Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • La DSE – Armée Démocratique de Grèce

    La non-participation aux élections fut une erreur tactique, donnant le champ libre aux réactionnaires : le référendum sur le retour du Roi obtint 69 % de voix favorables à celui-ci, qui revint alors le 27 septembre 1946 à Athènes, accueilli triomphalement par ses partisans.

    Le régime avait également auparavant annulé en mai 1946 la victoire (88%) aux élections syndicales de l’ERGAS (Ergatikos Antiphasistikos Synaspismos – Bloc ouvrier antifasciste), tout comme il avait en juin 1946 modifié la direction du syndicat GSEE, jusque-là communiste.

    Jusqu’en 1947, le bilan de la répression s’élevait à 24 000 personnes assassinées, 105 exécutés par les cours martiales, 6 671 personnes grièvement blessées, 31 682 torturés, 84 931 détenus, 18 867 foyers saccagés, 577 bureaux et imprimeries mis à sac, 165 viols, 5 817 exils, 12 000 personnes envoyés en camp de concentration.

    L’armée s’appuyait sur 200 000 hommes, la gendarmerie sur 25 000, la Garde nationale sur 50 000, à quoi il faut ajouter les troupes britanniques et les multiples structures armées d’extrême-droite.

    Le sol se dérobait sous les pieds du KKE et la stratégie sur deux jambes de Níkos Zachariádis ne laissait plus comme perspective que le déclenchement de la lutte armée.

    Les Partis Communistes de France et d’Italie considéraient que c’était une erreur, ceux d’URSS et de Bulgarie appelaient à la prudence et à la mesure dans ce processus, celui de Yougoslavie assurait son soutien.

    De fait, il y avait déjà 4 650 membres de l’ELAS réfugiés en Yougoslavie, dans le village de Bulkes près de Belgrad, auparavant occupé par des immigrés allemands ayant fini par fuir en 1944.

    La première action organisée fut l’attaque, par un commando partisan de 33 personnes, de la station de Litochoro, au pied du mont Olympe, qui avait connu de sévères et régulières agressions contre les activistes de gauche.

    Environ mille personnes armées furent structurées, avec une montée en puissance très rapide, puisqu’en novembre il y avait déjà 5 000 membres d’une nouvelle structure militaire qui fut officiellement annoncée dans Rizopastis, l’organe du KKE, le 21 novembre 1946 : l’Armée Démocratique de Grèce (Δημοκρατικός Στρατός Ελλάδας – DSE).

    Le symbole de la DSE

    En février 1947, la DSE disposait déjà de 12 000 combattants et fut même en mesure de prendre la ville de Sparte, libérant 176 prisonniers enfermés dans cette ville. Quelques mois plus tard, la DSE disposera de 30 000 partisans.

    Le prix politique fut cependant élevé, dans la mesure où la combinaison légale/illégale était pratiquement bricolée, le KKE ne reconnaissant pas officiellement les partisans comme étant son initiative.

    Le résultat fut qu’au début de 1947, 50 % des cadres du Parti avaient été arrêtés, ainsi que 90 % des anciens officiers de l’ELAS.

    Cependant, la ligne de Níkos Zachariádis était de gagner le plus de temps possible, afin de faire en sorte que l’axe politique de la DSE soit le plus large possible.

    Voici justement le serment des membres la DSE, qui reflète tout à fait cette démarche de bataille pour la démocratie populaire, contre les réactionnaires, mais également avec la dimension de libération nationale face à la présence britannique :

    « Moi, enfant du peuple de Grèce et combattant de l’Armée Démocratique de Grèce, je jure de me battre avec armes à la main, de donner mon sang et même ma vie pour chasser tout occupant étranger qui se trouve sur le sol de ma patrie.

    Pour faire disparaître toute trace de fascisme. Pour faire disparaître et pour défendre l’indépendance nationale, l’intégrité territoriale de ma patrie. Pour garantir et défendre la démocratie, l’honneur, le travail, les biens et le progrès de notre peuple.

    Je jure d’être bon, brave et soldat discipliné, d’obéir aux ordres de mes supérieurs hiérarchiques, et d’exécuter les dispositions du règlement et de garder les secrets de l’Armée démocratique de Grèce.

    Je jure d’avoir une conduite exemplaire vers le peuple, promoteur et meneur de l’unité populaire et de conciliation et d’éviter chaque acte qui m’expose et me déshonore en tant qu’individu et combattant.Mon idéal est une Grèce Démocratique libre et forte et le progrès et la prospérité du peuple. Pour servir cet idéal je dispose mon arme et ma vie.

    Si jamais je suis déloyal et je viole intentionnellement mon serment, que la patrie me sanctionne impitoyablement, que mon peuple me haïsse et méprise. »

    Voici les propos du dirigeant de la DSE, Márkos Vafiádis, exprimés dans un discours au nom du quartier général de la DSE, définissant la nature de celle-ci :

    « Il y a presque un an. les combattants du peuple qui se réfugièrent dans la montagne et qui se trouvaient isolés au début, se groupèrent en diverses unités séparées, afin d’échapper à la persécution exterminatrice de l’occupant étranger et du monarcho-fascisme. et commencèrent ainsi à former la DSE.

    Le grand crime de ces combattants fut d’avoir trop aimé leur patrie et d’avoir donné, au temps de l’occupation hitléro-fasciste toutes leurs forces sans ménagement pour chasser l’occupant étranger, reconstruire leur pays, et former une nouvelle Grèce vraiment libre, indépendante ot démocratique, digne de son histoire et de son peuple.

    Notre but était au début, de sauver notre vie, de protéger nos familles, nos maisons, nos biens et de combattre nos persécuteurs par les mêmes moyens qu’ils utilisaient pour notre extermination et notre ruine économique.

    Nous avons toujours été convaincus et nous le sommes encore, que notre peuple dans sa majorité décisive veut la tranquillité, la réconciliation et la vie normale pour pouvoir, par sa sueur et son travail. assurer le pain quotidien de ses enfants et travailler au progrès de sa liberté.

    Nous n’avons jamais rien désiré de plus que ce qui peut-être réalisé par la liberté, la démocratie, le redressement économique et la reconstruction, lorsque la paix et l’indépendance nationale sont assurées.

    C’est cet idéal que nous avons proclamé dans notre Programme et c’est pour cet idéal que nous avons lutté et combattu dès le premier jour de notre existence. La réconciliation et l’apaisement furent dès le début, et continuent à l’être, notre aspiration fondamentale.

    Mais le monarcho-fascisme et l’occupation étrangère répondent à tout cela par les assassinats, l’extermination générale, l’établissement d’un fascisme intégral et l’asservissement total de notre pays aux ploutocrates étrangers.

    A toute proposition de réconciliation ils répondent par de nouvelles opérations de nettoyage, cherchant vainement à assurer leur domination fasciste absolue.

    La Grèce, notre chère Patrie, est devenue aujourd’hui une jungle. où les cannibales du monarcho-fascime se livrent, sur les directives des étrangers, à des orgies effrénées et à des massacres sans précédent contre notre peuple.

    Le dernier accord gréco-américain couronne le crime commis contre l’intégrité et l’indépendance de notre pays. contre l’honneur national.

    Le mornarcho-fascisme s’est tellement avili et ses amis d’Ankara se sont enhardis à un tel point, que des unités entières de l’armée turque entrent librement et à toute heure dans le territoire grec de Thrace, préparant ainsi le terrain pour une occupation permanente de ces territoires avec la tolérance des monarcho-fascistes et la bénédiction de leurs patrons étrangers.

    Ainsi, à l’état où le monarcho-fascisme nous a réduit au cours de ces dernières deux années et demie, une seule question se pose à nous et à tous les grecs.

    Il ne s’agit plus d’une question individuelle, ni simplement EAM-ique ou démocratique. Il ne s’agit plus du combattant individuel qui s’est réfugié dans la montagne pour sauver sa vie.

    Il s’agit maintenant de l’existence même de la Grèce. La question qui se pose aujourd’hui est la suivante: la Grèce va-t-elle exister ou non.

    C’est ce dilemme qui est aujourd’hui posé par l’histoire et par la vie devant tous les grecs, devant tous ceux qui vivent dans notre pays.

    Et devant chacun de nous s’ouvrent deux voies:

    L’une s’appelle Honneur National. L’autre mène à la Trahison Nationale. »

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  • Le retour de Níkos Zachariádis en 1945

    Le paradoxe du gigantesque succès du KKE avec l’EAM et l’ELAS, c’est que le théoricien de la ligne de libération nationale qui amena cela n’était plus présent depuis plusieurs années.

    Arrêté en 1936 par la dictature de Ioánnis Metaxás, Níkos Zachariádis fut envoyé au camp de concentration de Dachau en 1941. Le KKE n’avait plus aucune nouvelle de lui depuis.

    Grande figure historique cependant du KKE – à ce titre, Níkos Zachariádis était très connu des masses – la nouvelle de son retour, annoncée le 1er mai 1945 dans l’organe du Parti Rizospastis, provoqua une onde de choc.

    Níkos Zachariádis était considéré comme le grand théoricien du KKE, celui qui avait développé la ligne juste, ce qui était systématiquement souligné dans les publications du Parti.

    Avec l’échec de décembre 1944, l’espoir était d’autant plus grand. Níkos Zachariádis formula d’ailleurs tout de suite une nouvelle ligne.

    Il expliqua que la Grèce était d’un côté un pays balkanique, de l’autre un pays méditerranéen. Cela signifiait, en pratique, qu’il y avait d’un côté une liaison avec des pays comme la Bulgarie et la Yougoslavie, passés dans le camp socialiste, et de l’autre une certaine dépendance envers l’impérialisme britannique qui considérait la zone comme sa chasse gardée.

    Etait donc nécessaire, effectivement comme demandé par les communistes de Bulgarie avec Georgi Dimitrov au KKE, une ligne de mouvement politique de masses, c’est-à-dire une ligne adaptée au contexte d’entre-deux de la Grèce, avec la dimension balkanique et la tendance au communisme, de l’autre la présence massive de l’impérialisme britannique.

    Ce dernier devait inévitablement chercher la stabilité et à moins de rayer le KKE de la carte, ce qu’il ne pouvait pas, il devait aller dans le sens de trouver un compromis. Le KKE devait donc assurer le maintien de la démocratie, que les masses voulaient, en tenant compte des limites historiques du moment.

    D’ailleurs, pour lui la défaite de décembre 1944 apparaissait comme inévitable en raison de la situation de la Grèce, de par la présence britannique.

    Níkos Zachariádis

    Níkos Zachariádis formula cette conception dans Rizospastis le 5 juin 1945 et le jour même il rencontra l’ambassadeur anglais ; il l’affirma de nouveau à la réunion du Comité Central du KKE trois semaines plus tard.

    Cependant, Níkos Zachariádis ajouta un aspect important. La réunion du Comité Central mentionna « certains cercles anglais à l’étranger » comme jouant un rôle particulièrement négatif et Níkos Zachariádis affirma même ouvertement le rôle négatif de la présence britannique, que le KKE n’avait jamais ouvertement dénoncé jusqu’à présent dans le contexte de la guerre mondiale :

    « Nous pouvons dire sans exagération que les autorités militaires et politiques britanniques ne témoignent pas d’une attitude démocratique et n’amènent pas à la réalisation des traités de Varkiza et Yalta. »

    De plus, la réunion du Comité Central appela à la formation généralisée de l’autodéfense autonome des masses (Μαζική Λαϊκή Αυτοάμυνα – MLA), avec des groupes organisés, des initiatives politiques, des grèves, jusqu’à la lutte armée en cas de danger.

    Níkos Zachariádis tint d’ailleurs un discours à Thessalonique le 24 août 1945 où était exigé un développement normal de la politique intérieure, affirmant que la passivité devant les attaques des monarcho-fascistes finiraient par avoir une réponse armée. 

    Juste auparavant, le 6 août, le KKE expliquait que dans la situation actuelle, aucune élection ne pouvait se tenir.

    Il est ici significatif que l’acte constitutionnel 26, promulgué le 24 mars 1945, décidant de purger de l’administration ceux ayant collaboré avec l’occupant nazi, suive l’acte constitutionnel 25, promulgué le 22 mars 1945, décidant de purger les personnes liées à la « mutinerie du 3 décembre 1944 ».

    L’acte 26 était de la poudre aux yeux pour prétendre rétablir l’ordre en général, alors que les persécutions se lançaient de manière généralisée contre les personnes liées de près ou de loin à l’EAM.

    Trois mois après, en juin 1945, seulement 18 000 personnes étaient poursuivis pour faits de collaboration, 1 100 étant en prison attendant leur procès, tandis que 48 956 personnes étaient emprisonnées pour liens avec l’EAM, le chiffre doublant quelques mois plus tard.

    Dans ce cadre, lors du VIIe congrès du KKE, début octobre 1945, Níkos Zachariádis critiqua de manière claire et nette les tendances considérant qu’une voie pacifique était possible, expliquant que depuis le traité de Varkiza il y avait eu une restauration de la monarcho-fascisme et que ce qui avait été possible auparavant ne l’est plus.

    Impossible par conséquent de ne pas considérer que le mouvement politique de masses devait également porter en lui la question de la lutte armée si les blocages s’avéraient trop importants. Níkos Zachariádis mit en place à ce titre une Commission militaire panhéllénique.

    Le lieu d’une bataille où des cadres de l’EPON résistèrent en 1944

    Naturellement, la question des modalités des élections allait s’avérer primordiale. Lorsque le gouvernement annonça le 5 octobre 1945 que celles-ci se tiendraient dès le 20 janvier 1946, ce fut considéré comme inacceptable par les libéraux, les socialistes, le parti paysan et le parti progressiste, et bien entendu le KKE.

    Il apparaissait pour toutes ces forces que les élections sous l’égide d’un gouvernement façonné par la Grande-Bretagne au moyen des partisans de la monarchie ne sauraient être libres.

    La Grande-Bretagne lâcha du lest et permit la formation en novembre 1945 d’un gouvernement d’orientation libérale, accepté également par le KKE, tout en refusant systématiquement le remplacement des officiers monarchistes et fascistes dans l’armée et la gendarmerie par des républicains.

    Devant le blocage de la situation et la continuation des actions terroristes d’extrême-droite soutenues par la Grande-Bretagne et l’appareil d’État grec, le KKE cessa en décembre son soutien au gouvernement, alors que Níkos Zachariádis fit réunir le Comité Central en janvier 1946, afin de préparer le tournant de la bataille pour l’indépendance nationale contre la Grande-Bretagne.

    Níkos Zachariádis

    La Commission militaire panhéllénique prépara alors des structures dans les montagnes pour des actions de partisans et l’EAM formula les points suivants pour accepter de participer aux élections : la formation d’un nouveau gouvernement avec une participation de l’EAM, le désarmement des groupes d’extrême-droite, l’amnistie pour les combattants de la résistance, une révision des listes électorales et enfin l’exclusion de l’armée, de la police et de l’administration des éléments ayant collaboré avec l’Allemagne nazie.

    Devant le refus de ce compromis, le KKE boycotta les élections, ainsi que les socialistes et la gauche en général.

    Sur 1 850 000 personnes pouvant voter, 743 000 s’abstinrent, le Parti Populaire et le Parti Libéral National, pro-monarchie, obtinrent 55 % des voix soit 206 sièges parlementaires, les fascistes issus de l’EDES du Parti National en eurent de leur côté 20, contre 68 pour les conservateurs de l’Union Politique Nationale et 48 pour les libéraux.

    C’était un signe du retournement de situation : les pro-monarchistes du parti populaire, pro-monarchie, passaient en quelques mois d’une situation d’inexistence concrète à l’obtention de 609 000 voix.

    Lors d’une réunion à Moscou en 1950, Staline critiqua la non-participation aux élections comme ayant été une erreur tactique, ce que Níkos Zachariádis reconnut.

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  • Les dekemvrianá et ses conséquences

    Winston Churchill, le Premier ministre anglais, avait exigé lors de la conférence de Moscou en octobre 1944 un découpage en zones d’influence, suivant les modalités suivantes : Hongrie et Yougoslavie : 50%- 50%, Roumanie : 10% – 90%, Bulgarie: 25% – 75% et Grèce : 90 % – 10%.

    Ces pourcentages n’ont aucune signification en soi, à part qu’ils signifiaient que l’impérialisme britannique ne tolérerait pas d’intervention ouverte de l’Armée rouge en Grèce.

    Impossible pour l’URSS de ne pas accepter cela, de par la nécessité de l’alliance générale contre l’Allemagne nazie – le risque n’étant pas de ne pas battre celle-ci, mais que celle-ci réussisse un retournement d’alliance avec les États-Unis et la Grande-Bretagne dans une optique anti-soviétique.

    Le KKE avait pris conscience de cet arrière-plan et à part le chef partisan Áris Velouchiótis, une tête brûlée à l’esprit aventurier qui sera exclu du KKE en 1945, il n’y avait pas l’idée d’un affrontement considéré comme impossible avec l’armée britannique.

    Restait toutefois la question de l’ELAS, que le KKE refusait d’insérer dans l’armée nationale nouvelle si la même dissolution ne se produisait pas pour la 3e brigade de montagne grecque et le Bataillon sacré.

    Le gouvernement d’union nationale procéda alors à l’exclusion du KKE et, en réponse, afin de faire une démonstration de force, le KKE appela à une vaste manifestation pour le 3 décembre 1944, avec une grève générale à partir du lendemain.

    La réponse de l’impérialisme britannique et des forces réactionnaires fut claire et nette, avec la police qui tira sans prévenir sur les manifestants, devant les journalistes massés sur les balcons de l’hôtel Grande-Bretagne et alors que les tanks britanniques étaient aux côtés de la police.

    Il y eut 28 morts et 140 blessés et même le quotidien conservateur The Times parla d’une « action fasciste ». Il apparaît que le signal fut donné par le chef de la police athénienne dans une action concertée, avec plusieurs groupes de tireurs, les tirs étant prévus pour quand la manifestation atteindrait la tombe du soldat inconnu.

    En réponse, l’ELAS occupa des commissariats dans la périphérie d’Athènes et la grève du 4 décembre fut un triomphe.

    Partant de quoi, le chef militaire britannique Ronald Scobie déclara l’état d’urgence, ce qui provoqua un affrontement armé, confiné à Athènes, entre l’ELAS et les forces britanniques faisant notamment venir la 4e division d’infanterie indienne d’Italie, utilisant les tanks et les avions de la Royal Air Force.

    L’ELAS sous-estima l’importance de prendre l’offensive, ne prenant jamais l’initiative dans une posture uniquement défensive, en ne mobilisant pas assez ses troupes hors d’Athènes pour renforcer sa présence dans la capitale.

    Aussi ce sont les forces britanniques qui prirent au fur et à mesure le dessus, alors qu’initialement, l’ELAS contrôlait les 9/10 d’Athènes.

    Toutefois, l’impérialisme britannique, par ce coup de force et son refus de la démission du gouvernement, étaient allé trop loin, même aux yeux des masses britanniques. Pour cette raison, il fallut temporiser et le Premier ministre Winston Churchill vint même à Athènes pour participer à une conférence le 25 décembre.

    Un cessez-le-feu fut alors mit en place ; cela revenait à une défaite de l’ELAS, qui de fait avait perdu 1/4 de ses effectifs, alors que les structures du KKE à Athènes et au Pirée, le bastion essentiel du Parti, avaient été démantelées.

    L’ELAS disposait toutefois encore de six divisions avec 40 000 partisans disposant de six mois de munitions, contrôlant la moitié du territoire, un tiers de la population.

    Aussi, les événements de décembre (Δεκεμβριανά, dekemvrianá), qui firent 7 000 morts, aboutirent alors au traité de Varkiza le 12 février 1945 : en échange du désarmement de l’ELAS, l’EAM pourrait librement participer aux élections et la première mettrait en place une constituante.

    Une amnistie fut également prévu, mais la nature politique fut souvent éludée pour arrêter les membres de l’EAM, de l’ELAS, du KKE : sur 16 700 prisonniers en octobre 1945, 2 896 l’était pour collaboration avec l’occupant, 7 077 l’était pour des délits et des crimes, alors que 6 027 personnes étaient emprisonnées en raison des dekemvrianá.

    Non seulement l’armée ne fut pas nettoyée de ses officiers liés à l’extrême-droite comme le prévoyait le traité de Varkiza, mais au contraire même elle s’ouvrit de manière résolue aux cadres monarchistes, fascistes, etc.

    De plus, si l’ELAS avait remis notamment pratiquement 49 000 fusils et pistolets, une centaine de pièces d’artillerie, 713 armes automatiques, etc., tout en conservant cependant 20 000 armes de manière clandestine, toutes les forces réactionnaires furent toujours plus appuyées par les forces britanniques pour lancer une vaste opération de terreur blanche.

    La gendarmerie et la garde nationale, les forces de sécurité gouvernementales, l’organisation X, les bataillons de sécurité ayant collaboré avec l’Allemagne nazie, etc., toutes ces forces s’unirent dans une grande opération d’arrestations, de torture, de meurtre, dans tout le pays.

    Entre février 1945 et mars 1946, l’EAM dut subir la mort de 1289 activistes, alors que 6 671 autres avaient été blessés, 31 632 torturés, 8624 emprisonnés, 165 femmes violées. 677 bureaux de l’EAM avaient été fermés.

    Voici par exemple ce qu’on lit dans une note adressée au Premier Ministre Voulgaris le 5 juin 1945, écrite par les les chefs politiques du Centre, à savoir les anciens présidents du Conseil Themistoklis Sofoulis, Georgios Kafandaris, Emmanuel Tsoudéros et Nikólaos Plastiras.

    « La terreur instaurée après les événements de décembre par l’extrême droite, dans tout le pays, s’amplifie tous les jours. Elle a pris un développement et une étendue qui rendent impossible la vie des citoyens non-royalistes et excluent méme la pensée qu’on puisse procéder à un plébiscite libre ou à des élections.

    Les organisations terroristes de l’extrême droite, dont les principales avaient été années en partie par les Allemands et avaient de toutes les manières collaboré avec eux, non seulement ne furent pas désarmées, non seulement ne sont pas poursuivies, mais encore collaborent ouvertement avec les agents de l’ordre en vue d’étouffer complètement toute pensée démocratique. »

    Dans certains cas, les armes remises par l’ELAS aboutirent même dans leurs mains et à cela s’ajouta la justice du nouvel État soumis à l’impérialisme britannique : en 1945, ce sont officiellement 48 956 personnes qui furent poursuivis pénalement.

    Dans ce climat, le KKE ne put rassembler que 40 000 personnes le premier mai 1945.

    A cela s’ajoute un élément essentiel : si les socialistes avaient maintenu leur soutien à l’EAM lors des dekemvrianá, la situation leur apparaissait désormais comme intenable et ils prirent leur autonomie complète en avril 1945, en unifiant leurs différentes structures.

    L’échec de décembre 1944 avait provoqué une année de 1945 catastrophique pour le KKE, alors que la victoire sur l’Allemagne nazie était scellée.

    Le bilan était, par ailleurs terrible. L’occupation nazie avait amené la mort de 260 000 personnes en raison de la famine, 70 000 tués par l’occupant, 60 000 morts en déportation, 15 000 morts au front en 1940 et en 1941, 6 000 partisans étaient morts au combat alors que 70 000 autres étaient blessés, 300 000 personnes étant des réfugiés, 500 000 des sans abris.

    70% des ponts étaient détruits, ainsi que 65% des véhicules motorisés ; la production agricole avait chuté de 50%, 95% des voies ferrés étaient endommagées.

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  • Le KKE, l’EAM et l’ELAS face à l’impérialisme britannique

    Si le KKE avait l’initiative jusque-là, la présence britannique allait se révéler être un énorme un obstacle. Cette question allait être au cœur du positionnement du KKE et la source de la guerre civile.

    Quelles sont les raisons à cela ? Déjà, parce que cela signifiait à court terme une reformation de l’EDES, qui put mener une dernière contre-offensive en janvier 1944, ce qui provoqua immédiatement une réponse acharnée de l’ELAS.

    Ensuite, parce que l’impérialisme britannique s’était placé au centre des négociations entre l’ELAS, l’EKKA et l’EDES.

    Enfin, parce qu’avec ce positionnement, l’impérialisme britannique appuyait tout azimut les initiatives anti-communistes, récupérant toutes les forces possibles, même celles ayant été auparavant des fervents soutiens de l’Allemagne nazie.

    Affiche de l’EPON, l’organisation panhellénique
    unifiée de la jeunesse, membre de l’EAM

    C’est-à-dire que l’impérialisme britannique avait comme objectif de réinstaurer la monarchie et de s’appuyer sur les forces d’extrême-droite les plus agressives, ainsi que sur les partis bourgeois traditionnels, pour liquider le KKE présenté comme la menace la plus grande.

    Et que, de l’autre côté, le KKE pensait se sortir de cette situation en assumant la position d’avant-garde républicaine, en s’appuyant sur le mouvement de masses, tout en sachant que la question militaire était essentielle.

    Les deux camps allaient placer leurs pions pendant l’année 1944, jusqu’à un mois de décembre qui s’avérera décisif pour l’avenir.

    Initialement, afin d’aller de l’avant, le KKE décida en mars 1944 de générer le PEEA (Πολιτική Επιτροπή Εθνικής Απελευθέρωσης – Comité politique de la libération nationale) comme gouvernement portant les exigences de l’EAM.

    Le KKE ne disposait que d’un membre sur les 10 du gouvernement, néanmoins il s’agissait du ministre de l’intérieur et, en plus de cela, le ministre de la guerre, le général Manolis Mandakas, lui était lié.

    Le PEEA fut un franc succès et en avril 1944 se tinrent des élections, ouvertes aux femmes, auxquelles participèrent un million de personnes, élisant 180 délégués se réunissant en mai 1944 en tant que parlement.

    L’impact fut si grand que l’Armée britannique fut forcée de dissoudre par la force les deux brigades grecques présentes en exil en Égypte, internant 10 000 soldats et officiers, afin d’empêcher une jonction générale entre ces forces pro-EAM et le PEEA.

    Cette dissolution jouera un rôle capital par la suite. Ces forces allaient manquer cruellement à l’EAM, alors ne subsistaient plus que deux forces intégralement dirigées par des officiers pro-royalistes et encadrées par les forces armées britanniques : la 3e brigade de montagne grecque qui participa notamment à la bataille de Rimini en Italie et le Bataillon sacré qui lutta notamment en Libye.

    En plus de cela, il y avait l’organisation X, structure d’extrême-droite supervisée par les forces britanniques et récupérant du matériel militaire allemand, dans l’unique optique de combattre l’ELAS.

    A cela s’ajoute aussi le soutien britannique à l’EKKA, qui mena une politique toujours plus provocatrice et agressive envers l’ELAS, ce qui aboutit à un affrontement et la liquidation militaire de l’EKKA par l’ELAS, notamment de sa principale unité le régiment 5/42, dont le dirigeant Dimitrios Psarros fut exécuté.

    L’impérialisme britannique jeta alors toutes ses forces dans une grande conférence au Liban en mai 1944, rassemblant toutes les forces politiques grecques, où le KKE, l’EAM, l’ELAS et le PEEA se retrouvèrent pratiquement sur le banc des accusés.

    La délégation du KKE ne voulut pas pour autant que les communistes soient considérés comme à l’origine de l’échec de la conférence et prirent par conséquent une ligne de compromis, qui fut toutefois considérée ensuite comme une ligne de compromission par la direction et la base du KKE.

    En conséquence de quoi, le camp monarchiste lié à l’impérialisme britannique fut entièrement rejeté dans la propagande de l’EAM ; il fut choisi de liquider entièrement les derniers restes de l’EDES également remis en place par l’impérialisme britannique.

    Celles se situaient, de fait, dans des zones contrôlées par l’Allemagne nazie dans une situation de coexistence pacifique. On lit ici parfaitement le double jeu des forces réactionnaires grecques, cessant aisément le combat anti-nazi selon les opportunités.

    L’année 1944 fut également marqué, du côté du KKE, par un contact enfin pris avec l’URSS, qui commença toute une joute diplomatique avec l’impérialisme britannique, à qui elle finit par annoncer en août 1944 l’envoi d’une mission militaire en Grèce.

    L’opération fut menée secrètement en juillet 1944, avec un avion partant pour un « exercice » depuis la base anglo-américaine de Bari en Italie pour aller chercher dix officiers soviétiques en Yougoslavie, deux sautant en parachute sur la Macédoine, les autres étant amenés en Thessalie.

    L’intervention de l’URSS permit un compromis général, le KKE et l’EAM acceptant finalement les résultats de la conférence au Liban et entrant de manière minoritaire dans un gouvernement national.

    Le KKE considérait que ce compromis lui permettait de se positionner positivement sur le plan politique, alors que de toutes façons il avait désormais au moins 250 000 membres, que l’EAM s’appuyait sur plus de 1,5 million de personnes, que l’ELAS disposait de 50 000 membres, plus 20 000 réservistes.

    Tout alla cependant très vite, dans la mesure où les victoires de l’armée rouge en Roumanie et en Bulgarie forcèrent l’armée allemande à quitter la Grèce à partir de la fin août 1944.

    Il fallait soit prendre le pouvoir directement – ce qui était militairement tout à fait possible à court terme, mais politiquement hautement risqué surtout avec l’image d’un affrontement avec l’armée britannique, membre des Alliés – soit passer cette opportunité historique et attendre les résultats de la participation au gouvernement d’union nationale.

    Par conséquent, le PEEA procéda à sa dissolution en novembre 1944, ce qui amena au premier plan la question de la nature de la démilitarisation de l’ELAS.

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  • La formation de l’ELAS

    L’opposition à l’occupation prit en Grèce rapidement un large aspect populaire, comme en témoigne la vague de grèves et de rassemblements à Athènes à la fin d’octobre 1941.

    Affiche de l’EAM
    contre l’invasion bulgare

    L’EAM, bien que très faible dans certaines zones, organisait notamment des cuisines populaires pour faire face à la famine ; cela restait embryonnaire, mais une dynamique s’affirmait.

    Cela aboutit notamment à la vaste grève à Athènes à l’été 1942, à laquelle participèrent les ouvriers d’une usine de caoutchouc pour l’Armée allemande, ceux du port, ceux des tramways et de la production d’électricité, des assurances, de quelques banques, des postes et télécommunications, etc.

    Il y eut de nombreuses condamnations à mort, mais la vague athénienne était irrépressible : 40 000 personnes manifestèrent en décembre 1942, prenant d’assaut le ministère du travail ; en février 1943, 100 000 personnes protestèrent contre la famine, le 3 mars 200 000 contre les déportations de travailleurs vers l’Allemagne, le 25 mars 300 000 pour saluer le jour de l’indépendance nationale.

    Une grève générale fut menée en juin 1943 en réponse à l’exécution d’otages par l’Armée allemande ; les cadres de l’EAM prenaient la parole en apparaissant subitement dans les cinémas, au théâtre, les magasins, en tenant des petits meetings improvisés, disparaissant rapidement, couverts par les gens présents.

    Le KKE savait que la lutte armée était inévitable s’il assumait sa stratégie et il entama un processus devant aboutir à une vaste formation de guérilla afin d’accompagner la progression de l’EAM.

    Celle-ci, une fois réorganisée à l’initiative du KKE, de manière plus centralisée, fut en mesure de généraliser les comités locaux, jusque dans les campagnes; à la fin de 1943, chaque localité avait pratiquement son comité local.

    Des expériences armées négatives purent être évaluées : la section de Macédoine, opérant de manière autonome, organisa des brigades de partisans à Nigrita et Kilkis, puis établit une organisation armée, Ελευθερία (Liberté), avec des officiers républicains, mais l’armée allemande fut rapidement en mesure d’écraser cette tentative, tout comme l’armée bulgare à Drama en Macédoine orientale.

    Le KKE organisa ainsi tout d’abord un centre militaire de la résistance, pour appeler en février 1942 à la formation de l’ELAS (Ελληνικός Λαϊκός Απελευθερωτικός Στρατός – Armée Grecque de Libération Populaire), qui commença effectivement ses opérations en juin 1942.

    Il existait différentes formations proches du principe de lutte armée, mais n’osant pas passer le pas de manière autonome. Il y avait ainsi des officiers républicains à Athènes organisés dans l’EDES (Εθνικός Δημοκρατικός Ελληνικός – Ligue Nationale Démocratique Grecque), ainsi qu’une structure similaire, l’EKKA (Εθνική και Κοινωνική Απελευθέρωσις – Libération Nationale et Sociale).

    L’EDES ne commença ses opérations qu’à l’été 1942 avec ses OEOA (Εθνικές Ομάδες Ελλήνων Ανταρτών – Groupes Nationaux des Partisans Grecs) et l’EKKA lors de l’hiver 1942, et encore cela fut-il fait sous la pression de l’impérialisme anglais, et en pratique en réponse aux initiatives de l’ELAS.

    De ce fait, il y eut véritablement une seule opération commune de l’ELAS et de l’EDES, soutenue par des saboteurs anglais, amenant la destruction du vaste viaduc de chemin de fer sur la rivière Gorgopotamos.

    Et encore cette opération fut menée alors que les Anglais ne voulaient en aucun cas travailler avec l’ELAS : ils n’eurent pas le choix, en raison de la faiblesse de l’EDES. A l’opération elle-même participèrent 52 membres de l’EDES et 86 de l’ELAS, dans un terrain d’opération de l’ELAS.

    La radio britannique, à l’annonce de l’opération, passa sous silence le rôle de l’ELAS ; fut même établie en Grèce une mission militaire britannique, cherchant à phagocyter la résistance. L’ironie de l’histoire que son dirigeant échappa à son arrestation grâce à l’EAM pourtant.

    Très rapidement, l’impérialisme anglais appuya donc l’EDES et l’EKKA contre l’ELAS, alors que celle-ci progressait sans commune mesure. Les campagnes de la zone italienne étaient pratiquement sous contrôle en 1943, et déjà des villes furent en mesure d’être temporairement libérées.

    Seule l’ELAS étaient présente dans tout le pays, alors que l’EDES n’agissait qu’en Epire, l’EKKA dans le Parnasse seulement, et désormais le PAO (Organisation pangrecque de libération) en Macédoine.

    L’ELAS passa également en 1943 d’une structure décentralisée d’unités de partisans à une hiérarchie régulière, avec des brigades, compagnies, régiments, divisions, avec un quartier-général dans le petit village montagnard de Pertouli.

    La sub-division de la direction du quartier-général fut reproduite à tous les échelles, avec à chaque fois un responsable militaire, un responsable politique de l’EAM, un responsable de l’approvisionnement et de la formation de la base.

    A l’automne 1943, l’ELAS est composée de 35 000 membres armés, plus une réserve de 30 000 personnes en attente en raison du manque de matériel.

    Dans toute une série de villages, un nouveau pouvoir est organisé, sur une base populaire, sur le modèle de l’expérience faite dans la région de l’Eurytanie, avec toute une codification juridique s’approfondissant toujours plus au moyen de commissions juridiques, à Athènes de l’EAM et issue d’Eurytanie, visant à renforcer l’organisation de la justice populaire.

    Même l’EDES et l’EKKA furent obligés de céder devant cette tendance, uniquement verbalement pour la première formation toutefois.

    Ce qui est frappant dans tout ce processus, c’est que le KKE n’a, à ce stade, toujours pas établi de lien avec l’URSS : il défend la même ligne, mais l’a établie seul et sait défendre son autonomie face à la mission militaire britannique tentant d’en prendre le contrôle, arrachant à celle-ci un accord militaire, ainsi qu’une réunion à la centrale générale anglaise au Proche-Orient, au Caire.

    Néanmoins, l’appui américain à l’impérialisme britannique fit échouer toute tentative de conciliation : pour ces deux forces, il s’agissait de rétablir la monarchie et de gagner du temps pour briser l’EAM et l’ELAS.

    L’ELAS dut affronter par ailleurs deux nouvelles forces à partir de 1943 : d’un côté, les bataillons de sécurité (Τάγματα Ασφαλείας) composés de 22 000 collaborateurs grecs servant l’Allemagne nazie qui enrôla ces forces pour faire face à l’abandon de la part de l’Italie, mais également des unités militaires royalistes tolérées par les forces d’occupation et attaquant exclusivement l’ELAS.

    De plus, l’EDES – qui initialement avait été porté par des sections socialistes, même si opposées au KKE – était rejointe massivement par des monarchistes à la même période, qui parvinrent même à contrôler la direction athénienne et établirent des rapports avec l’occupant nazi.

    La conséquence en fut des affrontements EDES/ELAS et la décision, de la part de l’ELAS, de liquider l’EDES. L’ELAS profita du départ des troupes italiennes, présentes notamment dans les territoires où elle était active, pour récupérer du matériel et redisposer ses forces.

    L’offensive anti-ELAS commença le 9 octobre 1943, interrompue à la fin du mois par une contre-offensive allemande de trois semaines. Toutefois, début décembre l’EDES avait été pratiquement anéantie, et le 14 décembre 1943, l’EAM appela à la formation d’un gouvernement d’union nationale.

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  • La formation de l’EAM – Front de Libération Nationale de la Grèce

    Le coup d’État d’août 1936 porta un coup terrible au KKE : 1 000 membres furent arrêtés, les archives du bureau politique furent découvertes par les services secrets et l’organisation clandestine démantelée, alors que 150 membres furent encore arrêtés en 1938.

    A la fin novembre 1939, l’ensemble du Comité Central de 1935 était en prison. Le régime pratiqua l’isolement et la torture, encourageant à des formes ouvertes de repentir, avec publications dans la presse, etc. Il mit même en place une fausse organisation du KKE se posant comme « direction provisoire » afin de saboter la reconstitution organisationnelle illégale du KKE.

    Ce dernier resta donc faible, avec environ 200 activistes en 1940, alors qu’au même moment il avait 2000 de ses membres dans les prisons ou placés en exil dans des îles par le régime.

    L’offensive italienne contre la Grèce changea entièrement la donne.

    L’offensive italienne immédiatement suivie d’une contre-attaque grecque réussie, de fin octobre à mi-novembre 1940
    La contre-offensive grecque
    de fin novembre 1940 jusqu’à avril 1941

    L’indépendance de la Grèce même étant menacée, il y avait une marge de manœuvre et Níkos Zachariádis en profita, avec une lettre ouverte au peuple grec, le 31 octobre 1940, qui fut publiée par la presse quotidienne d’Athènes le 2 novembre.

    L’aspect principal était l’agression de l’Italie fasciste, il fallait par conséquent l’unité nationale. Voici le contenu de la lettre :

    « Le fascisme de Mussolini a de manière meurtrière et impudente planté un couteau dans le dos de la Grèce afin de la soumettre et de la mettre en esclavage.

    Aujourd’hui, tous les Grecs luttent pour la liberté, pour l’honneur, pour notre indépendance nationale.

    La lutte va être très difficile et très dure. Mais une nation qui veut vivre doit combattre, méprisant les dangers et les sacrifices.

    Le peuple de Grèce mène aujourd’hui une guerre de libération nationale contre le fascisme de Mussolini.

    Aux côtés du front, chaque pierre, chaque ravin, chaque village, maison villageoise par maison villageoise, chaque ville, doit devenir une forteresse de la lutte de libération nationale.

    Chaque agent du fascisme doit être détruit sans pitié. Nous devons donner toute notre force, sans réserve, dans cette guerre dirigée par le gouvernement Metaxás.

    La récompense et le couronnement pour le peuple travailleur dans la guerre présente devra être et sera une nouvelle Grèce du travail, de la liberté, libérée de toute dépendance impérialiste étrangère. Avec une véritable culture populaire.

    Tout pour la lutte, chacun à sa place et la victoire sera la victoire de la Grèce et de son peuple. Les ouvriers du monde entier sont à nos côtés.

    Athènes, le 31 octobre 1940

    Níkos Zachariádis, secrétaire du Comité Central du KKE »

    Ce positionnement tablait sur le fait que le mouvement d’opposition à l’invasion portait en lui, nécessairement, un aspect démocratique qui pourrait triompher et qui était incontournable. La situation permettait de faire reculer Ioánnis Metaxás, obligé de reconnaître le KKE au moins partiellement par l’acceptation de la parution de la lettre ouverte au peuple grec, ainsi que de relancer le processus révolutionnaire.

    C’était un coup de maître, incompris par une partie de la base du KKE, qui fut alors paralysée pour un temps. Mais le plan stratégique était posé : Níkos Zachariádis avait bien synthétisé la situation et sa pensée correspondait aux exigences de l’époque.

    Níkos Zachariádis

    Initialement, la Grèce fut en mesure de battre l’Italie en 1940, réduisant en poussière les prétentions de Benito Mussolini. L’armée grecque repoussa l’armée italienne qui avait attaqué par l’Albanie jusqu’à soixante kilomètres au-delà de la frontière ; pendant seize mois, 27 divisions italiennes bien mieux équipées furent mises en échec par 16 divisions grecques.

    Toutefois, comme Níkos Zachariádis le constata dans deux autres lettres ouvertes qui ne furent pas publiées en raison de la censure, ainsi que dans une longue lettre au KKE, l’armée grecque avait un esprit offensif qui en réalité servait les intérêts anglais et était en décalage total avec les intérêts grecs.

    La conséquence de cette situation trop périlleuse pour l’Italie fut d’ailleurs que les troupes allemandes vinrent à la rescousse en 1941 à partir du 6 avril 1941 ; le 27 avril, elles occupaient déjà Athènes. Le gouvernement royaliste s’enfuit en Crète, puis au Caire ; le pays fut découpé en morceaux par l’Italie fasciste, l’Allemagne nazie et son allié bulgare.

    L’Allemagne nazie contrôlait Athènes, Thessalonique et tout l’arrière-pays, ainsi qu’une partie de la Crète et de nombreuses îles. La Bulgarie annexa la Macédoine et la Thrace occidentale, perdus lors de la guerre balkanique de 1913. Tout le reste du pays était occupé par l’Italie.

    Pendant le court laps de temps où la confusion prédominait, une partie des prisonniers politiques put s’enfuir et le KKE se réorganisa, ce qui passa par la mise au pas de directions parallèles et la republication, clandestinement, de l’organe du Parti, Rizospastis (Ριζοσπάστης, Le Radical).

    Quant à la ligne, elle fut immédiatement celle de Níkos Zachariádis, c’est-à-dire la guerre antifasciste de libération nationale. Ce fut toutefois Georgios Siantos qui devint le grand dirigeant du KKE, Níkos Zachariádis ayant été envoyé au camp de concentration de Dachau par l’Allemagne nazie.

    L’une des premières étapes du succès fut, dès 1941, l’unification des forces syndicales au sein de l’EEAM (Εργατικό Εθνικό Απελευθερωτικό Μέτωπο, Front Ouvrier de Libération Nationale), dont le dirigeant fut un cadre du KKE.

    L’EEAM se donnait comme tâches la défense des revendications économiques quotidiennes, des droits syndicaux, le soutien au mouvement de libération nationale et le rassemblement de toutes les forces de gauche dans la perspective de l’établissement d’un programme commun une fois la libération obtenue.

    C’était là une ligne tout à fait conforme au principe de Front populaire, aboutissant à une démocratie populaire.

    Dans la foulée, le KKE appela à la formation de l’EAM (Εθνικό Απελευθερωτικό Μέτωπο – Front de libération nationale), ce qui se réalisa le 27 septembre 1941 avec, aux côtés du KKE, le Parti Socialiste de Grèce, l’Union Socialiste pour la Démocratie populaire, le Parti Agraire.

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  • L’arrière-plan historique de la lutte du KKE

    L’histoire politique de la Grèce est marquée par la tentative de réaliser la « Grande Idée » et son échec avec la « grande catastrophe », c’est-à-dire que l’opposition à la domination ottomane réalisée par l’instauration d’une monarchie en 1832 s’est prolongée en un nationalisme ouvertement expansionniste, qui se brisa toutefois face à la Turquie.

    Au cours de ce processus, la Grèce put s’agrandir initialement, à la suite de la guerre balkanique de 1912-1913, sa population passant de 2,8 à 5 millions de personnes.

    Mais la Première Guerre mondiale et ses conséquences, avec l’apparition de la Turquie, eut comme résultat une défaite militaire complète en 1922, l’échange de population, avec un million et demi de chrétiens quittant l’Anatolie et la Thrace orientale (et 388 000 Turcs la Macédoine), provoquant un procès en Grèce contre les prétendus responsables de la défaite (le « procès des six », avec la condamnation à mort de cinq ministres et du chef de l’armée en Asie mineure), puis même l’effondrement de la monarchie en mars 1924.

    La grande figure historique du nationalisme libéral est alors Elefthérios Venizélos.

    Elefthérios Venizélos (1864-1936)

    Toutefois, le traumatisme de la perte de la présence grecque en Asie mineure, datant de 3000 ans, fut profond dans la société grecque ; à cela s’ajoute la perpétuelle agitation conservatrice, pro-monarchie.

    Aussi, le climat fut délétère dès le départ pour la jeune république : de 1924 à 1928, le pays connut trois élections, neuf tentatives de coup d’État, deux dictatures militaires.

    Une loi de 1929 interdit également l’appel à manifester et à faire grève, ainsi que toute critique ouverte du régime.

    Une réforme agraire fut en mesure d’affaiblir les grands propriétaires terriens, mais elle se fit uniquement au profit des réfugiés d’Asie mineure et ne permit pas non plus aux petits paysans d’avoir un niveau de vie suffisant pour s’en sortir.

    Les forces royalistes reprenant le dessus dans ce contexte et gagnant aux élections du 5 mars 1933, le général Nikólaos Plastíras tenta alors immédiatement un coup d’État pro-républicain, mais son échec amena la liquidation des cadres militaires républicains, avec le retour des officiers royalistes mis de côté en 1922.

    Nikólaos Plastíras

    Un autre coup d’État de ce type échoua en 1935, suivi d’un autre coup d’État pro-royaliste, la monarchie étant instaurée dès novembre 1935, avec un plébiscite officiel de 97 % des voix.

    Le Parti Communiste de Grèce, le KKE, apparut au cours de ce processus, comme force antifasciste.

    Son origine est la suivante : en novembre 1918 s’était fondé au Pirée un Parti Socialiste Ouvrier de Grèce (SEKE – Sosialistikó Ergatikó Kómma Elládas), se donnant comme objectif le renversement du régime. Au même moment s’était formée à Athènes une Confédération Générale des Travailleurs Grecs (GSEE), représentant 60 000 travailleurs.

    Les débuts du mouvement communiste en Grèce

    Le SEKE se rapprocha toujours davantage de l’Internationale Communiste, rejoignant en janvier 1920 ses sections bulgare et yougoslave dans une Union Communiste Balkanique, y adhérant officiellement en 1920 en tant que SEKE – communiste.

    Au second congrès de la GSEE, en septembre 1920, le SEKE – communiste fut alors la force dominante et si elle n’avait que 2 000 membres, mais obtint également 100 000 voix aux élections de novembre 1920.

    Il se bolchevisa et prit finalement le nom de Parti Communiste de Grèce – section grecque de l’Internationale Communiste (KKE/ETKD – Κομμουνιστικό Κόμμα Ελλάδας / Ελληνικό Τμήμα Κομμουνιστικής Διεθνούς).

    Les débuts furent très difficiles : il ne fit que 1,48 % aux élections de 1928, n’étant en mesure que de rassembler que 150 personnes le premier mai 1931 à Athènes. Néanmoins, sous l’impulsion de l’Internationale Communiste, Níkos Zachariádis prit à partir de décembre 1931 la direction du KKE et l’amena sur une ligne révolutionnaire.

    Le premier résultat fut un résultat d’un peu moins de respectivement 4,97 % et 4,64 % aux élections de septembre 1932 et de mars 1933, avec le Front Uni des Ouvriers, Paysans et Réfugiés.

    Si la moitié du KKE était composée de paysans, comptant 1500 membres en 1931, 6000 en 1934, 17500 en 1936, il n’obtenait pas plus de 1 % électoralement dans les campagnes, alors qu’il faisait pratiquement 10 % à Athènes, plus de 8,5 % au Pirée, plus de 20 % à Volos, plus de 15 % à Larissa.

    Le KKE ne fut pas en mesure d’établir un front d’unité antifasciste comme il le demanda en septembre 1934, cependant le 5 octobre 1934 un document antifasciste commun face à la menace de coup d’État fut signé par le KKE, le Parti socialiste, le Parti paysan, le Parti ouvrier social-démocrate, la Confédération Générale des Travailleurs Grecs (GSEE), le syndicat EGSEE lié au KKE comme scission syndicale de 1929, les syndicats ouvriers indépendants.

    Un rassemblement populaire en 1934

    Aucun progrès ne fut toutefois réalisé, les socialistes soutenant le coup d’État de mars 1935, le KKE s’y opposant. Aussi, le KKE mena à partir d’avril 1935 une intense propagande pour le Front populaire antifasciste, avec comme exigences notamment la séparation de l’Église et de l’État, l’abolition de l’état d’urgence, le droit de vote des femmes, la tenue d’élections libres aboutissant à une constituante, la journée de huit heures, l’assurance-chômage, la confiscation des grandes propriétés terriennes, ainsi que, par la suite, la lutte contre le danger de guerre.

    Les résultats élecotraux furent de 9,8 % en juin 1935, puis, aux élections de janvier 1936, de 5,76 % des voix avec le Laiko Metopo, le Front populaire, soit 15 députés au parlement, tous communistes de par le peu d’ampleur organisationnel du front en question.

    Le KKE apparut cependant comme force capable de faire basculer la victoire et le Parti libéral se tourna vers lui afin de soutenir la nomination de son premier ministre. Le KKE accepta, mais le roi refusa de nommer un premier ministre soutenu par les communistes.

    Le KKE fut, durant cette période, en mesure d’organiser 334 grèves, auxquelles participèrent 190 000 travailleurs ; des combats de rue se déroulèrent même à Thessalonique.

    L’armée à cheval, l’épée à la main contre les grévistes

    Un candidat apolitique à ce poste mourant entre-temps, c’est finalement l’ultra-réactionnaire Ioánnis Metaxás qui devient premier ministre en 1936, dans une ambiance de coup d’État, qui se réalisa de fait le 4 août face à l’agitation sociale.

    Ioánnis Metaxás mit en place un régime fasciste prétendant prendre Sparte comme modèle, alors que le théoricien du régime, Theologos Nikoloudis, expliquait qu’il y avait trois empires grecs : l’âge d’or avec Périclès, l’empire byzantin et désormais le nouveau régime.

    Ioánnis Metaxás prend le pouvoir en Grèce

    Le régime se maintiendra jusqu’en 1941 et l’effondrement sous la pression expansionniste de l’Italie fasciste alliée à l’Allemagne nazie, deux régimes servant pourtant pratiquement de modèle à Ioánnis Metaxás.

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  • Thèses pour la propagande parmi les femmes au troisième congrès de l’Internationale Communiste

    Thèses pour la propagande parmi les femmes

    PRINCIPES GÉNÉRAUX

    1. Le 3° Congrès de l’Internationale Communiste, conjointement avec la 2° Conférence Internationale des Femmes Communistes, confirme l’opinion du 1° et du 2° Congrès relativement à la nécessité pour tous les partis communistes d’Occident et d’Orient de renforcer le travail parmi le prolétariat féminin, et en particulier l’éducation communiste des grandes masses des ouvrières qu’il faut entraîner dans la lutte pour le pouvoir des soviets ou pour l’organisation de la République Ouvrière Soviétique.

    Pour la classe ouvrière du monde entier et par conséquent pour les ouvrières, la question de la dictature du prolétariat devient primordiale.

    L’économie capitaliste se trouve dans une impasse. Les forces productives ne peuvent plus se développer dans le cadre du régime capitaliste. L’impuissance de la bourgeoisie à faire renaître l’industrie, la misère grandissante des masses laborieuses, le développement de la spéculation, la décomposition de la production, le chômage, l’instabilité des prix, la cherté de la vie disproportionnée aux salaires, provoquent une recrudescence de la lutte de classes dans tous les pays.

    Dans cette lutte, Il est surtout question de savoir qui doit organiser la production d’une poignée de bourgeois et d’exploiteurs, sur les bases du capitalisme et de la propriété privée, ou de la classe des vrais producteurs, sur la base communiste.

    La nouvelle classe montante, la classe des vrais producteurs, doit, conformément aux lois du développement économique, prendre en mains l’appareil de production et créer les nouvelles formes économiques. C’est ainsi seulement qu’on pourra donner leur développement maximum aux forces productrices que l’anarchie de la production capitaliste empêche de donner tout le rendement dont elles sont capables.

    Tant que le pouvoir est entre les mains de la classe bourgeoise, le prolétariat est impuissant à rétablir la production.

    Aucune réforme, aucune mesure, proposées par les gouvernements démocratiques ou socialistes des pays bourgeois ne seront capables de sauver la situation et d’alléger les souffrances insurmontables des ouvriers, car ces souffrances sont un effet naturel de la ruine du système économique capitaliste et persisteront tant que le pouvoir sera entre les mains de la bourgeoisie. Seule la conquête du pouvoir par le prolétariat permettra à la classe ouvrière de s’emparer des moyens de production et de s’assurer ainsi la possibilité de rétablir l’économie dans son propre intérêt.

    Pour avancer l’heure de la rencontre décisive du prolétariat avec le monde bourgeois expirant, la classe ouvrière doit se conformer à la tactique ferme et intransigeante préconisée par là troisième Internationale. La réalisation de la dictature du prolétariat doit être à l’ordre du jour. C’est là le but qui doit définir les méthodes d’action et la ligne de conduite du prolétariat des deux sexes.

    Partant du point de vue que la lutte pour la dictature du prolétariat est à l’ordre du jour du prolétariat de tous les Etats capitalistes et que la construction du communisme est la tâche actuelle dans les pays où la dictature est déjà entre les mains des ouvriers, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste déclare que, aussi bien la conquête du pouvoir par le prolétariat que la réalisation du communisme dans les pays qui ont déjà renversé l’oppression bourgeoise ne sauraient être accomplies sans l’appui actif de la masse du prolétariat et du demi-prolétariat féminin.

    D’autre part le Congrès attire une fois de plus l’attention des femmes sur le fait que sans l’appui des Partis Communistes, les initiatives ayant pour but la libération de la femme, la reconnaissance de son égalité personnelle complète et son affranchissement véritable ne sont pas réalisables.

    2. L’intérêt de la classe ouvrière exige en ce moment avec une force particulière l’entrée des femmes dans les rangs organisés du prolétariat combattant pour le communisme ; il l’exige dans la mesure où la ruine économique mondiale devient de plus en plus intense et intolérable pour toute la population pauvre des villes et des campagnes et dans la mesure où, devant la classe ouvrière des pays bourgeois capitalistes, la révolution sociale s’impose inévitablement, tandis que devant le peuple laborieux de la Russie Soviétique se dresse la tâche de reconstruire l’économie nationale sur de nouvelles bases communistes. Ces deux tâches seront d’autant plus facilement réalisées que les femmes y prendront une part plus active, plus consciente et plus volontaire.

    3. Partout où la question de la conquête du pouvoir surgit directement, les partis communistes doivent savoir apprécier le grand danger que présente dans la révolution les masses inertes des ouvrières non entraînées dans le mouvement des ménagères, des employées, des paysannes non affranchies des conceptions bourgeoises, de l’Eglise et des préjugés, et non rattachées par un lien quelconque au grand mouvement de libération qu’est le communisme.

    Les masses féminines de l’Orient et de l’Occident non entraînées dans ce mouvement constituent inévitablement un appui pour la bourgeoisie, et un objet pour sa propagande contre-révolutionnaire. L’expérience de la révolution hongroise, au cours de laquelle l’inconscience des masses féminines a joué un si triste rôle, doit servir d’avertissement au prolétariat des pays arriérés entrant dans la voie de la révolution sociale.

    La pratique de la République Soviétique a montré à l’œuvre combien est essentielle la participation de l’ouvrière et de la paysanne tant à la défense de la République pendant la guerre civile que dans tous les domaines de l’organisation soviétique. On sait l’importance du rôle que les ouvrières et les paysannes ont déjà joué dans la République Soviétique, dans l’organisation de la défense, dans le renforcement de l’arrière, dans la lutte contre la désertion et contre toutes les formes de la contre-révolution, du sabotage. etc.

    L’expérience de la République Ouvrière doit être apprise et utilisée dans les autres pays.

    De tout ce que nous venons de dire résulte la tâche immédiate des Partis Communistes : étendre l’influence du Parti et du communisme aux vastes couches de la population féminine de leur pays, au moyen d’un organe spécial fonctionnant à l’intérieur du Parti et de méthodes particulières permettant d’aborder plus facilement les femmes pour les soustraire à l’influence des conceptions bourgeoises et à l’action des partis coalitionnistes, pour en faire de véritables combattantes pour l’affranchissement total de la femme.

    4. En imposant aux Partis Communistes d’Occident et d’Orient la tâche immédiate de renforcer le travail du Parti parmi le prolétariat féminin, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste montre en même temps aux ouvriers du monde entier que leur affranchissement de l’injustice séculaire, de l’esclavage et de l’inégalité, n’est réalisable que par la victoire du communisme.

    Ce que le communisme donnera à la femme, en aucun cas, le mouvement féminin bourgeois ne saurait le lui donner. Aussi longtemps qu’existera la domination du capital et de la propriété privée, l’affranchissement de la femme n’est pas possible.

    Le droit électoral ne supprime pas la cause première de l’asservissement de la femme dans la famille et dans la société et ne lui donne pas la solution du problème des rapports entre les deux sexes.

    L’égalité non formelle, mais réelle de la femme n’est possible que sous un régime où la femme de la classe ouvrière sera la maîtresse de ses instruments de production et de répartition, prenant part à leur administration et portant l’obligation du travail dans les mêmes conditions que tous les membres de la Société travailleuse ; en d’autres termes, cette égalité n’est réalisable qu’après le renversement du système capitaliste et son remplacement par les formes économiques communistes.

    Seul, le communisme créera un état de choses dans lequel la fonction naturelle de la femme, la maternité, ne sera plus en conflit avec les obligations sociales et n’empêchera plus son travail productif au profit de la collectivité. Mais le communisme est en même temps le but final de tout le prolétariat. Par conséquent la lutte de l’ouvrière et de l’ouvrier pour ce but commun doit, dans l’intérêt de tous les deux, être menée en commun et inséparablement.

    5. Le 3° Congrès de l’Internationale Communiste confirme les principes fondamentaux du marxisme révolutionnaire suivant lesquels il n’y a point de questions « spécialement féminines » ; tout rapport de l’ouvrière avec le féminisme bourgeois, de même que tout appui apporté par elle à la tactique de demi-mesures et de franche trahison des social-coalitionnistes et des opportunistes ne fait qu’affaiblir les forces du prolétariat et, en retardant la révolution sociale, empêche en même temps la réalisation du communisme, c’est-à-dire l’affranchissement de la femme.

    Nous n’atteindrons au communisme que par l’union dans la lutte de tous les exploités et non par l’union des forces féminines des deux classes opposées.

    Les masses prolétariennes féminines doivent dans leur propre intérêt soutenir la tactique révolutionnaire du Parti Communiste et prendre la part la plus active et la plus directe aux actions des masses et à la guerre civile sous toutes ses formes et sous tous ses aspects, tant dans le cadre national qu’à l’échelle internationale.

    6. La lutte de la femme contre sa double oppression : le capitalisme et la dépendance familiale et ménagère doit prendre, dans la phase prochaine de son développement, un caractère international se transformant en lutte du prolétariat des deux sexes pour la dictature et le régime soviétique sous le drapeau de la III° Internationale.

    7. En dissuadant les ouvrières de tous les pays de toute espèce de collaboration et de coalition avec les féministes bourgeoises, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste les prévient en même temps que tout appui fourni par elles à la II° Internationale ou aux éléments opportunistes qui s’en rapprochent ne peut que faire le plus grand mal à leur mouvement. Les femmes doivent toujours se rappeler que leur esclavage a toutes ses racines dans le régime bourgeois. Pour en finir avec cet esclavage, il faut passer à un ordre social nouveau.

    En soutenant les Internationales II et 2 1/2 et les groupes analogues, on paralyse le développement de la révolution, on empêche par conséquent la transformation sociale en éloignant l’heure de l’affranchissement de la femme.

    Plus les masses féminines s’éloigneront avec décision et sans retour de la II° Internationale et de l’Internationale 2 1/2, plus la victoire de la révolution sociale sera assurée. Le devoir des femmes communistes est de condamner tous ceux qui craignent la tactique révolutionnaire de l’Internationale Communiste et de s’appliquer fermement à les faire exclure des rangs serrés de l’Internationale Communiste.

    Les femmes doivent encore se rappeler que la II° Internationale n’a même pas essayé de créer un organisme destiné à la lutte pour l’affranchissement total de la femme. L’union internationale des femmes socialistes, dans la mesure où elle existe, a été établie en dehors du cadre de la II° Internationale, sur la propre initiative des ouvrières.

    La III° Internationale a formulé clairement, dès son premier congrès en 1919, son attitude sur la question de la participation des femmes à la lutte pour la dictature du prolétariat.

    C’est sur son initiative et avec sa participation que fut convoquée la première conférence des femmes communistes et qu’en 1920 fut fondé le secrétariat international pour la propagande parmi les femmes, avec représentation permanente au Comité Exécutif de l’Internationale Communiste. Le devoir des ouvrières conscientes de tous les pays est de rompre avec la II° Internationale et avec l’Internationale 2 1/2 et de soutenir fermement la politique révolutionnaire de l’Internationale Communiste.

    8. L’appui que donneront à l’Internationale Communiste les ouvrières et les employées doit se manifester tout d’abord par leur entrée dans les rangs des Partis Communistes de leurs pays.

    Dans les pays et dans les Partis où la lutte entre la II° et la III° Internationale n’est pas encore terminée, le devoir des ouvrières est de soutenir de toutes leurs forces le parti ou le groupe qui suit la politique de l’Internationale Communiste et de lutter impitoyablement contre tous les éléments hésitants ou ouvertement traîtres, sans tenir compte d’aucune autorité. Les femmes prolétaires conscientes luttant pour leur affranchissement ne doivent pas rester dans un parti non affilié à l’Internationale Communiste.

    Tout adversaire de la III° Internationale est un ennemi de l’affranchissement de la femme.

    Chaque ouvrière consciente d’Occident et d’Orient doit se ranger sous le drapeau révolutionnaire de l’Internationale Communiste. Toute hésitation des femmes du prolétariat à briser avec les groupements opportunistes ou avec les autorités reconnues, retarde les conquêtes du prolétariat sur le champ de bataille de la guerre civile, qui prend le caractère d’une guerre civile mondiale.

    MÉTHODES D’ACTION PARMI LES FEMMES

    Partant des principes ci-dessus indiqués, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste établit que le travail parmi le prolétariat féminin doit être mené par les Partis Communistes de tous les pays sur les bases suivantes :

    1. Admettre les femmes à titre de membres égaux en droits et en devoirs à tous les autres dans le Parti et dans toutes les organisations prolétariennes (syndicats, coopératives, conseils des anciens des usines, etc.)

    2. Se rendre compte de l’importance qu’il y a à faire participer activement les femmes à toutes les branches de la lutte du prolétariat (y compris sa défense militaire), de l’édification des nouvelles bases sociales, de l’organisation de la production et de l’existence selon les principes communistes.

    3. Reconnaître la maternité comme une fonction sociale, prendre et appliquer toutes mesures nécessaires à la défense de la femme dans sa qualité de mère.

    Tout en se déclarant énergiquement contre toute espèce d’organisation séparée de femmes au sein du Parti, des syndicats ou des autres associations ouvrières, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste reconnaît la nécessité pour le Parti Communiste d’employer des méthodes particulières de travail parmi les femmes et estime utile de former dans tous les Partis Communistes des organes spéciaux chargés de ce travail.

    En cela le Congrès est guidé par les considérations suivantes :

     l’asservissement familial de la femme non seulement dans les pays bourgeois capitalistes, mais même dans les pays où existe déjà le régime soviétique, dans la phase de transition du capitalisme au communisme.

     la grande passivité et l’état politique arriéré des masses féminines, défauts expliqués par l’éloignement séculaire de la femme de la vie sociale et par son esclavage dans la famille.

     les fonctions spéciales imposées à la femme par la nature elle-même, c’est-à-dire la maternité et les particularités qui en découlent pour la femme, avec le besoin d’une plus grande protection de ses forces et de sa santé dans l’intérêt de toute la société.

    Ces organes pour le travail parmi les femmes doivent être des sections ou des commissions fonctionnant auprès de tous les Comités du Parti, à commencer par le Comité Central et jusqu’aux comités de quartier ou de district. Cette décision est obligatoire pour tous les Partis adhérant à l’Internationale Communiste.

    Le 3° Congrès de l’Internationale Communiste indique comme tâches des Partis Communistes à accomplir par l’intermédiaire des sections pour le travail parmi les femmes :

    1. Eduquer les grandes masses féminines dans l’esprit du communisme et les attirer dans les rangs du Parti.

    2. Combattre les préjugés relatifs aux femmes dans les masses du prolétariat masculin, en renforçant dans l’esprit des ouvriers et des ouvrières l’idée de la solidarité des intérêts des prolétaires des deux sexes.

    3. Affermir la volonté de l’ouvrière en l’utilisant dans la guerre civile sous toutes ses formes et aspects, éveiller son activité en la faisant participer aux actions de masses, à la lutte contre l’exploitation capitaliste dans les pays bourgeois (contre la cherté de la vie, la crise du logement et le chômage), à l’organisation de l’économie communiste et de l’existence en général dans les républiques soviétiques.

    4. Mettre à l’ordre du jour du Parti et des institutions législatives les questions relatives à l’égalité de la femme et à sa défense comme mère.

    5. Lutter systématiquement contre l’influence de la tradition, des mœurs bourgeoises et de la religion, afin de préparer la voie à des rapports plus sains et plus harmonieux entre les sexes et à l’assainissement moral et physique de l’humanité travailleuse.

    Tout le travail des sections féminines devra être fait sous la direction immédiate et sous la responsabilité des comités du Parti.

    Parmi les membres de la commission ou de la direction des sections devront figurer aussi, dans la mesure du possible, des camarades communistes hommes.

    Toutes les mesures et toutes les tâches qui s’imposent aux commissions et aux sections des ouvrières devront être réalisées par elles, d’une manière indépendante, mais dans les pays des Soviets par l’intermédiaire des organes économiques ou politiques respectifs (sections des Soviets, Commissariats, Commissions, Syndicats, etc.) et dans les pays capitalistes avec l’aide des organes correspondants du prolétariat (syndicats conseils, etc.).

    Partout où des Partis Communistes ont une existence légale ou semi-légale, ils doivent former un appareil illégal pour le travail parmi les femmes. Cet appareil doit être subordonné et adapté à l’appareil illégal du parti dans son ensemble. Là, comme dans l’appareil légal, chaque Comité doit comprendre une camarade, chargée de diriger la propagande illégale parmi les femmes.

    Dans la période actuelle, les syndicats professionnels et de production doivent être pour les Partis Communistes le terrain fondamental du travail parmi les femmes, tant pour les pays où la lutte pour le renversement du joug capitaliste n’est pas encore terminée que dans les républiques ouvrières soviétiques.

    Le travail parmi les femme doit être mené dans l’esprit suivant : unité dans la ligne politique et dans la structure du parti, libre initiative des commissions et des sections dans tout ce qui tend à procurer à la femme sa complète libération et égalité, ce qui ne saurait être pleinement obtenu que par le Parti, en entier. Il ne s’agit pas de créer un parallélisme, mais de compléter les efforts du Parti par l’activité et l’initiative créatrices de la femme.

    LE TRAVAIL POLITIQUE DU PARTI PARMI LES FEMMES DANS LES PAYS DE RÉGIME SOVIÉTIQUE

    Le rôle des sections dans les républiques soviétiques consiste à éduquer les masses féminines dans l’esprit du communisme en les entraînant dans les rangs du Parti Communiste ; il consiste encore à développer l’activité, l’initiative de la femme en l’attirant dans le travail de construction du communisme et en en faisant un ferme défenseur de l’Internationale Communiste.

    Les sections doivent par tous les moyens faire participer la femme à toutes les branches de l’organisation soviétique, depuis la défense militaire de la République jusqu’aux plans économiques les plus compliqués.

    Dans la République Soviétique, les sections doivent veiller à l’application des décisions du 3° Congrès des Soviets concernant la participation des ouvrières et des paysannes à l’organisation et à la construction de l’économie nationale, ainsi qu’à tous les organes dirigeants et administratif, contrôlant et organisant la production.

    Par l’intermédiaire de leurs représentants et par les organes du Parti, les sections doivent collaborer à l’élaboration de nouvelles lois et à la modification de celles qui doivent être transformées en vue de l’affranchissement réel de la femme. Les sections doivent faire preuve d’initiative particulière pour le développement de la législation protégeant le travail de la femme et des mineurs.

    Les sections doivent entraîner le plus grand nombre possible d’ouvrières et de paysannes dans les campagnes pour l’élection des Soviets et veiller à ce que parmi les membres de ceux-ci et des Comités Exécutifs soient aussi élues des ouvrières et des paysannes.

    Les sections doivent favoriser le succès de toutes les campagnes politiques et économiques menées par le Parti.

    C’est encore le rôle des sections de veiller au perfectionnement et à la spécialisation du travail féminin par l’expansion de l’enseignement professionnel, en facilitant aux ouvrières et aux paysannes l’accès des établissements correspondants.

    Les sections veilleront à l’entrée des ouvrières dans les commissions pour la protection du travail fonctionnant dans les entreprises et au renforcement de l’activité des commissions de secours et de protection de la maternité et de l’enfance.

    Les sections faciliteront le développement de tout le réseau d’établissements publics comme orphelinats. blanchisseries, ateliers de réparations, institutions d’existence sur les nouvelles bases communistes, allégeront pour les femmes le fardeau de l’époque de transition, amèneront leur indépendance matérielle et feront de l’esclave domestique et familial la libre collaboratrice du créateur des nouvelles formes de vie.

    Les sections devront faciliter l’éducation des femmes membres des syndicats dans l’esprit du communisme par l’intermédiaire des organisations pour le travail parmi les femmes, constituées par les fractions communistes des syndicats.

    Les sections veilleront à ce que les ouvrières assistent régulièrement aux réunions des déléguées d’usines et de fabriques.

    Les sections répartiront systématiquement les déléguées du Parti comme stagiaires dans les différentes branches de travail : soviets, économie nationale, syndicats.

    DANS LES PAYS CAPITALISTES

    Les tâches immédiates des commissions pour le travail parmi les femmes sont déterminées par les conditions objectives. D’une part : la ruine de l’économie mondiale, l’aggravation prodigieuse du chômage, ayant pour conséquences particulières la diminution de la demande de main-d’œuvre féminine et l’augmentation de la prostitution, de la cherté de la vie, de la crise du logement, de la menace de nouvelles guerres impérialistes ; d’autre part : les incessantes grèves économiques dans tous les pays, les tentatives renouvelées de soulèvement armé du prolétariat, l’atmosphère de plus en plus étouffante de la guerre civile s’étendant sur le monde entier, tout cela apparaît comme le prologue de l’inévitable révolution sociale mondiale.

    Les commissions féminines doivent mettre en avant les tâches de combat du prolétariat, mener la lutte pour les revendications du Parti Communiste, faire participer la femme à toutes les manifestations révolutionnaires des communistes contre la bourgeoisie et les socialistes coalitionnistes.

    Les commissions veilleront, non seulement à ce que les femmes soient admises avec les mêmes droits et les mêmes devoirs que les hommes dans le Parti, dans les syndicats et dans les autres organisations ouvrières de lutte de classes, en combattant toute séparation et toute particularisation de l’ouvrière, mais encore à ce que les ouvrières soient élues à l’égal des ouvriers dans les organes dirigeants des syndicats et des coopératives.

    Les commissions aideront les grandes masses du prolétariat féminin et des paysannes à exercer leurs droits électoraux aux élections parlementaires et autres en faveur du Parti Communiste, tout en faisant ressortir le peu de valeur de ces droits tant pour l’affaiblissement de l’exploitation capitaliste que pour l’affranchissement de la femme, et en opposant au parlementarisme le régime soviétique.

    Les commissions devront aussi veiller à ce que les ouvrières, les employées et les paysannes prennent une part active et consciente aux élections des soviets révolutionnaires, économiques et politiques de délégués ouvriers. Elles s’efforceront d’éveiller l’activité politique chez les ménagères et de propager l’idée des Soviets particulièrement parmi les paysannes.

    Les commissions consacreront la plus grande attention à l’application du principe « à travail égal, salaire égal ».

    Les commissions devront entraîner les ouvrières dans cette campagne par des cours gratuits et accessibles à tous et de nature à relever la valeur de la femme.

    Les commissions doivent veiller à ce que les femmes communistes collaborent à toutes les institutions législatives, municipales, pour préconiser dans ces organes la politique révolutionnaire de leur parti.

    Mais tout en participant aux institutions législatives, municipales et aux autres organes de l’Etat bourgeois, les femmes communistes doivent suivre strictement les principes et la tactique du Parti.

    Elles doivent se préoccuper non pas d’obtenir des réformes sous le régime capitaliste, mais de tâcher de transformer toutes revendications des femmes laborieuses en mots d’ordre de nature à éveiller l’activité des masses et à diriger ces revendications sur la route de la lutte révolutionnaire et de la dictature du prolétariat.

    Les commissions doivent dans les Parlements et dans les municipalités rester en contact étroit dans les fractions communistes et délibérer en commun sur tous les projets relatifs aux femmes.

    Les commissions devront expliquer aux femmes le caractère arriéré et non économique du système des ménages isolés, le défaut de l’éducation bourgeoise donnée aux enfants, en groupant les forces des ouvrières sur les questions de l’amélioration réelle de l’existence de la classe ouvrière, questions soulevées par le Parti.

    Les commissions devront favoriser l’entraînement dans le Parti Communiste des ouvrières, membres des syndicats, et les fractions communistes de ces derniers devront détacher dans ce but des organisateurs pour le travail parmi les femmes agissant sous la direction du Parti et les sections locales.

    Les commissions d’agitation parmi les femmes devront diriger leur propagande de telle sorte qu’elles obtiennent que les femmes prolétaires répandent dans les coopératives l’idée du communisme et, en pénétrant dans la direction de ces coopératives, arrivent à les influencer et à les gagner, étant donné que ces organisations auront une très grande importance comme organes de répartition pendant et après la révolution. Tout le travail des commissions doit tendre vers ce but unique : le développement de l’activité révolutionnaire des masses afin de hâter la révolution sociale.

    DANS LES PAYS ÉCONOMIQUEMENT ARRIÉRÉS (L’ORIENT)

    Le Parti Communiste de concert avec les sections doit obtenir dans les pays à faible développement industriel la reconnaissance de l’égalité en droits et en devoirs de la femme dans le Parti, dans les syndicats et dans les autres organisations de la classe ouvrière.

    Les sections et les commissions doivent lutter contre les préjugés, les mœurs et les habitudes religieuses pesant sur la femme et mener la propagande parmi les hommes aussi.

    Le Parti Communiste et ses sections ou commissions doivent appliquer les principes de l’égalité des droits de la femme dans l’éducation des enfants, dans les rapports familiaux et dans la vie publique.

    Les sections chercheront appui pour leur travail avant tout dans la masse des ouvrières travaillant à domicile (petite industrie), des travailleuses des plantations de riz, de coton et autres, en favorisant la formation partout où elle est possible (et en premier lieu parmi les peuples de l’Orient vivant dans les confins de la Russie Soviétique), d’ateliers corporatifs, de coopératives de petite industrie, et en facilitant ainsi partout l’entrée des ouvrières des plantations dans les syndicats.

    Le relèvement du niveau général de culture de la masse est un des meilleurs moyens de lutte contre la routine et les préjugés religieux répandus dans le pays. Les commissions doivent donc favoriser le développement des écoles pour adultes et pour enfants et en rendre l’accès facile aux femmes. Dans les pays bourgeois, les commissions doivent mener une agitation directe contre l’influence bourgeoise dans les écoles.

    Partout où il est possible de le faire, les sections et les commissions doivent mener la propagande à domicile, elles doivent organiser des clubs d’ouvrières et y attirer celle-ci, et en général les éléments féminins les plus arriérés. Les clubs doivent être des foyers de culture et d’instruction et des organisations modèles montrant ce que peut faire la femme pour son propre affranchissement et son indépendance (organisation de crèches, de jardins d’enfants, d’écoles primaires pour adultes, etc.).

    Chez les peuples menant une vie nomade il faudra organiser des clubs ambulants.

    Les sections doivent, de concert avec les Partis, dans les pays de régime soviétique, contribuer à faciliter la transition de la forme économique capitaliste à la forme de production communiste, en plaçant l’ouvrière devant cette réalité évidente que l’économie domestique et la famille, telles qu’elles étaient jusqu’à présent, ne peuvent que l’asservir tandis que le travail collectif la libérera.

    Parmi les peuples orientaux vivant en Russie Soviétique, les sections doivent veiller à ce que soit appliquée la législation soviétique égalisant la femme dans ses droits par rapport à l’homme et défendant ses intérêts. Dans ce but, les sections doivent faciliter aux femmes l’accès aux fonctions de jurés dans les tribunaux populaires.

    Les sections doivent également faire participer la femme aux élections aux Soviets, et veiller à ce que les ouvrières et les paysannes entrent dans les Soviets et les Comités Exécutifs. Le travail parmi le prolétariat féminin de l’Orient doit être mené sur la plate-forme de la lutte de classes. Les sections révéleront l’impuissance des féministes à trouver une solution aux différentes questions de l’affranchissement de la femme ; elles utiliseront les forces intellectuelles féminines (par ex. les institutrices) pour répandre l’instruction dans les pays soviétiques de l’Orient. Tout en évitant les attaques grossières et sans tact aux croyances religieuses et aux traditions nationales, les sections et les commissions travaillant parmi les femmes de l’Orient, devront nettement lutter contre l’influence du nationalisme et de la religion sur les esprits.

    Toute l’organisation des ouvrières doit être basée, en Orient tout comme en Occident, non pas sur la défense des intérêts nationaux, mais sur le plan de l’union du prolétariat international des deux sexes dans les tâches communes de classe.

    La question du travail parmi les femmes d’Orient, étant de grande importance et en même temps présentant un nouveau problème pour les partis communistes, doit être détaillée par une instruction spéciale sur les méthodes de travail parmi les femmes de l’Orient, appropriées aux conditions des pays orientaux. L’instruction sera adjointe aux thèses.

    MÉTHODES D’AGITATION ET DE PROPAGANDE

    Pour accomplir la mission fondamentale des sections, c’est-à-dire l’éducation communiste des grandes masses féminines du prolétariat et le renforcement des cadres des champions du communisme, il est indispensable que tous les Partis Communistes d’Orient et d’Occident s’assimilent le principe fondamental du travail parmi les femmes, qui est celui-ci : « Agitation et propagande par le fait ».

    Agitation par le fait veut dire avant tout : action pour éveiller l’initiative de l’ouvrière, détruire son manque de confiance en ses propres forces et, en l’entraînant au travail pratique dans le domaine de l’organisation et de la lutte, pour lui apprendre à comprendre par la réalité que toute conquête du Parti Communiste, toute action contre l’exploitation capitaliste, est un progrès soulageant la situation de la femme. « De la pratique à l’action, à la reconnaissance de l’idéal du communisme et de ses principes théoriques », telle est la méthode avec laquelle les Partis Communistes et leurs sections féminines devront aborder les ouvrières.

    Pour être réellement des organes d’action et pas seulement de propagande orale, les sections féminines doivent s’appuyer sur les noyaux communistes des entreprises et des ateliers et charger, dans chaque noyau communiste, un organisateur spécial du travail parmi les femmes de l’entreprise ou de l’atelier.

    Avec les syndicats, les sections devront entrer en rapports par l’intermédiaire de leurs représentants ou de leurs organisateurs, désignés par la fraction communiste du syndicat et menant leur travail sous la direction des sections.

    La propagande de l’idée communiste par le fait consiste, dans la Russie des Soviets, à faire entrer l’ouvrière, la paysanne, la ménagère et l’employée dans toutes les organisations soviétiques, en commençant par l’armée et la milice et en finissant par toutes les institutions visant à l’affranchissement de la femme : alimentation publique, éducation sociale, protection de la maternité, etc. Une tâche particulièrement importante, c’est la restauration économique sous toutes ses formes, à laquelle il faut entraîner l’ouvrière.

    La propagande par le fait dans les pays capitalistes tendra avant tout à entraîner l’ouvrière dans les grèves, dans les manifestations et dans l’insurrection sous toutes ses formes, qui trempent et élèvent la volonté et la conscience révolutionnaires, dans toutes les formes du travail politique, dans le travail illégal (particulièrement dans les services de liaison) dans l’organisation des samedis et des dimanches communistes, par lesquels les ouvrières sympathisantes, les employées apprendront à se rendre utiles au Parti, par le travail volontaire.

    Le principe de la participation des femmes à toutes les campagnes politiques, économiques ou morales entreprises par le Parti Communiste sert également le but de la propagande par le fait. Les organes de propagande parmi les femmes auprès des Partis communistes doivent étendre leur activité dans des catégories de plus en plus nombreuses de femmes socialement exploitées et enchaînées dans les pays capitalistes et, parmi les femmes des Etats soviétiques affranchir leur esprit enchaîné par des superstitions et des survivances du vieil ordre social. Ils devront s’attacher à tous les besoins et à toutes les souffrances, à tous les intérêts et à toutes les revendications par lesquelles les femmes se rendront compte que le capitalisme devra être écrasé comme leur ennemi mortel et que les voies doivent être frayées au communisme, leur libérateur.

    Les sections doivent mener méthodiquement leur agitation et leur propagande par la parole, en organisant des réunions dans les ateliers et des réunions publiques soit pour les ouvrières et employées de différentes branches d’industrie, soit pour les ménagères et pour les travailleuses de toutes branches, par quartiers, rayons de la ville, etc.

    Les sections doivent veiller à ce que les fractions communistes des syndicats, des associations ouvrières, des coopératives élisent des organisateurs et agitateurs spéciaux pour faire le travail communiste dans les masses féminines des syndicats, coopératives, associations. Les sections doivent veiller à ce que dans les Etats Soviétiques, les ouvrières soient élues aux conseils d’industrie et à tous les organes chargés de l’administration, du contrôle et de la direction de la production.

    Bref, les ouvrières doivent être élues à toutes les organisations qui, dans les pays capitalistes, servent aux masses exploitées et opprimées dans leur lutte pour la conquête de pouvoir politique ou, dans les Etats Soviétiques, servent à la défense de la dictature du prolétariat et à la réalisation du communisme.

    Les sections doivent déléguer des femmes communistes éprouvées dans les industries, les plaçant comme ouvrières ou comme employées là où un grand nombre de femmes travaillent, comme cela est pratiqué en Russie Soviétique ; on installe aussi ces camarades dans de grandes circonscriptions et centres prolétariens.

    Suivant l’exemple du Parti Communiste de la Russie Soviétique, qui organise des réunions de délégués et des conférences de déléguées sans parti, lesquelles ont toujours un succès considérable, les sections féminines des pays capitalistes doivent organiser des réunions publiques d’ouvrières, de travailleuses de toutes sortes, paysannes, ménagères, réunions qui s’occupent des besoins, des revendications des femmes laborieuses et qui doivent élire des comités ad-hoc, approfondir les questions soulevées en contact permanent avec leurs mandataires et les sections féminines du parti. Les sections doivent envoyer leurs orateurs prendre part aux discussions dans les réunions des partis hostiles au communisme.

    La propagande et l’agitation au moyen des réunions et d’autres institutions semblables doivent être complétées par une agitation méthodique et prolongée poursuivie dans les foyers. Toute communiste chargée de cette besogne devra visiter tout au plus dix femmes à domicile, mais elle devra le faire régulièrement, au moins une fois par semaine et à chaque action importante des Partis Communistes et des masses prolétariennes.

    Les sections doivent créer et répandre une littérature simple, convenable, de brochures et feuilles volantes de nature à exhorter et à grouper les forces féminines.

    Les sections doivent veiller à ce que les femmes communistes utilisent de la manière la plus active toutes les institutions et moyens d’instruction du Parti. Afin d’approfondir la conscience et de tremper la volonté des communistes encore retardataires et des femmes laborieuses s’éveillant à l’activité, les sections doivent les inviter aux cours et discussions du Parti. Des cours séparés, des soirées de lecture et de discussion pour les ouvrières seules, peuvent être organisés seulement en cas d’exception.

    Afin de développer l’esprit de camaraderie entre ouvrières et ouvriers, il est désirable de ne point créer de cours et d’écoles spéciales pour les femmes communistes ; dans chaque école du Parti, il doit obligatoirement y avoir un cours sur les méthodes du travail parmi les femmes. Les sections ont le droit de déléguer un certain nombre de leurs représentantes aux cours généraux du Parti.

    STRUCTURE DES SECTIONS

    Des commissions pour le travail parmi les femmes seront organisées auprès des comités régionaux et de district et enfin auprès du Comité Central du Parti.

    Chaque pays décide lui-même des membres de la section. C’est de même au parti des différents pays qu’est donnée la liberté de fixer selon les circonstances le nombre des membres de la section appointés par le Parti.

    La directrice de la section devra être en même temps membre du Comité local du Parti. Au cas où ce cumul ne se rencontrerait pas, elle devra assister à toutes les séances du Comité avec voix délibérative sur les questions concernant la section des femmes, et voix consultative sur toutes les autres questions.

    Outre les tâches générales énumérées ci-dessous, incombant aux sections et aux commissions locales, elles seront chargées des fonctions suivantes : maintien de la liaison entre les différentes sections de la région et avec la section centrale, réunions d’information sur l’activité des sections et des commissions de la région, échange d’informations entre les différentes sections de la région et avec la section centrale, réunions d’information sur l’activité des sections et des commissions de la région, échange d’informations entre les différentes sections, fourniture de littérature à la région ou province ; distribution des forces d’agitation, mobilisation des forces du Parti pour le travail parmi les femmes ; convocation au moins deux fois par an de conférences régionales des femmes communistes, des représentantes des sections à raison de une à deux par section, enfin organisation de conférence d’ouvrières et de paysannes sans-parti.

    Les sections régionales (de province) se composent de cinq à sept membres, les membres du Bureau sont nommés par le Comité correspondant du Parti sur présentation de la directrice de la section ; celle-ci est élue de même que les autres membres du comité de district ou de province à la conférence correspondante du Parti.

    Les membres des sections ou des commissions sont élues à la conférence générale de la ville, du district ou de la province, ou encore sont nommées par les sections respectives en contact avec le Comité du Parti. La commission Centrale pour le travail parmi les femmes se compose de 2 à 5 membres dont une au moins est payée par le Parti.

    Outre toutes les fonctions énumérées plus haut pour les sections régionales, la Commission centrale aura encore les tâches suivantes : instructions à donner aux localités et à leurs militantes ; contrôle du travail des sections, répartition, en contact avec les organes correspondants du Parti, des forces menant le travail parmi les femmes, contrôle par l’intermédiaire de leur représentant ou de leur chargé de pouvoir des conditions et du développement du travail féminin sur la base des transformations juridiques ou économiques nécessaires dans la situation de la femme ; participation des représentants, des chargés de pouvoir, aux commissions spéciales étudiant l’amélioration de l’existence de la classe ouvrière, de la protection du travail, de l’enfance, etc. ; publication d’une « feuille » centrale et rédaction de journaux périodiques pour les ouvrières ; convocation au moins une fois par an des représentantes de toutes les sections provinciales, organisation d’excursions de propagande à travers tout le pays, envoi d’instructeurs du travail parmi les femmes ; entraînement des ouvrières a participer dans toutes les sections à toutes les campagnes politiques et économiques du Parti ; liaison permanente avec le secrétariat international des femmes communistes et célébration annuelle de la journée internationale de l’ouvrière.

    Si la directrice de la section des femmes auprès du Comité Central n’est pas membre de ce Comité, elle a le droit d’assister à toutes les séances avec voix délibérative sur les questions concernant la section, avec voix consultative sur toutes les autres. Elle est ou bien nommée par le Comité Central du Parti ou bien élue au congrès général de ce dernier. Les décisions et les arrêts de toutes les commissions doivent être confirmés par le Comité respectif du Parti.

    LE TRAVAIL À L’ÉCHELLE INTERNATIONALE

    La direction du travail des Partis Communistes de tous les pays, la réunion des forces ouvrières, la solution des tâches imposées par l’Internationale Communiste et l’entraînement des femmes de tous les pays et de tous les peuples dans la lutte révolutionnaire pour le Pouvoir des Soviets et la dictature de la classe ouvrière à l’échelle mondiale, incombent au secrétariat international féminin auprès de l’Internationale Communiste.

    Le nombre des membres de la Commission Centrale et le nombre des membres avec voix délibérative sont fixés par le Comité Central du Parti.

    Résolution concernant les relations internationales des femmes communistes et le secrétariat féminin de l’Internationale Communiste

    (adoptée dans la séance du 12 juin, après le rapport de la camarade Kollontaï et après l’amendement de la camarade Zetkin.)

    La 2° Conférence Internationale des Femmes Communistes propose aux partis communistes de tous les pays d’Occident et d’Orient de faire élire par leur Section Centrale Féminine, suivant les directives de la III° Internationale, des correspondantes internationales. Le rôle de la correspondante de chaque parti communiste est, comme les « directives » l’indiquent, d’entretenir des rapports réguliers avec les correspondantes internationales des autres pays ainsi qu’avec le Secrétariat International Féminin de Moscou qui est l’organe de travail de l’Exécutif de la III° Internationale.

    Les Partis Communistes doivent fournir aux correspondantes internationales tous les moyens techniques et toutes les possibilités de communiquer entre elles, et avec le secrétariat de Moscou. Les correspondantes internationales se réunissent une fois tous les six mois pour délibérer et échanger des vues avec les représentants du Secrétariat Féminin International. Cependant, en cas de nécessité, ce dernier peut réunir cette conférence en tout temps.

    Le Secrétariat International Féminin accomplit, d’accord avec l’Exécutif, et en contact étroit avec les correspondantes internationales des différents pays, les tâches fixées par les « directives ».

    Ce qu’il doit surtout faire, c’est hâter, dans chaque pays, par le conseil et l’action, le développement du mouvement féminin communiste – encore faible – et donner une direction unique au mouvement féminin de tous les pays d’Occident et d’Orient, provoquer et orienter sous la direction et avec l’appui énergique des communistes, des actions nationales et internationales de nature à intensifier et à étendre sous la poussée des femmes la lutte révolutionnaire du prolétariat. Le Secrétariat Féminin International de Moscou devra s’adjoindre en Occident un organe auxiliaire afin de s’assurer une liaison plus étroite et plus régulière avec les mouvements communistes féminins de tous les pays.

    Cet organe aura à faire les travaux préparatoires et supplémentaires pour le Secrétariat International, c’est-à-dire qu’il sera purement exécutif, et n’aura pas le droit de décider quoi que ce soit. Il est lié par les décisions et les indications du Secrétariat Général de Moscou et de l’Exécutif de la III° Internationale. Avec l’organe auxiliaire de l’Europe Occidentale, doit collaborer au moins une représentante du Secrétariat Général.

    Pour autant que la constitution et le champ d’activité du Secrétariat ne sont pas fixés par les « directives », ces questions seront réglées par l’Exécutif de la III° Internationale d’accord avec le Secrétariat Féminin International, de même que la composition, la forme et le fonctionnement de l’organe auxiliaire.

    Résolution concernant les formes et les méthodes du travail communiste parmi les femmes

    (adoptée dans la séance du 13 juin, après le rapport de la camarade Kollontaï.)

    La 2° Conférence Internationale des Femmes Communistes tenue à Moscou déclare :

    L’écroulement de l’économie capitaliste et de l’ordre bourgeois reposant sur cette économie, de même que le progrès de la révolution mondiale font de la lutte révolutionnaire pour la conquête du pouvoir politique et pour l’établissement de la dictature une nécessité de plus en plus vitale et impérieuse, pour le prolétariat de tous les pays où ce régime règne encore, un devoir qui ne pourra s’accomplir que lorsque les femmes laborieuses prendront part à cette lutte d’une manière consciente résolue et dévouée.

    Dans les pays où le prolétariat a déjà conquis le pouvoir d’Etat et établi sa dictature sous la forme des soviets, comme en Russie et en Ukraine, il ne sera pas à même de maintenir son pouvoir contre la contre-révolution nationale et internationale et de commencer l’édification du régime communiste libérateur, aussi longtemps que les masses ouvrières féminines n’auront pas acquis la conscience nette et inébranlable que la défense et l’édification de l’Etat doivent être aussi leur œuvre.

    La 2° Conférence Internationale des Femmes Communistes propose par conséquent aux partis de tous les pays conformément aux principes et aux décisions de la III° Internationale de se mettre à l’œuvre avec la plus grande énergie afin de réveiller les masses féminines, de les rassembler, de les instruire dans l’esprit du communisme, de les entraîner dans les rangs des Partis Communistes, et de renforcer constamment et résolument leur volonté d’action et de lutte.

    Pour que ce but soit atteint, tous les partis adhérant à la III° Internationale doivent former dans tous leurs organes et institutions, à commencer par les plus inférieurs, jusqu’aux plus élevés, des sections féminines présidées par un membre de la direction du parti, dont le but sera le travail d’agitation, d’organisation et d’instruction parmi les masses ouvrières féminines, et qui auront leurs représentants dans toutes les formations administratives et directrices des partis.

    Ces sections féminines ne forment pas des organisations séparées ; elles ne sont que des organes de travail chargées de mobiliser et instruire les ouvrières en vue de la lutte pour la conquête du pouvoir politique, et aussi en vue de l’édification du communisme.

    Elles agissent dans tous les domaines et en tout temps sous la direction du parti, mais possèdent aussi la liberté de mouvement nécessaire pour appliquer les méthodes et formes de travail et pour créer les institutions qui sont réclamées par les caractères spéciaux de la femme et sa position particulière toujours subsistante dans la société et dans la famille.

    Les organes féminins des partis communistes doivent toujours avoir conscience, dans leur activité, du but de leur double tâche :

    1. Entraîner des masses féminines toujours plus nombreuses, plus conscientes et plus fermement décidées dans la lutte de classe révolutionnaire de tous les opprimés et exploités contre le capitalisme et pour le communisme.

    2. En faire après la victoire de la révolution prolétarienne, les collaboratrices conscientes et héroïques de l’édification communiste. Les organes féminins du parti communiste doivent dans leur activité se rendre compte que les moyens d’agitation et d’instruction ne sont pas les discours et les écrits, mais qu’il faut également apprécier et utiliser comme les moyens les plus importants : la collaboration des femmes communistes organisées dans tous les domaines de l’activité – lutte et édification – des partis communistes ; la participation active des femmes ouvrières à toutes les actions et luttes du prolétariat révolutionnaire, aux grèves, aux insurrections générales, aux démonstrations de rue et révoltes à main armée.

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    de l’Internationale Communiste

  • Manifeste du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste au troisième congrès de l’Internationale Communiste

    VERS UN NOUVEAU TRAVAIL, VERS DE NOUVELLES LUTTES

    Aux prolétaires, hommes et femmes, de tous les pays !

    Le 3° Congrès de l’Internationale Communiste est terminé, la grande revue du prolétariat communiste de tous les pays est finie. Elle a montré qu’au cours de l’année écoulée le communisme est devenu, dans une série de pays où il n’en est qu’à ses débuts, un grand mouvement stimulant les masses et menaçant le pouvoir du capital.

    L’Internationale Communiste qui, à son Congrès de constitution, ne représentait en dehors de la Russie que de petits groupes de camarades, cette Internationale qui au 2° Congrès de l’année passée cherchait encore sa voie, dispose à présent, non seulement en Russie, mais aussi en Allemagne, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Italie, en France, en Norvège, en Yougoslavie, en Bulgarie, de partis autour des drapeaux desquels des masses de plus en plus grandes se concentrent sans cesse. Le 3° Congrès s’adresse aux communistes de tous les pays pour les inviter à suivre la voie sur laquelle ils se sont engagés et à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour réunir dans les rangs de l’Internationale Communiste de nouveaux millions d’ouvriers et d’ouvrières.

    Car le pouvoir du capital ne sera brisé que si l’idée du communisme devient une force stimulant la grande majorité du prolétariat guidé par les Partis de masses communistes qui doivent constituer comme un cercle de fer la classe prolétarienne combattante. « Aux masses », voilà le premier cri de combat lancé par le 3° Congrès aux communistes de tous les pays.

    VERS DE NOUVELLES GRANDES LUTTES

    Les masses viennent, affluent vers nous, car le capitalisme mondial leur montre avec une évidence de plus en plus éclatante qu’il ne peut plus prolonger son existence qu’en détruisant de plus en plus tout l’ordre social, qu’en augmentant le chaos, la misère et l’esclavage des masses.

    En présence de la crise économique mondiale, laquelle jette des millions d’ouvriers à la rue, les criailleries des valets social-démocrates du capital tombent, l’appel que la classe bourgeoise adressait depuis des années aux ouvriers « Travaillez, travaillez sans cesse », ce cri cesse, car le cri « du travail » devient le cri de combat de la classe ouvrière et il ne sera satisfait que sur les ruines du capitalisme, que si le prolétariat s’empare des moyens de production créés par lui.

    Le monde capitaliste se trouve devant l’abîme de nouveaux dangers de guerre. Les antagonismes américano-japonais, anglo-américain, anglo-français, franco-allemand, polono-allemand, les antagonismes dans le Proche et l’Extrême-Orient poussent le capitalisme aux armements incessants. Ils leur posent la question angoissante : « L’Europe a-t-elle repris le chemin de la guerre mondiale ? »

    Les capitalistes ne craignent pas le massacre de millions d’individus. Déjà, après la guerre, par leur politique, par le blocus de la Russie, ils ont livré à la mort par la faim des millions d’êtres humains. Ce qu’ils craignent, c’est qu’une nouvelle guerre ne pousse définitivement les masses dans les rangs de l’armée de la révolution mondiale, c’est qu’une nouvelle guerre n’entraîne le soulèvement final du prolétariat mondial. Ils cherchent donc, comme ils l’ont fait avant la guerre, a amener une détente au moyen d’intrigues et de combinaisons diplomatiques.

    Mais la détente sur un point, c’est la tension sur d’autres. Les négociations entre l’Angleterre et l’Amérique au sujet de la limitation des armements navals des deux Etats créent nécessairement un front contre le Japon. Le rapprochement franco-anglais livre l’Allemagne à la France et la Turquie à l’Angleterre. Le résultat des efforts du capital mondial cherchant à mettre un peu d’ordre dans le chaos mondial, ce n’est pas la paix, mais le trouble croissant et l’esclavage de plus en plus strict des peuples vaincus par le capital des triomphateurs.

    La presse du capital mondial parle maintenant d’accalmie et de détente dans la politique mondiale parce que la bourgeoisie d’Allemagne se soumet aux conditions dictées par les Alliés et parce que pour sauver son pouvoir elle a livré le peuple allemand aux chacals de la Bourse de Paris et de Londres. Mais en même temps, la presse de la Bourse est pleine de nouvelles sur l’aggravation de la ruine économique de l’Allemagne, sur les impôts énormes qui s’abattront comme la grêle, en automne, sur les masses condamnées au chômage, impôts renchérissant de plus en plus tous les articles alimentaires et vestimentaires.

    L’Internationale Communiste qui, pour sa politique, part de l’étude impartiale et objective de la situation mondiale – car le prolétariat ne saurait remporter la victoire que par l’observation claire et objective du champ de bataille – l’Internationale Communiste dit au prolétariat de tous les pays : le capitalisme s’est montré jusqu’à présent incapable d’assurer l’ordre au monde même dans la mesure d’avant-guerre.

    Ce qu’il entreprend en ce moment ne peut pas amener une consolidation, un nouvel ordre, mais seulement la prolongation de vos souffrances et de l’agonie du capitalisme. La révolution mondiale avance. Partout les bases du capital mondial sont ébranlées. Le deuxième cri que le Congrès mondial de l’Internationale Communiste lance aux Prolétaires de tous les Pays, c’est celui-ci :
    Nous allons au-devant de grandes luttes, armez-vous, en vue de nouveaux combats.

    FORMEZ LE FRONT !

    La bourgeoisie mondiale est incapable d’assurer aux ouvriers le travail, le pain, le logement et le vêtement ; mais elle montre de grandes capacités dans l’organisation de la guerre contre le prolétariat mondial. Depuis le moment de sa première grande désorientation, depuis qu’elle a réussi à surmonter sa peur des ouvriers revenus de la guerre, depuis qu’elle a réussi à les faire rentrer dans les usines, à écraser leurs premiers soulèvements, à renouer son alliance de guerre avec les social-démocrates et les traîtres socialistes contre le prolétariat et à diviser ainsi celui-ci, elle a employé toutes ses forces pour organiser des gardes-blancs contre le prolétariat et pour désarmer ce dernier.

    Armée jusqu’aux dents, la bourgeoisie mondiale est prête non seulement à s’opposer par les armes à tout soulèvement du prolétariat, mais encore à provoquer s’il en est besoin des soulèvements prématurés du prolétariat qui se prépare à la lutte ; elle désire ainsi l’écraser avant qu’il ait formé son front commun invincible.

    L’Internationale Communiste doit opposer sa stratégie à la stratégie de la bourgeoisie mondiale. Contre les caisses du capital mondial qui, au prolétariat organisé, opposent des bandes armées, l’Internationale Communiste dispose d’une arme fidèle : ce sont les masses du prolétariat, le front uni et ferme du prolétariat. Les ruses et la violence de la bourgeoisie n’auront aucun succès si des millions d’ouvriers avancent en rangs serrés au combat.

    Car alors les chemins de fer sur lesquels la bourgeoisie transporte ses troupes blanches contre le prolétariat s’arrêteront ; la terreur blanche s’emparera alors d’une partie des gardes-blancs eux-mêmes, le prolétariat leur arrachera leurs armes pour lutter contre les autres formations de gardes-blancs. Si l’on réussit à mener sur un front uni le prolétariat à la lutte, le capital, la bourgeoisie mondiale perdront les chances de victoire, la foi en la victoire que seules alors peuvent lui rendre la trahison de la social-démocratie, la division de la classe ouvrière. La victoire sur le capital mondial, ou plutôt la voie vers cette victoire, c’est la conquête des cœurs de la majorité de la classe ouvrière.

    Le 3° Congrès mondial de l’Internationale Communiste invite les Partis communistes de tous les pays, les communistes dans les syndicats, à tendre tous leurs efforts, toutes leurs forces, pour arracher les plus grandes masses d’ouvriers à l’influence des Partis social-démocrates et de la bureaucratie syndicale traître.

    Ce but ne saurait être obtenu que si les communistes de tous les pays se montrent les combattants d’avant garde de la classe ouvrière pendant cette époque difficile, pendant laquelle chaque jour apporte aux masses ouvrières de nouvelles privations et de nouvelles misères, que s’ils la mènent à la lutte pour un morceau de pain de plus, à la lutte pour le soulagement des charges que le capital impose de plus en plus de manière insupportable aux masses ouvrières.

    Il faut montrer à la masse ouvrière que seuls les communistes luttent pour l’amélioration de sa situation et que la social-démocratie ainsi que la bureaucratie syndicale réactionnaire sont disposées à laisser le prolétariat devenir la proie de la famine plutôt que de le mener au combat.

    On ne saurait battre les traîtres au prolétariat, les agents de la bourgeoisie sur le terrain des discussions théoriques, sur la démocratie et la dictature ; on ne les écrasera qu’à l’occasion des questions de pain, de salaires, de l’habillement et du logement.

    Et le premier champ de bataille, le plus important, sur lequel on peut les battre, c’est celui du mouvement syndical ; ils seront vaincus dans la lutte que nous mènerons contre l’Internationale Syndicale Jaune d’Amsterdam et pour l’Internationale Syndicale Rouge.

    C’est la lutte pour la conquête des positions ennemies dans notre propre camp ; c’est la question de la formation d’un front de combat à opposer au capital mondial. Gardez vos organisations pures de toute tendance centriste, entretenez l’esprit de combat parmi vous.

    Ce n’est que dans la lutte pour les intérêts les plus simples, les plus élémentaires des masses ouvrières que nous pourrons former un front uni du prolétariat contre la bourgeoisie. Ce n’est que dans cette lutte que nous pourrons mettre fin aux divisions au sein du prolétariat, divisions qui constituent la base sur laquelle la bourgeoisie peut prolonger son existence. Mais ce front du prolétariat ne deviendra puissant et apte au combat que s’il est maintenu par les Partis Communistes dont l’esprit doit être uni et ferme, et la discipline solide et sévère.

    C’est pourquoi le 3° Congrès mondial de l’Internationale Communiste, en même temps qu’il lançait aux communistes de tous les pays le cri de « Aux masses ! », « Formez le front uni du prolétariat ! » leur recommandait : « Gardez vos rangs purs d’éléments capables de détruire le moral et la discipline de combat des troupes d’attaque du prolétariat mondial, des partis communistes ».

    Le Congrès de l’Internationale Communiste approuve et confirme l’exclusion du Parti Socialiste d’Italie, exclusion qui doit être maintenue jusqu’au moment où ce Parti rompra avec les réformistes et les chassera de ses rangs. Le Congrès exprime ainsi sa conviction que si l’Internationale Communiste veut mener des millions d’ouvriers au combat, elle ne doit pas tolérer dans ses rangs des réformistes dont le but n’est pas la révolution triomphante du prolétariat, mais la réconciliation avec le capitalisme, et la réforme de ce dernier.

    Des armées qui tolèrent à leur tête des chefs ayant en vue la réconciliation avec l’ennemi, de telles armées sont vouées à être trahies et vendues à l’ennemi par ces mêmes chefs. L’Internationale Communiste a porté son attention sur le fait que dans toute une série de Partis d’où les réformistes sont cependant exclus, il y a encore des tendances qui n’ont pu surmonter définitivement l’esprit du réformisme ; si ces tendances ne travaillent pas à la réconciliation avec l’ennemi, elles ne s’appliquent cependant pas assez énergiquement dans leur agitation et dans leur propagande à préparer la lutte contre le capitalisme, elles ne travaillent pas assez énergiquement et avec assez de décision à révolutionner les masses.

    Des Partis qui ne sont pas en mesure, par leur travail révolutionnaire quotidien, de devenir comme le souffle révolutionnaire des masses, qui ne sont pas en mesure de renforcer quotidiennement, avec passion et avec impétuosité, la volonté de lutte des masses, de tels partis laisseront nécessairement échapper des situations favorables pour la lutte, laisseront s’enliser de grandes luttes spontanées du prolétariat, comme ce fut le cas de l’occupation des usines en Italie et lors de la grève de décembre en Tchécoslovaquie.

    Les Partis Communistes doivent former leur esprit de combat, ils doivent devenir l’état-major capable de saisir immédiatement les situations favorables de la lutte et de tirer tous les avantages possibles par une direction courageuse des mouvements spontanés du prolétariat. « Soyez l’avant-garde des masses ouvrières qui se mettent en mouvement, soyez leur cœur et leur cerveau », c’est le cri que le 3° Congrès Mondial de l’Internationale Communiste lance aux Partis Communistes.

    Etre l’avant-garde, c’est marcher à la tête des masses, comme leur partie la plus vaillante, la plus prudente, la plus clairvoyante. Ce n’est que si les Partis Communistes deviennent une telle avant-garde qu’ils seront en mesure, non seulement de former le front uni du prolétariat, mais encore, en dirigeant celui-ci, de triompher de l’ennemi.

    OPPOSEZ LA STRATÉGIE DU PROLÉTARIAT À LA STRATÉGIE DU CAPITAL, PRÉPAREZ VOS LUTTES !

    L’ennemi est puissant, parce qu’il a derrière lui des siècles d’habitude du pouvoir qui ont créé en lui la conscience de sa force et la volonté de maintenir son pouvoir. L’ennemi est fort parce qu’il a appris pendant des siècles comment diviser les masses prolétariennes, comment les opprimer et les vaincre.

    L’ennemi sait comment on conduit victorieusement la guerre civile et c’est pour cela que le 3° Congrès de l’Internationale Communiste attire l’attention des Partis Communistes de tous les pays sur le danger que présente la stratégie expérimentée de la classe dominante et possédante et les défauts de la stratégie, en voie de formation à peine, de la classe ouvrière luttant pour le pouvoir.

    Les événements du mois de mars en Allemagne ont montré le grand danger qu’il y aurait à laisser l’ennemi pousser à la lutte, par ses ruses, les premiers rangs de la classe ouvrière, l’avant-garde communiste du prolétariat, avant que les grandes masses se soient mises en mouvement.

    L’Internationale Communiste a salué avec joie le fait que des centaines de milliers d’ouvriers en Allemagne sont accourus au secours des ouvriers de l’Allemagne Centrale menacés de tous côtés.

    C’est dans cet esprit de solidarité, c’est dans le soulèvement du prolétariat de tous les pays du monde entier pour la protection d’une partie menacée du prolétariat, que l’Internationale Communiste voit le chemin de la victoire. Elle a salué le fait que le Parti Communiste Unifié d’Allemagne s’est mis à la tête des masses ouvrières qui accouraient pour défendre leurs frères menacés.

    Mais en même temps, l’Internationale Communiste considère comme un devoir de dire franchement et clairement aux ouvriers de tous les pays : même si l’avant-garde ne peut pas éviter les luttes, même si ces luttes peuvent hâter la mobilisation de toute la classe ouvrière, cette avant-garde ne aurait cependant oublier qu’elle ne doit pas se laisser entraîner toute seule, isolée, dans des luttes décisives, que, contrainte à aller isolée au combat, elle doit éviter le choc armé avec l’ennemi, car ce qui constitue la source de la victoire du prolétariat sur les gardes-blancs armés, c’est sa masse. Si l’avant-garde n’avance pas en masses dominant l’ennemi, elle doit éviter, minorité désarmée, d’entrer en lutte armée avec lui.

    Les combats de mars ont fourni encore un enseignement sur lequel l’Internationale Communiste attire l’attention des prolétaires de tous les pays : il faut préparer les masses ouvrières aux luttes imminentes, par une agitation révolutionnaire ininterrompue, quotidienne, intense et vaste ; il faut entrer au combat avec des mots d’ordre clairs et compréhensibles pour les grandes masses prolétariennes. A la stratégie de l’ennemi, il faut opposer, au prolétariat, une stratégie avisée et réfléchie.

    La volonté de combat des rangs d’avant-garde, leur courage et leur fermeté ne suffisent pas. La lutte doit être préparée, organisée, de façon à ce qu’elle apparaisse à celles-ci comme la lutte pour leurs intérêts les plus essentiels et de façon à ce qu’elle les mobilise immédiatement. Plus le capital mondial se sentira en danger, et plus il tentera de rendre impossible la victoire future de l’Internationale Communiste, en isolant ses premiers rangs du reste des grandes masses et en les battant ainsi.

    A ce plan, à ce danger, il faut opposer une agitation des masses vaste et intense, menée par les Partis Communistes, un travail d’organisation énergique au moyen duquel ces partis assurent leur influence sur les masses, une froide appréciation de la situation du combat, une tactique réfléchie tendant à éviter la lutte avec des forces supérieures de l’ennemi et à déclencher l’attaque dans les situations où l’ennemi est divisé et la masse unie.

    Le 3° Congrès mondial de l’Internationale Communiste sait que la classe ouvrière n’arrivera à former des partis communistes capables de tomber comme la foudre sur l’ennemi au moment où il est le plus oppressé, et de l’éviter lorsqu’il est dans une situation meilleure, qu’à la suite de l’expérience, qu’elle aura acquise dans la lutte. C’est donc le devoir des prolétaires de tous les pays de s’appliquer à comprendre et à utiliser tous les enseignements, toutes les expériences réunies par la classe ouvrière d’un pays au prix de grands sacrifices.

    GARDEZ LA DISCIPLINE DU COMBAT !

    Les Partis Communistes de tous les pays et la classe ouvrière ne doivent pas se préparer en vue d’une période d’agitation et d’organisation, ils doivent au contraire s’attendre et se préparer aux grandes luttes que le capital imposera bientôt au prolétariat pour l’écraser et pour le charger de tout le poids de sa politique.

    Dans cette lutte, les Partis Communistes doivent former une discipline du combat sévère et stricte. Les comités centraux de ces partis doivent considérer froidement et avec réflexion tous les enseignements de la lutte, ils doivent observer le champ de bataille, concentrer avec la plus grande réflexion le grand élan des masses. Ils doivent forger leur plan de combat, leur ligne tactique, avec tout l’esprit du Parti et en prenant en considération les critiques des camarades.

    Mais toutes les organisations du Parti doivent suivre sans hésitation la ligne prescrite par le Parti. Chaque mot, chaque mesure des organisations du Parti doivent être subordonnés à son but. Les fractions parlementaires, la presse du Parti, les organisations doivent suivre sans hésitation l’ordre de la direction du Parti.

    La revue mondiale des rangs d’avant-garde communistes est terminée. Elle a montré que le Communisme est une puissance mondiale. Elle a montré que l’Internationale Communiste doit encore former et instruire de grandes armées du prolétariat, elle a montré que de grandes luttes sont imminentes pour ces armées, elle a annoncé la victoire dans ces luttes, elle a montré au prolétariat mondial comment il doit préparer et conquérir cette victoire.

    Il appartient aux Partis Communistes de tous les pays de faire en sorte que les décisions du Congrès, dictées par les expériences du prolétariat mondial, deviennent comme la conscience générale des communistes de tous les pays, afin que les prolétaires communistes, hommes et femmes, puissent agir dans les luttes à venir comme les chefs de milliers de prolétaires non communistes.

    Vive l’Internationale Communiste !
    Vive la Révolution mondiale !
    Au travail pour la préparation et l’organisation de notre victoire !

    Le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste

    Moscou, 17 juillet 1921

  • Adresse pour Max Hoelz au troisième congrès de l’Internationale Communiste

    AU PROLÉTARIAT ALLEMAND

    Aux deux mille ans de prison et de peines correctionnelles qu’elle a infligés aux combattants de mars, la bourgeoisie allemande ajoute l’emprisonnement à perpétuité contre :
    Max Hoelz

    L’Internationale Communiste est adversaire de la terreur et des actes de sabotage individuel qui ne servent pas directement aux buts de combat de la guerre civile ; elle condamne la guerre de franc-tireur menée en dehors de la direction politique du prolétariat révolutionnaire.

    Mais l’Internationale Communiste voit en Max Hoelz l’un des plus courageux rebelles contre la société capitaliste, dont la rage s’exprime par des condamnations de prison et dont l’ordre se manifeste par les excès de la canaille qui sert de base à son régime.

    Les actes de Max Hoelz ne correspondaient pas au but poursuivi ; la terreur blanche ne saurait être brisée qu’à la suite du soulèvement des masses ouvrières, ce n’est qu’ainsi que le prolétariat pourra conquérir la victoire. Mais ces actes lui étaient dictés par son amour pour le prolétariat, par sa haine contre la bourgeoisie.

    Le Congrès adresse donc ses salutations fraternelles à Max Hoelz. Il le recommande à la protection du prolétariat allemand et exprime son espoir de le voir lutter dans les rangs du Parti Communiste pour la cause de l’affranchissement des ouvriers, le jour où les prolétaires allemands auront brisé les portes de sa prison.

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur l’Internationale Communiste et le mouvement de la Jeunesse Communiste au troisième congrès

    1. Le mouvement de la jeunesse socialiste est né sous la pression de l’exploitation capitaliste de la jeunesse laborieuse et du système illimité du militarisme bourgeois.

    Il est né comme réaction contre les tentatives d’empoisonnement de la jeunesse laborieuse par les idées bourgeoises nationalistes et contre la négligence et l’oubli dont s’étaient rendus coupables le parti social-démocrate et les syndicats dans la plupart des pays vis-à-vis des exigences économiques, politiques et spirituelles de la jeunesse.

    Dans presque tous les pays les organisations de la jeunesse socialiste furent créées sans le concours des partis social-démocrates et des syndicats, qui devenaient toujours de plus en plus opportunistes et réformistes, et dans quelques pays ces organisations se formèrent même contre la volonté de ces partis et des syndicats.

    Ceux-ci virent un très gros danger dans l’apparition des jeunesses socialistes révolutionnaires indépendantes et essayèrent de réprimer ce mouvement, d’en changer le caractère et de lui imposer leur politique, en exerçant sur lui une tutelle bureaucratique, et en essayant de le priver de toute indépendance.

    2. En outre, la guerre impérialiste et l’attitude prise dans la plupart des pays par les partis social-démocrates devaient agrandir l’abîme creusé entre les partis social-démocrates et les jeunesses internationales et révolutionnaires et accélérer le conflit.

    La situation de la jeunesse laborieuse empira pendant la guerre à cause de la mobilisation, de l’exploitation renforcée dans les industries militaires et de la militarisation derrière le front. La meilleure partie de la jeunesse socialiste prit résolument position contre la guerre et le nationalisme, se sépara des partis social-démocrates et commença une action politique propre (Conférences Internationales de la Jeunesse à Berne, en 1915, à Iéna, en 1916).

    Dans leur combat contre la guerre, les meilleurs groupes révolutionnaires des ouvriers adultes soutinrent les jeunesses socialistes qui devinrent par là un point de rassemblement des forces révolutionnaires. Elles prirent ainsi sur elles les fonctions des partis révolutionnaires qui faisaient défaut. Elles devinrent l’avant-garde dans le combat révolutionnaire et prirent la forme d’organisations politiques indépendantes.

    3. Avec l’apparition de l’Internationale Communiste et de partis communistes dans différents pays, le rôle des jeunesses révolutionnaires dans tout le mouvement du prolétariat se modifie. De par sa situation économique et grâce à des traits psychologiques particuliers, la jeunesse ouvrière est plus facilement accessible aux idées communistes et fait preuve, lors des combats révolutionnaires, d’un enthousiasme révolutionnaire plus grand que ses aînés les ouvriers.

    Toutefois ce sont les partis communistes qui prennent sur eux le rôle d’avant-garde qu’avaient joué les jeunes, en ce qui concerne l’action politique indépendante et la direction politique. Si les organisations de la jeunesse communiste continuaient à exister en qualité d’organisations indépendantes au point de vue politique et en jouant un rôle dirigeant, l’on verrait l’existence de deux partis communistes concurrents qui ne se distingueraient entre eux que par l’âge de leurs membres.

    4. Le rôle actuel de la jeunesse consiste en ce qu’elle doit réunir les jeunes ouvriers, les éduquer dans un esprit communiste aux premiers rangs de la bataille communiste. Le temps est passé où la jeunesse pouvait se borner à un travail bon pour de petits groupes de propagande, composés de peu de membres. Il y a aujourd’hui, à part l’agitation et la propagande, menées avec persévérance et avec de nouvelles méthodes, encore un moyen de conquérir les larges masses de jeunes ouvriers : c’est de provoquer et diriger les combats économiques.

    Les organisations de la jeunesse doivent élargir et renforcer leur travail d’éducation en se conformant à leur nouvelle mission. Le principe fondamental de l’éducation communiste dans le mouvement de la jeunesse communiste est la participation active à tous les combats révolutionnaires, participation qui doit être étroitement liée à l’école marxiste.

    Un autre devoir important des jeunesses à l’époque actuelle, c’est de détruire l’idéologie centriste et social-patriotique parmi la jeunesse ouvrière et de débarrasser celle-ci des tuteurs et des chefs social-démocrates. En même temps, elles doivent tout faire pour activer le processus de rajeunissement résultant du mouvement des masses, en déléguant rapidement dans les partis communistes ses membres les plus âgés.

    La grande différence fondamentale qui existe entre les jeunesses communistes et les jeunesses centristes et social-patriotiques devient surtout apparente par la participation active à tous les problèmes de la vie politique et aux combats et actions révolutionnaires, de même que par la collaboration à la construction des partis communistes.

    5. Les rapports entre les jeunesses et les partis communistes diffèrent radicalement de ceux qui existent entre les organisations de la jeunesse révolutionnaire et les partis social-démocrates. La plus grande uniformité et la centralisation la plus stricte sont nécessaires dans le combat commun pour la réalisation rapide de la révolution prolétarienne. La direction politique ne peut appartenir au point de vue international qu’à l’Internationale.

    Il est du devoir des organisations de la jeunesse communiste de se subordonner à cette direction politique (programme, tactique et directives politiques) et de s’incorporer au front révolutionnaire commun. Etant donné les différents degrés de développement révolutionnaire des partis communistes, il est nécessaire que dans des cas exceptionnels, l’application de ce principe soit subordonnée à une décision spéciale du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste et de l’Internationale de la Jeunesse tenant compte des conditions particulières existantes.

    Les jeunesses communistes, qui ont commencé à organiser leurs rangs selon les règles de la centralisation la plus stricte, devront se soumettre, pour réaliser et diriger la révolution prolétarienne, à la discipline d’airain de l’Internationale Communiste. Les jeunesses doivent s’occuper au sein de leurs organisations de toutes les questions politiques et tactiques, à l’endroit desquelles elles doivent toujours prendre position ; et à l’intérieur des partis communistes de leur pays elles doivent toujours agir non contre ces partis, mais dans le sens des décisions prises par eux.

    En cas de graves dissensions entre les partis communistes et les jeunesses, celles-ci doivent faire valoir leur droit d’appel au Comité Exécutif de l’Internationale Communiste. L’abandon de leur indépendance politique ne signifie aucunement l’abnégation de leur indépendance organique, qu’il faut conserver pour des raisons d’éducation.

    Comme pour la bonne direction de la lutte révolutionnaire, le maximum de centralisation et d’unité sont nécessaires, dans les pays où l’évolution historique a placé la jeunesse dans la dépendance du parti, ces relations doivent être maintenues à titre de règle ; les divergences entre les deux organes sont résolues par le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste de la Jeunesse.

    6. Une des tâches les plus urgentes et les plus importantes des jeunesses est de se débarrasser de tous les restes de l’idée de son rôle politique dirigeant – survivance de leur période d’absolue autonomie. Le presse et tout l’appareil des jeunesses doivent être utilisées pour imprégner les jeunes communistes du sentiment et de la conscience qu’ils sont des soldats et des membres responsables d’un seul parti communiste.

    Les organisations de la jeunesse communiste doivent faire d’autant plus attention et donner d’autant plus de temps à ce travail qu’elles commencent, grâce à la conquête de groupes toujours plus nombreux de jeunes ouvriers, à se transformer en mouvement de masses.

    7. La collaboration politique étroite entre les jeunesses et les partis communistes doit trouver son expression dans une liaison organique solide entre les deux organisations.

    Ce qui est absolument nécessaire, c’est un échange permanent et mutuel de représentants entre les organes dirigeants des jeunesses et des partis à tous les échelons : province, arrondissement, canton et jusqu’aux derniers noyaux, dans les groupes d’usines et dans les syndicats, de même que la participation mutuelle à toutes les conférences et congrès. De cette façon le parti communiste aura la possibilité d’exercer une influence continue sur l’activité de la jeunesse et de la soutenir, tandis que celle-ci pourra également avoir une influence réelle sur l’activité du parti.

    8. Les rapports entre l’Internationale Communiste et l’Internationale de la Jeunesse sont encore plus étroits qu’entre l’Internationale et les Partis Communistes.

    Le rôle de l’Internationale Communiste de la Jeunesse consiste à centraliser et à diriger le mouvement de la jeunesse communiste, à soutenir et encourager moralement et matériellement les différentes unions, à créer de nouvelles organisations de la jeunesse communiste là où elles n’existent pas et à faire la propagande internationale pour le mouvement de la jeunesse communiste et pour son programme.

    L’Internationale Communiste de la Jeunesse constitue une partie de l’Internationale Communiste et en cette qualité elle est subordonnée aux décisions du Congrès et de l’Exécutif de l’Internationale Communiste. C’est dans ces limites qu’elle exécute son travail et agit en qualité d’intermédiaire et d’interprète de la volonté politique de l’Internationale Communiste dans toutes les sections de cette dernière.

    C’est par l’échange constant et mutuel et une collaboration étroite continuelle qu’on peut assurer un contrôle constant de la part de l’Internationale Communiste et le travail le plus fécond de l’Internationale Communiste de la Jeunesse sur tous les terrains de son activité (direction du mouvement, agitation, organisation, renforcement et soutien des organisations de la jeunesse communiste).

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    de l’Internationale Communiste

  • Thèses et résolution sur l’action des communistes dans les coopératives au troisième congrès de l’Internationale Communiste

    Thèses

    1. A l’époque de la révolution prolétarienne les coopératives révolutionnaires doivent se proposer deux buts :
     Aider les travailleurs dans leur lutte pour la conquête du pouvoir politique.
     Là où ce pouvoir est déjà conquis, aider les travailleurs à organiser la société socialiste.

    2. Les anciennes coopératives marchaient dans la voie du réformisme et évitaient de toute façon la lutte révolutionnaire sous toutes ses formes. Elles prêchaient l’idée d’une entrée graduelle dans le « socialisme » sans passer par la dictature du prolétariat.

    Les anciennes coopératives prêchent la neutralité politique, alors qu’en réalité elles cachent sous cette enseigne leur subordination à la politique de la bourgeoisie impérialiste.

    Leur internationalisme n’existe qu’en paroles. En réalité, elles substituent à la solidarité internationale des travailleurs, la collaboration de la classe ouvrière avec la bourgeoisie de chaque pays.

    Par toute cette politique, les anciennes coopératives, loin de concourir au développement de la révolution, l’entravent et, loin d’aider le prolétariat dans sa lutte, le gênent.

    3. Les diverses formes de coopératives ne peuvent à aucun degré servir les buts révolutionnaires du prolétariat. Les plus convenables pour cela sont les coopératives de consommation. Mais même parmi ces dernières, il en est beaucoup qui groupent des éléments bourgeois. Ces coopératives ne seront jamais du coté du prolétariat dans sa lutte révolutionnaire. Seule la coopération ouvrière dans les villes et dans les campagnes peut avoir ce caractère.

    4. La tâche des communistes dans le mouvement coopératif consiste en ce qui suit :
     Propager les idées communistes.
     Faire de la coopération un instrument de lutte de classe pour la révolution, sans détacher les diverses coopératives de leur groupement central.

    Dans toutes les coopératives, les communistes doivent être organisés en fractions constituées, se proposant de former dans chaque pays un centre de la coopération communiste.

    Ces groupements et leur centre doivent avoir une liaison étroite avec le parti communiste et ses représentants dans la coopération. Le centre doit également élaborer les principes de la tactique communiste dans le mouvement coopératif national, diriger et organiser ce mouvement.

    5. Les buts pratiques que doit actuellement se proposer la coopération révolutionnaire d’Occident apparaîtront entièrement au cours du travail. Mais dès maintenant on peut indiquer certains d’entre eux :
     Propager, par l’écrit et par la parole, les idées communistes, mener campagne pour affranchir les coopératives de la direction et de l’influence de la bourgeoisie et des opportunistes.
     Rapprocher les coopératives des partis communistes, des syndicats révolutionnaires. Faire participer les coopératives, directement et indirectement, à la lutte politique, en prenant part aux démonstrations et aux campagnes politiques du prolétariat. Soutenir matériellement les partis communistes et leur presse. Soutenir matériellement les ouvriers en grève ou victimes de lock-out.
     Combattre la politique impérialiste de la bourgeoisie, et en particulier l’intervention dans les affaires de la Russie soviétique et des autres pays.
     Créer des relations non seulement de pensée, d’organisation, mais encore d’affaires, entre les coopératives ouvrières des différents pays.
     Réclamer la conclusion immédiate de traités de commerce et l’engagement de relations commerciales avec la Russie et les autres républiques soviétiques.
     Participer le plus largement possible aux échanges commerciaux avec ces républiques.
     Participer à l’exploitation des richesses naturelles des républiques soviétiques en se chargeant de concessions sur leur territoire.

    6. Après le triomphe de la révolution prolétarienne, les coopératives doivent prendre leur plein développement.

    Déjà l’exemple de la Russie soviétique permet d’esquisser certains traits caractéristiques :
     Les coopératives de consommation devront se charger de la répartition des produits d’après les plans du gouvernement prolétarien. Cette fonction donnera aux coopératives un essor inouï jusqu’à ce jour.
     Les coopératives doivent servir de lien organique entre les exploitations isolées des petits producteurs (paysans et artisans) et les services économiques de l’Etat prolétarien. Ces derniers, par l’intermédiaire des coopératives, dirigeront le travail de ces petites exploitations conformément à un plan d’ensemble. En particulier, les coopératives de consommation recueilleront les denrées alimentaires et les matières premières des petits producteurs pour les remettre aux consommateurs et à l’Etat.
     Les coopératives de production peuvent grouper les petits producteurs dans des ateliers ou grandes exploitations communes permettant l’application des machines et des procédés techniques perfectionnés. Elles donneront ainsi à la petite production la base technique qui permettra d’édifier sur ce fondement la production socialiste et qui permettra aux petits producteurs de se débarrasser de leur mentalité individualiste pour développer en eux l’esprit collectiviste.

    7. Prenant en considération le rôle immense que les coopératives révolutionnaires doivent jouer pendant la révolution prolétarienne, le troisième Congrès de l’Internationale Communiste rappelle aux partis, groupes et organisations communistes qu’ils doivent continuer de travailler énergiquement à propager l’idée de la coopération, des groupements de coopératives en un instrument de la lutte de classe, et à former un front unique des coopératives avec les syndicats révolutionnaires.

    Le Congrès charge le Comité Exécutif de l’Internationale de former une section coopérative chargée de mettre en pratique le programme ci-dessus indiqué. En outre cette section devra dans la mesure des besoins convoquer des conférences et des congrès pour réaliser dans l’Internationale la mission révolutionnaire des coopératives.

    Résolution

    Le 3° Congrès de l’Internationale charge le Comité Exécutif de créer une section coopérative qui devra préparer selon les besoins la convocation de consultations, conférences et congrès coopératifs internationaux, pour réaliser dans l’Internationale les buts déterminés dans les thèses.

    La section devra, en outre, se proposer les buts pratiques suivants :

    1. Renforcer l’activité coopérative des travailleurs des campagnes et de l’industrie en constituant des coopératives d’artisans demi-prolétaires, en amenant les travailleurs à rechercher la direction et l’amélioration en commun de leur exploitation.

    2. Mener la lutte pour la remise aux coopératives de la répartition des vivres et des objets de consommation dans tout l’Etat.

    3. Mener la propagande pour les principes et les méthodes de la coopération révolutionnaire et diriger l’activité de la coopération prolétarienne vers l’appui matériel de la classe ouvrière combattante.

    4. Favoriser l’établissement de rapports commerciaux et financiers internationaux entre coopératives ouvrières et organiser leur production commune.

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    de l’Internationale Communiste

  • L’Internationale Communiste et l’Internationale Syndicale Rouge au troisième congrès de l’Internationale Communiste

    la lutte contre l’Internationale Jaune d’Amsterdam

    1.

    La bourgeoisie tient dans l’esclavage la classe ouvrière, non seulement par la force brutale, mais aussi par des tromperies raffinées. L’école, l’église, le parlement, les arts, la littérature, la presse quotidienne, sont autant de puissants instruments dont se sert la bourgeoisie pour abrutir les masses ouvrières et faire pénétrer les idées bourgeoises parmi le prolétariat.

    Au nombre de ces idées bourgeoises que la classe dominante a réussi a insinuer aux masses laborieuses, se trouve l’idée de la neutralité des Syndicats, de leur caractère apolitique, étranger à tout parti.

    Depuis les dernières décades de l’histoire contemporaine et en particulier depuis la fin de la guerre impérialiste, dans toute l’Europe et en Amérique, les Syndicats sont les organisations les plus nombreuses du prolétariat : dans certains Etats ils embrassent même toute la classe ouvrière sans exception. La bourgeoisie comprend parfaitement que le sort du régime capitaliste dépend aujourd’hui de l’attitude de ces syndicats à l’égard de l’influence bourgeoise universelle et de ses valets social-démocrates pour maintenir coûte que coûte les syndicats captifs des idées bourgeoises.

    La bourgeoise ne peut pas inviter ouvertement les syndicats ouvriers à soutenir les partis bourgeois. C’est pourquoi elle les invite à ne soutenir aucun parti, sans excepter le parti du communisme révolutionnaire.

    La devise de la « neutralité » ou de « l’apolitisme » des syndicats a déjà derrière elle un long passé. Au cours d’une dizaine d’années, cette idée bourgeoise a été inoculée aux syndicats d’Angleterre, d’Allemagne d’Amérique et des autres pays, tant aux chefs des syndicats bourgeois à la Hirsch-Dunker qu’aux dirigeants des syndicats cléricaux et chrétiens, tant aux représentants des soi-disant syndicats libres d’Allemagne qu’aux leaders des vieilles et pacifiques trade-unions anglaises, et à beaucoup d’autres partisans du syndicalisme. Legien, Gompers, Jouhaux, Sidney Webb, pendant des années et des dizaines d’années, ont prêché aux syndicats la neutralité.

    En réalité, les syndicats n’ont jamais été neutres et n’auraient jamais pu l’être, même s’ils l’avaient voulu. La neutralité des syndicats ne pourrait être que nuisible à la classe ouvrière, mais elle est même irréalisable. Dans le duel entre le travail et le capital, aucune grande organisation ouvrière ne peut demeurer neutre. Par conséquent les syndicats ne peuvent pas être neutres entre les partis bourgeois et le parti du prolétariat. Les partis bourgeois s’en rendent parfaitement compte.

    Mais de même que la bourgeoisie a besoin que les masses croient à la vie éternelle, elle a besoin qu’on croie également que les syndicats peuvent être apolitiques et peuvent conserver la neutralité à l’égard du parti communiste ouvrier. Pour que la bourgeoisie puisse continuer à dominer et à pressurer les ouvriers pour en tirer sa plus-value, elle n’a pas besoin seulement du prêtre, du policier, du général, il lui faut encore le bureaucrate syndical, le « leader ouvrier » qui prêche aux syndicats ouvriers la neutralité et l’indifférence dans la lutte politique.

    Même avant la guerre impérialiste, la fausseté de cette idée de neutralité devenait de plus en plus évidente pour les prolétaires conscients d’Europe et d’Amérique. A mesure que les antagonismes sociaux s’exaspèrent, le mensonge devient encore plus frappant. Lorsque commença la boucherie impérialiste, les anciens chefs syndicaux se trouvèrent contraints de jeter le masque de la neutralité et de marcher franchement chacun avec « sa » bourgeoisie.

    Pendant la guerre impérialiste, tous les social-démocrates et les syndicalistes, qui avaient passé des années à prêcher aux syndicats l’indifférence politique, lancèrent en réalité ces mêmes syndicats au service de la plus sanglante et de la plus vile politique des partis bourgeois. Eux, champions hier de la neutralité, on les voit agir maintenant comme les agents déclarés de tel parti politique, sauf un seul, le parti de la classe ouvrière.

    Après la fin de la guerre impérialiste, ces mêmes chefs social-démocrates et syndicalistes essayent de nouveau d’imposer aux syndicats le masque de la neutralité et de l’apolitisme. Le danger militaire étant passé, ces agents de la bourgeoisie s’adaptent aux circonstances nouvelles et, de plus, essayent de faire dévier les ouvriers de la voie révolutionnaire dans celle qui est avantageuse à la bourgeoisie.

    L’économique et la politique ont toujours été indissolublement liées l’une et l’autre. Ce lien est particulièrement indissoluble à des époques comme celle que nous traversons. Il n’est pas une seule question importante de la vie politique qui ne doive intéresser à la fois le parti ouvrier et le syndicat ouvrier. Inversement, il n’est pas une question économique importante qui puisse intéresser le syndicat sans intéresser à la fois le parti ouvrier.

    Lorsqu’en France le gouvernement impérialiste décrète la mobilisation de certaines classes pour occuper le bassin de la Ruhr ou pour opprimer l’Allemagne en général, un syndicat français réellement prolétarien peut-il dire que c’est là une question strictement politique qui ne doit pas intéresser les syndicats ? Un syndicat français véritablement révolutionnaire peut-il se déclarer « neutre » ou « apolitique » dans cette question ?

    Ou bien, si inversement, en Angleterre, il se produit un mouvement purement économique comme la dernière grève des mineurs, le parti communiste a-t-il le droit de dire que cette question ne le concerne pas et intéresse uniquement les syndicats ?

    Lorsque la lutte est engagée contre la misère et la pauvreté endurées par des millions de sans-travail, lorsqu’on est obligé de poser pratiquement la question de la réquisition des logements bourgeois pour soulager les besoins du prolétariat, lorsque des masses de plus en plus nombreuses d’ouvriers sont contraintes par la vie même de mettre à l’ordre du jour l’armement du prolétariat, lorsque dans un pays ou un autre, les ouvriers organisent l’occupation des fabriques et des usines, dire que les syndicats ne doivent pas se mêler de la lutte politique ou doivent être « neutres » entre tous les partis, c’est en réalité se mettre au service de la bourgeoisie.

    Malgré toute la diversité de leurs dénominations, les partis politiques d’Europe et d’Amérique peuvent être divisés en trois grands groupes :
    1. les partis de la bourgeoisie,
    2. les partis de la petite-bourgeoisie (surtout les social-démocrates),
    3. le parti du prolétariat (les communistes).

    Les syndicats qui se proclament « apolitiques » et « neutres » à l’égard de ces trois groupes ne font en réalité qu’aider les partis de la petite-bourgeoisie et de la bourgeoisie.

    2.

    L’association syndicale d’Amsterdam est une organisation où se rencontrent et se donnent la main les Internationales 2 et 2 1/2. Cette organisation est considérée avec espoir et sollicitude par toute la bourgeoisie mondiale. La grande idée de l’Internationale Syndicale d’Amsterdam pour le moment, c’est la neutralité des syndicats.

    Ce n’est pas par hasard que cette devise sert à la bourgeoisie et à ses valets social-démocrates ou syndicalistes de droite de moyen pour essayer de rassembler de nouveau les masses ouvrières d’Occident et d’Amérique. Tandis que la Seconde Internationale politique, en passant ouvertement du côté de la bourgeoisie, a fait lamentablement faillite, l’Internationale d’Amsterdam, en essayant à nouveau de se couvrir de l’idée de la neutralité, a encore quelque succès.

    Sous le pavillon de la « neutralité », l’Internationale Syndicale d’Amsterdam prend sur elle les commissions les plus difficiles et les plus sales de la bourgeoisie : étrangler la grève des mineurs en Angleterre (comme a accepté de le faire le fameux J. H. Thomas qui est en même temps le président de II° Internationale et un des leaders les plus en vue de l’Internationale Syndicale Jaune d’Amsterdam), abaisser les salaires, organiser le pillage systématique des ouvriers allemands pour les péchés de Guillaume et de la bourgeoisie impérialiste allemande. Leipart et Grassmann, Wissel et Bauer, Robert Schmidt et J. H. Thomas, Albert Thomas et Jouhaux, Daszynski et Zulavski – tous, ils se sont partagé les rôles : les uns, anciens chefs syndicaux, participent aujourd’hui aux gouvernements bourgeois en qualité de ministres, de commissaires gouvernementaux ou de fonctionnaires quelconques, tandis que les autres, entièrement solidaires des premiers, restent à la tête de l’Internationale Syndicale d’Amsterdam pour prêcher aux ouvriers syndiqués la neutralité politique.

    L’Internationale Syndicale d’Amsterdam est actuellement le principal appui du capital mondial. Il est impossible de combattre victorieusement cette forteresse du capitalisme, si on n’a pas compris auparavant la nécessité de combattre l’idée mensongère de l’apolitisme et de la neutralité des syndicats. Afin d’avoir une arme convenable pour combattre l’Internationale Jaune d’Amsterdam, il faut avant tout établir des relations mutuelles claires et précises entre le parti et les syndicats dans chaque pays.

    3.

    Le Parti communiste est l’avant-garde du prolétariat, l’avant-garde qui a reconnu parfaitement les voies et moyens pour libérer le prolétariat du joug capitaliste et qui pour cette raison a accepté consciemment le programme communiste.

    Les syndicats sont une organisation plus massive du prolétariat, tendant de plus en plus à embrasser sans exception tous les ouvriers de chaque branche d’industrie et à faire entrer dans leurs rangs non seulement des communistes conscients, niais aussi des catégories intermédiaires et même tout à fait retardataires de travailleurs, qui apprennent seulement peu à peu, et par l’expérience de la vie, le communisme.

    Le rôle des syndicats, dans la période qui précède le combat du prolétariat pour la mainmise sur le pouvoir, dans la période de ce combat et, ensuite, après la conquête, diffère sous bien des rapports, mais toujours avant, pendant, et après, les syndicats demeurent une organisation plus vaste, plus massive, plus générale que le parti, et par rapport à ce dernier ils jouent jusqu’à un certain point le rôle de la circonférence par rapport au centre.

    Avant la conquête du pouvoir, les syndicats véritablement prolétariens organisent les ouvriers principalement sur le terrain économique, pour la conquête des améliorations qui sont possibles, pour le renversement du capitalisme, mais mettent au premier plan de toute leur activité l’organisation de la lutte des masses prolétariennes contre le capitalisme en vue de la révolution prolétarienne.

    Pendant la révolution prolétarienne, les syndicats véritablement révolutionnaires, la main dans la main avec le parti, organisent les masses pour faire l’assaut des forteresses du capital et se chargent du premier travail d’organisation de la production socialiste.

    Après la conquête et l’affermissement du pouvoir prolétarien, l’action des syndicats se transporte surtout dans le domaine de l’organisation économique et ils consacrent presque toutes leurs forces à la construction de l’édifice économique sur les bases socialistes, devenant ainsi une véritable école pratique du communisme.

    Pendant ces trois stades de la lutte du prolétariat, les syndicats doivent soutenir leur avant-garde, le parti communiste, qui dirige la lutte prolétarienne dans toutes ses étapes. A cet effet les communistes et les éléments sympathisants doivent constituer à l’intérieur des syndicats des groupements communistes entièrement subordonnés au parti communiste dans son ensemble.

    La tactique consistant à former des groupements communistes dans chaque syndicat, formulée par le 2° Congrès Mondial de l’Internationale Communiste, s’est vérifiée entièrement pendant l’année écoulée et a donné des résultats considérables en Allemagne, en Angleterre, en France, en Italie et dans beaucoup d’autres pays.

    Si par exemple des groupes importants d’ouvriers, peu endurcis et insuffisamment expérimentés en politique, sortent des syndicats social-démocrates libres d’Allemagne, parce que ils ont perdu tout espoir d’obtenir un avantage immédiat de leur participation à ces syndicats libres, cela ne doit en aucun cas changer l’attitude de principe de l’Internationale Communiste à l’égard de la participation communiste au mouvement professionnel.

    Le devoir des communistes est d’expliquer à tous les prolétaires que le salut ne consiste pas à sortir des anciens syndicats pour en créer de nouveaux ou pour se disperser en une poussière d’hommes inorganisés, mais à révolutionner les syndicats, à en chasser l’esprit réformiste et la trahison des leaders opportunistes, pour en faire une arme active du prolétariat révolutionnaire.

    4.

    Pendant la prochaine période, la tâche capitale de tous les communistes est de travailler avec énergie, avec persévérance, avec acharnement à conquérir la majorité des syndiqués ; les communistes ne doivent en aucun cas se laisser décourager par les tendances réactionnaires qui se manifestent en ce moment dans le mouvement syndical, mais s’appliquer par la participation la plus active à tous les combats journaliers, à conquérir les syndicats au communisme malgré tous les obstacles et toutes les oppositions.

    La meilleure mesure de la force d’un parti communiste, c’est l’influence réelle qu’il exerce sur les masses des ouvriers syndiqués. Le parti doit savoir exercer l’influence la plus décisive sur les syndicats sans les soumettre à la moindre tutelle. Le parti a des noyaux communistes dans tel et tel syndicats, mais le syndicat lui-même ne lui est pas soumis. Ce n’est que par un travail continuel, soutenu et dévoué, des noyaux communistes au sein des syndicats que le Parti peut arriver à créer un état de choses où tous les syndicats suivront volontiers avec joie les conseils du parti.

    Un excellent processus de fermentation se remarque en ce moment dans les syndicats françaisLes ouvriers se remettent enfin de la crise du mouvement ouvrier et apprennent aujourd’hui à condamner la trahison des socialistes et des syndicalistes réformistes.

    Les syndicalistes révolutionnaires sont encore imbus dans une certaine mesure de préjugés contre l’action politique et contre l’idée du parti politique prolétarien. Ils professent la neutralité politique telle qu’elle a été exprimée en 1906 dans la Charte d’Amiens. La position confuse et fausse de ces éléments syndicalistes-révolutionnaires implique le plus grand danger pour le mouvement. Si elle obtenait la majorité, cette tendance ne saurait qu’en faire et resterait impuissante en face des agents du capital, des Jouhaux et des Dumoulin.

    Les syndicalistes-révolutionnaires français n’auront pas de ligne de conduite ferme tant que le parti communiste n’en aura pas non plus. Le Parti communiste français doit s’appliquer à amener une collaboration amicale avec les meilleurs éléments du syndicalisme-révolutionnaire.

    Il ne doit cependant compter en premier lieu que sur ses propres militants, il doit former des noyaux partout où il y a trois communistes. Le parti doit entreprendre une campagne contre la neutralité. De la façon la plus amicale, mais aussi la plus résolue, le parti doit souligner les défauts de l’attitude du syndicalisme-révolutionnaire. Ce n’est que de cette façon qu’on peut révolutionnariser le mouvement syndical en France et établir sa collaboration étroite avec le parti.

    En Italie, nous avons une situation semblable : la masse des ouvriers syndiqués y est animée d’un esprit révolutionnaire, mais la direction de la Confédération du Travail est entre les mains de réformistes et de centristes déclarés, qui sont de tout cœur avec Amsterdam. La première tâche des communistes italiens est d’organiser une action quotidienne acharnée et persévérante au sein des syndicats et de s’appliquer systématiquement et patiemment à dévoiler le caractère équivoque et irrésolu des dirigeants, afin de leur arracher les syndicats.

    Les tâches qui incombent aux communistes italiens à l’endroit des éléments révolutionnaires syndicalistes d’Italie sont, en général, les mêmes que celles des communistes français.

    En Espagne, nous avons un mouvement syndical puissant, révolutionnaire, mais pas encore tout à fait conscient de ses buts et nous y avons en même temps un parti communiste encore jeune et relativement faible. Etant donné cette situation, le Parti doit tendre à s’affermir dans les syndicats, le Parti doit leur venir en aide par ses conseils et par son action, il doit éclairer le mouvement syndical et s’attacher à lui par des liens amicaux, en vue de l’organisation commune de tous les combats.

    Des événements de la plus grande importance se développent dans le mouvement syndical anglais qui se révolutionnarise très rapidement. Le mouvement de masses s’y développe. Les anciens chefs des syndicats perdent très rapidement leurs positions. Le parti doit faire les plus grands efforts pour s’affermir dans les grands syndicats, tels que la Fédération des Mineurs, etc. Tout membre du parti doit militer dans quelque syndicat et doit, par un travail organique, persévérant et actif, l’orienter vers le communisme. Rien ne doit être négligé en vue d’établir la liaison la plus étroite avec les masses.

    En Amérique, nous remarquons les même développement, mais un peu plus lent. En aucun cas les communistes ne doivent se borner à quitter la Fédération du Travail, organisme réactionnaire : ils doivent au contraire mettre tout en œuvre pour pénétrer dans les anciennes unions et les révolutionnariser. Il importe nécessairement de collaborer avec les meilleurs éléments des I.W.W., mais cette collaboration n’exclut pas la lutte contre leurs préjugés.

    Un puissant mouvement syndical se développe spontanément au Japonmais il manque encore de direction claire. La tâche principale des éléments communistes du Japon est de soutenir ce mouvement et d’exercer sur lui une influence marxiste.

    En Tchécoslovaquie, notre parti a pour lui la majorité de la classe ouvrière, tandis que le mouvement syndical demeure encore en grande partie entre les mains des social-patriotes et des centristes et, en outre, est scindé par nationalités. C’est là le résultat du manque d’organisation et de clarté de la part des syndiqués, même animés de l’esprit révolutionnaire. Le parti doit tout faire pour mettre fin à cet état de choses et conquérir le mouvement syndical au communisme. Pour atteindre ce but, il est absolument indispensable de créer des noyaux communistes, de même qu’un organe syndical communiste central et commun pour tous les pays. Il faut pour cela travailler énergiquement à fusionner en un tout unique les différentes unions scindées par nations.

    En Autriche et en Belgique, les social-patriotes ont su prendre avec habileté et fermeté la direction du mouvement syndical, qui dans ce pays est le principal enjeu de combat. C’est dans cette direction que les communistes doivent donc porter leur attention.

    En Norvège, le parti, qui a pour lui la majorité des ouvriers, doit prendre plus sûrement entre ses mains le mouvement syndical et écarter les éléments dirigeants centristes.

    En Suède, le parti a à combattre non seulement le réformisme, mais encore le courant petit-bourgeois qui existe dans le socialisme, et doit appliquer à cette action toute son énergie.

    En Allemagne, le parti est en excellente voie pour conquérir graduellement les syndicats. Aucune concession ne peut être faite à ceux qui préconisent la sortie des syndicats. Elle ferait le jeu des social-patriotes. Aux tentatives pour exclure les communistes il importe d’opposer une résistance vigoureuse et opiniâtre ; les plus grands efforts doivent être faits pour conquérir la majorité dans les syndicats.

    5.

    Toutes ces considérations déterminent les rapports qui doivent exister entre l’Internationale Communiste d’une part et l’Internationale Syndicale Rouge d’autre part.

    L’Internationale Communiste ne doit pas diriger seulement la lutte politique du prolétariat au sens étroit du mot, mais encore toute sa campagne libératrice, quelque forme qu’elle prenne. L’Internationale Communiste ne peut pas être seulement la somme arithmétique des Comités Centraux des partis communistes des différents pays. L’Internationale Communiste doit inspirer et coordonner l’action et les combats de toutes les organisations prolétariennes, aussi bien professionnelles, coopératives, soviétiques, éducatives, etc., que strictement politiques.

    L’Internationale Syndicale Rouge, différant en cela de l’Internationale Jaune d’Amsterdam, ne peut en aucun cas accepter le point de vue de la neutralité. Une organisation qui voudrait être neutre, en face des Internationales II, 2 1/2, et III, serait inévitablement un jouet entre les mains de la bourgeoisie. Le programme d’action de l’Internationale Syndicale Rouge, qui est exposé ci-dessous et que le troisième Congrès Mondial de l’internationale Communiste propose à l’attention du premier Congrès Mondial des Syndicats Rouges, sera défendu en réalité uniquement par les partis communistes, uniquement par l’Internationale Communiste.

    Pour cette seule raison pour insuffler l’esprit révolutionnaire dans le mouvement professionnel de chaque pays, pour exécuter loyalement leur nouvelle tâche révolutionnaire, les syndicats rouges de chaque pays seront obligés de travailler la main dans la main, en contact étroit, avec le parti communiste de ce même pays, et l’Internationale Syndicale Rouge devra dans chaque pays, cordonner son action avec celle de l’Internationale Communiste.

    Les préjugés de neutralité, d’indépendance, d’apolitisme, d’indifférence aux partis, qui sont le péché de bien des syndicalistes révolutionnaires loyaux de France, d’Espagne, d’Italie et de quelques autres pays, ne sont objectivement rien d’autre qu’un tribut payé aux idées bourgeoises. Les syndicats rouges ne peuvent pas triompher d’Amsterdam, ne peuvent pas par conséquent triompher du capitalisme, sans rompre une fois pour toutes avec cette idée bourgeoise d’indépendance et de neutralité.

    Du point de vue de l’économie des forces et de la concentration plus parfaite des coups, la situation idéale serait la constitution d’une Internationale prolétarienne unique, groupant à la fois les partis politiques et toutes les autres formes d’organisation ouvrière. Il ne fait pas de doute que l’avenir appartient à ce type d’organisation. Mais au moment actuel de transition, avec la variété et la diversité des syndicats dans les différents pays, il faut constituer une union autonome des syndicats rouges acceptant dans l’ensemble le programme de l’Internationale Communiste, mais d’une façon plus libre que les partis politiques appartenant à cette Internationale.

    L’Internationale Syndicale Rouge qui sera organisée sur ces bases aura droit à tout le soutien du 3° Congrès Mondial de l’Internationale Communiste. Pour établir une liaison plus étroite entre l’Internationale Communiste et l’Internationale Rouge des Syndicats, le troisième Congrès Mondial de l’internationale Communiste propose une représentation mutuelle permanente de 3 membres de l’internationale Communiste dans le Comité Exécutif de l’Internationale Syndicale Rouge et inversement.

    Le programme d’action des Syndicats Rouges, d’après l’avis de l’internationale Communiste, est approximativement le suivant :

    PROGRAMME D’ACTION

    1. La crise aiguë qui sévit dans l’économie du monde entier, la chute catastrophique des prix de gros et la surproduction coïncident de fait avec la disette des marchandises, la politique agressive de la bourgeoisie à l’égard de la classe ouvrière, une tendance obstinée à abaisser les salaires et à ramener la classe ouvrière à plusieurs dizaines d’années en arrière. L’irritation des masses qui se développe sur ce terrain, d’une part, et l’impuissance des vieux syndicats ouvriers et de leurs méthodes, d’autre part – tous ces faits imposent aux syndicats révolutionnaires de tous les pays des tâches nouvelles.

    De nouvelles méthodes de lutte économique en rapport avec la période de désagrégation capitaliste sont nécessaires : il faut que les syndicats adoptent une politique économique agressive, pour rejeter l’offensive du capital, fortifier les anciennes positions et passer à l’offensive.

    2. L’action directe des masses révolutionnaires et leurs organisations contre le capital constitue la base de la tactique syndicale. Toutes les conquêtes des ouvriers sont en rapport direct avec l’action directe et la pression révolutionnaire des masses.

    Par l’expression « d’action directe », il faut comprendre toutes sortes de pressions directes exercées par les ouvriers sur les patrons et sur l’Etat ; à savoir : boycottage, action dans les rues, démonstrations, occupation des usines, opposition violente à la sortie des produits de ces entreprises, soulèvement armé et autres actions révolutionnaires propres à unir la classe ouvrière dans la lutte pour le socialisme. La tâche des syndicats révolutionnaires consiste donc à faire de l’action directe un moyen d’éduquer et de préparer les masses ouvrières pour la lutte pour la révolution sociale et pour la dictature du prolétariat.

    3. Ces dernières années de lutte ont montré avec une particulière évidence toute la faiblesse des unions étroitement professionnelles. L’adhésion simultanée des ouvriers d’une entreprise à plusieurs syndicats les affaiblit pendant la lutte.

    Il faut passer, et ce doit être là le point initial d’une lutte incessante, de l’organisation purement professionnelle à l’organisation par industries : « Une entreprise – un syndicat », tel est le mot d’ordre dans le domaine de la structure syndicale. Il faut tendre à la fusion des syndicats similaires par la voie révolutionnaire en posant la question directement devant les syndiqués des fabriques et des entreprises, en élevant plus tard le débat jusqu’aux conférences locales et régionales et aux congrès nationaux.

    4. Chaque fabrique, chaque usine doit devenir un bastion, une forteresse de la révolution. L’ancienne forme de liaison entre les syndiqués et leur syndicat (délégués d’ateliers recevant les cotisations, représentants, personnes de confiance etc.) doit être remplacée par la création de comités de fabriques et d’usines. Ceux-ci doivent être élus par tous les ouvriers de l’entreprise, à quelque syndicat qu’ils appartiennent, quelles que soient les convictions politiques qu’ils professent.

    La tâche des partisans de l’Internationale Syndicale Rouge est d’entraîner tous les ouvriers de l’entreprise à prendre part à l’élection de leur organe représentatif. Les tentatives pour faire élire les comités de fabriques et d’usines par les seuls communistes ont pour résultat d’éloigner les masses « sans parti » ; c’est pourquoi ces tentatives doivent être catégoriquement condamnées. Ce serait là un noyau et non un comité de fabrique. La partie révolutionnaire doit réagir et influer, par l’intermédiaire des noyaux, des comités d’action et de ses simples membres, sur l’assemblée générale et sur le comité de fabrique élu.

    5. La première tâche qu’il faut proposer aux ouvriers et aux comités de fabriques et d’usines, est d’exiger l’entretien aux frais de l’établissement des ouvriers congédiés par suite du manque de travail. On ne doit tolérer dans aucun cas que les ouvriers soient jetés à la rue sans que l’établissement s’occupe d’eux. Le patron doit verser à ses chômeurs leur salaire complet Voilà l’exigence autour de laquelle il faut organiser non seulement les chômeurs mais surtout les ouvriers travaillant dans l’entreprise, en leur expliquant en même temps que la question du chômage ne peut être résolue dans le cadre capitaliste et que le meilleur remède contre le chômage, c’est la révolution sociale et la dictature du prolétariat.

    6. La fermeture des entreprises est actuellement, dans la plupart des cas, un moyen de les épurer de leurs éléments suspects, aussi la lutte doit-elle se faire contre la fermeture des entreprises et les ouvriers doivent se livrer à une enquête sur les causes de cette fermeture. Il faut créer à cet effet des Commissions spéciales de contrôle sur les matières premières, le combustible, les commandes, obtenir une vérification effective de la quantité disponible de matières premières, de matériaux nécessaires à la production et de ressources financières déposées dans les banques. Les Commissions de contrôle spécialement élues doivent étudier de la façon la plus attentive les rapports financiers entre l’entreprise en question et les autres entreprises, et la suppression du secret commercial doit être proposée aux ouvriers comme une tâche pratique.

    7. L’un des moyens d’empêcher la fermeture en masse des entreprises dans un but de diminution des salaires et d’aggravation des conditions du travail peut être l’occupation de la fabrique ou de l’usine et la continuation de la production en dépit du patron.

    En présence de la disette de marchandises actuelle, il est particulièrement important d’empêcher tout arrêt dans la production, aussi les ouvriers ne doivent-ils pas tolérer une fermeture préméditée des fabriques et usines. Suivant les conditions locales, les conditions de la production, la situation politique, et l’intensité de la lutte sociale, la mainmise sur les entreprises peut et doit être accompagnée encore d’autres méthodes d’action sur le capital. La gestion de l’entreprise saisie doit être remise entre les mains du comité de fabrique ou d’usine et du représentant spécialement désigné par le syndicat.

    8. La lutte économique doit être livrée sous le mot d’ordre de l’augmentation des salaires et de l’amélioration des conditions du travail, qui doivent être portés à un niveau sensiblement supérieur à celui d’avant-guerre. Les tentatives pour ramener les ouvriers aux conditions de travail d’avant-guerre doivent être repoussées de la façon la plus décisive et la plus révolutionnaire. La guerre a eu pour résultat l’épuisement de la classe ouvrière : aussi l’amélioration des conditions de travail est-elle une condition indispensable pour réparer cette perte de forces. Les allégations des capitalistes qui mettent en cause la concurrence étrangère ne doivent aucunement être prises en considération : les syndicats révolutionnaires ne doivent pas aborder les questions de salaires et de conditions de travail du point de vue de la concurrence entre les profiteurs des différentes nations, ils doivent se placer au point de vue de la conservation et de la protection de la force de travail.

    9. Si la tactique réductrice des capitalistes coïncide avec une crise économique dans le pays, le devoir des syndicats révolutionnaires est de ne pas se laisser battre par détachements séparés. Dès le début il faut entraîner dans la lutte les ouvriers des établissements d’utilité publique (mineurs, cheminots, électriciens, ouvriers du gaz, etc.) pour que la lutte contre l’offensive du capital touche dès le début les nœuds vitaux de l’organisme économique. Ici, toutes les formes de résistance sont nécessaires et conformes au but, depuis la grève partielle, intermittente, jusqu’à la grève générale s’étendant à quelque grosse industrie sur un plan national.

    10. Les syndicats doivent se proposer comme une tâche pratique du jour la préparation et l’organisation d’actions internationales par industries. L’arrêt des transports ou de l’extraction de la houille, réalisé sur un plan international, est un puissant moyen de lutte contre les tentatives réactionnaires de la bourgeoisie de tous les pays.

    Les syndicats doivent suivre avec attention la conjoncture mondiale pour choisir le moment le plus propice à leur offensive économique ; ils ne doivent pas oublier un seul instant ce fait, qu’une action internationale ne sera possible que si des syndicats révolutionnaires sont créés, syndicats qui ne doivent rien avoir de commun avec l’Internationale Jaune d’Amsterdam.

    11. La foi dans la valeur absolue des contrats collectifs, propagée par les opportunistes de tous les pays, doit rencontrer la résistance âpre et décidée du mouvement syndical révolutionnaire. Le contrat collectif n’est qu’un armistice. Les patrons brisent les contrats collectifs toutes les fois qu’ils en ont la moindre possibilité. Un respect religieux à l’égard des contrats collectifs témoigne de la profonde pénétration de l’idéologie bourgeoise dans les têtes des chefs de la classe ouvrière. Les syndicats révolutionnaires ne doivent pas renoncer aux contrats collectifs, mais ils doivent se rendre compte de leur valeur relative, ils doivent toujours envisager nettement la méthode à suivre pour rompre ces contrats toutes les fois que c’est avantageux à la classe ouvrière.

    12. La lutte des organisations ouvrières contre le patron individuel et collectif doit être adaptée aux conditions nationales et locales, elle doit utiliser toute l’expérience de la lutte libératrice de la classe ouvrière. Aussi toute grève importante ne doit pas seulement être bien organisée. Les ouvriers doivent, dès son début, créer des cadres spéciaux pour combattre les briseurs de grève et pour s’opposer à l’offensive provocatrice des organisations blanches de toutes nuances appuyées par les Etats bourgeois. Les fascistes en Italie, l’aide technique en Allemagne, les gardes civiques formées d’anciens officiers et sous-officiers en France et en Angleterre, toutes ces organisations ont pour but la démoralisation, la défaite de toute action ouvrière, une défaite qui se réduirait non pas à un simple remplacement des grévistes, mais à la débâcle matérielle de leur organisation et au massacre des chefs du mouvement. Dans ces conditions l’organisation de bataillons de grèves spéciaux, de détachements spéciaux de défense ouvrière, est une question de vie ou de mort pour la classe ouvrière.

    13. Les organisations de combat ainsi créées ne doivent pas se borner à combattre les organisations des patrons et des briseurs de grèves, elles doivent se charger d’arrêter tous les colis et marchandises expédiés à destination de l’usine en grève par d’autres entreprises et s’opposer au transfert des commandes à d’autres usines et d’autres entreprises. Les syndicats des ouvriers des transports sont appelés à jouer sous ce rapport un rôle particulièrement important : à eux incombe la tâche d’entraver le transport des marchandises, ce qui ne saurait être réalisé sans l’aide unanime de tous les ouvriers de la région.

    14. Toute la lutte économique de la classe ouvrière au cours de la période qui vient, doit se concentrer autour du mot d’ordre du contrôle ouvrier sur la production, ce contrôle devant être réalisé sans attendre que le gouvernement ou les classes dominantes aient inventé quelque succédané de contrôle. Il faut combattre violemment toutes les tentatives des classes dominantes et des réformistes pour créer des associations paritaires, des commissions paritaires et un strict contrôle sur la production doit être réalisé : alors seulement il donnera des résultats déterminés. Les syndicats révolutionnaires doivent combattre résolument le chantage et l’escroquerie exercés au nom de la socialisation par les chefs des vieux syndicats avec le concours des classes dominantes. Tout le verbiage de ces messieurs à propos de la socialisation pacifique poursuit ce but unique de détourner les ouvriers des actes révolutionnaires et de la révolution sociale.

    15. Pour distraire l’attention des ouvriers de leurs tâches immédiates et éveiller en eux des velléités petites-bourgeoises, on met en avant l’idée de la participation des ouvriers aux bénéfices, c’est-à-dire de la restitution aux ouvriers d’une faible partie de la plus-value créée par eux ; ce mot d’ordre de perversion ouvrière doit recevoir sa critique sévère et implacable : « Pas de participation aux bénéfices. La destruction des bénéfices capitalistes. », tel est le mot d’ordre des syndicats révolutionnaires.

    16. Pour entraver ou briser la force combative de la classe ouvrière, les Etats bourgeois ont profité de la possibilité de militariser provisoirement certaines usines ou des branches entières d’industrie sous prétexte de protéger les industries d’importance vitale. Alléguant la nécessité de se préserver autant que possible contre des perturbations économiques, les Etats bourgeois introduisirent pour protéger le Capital des cours d’arbitrage et des commissions de conciliation obligatoires. C’est aussi dans l’intérêt du Capital et pour faire retomber entièrement sur les ouvriers le poids des charges de la guerre qu’on introduisit un nouveau système de perception des impôts ; ceux-ci sont retenus sur le salaire de l’ouvrier par le patron, qui joue ainsi le rôle de percepteur. Les syndicats doivent mener une lutte des plus opiniâtres contre ces mesures gouvernementales ne servant qu’aux intérêts de la classe capitaliste.

    17. Les syndicats révolutionnaires qui luttent pour améliorer les conditions du travail, élever le niveau de subsistance des masses, établir le contrôle ouvrier, doivent constamment se rendre compte que dans le cadre du capitalisme tous ces problèmes ne sauraient être résolus ; aussi doivent-ils, tout en arrachant pas à pas des concessions aux classes dominantes, tout en les obligeant à appliquer la législation sociale, mettre clairement les masses ouvrières en face de ce fait que seul le renversement du capitalisme et l’instauration de la dictature du prolétariat sont capables de résoudre la question sociale. Aussi, pas une action partielle, pas une grève partielle ni le moindre conflit ne doivent passer sans laisser de traces à ce point de vue. Les syndicats révolutionnaires doivent généraliser ces conflits en élevant constamment la mentalité des masses ouvrières jusqu’à la nécessité et à l’inéluctabilité de la révolution sociale et de la dictature du prolétariat.

    18. Toute lutte économique est une lutte politique, c’est-à-dire une lutte menée par toute une classe. Dans ces conditions, Si considérables que soient les couches ouvrières embrassées par la lutte, celle-ci ne peut être réellement révolutionnaire, elle ne peut être réalisée avec le maximum d’utilité pour la classe ouvrière dans son ensemble que si les syndicats révolutionnaires marchent la main dans la main, en union et en collaboration étroite, avec le Parti Communiste du pays. La théorie et la pratique de la division de l’action de la classe ouvrière en deux moitiés autonomes est très pernicieuse, surtout dans le moment révolutionnaire actuel. Chaque action demande un maximum de concentration des forces, qui n’est possible qu’à la condition de la plus haute tension de toute l’énergie révolutionnaire de la classe ouvrière, c’est-à-dire de tous ses éléments communistes et révolutionnaires. Des actions isolées du Parti Communiste et des syndicats révolutionnaires de classe sont d’avance vouées à l’insuccès et à la débâcle. C’est pourquoi l’unité d’action, une liaison organique entre les Partis Communistes et les syndicats ouvriers, constituent la condition préalable du succès dans la lutte contre le capitalisme.

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    de l’Internationale Communiste

  • Thèses et résolution sur la tactique du Parti Communiste de Russie au troisième congrès de l’Internationale Communiste

    Thèses

    1. LA SITUATION INTERNATIONALE DE LA RÉPUBLIQUE FÉDÉRATIVE DES SOVIETS DE RUSSIE

    La situation internationale de la R.S.F.S.R. est caractérisée actuellement par un certain équilibre, lequel, tout en étant extrêmement instable, a cependant créé une conjoncture originale dans la politique universelle.

    Cette originalité consiste en ce qui suit : d’une part, la bourgeoisie internationale est pleine d’une haine et d’une hostilité furieuse envers la Russie Soviétique et est prête à chaque instant à se précipiter pour l’étouffer.

    D’autre part, toutes les tentatives d’intervention armée, qui ont coûté à cette bourgeoisie des centaines de millions de francs, se sont terminées par une complète faillite, bien que le Pouvoir des Soviets fût alors plus faible qu’aujourd’hui, et que les grands propriétaires et les capitalistes russes eussent des armées entières sur le territoire de la R.S.F.S.R. L’opposition contre la guerre avec la Russie Soviétique s’est extrêmement fortifiée dans tous les pays capitalistes, nourrissant le mouvement révolutionnaire du prolétariat et embrassant des masses très vastes de la démocratie petite-bourgeoise.

    La diversité d’intérêts existant entre les différents Etats impérialistes s’est exaspérée et s’exaspère de jour en jour de façon plus profonde. Le mouvement révolutionnaire parmi les centaines de millions d’individus des populations opprimées de l’Orient s’accroît avec une force remarquable. En conséquence de toutes ces conditions, l’impérialisme international s’est trouvé hors d’état d’étouffer la Russie Soviétique, bien qu’il fût beaucoup plus fort qu’elle, et a été contraint pour le moment de la reconnaître ou de la presque reconnaître et d’entrer en tractations commerciales avec elle.

    Le résultat a été un équilibre peut-être extrêmement branlant, extrêmement instable, mais un équilibre pourtant, permettant à la République Socialiste d’exister, pour un temps peu prolongé évidemment, dans son environnement capitaliste.

    2. LE RAPPORT DES FORCES SOCIALES DANS LE MONDE ENTIER

    Sur la base de cet état de choses, le rapport des forces sociales dans le monde entier s’est établi de la façon suivante :

    La bourgeoisie internationale, privée du moyen de mener une guerre déclarée contre la Russie Soviétique, reste dans l’expectative, guettant le moment où les circonstances lui permettront de reprendre cette guerre.

    Le prolétariat des pays capitalistes avancés a déjà partout détaché en avant de lui une avant-garde en la personne des partis communistes, qui grandissent, marchant sans relâche à la conquête de la majorité du prolétariat dans chaque pays, ruinant l’influence des anciens bureaucrates trade-unionistes et les sommets de la classe ouvrière américaine et occidentale corrompus par les privilèges impérialistes.

    La démocratie petite-bourgeoise des Etats capitalistes, représentée dans sa partie avancée par les Internationales 2 et 2 1/2, est actuellement le soutien principal du capitalisme, dans la mesure où son influence s’étend encore sur la majorité ou sur une partie considérable des ouvriers et des employés de l’industrie et du commerce, qui craignent, en cas de révolution, de perdre leur bien-être petit-bourgeois relatif, résultant des privilèges de l’impérialisme. Mais la crise économique grandissante empire partout la situation des masses, et cette circonstance, ajoutée à la fatalité de plus en plus évidente de nouvelles guerres impérialistes si le capitalisme subsiste, rend ce soutien de plus en plus branlant.

    Les masses laborieuses des pays coloniaux et semi-coloniaux, masses composant l’énorme majorité de la population du globe, ont été éveillées à la vie politique dès le début du XX° siècle, grâce en particulier aux révolutions de Russie, de Turquie, de Perse et de Chine. La guerre impérialiste de 1914-1918 et le Pouvoir des Soviets en Russie transforment définitivement ces masses en un facteur actif de la politique universelle, et de destruction révolutionnaire de l’impérialisme, quoique les petits-bourgeois éclairés d’Europe et d’Amérique s’obstinent toujours à ne pas le voir, et dans ce nombre, les leaders des Internationales 2 et 2/12.

    L’Inde britannique est à la tête de ces pays, et là la révolution grandit d’autant plus rapidement que d’une part le prolétariat industriel et ferroviaire y devient plus considérable et que d’autre part devient plus sauvage la terreur exercée par les Anglais, lesquels recourent de plus en plus souvent même à des meurtres en masse (Amritsar), à des flagellations publiques, etc.

    3. LE RAPPORT DES FORCES SOCIALES EN RUSSIE

    La situation politique intérieure de la Russie Soviétique est déterminée par le fait que dans ce pays nous voyons, pour la première fois au cours de l’histoire universelle, l’existence, pendant plusieurs années, de deux classes seulement : le prolétariat éduqué pendant plusieurs dizaines d’années par une industrie mécanique très jeune, mais néanmoins moderne et grande, et la classe des petits paysans, composant l’énorme majorité de la population.

    Les grands propriétaires fonciers et les grands capitalistes n’ont pas disparu en Russie. Mais ils ont été soumis à une complète expropriation, parfaitement défaits politiquement, en tant que classe, et leurs débris seulement se cachent parmi les employés gouvernementaux du pouvoir des Soviets.

    Leur organisation de classe ne s’est conservée qu’à l’étranger, sous la forme d’une émigration, qui compte vraisemblablement de un million et demi à deux millions d’hommes, et qui possède plus d’une demi-centaine de journaux quotidiens de tous partis bourgeois et « socialistes » (c’est-à-dire petits-bourgeois) ainsi que les débris d’une armée et de multiples liaisons avec la bourgeoisie internationale. Cette émigration travaille de toutes ses forces et par tous les moyens à ruiner le pouvoir des Soviets et à restaurer le capitalisme en Russie.

    4. LE PROLÉTARIAT ET LA CLASSE PAYSANNE EN RUSSIE

    Etant donné cette situation intérieure, le prolétariat russe, en tant que classe dominante, doit se proposer principalement pour le moment de déterminer judicieusement et de réaliser les mesures indispensables pour diriger la classe paysanne, pour maintenir une alliance ferme avec elle, pour parcourir les nombreuses étapes successives conduisant à la collectivisation en grand de l’agriculture. Cette tâche en Russie est particulièrement difficile, tant en vertu du caractère retardataire de notre pays que par suite de sa désolation extrême après sept ans de guerre impérialiste et civile. Mais, outre cette particularité, cette tâche appartient au nombre des problèmes les plus difficiles de l’organisation socialiste, problèmes qui se poseront dans tous les Etats capitalistes, à la seule exception, peut-être, de l’Angleterre.

    Cependant, même en ce qui concerne l’Angleterre, il est impossible d’oublier que si la classe des petits cultivateurs-fermiers y est spécialement peu nombreuse, par contre, on y trouve une proportion exceptionnellement élevée d’ouvriers et d’employés ayant une existence petite-bourgeoise, grâce à l’esclavage de fait de centaines de millions d’habitants des colonies « appartenant » à L’Angleterre.

    C’est pourquoi, du point de vue de l’évolution de la révolution prolétarienne universelle en tant que processus d’ensemble, l’importance de l’époque traversée par la Russie consiste en ce qu’elle permet d’éprouver et de vérifier par la pratique la politique d’un prolétariat tenant en main le pouvoir gouvernemental, par rapport à une masse petite-bourgeoise.

    5. L’ALLIANCE MILITAIRE DU PROLÉTARIAT ET DE LA CLASSE PAYSANNE DANS LA R.S.F.S.R.

    Les fondements de relations réciproques rationnelles entre le prolétariat et la classe paysanne ont été posés dans la Russie Soviétique par l’époque de 1917-1921, alors que l’invasion des capitalistes et des grands propriétaires – soutenus à la fois par toute la bourgeoise mondiale et par tous les partis de la démocratie petite-bourgeoise (socialistes-révolutionnaires et mencheviks) – a engendré, fixé et précisé l’alliance militaire du prolétariat et de la classe paysanne pour la défense du pouvoir des Soviets.

    La guerre civile est la forme la plus aiguë de la lutte de classes, et plus cette lutte prend d’activité, plus rapidement et plus clairement la pratique elle-même montre aux couches même les plus retardataires de la classe paysanne que cette classe ne peut être sauvée que par la dictature du prolétariat, tandis que les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks jouent effectivement le rôle de valets des grands propriétaires et des capitalistes.

    Mais si l’alliance militaire du prolétariat et de la classe paysanne a été – et elle ne pouvait pas ne pas l’être – la première forme de leur alliance solide, cela n’empêche qu’elle ne pourrait se maintenir, même quelques semaines, sans une certaine alliance économique de ces deux mêmes classes. Le paysan a reçu de l’Etat ouvrier toute la terre et la protection contre le grand propriétaire et l’exploiteur villageois ; les ouvriers ont reçu des paysans des produits alimentaires à crédit en attendant le rétablissement de la grande industrie.

    6. COMMENT RÉTABLIR LES RELATIONS ÉCONOMIQUES RATIONNELLES ENTRE LE PROLÉTARIAT ET LA CLASSE PAYSANNE ?

    Une alliance entièrement rationnelle et stable du point de vue socialiste entre les petits paysans et le prolétariat ne peut s’établir que le jour où les transports et la grosse industrie, étant complètement rétablis, permettront au prolétariat de donner aux paysans, en échange des produits alimentaires, tous les objets dont ils ont besoin pour leur usage et pour l’amélioration de leur exploitation.

    Vu la désolation immense du pays, il a été absolument impossible d’atteindre ce résultat du premier coup. Les réquisitions ont constitué la mesure gouvernementale la plus accessible à un Etat insuffisamment organisé pour lui permettre de se maintenir dans une guerre invraisemblablement difficile contre les grands propriétaires. La mauvaise récolte de 1920 a particulièrement empiré la misère déjà lourde des paysans, rendant absolument nécessaire un changement immédiat d’orientation dans le sens de l’impôt alimentaire.

    Cet impôt modéré donne du coup un grand soulagement à la situation de la classe paysanne, et l’intéresse en même temps à étendre la surface ensemencée et à améliorer ses procédés de culture.

    L’impôt alimentaire constitue une étape intermédiaire entre la réquisition de tous les excédents de céréales du paysan et l’échange rationnel des produits que prévoit le socialisme entre l’industrie et l’agriculture.

    7. LA NATURE ET LES CONDITIONS D’ADMISSION PAR LE POUVOIR DES SOVIETS, DU CAPITALISME ET DES CONCESSIONS

    L’impôt alimentaire, de par son essence même, équivaut pour le paysan à la liberté de disposer des excédents qui lui restent après versement de l’impôt. Dans la mesure où l’Etat ne sera pas capable d’offrir aux paysans des produits de l’industrie socialiste en échange du total de ces excédents, dans la même mesure la liberté de commerce qui en résulte équivaut inévitablement à une liberté de développement pour le capitalisme.

    Néanmoins, dans les limites indiquées, la chose n’est aucunement redoutable pour le socialisme, tant que les transports et la grande industrie demeurent entre les mains du prolétariat.

    Au contraire, le développement du capitalisme sous le contrôle et la réglementation de l’Etat prolétarien (c’est-à-dire le développement du capitalisme « d’Etat », dans ce sens-là du mot) est avantageux et indispensable dans un pays de petits paysans, extrêmement ruiné et retardataire (naturellement jusqu’à un certain point seulement), pour autant qu’il en résulte une accélération immédiate du progrès de la culture paysanne.

    Cela se rapporte davantage encore aux concessions. Sans opérer aucune dénationalisation, l’Etat ouvrier remet à bail certaines mines, certains secteurs forestiers, certaines exploitations pétrolifères, etc., à des capitalistes étrangers, afin de recevoir d’eux un supplément d’outillage et de machines lui permettant de hâter le rétablissement de la grande industrie soviétique.

    Le dédommagement accordé aux concessionnaires sous la forme d’un pourcentage prélevé sur des produits d’une haute valeur est sans aucun doute un tribut payé par l’Etat ouvrier à la bourgeoisie internationale. Sans dissimuler aucunement ce fait, nous devons nettement comprendre qu’il nous est avantageux de verser ce tribut, si par là nous obtenons plus rapidement le rétablissement de notre grande industrie et l’amélioration sérieuse du sort des ouvriers et des paysans.

    8. LES SUCCÈS DE NOTRE POLITIQUE ALIMENTAIRE

    La politique alimentaire de la Russie Soviétique dans la période de 1917 à 1921 a été sans doute très grossière, très imparfaite, et a donné lieu à beaucoup d’abus. De nombreuses erreurs ont été commises dans sa mise en pratique, mais elle était la seule possible dans les conditions données, si nous la considérons dans son ensemble. Et elle a rempli sa mission historique : elle a sauvé la dictature prolétarienne dans un pays ruiné et retardataire. C’est un fait indéniable qu’elle s’est progressivement perfectionnée. Dans la première année où notre pouvoir a été complet (1er août 1918 – 1er août 1919), l’Etat a rassemblé 110 millions de pouds de céréales. Dans la deuxième année : 220 millions, dans la troisième : plus de 285.

    Munis aujourd’hui d’une expérience pratique, nous nous proposons de rassembler, et nous comptons y réussir, 400 millions de pouds (l’impôt alimentaire a été fixé à 240 millions). C’est seulement à la condition d’être effectivement détenteur d’un fonds alimentaire suffisant que l’Etat ouvrier sera en mesure, de tenir solidement au point de vue économique, de garantir un rétablissement, lent mais régulier, de la grande industrie, et de constituer un système financier rationnel.

    9. LA BASE MATÉRIELLE DU SOCIALISME ET LE PLAN D’ÉLECTRIFICATION DE LA RUSSIE

    L’unique base matérielle que puisse avoir le socialisme est la grande industrie mécanique, capable de réorganiser l’agriculture elle-même Mais on ne saurait se borner à cette proposition générale. Il faut la concrétiser. La grande industrie répondant au niveau de la technique moderne et capable de réorganiser l’agriculture, c’est l’électrification de tout le pays. Nous avons dû exécuter les travaux scientifiques préparatoires de ce plan d’électrification pour la R.S.F.S.R., et nous les avons exécutés.

    Avec la collaboration de plus de 200 des meilleurs savants, ingénieurs et agronomes de Russie, ce travail a été terminé, imprimé sous la forme d’un gros volume et approuvé dans son ensemble par le 8° Congrès Panrusse des Soviets en décembre 1920. Aujourd’hui nous somme déjà prêts à la convocation d’un Congrès Panrusse d’électrotechniciens, qui se rassemblera au mois d’août 1920 et qui examinera en détail ce travail, lequel recevra alors la sanction définitive de l’Etat. Les travaux d’électrification déclarés de première urgence s’étendent sur une durée de dix ans et exigeront 370 millions environ de journées d’ouvriers.

    En 1918, nous avions seulement 8 stations électriques nouvellement construites avec 4.557 kilowatts. En 1919 ce chiffre s’est élevé a 36 avec 1.648 kilowatts, et en 1920 à 100 avec 8.699 kilowatts.

    Si modestes que soient ces débuts pour notre immense pays, néanmoins le fondement est posé, le travail est commencé et avance de mieux en mieux. Le paysan russe, après la guerre impérialiste, après un million de prisonniers qui se sont familiarisés en Allemagne avec la technique moderne perfectionnée, après la dure mais profitable expérience de trois années de guerre civile, n’est plus ce qu’il était autrefois. De mois en mois il voit avec plus de clarté et plus d’évidence que seule la direction du prolétariat est capable d’arracher la masse des petits cultivateurs à l’esclavage du capital pour la conduire au socialisme.

    10. LE RÔLE DE LA « DÉMOCRATIE PURE » DES INTERNATIONALES 2 ET 2 1/2, DES SOCIALISTES-RÉVOLUTIONNAIRES ET DES MENCHEVIKS EN TANT QU’ALLIÉS DU CAPITAL

    La dictature du prolétariat ne signifie pas la cessation de la lutte de classes, mais bien sa continuation sous une forme nouvelle, avec des armes nouvelles. Aussi longtemps que subsistent les classes, aussi longtemps que la bourgeoisie, renversée dans un pays, décuple ses attaques contre le socialisme dans le monde entier, cette dictature est indispensable. La classe des petits propriétaires fonciers ne peut pas ne pas passer par une série d’oscillations, pendant l’époque de transition. Les difficultés de la situation transitoire, l’influence de la bourgeoisie, suscitent inévitablement de temps à autre des fluctuations dans la mentalité de cette masse.

    C’est au prolétariat, affaibli et, jusqu’à un certain point, déclassé par la désorganisation de sa base vitale, la grande industrie mécanique, qu’incombe la tâche, très difficile et la plus grande de toutes historiquement, de tenir bon en dépit de ces fluctuations et de mener à bon terme son œuvre consistant à affranchir le travail du joug du capital.

    Les fluctuations de la petite bourgeoisie trouvent leur expression politique dans la politique des partis de la démocratie petite-bourgeoise, c’est-à-dire des partis des internationales 2 et 2 1/2, représentés en Russie par les « socialistes-révolutionnaires » et les mencheviks. Ces partis, qui ont aujourd’hui leurs Etats-Majors et leurs journaux à l’étranger, font bloc avec toute la contre-révolution bourgeoise et sont ses fidèles serviteurs.

    Les chefs intelligents de la grande bourgeoisie russe, Milioukov en tête, le leader du parti cadet (« Constitutionnel-Démocrate »), ont apprécié avec une clarté, une exactitude et une franchise complètes le rôle ainsi joué par la démocratie petite-bourgeoise, c’est-à-dire les socialistes-révolutionnaires et les mencheviks. A propos de la mutinerie de Cronstadt, qui a manifesté l’union des forces des mencheviks, des socialistes-révolutionnaires et des gardes-blancs, Milioukov s’est prononcé en faveur de la devise : « Les Soviets sans les Bolchéviks ».

    Développant cette pensée, il a écrit : « Honneur et place libre » aux socialistes-révolutionnaires et aux mencheviks (« Pravda » 1921, numéro de Paris) car à eux incombe la tâche de faire le premier déplacement du pouvoir en s’écartant des bolchéviks. Milioukov, chef de la grande bourgeoisie, tient judicieusement compte des leçons fournies par toutes les révolutions, qui ont montré que la démocratie petite-bourgeoise est incapable de garder le pouvoir, puisqu’elle n’a jamais été qu’un masque pour la dictature de la grosse bourgeoisie et qu’un degré conduisant à l’autocratie de la grosse bourgeoisie.

    La révolution prolétarienne de Russie confirme une fois de plus cette leçon des révolutions de 1789-1794 et de 1848-1849, et confirme aussi les paroles de Frédéric Engels, écrivant le 11 décembre 1885, dans une lettre à Bebel :

    « …La démocratie pure… au moment de la révolution acquiert pour un temps limité une importance temporaire… en tant que dernière planche de salut pour tout le système économique bourgeois et même féodal… En 1848, de mars à septembre, toute la masse féodale et bureaucratique n’a jamais cessé de soutenir les libéraux pour maintenir dans l’obéissance les masses révolutionnaires. Dans tous les cas, pendant la crise et au lendemain de la crise, notre unique adversaire sera toute la masse réactionnaire, groupée autour de la démocratie pure, et cette vérité, à mon avis, ne doit en aucun cas être perdue de vue. » (publié en russe dans le journal « Le Travail Communiste » n° 360 du 9 juin 1921, dans l’article d’Adoratski, intitulé « Marx et Engels sur la démocratie » et en allemand dans le livre « Frédéric Engels : Testament politique » Berlin 1920. Bibliothèque Internationale de la Jeunesse n° 12, pages 18-19).

    Résolution

    Le troisième Congrès mondial de l’Internationale Communiste, après avoir entendu le discours du camarade Lénine sur la tactique du Parti Communiste de Russie et après avoir pris connaissance des thèses qui y sont annexées, déclare :

    Le troisième Congrès mondial de l’Internationale Communiste admire le prolétariat russe, qui a lutté pendant 4 ans pour la prise du pouvoir politique.

    Le Congrès approuve à l’unanimité la politique du Parti Communiste de Russie qui depuis le début a reconnu en toute situation les dangers qui le menaçaient, qui est resté fidèle aux principes du marxisme révolutionnaire, qui a su toujours trouver moyen de les appliquer, qui aujourd’hui encore, après la fin de la guerre civile, concentre toujours par sa politique envers la classe paysanne dans la question des concessions et la reconstruction de l’industrie toutes les forces du prolétariat, dirigé par le parti Communiste de Russie en vue de garder la dictature du prolétariat en Russie jusqu’au moment où le prolétariat de l’Europe occidentale lui viendra en aide.

    Le Congrès exprime sa conviction, que ce n’est que grâce à cette politique consciente et logique du Parti Communiste de Russie que la Russie Soviétique est encore la première et la plus importante citadelle de la révolution mondiale.

    Le Congrès blâme la politique de trahison des partis mencheviks, qui ont renforcé, grâce à leur opposition contre la Russie soviétique et contre la politique du Parti Communiste de Russie, la lutte de la réaction capitaliste contre la Russie, et qui tâchent de retarder la révolution sociale dans le monde entier.

    Le Congrès mondial invite le prolétariat de tous les pays à se ranger du côté des ouvriers et des paysans russes pour réaliser la révolution d’octobre dans le monde entier.


    Vive la lutte pour la dictature du prolétariat !
    Vive la Révolution Socialiste mondiale !

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur l’action de Mars et sur le Parti Communiste Unifié d’Allemagne au troisième congrès de l’Internationale Communiste

    Le 3° Congrès mondial constate avec satisfaction que les résolutions les plus importantes, et particulièrement la partie de la résolution sur la tactique, concernant l’action ardemment discutée de mars, ont été adoptées à l’unanimité et que même les représentants de l’opposition allemande dans leur résolution sur l’action de mars se sont placés en fait sur un terrain identique à celui du Congrès.

    Le Congrès y voit une preuve qu’un travail cohérent et une collaboration intime sur la base des décisions du 3° Congrès sont non seulement désirés, mais encore possibles au sein du Parti Communiste Unifié d’Allemagne. Le Congrès estime que tout morcellement des forces au sein du Parti Communiste Unifié d’Allemagne, toute formation de fractions, sans parler même de scission, constitue le plus grand danger pour l’ensemble du mouvement.

    Le Congrès attend de la Direction Centrale et de la majorité du Parti Communiste Unifié d’Allemagne une attitude tolérante à l’égard de l’ancienne opposition, pourvu qu’elle applique loyalement les décisions prises par le 3° Congrès ; celui-ci est de plus persuadé que la Direction Centrale fera tout son possible pour réunir toutes les forces du Parti.

    Le Congrès demande à l’ancienne opposition de dissoudre immédiatement toute organisation de fraction, de subordonner absolument et complètement sa fraction parlementaire à la Direction Centrale, de subordonner entièrement la Presse aux organisations respectives du Parti, de cesser immédiatement toute collaboration (dans des revues, etc.) avec Paul Levi, exclu du Parti et de l’Internationale Communiste.

    Le Congrès charge l’Exécutif de suivre attentivement le développement ultérieur du mouvement allemand et de prendre immédiatement les mesures les plus énergiques dans le cas de la moindre infraction à la discipline.

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