste, ni servir les ouvriers, les paysans et les soldats, ainsi que la politique du prolétariat.

    Pour briser le complot de restauration du capitalisme, il nous faut ouvrir le feu sur cette forteresse réputée solide en faisant valoir l’esprit d’oser « extraire les crocs du tigre ».

    II

    Le 2 3 juillet 1964 est un jour que nous ne saurions jamais oublier, un jour où nous avons ressenti le plus grand bonheur.

    Le président Mao, notre grand dirigeant, assista à une de nos représentations de la pièce L’Étincelle dans les roseaux.

    A la fin de la représentation, il vint nous serrer la main sur la scène et se fit photographier avec nous.

    Ce fut pour nous le plus grand encouragement, le plus grand soutien, la preuve de la plus grande sollicitude et de la plus grande confiance.

    Bien des camarades en furent émus jusqu’aux larmes.

    Peu après, la camarade Jiang Qing nous transmit les instructions du président Mao au sujet de la pièce. Il insistait sur la nécessité d’y faire ressortir la lutte armée, de montrer qu’il faut liquider la contre-révolution armée par la révolution armée.

    Il indiqua également que dans la scène finale, la ruse devait faire place à une attaque de front, qu’il fallait donner davantage de poids aux scènes illustrant les rapports entre l’armée et la population, et enfin renforcer l’image héroïque et musicale des personnages positifs. Tous les camarades révolutionnaires de la troupe furent profondément touchés en prenant connaissance de ces instructions, et exprimèrent tous leur résolution d’obéir au président Mao et d’agir suivant ses directives.

    Cependant, une poignée de révisionnistes contre révolutionnaires de l’ancienne Section de Propagande du Comité central du Parti, de l’ancien Ministère de la Culture et de l’ancien Comité municipal du Parti de Pékin, soutenus par le plus haut des responsables du Parti engagés dans la voie du capitalisme, s’abouchèrent avec les « sommités » réactionnaires de notre troupe pour contrecarrer les instructions du président Mao.

    Ils s’y prirent en recourant à des pratiques perfides, feignant d’obéir ou résistant tour à tour, et menant cette opposition carrément ou par des moyens détournés.

    Leur but était de saboter la réforme de l’opéra de Pékin, d’attaquer par tous les moyens et de mettre dans l’embarras la camarade Jiang Qing, ainsi que les camarades révolutionnaires de la troupe, afin de parvenir à détruire dans son bourgeon cette nouvelle fleur de la littérature et de l’art du prolétariat.

    Ils clamaient à qui mieux mieux : « Les paroles du président Mao ne peuvent servir que de référence, et on n’est pas obligé d’accepter en bloc les opinions de la camarade Jiang Qing. »

    Le président Mao nous enseigne :

    « De deux choses l’une : ou bien l’on est un écrivain, un artiste bourgeois et alors on n’exalte pas le prolétariat, mais la bourgeoisie ; ou bien l’on est un écrivain, un artiste prolétarien et alors on exalte non la bourgeoisie, mais le prolétariat et tout le peuple travailleur. »

    En apportant des modifications au livret, la poignée de révisionnistes contre- révolutionnaires, qui cherchaient à saboter ce modèle de pièces révolutionnaires qu’est Chakiapang (nouveau titre donné à la pièce L’Étincelle dans les roseaux après sa refonte) mirent tous leurs soins à camper les personnages négatifs, Hou Tchouankouei et Tiao Tehyi, dépeignant dans les moindres détails toute leur ruse pour résister à la Nouvelle IVe Armée, et se creusèrent la cervelle pour mettre au point les scènes où ils sont en vedette.

    Par contre, ils ne songeaient guère à soigner la figure de Kouo Kienkouang, l’instructeur politique de la Nouvelle IVe Armée. Son rôle fut fait d’un ramassis d’idées que chacun d’eux lança à la légère.

    Quant aux chants qu’ils lui préparèrent, ce furent des airs libres (rubato) d’une fadeur à donner la nausée.

    Ils reléguaient ainsi un instructeur politique, armé de la pensée de Mao Zedong, de la Nouvelle IVe Armée au rang d’un personnage secondaire dont on pouvait à la rigueur se passer.La belle-sœur Ah King, membre du Parti travaillant dans la clandestinité, était devenue, par leurs soins, une gérante de maison de thé qui avait roulé sa bosse un peu partout.

    Mieux encore, ils faisaient jouer son rôle par un homme déguisé en femme, cherchant à ridiculiser ainsi ce personnage héroïque et à minimiser le rôle décisif joué par la Nouvelle IVe Armée dans la lutte armée au bourg de Chakiapang.

    Dirigés par la camarade Jiang Qing, nous engageâmes une lutte résolue contre cette poignée de révisionnistes contre révolutionnaires.

    Suivant les instructions du président Mao, la camarade Jiang Qing nous indiqua en termes explicites qu’il fallait faire ressortir l’image héroïque de Kouo Kienkouang, lui préparer des séries d’airs bien mis au point et des chants qui permettent d’exprimer puissamment la mentalité de ce personnage héroïque et les sentiments valeureux qui l’animent.

    Portant haut levé le grand drapeau rouge de la pensée de Mao Zedong, la camarade Jiang Qing intervint directement dans le travail, pour nous donner des conseils concrets. Elle mena, côte à côte avec nous, une âpre lutte pour arriver enfin à ce que Chakiapang traduise le grand concept stratégique de notre grand dirigeant, le président Mao, sur la lutte armée et la guerre populaire, fasse ressortir les personnages positifs,donne plus de poids à l’étroite unité de l’armée et de la population, dévoile l’ennemi et lui porte des coups.

    La poignée de révisionnistes contre-révolutionnaires qui cherchaient à saboter le livret de la pièce ne se tinrent pas pour battus pour avoir vu échouer leur complot.

    Ils tentèrent de limiter le jeu des acteurs par les formes artistiques anciennes et périmées de l’opéra de Pékin, par la musique et les airs qu’ils proposaient pour Chakiapang, ainsi qu’au cours des répétitions.

    C’est ainsi qu’on les vit suggérer d’adopter pour la pièce une « musique neutre » qui pouvait aussi bien aller pour les personnages positifs que pour les personnages négatifs, et tenter de faire en sorte que les acteurs interprètent les ouvriers, les paysans et les soldats en recourant aux conventions utilisées dans les pièces traditionnelles pour représenter les empereurs, rois, généraux, ministres, damoiseaux et damoiselles, telles que le kipa (mouvements préparatoires des guerriers avant d’engager le combat), le tseoupien (marche rapide le long de la rampe en entrant en scène) et le soueipou (menus pas des personnages féminins), ainsi que les coups de cymbales et de tambours ponctuant l’entrée en scène des personnages et leur sortie.

    Sous la direction de la camarade Jiang Qing, nous menâmes une lutte du tac au tac contre eux. Nous boycottâmes énergiquement cette « musique neutre ».

    Étant donné que, pour nous, combattants révolutionnaires des lettres et des arts, les ouvriers, paysans et soldats d’une part, et les empereurs, rois, généraux, ministres, damoiseaux et damoiselles de l’autre, n’ont rien de commun, que les personnages positifs et négatifs n’ont ni les mêmes idées ni les mêmes sentiments, que leurs images aussi sont profondément dissemblables, il n’est pas possible de représenter ces personnages appartenant à deux classes différentes par une « musique neutre ».

    Sous cette suggestion complètement absurde se cachait aussi l’intention de ces individus de saboter les pièces à thèmes contemporains et la réforme de l’opéra de Pékin en ridiculisant les personnages héroïques, les ouvriers, les paysans et les soldats.

    La musique a son caractère de classe, et il n’en est pas qui reste en marge des classes.

    Quand elle ne sert pas une classe, elle en sert nécessairement une autre.

    Le président Mao nous enseigne :

    « Quant à nous, nous exigeons l’unité de la politique et de l’art, l’unité du contenu et de la forme, l’unité d’un contenu politique révolutionnaire et d’une forme artistique aussi parfaite que possible.Les œuvres qui manquent de valeur artistique, quelque avancées qu’elles soient au point de vue politique, restent inefficaces. »

    C’est précisément en suivant cet enseignement du président Mao que la camarade Jiang Qing, pour répondre aux exigences du contenu politique révolutionnaire, introduisit hardiment différentes transformations dans la forme de l’opéra de Pékin, ce qui permit en même temps de renforcer sa capacité d’expression.

    Ainsi fut brisé le complot de la poignée de révisionnistes contrerévolutionnaires qui avaient tenté de saboter les pièces à thèmes révolutionnaires contemporains en recourant aux anciennes formes artistiques de l’opéra de Pékin.

    III

    Le président Mao nous enseigne : « Les écrivains et artistes révolutionnaires chinois, les écrivains et artistes qui promettent doivent aller parmi les masses ; ils doivent se mêler pendant une longue période, sans réserve et de tout cœur, à la masse des ouvriers, des paysans et des soldats, passer par le creuset du combat, aller à la source unique, prodigieusement riche et abondante, de tout travail créateur, pour observer, comprendre, étudier et analyser toutes sortes de gens, toutesles classes, toutes les masses, toutes les formes palpitantes de la vie et de la lutte, tous les matériaux bruts nécessaires à la littérature et à l’art.

    C’est seulement ensuite qu’ils pourront se mettre à créer. » Puisque notre littérature et notre art servent les ouvriers, les paysans et les soldats et qu’ils sont créés pour eux, nous nous devons de nous familiariser avec leurs idées, leurs sentiments et leur langage à la fois vivant et simple.

    Faute de quoi, il nous serait impossible de créer des ouvrages littéraires et artistiques qui leur plaisent, de les représenter tels qu’ils sont, de les chanter, et il ne pourrait dans ce cas être question de les servir ainsi que la politique du prolétariat.

    Toutefois, lorsque notre troupe était sous le contrôle de la ligne noire révisionniste et contre- révolutionnaire dans les lettres et les arts, tout était fait pour empêcher les acteurs d’aller parmi les ouvriers, les paysans et les soldats, de s’intégrer à ceux-ci et de réformer leurs idées.

    Quand de loin en loin la situation était telle qu’il fallait absolument qu’ils y aillent, c’était une tournée en voiture qu’on leur faisait faire à la campagne où l’on prenait quelques photos d’eux dans les champs.Juste en somme, pour avoir de quoi écrire sans vergogne quelques reportages pleins de bluff dans les journaux.

    Tous nos travailleurs révolutionnaires des lettres et des arts étaient profondément indignés de ces pratiques contre révolutionnaires.

    Appliquant résolument les enseignements du président Mao, la camarade Jiang Qing s’est constamment occupée de la question de faire pénétrer les acteurs dans la vie et de leur réforme idéologique.

    Pour que soient menées à bien la transformation de l’opéra de Pékin et la création de pièces à thèmes révolutionnaires contemporains, elle nous donna en 1965 l’instruction d’aller faire l’expérience de la vie dans la région du lac Yangtcheng.

    Les récits des paysans pauvres et des anciens cadres de la Nouvelle IVe Armée de l’endroit nous permirent d’avoir une meilleure compréhension des circonstances dans lesquelles on combattait au temps de la Nouvelle IVe Armée, des coutumes des habitants au sud du Yangtsé à l’époque et de leur lutte, ainsi que des rapports régnant alors entre l’armée et la population.

    Le récit d’une vieille paysanne pauvre sur les atrocités commises autrefois par l’ennemi et dont ellemême avait été également victime, renforça notre haine contre l’ennemi.

    Par la suite, la camarade Jiang Qing nous donna l’instructiond’aller enrichir notre expérience de la vie au Setchouan, d’y visiter le camp de concentration Tchasetong où les bourreaux américanotchiangkaïchistes avaient torturé nos combattants révolutionnaires.

    Cette éducation de classe, reçue en différents lieux, nous fit mieux saisir le contenu du livret et engendra des changements dans nos idées et sentiments, aiguillant notre haine contre l’ennemi et renforçant notre affection pour le Parti et le président Mao, ainsi que nos sentiments de classe à l’égard des ouvriers, des paysans et des soldats.

    Nous avons réalisé, par notre propre expérience, toute la clairvoyance, la justesse et toute la grandeur des enseignements du président Mao.

    =>Revenir au dossier sur la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne

  • À la mémoire de Lou Sin, notre précurseur dans la révolution culturelle

    La grande révolution culturelle prolétarienne puise un nouvel essor dans la ligne révolutionnaire incarnée par le président Mao. Les larges masses révolutionnaires se livrent à une réfutation sans merci de la ligne réactionnaire bourgeoise. C’est donc dans une situation excellente, et remplis d’un esprit de fierté militante que nous honorons la mémoire de Lou Sin — notre précurseur dans la révolution culturelle.

    Le président Mao a porté sur Lou Sin un jugement on ne peut plus large et pénétrant. Il a dit qu’il était « le porte-drapeau le plus glorieux et le plus intrépide de cette nouvelle force culturelle ».

    Il fut « le généralissime de la révolution culturelle chinoise » ; « Lou Sin, qui représente sur le front culturel l’écrasante majorité du peuple, est le héros national le plus lucide, le plus courageux, le plus ferme, le plus loyal et le plus ardent qui ait jamais livré assaut aux positions ennemies » (La Démocratie Nouvelle). La vie de Lou Sin a été une vie de combat. Il s’est constamment tenu à l’avant-garde de son époque.

    Il a lutté sans relâche pour abattre l’impérialisme et ses laquais, pour balayer la vieille culture des Classes exploiteuses et pour répandre et développer une culture nouvelle, celle des larges masses populaires.

    L’ancien système et la vieille culture semi-féodaux et semi-coloniaux de la Chine du passé étaient des carcans qui pesaient sur les masses populaires et étouffaient les esprits.

    Lou Sin nourrissait une haine implacable contre tous les systèmes sociaux et toutes les cultures qui ravalent l’homme. Il « sonna la charge » pour « nettoyer » et « faire table rase » de toutes les forces, toutes les idées, toutes les valeurs culturelles, toutes les mœurs et coutumes anciennes, et il les foulait aux pieds, qu’il s’agisse des vieux tabous religieux, des textes rares, des oracles sacro-saints, des idoles « précieuses », ou des drogues et des « élixirs » secrets traditionnels.

    Il attaquait courageusement le vieux monde, animé qu’il était d’un esprit combattant qui lui permettait de briser « toutes les chaînes et toutes les entraves ».

    Accordant la primauté à l’audace, Lou Sin osait déclarer la guerre à n’importe quel ennemi ; sa plume aussi meurtrière qu’une lance, il la plongeait dans le cœur de l’ennemi. Il ne craignait ni les menaces, ni l’isolement, ni les calomnies et les diffamations. Il ne craignait pas les coups, qu’ils soient décochés ouvertement ou en traître. Il n’avait pas peur de faire le sacrifice de sa vie.

    « Le sourcil hautain, je défie froidement les milliers qui pointent le doigt sur moi », a-t-il écrit, et, de fait, il a toujours méprisé l’« attitude de larbins » des « girouettes d’une platitude de punaise » devant l’ennemi.

    Il avait complètement rompu avec les traditions et les forces du passé.

    C’était un révolutionnaire authentique en qui on n’eût pu déceler la moindre trace de vanité ; il n’avait pas le plus léger regret pour la mort du vieux monde.

    Il le stigmatisait sans merci. Telle était la force de sa plume que l’ennemi était battu partout où il la pointait.

    La destruction vient en premier lieu, mais porte en elle la construction. C’est en critiquant le vieux monde, et seulement ainsi, qu’on découvre un monde nouveau.

    C’est précisément de cette façon qu’a agi Lou Sin. Il a dit qu’il ne savait pas comment se présenteraient les choses nouvelles.

    C’est dans la lutte qu’il a menée contre l’ancien système et la vieille culture, notamment contre les idées réactionnaires bourgeoises telles que la théorie de la nature humaine, l’humanisme, et l’évolutionnisme vulgaire, et dans sa lutte contre la bande trotskiste, que Lou Sin a découvert le marxisme et assimilé la théorie marxiste de ‘la lutte des classes.

    C’est de cette arme qu’il s’est servi pour étudier la société, attaquer l’ennemi tout en ne cessant jamais de « se disséquer lui-même », de réformer sa conception du monde et de s’aguerrir consciemment pour devenir un « révolutionnaire ».

    C’est au travers de ces luttes de classe acharnées que Lou Sin, de démocrate radical qu’il était, devint un grand combattant du communisme.

    Il croyait fermement que « l’avenir appartenait au seul prolétariat naissant » et il plaça les espoirs de la révolution chinoise dans e Parti communiste chinois dirigé par le président Mao. Aujourd’hui où nous évoquons la mémoire de Lou Sin, nous devons suivre les enseignements du président Mao et nous inspirer de l’esprit qui anima Lou Sin : demeurer intrépide dans le combat et faire la révolution jusqu’au bout.

    « Battre le chien qui est dans l’eau » était une de ses expressions qui illustre bien son esprit révolutionnaire conséquent. Lou Sin s’opposait résolument à la « générosité » et à la « clémence » envers l’ennemi ; il condamnait les absurdités de ceux qui prétendent que « battre le chien qui est dans l’eau », c’est être « extrémiste » et « pousser trop loin la haine de l’ennemi ». Il indiquait sans équivoque que la « nature du chien » ne saurait changer, et que, si on le laisse « remonter sur la berge », si on lui donne une chance de reprendre son souffle, le jour viendra où il « mordra à mort » bon nombre de révolutionnaires.

    Écoutez, vous qui nous rebattez les oreilles avec ce mot d’« extrémiste » : est-ce qu’on peut se montrer « généreux » avec les ennemis de classe à l’intérieur et à l’extérieur du pays, avec les révisionnistes contre-révolutionnaires, avec la poignée d’individus qui détiennent des postes de direction mais, bien que du Parti, s’engagent dans la voie du capitalisme ?

    Est-ce qu’on peut les laisser remonter un beau jour sur la rive et venir « mordre à mort » les révolutionnaires ?

    Non, nous devons nous inspirer de l’esprit révolutionnaire conséquent de Lou Sin pour « battre le chien qui est dans l’eau ». Nous devons terrasser tous ces ennemis, faire en sorte qu’ils n’arrivent jamais à se relever.

    Lou Sin abhorrait ce genre de « médiateurs » qui, dans l’engagement entre deux armées, se donnent l’air d’être « équitable », « impartial », cette espèce de gens qui, « ménageant la chèvre et le chou », prétendent « n’incliner ni à gauche ni à droite ». La « réconciliation », l’« éclectisme », cela revient justement à « mettre tout le monde dans le même sac », à « servir la cause de l’ennemi ».

    Dans une lutte de classe à mort, les partisans de l’éclectisme se rangent en réalité du côté de l’adversaire. A chaque moment crucial de la lutte des classes, ils se sont manifestés pour mener grand tapage ou murmurer.

    Mais l’Histoire a dévolu à ces personnages un rôle lamentable. Actuellement, dans la lutte entre le marxisme-léninisme et le révisionnisme moderne ayant pour centre la direction du Parti communiste de l’Union soviétique, il n’y a pas de voie intermédiaire.

    Ceux qui se targuent d’en suivre une tomberont inévitablement dans le bourbier du révisionnisme.

    Dans la grande révolution culturelle prolétarienne, la ‘lutte entre la ligne révolutionnaire prolétarienne incarnée par le président Mao et la ligne réactionnaire de la bourgeoisie n’admet pas non plus de voie intermédiaire.

    Dans la lutte entre ces deux lignes, pratiquer lia réconciliation, tenir le juste milieu, c’est en réalité défendre la ligne réactionnaire de la bourgeoisie et s’opposer à la ligne révolutionnaire du prolétariat. Tous les révolutionnaires doivent, à l’instar de Lou Sin, « se prononcer énergiquement pour le vrai » et « attaquer énergiquement le faux », tracer une nette ligne de démarcation entre ce qu’ils aiment et ce qu’ils haïssent et avoir une position de principe inébranlable.

    Dans la lutte révolutionnaire, quelque sinueux et long que fût le chemin, quelque nombreux que fussent les difficultés, les obstacles et les dangers rencontrés, Lou Sin demeura toujours inflexible et mena une lutte opiniâtre.

    Il combattait ceux qui considéraient la révolution comme une chose simple, aisée, de la « navigation sur une mer d’huile », et qui sombraient dans « le découragement et l’accablement » aux premiers remous.

    Tel fut l’esprit militant opiniâtre que défendit fermement Lou Sin, une fermeté révolutionnaire caractérisée par l’effort minutieux, la persévérance, le mépris des difficultés et la volonté d’aller jusqu’au bout des entreprises.

    L’isolement et les persécutions auxquels l’ennemi soumettait Lou Sin le rendaient plus résolu.

    Et c’est ainsi que se forgea son esprit militant.

    Lorsque le ciel s’assombrissait et qu’il était isolé, il ne se sentait jamais seul parce que son cœur battait au même rythme que celui des masses populaires et qu’il’ partageait leur destin, et aussi parce qu’il se langeait du côté du grand dirigeant du peuple chinois, le président Mao. A cette époque-là, il semblait isolé, mais il représentait la vérité, les intérêts du prolétariat chinois, des larges masses laborieuses et aussi la voie du progrès historique.

    L’isolement imposé par la réaction engendre des éléments éprouvés de la gauche révolutionnaire : ainsi le veut la dialectique historique.

    Dans la grande révolution culturelle prolétarienne, tous les camarades de la gauche doivent comprendre cette vérité qu’ils ne doivent pas craindre les détours, les encerclements, l’isolement, qu’ils doivent cent et mille fois se replonger consciemment dans le creuset de la lutte des classes afin de devenir des combattants à toute épreuve.

    « La tête baissée, je me fais volontiers le buffle de l’enfant. » Lou Sin avait confiance dans le peuple et il ‘l’aimait profondément. C’est justement pourquoi il savait découvrir les forces nouvelles de la société, et il les soutenait résolument.

    Toute sa vie Lou Sin fut le porte-drapeau des nouvelles forces montantes de la société.

    Il a élevé la voix pour qu’elles grandissent et il a appelé à leur frayer la voie.

    Il n’a pas ménagé sa peine pour « qu’apparaissent de nouveaux jeunes combattants en grand nombre ». Il s’est consacré avec enthousiasme à la formation de la jeune génération et il l’a encouragée à entrer dans la lutte.

    Dans le prolétariat, dans les masses populaires et dans la jeunesse révolutionnaire, il a discerné l’espoir et l’avenir de la Chine et ainsi se sont renforcées sa confiance en la révolution et son intrépidité au combat.

    L’attitude de soutien, de non-soutien ou d’opposition que l’on adopte face aux choses nouvelles de la société est un important critère permettant de distinguer la révolution de la non-révolution ou de la contre-révolution.

    Lorsque le nouveau point à l’horizon, les révolutionnaires prolétariens sentent immédiatement sa vitalité sans limite, la perspective de son grand développement, ils l’acclament chaleureusement et lui apportent un ferme soutien. Quant aux vaniteux de la politique, ils sont aveugles : ils ne voient pas le nouveau ou n’osent pas le soutenir de peur de s’y brûler les doigts.

    Les représentants des forces décadentes déversent le mépris et l’injure sur ce nouveau qui progresse et ils cherchent impitoyablement à le renverser et à le détruire.

    Dans la grande révolution culturelle prolétarienne, il apparaît sans cesse du nouveau révolutionnaire et les forces nouvelles ne cessent de grandir. En leur présence, il faut se prononcer ‘catégoriquement et sans retard. Il faut choisir.

    Par-dessus tout, ce que nous devons apprendre de Lou Sin, c’est son estime et son affection sans borne pour notre grand dirigeant, le président Mao.

    Si Lou Sin avait d’abord « erré », il devint ensuite résolu, se disciplina et, de son plein gré, se fit « le fantassin qui précède le cheval » et le « simple soldat » de la révolution prolétarienne lorsqu’il découvrit le marxisme — notamment lorsqu’il découvrit le Parti communiste chinois représenté par le président Mao et la ligne révolutionnaire que celui-ci prônait.

    Au mépris de la ‘terreur blanche semée par les réactionnaires du Kuomintang, au mépris des rumeurs et des calomnies répandues par la bande trotskiste, au mépris des tromperies et des attaques de Tcheou Yang et consorts, Lou Sin suivit toujours sans défaillance le président Mao et défendit courageusement la juste ligne représentée par ce dernier.

    « Le cœur du vieux héros n’est pas moins solide. » A mesure que Lou Sin vieillissait, sa volonté révolutionnaire allait en s’affermissant et il faisait sans cesse davantage preuve d’une énergie juvénile et militante.

    Quelle était donc cette force qui le stimulait ? C’était le Parti communisme chinois représenté par le président

    Mao, c’était notre grand guide, le président Mao.

    Un vrai révolutionnaire doit, à l’exemple de Lou Sin, suivre résolument le président Mao et aller jusqu’au bout, selon l’orientation définie par celui-ci.

    Aujourd’hui nous avons plus de chance que Lou Sin car nous pouvons prendre directement connaissance des instructions du président Mao en personne.

    Nous devons consacrer toute notre vie à la révolution, à l’étude de la pensée de Mao Zedong et à la lecture de ses œuvres. Nous devons être à jamais fidèles au président Mao, au peuple et à la cause du communisme.

    Lou Sin fut notre précurseur dans la révolution culturelle. Il y a trente ans qu’il nous a quittés, mais son esprit révolutionnaire continue à vivre dans chaque camarade révolutionnaire.

    Dans la violente tempête de la grande révolution culturelle prolétarienne, on a besoin de combattants prolétariens intègres, à la volonté de fer et armés de la pensée de Mao Zedong, de pionniers révolutionnaires sachant être prévoyants, possédant de riches connaissances et faisant preuve et de sagesse et de courage.

    L’esprit révolutionnaire de Lou Sin et son expérience de combat constituent un héritage précieux.

    Suivant les enseignements du président Mao, nous devons prendre Lou Sin pour modèle, nous faire un guide de la pensée de Mao Zedong, perpétuer et développer cet esprit fait d’audace et de maîtrise dans l’art de faire la révolution et dans l’art de combattre.

    Nous devons lever encore plus haut le grand drapeau rouge de ‘la pensée de Mao Zedong, soumettre à une critique radicale et totale la ligne réactionnaire bourgeoise, mettre fermement et pleinement en pratique la ligne révolutionnaire prolétarienne incarnée par le président Mao, et mener jusqu’au bout le grande révolution culturelle prolétarienne.

    =>Revenir au dossier sur la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne

  • Le rôle déterminant de la sur-alimentation pour le contournement des crises de surproduction de marchandises alimentaires et de capitaux liés à l’agro-industrie

    Le capitalisme a contourné les crises de surproduction de marchandises alimentaires et de capitaux liés à l’agro-industrie pendant tout le 20e siècle en raison de la sur-alimentation. Celle-ci n’est pas sans conséquence et en raison de cela, le capitalisme se retrouve face à un mur au 21e siècle dans le cadre de la seconde crise générale du capitalisme.

    En transformant l’agriculture, le capitalisme a formidablement bien développé les capacités de production alimentaire, rendant pratiquement impossible toute pénurie comme ce fut souvent le cas dans l’histoire de l’humanité. Seuls les pays à la marge du capitalisme et maintenus dans le sous-développement peuvent connaître ces pénuries aujourd’hui, notamment en Afrique.

    Aux États-Unis, où l’agriculture s’est développée directement sous une forme capitaliste, le développement des capacités de production a été particulièrement marqué, permettant une immigration massive et très rapide avec la possibilité de nourrir tout le monde.

    Le phénomène s’est produit ensuite, de manière plus lente et relativement moins prononcée, pour l’ensemble du monde capitaliste. Seuls quelques pays capitalistes comme la France, de part la loi du développement inégal, ont gardé une relative base agricole paysanne jusqu’à la deuxième moitié du 20e siècle, avant que le 21e siècle finissent d’y généraliser également l’agro-industrie.

    Ce phénomène d’accumulation capitaliste dans le secteur agricole a produit de gigantesques monopoles dans la seconde partie du 20e siècle, avec des capacités productives immenses.

    Dix groupes internationaux sont connus pour particulièrement truster le secteur (hors viande), détenant pratiquement l’ensemble des grandes marques existantes depuis les croquettes pour chien jusqu’aux eaux minérales en passant par les desserts. Ce sont les américains Kellogg’s, General Mills, Mondelez, Mars, Coca-Cola et Pepsico, le britannique Associated British Foods, le néerlando-britannique Unilever, le français Danone et le suisse Nestlé, qui détient par ailleurs la première place dans le secteur agro-alimentaire.

    Il y a en amont de ces groupes toute une chaîne agro-industrielle pour produire, récolter, raffiner et distribuer essentiellement des céréales et du sucre.

    Tous ces groupes monopolisant la production agricole n’ont pas fait que la développer quantitativement. Il a fallu surtout changer la nature de la production elle-même, afin de pouvoir continuer à la développer quantitativement.

    Le capitalisme par définition ne sait pas s’arrêter, il doit sans cesse élargir ses bases. On comprend facilement qu’en ce qui concerne l’alimentation, il peut rapidement se retrouver face à un mur. Quand les besoins alimentaires sont couverts, il n’y a plus de possibilité d’élargissement de la production, alors que l’augmentation des capacités de production a été largement plus rapide que l’augmentation de la population au 20esiècle.

    D’abord aux États-Unis puis dans le reste du monde capitaliste, le risque a rapidement été celui de la surproduction de marchandises alimentaires et de capitaux agro-industriels, faisant s’effondrer un pan entier de l’économie. Cependant, si la surproduction dans le secteur agricole a existé et existe encore, de plus en plus, cela a été largement contourné pendant des dizaines d’années.

    Le soutien à l’élargissement de la production a en fait été permis par l’élargissement de la consommation elle-même, avec ici un phénomène particulièrement important, lié à la nature de l’alimentation humaine, qui a soutenu le processus. Il faut prendre ici le temps de présenter en détail ce phénomène, pour bien le comprendre.

    La particularité des marchandises produites par les grands groupes, à base de céréales et de sucre, est qu’il s’agit de produits agricoles raffinés. Si des légumes ne sont globalement que des légumes et sont produits comme légumes, puis vendus comme légumes avec peu de possibilités de transformation, il n’en est pas de même des céréales et du sucre.

    Les céréales consommées depuis le 20e siècle par l’humanité n’ont plus rien à voir avec celles consommées auparavant, car elles sont entièrement raffinées, c’est-à-dire transformées dans des usines. Il en est de même du sucre, issus de la betterave (le sucre de canne à sucre est marginal). Cela permet bien sûr la réalisation d’une plus-value par l’exploitation du travail ouvrier dans ces usines et c’est un premier aspect.

    Ce raffinage des céréales et du sucre a également permis au capital de se placer et à la surproduction agricole de s’écouler, un produit raffiné nécessitant par définition des machines ainsi que plus de matières premières qu’un produit brut directement vendu comme tel. C’est là un second aspect.


    Pour ces deux raisons, durant le 20e siècle, les produits issus des céréales et à base de sucre se sont massifiés et généralisés dans les habitudes alimentaires.

    Le troisième aspect, qui découle directement de cela et qui est véritablement déterminant, est que cette transformation qualitative de la production alimentaire a directement transformé l’humanité dans son rapport à la nature, par son alimentation.

    C’est une contradiction de plus entre l’humanité et la nature, qui dans le cadre de la contradiction ville-campagne au 21e ne peut que renforcer la seconde crise générale du capitalisme.

    Les céréales raffinées et le sucre modifient totalement le rapport métabolique à la nourriture, et plus précisément à la quantité de nourriture mangée.

    Autrement dit, une alimentation traditionnelle est limitée quantitativement par la sensation de faim, qui régule l’apport en nourriture, mais il n’en est pas de même pour les céréales raffinées et le sucre. Ces derniers peuvent être mangés dans des proportions immensément plus importantes que pour une nourriture traditionnelle.

    C’est précisément cela qui a joué un rôle déterminant dans l’élargissement du capitalisme dans le secteur agricole, évitant temporairement l’émergence d’une grande crise de surproduction dans le domaine agricole et participant à repousser l’émergence inéluctable de la seconde crise générale du capitalisme.

    Voyons comment cela est possible.

    La première chose à laquelle on pense quand on parle d’augmentation de la consommation alimentaire est l’épidémie d’obésité (au sens d’obésité morbide).

    Il faudrait plutôt parler de l’épidémie de surpoids, car si l’obésité est généralisée dans un pays comme les États-Unis, elle n’existe que de manière marginale en France. Le surpoids par contre y est généralisé et relève exactement du même processus.

    L’erreur serait ici de croire que le surpoids est une simple conséquence mécanique de l’augmentation de la production agricole, et donc de la consommation alimentaire.

    C’est précisément cette vision des choses qui a été développée dans la seconde moitié du 20e siècle, comme discours reflétant directement l’intérêt des monopoles.

    Il s’agit en particulier de l’artifice du comptage des kilocalories présentées par les aliments, avec le concept fantasque de « Calories ».

    Le surpoids ne serait selon cette conception que la conséquence du déséquilibre d’une prétendue « balance énergétique », avec d’un côté les « Calories » ingérées et de l’autre celles « dépensées » par l’activité chimique de l’organisme.

    Comptabiliser (statistiquement) le potentiel énergétique des aliments mangés n’a pourtant aucun intérêt pour un individu, ni pour sa santé en général, ni pour la régulation de son poids. Cela n’apporte aucune indication sur la façon dont sont métabolisés les aliments.

    Cette aberration d’ailleurs n’était pas entendable pour les scientifiques des années 1930, qui connaissaient déjà très bien les raisons biochimiques de la prise de poids.

    Le problème du surpoids est de nature qualitatif avant d’être quantitatif.

    Le surpoids se produit quand, trop régulièrement, une partie de la nourriture (précisément des glucides) est stockée par l’organisme sous forme de graisse plutôt que d’être évacuée ou directement consommée énergétiquement (en fait surtout placée dans des stocks mobilisables facilement et rapidement, les réserves de glycogènes).

    Ce n’est pas une affaire de quantité de nourriture en tant que telle, mais de forme de la nourriture qui ne peut pas être métabolisée correctement. On peut tout à fait manger insuffisamment, et produire de la graisse inutile. Cela tient précisément à la structuration chimique des aliments produits par les monopoles de l’agro-industrie, que sont les céréales raffinées et le sucre.

    Pour comprendre cela facilement, on peut résumer la chose ainsi :

    1) naturellement, l’organisme humain s’est développé par rapport à une consommation d’aliments demandant un travail de digestion particulier, car ceux-ci sont composés de beaucoup de fibres et parfois d’eau, et organisés chimiquement de manière complexe.

    2) les céréales raffinées, le sucre, mais aussi les fruits en jus ou en sirop, par contre, existent sous une forme pratiquement pure chimiquement. Si les plantes savent gérer cela, tel n’est pas le cas de l’organisme humain, qui se retrouve débordé par un afflux de glucides pures très rapidement dans le sang.

    Autrement dit, le travail devant être fait par l’appareil digestif pour décomposer les aliments et en extraire les glucides (ainsi que les acides aminés, les acides gras, les vitamines et les minéraux) a été lui-même approprié par le capital, dans les raffineries agricoles (supprimant au passage les acides aminés, les acides gras, les vitamines et les minéraux).

    Le surpoids n’est qu’une conséquence de cela, un dommage collatéral. Ce n’est pas l’explication de l’élargissement de la production agricole et de la consommation alimentaire (et inversement).

    Chez certaines personnes, dont les tissus sont particulièrement lipophiles, une grande partie de l’afflux massif de glucide dans le sang est transformé en graisse, ce qui les fait grossir. Chez d’autres personnes, qui mangent tout autant et aussi mal, cet afflux réussi à s’évacuer autrement sans se transformer en graisse, ou en tous cas beaucoup moins, et en tous cas jusqu’à un certain âge.

    Ce qui est réellement déterminant par contre, c’est que, dans les deux cas, on a de la nourriture qui est non pas consommée véritablement en tant que tel (alors qu’elle remplirait son rôle nourrissant), mais qui est soit stockée inutilement, soit évacuée. C’est ainsi que la surproduction agricole est contournée, en produisant des marchandises alimentaires qui ne nourrissent pas, ou très peu, engendrant une hausse de la consommation.

    Les personnes en surpoids mangent beaucoup justement pour compenser cela : puisque beaucoup d’aliments ne sont pas métabolisés correctement, alors il y a un manque et une sensation naturelle de faim. Comme de surcroît les produits raffinés et sucrés sont particulièrement attirants, de par l’attirance naturelle de l’organisme pour des produits considérés par les capteurs comme étant énergétiques, alors le phénomène se renforce.

    L’obésité n’est que l’exacerbation de ce phénomène, chez des personnes particulièrement aliénées par les marchandises des monopoles, qui ont abandonné leur organisme à ces marchandises.

    Le surpoids par contre est généralisé dans un pays comme la France et reflète exactement la même situation, avec une consommation alimentaire décuplée par la pauvreté nutritive et énergétique des aliments consommés.

    Cela concerne également de nombreuses personnes qui ne sont pas, ou pas encore, en surpoids.

    Il ne faudrait pas penser ici qu’il ne s’agit que du sucre et des produits sucrés, alors qu’il s’agit également de toutes les formes de consommation des céréales raffinées, souvent à base de farine blanche : pain blanc moderne, pizza, quiches, tartes, céréales du petit-déjeuner, biscuits, etc.

    Il ne faudrait pas penser non-plus que ce phénomène est récent, alors qu’il existe depuis le 19e siècle, puis s’est entièrement généralisé à la fin du 20e siècle. Le phénomène était d’ailleurs déjà connu au début du 19e siècle en France, alors que le capitalisme commençait à peine à s’approprier la production agricole et à en changer la nature.


    En 1825, dans son brillant ouvrage Physiologie du goût, considéré en France comme l’origine de la gastronomie, Jean Anthelme Brillat-Savarin explique cela de manière très précise à travers de nombreuses pages, d’une incroyable clairvoyance pour l’époque alors que les connaissances biochimiques étaient encore limitées.

    Voici un extrait où il évoque cela avec une grande acuité :

    « Le régime anti-obésique est indiqué par la cause la plus commune et la plus active de l’obésité, et puisqu’il est démontré que ce n’est qu’à force de farines et de fécules que les congestions graisseuses se forment, tant chez l’homme que chez les animaux ; puisque, à l’égard de ces derniers, cet effet se produit chaque jour sous nos yeux, et donne lieu au commerce des animaux engraissés, on peut en déduire, comme conséquence exacte, qu’une abstinence plus ou moins rigide de tout ce qui est farineux ou féculent conduit à la diminution de l’embonpoint.

    Oh mon dieu ! allez-vous tous vous écrier, lecteurs et lectrices ; ô mon dieu !

    Mais voyez donc comme le professeur est barbare ! voilà que d’un seul mot il proscrit tout ce que nous aimons, ces pains si blancs de Limet, ces biscuits d’Achard, ces galettes de…, et tant de bonnes choses qui se font avec des farines et du beurre, avec des farines et du sucre, avec des farines et des œufs !

    Il ne fait grâce ni aux pommes de terre, ni aux macaronis ! Aurait-on dû s’attendre à cela d’un amateur qui paraissait si bon ?

    Qu’est-ce que j’entends là ? ai-je répondu en prenant ma physionomie sévère, que je ne mets qu’une fois l’an ; et bien ! mangez, engraissez, devenez laids ; pesants, asthmatiques, et mourez de gras-fondu ; je suis là pour en prendre note et vous figurerez dans ma seconde édition…»

    La différence bien évidemment depuis cette époque est que l’obésité, ou en tous cas le surpoids (synonyme d’obésité ici en 1825), ne concerne plus seulement des bourgeois ou des aristocrates s’adonnant sans-cesse à des repas copieux et réguliers, à base de produits raffinés, alors luxueux. Les produits raffinés et sucrés sont devenus depuis tellement courants et quotidiens qu’ils suffisent à faire grossir, même pour une alimentation d’apparence non-excessive, et particulièrement pour les populations les plus pauvres.

    Le capitalisme se retrouve cependant de nouveau face à un mur. La pandémie de Covid-19 a particulièrement permis de pointer la dangerosité du surpoids, car les personnes particulièrement grosses sont très durement touchées par la maladie.

    Il en est de même pour de nombreuses autres maladies directement liées à la sur-alimentation de produits raffinés, qui sont nécessairement remis en cause par le besoin de civilisation car faisant baisser l’espérance de vie de la population. Il s’agit du diabète et des différents problèmes cardiovasculaires, ainsi que de nombreuses autres pathologies multifactorielles.

    Précisons au passage que ce qui est vrai pour la surconsommation de produits agricoles raffinés l’est aussi pour la surconsommation de protéines animales, dont l’action sur les hormones de croissance est directement mis en cause dans le développement des cellules cancéreuses.

    Il y a donc une contradiction de plus en plus exacerbée entre la nécessité pour l’humanité de se nourrir et le besoin qu’ont les marchandises alimentaires capitalistes de circuler et le capital lié à l’agro-industrie de se placer.

    L’évitement pendant des années de la surproduction de marchandises alimentaires et de surproduction de capital lié à l’agro-industrie, n’a fait qu’amplifier le phénomène.

    C’est un aspect déterminant de la seconde crise généralisée du mode de production capitaliste à notre époque.

  • Le concept de décadence pour saisir la substance de la crise générale du mode de production capitaliste

    S’il y a une erreur à ne pas commettre, c’est celle de réduire la crise générale du mode de production capitaliste à sa dimension économique. Une telle lecture des choses est erronée, car elle fait de l’économie un domaine en soi, indépendant du reste de la réalité, ce qui revient à séparer abstraitement les choses.

    Le principe de mode de production consiste, à l’inverse, à saisir la réalité comme transformée et transformante en même temps ; il s’agit d’une réalité matérielle qui change et qui connaît des changements. En effet, un mode de production est une manière concrète pour l’humanité de produire de quoi reproduire son existence, mais également se reproduire, et même d’étendre son existence.

    Cette extension est quantitative dans la mesure où l’humanité est plus nombreuse, mais elle est également qualitative, l’humanité développant davantage de facultés, profitant d’une richesse matérielle et intellectuelle plus grande.

    Si l’on ne s’en tient qu’à l’économie, on ne sait pas placer une partition de Jean-Sébastien Bach ni un tableau de Jules Breton, à moins de les définir de manière mercantile, en imaginant qu’on puisse les acheter, les vendre. Si l’on prend le mode de production, alors ces œuvres d’art relèvent du patrimoine intellectuel et matériel de l’existence humaine, dans le cadre de son développement.

    Il est évident que le mode de production capitaliste, de par son amplitude, est bien plus complexe que les modes de production précédents. Il a produit de nouveaux domaines, il touche de nombreuses dimensions, il est planétaire, il a un impact direct et indirect sur la vie naturelle, etc.

    Quand on parle par conséquent de la crise générale du mode de production capitaliste, il faut saisir tous les aspects de celui-ci et voir comment cela fournit un faisceau de contradictions. Le jeu de ces contradictions peut être qualifié de crise générale lorsque, dans les faits, le mode de production capitaliste se ratatine.

    Si, par exemple, le mode de production capitaliste est capable de produire de nombreux talents musicaux en élargissant les possibilités d’accéder à la culture musicale, aux instruments de musique, à la production de musique, et qu’à un moment il n’est plus en mesure de le faire, alors cela forme une crise.

    Lorsque de multiples indicateurs sont au rouge, alors c’est une crise générale. Et ces indicateurs doivent provenir des domaines les plus essentiels, tels que la politique, la culture, la science, l’économie, l’environnement, les animaux, la nature, etc.

    Il est possible de dire que la politique est en crise si sa substance se ratatine. Cela veut dire que le personnel politique est d’une qualité toujours moindre, que les partis politiques ont de moins en moins d’adhérents, que le désintérêt pour les affaires publiques est toujours plus grand.

    Pareillement, la science se ratatine si le niveau général est en chute libre, si les résultats concrets sont de moins en moins nombreux, si les recherches et les découvertes deviennent moins efficaces.

    Il faut ici bien souligner qu’en aucun cas il ne faut tomber dans une lecture unilatérale. Le développement inégal fait qu’il y aura toujours, dans un domaine, un développement. Ce qu’il s’agit de saisir, c’est la tendance générale. Il peut y avoir un progrès dans les micro-processeurs sur le plan technique ou bien dans le domaine des mathématiques en général, mais la question est de savoir si, tendanciellement, les sciences se ratatinent ou non.

    Ce qui compte, ce n’est pas qu’une petite partie des gens des pays capitalistes prennent davantage soin de leur santé, au moyen de la culture physique, d’une alimentation diététiquement bien agencée, de périodes de repos adéquates. Ce qui est en jeu c’est la tendance générale : la santé des gens, en général, se ratatine-t-elle ? L’aspect principal est-il la malbouffe, une absence d’activités physiques correctes, etc. ?

    On est ici dans un jeu de tendance et de contre-tendance. Le développement du secteur de la santé peut masquer, gommer ou même contrecarrer certaines tendances. Aussi faut-il être capable de disposer d’une véritable analyse, fondé sur la dignité du réel, pour saisir le processus de décadence.

    Un bourgeois niera la décadence, un petit-bourgeois la relativisera, un prolétaire qui n’a pas de vue d’ensemble, de conscience communiste, la regardera comme une sorte d’abstraction.

    Cela est d’autant plus vrai alors que le mode de production capitaliste s’est largement développé. On ne peut pas s’attendre que parvienne à une saisie correcte de l’ensemble de la réalité un bourgeois collectionnant les œuvres d’art contemporain, un petit-bourgeois réduisant sa vie à la passion pour un club de football, un prolétaire entièrement tourné vers un art martial.

    Ce qui joue dans les métropoles impérialistes, c’est le poids croissant de la subjectivité. Il faut un esprit de rupture pour être en mesure d’élever son niveau de conscience, de concevoir l’ensemble au moyen d’une vision du monde qui soit matérialiste dialectique.

    Le prolétaire contestataire mais prisonnier d’une approche syndicale ne peut pas voir en quoi il y a, dans la dégradation de la qualité des articles du journal Le Monde, une expression de décadence, le reflet de la crise générale du mode de production capitaliste. Un intellectuel appréciant le cinéma et relevant de ce milieu ne peut pas saisir l’effondrement de la qualité cinématographique, étant noyé par la quantité de films, les moyens d’acquérir un certain prestige, le goût pour une vie contemplative de critique extérieur aux choses.

    Il va de soi que lorsque la crise générale du mode de production capitaliste s’exprime, toutes les certitudes sont ébranlées, car il y a une profonde désorganisation dans tous les domaines. L’appareil productif, cœur même des moyens d’existence tant pour assurer les besoins vitaux que la culture, se voit ébranlé ; il est le lieu de passage de la crise dans les autres domaines, tout en étant lui-même le point de départ.

    C’est pour cette raison qu’avec la crise générale du mode de production, le fascisme émerge comme proposition historique.

    Le fascisme récuse le principe de décadence et considère que le système n’est pas mauvais en soi, mais qu’il a dégénéré. Il faudrait le revitaliser.

    Les différents courants fascistes sont autant d’opportunismes de différentes nuances quant aux aspects à revitaliser.

    Le concept communiste de décadence est tout à fait différent de celui de dégénérescence du fascisme. Le matérialisme dialectique ne considère pas que l’ordre dominant connaît des cycles, avec une naissance, une stabilité, une destruction, puis un nouveau cycle.

    Le matérialisme dialectique considère que l’ordre dominant est le fruit de contradictions et que ces contradictions impliquent une révolution, où tout retour en arrière est impossible.

    Le fascisme met ainsi en avant le principe de non transformation, de stabilité, avec une prétention de durabilité de la nation, l’État, la race, la petite production, etc. Les personnages Astérix et Obélix forment, dans une telle perspective, une propagande pétainiste, tout à fait en phase avec le fascisme à la française.

    Le communisme met en avant le principe de transformation, avec une affirmation du caractère irréductible du mouvement et un agrandissement infini du cadre : du pays à une union socialiste internationale, à une planète socialiste, à une fédération socialiste des planètes, à une union interplanétaire, etc.

    La crise générale du mode de production capitaliste doit être comprise ainsi comme un moment propre à un développement : c’est la fin de l’ancien et le début du nouveau.

    C’est une étape qui a fait son temps et qui cède la place, de manière ininterrompue, à une nouvelle étape.

    Comprendre la décadence de l’ancienne étape, c’est en même temps saisir ce qui est vivant dans la nouvelle étape.

  • Remarques sur la surproduction de capital et la surproduction de marchandises

    Le mode de production capitaliste ne peut se développer que s’il se renforce. Et il ne peut se renforcer que s’il se développe. C’est là une interrelation dialectique qui est particulièrement difficile à saisir. C’est d’autant plus vrai pour comprendre la crise du mode de production capitaliste.

    En effet, le mode de production capitaliste ne peut être en crise que s’il se développe et il ne peut se développer que s’il est en crise. Ce paradoxe amène les gens à considérer que le mode de production capitaliste surmonte toujours ses faiblesses, qu’il sort toujours vainqueur de n’importe quelle crise.

    Si l’on maîtrise le matérialisme dialectique, on voit les choses inversement, car l’aspect principal n’est pas le développement, mais la crise. Cela peut évidemment se retourner en son contraire, comme en 1945, toutefois la tendance principale reste le mouvement vers une limite à partir de la quelle on va à l’effondrement.

    Il est ici quelques remarques nécessaires pour appréhender de manière correcte cette question de la crise générale du capitalisme, avec sa nature de surproduction de capital et de surproduction de marchandises.

    Il y a déjà la question de fond. Les moyens de production relèvent de la propriété privée et ainsi une classe est exploitée pour qu’il y ait une production de biens matériels à ses dépens. Il faut cependant qu’il y ait une consommation plus grande pour que le mode de production capitaliste se développe. Comment cela est-il alors possible ?

    Il faut, pour saisir cela, véritablement avoir une perspective matérialiste dialectique et voir que le processus de développement est en spirale. Rosa Luxembourg n’avait pas saisi cela et pour elle, le mode de production capitaliste se développait, car il existait encore des territoires non pénétrées par le mode de production capitaliste.

    Sa vision était non dialectique : pour elle, soit le mode de production capitaliste se développait, soit il ne se développait pas.

    On peut considérer que les deux grands soucis d’un telle lecture sont les suivants. Tout d’abord, il y a une incapacité de constater que le mode de production capitaliste, c’est aussi une production pour la production. Il y a des entreprises qui produisent pour d’autres entreprises.

    Ainsi, il ne suffit certainement pas de nationaliser les entreprises produisant des biens pour la consommation directe, en la « reprenant » telle quelle… Car derrière, en nationalisant les entreprises servant à la production de biens pour la production, il faut une énorme capacité d’organisation afin de faire les bons choix.

    Une production pour la production produisant du matériel pour des usines atomiques, des cages pour animaux, des piscines de luxe… aboutit à une production d’usines atomiques, de cages pour animaux, de piscines de luxe.

    Staline avait lui tout à fait compris cela. On lui a reproché de manière incessante de privilégier l’industrie lourde. Mais il avait compris que sans industrie lourde, l’industrie légère dépendrait d’une industrie lourde d’autres pays, donc de pays capitalistes. Cela eut été un choix contre-révolutionnaire que de privilégier l’industrie légère, la consommation directe servant il est vrai directement le peuple, mais l’enchaînant alors aux pays capitalistes.

    L’industrie légère aurait alors été quantitativement dépendante des autres pays, mais également qualitativement. Les pays capitalistes auraient dit à l’URSS : on vous vend telle chose pour produire telle chose, et pas autre chose.

    Même en admettant que Deng Xiaoping aurait pu avoir raison dans sa stratégie de zones économiques spéciales pour développer la Chine, on ne peut que voir que la présence étrangère en Chine concerne des productions bien spécifiques, que la Chine a simplement reproduit, reproduisant donc la forme de la production capitaliste.

    Le contenu avec Deng Xiaoping n’était en réalité déjà plus socialiste. Mais même s’il l’avait été, il aurait perdu sa substance. Produire de manière socialiste des hamburgers aboutit à ce que la dimension socialiste disparaisse devant la nature de ce qui est produit.

    Le second aspect qui est incompris concernant le mode de production capitaliste, c’est que même si celui-ci est décadent, il a des secteurs qui peuvent tout à fait fleurir au milieu de cette putréfaction. Lénine l’a bien souligné dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme : il ne faut pas penser que tous les secteurs s’effondreraient de manière unilatérale. Ce serait anti-dialectique de croire cela.

    Maintenant, il faut voir le problème de fond. Pourquoi le mode de production capitaliste apparaît-il comme stable pour tout le monde ? On pose la question ici politiquement, pas simplement par le fait que les gens soient prisonniers du mode de production capitaliste, que leur esprit soit façonné par lui.

    Même des gens qui croient en la victoire systématique du capitalisme peuvent avoir des doutes, l’unilatéralité n’existe pas. Pourquoi cependant l’option communiste apparaît-elle comme totalement utopique ?

    Il y a ici deux choses qui jouent. Tout d’abord, il y a le fait que la crise générale du capitalisme commençant en 1917 a connu différents moments relevant d’un processus inégal.

    Déjà, cette crise a frappé l’ensemble des pays d’Europe centrale et d’Europe de l’Est, ce qui fait qu’elle n’a pas été perçue comme une crise totale dans les pays de l’Ouest européen. Les mentalités ont été forgées de manière tout à fait différentes. Les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique du Sud ont eux tout à fait perçu la crise, mais ils n’étaient pas en son cœur.

    Ensuite, lorsque la crise générale du capitalisme commencée en 1917 s’est aggravée en 1929, la guerre mondiale a commencé peu après. En 1945, les gens ont considéré qu’il y avait une période « nouvelle », que la crise relevait du passé. Il y a ici de nombreuses expériences qui ont été perdu.

    Le pays au cœur des contradictions de la crise générale du capitalisme, l’Allemagne, a perdu tout son patrimoine. Les nazis ont assassiné les communistes en masse, la mobilisation nationaliste et militaire a asséché le patrimoine dans les masses. Les crimes durant la guerre et la défaite ont ajouté encore des problèmes et par la suite, le révisionnisme en RDA et l’utilisation des anciens nazis en RFA ont encore plus accentué le problème. L’apparition de la Fraction Armée Rouge s’explique par ce constat de blocage historique. Ulrike Meinhof avait étudié en détail la situation allemande.

    Bien entendu, tout a changé et on peut considérer qu’à partir de 1980, la question révolutionnaire est revenue. Le mode de production capitaliste s’était heurté à une limite dans les années 1970, il y avait de nouvelles avant-gardes suivant Mao Zedong et la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. Gonzalo, dirigeant du Parti Communiste du Pérou, parle de situation d’offensive stratégique de la révolution mondiale.

    Il aurait dû souligner la dimension relative de tout développement, car des contre-tendances elles-mêmes relatives peuvent intervenir. Elles sont au nombre de deux.

    Il y a l’implosion de l’URSS, mettant un terme à la gravité de l’affrontement Est-Ouest alors que la tendance à la guerre dominait toujours plus. Cela a puissamment aidé le bloc de l’Ouest à renforcer son capitalisme, aux dépens du social-impérialisme soviétique disparaissant devant une oligarchie russe, ukrainienne, biélorusse, des pays de l’Est bureaucratiques satellisés par l’Ouest.

    Il y a ensuite l’intégration de la puissance économique chinoise au service du mode de production capitaliste. Passé d’atelier du monde à usine du monde, la Chine a formidablement aidé les pays occidentaux à développer leur capitalisme.

    Ces deux phénomènes ont ralenti le temps, ils ont asséché le terrain de la révolution, mais pour un temps seulement. Le mode de production capitaliste a gagné trente ans. Trente ans, dans la vie d’une personne, c’est énorme. Cela explique pourquoi la proposition stratégique communiste a été invalidé en apparence auprès des gens.

    Inversement, les contradictions du mode de production capitaliste n’en sont que plus renforcés. On a ainsi la contradiction entre l’humanité et la nature, qui est explosive, la contradiction entre la superpuissance américaine et la superpuissance chinoise en devenir, qui est une source de conflit militaire toujours plus prégnant. Il y a ici toute une liste de contradictions qui, en fait, doivent précisément être analysées.

    Pour cela, il faut par contre bien maîtriser le rapport entre surproduction de capital et surproduction de marchandises. Considérer l’un indépendamment de l’autre – et c’est récurrent chez ceux ne maîtrisant pas le matérialisme dialectique – aboutit à une incompréhension du mode de production capitaliste, et a fortiori de la crise générale du capitalisme.

    Il faut donc se tourner vers les enseignements de Karl Marx à ce sujet, et profiter des erreurs commises par Eugen Varga et Paul Boccara, erreurs riches d’enseignements.

  • La crise générale du capitalisme et le sursaut de la civilisation

    La chose est claire : la crise générale du capitalisme est l’expression d’une limite absolue dans son développement. En ce sens, ce qu’on appelle « révolution » n’est qu’un moment qui dépasse l’obstacle posé par le capitalisme lui-même. La caractéristique de l’obstacle est ce qui permet de comprendre ce qui forme le processus révolutionnaire ou non.

    La première et la seconde crise générale du capitalisme relèvent d’une même substance « historique ». C’est celle d’une dégradation des conditions de la vie naturelle par rapport à ce qui est possible dans un niveau de civilisation donné.

    Cela signifie que la révolution comme moment de dépassement de la crise n’est pas quelque chose qui exprime une identité « prolétaire » formelle, mais l’expression de la continuité de la vie, de la civilisation, cela se déroulant évidemment à travers une classe sociale, la classe ouvrière.

    On peut dire que la révolution d’octobre 1917 a été l’expression de la contradiction entre travail intellectuel et travail manuel dans le cadre de la première crise générale. Résultat du développement du capitalisme monopoliste, la première guerre mondiale a comme on le sait sacrifié des millions d’ouvriers et de paysans qui devait, dialectiquement, trouver dressé devant et contre eux tout l’appareil technologique des monopoles. En ce sens, il n’y ni « cause », ni « conséquence ».

    1917 en Russie a donc bien été le dépassement de l’obstacle ayant engendré la première crise générale. C’est le refus de la part du travail manuel de n’être qu’un rouage d’une machinerie qui ne sert plus l’essor de la civilisation. Ce dépassement s’est déroulé comme résolution de la contradiction intellectuel/manuel.

    La contradiction intellectuel/manuel a été l’aspect principal (la contradiction ville/campagne étant secondaire par l’absorption par l’armée des paysans des campagnes) exprimant la continuité de la civilisation elle-même. Les soldats, travailleurs manuels, assument la culture, la vie naturelle elle-même bien que plongés dans une barbarie généralisée.

    La vie trouve toujours à continuer… Et c’est là tout le sens de l’analyse d’Antonio Gramsci, déformé par les courants réformistes : « On a l’impression que les maximalistes ont été à ce moment l’expression spontanée, biologiquement nécessaire, pour que l’humanité russe ne sombre pas dans la plus horrible débâcle, pour que l’humanité russe, s’absorbant dans le travail gigantesque, autonome, de sa propre régénération, puisse moins ressentir les impulsions du loup affamé, pour que la Russie ne devienne pas un charnier énorme de bêtes féroces qui s’entre-déchirent. »

    Cela montre en quoi consiste la révolution dans la crise générale du capitalisme : le prolétariat assume la défense du plus haut degré de civilisation. Dialectiquement, Gramsci parle de « Révolution contre le Capital » : par esprit volontariste, Gramsci n’a pas saisi le matérialisme historique, mais en même temps, sur la base du développement inégal de sa démarche, il développe un aspect matérialiste dialectique.

    La crise générale du capitalisme ne pose donc pas une problématique en terme de « répartition des richesses » dans un pays développé ou de « défense des droits » face au « capital » mais un saut qualitatif dans la civilisation. Cela ne passe évidemment que par la classe ouvrière capable d’assumer l’héritage national et son dépassement-enrichissement.

    Dire que le capitalisme surmonte toujours ses crises est donc erroné au point de vue historique. 1917 a été l’expression de la limite de la première crise générale, donnant lieu au premier État socialiste dans le monde et formant ensuite un écho dont celui en 1949 avec la proclamation de la République populaire de Chine.

    Le développement capitaliste a été permis par l’effondrement du social-impérialisme et l’intégration au marché mondiale de la Chine avec Deng Xiaoping. L’irruption de la maladie Covid-19 est bien l’expression de l’obstacle général, à un moment où les monopoles capitalistes sont bien plus massifs qu’ils n’étaient déjà en 1914.

    Du fait de l’anarchie de la production, les cycles de rotation du capital ne peuvent être bloqués comme cela a été, comme c’est le cas. Cela va engendrer une détérioration non pas simplement et abstraitement des conditions de vie, mais des conditions de vie dans les conditions d’une métropole impérialiste où la vie quotidienne est stabilisée, assurée, et enrichie.

    Le travail manuel déjà usant psychologiquement se voit contraint par l’irruption d’un virus exprimant la limite du capitalisme dans le cadre de la contradiction ville/campagne. La pressurisation de la force de travail est encore plus forte de par les mesures sanitaires à respecter.

    Par rapport à 1917, l’aspect principal est bien la contradiction ville/campagne, avec celle entre intellectuels et manuels étant la clef du processus dépassement à venir, déjà en cours.

    À rebours des théories voyant le prolétaire comme se faisant simplement « accaparer » son travail, on voit là l’intégration complète du prolétaire à la machinerie capitaliste. Le prolétaire fait partie du problème autant qu’il en est la solution et c’est dans son rapport subjectif à la civilisation que réside le processus révolutionnaire.

    Car quel que soit l’aspect principal de la contradiction motrice, la substance reste la capacité à assumer et à porter le développement social et culturel. Si les soldats de la première guerre mondiale voient leur condition de vie chuter brutalement, ils manient dans le même temps des techniques de guerre ultra-modernes et acceptent de se battre.

    Les prolétaires des métropoles impérialistes vivent une vie bien plus riche au plan subjectif. Grâce au développement technologique, ils sont connectés à la réalité planétaire presque immédiatement, mais ils doivent affronter la destruction de la planète elle-même.

    Le virus Covid-19 est l’expression de cette contradiction et le décalage est tellement frappant qu’il forme un aspect certain du processus révolutionnaire dans le cadre de la seconde crise générale du capitalisme.

  • La seconde crise générale du capitalisme

    La crise sanitaire n’a pas provoqué au sens strict la seconde crise générale du mode de production capitaliste. Cette crise ne peut être provoquée que de manière interne, de par les contradictions internes. Et là il faut voir, comme cela a été adéquatement expliqué par le PCF(mlm), que le covid-19 est une maladie portée par un virus qui est le fruit d’une mutation provoquée par la contradiction entre les villes et les campagnes, dans le cadre du développement du mode de production capitaliste.

    Ainsi, c’est le mode de production capitaliste qui a provoqué la crise sanitaire et par conséquent, on est dans une situation où le mode de production capitaliste touche à sa limite : il entre en conflit avec la vie elle-même. Son utilisation maximisée du travail humain et des ressources naturelles rentre en contradiction avec la réalité elle-même.

    C’est exactement pour cette raison que la première crise générale du mode de production capitaliste a été provoqué par la révolution d’Octobre 1917. Cette révolution ne vient pas de l’extérieur du mode de production capitaliste, mais exprime une contradiction interne. La révolution d’Octobre 1917 exprimait directement la contradiction entre le travail manuel et le travail intellectuel, à travers la question de la propriété.

    Au sens strict, on doit d’ailleurs considérer que la première et la seconde crises générales du mode de production capitaliste ne sont qu’une seule et même crise, touchant ses deux aspects fondamentaux, les deux contradictions inhérentes à son développement.

    Il faut cependant comprendre la particularité de la seconde crise générale du mode de production capitaliste. On rentre en effet dans une phase de déclin ouverte, alors que le mode de production capitaliste était en plein élan. La première crise générale du mode de production capitaliste a commencé alors qu’on était au contraire en pleine guerre impérialiste.

    On pourrait penser que cela rende plus facile pour le mode de production capitaliste de chercher à surmonter les problèmes. Or, c’est l’inverse qui est vrai. Penser qu’une situation de développement du mode de production capitaliste rend les choses plus aisées pour lui, c’est commettre deux erreurs :

    – considérer que le développement peut être infini ;

    – considérer que le mode de production capitaliste est capable de « raisonner ».

    Il ne manquera évidemment pas de gens pour affirmer cela, principalement depuis le camp du réformisme social, de ce qu’on appelle historiquement les « socialistes de droite ».

    Les faits démontrent cependant tout à fait le contraire. Le mode de production capitaliste s’empêtre d’autant plus qu’il est conquérant. Ses fuites en avant signifient forcément une pressurisation toujours plus grande du prolétariat et une tendance plus affirmée à la guerre impérialiste.

    Comment peut-on être toutefois certain que la crise ouverte en 2020 avec le covid-19 correspond bien à la seconde crise générale du mode de production capitaliste, au-delà de la nature particulière de cette maladie ?

    Il existe deux éléments définissant ce qu’est une crise générale du mode de production capitaliste. Le premier est la surproduction de capital, le second la surproduction de marchandises. Il va de soi qu’ils sont en rapport dialectique l’un avec l’autre.

    Il est à ce titre tout à fait déterminant, pour saisir la nature politique d’une affirmation sur le mode de production capitaliste, de voir si ces surproductions sont saisies et si elles sont saisies toutes les deux, ainsi que de manière dialectique. La ligne opportuniste de droite se concentre d’habitude sur la surproduction de capital, dénonçant une « oligarchie » ; la ligne opportuniste de gauche se concentre sur la surproduction de marchandises, demandant un meilleur « partage des richesses ».

    Le point de vue communiste est, à l’opposé, le suivant. La crise générale du mode de production capitaliste, tel que défini par Karl Marx, implique la conjugaison dialectique de la surproduction de capital et de la surproduction de marchandises, l’une impliquant l’autre, et vice-versa.

    Cela signifie que le mode de production capitaliste a atteint un stade où les monopoles sont si puissants qu’ils assèchent les cycles de valorisation du capital, en remplaçant l’exploitation capitaliste par une exploitation toujours plus despotique, de type parasitaire.

    Pour constater si, en 2020, on a bien une crise générale du mode de production capitaliste, il faut donc regarder s’il y a surproduction de capital et surproduction de marchandises, avec une prévalence des monopoles.

    La clef est, bien entendu, le confinement. Ce dernier a impliqué une cessation de nombreuses activités. Quelles ont été les activités qui ont cessé, lesquelles ont continué, malgré des contrariétés ?

    Il faut saisir cela au moyen de la contradiction entre le travail manuel et le travail intellectuel, ainsi qu’au moyen de la contradiction entre villes et campagnes.

    On a pu ainsi voir que les travailleurs manuels ont été pressurisé pour que leurs activités continuent, alors que le travail intellectuel a eu droit au télétravail. Cela n’a pas empêché, bien entendu, un profond recul de l’activité en général. Cela signifie que le mode de production capitaliste a dû constaté, en partie, un arrêt de ses cycles productifs.

    Cela n’est pas du tout conforme à sa nature, qui est d’être ininterrompue, et cela de manière toujours plus élargie. La crise générale du mode de production capitaliste n’a ainsi pas comme aspect principal le « gel » productif et le « gel » de la consommation.

    La crise générale du mode de production capitaliste a comme aspect principal la cassure dans son élan, car il est dans sa nature de vivre de relance du capital en relance du capital.

    Il y a ainsi surproduction de capital, car avec le confinement, la situation de blocage, le capital ne sait pas comment se replacer, alors qu’il est dans sa nature de se replacer immédiatement. Il existe un capital immense qui est désorienté, bloqué, ne sait pas où aller.

    Dialectiquement, ce capital provient aussi de la réalisation des cycles précédents. Or, le confinement a bloqué la distribution des marchandises. Il y a donc une accumulation de biens qui n’ont pas été vendus, et ainsi une surproduction de marchandises. Un nombre important de ces marchandises sont perdues, parce qu’elles sont périmées ou parce qu’on ne peut pas louer des chambres d’hôtel dans le passé.

    Il y a tout un moment historique où le mode de production capitaliste n’a pas été en mesure de se réaliser en occupant tous les espaces disponibles. On a ici un problème de valorisation, qui est l’écho direct de la destruction de ce qui est naturel, à l’échelle mondiale, afin d’asseoir à tout prix une valorisation du capital existant.

    La déforestation n’existe que parce qu’il y a un capital disponible pour celle-ci, avec comme but une valorisation. La nature s’exprime ici comme une limite historique au mode de production capitaliste et voilà pourquoi il cherche à tout prix à la nier (d’où les phénomènes du type PMA, GPA, transhumanisme, transsexualité, rejet de la famille traditionnelle, drogues, etc.).

    On a ainsi une crise générale du mode de production capitaliste parce qu’on voit la limite dans la valorisation avant la crise – par le covid-19, pour la première crise générale ce fut la guerre de impérialiste1914-1918 – et après la crise, avec le recul de la production et le chômage.

    Cette question du avant-après est essentielle pour appréhender de manière juste la notion de crise générale du mode de production capitaliste. Ce qui est en jeu ici, c’est la notion de limite, qui est au cœur de la contradiction de tout phénomène.

    Ne pas voir la contradiction entre villes et campagnes, avec le covid-19 issu d’une mutation provoquée par le mode de production capitaliste, c’est ne pas comprendre que la crise générale du mode de production capitaliste n’est pas une « conséquence » d’une « cause », mais un phénomène dialectique.

    Il y a ainsi deux axes essentiels pour saisir la seconde crise générale du mode de production capitaliste. Il faut combiner l’avant et l’après et les étudier de manière dialectique, en rejetant le principe de « cause » et de « conséquence ».

    Il faut étudier le mouvement qui a fait que le mode de production capitaliste a atteint sa limite, ce qui signifie se tourner vers la question de la nature et notamment des animaux. Le mode de production capitaliste a cherché à contourner son incapacité à se valoriser en modifiant radicalement la réalité naturelle.

    La modification physiologique des êtres humains accompagne une utilisation systématique des animaux dans l’industrie afin d’ouvrir de nouveaux marchés, d’élargir les possibilités de satisfaction de la valorisation du capital.

    De la même manière relève de « l’avant » l’effacement des valeurs conservatrices de la bourgeoisie devant le post-modernisme. La bourgeoisie ne prétend plus représenter des valeurs traditionnelles et même les fractions les plus agressives en son sein ne le font que symboliquement. La bourgeoisie a totalement décliné et elle est tombée dans une décadence complète, avec le relativisme comme vision du monde.

    Il faut, bien évidemment, également étudier « l’après ». La crise générale du mode de production capitaliste connaît un nombre très important de modalités, qu’il s’agit de repérer, d’analyser (de manière non formelle), d’en saisir la substance.

    C’est de la compréhension de cette substance que découle la capacité d’intervention révolutionnaires des communistes.

  • Alexandre d’Aphrodise ouvre la voie à la Falsafa

    Pour comprendre pourquoi Alexandre d’Aphrodise représente un tournant favorable à l’élan de la philosophie d’Aristote chez les philosophes de la civilisation islamique, il suffit se de se tourner vers un propos d’Averroès (1126–1198), qui sera pareillement nommé le « commentateur ».

    Dans ses remarques au sujet du Commentaire de la Métaphysique (point Λ 7) d’Aristote par Alexandre d’Aphrodise, Averroès cite de dernier :

    « Il n’est pas nécessaire de comprendre par « plaisir » le plaisir qui découle d’une affection.

    Car la puissance qui est liée à l’affection a pour opposé la peine, alors que le plaisir qui est dans l’intellect lui-même n’est pas une affection et n’a pas d’opposé, puisque cette saisie [intellectuelle] n’a pas pour opposé une ignorance.

    En effet, le plaisir est l’un des concomitants de la saisie [intellectuelle], tout comme l’ombre l’est pour le corps.

    Et s’il y a une saisie qui n’a pas d’opposé et qui n’est pas en puissance à un certain moment, celui qui saisit n’est jamais accompagné d’une douleur causée par l’absence de saisie. »

    On a ici le principe selon lequel l’être humain peut lui-même atteindre une béatitude au moyen d’une compréhension du monde. En effet, on pense en conceptualisant. Donc le monde est déjà conceptualisé dans sa nature même. La pensée de l’être humain est un intellect passif retrouvant, lorsqu’il est mis en branle, l’intellect actif à l’échelle de l’univers.

    Il suffit de lire le passage suivant du Coran, de la sourate Yunus, pour retrouver l’écho de cette exigence de se tourner vers la compréhension du monde tel qu’il est :

    « C’est Lui qui a fait du soleil une clarté et de la lune une lumière, et Il en a déterminé les phases afin que vous sachiez le nombre des années et le calcul (du temps). Allah n’a créé cela qu’en toute vérité. Il expose les signes pour les gens doués de savoir.

    Dans l’alternance de la nuit et du jour, et aussi dans tout ce qu’Allah a créé dans les cieux et la terre, il y a des signes, certes, pour des gens qui craignent (Allah). »

    Naturellement, les vrais religieux, au sens strict, ne peuvent nullement se retrouver dans le matérialisme d’Aristote, son panthéisme souligné par Alexandre d’Aphrodise. Mais plus il y avait une charge matérialiste dans la civilisation islamique, plus était inévitable la convergence avec la perspective d’Aristote, par les points mis en avant d’Alexandre d’Aphrodise.

    C’est pour cela qu’on va avoir chez Alexandre d’Aphrodise et les philosophes de la Falsfa arabo-persane littéralement la conception commune d’un esprit humain se tournant vers le monde pour en refléter les concepts, à la manière d’un ordinateur relié à un réseau afin de puiser des informations correctes dans un système central.

    On est ici dans une adéquation intellectuelle avec l’ordre cosmique, une quête scientifique. Les auteurs de la falsafa arabo-persane appartiendront à la culture islamique, mais rejetteront catégoriquement le soufisme, les mysticismes islamiques en général. Il s’agit d’une perspective scientifique, d’un éveil intellectuel, de correction de ce qui est erroné afin de correspondre à sa propre essence, car chaque chose obéit par nature à son essence naturelle.

    En s’identifiant au monde, comme « création divine » selon le Coran mais en fait également et surtout comme nature éternelle, l’être humain est un animal qui par son intellect matériel peut procéder à des abstractions et des raisonnements, l’amenant à saisir l’ordre du monde, à s’y reconnaître.

    Illustration islamique, vers 1220, montrant Aristote enseignant à un disciple

    On n’est pas dans une reconnaissance passive du cours du monde, comme chez le stoïcisme. On est dans une bataille pour faire parler le monde, pour se mettre en adéquation avec lui. On a ici un point de la plus haute valeur matérialiste, avec une portée dialectique formidable.

    Le problème historique, inévitable, c’est bien sûr que ni Aristote ni Alexandre d’Aphrodise ne connaissaient le principe du reflet, de par leur époque arriérée. Mais ils étaient matérialistes : on apprend par les sens et si l’intellect agent n’est pas considéré comme matériel, au sens de la matière se reflétant par son mouvement dialectique dans l’esprit, il n’est pas considéré comme non immatériel pour autant, car il existe de par l’existence de la matière ayant des « formes ».

    En fait, le problème était insoluble pour Aristote et Alexandre d’Aphrodise, car pour eux la matière était statique et il fallait qu’elle soit mise en mouvement. En réalité, tout est tout le temps en mouvement. Ni Aristote ni Alexandre d’Aphrodise ne pouvaient donc saisir le mouvement de la matière dans l’esprit, comme reflet.

    Ils ont cependant eu l’intuition matérialiste que l’être humain ne pense pas, que l’intellect matériel d’un individu n’est qu’une copie de l’intellect agent universel.

    En insistant en particulier sur cet aspect, Alexandre d’Aphrodise a permis de saisir de manière adéquate la démarche d’Aristote, et donc de réactiver le matérialisme comme vision d’un monde unifié. C’est cela que saisit la falsafa arabo-persane.

    =>Retour au dossier sur Alexandre d’Aphrodise et l’essentialisme

  • Alexandre d’Aphrodise et l’essence dans le rapport universel-particulier

    Alexandre d’Aphrodise a une position concrète différente de celle d’Aristote, au sens où si ce dernier se tourne vers le mouvement, la réalisation d’une potentialité pré-définie, ce qu’il appelle l’entéléchie, lui décale l’axe central vers la notion d’essence.

    Il n’y a au sens strict, pas de divergences entre les deux. Ainsi, chez Alexandre d’Aphrodise, même la quête du plaisir n’est pas simplement porté par la satisfaction propre au désir, mais également par le fait que l’acte menant au plaisir relève d’un mouvement naturel, dont la réalisation est elle-même cohérente.

    Alexandre d’Aphrodise constate dans De anima liber cum mantissa [Livre sur l’âme avec supplément] que :

    « En désirant l’acte non entravé conforme à ce qu’ils sont, ils désireront leur bien propre et leur plaisir – s’il est vrai que le plaisir est un acte non entravé de la disposition naturelle – et, en outre, le fait que le plaisir résulte pour eux-mêmes (car c’est l’acte qui leur est particulier qu’ils désirent).

    Celui en effet qui désire son acte propre, conforme à ce qu’il est en puissance, désire manifestement le caractère non entravé [de cet acte] (car ce qui empêche et entrave cet acte est, pour celui qui le désire, à fuir), et, en même temps, un acte de cette sorte est aussi plaisant.

    Il désire non pas simplement un acte, mais le fait même d’être en acte, et en désirant cet acte propre, c’est le fait même d’éprouver du plaisir qu’il désirera, et ce d’autant plus que le plaisir suit un tel acte, auquel, comme acte premier, il est approprié. Il n’a pas fait du plaisir le but de son désir, mais il a ce plaisir en tant qu’il suit l’acte, car tout ce qui est conforme à la nature est plaisant. »

    Cela est tout à fait conforme à la philosophie d’Aristote. Cependant, on sait que celui-ci a procédé avec les syllogismes à un moyen de développer les connaissances ; tourné vers la physique, il a posé les bases d’un vaste catalogue de la réalité, au moyen des espèces, des genres, etc. On a tout un panorama de divisions et de sub-divisions et Aristote est très clairement orienté vers le catalogage de toute la réalité.

    Son immense projet est toutefois ici passé de la science à la philosophie : Alexandre d’Aphrodise quitte le terrain de l’étude des processus au sens de leur dynamique pour s’orienter vers le monde divisé en essences.

    C’est pour lui l’aspect principal, car ce qu’il privilégie, ce sont les modalités permettant le monde plus que les modalités du monde lui-même, la métaphysique, plutôt que la physique. Naturellement, on a perdu l’essentiel des textes d’Alexandre d’Aphrodise et peut-être n’est-ce pas le cas, néanmoins c’est ce qui resta historiquement.

    Cela se révèle d’ailleurs également, relativement, dans sa compréhension de l’opposition entre l’universel et le particulier.

    Dans De l’interprétation, Aristote définissait notamment les choses ainsi :

    « J’appelle universel ce dont la nature est d’être affirmé de plusieurs sujets, et singulier ce qui ne le peut : par exemple, homme est un terme universel, et Callias un terme individuel. »

    Seulement voilà, pour qu’homme soit un terme universel, il faut qu’il y ait des hommes. Aristote insiste sur le fait que la généralité n’existe que de manière postérieure à l’existence réelle, concrète, de particuliers relevant de cette généralité.

    Ce n’est pas un idéaliste : Platon, au contraire, dit qu’il y a des Idées existant au préalable, façonnant la matière et aboutissant à des reflets matériels imparfaits de ces idées (car matériels).

    Tel n’est pas du tout le cas chez Aristote et Alexandre d’Aphrodise défend de manière adéquate sa conception, en disant par exemple que :

    « Un être humain est un être humain de par sa nature telle, qu’il y en ait ou pas plusieurs partageant cette nature. »

    Alexandre d’Aphrodise rejette donc les mathématiques comme base scientifique unilatérale : les objets mathématiques n’existent en effet pas en soi, ils sont seulement conçus par la pensée. On est ici dans la conception matérialiste d’Aristote, dans le refus de l’idéalisme croyant qu’un Dieu unique aurait inventé la multiplicité et façonner la matière au moyen de celle-ci, suivant des « codes », des combinaisons, etc.

    Et ce faisant, il pose l’affirmation de l’essence de l’être humain. Il y a donc une contradiction entre l’essence humaine, d’un côté, universelle, et l’être humain individuel, particulier, de l’autre.

    Lorsqu’il parle de l’existence de différences, Alexandre d’Aphrodise explique de manière cohérente que :

    « Les substances particulières sont celles qui reçoivent les contraires, tandis que les genres, les différences et les formes ne reçoivent aucunement les contraires, car ils sont universels et généraux. »

    On a ainsi des essences pour chaque chose. Mais chaque chose peut se retrouver dans une situation particulière (par rapport aux autres choses). Il y a une tension entre l’universel – un cadre fixé pour chaque chose, ou plutôt une nature, une essence – et le particulier, celui-ci connaissant dans des situations multiples.

    Dans le cas où il s’agit d’un être humain, on a alors qui plus est la question de savoir si l’essence simple prédomine, au sens où l’animalité décide, ou bien si on est passé dans la raisonnement amenant à des alternatives parmi lesquelles choisir.

    On a ici une systématisation de la démarche d’Aristote. Ce dernier posait son système comme analyse de la dynamique du monde, une dynamique qu’il appelle entéléchie car chose produite est déterminée par une fin bien déterminée.

    Alexandre d’Aphrodise renverse la perspective, il ne cherche pas à saisir la dynamique dans son mouvement, mais dans sa réalité statique exigeant qu’on aille à l’essence pour parvenir à se définir. Il ouvre ici le cycle qui va consister principalement en Avicenne, Averroès, Spinoza.

    Chez ces quatre philosophes, il s’agit de se mettre à l’écoute de son essence pour se placer sur la bonne longueur d’onde.

    Et Alexandre d’Aphrodise distingue pour cette raison trois intellects : l’intellect matériel qu’on peut qualifier de passif, de tablette d’argile sur laquelle rien n’est écrit, puis l’intellect matériel mis en branle, mis concrètement à disposition, ayant conscience d’être réflexion.

    On a enfin l’intellect agent, qui permet à l’intellect matériel d’être mis en branle, en tant que réflexion intellectuelle virtuelle de l’ordre cosmique.

    =>Retour au dossier sur Alexandre d’Aphrodise et l’essentialisme

  • Alexandre d’Aphrodise et la question du déterminisme et de l’essence

    Alexandre d’Aphrodise se heurte forcément à l’un des problèmes fondamentaux de la philosophie d’Aristote : la question du déterminisme. Le stoïcisme était un prolongement cohérent d’Aristote, au sens où si tout est cause et conséquence, alors tout est déterminé et la psychologie doit se conformer à ce qui apparaît comme étant le destin.

    Seulement, Alexandre d’Aphrodise sait que s’il accepte cela, alors la philosophie d’Aristote devient une reconnaissance passive de la réalité. Or, Aristote exprimait non pas la mentalité du citoyen romain se conformant à ce que sa situation implique, mais celle de l’esclavagiste grec choisissant telle ou telle réalisation.

    Par conséquent, Alexandre d’Aphrodise réactive la notion de production qui avait été perdue avec les Romains. Il dit : soit la production de quelqu’un se tourne vers une satisfaction naturelle, soit elle se tourne vers ce qui relève d’un choix de la raison.

    On a ici soit la nature directement animale de l’être humain, soit sa capacité à se tourner vers l’intellect agent, reflet de l’univers, qui guide alors la réflexion.

    Or, si on peut mal raisonner, une orientation simplement animale est implacable. Ce sont donc deux choses différentes.

    Ce qu’on appelle destin relève par conséquent de la dimension directement naturelle, alors que l’autre aspect, non déterminé, relève de la délibération faite par les êtres humains, de manière juste ou pas.

    Il va de soi qu’il faut ici relativiser cela : si Alexandre d’Aphrodise ne connaît bien entendu pas le principe de mode de production façonnant les esprits, il considère en fait que soit on pense bien et qu’on est conforme à l’ordre du monde, soit que l’on pense mal mais alors qu’on ne pense pas vraiment, on s’égare en fait, et cela ne tient pas.

    Il y a ainsi d’un côté ce qui arrive inéluctablement, car de manière naturelle, et de l’autre ce qui relève d’un certain relativisme, d’alternatives.

    Dans son traité sur la providence, Alexandre d’Aphrodise dit ainsi que :

    « La puissance divine que nous avons appelée également nature constitue les choses qui existent en elle et les façonne avec proportion et ordre, et non par délibération.

    Car la nature n’appartient pas à chacun des êtres qu’elle produit en tant qu’elle le penserait et le méditerait rationnellement – du fait que la nature est une puissance irrationnelle [en fait non rationnel, au-delà du rationnel] – mais du fait de l’être de chacun ; c’est de cette manière que chacun se produit en conformité avec son être à partir de l’animal et du corps divin, ce dernier étant l’engendreur de son principe.

    Puisqu’en effet son existence provient de ce corps et qu’il vient à être une chose procédant et émanant de lui, il se trouve qu’en raison de son analogie avec lui, il est de sa nature de produire tout mouvement ordonné de telle sorte qu’il agit selon des nombres et des rapports déterminés.

    Il n’est en effet pas possible qu’apparaissent dans les actes et les mouvements des rejetons des animaux mortels des indices et des signes de leur race, tandis que ce qui est engendré des dieux ne conserverait pas, entre autres choses qui lui appartiennent, la bonne ordonnance provenant des choses divines.

    Et il faut savoir que le mouvement qui provient de la nature ressemble d’une certaine manière à ce qui apparaît dans ce que suscitent les faiseurs d’automates.

    Nous voyons souvent de tels mouvements inanimés se produire, de manière artificielle, lorsque le faiseur d’automates leur procure un principe de mouvement. Ainsi, certains paraissent danser, d’autres lutter, d’autres se mouvoir d’autres mouvements suivant un ordre et un rythme, du fait que leur artisan leur a prodigué une telle constitution. »

    L’être humain a une essence, comme les automates sont déterminés à telle ou telle action. La marge de manœuvre de la délibération est ainsi calibrée par définition même. Le déterminisme ne s’exprime qu’en rapport avec l’essence de l’être humain, avec une opposition entre le particulier et l’universel.

    =>Retour au dossier sur Alexandre d’Aphrodise et l’essentialisme

  • Alexandre d’Aphrodise et le dépassement du scepticisme, de l’épicurisme et du stoïcisme

    Alexandre d’Aphrodise représente un immense moment de tension. Au moment où il intervient philosophiquement, l’idéalisme s’est puissamment structuré intellectuellement ; on le désigne parfois comme « moyen-platonisme », parce qu’il préfigure le néo-platonisme émergeant peu après la mort d’Alexandre d’Aphrodise.

    Or, ce dernier va totalement à rebours du néo-platonisme. Les tenants de Platon se tournaient toujours davantage vers la magie, le mysticisme, dépassant le platonisme déjà puissamment idéaliste, pour ne pas dire totalement religieux. Mais Alexandre d’Aphrodise, lui, se revendique de l’aristotélisme comme matérialisme et rejette tout apport ; il veut l’orthodoxie. Et lorsqu’il exige un rappel strict et sans ajouts de la philosophie d’Aristote, il présente celle-ci comme une doctrine complète.

    Il défend la conception d’Aristote. L’être humain ne pense pas : sa pensée n’est que le reflet de l’ordre du monde. Soit l’être humain est tourné vers sa réalité animale, soit il est éveillé et cherche à comprendre l’ordre de l’univers, y voyant quelque chose de réel et de bon.

    Il est ici un point culminant de tout un renouveau de l’intérêt pour Aristote existant alors depuis quelques décennies ; à ce titre, il sera par la suite nommé le « commentateur » (ho exêgetês).

    Manuscrit médiéval, en latin, de la Physique d’Aristote

    Et c’est en tant que commentateur, en résumant la démarche d’Aristote, en formulant les différentes possibilités de réponse aux questions en suspens, qu’il va affirmer la dimension systématique de la « métaphysique », posant une doctrine matérialiste unifiée.

    Alexandre d’Aphrodise est donc le héraut du matérialisme à ce moment-là. On ne peut pas comprendre son impact, la charge matérialiste qu’il représente historiquement, si on ne voit pas cela.

    Le contexte historique est celui d’un affrontement intense entre idéalisme et matérialisme, entre le matérialisme authentique et les tendances secondaires du matérialisme.

    Pour cette raison, Alexandre d’Aphrodise fait face à deux contre-courants : tout d’abord, le platonisme et le néo-platonisme qui rejettent la matière, au profit du seul esprit. Le conflit est ici facile à comprendre, puisque le matérialisme rejette le dualisme opposant corps et esprit.

    Ensuite, il y a l’épicurisme, le stoïcisme et le scepticisme qui se tournent vers un matérialisme sensualiste et immédiatiste-psychologique.

    Cette dernière direction était, dialectiquement, présente chez Aristote. Tant l’épicurisme que le stoïcisme et le scepticisme sont une lecture dialectiquement possible d’Aristote. Le contexte romain a asséché la dynamique scientifique, affaiblissant la démarche d’Aristote et permettant l’affirmation d’une série de questionnements et de positionnements, matérialistes mais éclectiques ou étroits.

    Copie romaine d’une représentation hellénistique d’Epicure, fin du 3e siècle – début du 2e siècle avant notre ère

    Le scepticisme appelle à prendre le monde comme si complexe qu’on ne peut être certain de rien ; l’épicurisme appelle à être heureux matériellement par sobriété, la vie à l’écart de tout souci possible ; le stoïcisme appelle à être heureux en se reconnaissant dans le mouvement inéluctable des choses qui se déroulent.

    Alexandre d’Aphrodise intervient alors, dans la réaffirmation du matérialisme, et il va mettre l’accent sur un aspect permettant la reconstitution de la philosophie d’Aristote, et ainsi son affirmation.

    Chez Aristote, l’être humain se situe dans l’univers et peut avoir conscience de sa place de manière active. Cependant, en développant de manière approfondie le principe du mouvement comme dynamique, en posant le monde comme succession de causes et de conséquences, en définissant les règles du syllogisme… Aristote avait posé un espace logico-rationaliste à côté de son affirmation du monde comme naturel.

    Le scepticisme, l’épicurisme et le stoïcisme se sont engouffrés dans cette brèche. Le scepticisme met de côté l’univers en se résumant à une logique immédiatiste. L’épicurisme rejette qu’on puisse avoir conscience de sa place dans l’univers qui serait pur hasard et en reste à une logique immédiatiste-sensualiste.

    Enfin, le stoïcisme fait des causes et des conséquences un système unifié supprimant toute dimension active de la part des êtres humains, qui doivent se conformer à leur sort.

    Alexandre d’Aphrodise rejette alors le scepticisme par définition pour son rejet de la science, il met de côté l’épicurisme comme étant un fétichisme du bien-être naturel et il combat le stoïcisme comme relevant d’une fascination intellectuelle passive pour l’ordre cosmique (et ces deux philosophies apparaissent clairement comme de l’aristotélisme déformé dans un sens ou dans l’autre).

    Il expose alors la place de l’être humain dans l’univers selon Aristote. C’est un moment clef dans la bataille pour le matérialisme et cela se lit avec la question du déterminisme et de l’essentialisme.

    =>Retour au dossier sur Alexandre d’Aphrodise et l’essentialisme

  • Alexandre d’Aphrodise et la position de l’être humain dans l’univers

    Alexandre d’Aphrodise est un matérialiste ; il affirme que la Nature, d’une richesse incroyable, façonne le monde. Se tourner vers la Nature pour la comprendre est la meilleure chose à faire : en reflétant dans son esprit les concepts des réalités matérielles, on obtient le vrai bonheur contemplatif.

    Il va de soi que les commentateurs bourgeois ont été dans l’impossibilité de comprendre toute cette démarche d’Alexandre d’Aphrodise, et même d’Aristote. Ils ont été incapables d’en saisir la charge matérialiste, car seul le matérialisme dialectique permet de comprendre qui est un de ses lointains ancêtres.

    Les commentateurs bourgeois ont cherché à comprendre l’intellect agent comme une sorte de forme immatérielle flottante, ne comprenant pas que c’est simplement l’ordre du monde qu’on peut rationaliser intellectuellement en tournant son esprit vers lui et non plus vers une simple immédiateté comme le font les animaux.

    On ne peut pas, chez Aristote, faire des abstractions virtuelles – les abstractions sont issues de la réalité elle-même et le matérialisme dialectique montre bien comment le monde est lui-même dialectique, donc les raisonnements également, retombant sur la réalité dialectique, et inversement.

    Tout se reflète et l’esprit humain n’est qu’un lieu de passage, un reflet de la matière, celle de la personne ayant cet esprit, celle de la réalité elle-même.

    Version latine du Traité de l’âme d’Aristote, début du 14e siècle

    La démarche d’Alexandre d’Aphrodise aboutit ainsi de manière cohérente à un panthéisme, comme chez Aristote et comme chez Spinoza ; ayant par contre réfuté la Nature, les commentateurs bourgeois ne peuvent pas saisir la substance de leur approche concernant la « pensée ».

    « Penser », pour un être humain, c’est penser le monde par le monde, avec le monde ; dans les commentaires sur les Premiers analytiques attribués à Alexandre d’Aphrodise, on lit ainsi :

    « Théoriser est le plus grand des biens humains. »

    L’être humain est, chez Aristote et Alexandre d’Aphrodise (et Spinoza), un être tourné vers la contemplation théorique. Il est capable de recevoir, par un esprit récepteur, l’ordre du monde.

    Si l’être humain avait un esprit plein, il ne pourrait rien intégrer ; s’il avait un esprit partiellement plein, il ne pourrait pas assumer les vérités telles quelles mais seulement ces vérités associées à ce qu’il y a déjà dans son esprit.

    Si l’esprit humain avait sa propre « composition » pour ainsi dire, il ne pourrait pas intégrer la composition qu’est la réalité.

    Alexandre d’Aphrodise en déduit fort logiquement qu’il n’y a rien à la base, à part le mélange matériel permettant à l’esprit d’exister, et l’intellect agent vient imprimer ses concepts sur cet intellect matériel.

    L’être humain a alors un esprit mis en branle et est en mesure de disposer de la satisfaction d’un regard théorique contemplatif.

    Il faut bien souligner cet aspect essentiel d’un esprit qui est à l’origine comme une tablette d’argile, ou plus exactement portant la potentialité de se transformer en tablette d’argile avec quelque chose s’écrivant dessus. L’intellect matériel est un simple récepteur, il n’a pas de nature propre.

    Dans son Grand Commentaire du Traité sur l’âme d’Aristote, Averroès constate ainsi au sujet d’Alexandre d’Aphrodise que :

    « Alexandre explique la démonstration d’Aristote concluant que l’intellect matériel n’est pas passif, qu’il n’est pas quelque chose dont on dit « ceci », à savoir un corps ou une faculté [existant] dans le corps, comme visant la préparation elle-même et non le sujet de la préparation.

    C’est pourquoi il dit dans son livre De l’âme que l’intellect matériel ressemble plus à la préparation qui est dans la tablette non écrite qu’à la tablette préparée elle-même ; que cette préparation peut être vraiment caractérisée [comme] « ce qui n’est pas quelque chose dont on dit ‘‘ceci’’, ni un corps ni une faculté [existant] dans le corps » et qu’elle n’est pas passive. »

    C’est grâce à l’ordre cosmique, universel, que quelque chose peut être écrit dans le mélange physico-chimique. Il n’y a pas de tablette attendant passivement d’être écrite, seulement les éléments du mélange qui, telle une matière première, sont disponibles pour mettre en place cet intellect matériel, qui est une conséquence de l’action de l’intellect agent.

    L’intellect matériel ne peut avoir comme « forme » que celle de l’intellect agent l’ayant façonné. L’intellect matériel se tourne ainsi toujours plus vers l’intellect agent.

    Mettre l’intellect matériel en branle, c’est contempler le monde par le monde, c’est retrouver l’ordre cosmique en lui-même, c’est le bien absolu. Et plus on renforce cette contemplation de type scientifique, plus on retrouver les concepts des choses matérielles, plus le bien absolu s’exprime en nous.

    Au sens strict, on peut dire que Denis Diderot est, suivant cette vision des choses, l’être humain le plus accompli en raison de l’Encyclopédie.

    =>Retour au dossier sur Alexandre d’Aphrodise et l’essentialisme

  • Le panthéisme d’Alexandre d’Aphrodise

    Ce qui pousse Alexandre d’Aphrodise à se tourner vers la métaphysique plus que la physique, c’est qu’il suit jusqu’au bout la démarche d’Aristote. Chez ce dernier, le producteur a plus de dignité que le produit. C’était là le reflet du mode de production esclavagiste.

    Il est donc cohérent de s’attarder davantage sur ce qui permet le monde que le monde lui-même. Seulement, nous sommes dans le monde nous-mêmes. Aussi Alexandre d’Aphrodise souligne-t-il bien que c’est depuis le monde qu’il faut partir et que c’est le monde qu’il faut aller, car il n’y a rien d’autre que le monde.

    La métaphysique se trouve dans la physique, et inversement. Comme chez Spinoza, Dieu est le monde et on a pratiquement le même découpage entre une nature naturante et une nature naturée.

    Copie manuscrite de la Métaphysique d’Aristote, entre 1311 et 1321

    On a d’ailleurs le même modèle quant à l’esprit, puisque raisonner correctement c’est saisir sa propre détermination naturelle, d’une part, et par conséquent se tourner vers la Nature, qui est le bien absolu, puisqu’elle est tout, le monde en lui-même.

    Alexandre d’Aphrodise ne peut ainsi nullement concevoir, à la romaine comme le stoïcisme l’a fait, que l’ordre cosmique n’existe que dans la société. L’ordre cosmique est bien plus vaste et c’est en scientifique, non en citoyen parfait, qu’il faut affirmer son existence.

    Et toute personne doit être scientifique, car le monde est la Nature elle-même. De manière fort cohérente d’ailleurs, et dans la perspective d’Aristote, Alexandre d’Aphrodise assimile en effet l’ordre cosmique à Dieu lui-même, et re-penser l’intellect agent c’est déjà se tourner vers Dieu, qui n’est plus alors que le système cosmique en tant que tel.

    On a ainsi des êtres humains relevant d’un aspect d’un ordre cosmique, totalement naturel, qui s’extrait de leur position pour en fait la reconnaître intellectuellement et, en la contemplant, être heureux de la bonté, de la beauté de cet ordre cosmique.

    Page de titre de l’édition de 1708 de L’éthique de Spinoza

    Ce qu’on appelle l’intellect agent se confond avec Dieu, réduit à un « moteur premier » automatisé, comme chez Spinoza. Le moteur premier, c’est le moteur non mu, le grand démarreur du monde, Dieu, mais un Dieu tourné vers lui-même, nullement tourné vers le monde matériel qu’il a fait se mouvoir.

    Il l’a toujours fait et le fera toujours. Il est impersonnel, littéralement virtuel. Et comme il porte le monde, il est en fait le monde lui-même car l’intellect agent et Dieu sont une seule et même chose. Dieu n’est pas loin, il est au contraire présent et même très présent puisque chaque aspect de la réalité est un aspect du tout.

    Chez Alexandre d’Aphrodise, Dieu est le « bien suprême », la « substance absolument sans matière », c’est-à-dire qu’il se ramène à l’ordre cosmique lui-même. Voilà pourquoi l’intellect agent est ce « Dieu » : la pensée de ce Dieu est le reflet du monde, car Dieu est le monde.

    Les caractères de l’ordre cosmique se « lisent » de manière naturelle pour des êtres naturels.

    Et comme un producteur a plus de dignité que le produit, Dieu est au-dessus du monde, mais en même temps l’aboutissement du monde est Dieu lui-même. On atteint ici le matérialisme le plus développé possible pour l’époque.

    =>Retour au dossier sur Alexandre d’Aphrodise et l’essentialisme

  • Alexandre d’Aphrodise et l’esprit matériel dans un monde matériel

    Alexandre d’Aphrodise souligne bien que l’esprit humain est vide en soi, qu’il ne fait que refléter les vérités du monde formant l’intellect agent. Le « moteur premier », qui a permis l’existence du monde en le mettant en branle, assurant sa dynamique, est lui-même l’intellect agent.

    On obtient par conséquent, de manière absolument cohérente, une reconnaissance de la nature comme réalité. Car c’est la nature qui permet à ce « mélange », qu’on dirait aujourd’hui physico-chimique, de se mettre en place pour former l’esprit.

    Et cet esprit ne peut se tourner que vers deux choses : ce qui est ressenti, d’une part, ce qui est conceptualisé, d’autre part. Et ce qui est conceptualisé reflète le monde matériel lui-même.

    Tout est ainsi matériel : la formation de l’esprit, son activité elle-même, ce vers quoi il se tourne. La réalité matérielle est à la fois naturelle et d’une richesse incroyable.

    Dans un texte sur l’âme attribué à Alexandre d’Aphrodise, De anima liber cum mantissa [Livre sur l’âme avec supplément], on lit ce qui correspond tout à fait à son approche selon laquelle tout relève d’une combinaison de la nature, qui est d’une richesse incroyable.

    On a une série d’oppositions dialectiques, même si évidemment on a des catégories encore idéalistes en raison de l’arriération de l’époque (le chaud / le froid, le sec / l’humide, etc.).

    « Il faut que celui qui s’apprête à suivre des discours sur l’âme et à consentir aux définitions portant sur sa substance s’aperçoive d’abord du caractère extraordinaire et magnifique de la nature, qui surpasse celle de bien d’autres choses.

    Car lorsque nous aurons appris quel genre de chose est la nature et que nous serons convaincus que ses œuvres sont plus merveilleuses que toutes les réalisations admirables de l’art, nous croirons plus facilement les choses qui seront dites sur l’âme (…).

    C’est pourquoi il ne faut pas s’étonner de la différence de formes dans les corps naturels, puisqu’ils tiennent clairement de leurs substrats les causes de leur variété.

    Car la multiplicité des formes, dans les corps qui les reçoivent, et leur différente combinaison constitueraient des causes raisonnables d’une aussi grande variété.

    Car si, quand le substrat est unique et qu’il ne contribue à aucune différence pour les êtres qui naissent de lui (la matière est en effet de ce genre), le sec, l’humide, le chaud et le froid, qui naissent deux par deux dans la matière, deviennent cause d’une aussi grande différence pour les choses qui naissent d’elle – à savoir que l’un d’eux devient feu, l’autre air, l’autre terre et l’autre eau; que l’un est lourd, l’autre léger et que les autres éléments ont chacune de ces qualités de façon secondaire –, comment ne serait-il pas raisonnable que les corps qui naissent de la combinaison et du mélange qualifiés de chacun de ces éléments diffèrent complètement les uns des autres par les formes et par les puissances qui peuvent les mouvoir? »

    L’expression philosophique d’Alexandre d’Aphrodise est aussi imbuvable que celle d’Aristote. Néanmoins on voit bien comment il y a ici une insistance sur les mélanges chimiques qu’on trouve dans la nature, dans leur richesse, leur multiplicité combinatoire.

    C’est là un souci matérialiste, une insistance à se tourner vers le réel et à ne pas chercher de solutions dans l’au-delà, l’immatériel, la spiritualité, etc. Alexandre d’Aphrodise insiste par ailleurs de manière significative sur la notion d’étonnement devant la Nature, base d’une quête de connaissance. C’est un principe aristotélicien par excellence et cela aboutit à la contemplation du monde comme plus haut degré de la science.

    Alexandre d’Aphrodise met ainsi l’accent sur le panthéisme, alors qu’Aristote s’orientait principalement par rapport à la question de la physique considérée comme une dynamique, chaque chose étant ce qu’elle est à la suite d’une production en vue d’un but.

    La métaphysique était le support des principes d’Aristote sur la physique (avec toutes ses branches) – Alexandre d’Aphrodise renverse la perspective et se focalise sur la métaphysique, sur l’univers comme nature organisée.

    =>Retour au dossier sur Alexandre d’Aphrodise et l’essentialisme

  • Alexandre d’Aphrodise et la nature de l’intellect agent

    Alexandre d’Aphrodise va répondre de manière la plus claire possible à la nature de l’intellect agent. Son raisonnement est implacable.

    Il faut partir du principe suivant. Les concepts pensés par des êtres humains n’existent que de manière pensée par des êtres humains. Quand ceux-ci meurent, leur pensée meurt avec. Il n’y a pas d’âme au sens religieux, quand on est mort, on est mort.

    Dans son analyse du traité de l’âme d’Aristote, Alexandre d’Aphrodise dit ainsi que :

    « Pour les formes données dans une matière, comme on l’a dit, dès lors que de telles formes ne sont pas pensées, aucune d’elles n’est intellect, puisque c’est dans le fait d’être pensées que consiste pour elles l’hypostase du fait qu’elles sont intelligibles.

    En effet, les universels et les communs existent dans les choses particulières et matérielles. C’est une fois pensés à part de la matière qu’ils deviennent universels et communs, et ils sont intellects au moment où ils sont pensés.

    S’ils ne sont pas pensés, ils ne sont plus. De sorte que, séparés de l’intellect qui les pense, ils se corrompent, puisque leur être réside dans le fait d’être pensés. »

    On a alors le problème suivant : qui porte l’intellect agent, puisque les concepts doivent être portés par quelque chose ? La question n’est pas de savoir ce que sont ces concepts, car ils sont bien la conceptualisation de choses matérielles, réelles.

    Cependant, il faut bien savoir où sont « stockés » ces concepts. Alexandre d’Aphrodise dit ici que c’est l’univers lui-même qui porte cet intellect agent.

    C’est tout à fait cohérent : il y a un « moteur premier » ayant mis l’univers en branle et la réalité est en mouvement grâce à ce moteur premier. Ce moteur premier a toujours existé et le monde a toujours existé ; c’est l’équivalent de la conception « déiste » de nombreux auteurs des Lumières. Dieu est un démarreur, un horloger.

    Or, ce moteur premier est la cause de la réalité matérielle, par conséquent les formes de la matière première qui a été façonnée par le moteur premier relèvent du moteur premier lui-même. Ce n’est pas ici l’être humain qui a été créé à l’image de Dieu, mais l’univers entier qui correspond à l’image du « moteur premier ».

    Alexandre d’Aphrodise dit la chose suivante dans son analyse du traité de l’âme d’Aristote :

    « Pour toute chose, en effet, c’est ce qui est par excellence et au plus haut point quelque chose, qui est cause, pour toutes les autres, du fait qu’elles ont aussi cette nature (…).

    Ainsi, ce qui est suprêmement visible – telle est la lumière – est cause de la visibilité de toutes les autres choses visibles.

    Et de même, le bien suprême et premier est cause, pour tous les autres biens, du fait qu’ils sont tels.

    En effet, les autres biens sont distingués en fonction de leur contribution à celui-là.

    Et donc ce qui est, par sa nature propre, suprêmement intelligible est vraisemblablement aussi cause de l’intellection des autres choses.

    Étant tel, ce sera donc l’intellect agent.

    En effet, s’il n’existait pas un intelligible par nature, alors rien d’autre ne deviendrait intelligible, comme on l’a dit auparavant. Car dans tous les cas où il existe à la fois un étant qui est souverainement tel et un autre qui l’est en second lieu, celui qui l’est en second lieu tient son être de ce qui l’est souverainement.

    En outre, si un tel intellect est la première cause, qui est cause et principe de l’être pour toutes les autres choses, il sera alors également agent, dans la mesure où il sera cause de l’être de toutes les choses pensées. »

    C’est parce que l’univers est cohérent que chaque chose est cohérente, c’est parce qu’on peut saisir la cohérence de l’univers qu’on peut saisir la cohérence de chaque chose.

    =>Retour au dossier sur Alexandre d’Aphrodise et l’essentialisme