Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • La DSE tient le cap

    L’échec de l’opération Couronne fut un revers de taille pour l’impérialisme américain et les forces réactionnaires grecques.

    Van Fleet décida alors de fasciser complètement l’armée grecque, dont le commandement revint en janvier 1949 à Aléxandros Papágos, dont l’une des premières mesures fut d’autoriser l’utilisation du napalm par les forces américaines.

    Les officiers reçurent l’autorisation d’abattre ceux qui ne combattraient pas de manière assez décidée, les commandants eux-mêmes risquant la court martiale, les retraites n’étant autorisées que sur ordre exprès du quartier-général.

    Combattants de la DSE

    A cela s’ajouta toutefois un élément extrêmement positif pour l’impérialisme américain : la Yougoslavie de Tito était ouvertement passée dans son camp.

    Déjà travaillée au corps par les impérialismes américain et britannique, servant de plate-forme à leurs opérations, la Yougoslavie titiste bascula entièrement dans le camp de la « neutralité », c’est-à-dire du côté impérialiste.

    Le Kominform condamna par conséquent la Yougoslavie titiste en juin 1948, ce que le KKE approuva en juillet. Dans la foulée, en août, Márkos Vafiádis fut mis de côté alors qu’il eut une crise de nerfs, tout en commençant à assumer une ligne de convergence avec le titisme, expliquant par la suite qu’il était opposé à la ligne du Parti depuis 1947.

    Au même moment, la DSE fut en mesure d’échapper à une opération d’encerclement dans les monts Gramos utilisant massivement l’aviation, et tuant 5 000 combattants et 3000 civils.

    Malgré la défaite en termes de pertes, la capacité de la DSE à se maintenir provoqua une véritable onde de choc et la DSE officialisa même définitivement sa centralisation. Il n’y avait désormais plus de quartiers-généraux régionaux, mais des divisions dépendant d’un conseil militaire :

    – la première division en Thessalie ;

    – la seconde division en Roumélie, c’est-à-dire en Grèce centrale :

    – le troisième division dans le Péloponnèse ;

    – la sixième division en Macédoine centrale ;

    – la septième division en Epire ;

    – les divisions neuf, dix et onze dans les montagnes Vitsi.

    Combattantes du KKE

    Les trois premières divisions dépendirent à partir de mars 1948 du KGAN, un quartier général pour le sud de la Grèce. Il existait également deux unités autonomes :

    – la 24e brigade dans la zone du quartier général ;

    – une brigade de saboteurs.

    Cette réorganisation frappa d’autant plus les esprits que, alors que les divisions neuf, dix et onze avaient tenu le choc face à la tentative d’encerclement et d’anéantissement, toutes les autres s’étaient renforcés pendant ce temps-là.

    C’était une catastrophe pour l’État monarcho-fasciste, au point qu’il fut par conséquent obligé, en octobre 1948, de généraliser l’état d’urgence qui officiellement n’existait jusque-là que dans le nord du pays.

    Le secrétaire d’État aux affaires étrangères américain, le fameux George Catlett Marshall, vint même en personne à Athènes à ce moment-là pour constater la situation.

    Níkos Zachariádis ajusta également de son côté certains points de la DSE. Il effectua notamment une critique à la septième division qui n’avait pas assez profité de ses réussites pour élargir ses zones de contrôle et procéder au recrutement, ainsi qu’une remise en cause générale des responsables athéniens qui furent entièrement remplacés, eux-mêmes devant rejoindre les montagnes.

    En septembre, Níkos Zachariádis se rendit à Moscou et il lui fut expliqué que, de par les nouvelles conditions, une aide plus soutenue serait déjà largement plus aidée à mettre en œuvre, avec la réception annoncée de 1 000 pièces d’artillerie et de 1000 canons anti-chars, ainsi que l’enrôlement de 8 000 Grecs vivant à l’étranger.

    Le même mois, la DSE fut en mesure de faire se débander deux bataillons ennemis au nord de la ville de Kastoria.

    A la mi-décembre, la première et la seconde divisions furent en mesure, avec 3 500 combattants, de prendre pour une journée de la ville de Karditsa en Thessalie, qui comptait 20 000 habitants ; à la mi-janvier 1949, c’est la ville de Náoussa qui est prise pendant trois jours, la ville de Karpenisi pendant plus de jours.

    L’amiral Van Fleet (au centre) en mars 1949 lors d’un défilé
    pour le 128e anniversaire de l’indépendance grecque

    En avril 1949, des positions stratégiques furent également reprises dans les monts Gramos.

    C’était une grande avancée et en arrière-plan, Níkos Zachariádis résolut également une question épineuse : celle de la minorité macédonienne.

    Historiquement, la Macédoine historique a été peuplé de Slaves et, jusqu’à aujourd’hui, le nationalisme grec refuse catégoriquement que les populations y vivant emploient le terme de Macédoine, relevant selon lui exclusivement de l’identité grecque.

    En France, le terme de Macédoine a donné le nom à une salade, en référence aux multiples ingrédients qui la composent, allusion aux multiples populations présentes en Macédoine, ce qui donne différentes couleurs sur une carte.

    Au début du XXe siècle, la Bulgarie prétendait qu’il y avait en Macédoine une majorité de Bulgares, la Serbie de Serbes (y voyant une Serbie du Sud), la Grèce de Grecs. La guerre des Balkans qui s’ensuivit fut marqué par des atrocités et des déplacements de population, dans un cadre féodal, formant une poudrière qui joua un rôle effectif pour le déclenchement de la première guerre mondiale impérialiste.

    Au moment de la seconde guerre mondiale, il y avait officiellement environ 80 000 « slavo-macédoniens » dans la partie grecque de la Macédoine, en réalité sans doute plus du double, et le KKE défendait ses droits, au sein de la Grèce, arguant que la sécession n’aurait pas de sens pour une partie du pays dont la quasi totalité était grecque.

    Durant la seconde guerre mondiale, le KKE réussit à convaincre le Slavjano Makedonski Narodno Osloboditelen Front – Front de Libération Nationale slavo-macédonien – à participer à l’ELAS. Tito cependant poussait à une ligne indépendantiste, afin que la future Yougoslavie l’annexe.

    Pour cette raison, la SNOF fut démantelée, 800 de ses membres rejoignant la Yougoslavie, alors que fut fondé en avril 1945 la NOF, Narodno Osloboditelen Front – Front de Libération Nationale, qui rejoignit ensuite la DSE.

    Slogan macédonien présentant Níkos Zachariádis comme dirigeant

    Tito retenta l’opération de scission avec la NOF, qui maintint néanmoins le cap et il est à noter qu’une partie significative des combattants de la DSE était d’origine slavo-macédonienne, autour de 30 %, la propagande anti-DSE faisant monter ce chiffre à 70 %.

    Níkos Zachariádis avait en effet établi la ligne d’autonomie pour la minorité slavo-macédonienne, alors que la Bulgarie faisait un contre-poids démocratique essentiel à l’expansionnisme yougoslave concernant cette question.

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  • L’opération d’anéantissement de Van Fleet contre la DSE en Grèce

    Níkos Zachariádis avait tout à fait compris que la question de la guerre civile était celui de l’affrontement entre la démocratie populaire et le fascisme. La DSE n’était pas une fin en soi, pas plus que l’EAM ; il ne s’agissait que d’éléments dans une séquence plus générale.

    La force du mouvement de libération nationale avait ainsi résidé, selon Níkos Zachariádis, dans le fait que l’indépendance nationale avait été affirmée en rapport avec la bataille pour la démocratie, ce qui allait avec la question agraire ; la question nationale de l’indépendance était inséparable du rapport à la démocratie.

    Les restes féodaux en Grèce devaient impérativement être anéanties pour qu’une victoire soit possible. C’était le sens de l’établissement du pouvoir populaire qui, pourtant, avait cessé d’exister avec les accords de Varkiza.

    Un combattant de la DSE

    L’existence de ceux-ci apparaissaient inévitables de par la puissance britannique : il eut fallu agir dès le départ des troupes allemandes, pour prendre les Britanniques de vitesse. Mais l’opportunisme avait été trop puissant à l’intérieur du KKE à ce moment-là pour qu’une telle initiative se dégage.

    Avec le retour de Níkos Zachariádis, le KKE put de nouveau aller de l’avant et la formation de la DSE venait compenser l’échec de l’épisode des accords de Varkiza.

    Inévitablement toutefois, une lutte entre deux lignes devrait se dérouler entre la position de Níkos Zachariádis et celle prolongeant les accords de Varkiza, voyant la DSE comme l’aspect principal pour rétablir les négociations et l’intégration du KKE aux institutions, et non la bataille pour la démocratie populaire.

    La crise apparut avec l’échec de l’offensive de la fin de l’année 1947.

    Intervention politique au sein de la DSE

    A l’initial, la DSE s’appuyait sur deux fronts : les massifs à la frontière avec l’Albanie, à savoir les monts Gramos et le massif montagneux du Pinde. Ce bastion inexpugnable permettait d’agir dans tout le nord-ouest de la Grèce, à partir d’une centaine de villages.

    La tentative de s’emparer de la ville de Konitsa à la fin de l’année 1947 fut cependant un échec, malgré la présence de 10 000 combattants appuyés par des canons de 105 mm situés en Albanie.

    Cette ville devait servir de centre névralgique du gouvernement provisoire ; l’incapacité à la prendre fut un coup d’arrêt dans le développement et un succès politique pour le régime réactionnaire.

    La DSE tint alors une conférence les 15, 16 et 17 janvier 1918 dans les monts Gramos.

    Comment fallait-il expliquer le développement insuffisant de la DSE ?

    Une base souterraine de la DSE

    Níkos Zachariádis considéra que cela avait été une lourde erreur de la part du KKE de ne pas avoir été en mesure d’avoir une organisation plus solide dans les villes, tant pour renforcer la guérilla des campagnes que pour lancer des actions dans les villes.

    Un autre souci, à ses yeux, fut l’esprit militaire bureaucratique issu des officiers issus de l’armée, qui empêchait la DSE d’avoir une nature authentiquement révolutionnaire, ce qui exigeait donc la systématisation de la présence des commissaires politiques à la direction militaire.

    Il était nécessaire d’abandonner le principe de d’une guerre des partisans pour passer au niveau d’organisation d’une véritable armée populaire, même si bien entendu dans les zones où des bases n’étaient pas possibles, le mode d’opération de type partisan était l’approche principale.

    Il devait y avoir une dialectique entre une DSE en tant qu’armée populaire dans les zones libérées et les unités partisanes opérant dans le reste du pays.

    Une combattante de la DSE

    Le dirigeant militaire de la DSE, Márkos Vafiádis, s’opposa à Níkos Zachariádis. Il considérait qu’il ne fallait pas former de base, mais maintenir une ligne d’opérations partisanes totalement décentralisées. Níkos Zachariádis fut obligé de réunir le Comité Central en session extraordinaire pour faire accepter sa ligne, qui le fut à l’unanimité.

    La DSE connut alors des développements certains, mais il manquait à chaque fois une impulsion décisive, le régime s’en sortant systématiquement grâce à un appui américain gigantesque.

    La DSE se développa cependant dans les îles Samos et Eubée, mais l’incursion qui eut lieu dans les faubourgs de Salonique fut un échec en raison du manque d’organisation des membres déjà présents dans la ville.

    La tentative de 2200 personnes non armées mais accompagnées de fortes unités de la DSE de traverser des territoires ennemis en Grèce centrale pour rejoindre les monts Gramos se solda également par un fiasco, seulement 500 parvenant effectivement à le faire.

    Une opération fut alors lancée dans le Péloponnèse, avec 2 500 partisans, agissant dans une zone suffisamment grande – 90 km de long sur 50 km de large – pour isoler pratiquement Athènes du reste du pays, mais la DSE ne fut malheureusement pas en mesure de s’y maintenir en raison, en avril 1948, de l’opération nouvelle aube des forces réactionnaires, qui visa à encercler la DSE.

    Il y eut d’abord 4 500 arrestations, suivis d’offensives à l’est et à l’ouest ainsi qu’au nord, avec un blocus maritime du golfe de Corinthe au sud : il n’y en eut que 1 000 combattants de la DSE à parvenir à briser l’encerclement.

    La tentative de la DSE de diviser les troupes ennemies à l’offensive en s’emparant de la ville de Karpenisi échoua, dans la mesure où la ville leur fut abandonnée pendant quinze jours.

    Suivit alors la première vaste contre-offensive anti-DSE, l’opération Couronne menée par les forces réactionnaires, qui étaient dirigées par l’américain James Alward Van Fleet.

    Une combattante de la DSE

    Les réactionnaires grecs savaient que si cette fois ils avaient réussi à bloquer le développement de la DSE dans le Péloponnèse, il y aurait inévitablement d’autres tentatives tant que la DSE disposait de larges bases dans le nord-ouest du pays.

    C’était une reconnaissance de la valeur essentielle de la formation par Níkos Zachariádis d’une base d’appui comme centre névralgique de la DSE.

    Aussi l’opération Couronne visa à former un tampon entre l’Albanie et les monts Gramos où étaient basés 8 000 combattants de la DSE. Il s’agissait d’isoler la DSE de l’appui albanais, et de liquider la zone contrôlée par elle.

    La DSE était tout à fait consciente du risque et forma alors de son côté une base de 3 000 combattants en Épire pour harceler les arrières des forces ennemies en cas d’attaque et briser tout ravitaillement.

    Les forces réactionnaires s’appuyaient néanmoins sur 70 000 combattants lourdement armés, appuyés par 30 000 membres d’une garde nationale formée en 1947.

    L’opération Couronne commença le 28 juin 1948 et au bout de 17 jours la ligne extérieure de défense était tombée, alors que la DSE fut même obligée de ramener 4 000 combattants pour tenir le coup.

    Cela ne suffit pas et au bout de 29 jours la DSE fut obligée de quitter la zone, avec un repli réussi dans la région de Vitsi.

    Des combattants de la DSE

    L’affrontement de la DSE avec les forces réactionnaires grecques était devenu une bataille avec une force directement au service de l’impérialisme américain soutenant le régime de toutes ses forces : pas moins de 20 000 obus furent envoyés sur la crête durant l’opération.

    Van Fleet lança tout de suite ses troupes à la poursuite des troupes de la DSE se repliant, afin de tenter d’empêcher une installation pour l’hiver.

    S’ensuivirent des offensives et des contre-offensives, avec finalement la victoire de la DSE dans la mesure où ce fut le double échec pour les forces réactionnaires : leur offensive échoua et qui plus est la DSE se réinstalla dans les monts Gramos.

    La DSE avait su aussi protéger en général les liaisons avec l’Albanie et la Yougoslavie, pays laissant également passer les troupes de la DSE et les aidant militairement.

    De plus, la DSE avait renforcé ses activités dans la région de Tripoli-Sparte au sud du Péloponnèse, ainsi que dans la région montagneuse de Thessalie.

    La DSE avait tenu le choc et résisté à l’opération d’anéantissement de Van Fleet.

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  • L’intervention américaine en Grèce

    Si la DSE représentait la tendance démocratique, progressiste, se renforçant par rapport à une réaction déchaînée, mais s’épuisant, un nouveau facteur vint entièrement modifier la donne.

    Les États-Unis considérèrent en effet qu’il était nécessaire qu’elles interviennent, afin d’empêcher la Grèce de devenir une démocratie populaire, étant donné que la Grande-Bretagne n’était plus en mesure de porter le régime grec.

    L’Armée Démocratique de Grèce – DSE

    L’hypothèse d’une victoire démocratique en Grèce apparaissait aux États-Unis comme une menace stratégique aux conséquences incalculables, surtout que la Turquie risquait d’être isolée.

    Aussi, en mai 1947 le congrès américain accorda 300 millions de dollars d’aides économiques et militaires jusqu’en juin 1948. Le régime monarchiste grec changeait de tuteur, la Grande-Bretagne cédant la place aux États-Unis.

    Il y eut d’ailleurs aussi bien entendu le plan Marshall, la Grèce recevant de nouveau pas moins de 649 millions de dollars, ce qui la rendait entièrement dépendante désormais des États-Unis, dans une optique de militarisme généralisé. Au total, les Etats-Unis fourniront 1,5 milliard de dollars au régime réactionnaire grec.

    84,7 % de la somme totale de l’aide étrangère passait dans les dépenses militaires, la part de celles-ci dans le budget national grec étant d’ailleurs également de 42 %.

    C’était en pratique désormais James Van Fleet, le responsable militaire américain envoyé spécialement pour gérer la Grèce (et qui « s’illustrera » ensuite dans la guerre de Corée), qui dirigeait le pays.

    James Van Fleet

    Un célèbre reporter américain, Homer Bigart, écrivit à ce moment dans le New York Herald Tribune que :

    « Athènes est aujourd’hui un royaume d’intrigues, de haine, de méchanceté et de corruption défiant les mœurs du moyen-âge. »

    Cela provoqua un nouveau saut répressif. Une conséquence immédiate fut l’arrestation, le 9 juin 1947, de 9 000 personnes dans les villes ; certaines estimations font monter ce chiffre à 20 000.

    L’un des éléments essentiels qui vint s’ajouter fut également l’utilisation systématique par les réactionnaires de l’évacuation des villages, afin d’assécher les bases populaires aidant la DSE.

    Le nombre de réfugiés fut alors croissant : 15 000 en septembre 1946, 200 000 en août 1947, 485 000 en février 1948, puis 700 000.

    La DSE organisa, afin de protéger les enfants victimes des offensives de l’armée réactionnaire avec notamment les bombardements, des évacuations, avec l’appui de certains pays de l’Est européen, qui avait lancé l’initiative eux-même lors d’une conférence internationale de la jeunesse s’étant tenue à Belgrade. Plus de 10 000 enfants furent concernés.

    Cela fut le prétexte pour une très vaste campagne, appelée « paidomazoma » (rassemblement des enfants), accusant la DSE de vouloir slaviser les enfants grecs, de les transformer en futurs soldats en les manipulant, etc., tout en organisant sous l’égide de la reine grecque Frederika de Hanovre des campagnes pour enlever des enfants des villages et les placer dans des camps avec une éducation idéologique réactionnaire forcenée.

    Cette campagne de dénigrement de la DSE fut également largement soutenue par l’ONU.

    L’armée fit également en sorte de contrôler les déplacements de la population, pour empêcher les communistes des bastions d’Athènes et de Thessalonique de rejoindre la guérilla.

    La torture et le meurtre furent généralisés ; ce qui est également caractéristique du combat mené par le monarcho-fascisme contre la DSE, c’est la systématisation des démonstrations terroristes, avec les têtes coupées des membres tués de la DSE accrochées dans les villages.

    James Van Fleet inspectant une position en Grèce,
    devant des soldats tués de la DSE

    Voici ce que raconte en juillet 1947 le journal de l’EAM Eleftheri Héllada :

    « Les monarchistes ont suspendu la tête de l’andartès [du rebelle] Palos sur une hampe et l’ont arborée sur la place publique de Héraclion de l’île de Crète. Puis, ils se mirent à danser tout autour et à tirer des coups de feu.

    Le préfet sortit alors sur le balcon et leur tint un discours ayant en face de lui la tête coupée. C’est au milieu de cette orgie de cannibales que le directeur de l’école commença aussi son discours. »

    L’îlot de Makronissos fut l’un des principaux centres de torture, où passèrent au moins 50 000 personnes, brisés physiquement par la soif, la faim, la chaleur, le froid, les tortures.

    Voici un extrait de ce que raconte en septembre 1947 une personne déportée à Youra, un îlot similaire :

    « Les conditions de vie sont horribles. Dans un enclos entouré de fila barbelés sont placées les tentes-abris sous lesquelles nous vivons.

    Durant la journée, le soleil brillant: durant la nuit, l’humidité, les scorpions et les serpents. Sur ce rocher anhydre, il n’y a pas une goutte d’eau. Un bateau de navette transporte chaque semaine 40 tonnes d’eau pour les milliers de détenus.

    La nourriture est infecte, le pain est immangeable, tellement il est moisi. Celui qui ose protester est battu pendant dix jours. Nous n’avons aucune assistance médicale.

    50 % des détenus souffrent de dysenterie. Le camp est dirigé par le commandant Papadimitriou et par Piastres, tous deux geôliers-chefs du camp de Pavlos Melas à Salonique. La terreur est indescriptible… »

    En octobre 1947, la presse du KKE et de l’EAM furent interdits, en conséquence de quoi la réponse fut, le 24 décembre 1947, l’annonce de la formation d’un « gouvernement démocratique provisoire de la Grèce libre », avec en réaction l’interdiction du KKE et de l’EAM.

    Il était clair que c’en était fini de l’option de marcher sur deux jambes et de tenter de parvenir à un compromis. La guerre civile s’était cristallisée, mais, de par l’intervention américaine, les réactionnaires avaient pris l’initiative et la tendance ne s’arrêtait pas.

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  • La DSE – Armée Démocratique de Grèce

    La non-participation aux élections fut une erreur tactique, donnant le champ libre aux réactionnaires : le référendum sur le retour du Roi obtint 69 % de voix favorables à celui-ci, qui revint alors le 27 septembre 1946 à Athènes, accueilli triomphalement par ses partisans.

    Le régime avait également auparavant annulé en mai 1946 la victoire (88%) aux élections syndicales de l’ERGAS (Ergatikos Antiphasistikos Synaspismos – Bloc ouvrier antifasciste), tout comme il avait en juin 1946 modifié la direction du syndicat GSEE, jusque-là communiste.

    Jusqu’en 1947, le bilan de la répression s’élevait à 24 000 personnes assassinées, 105 exécutés par les cours martiales, 6 671 personnes grièvement blessées, 31 682 torturés, 84 931 détenus, 18 867 foyers saccagés, 577 bureaux et imprimeries mis à sac, 165 viols, 5 817 exils, 12 000 personnes envoyés en camp de concentration.

    L’armée s’appuyait sur 200 000 hommes, la gendarmerie sur 25 000, la Garde nationale sur 50 000, à quoi il faut ajouter les troupes britanniques et les multiples structures armées d’extrême-droite.

    Le sol se dérobait sous les pieds du KKE et la stratégie sur deux jambes de Níkos Zachariádis ne laissait plus comme perspective que le déclenchement de la lutte armée.

    Les Partis Communistes de France et d’Italie considéraient que c’était une erreur, ceux d’URSS et de Bulgarie appelaient à la prudence et à la mesure dans ce processus, celui de Yougoslavie assurait son soutien.

    De fait, il y avait déjà 4 650 membres de l’ELAS réfugiés en Yougoslavie, dans le village de Bulkes près de Belgrad, auparavant occupé par des immigrés allemands ayant fini par fuir en 1944.

    La première action organisée fut l’attaque, par un commando partisan de 33 personnes, de la station de Litochoro, au pied du mont Olympe, qui avait connu de sévères et régulières agressions contre les activistes de gauche.

    Environ mille personnes armées furent structurées, avec une montée en puissance très rapide, puisqu’en novembre il y avait déjà 5 000 membres d’une nouvelle structure militaire qui fut officiellement annoncée dans Rizopastis, l’organe du KKE, le 21 novembre 1946 : l’Armée Démocratique de Grèce (Δημοκρατικός Στρατός Ελλάδας – DSE).

    Le symbole de la DSE

    En février 1947, la DSE disposait déjà de 12 000 combattants et fut même en mesure de prendre la ville de Sparte, libérant 176 prisonniers enfermés dans cette ville. Quelques mois plus tard, la DSE disposera de 30 000 partisans.

    Le prix politique fut cependant élevé, dans la mesure où la combinaison légale/illégale était pratiquement bricolée, le KKE ne reconnaissant pas officiellement les partisans comme étant son initiative.

    Le résultat fut qu’au début de 1947, 50 % des cadres du Parti avaient été arrêtés, ainsi que 90 % des anciens officiers de l’ELAS.

    Cependant, la ligne de Níkos Zachariádis était de gagner le plus de temps possible, afin de faire en sorte que l’axe politique de la DSE soit le plus large possible.

    Voici justement le serment des membres la DSE, qui reflète tout à fait cette démarche de bataille pour la démocratie populaire, contre les réactionnaires, mais également avec la dimension de libération nationale face à la présence britannique :

    « Moi, enfant du peuple de Grèce et combattant de l’Armée Démocratique de Grèce, je jure de me battre avec armes à la main, de donner mon sang et même ma vie pour chasser tout occupant étranger qui se trouve sur le sol de ma patrie.

    Pour faire disparaître toute trace de fascisme. Pour faire disparaître et pour défendre l’indépendance nationale, l’intégrité territoriale de ma patrie. Pour garantir et défendre la démocratie, l’honneur, le travail, les biens et le progrès de notre peuple.

    Je jure d’être bon, brave et soldat discipliné, d’obéir aux ordres de mes supérieurs hiérarchiques, et d’exécuter les dispositions du règlement et de garder les secrets de l’Armée démocratique de Grèce.

    Je jure d’avoir une conduite exemplaire vers le peuple, promoteur et meneur de l’unité populaire et de conciliation et d’éviter chaque acte qui m’expose et me déshonore en tant qu’individu et combattant.Mon idéal est une Grèce Démocratique libre et forte et le progrès et la prospérité du peuple. Pour servir cet idéal je dispose mon arme et ma vie.

    Si jamais je suis déloyal et je viole intentionnellement mon serment, que la patrie me sanctionne impitoyablement, que mon peuple me haïsse et méprise. »

    Voici les propos du dirigeant de la DSE, Márkos Vafiádis, exprimés dans un discours au nom du quartier général de la DSE, définissant la nature de celle-ci :

    « Il y a presque un an. les combattants du peuple qui se réfugièrent dans la montagne et qui se trouvaient isolés au début, se groupèrent en diverses unités séparées, afin d’échapper à la persécution exterminatrice de l’occupant étranger et du monarcho-fascisme. et commencèrent ainsi à former la DSE.

    Le grand crime de ces combattants fut d’avoir trop aimé leur patrie et d’avoir donné, au temps de l’occupation hitléro-fasciste toutes leurs forces sans ménagement pour chasser l’occupant étranger, reconstruire leur pays, et former une nouvelle Grèce vraiment libre, indépendante ot démocratique, digne de son histoire et de son peuple.

    Notre but était au début, de sauver notre vie, de protéger nos familles, nos maisons, nos biens et de combattre nos persécuteurs par les mêmes moyens qu’ils utilisaient pour notre extermination et notre ruine économique.

    Nous avons toujours été convaincus et nous le sommes encore, que notre peuple dans sa majorité décisive veut la tranquillité, la réconciliation et la vie normale pour pouvoir, par sa sueur et son travail. assurer le pain quotidien de ses enfants et travailler au progrès de sa liberté.

    Nous n’avons jamais rien désiré de plus que ce qui peut-être réalisé par la liberté, la démocratie, le redressement économique et la reconstruction, lorsque la paix et l’indépendance nationale sont assurées.

    C’est cet idéal que nous avons proclamé dans notre Programme et c’est pour cet idéal que nous avons lutté et combattu dès le premier jour de notre existence. La réconciliation et l’apaisement furent dès le début, et continuent à l’être, notre aspiration fondamentale.

    Mais le monarcho-fascisme et l’occupation étrangère répondent à tout cela par les assassinats, l’extermination générale, l’établissement d’un fascisme intégral et l’asservissement total de notre pays aux ploutocrates étrangers.

    A toute proposition de réconciliation ils répondent par de nouvelles opérations de nettoyage, cherchant vainement à assurer leur domination fasciste absolue.

    La Grèce, notre chère Patrie, est devenue aujourd’hui une jungle. où les cannibales du monarcho-fascime se livrent, sur les directives des étrangers, à des orgies effrénées et à des massacres sans précédent contre notre peuple.

    Le dernier accord gréco-américain couronne le crime commis contre l’intégrité et l’indépendance de notre pays. contre l’honneur national.

    Le mornarcho-fascisme s’est tellement avili et ses amis d’Ankara se sont enhardis à un tel point, que des unités entières de l’armée turque entrent librement et à toute heure dans le territoire grec de Thrace, préparant ainsi le terrain pour une occupation permanente de ces territoires avec la tolérance des monarcho-fascistes et la bénédiction de leurs patrons étrangers.

    Ainsi, à l’état où le monarcho-fascisme nous a réduit au cours de ces dernières deux années et demie, une seule question se pose à nous et à tous les grecs.

    Il ne s’agit plus d’une question individuelle, ni simplement EAM-ique ou démocratique. Il ne s’agit plus du combattant individuel qui s’est réfugié dans la montagne pour sauver sa vie.

    Il s’agit maintenant de l’existence même de la Grèce. La question qui se pose aujourd’hui est la suivante: la Grèce va-t-elle exister ou non.

    C’est ce dilemme qui est aujourd’hui posé par l’histoire et par la vie devant tous les grecs, devant tous ceux qui vivent dans notre pays.

    Et devant chacun de nous s’ouvrent deux voies:

    L’une s’appelle Honneur National. L’autre mène à la Trahison Nationale. »

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  • Le retour de Níkos Zachariádis en 1945

    Le paradoxe du gigantesque succès du KKE avec l’EAM et l’ELAS, c’est que le théoricien de la ligne de libération nationale qui amena cela n’était plus présent depuis plusieurs années.

    Arrêté en 1936 par la dictature de Ioánnis Metaxás, Níkos Zachariádis fut envoyé au camp de concentration de Dachau en 1941. Le KKE n’avait plus aucune nouvelle de lui depuis.

    Grande figure historique cependant du KKE – à ce titre, Níkos Zachariádis était très connu des masses – la nouvelle de son retour, annoncée le 1er mai 1945 dans l’organe du Parti Rizospastis, provoqua une onde de choc.

    Níkos Zachariádis était considéré comme le grand théoricien du KKE, celui qui avait développé la ligne juste, ce qui était systématiquement souligné dans les publications du Parti.

    Avec l’échec de décembre 1944, l’espoir était d’autant plus grand. Níkos Zachariádis formula d’ailleurs tout de suite une nouvelle ligne.

    Il expliqua que la Grèce était d’un côté un pays balkanique, de l’autre un pays méditerranéen. Cela signifiait, en pratique, qu’il y avait d’un côté une liaison avec des pays comme la Bulgarie et la Yougoslavie, passés dans le camp socialiste, et de l’autre une certaine dépendance envers l’impérialisme britannique qui considérait la zone comme sa chasse gardée.

    Etait donc nécessaire, effectivement comme demandé par les communistes de Bulgarie avec Georgi Dimitrov au KKE, une ligne de mouvement politique de masses, c’est-à-dire une ligne adaptée au contexte d’entre-deux de la Grèce, avec la dimension balkanique et la tendance au communisme, de l’autre la présence massive de l’impérialisme britannique.

    Ce dernier devait inévitablement chercher la stabilité et à moins de rayer le KKE de la carte, ce qu’il ne pouvait pas, il devait aller dans le sens de trouver un compromis. Le KKE devait donc assurer le maintien de la démocratie, que les masses voulaient, en tenant compte des limites historiques du moment.

    D’ailleurs, pour lui la défaite de décembre 1944 apparaissait comme inévitable en raison de la situation de la Grèce, de par la présence britannique.

    Níkos Zachariádis

    Níkos Zachariádis formula cette conception dans Rizospastis le 5 juin 1945 et le jour même il rencontra l’ambassadeur anglais ; il l’affirma de nouveau à la réunion du Comité Central du KKE trois semaines plus tard.

    Cependant, Níkos Zachariádis ajouta un aspect important. La réunion du Comité Central mentionna « certains cercles anglais à l’étranger » comme jouant un rôle particulièrement négatif et Níkos Zachariádis affirma même ouvertement le rôle négatif de la présence britannique, que le KKE n’avait jamais ouvertement dénoncé jusqu’à présent dans le contexte de la guerre mondiale :

    « Nous pouvons dire sans exagération que les autorités militaires et politiques britanniques ne témoignent pas d’une attitude démocratique et n’amènent pas à la réalisation des traités de Varkiza et Yalta. »

    De plus, la réunion du Comité Central appela à la formation généralisée de l’autodéfense autonome des masses (Μαζική Λαϊκή Αυτοάμυνα – MLA), avec des groupes organisés, des initiatives politiques, des grèves, jusqu’à la lutte armée en cas de danger.

    Níkos Zachariádis tint d’ailleurs un discours à Thessalonique le 24 août 1945 où était exigé un développement normal de la politique intérieure, affirmant que la passivité devant les attaques des monarcho-fascistes finiraient par avoir une réponse armée. 

    Juste auparavant, le 6 août, le KKE expliquait que dans la situation actuelle, aucune élection ne pouvait se tenir.

    Il est ici significatif que l’acte constitutionnel 26, promulgué le 24 mars 1945, décidant de purger de l’administration ceux ayant collaboré avec l’occupant nazi, suive l’acte constitutionnel 25, promulgué le 22 mars 1945, décidant de purger les personnes liées à la « mutinerie du 3 décembre 1944 ».

    L’acte 26 était de la poudre aux yeux pour prétendre rétablir l’ordre en général, alors que les persécutions se lançaient de manière généralisée contre les personnes liées de près ou de loin à l’EAM.

    Trois mois après, en juin 1945, seulement 18 000 personnes étaient poursuivis pour faits de collaboration, 1 100 étant en prison attendant leur procès, tandis que 48 956 personnes étaient emprisonnées pour liens avec l’EAM, le chiffre doublant quelques mois plus tard.

    Dans ce cadre, lors du VIIe congrès du KKE, début octobre 1945, Níkos Zachariádis critiqua de manière claire et nette les tendances considérant qu’une voie pacifique était possible, expliquant que depuis le traité de Varkiza il y avait eu une restauration de la monarcho-fascisme et que ce qui avait été possible auparavant ne l’est plus.

    Impossible par conséquent de ne pas considérer que le mouvement politique de masses devait également porter en lui la question de la lutte armée si les blocages s’avéraient trop importants. Níkos Zachariádis mit en place à ce titre une Commission militaire panhéllénique.

    Le lieu d’une bataille où des cadres de l’EPON résistèrent en 1944

    Naturellement, la question des modalités des élections allait s’avérer primordiale. Lorsque le gouvernement annonça le 5 octobre 1945 que celles-ci se tiendraient dès le 20 janvier 1946, ce fut considéré comme inacceptable par les libéraux, les socialistes, le parti paysan et le parti progressiste, et bien entendu le KKE.

    Il apparaissait pour toutes ces forces que les élections sous l’égide d’un gouvernement façonné par la Grande-Bretagne au moyen des partisans de la monarchie ne sauraient être libres.

    La Grande-Bretagne lâcha du lest et permit la formation en novembre 1945 d’un gouvernement d’orientation libérale, accepté également par le KKE, tout en refusant systématiquement le remplacement des officiers monarchistes et fascistes dans l’armée et la gendarmerie par des républicains.

    Devant le blocage de la situation et la continuation des actions terroristes d’extrême-droite soutenues par la Grande-Bretagne et l’appareil d’État grec, le KKE cessa en décembre son soutien au gouvernement, alors que Níkos Zachariádis fit réunir le Comité Central en janvier 1946, afin de préparer le tournant de la bataille pour l’indépendance nationale contre la Grande-Bretagne.

    Níkos Zachariádis

    La Commission militaire panhéllénique prépara alors des structures dans les montagnes pour des actions de partisans et l’EAM formula les points suivants pour accepter de participer aux élections : la formation d’un nouveau gouvernement avec une participation de l’EAM, le désarmement des groupes d’extrême-droite, l’amnistie pour les combattants de la résistance, une révision des listes électorales et enfin l’exclusion de l’armée, de la police et de l’administration des éléments ayant collaboré avec l’Allemagne nazie.

    Devant le refus de ce compromis, le KKE boycotta les élections, ainsi que les socialistes et la gauche en général.

    Sur 1 850 000 personnes pouvant voter, 743 000 s’abstinrent, le Parti Populaire et le Parti Libéral National, pro-monarchie, obtinrent 55 % des voix soit 206 sièges parlementaires, les fascistes issus de l’EDES du Parti National en eurent de leur côté 20, contre 68 pour les conservateurs de l’Union Politique Nationale et 48 pour les libéraux.

    C’était un signe du retournement de situation : les pro-monarchistes du parti populaire, pro-monarchie, passaient en quelques mois d’une situation d’inexistence concrète à l’obtention de 609 000 voix.

    Lors d’une réunion à Moscou en 1950, Staline critiqua la non-participation aux élections comme ayant été une erreur tactique, ce que Níkos Zachariádis reconnut.

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  • Les dekemvrianá et ses conséquences

    Winston Churchill, le Premier ministre anglais, avait exigé lors de la conférence de Moscou en octobre 1944 un découpage en zones d’influence, suivant les modalités suivantes : Hongrie et Yougoslavie : 50%- 50%, Roumanie : 10% – 90%, Bulgarie: 25% – 75% et Grèce : 90 % – 10%.

    Ces pourcentages n’ont aucune signification en soi, à part qu’ils signifiaient que l’impérialisme britannique ne tolérerait pas d’intervention ouverte de l’Armée rouge en Grèce.

    Impossible pour l’URSS de ne pas accepter cela, de par la nécessité de l’alliance générale contre l’Allemagne nazie – le risque n’étant pas de ne pas battre celle-ci, mais que celle-ci réussisse un retournement d’alliance avec les États-Unis et la Grande-Bretagne dans une optique anti-soviétique.

    Le KKE avait pris conscience de cet arrière-plan et à part le chef partisan Áris Velouchiótis, une tête brûlée à l’esprit aventurier qui sera exclu du KKE en 1945, il n’y avait pas l’idée d’un affrontement considéré comme impossible avec l’armée britannique.

    Restait toutefois la question de l’ELAS, que le KKE refusait d’insérer dans l’armée nationale nouvelle si la même dissolution ne se produisait pas pour la 3e brigade de montagne grecque et le Bataillon sacré.

    Le gouvernement d’union nationale procéda alors à l’exclusion du KKE et, en réponse, afin de faire une démonstration de force, le KKE appela à une vaste manifestation pour le 3 décembre 1944, avec une grève générale à partir du lendemain.

    La réponse de l’impérialisme britannique et des forces réactionnaires fut claire et nette, avec la police qui tira sans prévenir sur les manifestants, devant les journalistes massés sur les balcons de l’hôtel Grande-Bretagne et alors que les tanks britanniques étaient aux côtés de la police.

    Il y eut 28 morts et 140 blessés et même le quotidien conservateur The Times parla d’une « action fasciste ». Il apparaît que le signal fut donné par le chef de la police athénienne dans une action concertée, avec plusieurs groupes de tireurs, les tirs étant prévus pour quand la manifestation atteindrait la tombe du soldat inconnu.

    En réponse, l’ELAS occupa des commissariats dans la périphérie d’Athènes et la grève du 4 décembre fut un triomphe.

    Partant de quoi, le chef militaire britannique Ronald Scobie déclara l’état d’urgence, ce qui provoqua un affrontement armé, confiné à Athènes, entre l’ELAS et les forces britanniques faisant notamment venir la 4e division d’infanterie indienne d’Italie, utilisant les tanks et les avions de la Royal Air Force.

    L’ELAS sous-estima l’importance de prendre l’offensive, ne prenant jamais l’initiative dans une posture uniquement défensive, en ne mobilisant pas assez ses troupes hors d’Athènes pour renforcer sa présence dans la capitale.

    Aussi ce sont les forces britanniques qui prirent au fur et à mesure le dessus, alors qu’initialement, l’ELAS contrôlait les 9/10 d’Athènes.

    Toutefois, l’impérialisme britannique, par ce coup de force et son refus de la démission du gouvernement, étaient allé trop loin, même aux yeux des masses britanniques. Pour cette raison, il fallut temporiser et le Premier ministre Winston Churchill vint même à Athènes pour participer à une conférence le 25 décembre.

    Un cessez-le-feu fut alors mit en place ; cela revenait à une défaite de l’ELAS, qui de fait avait perdu 1/4 de ses effectifs, alors que les structures du KKE à Athènes et au Pirée, le bastion essentiel du Parti, avaient été démantelées.

    L’ELAS disposait toutefois encore de six divisions avec 40 000 partisans disposant de six mois de munitions, contrôlant la moitié du territoire, un tiers de la population.

    Aussi, les événements de décembre (Δεκεμβριανά, dekemvrianá), qui firent 7 000 morts, aboutirent alors au traité de Varkiza le 12 février 1945 : en échange du désarmement de l’ELAS, l’EAM pourrait librement participer aux élections et la première mettrait en place une constituante.

    Une amnistie fut également prévu, mais la nature politique fut souvent éludée pour arrêter les membres de l’EAM, de l’ELAS, du KKE : sur 16 700 prisonniers en octobre 1945, 2 896 l’était pour collaboration avec l’occupant, 7 077 l’était pour des délits et des crimes, alors que 6 027 personnes étaient emprisonnées en raison des dekemvrianá.

    Non seulement l’armée ne fut pas nettoyée de ses officiers liés à l’extrême-droite comme le prévoyait le traité de Varkiza, mais au contraire même elle s’ouvrit de manière résolue aux cadres monarchistes, fascistes, etc.

    De plus, si l’ELAS avait remis notamment pratiquement 49 000 fusils et pistolets, une centaine de pièces d’artillerie, 713 armes automatiques, etc., tout en conservant cependant 20 000 armes de manière clandestine, toutes les forces réactionnaires furent toujours plus appuyées par les forces britanniques pour lancer une vaste opération de terreur blanche.

    La gendarmerie et la garde nationale, les forces de sécurité gouvernementales, l’organisation X, les bataillons de sécurité ayant collaboré avec l’Allemagne nazie, etc., toutes ces forces s’unirent dans une grande opération d’arrestations, de torture, de meurtre, dans tout le pays.

    Entre février 1945 et mars 1946, l’EAM dut subir la mort de 1289 activistes, alors que 6 671 autres avaient été blessés, 31 632 torturés, 8624 emprisonnés, 165 femmes violées. 677 bureaux de l’EAM avaient été fermés.

    Voici par exemple ce qu’on lit dans une note adressée au Premier Ministre Voulgaris le 5 juin 1945, écrite par les les chefs politiques du Centre, à savoir les anciens présidents du Conseil Themistoklis Sofoulis, Georgios Kafandaris, Emmanuel Tsoudéros et Nikólaos Plastiras.

    « La terreur instaurée après les événements de décembre par l’extrême droite, dans tout le pays, s’amplifie tous les jours. Elle a pris un développement et une étendue qui rendent impossible la vie des citoyens non-royalistes et excluent méme la pensée qu’on puisse procéder à un plébiscite libre ou à des élections.

    Les organisations terroristes de l’extrême droite, dont les principales avaient été années en partie par les Allemands et avaient de toutes les manières collaboré avec eux, non seulement ne furent pas désarmées, non seulement ne sont pas poursuivies, mais encore collaborent ouvertement avec les agents de l’ordre en vue d’étouffer complètement toute pensée démocratique. »

    Dans certains cas, les armes remises par l’ELAS aboutirent même dans leurs mains et à cela s’ajouta la justice du nouvel État soumis à l’impérialisme britannique : en 1945, ce sont officiellement 48 956 personnes qui furent poursuivis pénalement.

    Dans ce climat, le KKE ne put rassembler que 40 000 personnes le premier mai 1945.

    A cela s’ajoute un élément essentiel : si les socialistes avaient maintenu leur soutien à l’EAM lors des dekemvrianá, la situation leur apparaissait désormais comme intenable et ils prirent leur autonomie complète en avril 1945, en unifiant leurs différentes structures.

    L’échec de décembre 1944 avait provoqué une année de 1945 catastrophique pour le KKE, alors que la victoire sur l’Allemagne nazie était scellée.

    Le bilan était, par ailleurs terrible. L’occupation nazie avait amené la mort de 260 000 personnes en raison de la famine, 70 000 tués par l’occupant, 60 000 morts en déportation, 15 000 morts au front en 1940 et en 1941, 6 000 partisans étaient morts au combat alors que 70 000 autres étaient blessés, 300 000 personnes étant des réfugiés, 500 000 des sans abris.

    70% des ponts étaient détruits, ainsi que 65% des véhicules motorisés ; la production agricole avait chuté de 50%, 95% des voies ferrés étaient endommagées.

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  • Le KKE, l’EAM et l’ELAS face à l’impérialisme britannique

    Si le KKE avait l’initiative jusque-là, la présence britannique allait se révéler être un énorme un obstacle. Cette question allait être au cœur du positionnement du KKE et la source de la guerre civile.

    Quelles sont les raisons à cela ? Déjà, parce que cela signifiait à court terme une reformation de l’EDES, qui put mener une dernière contre-offensive en janvier 1944, ce qui provoqua immédiatement une réponse acharnée de l’ELAS.

    Ensuite, parce que l’impérialisme britannique s’était placé au centre des négociations entre l’ELAS, l’EKKA et l’EDES.

    Enfin, parce qu’avec ce positionnement, l’impérialisme britannique appuyait tout azimut les initiatives anti-communistes, récupérant toutes les forces possibles, même celles ayant été auparavant des fervents soutiens de l’Allemagne nazie.

    Affiche de l’EPON, l’organisation panhellénique
    unifiée de la jeunesse, membre de l’EAM

    C’est-à-dire que l’impérialisme britannique avait comme objectif de réinstaurer la monarchie et de s’appuyer sur les forces d’extrême-droite les plus agressives, ainsi que sur les partis bourgeois traditionnels, pour liquider le KKE présenté comme la menace la plus grande.

    Et que, de l’autre côté, le KKE pensait se sortir de cette situation en assumant la position d’avant-garde républicaine, en s’appuyant sur le mouvement de masses, tout en sachant que la question militaire était essentielle.

    Les deux camps allaient placer leurs pions pendant l’année 1944, jusqu’à un mois de décembre qui s’avérera décisif pour l’avenir.

    Initialement, afin d’aller de l’avant, le KKE décida en mars 1944 de générer le PEEA (Πολιτική Επιτροπή Εθνικής Απελευθέρωσης – Comité politique de la libération nationale) comme gouvernement portant les exigences de l’EAM.

    Le KKE ne disposait que d’un membre sur les 10 du gouvernement, néanmoins il s’agissait du ministre de l’intérieur et, en plus de cela, le ministre de la guerre, le général Manolis Mandakas, lui était lié.

    Le PEEA fut un franc succès et en avril 1944 se tinrent des élections, ouvertes aux femmes, auxquelles participèrent un million de personnes, élisant 180 délégués se réunissant en mai 1944 en tant que parlement.

    L’impact fut si grand que l’Armée britannique fut forcée de dissoudre par la force les deux brigades grecques présentes en exil en Égypte, internant 10 000 soldats et officiers, afin d’empêcher une jonction générale entre ces forces pro-EAM et le PEEA.

    Cette dissolution jouera un rôle capital par la suite. Ces forces allaient manquer cruellement à l’EAM, alors ne subsistaient plus que deux forces intégralement dirigées par des officiers pro-royalistes et encadrées par les forces armées britanniques : la 3e brigade de montagne grecque qui participa notamment à la bataille de Rimini en Italie et le Bataillon sacré qui lutta notamment en Libye.

    En plus de cela, il y avait l’organisation X, structure d’extrême-droite supervisée par les forces britanniques et récupérant du matériel militaire allemand, dans l’unique optique de combattre l’ELAS.

    A cela s’ajoute aussi le soutien britannique à l’EKKA, qui mena une politique toujours plus provocatrice et agressive envers l’ELAS, ce qui aboutit à un affrontement et la liquidation militaire de l’EKKA par l’ELAS, notamment de sa principale unité le régiment 5/42, dont le dirigeant Dimitrios Psarros fut exécuté.

    L’impérialisme britannique jeta alors toutes ses forces dans une grande conférence au Liban en mai 1944, rassemblant toutes les forces politiques grecques, où le KKE, l’EAM, l’ELAS et le PEEA se retrouvèrent pratiquement sur le banc des accusés.

    La délégation du KKE ne voulut pas pour autant que les communistes soient considérés comme à l’origine de l’échec de la conférence et prirent par conséquent une ligne de compromis, qui fut toutefois considérée ensuite comme une ligne de compromission par la direction et la base du KKE.

    En conséquence de quoi, le camp monarchiste lié à l’impérialisme britannique fut entièrement rejeté dans la propagande de l’EAM ; il fut choisi de liquider entièrement les derniers restes de l’EDES également remis en place par l’impérialisme britannique.

    Celles se situaient, de fait, dans des zones contrôlées par l’Allemagne nazie dans une situation de coexistence pacifique. On lit ici parfaitement le double jeu des forces réactionnaires grecques, cessant aisément le combat anti-nazi selon les opportunités.

    L’année 1944 fut également marqué, du côté du KKE, par un contact enfin pris avec l’URSS, qui commença toute une joute diplomatique avec l’impérialisme britannique, à qui elle finit par annoncer en août 1944 l’envoi d’une mission militaire en Grèce.

    L’opération fut menée secrètement en juillet 1944, avec un avion partant pour un « exercice » depuis la base anglo-américaine de Bari en Italie pour aller chercher dix officiers soviétiques en Yougoslavie, deux sautant en parachute sur la Macédoine, les autres étant amenés en Thessalie.

    L’intervention de l’URSS permit un compromis général, le KKE et l’EAM acceptant finalement les résultats de la conférence au Liban et entrant de manière minoritaire dans un gouvernement national.

    Le KKE considérait que ce compromis lui permettait de se positionner positivement sur le plan politique, alors que de toutes façons il avait désormais au moins 250 000 membres, que l’EAM s’appuyait sur plus de 1,5 million de personnes, que l’ELAS disposait de 50 000 membres, plus 20 000 réservistes.

    Tout alla cependant très vite, dans la mesure où les victoires de l’armée rouge en Roumanie et en Bulgarie forcèrent l’armée allemande à quitter la Grèce à partir de la fin août 1944.

    Il fallait soit prendre le pouvoir directement – ce qui était militairement tout à fait possible à court terme, mais politiquement hautement risqué surtout avec l’image d’un affrontement avec l’armée britannique, membre des Alliés – soit passer cette opportunité historique et attendre les résultats de la participation au gouvernement d’union nationale.

    Par conséquent, le PEEA procéda à sa dissolution en novembre 1944, ce qui amena au premier plan la question de la nature de la démilitarisation de l’ELAS.

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  • La formation de l’ELAS

    L’opposition à l’occupation prit en Grèce rapidement un large aspect populaire, comme en témoigne la vague de grèves et de rassemblements à Athènes à la fin d’octobre 1941.

    Affiche de l’EAM
    contre l’invasion bulgare

    L’EAM, bien que très faible dans certaines zones, organisait notamment des cuisines populaires pour faire face à la famine ; cela restait embryonnaire, mais une dynamique s’affirmait.

    Cela aboutit notamment à la vaste grève à Athènes à l’été 1942, à laquelle participèrent les ouvriers d’une usine de caoutchouc pour l’Armée allemande, ceux du port, ceux des tramways et de la production d’électricité, des assurances, de quelques banques, des postes et télécommunications, etc.

    Il y eut de nombreuses condamnations à mort, mais la vague athénienne était irrépressible : 40 000 personnes manifestèrent en décembre 1942, prenant d’assaut le ministère du travail ; en février 1943, 100 000 personnes protestèrent contre la famine, le 3 mars 200 000 contre les déportations de travailleurs vers l’Allemagne, le 25 mars 300 000 pour saluer le jour de l’indépendance nationale.

    Une grève générale fut menée en juin 1943 en réponse à l’exécution d’otages par l’Armée allemande ; les cadres de l’EAM prenaient la parole en apparaissant subitement dans les cinémas, au théâtre, les magasins, en tenant des petits meetings improvisés, disparaissant rapidement, couverts par les gens présents.

    Le KKE savait que la lutte armée était inévitable s’il assumait sa stratégie et il entama un processus devant aboutir à une vaste formation de guérilla afin d’accompagner la progression de l’EAM.

    Celle-ci, une fois réorganisée à l’initiative du KKE, de manière plus centralisée, fut en mesure de généraliser les comités locaux, jusque dans les campagnes; à la fin de 1943, chaque localité avait pratiquement son comité local.

    Des expériences armées négatives purent être évaluées : la section de Macédoine, opérant de manière autonome, organisa des brigades de partisans à Nigrita et Kilkis, puis établit une organisation armée, Ελευθερία (Liberté), avec des officiers républicains, mais l’armée allemande fut rapidement en mesure d’écraser cette tentative, tout comme l’armée bulgare à Drama en Macédoine orientale.

    Le KKE organisa ainsi tout d’abord un centre militaire de la résistance, pour appeler en février 1942 à la formation de l’ELAS (Ελληνικός Λαϊκός Απελευθερωτικός Στρατός – Armée Grecque de Libération Populaire), qui commença effectivement ses opérations en juin 1942.

    Il existait différentes formations proches du principe de lutte armée, mais n’osant pas passer le pas de manière autonome. Il y avait ainsi des officiers républicains à Athènes organisés dans l’EDES (Εθνικός Δημοκρατικός Ελληνικός – Ligue Nationale Démocratique Grecque), ainsi qu’une structure similaire, l’EKKA (Εθνική και Κοινωνική Απελευθέρωσις – Libération Nationale et Sociale).

    L’EDES ne commença ses opérations qu’à l’été 1942 avec ses OEOA (Εθνικές Ομάδες Ελλήνων Ανταρτών – Groupes Nationaux des Partisans Grecs) et l’EKKA lors de l’hiver 1942, et encore cela fut-il fait sous la pression de l’impérialisme anglais, et en pratique en réponse aux initiatives de l’ELAS.

    De ce fait, il y eut véritablement une seule opération commune de l’ELAS et de l’EDES, soutenue par des saboteurs anglais, amenant la destruction du vaste viaduc de chemin de fer sur la rivière Gorgopotamos.

    Et encore cette opération fut menée alors que les Anglais ne voulaient en aucun cas travailler avec l’ELAS : ils n’eurent pas le choix, en raison de la faiblesse de l’EDES. A l’opération elle-même participèrent 52 membres de l’EDES et 86 de l’ELAS, dans un terrain d’opération de l’ELAS.

    La radio britannique, à l’annonce de l’opération, passa sous silence le rôle de l’ELAS ; fut même établie en Grèce une mission militaire britannique, cherchant à phagocyter la résistance. L’ironie de l’histoire que son dirigeant échappa à son arrestation grâce à l’EAM pourtant.

    Très rapidement, l’impérialisme anglais appuya donc l’EDES et l’EKKA contre l’ELAS, alors que celle-ci progressait sans commune mesure. Les campagnes de la zone italienne étaient pratiquement sous contrôle en 1943, et déjà des villes furent en mesure d’être temporairement libérées.

    Seule l’ELAS étaient présente dans tout le pays, alors que l’EDES n’agissait qu’en Epire, l’EKKA dans le Parnasse seulement, et désormais le PAO (Organisation pangrecque de libération) en Macédoine.

    L’ELAS passa également en 1943 d’une structure décentralisée d’unités de partisans à une hiérarchie régulière, avec des brigades, compagnies, régiments, divisions, avec un quartier-général dans le petit village montagnard de Pertouli.

    La sub-division de la direction du quartier-général fut reproduite à tous les échelles, avec à chaque fois un responsable militaire, un responsable politique de l’EAM, un responsable de l’approvisionnement et de la formation de la base.

    A l’automne 1943, l’ELAS est composée de 35 000 membres armés, plus une réserve de 30 000 personnes en attente en raison du manque de matériel.

    Dans toute une série de villages, un nouveau pouvoir est organisé, sur une base populaire, sur le modèle de l’expérience faite dans la région de l’Eurytanie, avec toute une codification juridique s’approfondissant toujours plus au moyen de commissions juridiques, à Athènes de l’EAM et issue d’Eurytanie, visant à renforcer l’organisation de la justice populaire.

    Même l’EDES et l’EKKA furent obligés de céder devant cette tendance, uniquement verbalement pour la première formation toutefois.

    Ce qui est frappant dans tout ce processus, c’est que le KKE n’a, à ce stade, toujours pas établi de lien avec l’URSS : il défend la même ligne, mais l’a établie seul et sait défendre son autonomie face à la mission militaire britannique tentant d’en prendre le contrôle, arrachant à celle-ci un accord militaire, ainsi qu’une réunion à la centrale générale anglaise au Proche-Orient, au Caire.

    Néanmoins, l’appui américain à l’impérialisme britannique fit échouer toute tentative de conciliation : pour ces deux forces, il s’agissait de rétablir la monarchie et de gagner du temps pour briser l’EAM et l’ELAS.

    L’ELAS dut affronter par ailleurs deux nouvelles forces à partir de 1943 : d’un côté, les bataillons de sécurité (Τάγματα Ασφαλείας) composés de 22 000 collaborateurs grecs servant l’Allemagne nazie qui enrôla ces forces pour faire face à l’abandon de la part de l’Italie, mais également des unités militaires royalistes tolérées par les forces d’occupation et attaquant exclusivement l’ELAS.

    De plus, l’EDES – qui initialement avait été porté par des sections socialistes, même si opposées au KKE – était rejointe massivement par des monarchistes à la même période, qui parvinrent même à contrôler la direction athénienne et établirent des rapports avec l’occupant nazi.

    La conséquence en fut des affrontements EDES/ELAS et la décision, de la part de l’ELAS, de liquider l’EDES. L’ELAS profita du départ des troupes italiennes, présentes notamment dans les territoires où elle était active, pour récupérer du matériel et redisposer ses forces.

    L’offensive anti-ELAS commença le 9 octobre 1943, interrompue à la fin du mois par une contre-offensive allemande de trois semaines. Toutefois, début décembre l’EDES avait été pratiquement anéantie, et le 14 décembre 1943, l’EAM appela à la formation d’un gouvernement d’union nationale.

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  • La formation de l’EAM – Front de Libération Nationale de la Grèce

    Le coup d’État d’août 1936 porta un coup terrible au KKE : 1 000 membres furent arrêtés, les archives du bureau politique furent découvertes par les services secrets et l’organisation clandestine démantelée, alors que 150 membres furent encore arrêtés en 1938.

    A la fin novembre 1939, l’ensemble du Comité Central de 1935 était en prison. Le régime pratiqua l’isolement et la torture, encourageant à des formes ouvertes de repentir, avec publications dans la presse, etc. Il mit même en place une fausse organisation du KKE se posant comme « direction provisoire » afin de saboter la reconstitution organisationnelle illégale du KKE.

    Ce dernier resta donc faible, avec environ 200 activistes en 1940, alors qu’au même moment il avait 2000 de ses membres dans les prisons ou placés en exil dans des îles par le régime.

    L’offensive italienne contre la Grèce changea entièrement la donne.

    L’offensive italienne immédiatement suivie d’une contre-attaque grecque réussie, de fin octobre à mi-novembre 1940
    La contre-offensive grecque
    de fin novembre 1940 jusqu’à avril 1941

    L’indépendance de la Grèce même étant menacée, il y avait une marge de manœuvre et Níkos Zachariádis en profita, avec une lettre ouverte au peuple grec, le 31 octobre 1940, qui fut publiée par la presse quotidienne d’Athènes le 2 novembre.

    L’aspect principal était l’agression de l’Italie fasciste, il fallait par conséquent l’unité nationale. Voici le contenu de la lettre :

    « Le fascisme de Mussolini a de manière meurtrière et impudente planté un couteau dans le dos de la Grèce afin de la soumettre et de la mettre en esclavage.

    Aujourd’hui, tous les Grecs luttent pour la liberté, pour l’honneur, pour notre indépendance nationale.

    La lutte va être très difficile et très dure. Mais une nation qui veut vivre doit combattre, méprisant les dangers et les sacrifices.

    Le peuple de Grèce mène aujourd’hui une guerre de libération nationale contre le fascisme de Mussolini.

    Aux côtés du front, chaque pierre, chaque ravin, chaque village, maison villageoise par maison villageoise, chaque ville, doit devenir une forteresse de la lutte de libération nationale.

    Chaque agent du fascisme doit être détruit sans pitié. Nous devons donner toute notre force, sans réserve, dans cette guerre dirigée par le gouvernement Metaxás.

    La récompense et le couronnement pour le peuple travailleur dans la guerre présente devra être et sera une nouvelle Grèce du travail, de la liberté, libérée de toute dépendance impérialiste étrangère. Avec une véritable culture populaire.

    Tout pour la lutte, chacun à sa place et la victoire sera la victoire de la Grèce et de son peuple. Les ouvriers du monde entier sont à nos côtés.

    Athènes, le 31 octobre 1940

    Níkos Zachariádis, secrétaire du Comité Central du KKE »

    Ce positionnement tablait sur le fait que le mouvement d’opposition à l’invasion portait en lui, nécessairement, un aspect démocratique qui pourrait triompher et qui était incontournable. La situation permettait de faire reculer Ioánnis Metaxás, obligé de reconnaître le KKE au moins partiellement par l’acceptation de la parution de la lettre ouverte au peuple grec, ainsi que de relancer le processus révolutionnaire.

    C’était un coup de maître, incompris par une partie de la base du KKE, qui fut alors paralysée pour un temps. Mais le plan stratégique était posé : Níkos Zachariádis avait bien synthétisé la situation et sa pensée correspondait aux exigences de l’époque.

    Níkos Zachariádis

    Initialement, la Grèce fut en mesure de battre l’Italie en 1940, réduisant en poussière les prétentions de Benito Mussolini. L’armée grecque repoussa l’armée italienne qui avait attaqué par l’Albanie jusqu’à soixante kilomètres au-delà de la frontière ; pendant seize mois, 27 divisions italiennes bien mieux équipées furent mises en échec par 16 divisions grecques.

    Toutefois, comme Níkos Zachariádis le constata dans deux autres lettres ouvertes qui ne furent pas publiées en raison de la censure, ainsi que dans une longue lettre au KKE, l’armée grecque avait un esprit offensif qui en réalité servait les intérêts anglais et était en décalage total avec les intérêts grecs.

    La conséquence de cette situation trop périlleuse pour l’Italie fut d’ailleurs que les troupes allemandes vinrent à la rescousse en 1941 à partir du 6 avril 1941 ; le 27 avril, elles occupaient déjà Athènes. Le gouvernement royaliste s’enfuit en Crète, puis au Caire ; le pays fut découpé en morceaux par l’Italie fasciste, l’Allemagne nazie et son allié bulgare.

    L’Allemagne nazie contrôlait Athènes, Thessalonique et tout l’arrière-pays, ainsi qu’une partie de la Crète et de nombreuses îles. La Bulgarie annexa la Macédoine et la Thrace occidentale, perdus lors de la guerre balkanique de 1913. Tout le reste du pays était occupé par l’Italie.

    Pendant le court laps de temps où la confusion prédominait, une partie des prisonniers politiques put s’enfuir et le KKE se réorganisa, ce qui passa par la mise au pas de directions parallèles et la republication, clandestinement, de l’organe du Parti, Rizospastis (Ριζοσπάστης, Le Radical).

    Quant à la ligne, elle fut immédiatement celle de Níkos Zachariádis, c’est-à-dire la guerre antifasciste de libération nationale. Ce fut toutefois Georgios Siantos qui devint le grand dirigeant du KKE, Níkos Zachariádis ayant été envoyé au camp de concentration de Dachau par l’Allemagne nazie.

    L’une des premières étapes du succès fut, dès 1941, l’unification des forces syndicales au sein de l’EEAM (Εργατικό Εθνικό Απελευθερωτικό Μέτωπο, Front Ouvrier de Libération Nationale), dont le dirigeant fut un cadre du KKE.

    L’EEAM se donnait comme tâches la défense des revendications économiques quotidiennes, des droits syndicaux, le soutien au mouvement de libération nationale et le rassemblement de toutes les forces de gauche dans la perspective de l’établissement d’un programme commun une fois la libération obtenue.

    C’était là une ligne tout à fait conforme au principe de Front populaire, aboutissant à une démocratie populaire.

    Dans la foulée, le KKE appela à la formation de l’EAM (Εθνικό Απελευθερωτικό Μέτωπο – Front de libération nationale), ce qui se réalisa le 27 septembre 1941 avec, aux côtés du KKE, le Parti Socialiste de Grèce, l’Union Socialiste pour la Démocratie populaire, le Parti Agraire.

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  • L’arrière-plan historique de la lutte du KKE

    L’histoire politique de la Grèce est marquée par la tentative de réaliser la « Grande Idée » et son échec avec la « grande catastrophe », c’est-à-dire que l’opposition à la domination ottomane réalisée par l’instauration d’une monarchie en 1832 s’est prolongée en un nationalisme ouvertement expansionniste, qui se brisa toutefois face à la Turquie.

    Au cours de ce processus, la Grèce put s’agrandir initialement, à la suite de la guerre balkanique de 1912-1913, sa population passant de 2,8 à 5 millions de personnes.

    Mais la Première Guerre mondiale et ses conséquences, avec l’apparition de la Turquie, eut comme résultat une défaite militaire complète en 1922, l’échange de population, avec un million et demi de chrétiens quittant l’Anatolie et la Thrace orientale (et 388 000 Turcs la Macédoine), provoquant un procès en Grèce contre les prétendus responsables de la défaite (le « procès des six », avec la condamnation à mort de cinq ministres et du chef de l’armée en Asie mineure), puis même l’effondrement de la monarchie en mars 1924.

    La grande figure historique du nationalisme libéral est alors Elefthérios Venizélos.

    Elefthérios Venizélos (1864-1936)

    Toutefois, le traumatisme de la perte de la présence grecque en Asie mineure, datant de 3000 ans, fut profond dans la société grecque ; à cela s’ajoute la perpétuelle agitation conservatrice, pro-monarchie.

    Aussi, le climat fut délétère dès le départ pour la jeune république : de 1924 à 1928, le pays connut trois élections, neuf tentatives de coup d’État, deux dictatures militaires.

    Une loi de 1929 interdit également l’appel à manifester et à faire grève, ainsi que toute critique ouverte du régime.

    Une réforme agraire fut en mesure d’affaiblir les grands propriétaires terriens, mais elle se fit uniquement au profit des réfugiés d’Asie mineure et ne permit pas non plus aux petits paysans d’avoir un niveau de vie suffisant pour s’en sortir.

    Les forces royalistes reprenant le dessus dans ce contexte et gagnant aux élections du 5 mars 1933, le général Nikólaos Plastíras tenta alors immédiatement un coup d’État pro-républicain, mais son échec amena la liquidation des cadres militaires républicains, avec le retour des officiers royalistes mis de côté en 1922.

    Nikólaos Plastíras

    Un autre coup d’État de ce type échoua en 1935, suivi d’un autre coup d’État pro-royaliste, la monarchie étant instaurée dès novembre 1935, avec un plébiscite officiel de 97 % des voix.

    Le Parti Communiste de Grèce, le KKE, apparut au cours de ce processus, comme force antifasciste.

    Son origine est la suivante : en novembre 1918 s’était fondé au Pirée un Parti Socialiste Ouvrier de Grèce (SEKE – Sosialistikó Ergatikó Kómma Elládas), se donnant comme objectif le renversement du régime. Au même moment s’était formée à Athènes une Confédération Générale des Travailleurs Grecs (GSEE), représentant 60 000 travailleurs.

    Les débuts du mouvement communiste en Grèce

    Le SEKE se rapprocha toujours davantage de l’Internationale Communiste, rejoignant en janvier 1920 ses sections bulgare et yougoslave dans une Union Communiste Balkanique, y adhérant officiellement en 1920 en tant que SEKE – communiste.

    Au second congrès de la GSEE, en septembre 1920, le SEKE – communiste fut alors la force dominante et si elle n’avait que 2 000 membres, mais obtint également 100 000 voix aux élections de novembre 1920.

    Il se bolchevisa et prit finalement le nom de Parti Communiste de Grèce – section grecque de l’Internationale Communiste (KKE/ETKD – Κομμουνιστικό Κόμμα Ελλάδας / Ελληνικό Τμήμα Κομμουνιστικής Διεθνούς).

    Les débuts furent très difficiles : il ne fit que 1,48 % aux élections de 1928, n’étant en mesure que de rassembler que 150 personnes le premier mai 1931 à Athènes. Néanmoins, sous l’impulsion de l’Internationale Communiste, Níkos Zachariádis prit à partir de décembre 1931 la direction du KKE et l’amena sur une ligne révolutionnaire.

    Le premier résultat fut un résultat d’un peu moins de respectivement 4,97 % et 4,64 % aux élections de septembre 1932 et de mars 1933, avec le Front Uni des Ouvriers, Paysans et Réfugiés.

    Si la moitié du KKE était composée de paysans, comptant 1500 membres en 1931, 6000 en 1934, 17500 en 1936, il n’obtenait pas plus de 1 % électoralement dans les campagnes, alors qu’il faisait pratiquement 10 % à Athènes, plus de 8,5 % au Pirée, plus de 20 % à Volos, plus de 15 % à Larissa.

    Le KKE ne fut pas en mesure d’établir un front d’unité antifasciste comme il le demanda en septembre 1934, cependant le 5 octobre 1934 un document antifasciste commun face à la menace de coup d’État fut signé par le KKE, le Parti socialiste, le Parti paysan, le Parti ouvrier social-démocrate, la Confédération Générale des Travailleurs Grecs (GSEE), le syndicat EGSEE lié au KKE comme scission syndicale de 1929, les syndicats ouvriers indépendants.

    Un rassemblement populaire en 1934

    Aucun progrès ne fut toutefois réalisé, les socialistes soutenant le coup d’État de mars 1935, le KKE s’y opposant. Aussi, le KKE mena à partir d’avril 1935 une intense propagande pour le Front populaire antifasciste, avec comme exigences notamment la séparation de l’Église et de l’État, l’abolition de l’état d’urgence, le droit de vote des femmes, la tenue d’élections libres aboutissant à une constituante, la journée de huit heures, l’assurance-chômage, la confiscation des grandes propriétés terriennes, ainsi que, par la suite, la lutte contre le danger de guerre.

    Les résultats élecotraux furent de 9,8 % en juin 1935, puis, aux élections de janvier 1936, de 5,76 % des voix avec le Laiko Metopo, le Front populaire, soit 15 députés au parlement, tous communistes de par le peu d’ampleur organisationnel du front en question.

    Le KKE apparut cependant comme force capable de faire basculer la victoire et le Parti libéral se tourna vers lui afin de soutenir la nomination de son premier ministre. Le KKE accepta, mais le roi refusa de nommer un premier ministre soutenu par les communistes.

    Le KKE fut, durant cette période, en mesure d’organiser 334 grèves, auxquelles participèrent 190 000 travailleurs ; des combats de rue se déroulèrent même à Thessalonique.

    L’armée à cheval, l’épée à la main contre les grévistes

    Un candidat apolitique à ce poste mourant entre-temps, c’est finalement l’ultra-réactionnaire Ioánnis Metaxás qui devient premier ministre en 1936, dans une ambiance de coup d’État, qui se réalisa de fait le 4 août face à l’agitation sociale.

    Ioánnis Metaxás mit en place un régime fasciste prétendant prendre Sparte comme modèle, alors que le théoricien du régime, Theologos Nikoloudis, expliquait qu’il y avait trois empires grecs : l’âge d’or avec Périclès, l’empire byzantin et désormais le nouveau régime.

    Ioánnis Metaxás prend le pouvoir en Grèce

    Le régime se maintiendra jusqu’en 1941 et l’effondrement sous la pression expansionniste de l’Italie fasciste alliée à l’Allemagne nazie, deux régimes servant pourtant pratiquement de modèle à Ioánnis Metaxás.

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  • Thèses pour la propagande parmi les femmes au troisième congrès de l’Internationale Communiste

    Thèses pour la propagande parmi les femmes

    PRINCIPES GÉNÉRAUX

    1. Le 3° Congrès de l’Internationale Communiste, conjointement avec la 2° Conférence Internationale des Femmes Communistes, confirme l’opinion du 1° et du 2° Congrès relativement à la nécessité pour tous les partis communistes d’Occident et d’Orient de renforcer le travail parmi le prolétariat féminin, et en particulier l’éducation communiste des grandes masses des ouvrières qu’il faut entraîner dans la lutte pour le pouvoir des soviets ou pour l’organisation de la République Ouvrière Soviétique.

    Pour la classe ouvrière du monde entier et par conséquent pour les ouvrières, la question de la dictature du prolétariat devient primordiale.

    L’économie capitaliste se trouve dans une impasse. Les forces productives ne peuvent plus se développer dans le cadre du régime capitaliste. L’impuissance de la bourgeoisie à faire renaître l’industrie, la misère grandissante des masses laborieuses, le développement de la spéculation, la décomposition de la production, le chômage, l’instabilité des prix, la cherté de la vie disproportionnée aux salaires, provoquent une recrudescence de la lutte de classes dans tous les pays.

    Dans cette lutte, Il est surtout question de savoir qui doit organiser la production d’une poignée de bourgeois et d’exploiteurs, sur les bases du capitalisme et de la propriété privée, ou de la classe des vrais producteurs, sur la base communiste.

    La nouvelle classe montante, la classe des vrais producteurs, doit, conformément aux lois du développement économique, prendre en mains l’appareil de production et créer les nouvelles formes économiques. C’est ainsi seulement qu’on pourra donner leur développement maximum aux forces productrices que l’anarchie de la production capitaliste empêche de donner tout le rendement dont elles sont capables.

    Tant que le pouvoir est entre les mains de la classe bourgeoise, le prolétariat est impuissant à rétablir la production.

    Aucune réforme, aucune mesure, proposées par les gouvernements démocratiques ou socialistes des pays bourgeois ne seront capables de sauver la situation et d’alléger les souffrances insurmontables des ouvriers, car ces souffrances sont un effet naturel de la ruine du système économique capitaliste et persisteront tant que le pouvoir sera entre les mains de la bourgeoisie. Seule la conquête du pouvoir par le prolétariat permettra à la classe ouvrière de s’emparer des moyens de production et de s’assurer ainsi la possibilité de rétablir l’économie dans son propre intérêt.

    Pour avancer l’heure de la rencontre décisive du prolétariat avec le monde bourgeois expirant, la classe ouvrière doit se conformer à la tactique ferme et intransigeante préconisée par là troisième Internationale. La réalisation de la dictature du prolétariat doit être à l’ordre du jour. C’est là le but qui doit définir les méthodes d’action et la ligne de conduite du prolétariat des deux sexes.

    Partant du point de vue que la lutte pour la dictature du prolétariat est à l’ordre du jour du prolétariat de tous les Etats capitalistes et que la construction du communisme est la tâche actuelle dans les pays où la dictature est déjà entre les mains des ouvriers, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste déclare que, aussi bien la conquête du pouvoir par le prolétariat que la réalisation du communisme dans les pays qui ont déjà renversé l’oppression bourgeoise ne sauraient être accomplies sans l’appui actif de la masse du prolétariat et du demi-prolétariat féminin.

    D’autre part le Congrès attire une fois de plus l’attention des femmes sur le fait que sans l’appui des Partis Communistes, les initiatives ayant pour but la libération de la femme, la reconnaissance de son égalité personnelle complète et son affranchissement véritable ne sont pas réalisables.

    2. L’intérêt de la classe ouvrière exige en ce moment avec une force particulière l’entrée des femmes dans les rangs organisés du prolétariat combattant pour le communisme ; il l’exige dans la mesure où la ruine économique mondiale devient de plus en plus intense et intolérable pour toute la population pauvre des villes et des campagnes et dans la mesure où, devant la classe ouvrière des pays bourgeois capitalistes, la révolution sociale s’impose inévitablement, tandis que devant le peuple laborieux de la Russie Soviétique se dresse la tâche de reconstruire l’économie nationale sur de nouvelles bases communistes. Ces deux tâches seront d’autant plus facilement réalisées que les femmes y prendront une part plus active, plus consciente et plus volontaire.

    3. Partout où la question de la conquête du pouvoir surgit directement, les partis communistes doivent savoir apprécier le grand danger que présente dans la révolution les masses inertes des ouvrières non entraînées dans le mouvement des ménagères, des employées, des paysannes non affranchies des conceptions bourgeoises, de l’Eglise et des préjugés, et non rattachées par un lien quelconque au grand mouvement de libération qu’est le communisme.

    Les masses féminines de l’Orient et de l’Occident non entraînées dans ce mouvement constituent inévitablement un appui pour la bourgeoisie, et un objet pour sa propagande contre-révolutionnaire. L’expérience de la révolution hongroise, au cours de laquelle l’inconscience des masses féminines a joué un si triste rôle, doit servir d’avertissement au prolétariat des pays arriérés entrant dans la voie de la révolution sociale.

    La pratique de la République Soviétique a montré à l’œuvre combien est essentielle la participation de l’ouvrière et de la paysanne tant à la défense de la République pendant la guerre civile que dans tous les domaines de l’organisation soviétique. On sait l’importance du rôle que les ouvrières et les paysannes ont déjà joué dans la République Soviétique, dans l’organisation de la défense, dans le renforcement de l’arrière, dans la lutte contre la désertion et contre toutes les formes de la contre-révolution, du sabotage. etc.

    L’expérience de la République Ouvrière doit être apprise et utilisée dans les autres pays.

    De tout ce que nous venons de dire résulte la tâche immédiate des Partis Communistes : étendre l’influence du Parti et du communisme aux vastes couches de la population féminine de leur pays, au moyen d’un organe spécial fonctionnant à l’intérieur du Parti et de méthodes particulières permettant d’aborder plus facilement les femmes pour les soustraire à l’influence des conceptions bourgeoises et à l’action des partis coalitionnistes, pour en faire de véritables combattantes pour l’affranchissement total de la femme.

    4. En imposant aux Partis Communistes d’Occident et d’Orient la tâche immédiate de renforcer le travail du Parti parmi le prolétariat féminin, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste montre en même temps aux ouvriers du monde entier que leur affranchissement de l’injustice séculaire, de l’esclavage et de l’inégalité, n’est réalisable que par la victoire du communisme.

    Ce que le communisme donnera à la femme, en aucun cas, le mouvement féminin bourgeois ne saurait le lui donner. Aussi longtemps qu’existera la domination du capital et de la propriété privée, l’affranchissement de la femme n’est pas possible.

    Le droit électoral ne supprime pas la cause première de l’asservissement de la femme dans la famille et dans la société et ne lui donne pas la solution du problème des rapports entre les deux sexes.

    L’égalité non formelle, mais réelle de la femme n’est possible que sous un régime où la femme de la classe ouvrière sera la maîtresse de ses instruments de production et de répartition, prenant part à leur administration et portant l’obligation du travail dans les mêmes conditions que tous les membres de la Société travailleuse ; en d’autres termes, cette égalité n’est réalisable qu’après le renversement du système capitaliste et son remplacement par les formes économiques communistes.

    Seul, le communisme créera un état de choses dans lequel la fonction naturelle de la femme, la maternité, ne sera plus en conflit avec les obligations sociales et n’empêchera plus son travail productif au profit de la collectivité. Mais le communisme est en même temps le but final de tout le prolétariat. Par conséquent la lutte de l’ouvrière et de l’ouvrier pour ce but commun doit, dans l’intérêt de tous les deux, être menée en commun et inséparablement.

    5. Le 3° Congrès de l’Internationale Communiste confirme les principes fondamentaux du marxisme révolutionnaire suivant lesquels il n’y a point de questions « spécialement féminines » ; tout rapport de l’ouvrière avec le féminisme bourgeois, de même que tout appui apporté par elle à la tactique de demi-mesures et de franche trahison des social-coalitionnistes et des opportunistes ne fait qu’affaiblir les forces du prolétariat et, en retardant la révolution sociale, empêche en même temps la réalisation du communisme, c’est-à-dire l’affranchissement de la femme.

    Nous n’atteindrons au communisme que par l’union dans la lutte de tous les exploités et non par l’union des forces féminines des deux classes opposées.

    Les masses prolétariennes féminines doivent dans leur propre intérêt soutenir la tactique révolutionnaire du Parti Communiste et prendre la part la plus active et la plus directe aux actions des masses et à la guerre civile sous toutes ses formes et sous tous ses aspects, tant dans le cadre national qu’à l’échelle internationale.

    6. La lutte de la femme contre sa double oppression : le capitalisme et la dépendance familiale et ménagère doit prendre, dans la phase prochaine de son développement, un caractère international se transformant en lutte du prolétariat des deux sexes pour la dictature et le régime soviétique sous le drapeau de la III° Internationale.

    7. En dissuadant les ouvrières de tous les pays de toute espèce de collaboration et de coalition avec les féministes bourgeoises, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste les prévient en même temps que tout appui fourni par elles à la II° Internationale ou aux éléments opportunistes qui s’en rapprochent ne peut que faire le plus grand mal à leur mouvement. Les femmes doivent toujours se rappeler que leur esclavage a toutes ses racines dans le régime bourgeois. Pour en finir avec cet esclavage, il faut passer à un ordre social nouveau.

    En soutenant les Internationales II et 2 1/2 et les groupes analogues, on paralyse le développement de la révolution, on empêche par conséquent la transformation sociale en éloignant l’heure de l’affranchissement de la femme.

    Plus les masses féminines s’éloigneront avec décision et sans retour de la II° Internationale et de l’Internationale 2 1/2, plus la victoire de la révolution sociale sera assurée. Le devoir des femmes communistes est de condamner tous ceux qui craignent la tactique révolutionnaire de l’Internationale Communiste et de s’appliquer fermement à les faire exclure des rangs serrés de l’Internationale Communiste.

    Les femmes doivent encore se rappeler que la II° Internationale n’a même pas essayé de créer un organisme destiné à la lutte pour l’affranchissement total de la femme. L’union internationale des femmes socialistes, dans la mesure où elle existe, a été établie en dehors du cadre de la II° Internationale, sur la propre initiative des ouvrières.

    La III° Internationale a formulé clairement, dès son premier congrès en 1919, son attitude sur la question de la participation des femmes à la lutte pour la dictature du prolétariat.

    C’est sur son initiative et avec sa participation que fut convoquée la première conférence des femmes communistes et qu’en 1920 fut fondé le secrétariat international pour la propagande parmi les femmes, avec représentation permanente au Comité Exécutif de l’Internationale Communiste. Le devoir des ouvrières conscientes de tous les pays est de rompre avec la II° Internationale et avec l’Internationale 2 1/2 et de soutenir fermement la politique révolutionnaire de l’Internationale Communiste.

    8. L’appui que donneront à l’Internationale Communiste les ouvrières et les employées doit se manifester tout d’abord par leur entrée dans les rangs des Partis Communistes de leurs pays.

    Dans les pays et dans les Partis où la lutte entre la II° et la III° Internationale n’est pas encore terminée, le devoir des ouvrières est de soutenir de toutes leurs forces le parti ou le groupe qui suit la politique de l’Internationale Communiste et de lutter impitoyablement contre tous les éléments hésitants ou ouvertement traîtres, sans tenir compte d’aucune autorité. Les femmes prolétaires conscientes luttant pour leur affranchissement ne doivent pas rester dans un parti non affilié à l’Internationale Communiste.

    Tout adversaire de la III° Internationale est un ennemi de l’affranchissement de la femme.

    Chaque ouvrière consciente d’Occident et d’Orient doit se ranger sous le drapeau révolutionnaire de l’Internationale Communiste. Toute hésitation des femmes du prolétariat à briser avec les groupements opportunistes ou avec les autorités reconnues, retarde les conquêtes du prolétariat sur le champ de bataille de la guerre civile, qui prend le caractère d’une guerre civile mondiale.

    MÉTHODES D’ACTION PARMI LES FEMMES

    Partant des principes ci-dessus indiqués, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste établit que le travail parmi le prolétariat féminin doit être mené par les Partis Communistes de tous les pays sur les bases suivantes :

    1. Admettre les femmes à titre de membres égaux en droits et en devoirs à tous les autres dans le Parti et dans toutes les organisations prolétariennes (syndicats, coopératives, conseils des anciens des usines, etc.)

    2. Se rendre compte de l’importance qu’il y a à faire participer activement les femmes à toutes les branches de la lutte du prolétariat (y compris sa défense militaire), de l’édification des nouvelles bases sociales, de l’organisation de la production et de l’existence selon les principes communistes.

    3. Reconnaître la maternité comme une fonction sociale, prendre et appliquer toutes mesures nécessaires à la défense de la femme dans sa qualité de mère.

    Tout en se déclarant énergiquement contre toute espèce d’organisation séparée de femmes au sein du Parti, des syndicats ou des autres associations ouvrières, le 3° Congrès de l’Internationale Communiste reconnaît la nécessité pour le Parti Communiste d’employer des méthodes particulières de travail parmi les femmes et estime utile de former dans tous les Partis Communistes des organes spéciaux chargés de ce travail.

    En cela le Congrès est guidé par les considérations suivantes :

     l’asservissement familial de la femme non seulement dans les pays bourgeois capitalistes, mais même dans les pays où existe déjà le régime soviétique, dans la phase de transition du capitalisme au communisme.

     la grande passivité et l’état politique arriéré des masses féminines, défauts expliqués par l’éloignement séculaire de la femme de la vie sociale et par son esclavage dans la famille.

     les fonctions spéciales imposées à la femme par la nature elle-même, c’est-à-dire la maternité et les particularités qui en découlent pour la femme, avec le besoin d’une plus grande protection de ses forces et de sa santé dans l’intérêt de toute la société.

    Ces organes pour le travail parmi les femmes doivent être des sections ou des commissions fonctionnant auprès de tous les Comités du Parti, à commencer par le Comité Central et jusqu’aux comités de quartier ou de district. Cette décision est obligatoire pour tous les Partis adhérant à l’Internationale Communiste.

    Le 3° Congrès de l’Internationale Communiste indique comme tâches des Partis Communistes à accomplir par l’intermédiaire des sections pour le travail parmi les femmes :

    1. Eduquer les grandes masses féminines dans l’esprit du communisme et les attirer dans les rangs du Parti.

    2. Combattre les préjugés relatifs aux femmes dans les masses du prolétariat masculin, en renforçant dans l’esprit des ouvriers et des ouvrières l’idée de la solidarité des intérêts des prolétaires des deux sexes.

    3. Affermir la volonté de l’ouvrière en l’utilisant dans la guerre civile sous toutes ses formes et aspects, éveiller son activité en la faisant participer aux actions de masses, à la lutte contre l’exploitation capitaliste dans les pays bourgeois (contre la cherté de la vie, la crise du logement et le chômage), à l’organisation de l’économie communiste et de l’existence en général dans les républiques soviétiques.

    4. Mettre à l’ordre du jour du Parti et des institutions législatives les questions relatives à l’égalité de la femme et à sa défense comme mère.

    5. Lutter systématiquement contre l’influence de la tradition, des mœurs bourgeoises et de la religion, afin de préparer la voie à des rapports plus sains et plus harmonieux entre les sexes et à l’assainissement moral et physique de l’humanité travailleuse.

    Tout le travail des sections féminines devra être fait sous la direction immédiate et sous la responsabilité des comités du Parti.

    Parmi les membres de la commission ou de la direction des sections devront figurer aussi, dans la mesure du possible, des camarades communistes hommes.

    Toutes les mesures et toutes les tâches qui s’imposent aux commissions et aux sections des ouvrières devront être réalisées par elles, d’une manière indépendante, mais dans les pays des Soviets par l’intermédiaire des organes économiques ou politiques respectifs (sections des Soviets, Commissariats, Commissions, Syndicats, etc.) et dans les pays capitalistes avec l’aide des organes correspondants du prolétariat (syndicats conseils, etc.).

    Partout où des Partis Communistes ont une existence légale ou semi-légale, ils doivent former un appareil illégal pour le travail parmi les femmes. Cet appareil doit être subordonné et adapté à l’appareil illégal du parti dans son ensemble. Là, comme dans l’appareil légal, chaque Comité doit comprendre une camarade, chargée de diriger la propagande illégale parmi les femmes.

    Dans la période actuelle, les syndicats professionnels et de production doivent être pour les Partis Communistes le terrain fondamental du travail parmi les femmes, tant pour les pays où la lutte pour le renversement du joug capitaliste n’est pas encore terminée que dans les républiques ouvrières soviétiques.

    Le travail parmi les femme doit être mené dans l’esprit suivant : unité dans la ligne politique et dans la structure du parti, libre initiative des commissions et des sections dans tout ce qui tend à procurer à la femme sa complète libération et égalité, ce qui ne saurait être pleinement obtenu que par le Parti, en entier. Il ne s’agit pas de créer un parallélisme, mais de compléter les efforts du Parti par l’activité et l’initiative créatrices de la femme.

    LE TRAVAIL POLITIQUE DU PARTI PARMI LES FEMMES DANS LES PAYS DE RÉGIME SOVIÉTIQUE

    Le rôle des sections dans les républiques soviétiques consiste à éduquer les masses féminines dans l’esprit du communisme en les entraînant dans les rangs du Parti Communiste ; il consiste encore à développer l’activité, l’initiative de la femme en l’attirant dans le travail de construction du communisme et en en faisant un ferme défenseur de l’Internationale Communiste.

    Les sections doivent par tous les moyens faire participer la femme à toutes les branches de l’organisation soviétique, depuis la défense militaire de la République jusqu’aux plans économiques les plus compliqués.

    Dans la République Soviétique, les sections doivent veiller à l’application des décisions du 3° Congrès des Soviets concernant la participation des ouvrières et des paysannes à l’organisation et à la construction de l’économie nationale, ainsi qu’à tous les organes dirigeants et administratif, contrôlant et organisant la production.

    Par l’intermédiaire de leurs représentants et par les organes du Parti, les sections doivent collaborer à l’élaboration de nouvelles lois et à la modification de celles qui doivent être transformées en vue de l’affranchissement réel de la femme. Les sections doivent faire preuve d’initiative particulière pour le développement de la législation protégeant le travail de la femme et des mineurs.

    Les sections doivent entraîner le plus grand nombre possible d’ouvrières et de paysannes dans les campagnes pour l’élection des Soviets et veiller à ce que parmi les membres de ceux-ci et des Comités Exécutifs soient aussi élues des ouvrières et des paysannes.

    Les sections doivent favoriser le succès de toutes les campagnes politiques et économiques menées par le Parti.

    C’est encore le rôle des sections de veiller au perfectionnement et à la spécialisation du travail féminin par l’expansion de l’enseignement professionnel, en facilitant aux ouvrières et aux paysannes l’accès des établissements correspondants.

    Les sections veilleront à l’entrée des ouvrières dans les commissions pour la protection du travail fonctionnant dans les entreprises et au renforcement de l’activité des commissions de secours et de protection de la maternité et de l’enfance.

    Les sections faciliteront le développement de tout le réseau d’établissements publics comme orphelinats. blanchisseries, ateliers de réparations, institutions d’existence sur les nouvelles bases communistes, allégeront pour les femmes le fardeau de l’époque de transition, amèneront leur indépendance matérielle et feront de l’esclave domestique et familial la libre collaboratrice du créateur des nouvelles formes de vie.

    Les sections devront faciliter l’éducation des femmes membres des syndicats dans l’esprit du communisme par l’intermédiaire des organisations pour le travail parmi les femmes, constituées par les fractions communistes des syndicats.

    Les sections veilleront à ce que les ouvrières assistent régulièrement aux réunions des déléguées d’usines et de fabriques.

    Les sections répartiront systématiquement les déléguées du Parti comme stagiaires dans les différentes branches de travail : soviets, économie nationale, syndicats.

    DANS LES PAYS CAPITALISTES

    Les tâches immédiates des commissions pour le travail parmi les femmes sont déterminées par les conditions objectives. D’une part : la ruine de l’économie mondiale, l’aggravation prodigieuse du chômage, ayant pour conséquences particulières la diminution de la demande de main-d’œuvre féminine et l’augmentation de la prostitution, de la cherté de la vie, de la crise du logement, de la menace de nouvelles guerres impérialistes ; d’autre part : les incessantes grèves économiques dans tous les pays, les tentatives renouvelées de soulèvement armé du prolétariat, l’atmosphère de plus en plus étouffante de la guerre civile s’étendant sur le monde entier, tout cela apparaît comme le prologue de l’inévitable révolution sociale mondiale.

    Les commissions féminines doivent mettre en avant les tâches de combat du prolétariat, mener la lutte pour les revendications du Parti Communiste, faire participer la femme à toutes les manifestations révolutionnaires des communistes contre la bourgeoisie et les socialistes coalitionnistes.

    Les commissions veilleront, non seulement à ce que les femmes soient admises avec les mêmes droits et les mêmes devoirs que les hommes dans le Parti, dans les syndicats et dans les autres organisations ouvrières de lutte de classes, en combattant toute séparation et toute particularisation de l’ouvrière, mais encore à ce que les ouvrières soient élues à l’égal des ouvriers dans les organes dirigeants des syndicats et des coopératives.

    Les commissions aideront les grandes masses du prolétariat féminin et des paysannes à exercer leurs droits électoraux aux élections parlementaires et autres en faveur du Parti Communiste, tout en faisant ressortir le peu de valeur de ces droits tant pour l’affaiblissement de l’exploitation capitaliste que pour l’affranchissement de la femme, et en opposant au parlementarisme le régime soviétique.

    Les commissions devront aussi veiller à ce que les ouvrières, les employées et les paysannes prennent une part active et consciente aux élections des soviets révolutionnaires, économiques et politiques de délégués ouvriers. Elles s’efforceront d’éveiller l’activité politique chez les ménagères et de propager l’idée des Soviets particulièrement parmi les paysannes.

    Les commissions consacreront la plus grande attention à l’application du principe « à travail égal, salaire égal ».

    Les commissions devront entraîner les ouvrières dans cette campagne par des cours gratuits et accessibles à tous et de nature à relever la valeur de la femme.

    Les commissions doivent veiller à ce que les femmes communistes collaborent à toutes les institutions législatives, municipales, pour préconiser dans ces organes la politique révolutionnaire de leur parti.

    Mais tout en participant aux institutions législatives, municipales et aux autres organes de l’Etat bourgeois, les femmes communistes doivent suivre strictement les principes et la tactique du Parti.

    Elles doivent se préoccuper non pas d’obtenir des réformes sous le régime capitaliste, mais de tâcher de transformer toutes revendications des femmes laborieuses en mots d’ordre de nature à éveiller l’activité des masses et à diriger ces revendications sur la route de la lutte révolutionnaire et de la dictature du prolétariat.

    Les commissions doivent dans les Parlements et dans les municipalités rester en contact étroit dans les fractions communistes et délibérer en commun sur tous les projets relatifs aux femmes.

    Les commissions devront expliquer aux femmes le caractère arriéré et non économique du système des ménages isolés, le défaut de l’éducation bourgeoise donnée aux enfants, en groupant les forces des ouvrières sur les questions de l’amélioration réelle de l’existence de la classe ouvrière, questions soulevées par le Parti.

    Les commissions devront favoriser l’entraînement dans le Parti Communiste des ouvrières, membres des syndicats, et les fractions communistes de ces derniers devront détacher dans ce but des organisateurs pour le travail parmi les femmes agissant sous la direction du Parti et les sections locales.

    Les commissions d’agitation parmi les femmes devront diriger leur propagande de telle sorte qu’elles obtiennent que les femmes prolétaires répandent dans les coopératives l’idée du communisme et, en pénétrant dans la direction de ces coopératives, arrivent à les influencer et à les gagner, étant donné que ces organisations auront une très grande importance comme organes de répartition pendant et après la révolution. Tout le travail des commissions doit tendre vers ce but unique : le développement de l’activité révolutionnaire des masses afin de hâter la révolution sociale.

    DANS LES PAYS ÉCONOMIQUEMENT ARRIÉRÉS (L’ORIENT)

    Le Parti Communiste de concert avec les sections doit obtenir dans les pays à faible développement industriel la reconnaissance de l’égalité en droits et en devoirs de la femme dans le Parti, dans les syndicats et dans les autres organisations de la classe ouvrière.

    Les sections et les commissions doivent lutter contre les préjugés, les mœurs et les habitudes religieuses pesant sur la femme et mener la propagande parmi les hommes aussi.

    Le Parti Communiste et ses sections ou commissions doivent appliquer les principes de l’égalité des droits de la femme dans l’éducation des enfants, dans les rapports familiaux et dans la vie publique.

    Les sections chercheront appui pour leur travail avant tout dans la masse des ouvrières travaillant à domicile (petite industrie), des travailleuses des plantations de riz, de coton et autres, en favorisant la formation partout où elle est possible (et en premier lieu parmi les peuples de l’Orient vivant dans les confins de la Russie Soviétique), d’ateliers corporatifs, de coopératives de petite industrie, et en facilitant ainsi partout l’entrée des ouvrières des plantations dans les syndicats.

    Le relèvement du niveau général de culture de la masse est un des meilleurs moyens de lutte contre la routine et les préjugés religieux répandus dans le pays. Les commissions doivent donc favoriser le développement des écoles pour adultes et pour enfants et en rendre l’accès facile aux femmes. Dans les pays bourgeois, les commissions doivent mener une agitation directe contre l’influence bourgeoise dans les écoles.

    Partout où il est possible de le faire, les sections et les commissions doivent mener la propagande à domicile, elles doivent organiser des clubs d’ouvrières et y attirer celle-ci, et en général les éléments féminins les plus arriérés. Les clubs doivent être des foyers de culture et d’instruction et des organisations modèles montrant ce que peut faire la femme pour son propre affranchissement et son indépendance (organisation de crèches, de jardins d’enfants, d’écoles primaires pour adultes, etc.).

    Chez les peuples menant une vie nomade il faudra organiser des clubs ambulants.

    Les sections doivent, de concert avec les Partis, dans les pays de régime soviétique, contribuer à faciliter la transition de la forme économique capitaliste à la forme de production communiste, en plaçant l’ouvrière devant cette réalité évidente que l’économie domestique et la famille, telles qu’elles étaient jusqu’à présent, ne peuvent que l’asservir tandis que le travail collectif la libérera.

    Parmi les peuples orientaux vivant en Russie Soviétique, les sections doivent veiller à ce que soit appliquée la législation soviétique égalisant la femme dans ses droits par rapport à l’homme et défendant ses intérêts. Dans ce but, les sections doivent faciliter aux femmes l’accès aux fonctions de jurés dans les tribunaux populaires.

    Les sections doivent également faire participer la femme aux élections aux Soviets, et veiller à ce que les ouvrières et les paysannes entrent dans les Soviets et les Comités Exécutifs. Le travail parmi le prolétariat féminin de l’Orient doit être mené sur la plate-forme de la lutte de classes. Les sections révéleront l’impuissance des féministes à trouver une solution aux différentes questions de l’affranchissement de la femme ; elles utiliseront les forces intellectuelles féminines (par ex. les institutrices) pour répandre l’instruction dans les pays soviétiques de l’Orient. Tout en évitant les attaques grossières et sans tact aux croyances religieuses et aux traditions nationales, les sections et les commissions travaillant parmi les femmes de l’Orient, devront nettement lutter contre l’influence du nationalisme et de la religion sur les esprits.

    Toute l’organisation des ouvrières doit être basée, en Orient tout comme en Occident, non pas sur la défense des intérêts nationaux, mais sur le plan de l’union du prolétariat international des deux sexes dans les tâches communes de classe.

    La question du travail parmi les femmes d’Orient, étant de grande importance et en même temps présentant un nouveau problème pour les partis communistes, doit être détaillée par une instruction spéciale sur les méthodes de travail parmi les femmes de l’Orient, appropriées aux conditions des pays orientaux. L’instruction sera adjointe aux thèses.

    MÉTHODES D’AGITATION ET DE PROPAGANDE

    Pour accomplir la mission fondamentale des sections, c’est-à-dire l’éducation communiste des grandes masses féminines du prolétariat et le renforcement des cadres des champions du communisme, il est indispensable que tous les Partis Communistes d’Orient et d’Occident s’assimilent le principe fondamental du travail parmi les femmes, qui est celui-ci : « Agitation et propagande par le fait ».

    Agitation par le fait veut dire avant tout : action pour éveiller l’initiative de l’ouvrière, détruire son manque de confiance en ses propres forces et, en l’entraînant au travail pratique dans le domaine de l’organisation et de la lutte, pour lui apprendre à comprendre par la réalité que toute conquête du Parti Communiste, toute action contre l’exploitation capitaliste, est un progrès soulageant la situation de la femme. « De la pratique à l’action, à la reconnaissance de l’idéal du communisme et de ses principes théoriques », telle est la méthode avec laquelle les Partis Communistes et leurs sections féminines devront aborder les ouvrières.

    Pour être réellement des organes d’action et pas seulement de propagande orale, les sections féminines doivent s’appuyer sur les noyaux communistes des entreprises et des ateliers et charger, dans chaque noyau communiste, un organisateur spécial du travail parmi les femmes de l’entreprise ou de l’atelier.

    Avec les syndicats, les sections devront entrer en rapports par l’intermédiaire de leurs représentants ou de leurs organisateurs, désignés par la fraction communiste du syndicat et menant leur travail sous la direction des sections.

    La propagande de l’idée communiste par le fait consiste, dans la Russie des Soviets, à faire entrer l’ouvrière, la paysanne, la ménagère et l’employée dans toutes les organisations soviétiques, en commençant par l’armée et la milice et en finissant par toutes les institutions visant à l’affranchissement de la femme : alimentation publique, éducation sociale, protection de la maternité, etc. Une tâche particulièrement importante, c’est la restauration économique sous toutes ses formes, à laquelle il faut entraîner l’ouvrière.

    La propagande par le fait dans les pays capitalistes tendra avant tout à entraîner l’ouvrière dans les grèves, dans les manifestations et dans l’insurrection sous toutes ses formes, qui trempent et élèvent la volonté et la conscience révolutionnaires, dans toutes les formes du travail politique, dans le travail illégal (particulièrement dans les services de liaison) dans l’organisation des samedis et des dimanches communistes, par lesquels les ouvrières sympathisantes, les employées apprendront à se rendre utiles au Parti, par le travail volontaire.

    Le principe de la participation des femmes à toutes les campagnes politiques, économiques ou morales entreprises par le Parti Communiste sert également le but de la propagande par le fait. Les organes de propagande parmi les femmes auprès des Partis communistes doivent étendre leur activité dans des catégories de plus en plus nombreuses de femmes socialement exploitées et enchaînées dans les pays capitalistes et, parmi les femmes des Etats soviétiques affranchir leur esprit enchaîné par des superstitions et des survivances du vieil ordre social. Ils devront s’attacher à tous les besoins et à toutes les souffrances, à tous les intérêts et à toutes les revendications par lesquelles les femmes se rendront compte que le capitalisme devra être écrasé comme leur ennemi mortel et que les voies doivent être frayées au communisme, leur libérateur.

    Les sections doivent mener méthodiquement leur agitation et leur propagande par la parole, en organisant des réunions dans les ateliers et des réunions publiques soit pour les ouvrières et employées de différentes branches d’industrie, soit pour les ménagères et pour les travailleuses de toutes branches, par quartiers, rayons de la ville, etc.

    Les sections doivent veiller à ce que les fractions communistes des syndicats, des associations ouvrières, des coopératives élisent des organisateurs et agitateurs spéciaux pour faire le travail communiste dans les masses féminines des syndicats, coopératives, associations. Les sections doivent veiller à ce que dans les Etats Soviétiques, les ouvrières soient élues aux conseils d’industrie et à tous les organes chargés de l’administration, du contrôle et de la direction de la production.

    Bref, les ouvrières doivent être élues à toutes les organisations qui, dans les pays capitalistes, servent aux masses exploitées et opprimées dans leur lutte pour la conquête de pouvoir politique ou, dans les Etats Soviétiques, servent à la défense de la dictature du prolétariat et à la réalisation du communisme.

    Les sections doivent déléguer des femmes communistes éprouvées dans les industries, les plaçant comme ouvrières ou comme employées là où un grand nombre de femmes travaillent, comme cela est pratiqué en Russie Soviétique ; on installe aussi ces camarades dans de grandes circonscriptions et centres prolétariens.

    Suivant l’exemple du Parti Communiste de la Russie Soviétique, qui organise des réunions de délégués et des conférences de déléguées sans parti, lesquelles ont toujours un succès considérable, les sections féminines des pays capitalistes doivent organiser des réunions publiques d’ouvrières, de travailleuses de toutes sortes, paysannes, ménagères, réunions qui s’occupent des besoins, des revendications des femmes laborieuses et qui doivent élire des comités ad-hoc, approfondir les questions soulevées en contact permanent avec leurs mandataires et les sections féminines du parti. Les sections doivent envoyer leurs orateurs prendre part aux discussions dans les réunions des partis hostiles au communisme.

    La propagande et l’agitation au moyen des réunions et d’autres institutions semblables doivent être complétées par une agitation méthodique et prolongée poursuivie dans les foyers. Toute communiste chargée de cette besogne devra visiter tout au plus dix femmes à domicile, mais elle devra le faire régulièrement, au moins une fois par semaine et à chaque action importante des Partis Communistes et des masses prolétariennes.

    Les sections doivent créer et répandre une littérature simple, convenable, de brochures et feuilles volantes de nature à exhorter et à grouper les forces féminines.

    Les sections doivent veiller à ce que les femmes communistes utilisent de la manière la plus active toutes les institutions et moyens d’instruction du Parti. Afin d’approfondir la conscience et de tremper la volonté des communistes encore retardataires et des femmes laborieuses s’éveillant à l’activité, les sections doivent les inviter aux cours et discussions du Parti. Des cours séparés, des soirées de lecture et de discussion pour les ouvrières seules, peuvent être organisés seulement en cas d’exception.

    Afin de développer l’esprit de camaraderie entre ouvrières et ouvriers, il est désirable de ne point créer de cours et d’écoles spéciales pour les femmes communistes ; dans chaque école du Parti, il doit obligatoirement y avoir un cours sur les méthodes du travail parmi les femmes. Les sections ont le droit de déléguer un certain nombre de leurs représentantes aux cours généraux du Parti.

    STRUCTURE DES SECTIONS

    Des commissions pour le travail parmi les femmes seront organisées auprès des comités régionaux et de district et enfin auprès du Comité Central du Parti.

    Chaque pays décide lui-même des membres de la section. C’est de même au parti des différents pays qu’est donnée la liberté de fixer selon les circonstances le nombre des membres de la section appointés par le Parti.

    La directrice de la section devra être en même temps membre du Comité local du Parti. Au cas où ce cumul ne se rencontrerait pas, elle devra assister à toutes les séances du Comité avec voix délibérative sur les questions concernant la section des femmes, et voix consultative sur toutes les autres questions.

    Outre les tâches générales énumérées ci-dessous, incombant aux sections et aux commissions locales, elles seront chargées des fonctions suivantes : maintien de la liaison entre les différentes sections de la région et avec la section centrale, réunions d’information sur l’activité des sections et des commissions de la région, échange d’informations entre les différentes sections de la région et avec la section centrale, réunions d’information sur l’activité des sections et des commissions de la région, échange d’informations entre les différentes sections, fourniture de littérature à la région ou province ; distribution des forces d’agitation, mobilisation des forces du Parti pour le travail parmi les femmes ; convocation au moins deux fois par an de conférences régionales des femmes communistes, des représentantes des sections à raison de une à deux par section, enfin organisation de conférence d’ouvrières et de paysannes sans-parti.

    Les sections régionales (de province) se composent de cinq à sept membres, les membres du Bureau sont nommés par le Comité correspondant du Parti sur présentation de la directrice de la section ; celle-ci est élue de même que les autres membres du comité de district ou de province à la conférence correspondante du Parti.

    Les membres des sections ou des commissions sont élues à la conférence générale de la ville, du district ou de la province, ou encore sont nommées par les sections respectives en contact avec le Comité du Parti. La commission Centrale pour le travail parmi les femmes se compose de 2 à 5 membres dont une au moins est payée par le Parti.

    Outre toutes les fonctions énumérées plus haut pour les sections régionales, la Commission centrale aura encore les tâches suivantes : instructions à donner aux localités et à leurs militantes ; contrôle du travail des sections, répartition, en contact avec les organes correspondants du Parti, des forces menant le travail parmi les femmes, contrôle par l’intermédiaire de leur représentant ou de leur chargé de pouvoir des conditions et du développement du travail féminin sur la base des transformations juridiques ou économiques nécessaires dans la situation de la femme ; participation des représentants, des chargés de pouvoir, aux commissions spéciales étudiant l’amélioration de l’existence de la classe ouvrière, de la protection du travail, de l’enfance, etc. ; publication d’une « feuille » centrale et rédaction de journaux périodiques pour les ouvrières ; convocation au moins une fois par an des représentantes de toutes les sections provinciales, organisation d’excursions de propagande à travers tout le pays, envoi d’instructeurs du travail parmi les femmes ; entraînement des ouvrières a participer dans toutes les sections à toutes les campagnes politiques et économiques du Parti ; liaison permanente avec le secrétariat international des femmes communistes et célébration annuelle de la journée internationale de l’ouvrière.

    Si la directrice de la section des femmes auprès du Comité Central n’est pas membre de ce Comité, elle a le droit d’assister à toutes les séances avec voix délibérative sur les questions concernant la section, avec voix consultative sur toutes les autres. Elle est ou bien nommée par le Comité Central du Parti ou bien élue au congrès général de ce dernier. Les décisions et les arrêts de toutes les commissions doivent être confirmés par le Comité respectif du Parti.

    LE TRAVAIL À L’ÉCHELLE INTERNATIONALE

    La direction du travail des Partis Communistes de tous les pays, la réunion des forces ouvrières, la solution des tâches imposées par l’Internationale Communiste et l’entraînement des femmes de tous les pays et de tous les peuples dans la lutte révolutionnaire pour le Pouvoir des Soviets et la dictature de la classe ouvrière à l’échelle mondiale, incombent au secrétariat international féminin auprès de l’Internationale Communiste.

    Le nombre des membres de la Commission Centrale et le nombre des membres avec voix délibérative sont fixés par le Comité Central du Parti.

    Résolution concernant les relations internationales des femmes communistes et le secrétariat féminin de l’Internationale Communiste

    (adoptée dans la séance du 12 juin, après le rapport de la camarade Kollontaï et après l’amendement de la camarade Zetkin.)

    La 2° Conférence Internationale des Femmes Communistes propose aux partis communistes de tous les pays d’Occident et d’Orient de faire élire par leur Section Centrale Féminine, suivant les directives de la III° Internationale, des correspondantes internationales. Le rôle de la correspondante de chaque parti communiste est, comme les « directives » l’indiquent, d’entretenir des rapports réguliers avec les correspondantes internationales des autres pays ainsi qu’avec le Secrétariat International Féminin de Moscou qui est l’organe de travail de l’Exécutif de la III° Internationale.

    Les Partis Communistes doivent fournir aux correspondantes internationales tous les moyens techniques et toutes les possibilités de communiquer entre elles, et avec le secrétariat de Moscou. Les correspondantes internationales se réunissent une fois tous les six mois pour délibérer et échanger des vues avec les représentants du Secrétariat Féminin International. Cependant, en cas de nécessité, ce dernier peut réunir cette conférence en tout temps.

    Le Secrétariat International Féminin accomplit, d’accord avec l’Exécutif, et en contact étroit avec les correspondantes internationales des différents pays, les tâches fixées par les « directives ».

    Ce qu’il doit surtout faire, c’est hâter, dans chaque pays, par le conseil et l’action, le développement du mouvement féminin communiste – encore faible – et donner une direction unique au mouvement féminin de tous les pays d’Occident et d’Orient, provoquer et orienter sous la direction et avec l’appui énergique des communistes, des actions nationales et internationales de nature à intensifier et à étendre sous la poussée des femmes la lutte révolutionnaire du prolétariat. Le Secrétariat Féminin International de Moscou devra s’adjoindre en Occident un organe auxiliaire afin de s’assurer une liaison plus étroite et plus régulière avec les mouvements communistes féminins de tous les pays.

    Cet organe aura à faire les travaux préparatoires et supplémentaires pour le Secrétariat International, c’est-à-dire qu’il sera purement exécutif, et n’aura pas le droit de décider quoi que ce soit. Il est lié par les décisions et les indications du Secrétariat Général de Moscou et de l’Exécutif de la III° Internationale. Avec l’organe auxiliaire de l’Europe Occidentale, doit collaborer au moins une représentante du Secrétariat Général.

    Pour autant que la constitution et le champ d’activité du Secrétariat ne sont pas fixés par les « directives », ces questions seront réglées par l’Exécutif de la III° Internationale d’accord avec le Secrétariat Féminin International, de même que la composition, la forme et le fonctionnement de l’organe auxiliaire.

    Résolution concernant les formes et les méthodes du travail communiste parmi les femmes

    (adoptée dans la séance du 13 juin, après le rapport de la camarade Kollontaï.)

    La 2° Conférence Internationale des Femmes Communistes tenue à Moscou déclare :

    L’écroulement de l’économie capitaliste et de l’ordre bourgeois reposant sur cette économie, de même que le progrès de la révolution mondiale font de la lutte révolutionnaire pour la conquête du pouvoir politique et pour l’établissement de la dictature une nécessité de plus en plus vitale et impérieuse, pour le prolétariat de tous les pays où ce régime règne encore, un devoir qui ne pourra s’accomplir que lorsque les femmes laborieuses prendront part à cette lutte d’une manière consciente résolue et dévouée.

    Dans les pays où le prolétariat a déjà conquis le pouvoir d’Etat et établi sa dictature sous la forme des soviets, comme en Russie et en Ukraine, il ne sera pas à même de maintenir son pouvoir contre la contre-révolution nationale et internationale et de commencer l’édification du régime communiste libérateur, aussi longtemps que les masses ouvrières féminines n’auront pas acquis la conscience nette et inébranlable que la défense et l’édification de l’Etat doivent être aussi leur œuvre.

    La 2° Conférence Internationale des Femmes Communistes propose par conséquent aux partis de tous les pays conformément aux principes et aux décisions de la III° Internationale de se mettre à l’œuvre avec la plus grande énergie afin de réveiller les masses féminines, de les rassembler, de les instruire dans l’esprit du communisme, de les entraîner dans les rangs des Partis Communistes, et de renforcer constamment et résolument leur volonté d’action et de lutte.

    Pour que ce but soit atteint, tous les partis adhérant à la III° Internationale doivent former dans tous leurs organes et institutions, à commencer par les plus inférieurs, jusqu’aux plus élevés, des sections féminines présidées par un membre de la direction du parti, dont le but sera le travail d’agitation, d’organisation et d’instruction parmi les masses ouvrières féminines, et qui auront leurs représentants dans toutes les formations administratives et directrices des partis.

    Ces sections féminines ne forment pas des organisations séparées ; elles ne sont que des organes de travail chargées de mobiliser et instruire les ouvrières en vue de la lutte pour la conquête du pouvoir politique, et aussi en vue de l’édification du communisme.

    Elles agissent dans tous les domaines et en tout temps sous la direction du parti, mais possèdent aussi la liberté de mouvement nécessaire pour appliquer les méthodes et formes de travail et pour créer les institutions qui sont réclamées par les caractères spéciaux de la femme et sa position particulière toujours subsistante dans la société et dans la famille.

    Les organes féminins des partis communistes doivent toujours avoir conscience, dans leur activité, du but de leur double tâche :

    1. Entraîner des masses féminines toujours plus nombreuses, plus conscientes et plus fermement décidées dans la lutte de classe révolutionnaire de tous les opprimés et exploités contre le capitalisme et pour le communisme.

    2. En faire après la victoire de la révolution prolétarienne, les collaboratrices conscientes et héroïques de l’édification communiste. Les organes féminins du parti communiste doivent dans leur activité se rendre compte que les moyens d’agitation et d’instruction ne sont pas les discours et les écrits, mais qu’il faut également apprécier et utiliser comme les moyens les plus importants : la collaboration des femmes communistes organisées dans tous les domaines de l’activité – lutte et édification – des partis communistes ; la participation active des femmes ouvrières à toutes les actions et luttes du prolétariat révolutionnaire, aux grèves, aux insurrections générales, aux démonstrations de rue et révoltes à main armée.

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    de l’Internationale Communiste

  • Manifeste du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste au troisième congrès de l’Internationale Communiste

    VERS UN NOUVEAU TRAVAIL, VERS DE NOUVELLES LUTTES

    Aux prolétaires, hommes et femmes, de tous les pays !

    Le 3° Congrès de l’Internationale Communiste est terminé, la grande revue du prolétariat communiste de tous les pays est finie. Elle a montré qu’au cours de l’année écoulée le communisme est devenu, dans une série de pays où il n’en est qu’à ses débuts, un grand mouvement stimulant les masses et menaçant le pouvoir du capital.

    L’Internationale Communiste qui, à son Congrès de constitution, ne représentait en dehors de la Russie que de petits groupes de camarades, cette Internationale qui au 2° Congrès de l’année passée cherchait encore sa voie, dispose à présent, non seulement en Russie, mais aussi en Allemagne, en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Italie, en France, en Norvège, en Yougoslavie, en Bulgarie, de partis autour des drapeaux desquels des masses de plus en plus grandes se concentrent sans cesse. Le 3° Congrès s’adresse aux communistes de tous les pays pour les inviter à suivre la voie sur laquelle ils se sont engagés et à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour réunir dans les rangs de l’Internationale Communiste de nouveaux millions d’ouvriers et d’ouvrières.

    Car le pouvoir du capital ne sera brisé que si l’idée du communisme devient une force stimulant la grande majorité du prolétariat guidé par les Partis de masses communistes qui doivent constituer comme un cercle de fer la classe prolétarienne combattante. « Aux masses », voilà le premier cri de combat lancé par le 3° Congrès aux communistes de tous les pays.

    VERS DE NOUVELLES GRANDES LUTTES

    Les masses viennent, affluent vers nous, car le capitalisme mondial leur montre avec une évidence de plus en plus éclatante qu’il ne peut plus prolonger son existence qu’en détruisant de plus en plus tout l’ordre social, qu’en augmentant le chaos, la misère et l’esclavage des masses.

    En présence de la crise économique mondiale, laquelle jette des millions d’ouvriers à la rue, les criailleries des valets social-démocrates du capital tombent, l’appel que la classe bourgeoise adressait depuis des années aux ouvriers « Travaillez, travaillez sans cesse », ce cri cesse, car le cri « du travail » devient le cri de combat de la classe ouvrière et il ne sera satisfait que sur les ruines du capitalisme, que si le prolétariat s’empare des moyens de production créés par lui.

    Le monde capitaliste se trouve devant l’abîme de nouveaux dangers de guerre. Les antagonismes américano-japonais, anglo-américain, anglo-français, franco-allemand, polono-allemand, les antagonismes dans le Proche et l’Extrême-Orient poussent le capitalisme aux armements incessants. Ils leur posent la question angoissante : « L’Europe a-t-elle repris le chemin de la guerre mondiale ? »

    Les capitalistes ne craignent pas le massacre de millions d’individus. Déjà, après la guerre, par leur politique, par le blocus de la Russie, ils ont livré à la mort par la faim des millions d’êtres humains. Ce qu’ils craignent, c’est qu’une nouvelle guerre ne pousse définitivement les masses dans les rangs de l’armée de la révolution mondiale, c’est qu’une nouvelle guerre n’entraîne le soulèvement final du prolétariat mondial. Ils cherchent donc, comme ils l’ont fait avant la guerre, a amener une détente au moyen d’intrigues et de combinaisons diplomatiques.

    Mais la détente sur un point, c’est la tension sur d’autres. Les négociations entre l’Angleterre et l’Amérique au sujet de la limitation des armements navals des deux Etats créent nécessairement un front contre le Japon. Le rapprochement franco-anglais livre l’Allemagne à la France et la Turquie à l’Angleterre. Le résultat des efforts du capital mondial cherchant à mettre un peu d’ordre dans le chaos mondial, ce n’est pas la paix, mais le trouble croissant et l’esclavage de plus en plus strict des peuples vaincus par le capital des triomphateurs.

    La presse du capital mondial parle maintenant d’accalmie et de détente dans la politique mondiale parce que la bourgeoisie d’Allemagne se soumet aux conditions dictées par les Alliés et parce que pour sauver son pouvoir elle a livré le peuple allemand aux chacals de la Bourse de Paris et de Londres. Mais en même temps, la presse de la Bourse est pleine de nouvelles sur l’aggravation de la ruine économique de l’Allemagne, sur les impôts énormes qui s’abattront comme la grêle, en automne, sur les masses condamnées au chômage, impôts renchérissant de plus en plus tous les articles alimentaires et vestimentaires.

    L’Internationale Communiste qui, pour sa politique, part de l’étude impartiale et objective de la situation mondiale – car le prolétariat ne saurait remporter la victoire que par l’observation claire et objective du champ de bataille – l’Internationale Communiste dit au prolétariat de tous les pays : le capitalisme s’est montré jusqu’à présent incapable d’assurer l’ordre au monde même dans la mesure d’avant-guerre.

    Ce qu’il entreprend en ce moment ne peut pas amener une consolidation, un nouvel ordre, mais seulement la prolongation de vos souffrances et de l’agonie du capitalisme. La révolution mondiale avance. Partout les bases du capital mondial sont ébranlées. Le deuxième cri que le Congrès mondial de l’Internationale Communiste lance aux Prolétaires de tous les Pays, c’est celui-ci :
    Nous allons au-devant de grandes luttes, armez-vous, en vue de nouveaux combats.

    FORMEZ LE FRONT !

    La bourgeoisie mondiale est incapable d’assurer aux ouvriers le travail, le pain, le logement et le vêtement ; mais elle montre de grandes capacités dans l’organisation de la guerre contre le prolétariat mondial. Depuis le moment de sa première grande désorientation, depuis qu’elle a réussi à surmonter sa peur des ouvriers revenus de la guerre, depuis qu’elle a réussi à les faire rentrer dans les usines, à écraser leurs premiers soulèvements, à renouer son alliance de guerre avec les social-démocrates et les traîtres socialistes contre le prolétariat et à diviser ainsi celui-ci, elle a employé toutes ses forces pour organiser des gardes-blancs contre le prolétariat et pour désarmer ce dernier.

    Armée jusqu’aux dents, la bourgeoisie mondiale est prête non seulement à s’opposer par les armes à tout soulèvement du prolétariat, mais encore à provoquer s’il en est besoin des soulèvements prématurés du prolétariat qui se prépare à la lutte ; elle désire ainsi l’écraser avant qu’il ait formé son front commun invincible.

    L’Internationale Communiste doit opposer sa stratégie à la stratégie de la bourgeoisie mondiale. Contre les caisses du capital mondial qui, au prolétariat organisé, opposent des bandes armées, l’Internationale Communiste dispose d’une arme fidèle : ce sont les masses du prolétariat, le front uni et ferme du prolétariat. Les ruses et la violence de la bourgeoisie n’auront aucun succès si des millions d’ouvriers avancent en rangs serrés au combat.

    Car alors les chemins de fer sur lesquels la bourgeoisie transporte ses troupes blanches contre le prolétariat s’arrêteront ; la terreur blanche s’emparera alors d’une partie des gardes-blancs eux-mêmes, le prolétariat leur arrachera leurs armes pour lutter contre les autres formations de gardes-blancs. Si l’on réussit à mener sur un front uni le prolétariat à la lutte, le capital, la bourgeoisie mondiale perdront les chances de victoire, la foi en la victoire que seules alors peuvent lui rendre la trahison de la social-démocratie, la division de la classe ouvrière. La victoire sur le capital mondial, ou plutôt la voie vers cette victoire, c’est la conquête des cœurs de la majorité de la classe ouvrière.

    Le 3° Congrès mondial de l’Internationale Communiste invite les Partis communistes de tous les pays, les communistes dans les syndicats, à tendre tous leurs efforts, toutes leurs forces, pour arracher les plus grandes masses d’ouvriers à l’influence des Partis social-démocrates et de la bureaucratie syndicale traître.

    Ce but ne saurait être obtenu que si les communistes de tous les pays se montrent les combattants d’avant garde de la classe ouvrière pendant cette époque difficile, pendant laquelle chaque jour apporte aux masses ouvrières de nouvelles privations et de nouvelles misères, que s’ils la mènent à la lutte pour un morceau de pain de plus, à la lutte pour le soulagement des charges que le capital impose de plus en plus de manière insupportable aux masses ouvrières.

    Il faut montrer à la masse ouvrière que seuls les communistes luttent pour l’amélioration de sa situation et que la social-démocratie ainsi que la bureaucratie syndicale réactionnaire sont disposées à laisser le prolétariat devenir la proie de la famine plutôt que de le mener au combat.

    On ne saurait battre les traîtres au prolétariat, les agents de la bourgeoisie sur le terrain des discussions théoriques, sur la démocratie et la dictature ; on ne les écrasera qu’à l’occasion des questions de pain, de salaires, de l’habillement et du logement.

    Et le premier champ de bataille, le plus important, sur lequel on peut les battre, c’est celui du mouvement syndical ; ils seront vaincus dans la lutte que nous mènerons contre l’Internationale Syndicale Jaune d’Amsterdam et pour l’Internationale Syndicale Rouge.

    C’est la lutte pour la conquête des positions ennemies dans notre propre camp ; c’est la question de la formation d’un front de combat à opposer au capital mondial. Gardez vos organisations pures de toute tendance centriste, entretenez l’esprit de combat parmi vous.

    Ce n’est que dans la lutte pour les intérêts les plus simples, les plus élémentaires des masses ouvrières que nous pourrons former un front uni du prolétariat contre la bourgeoisie. Ce n’est que dans cette lutte que nous pourrons mettre fin aux divisions au sein du prolétariat, divisions qui constituent la base sur laquelle la bourgeoisie peut prolonger son existence. Mais ce front du prolétariat ne deviendra puissant et apte au combat que s’il est maintenu par les Partis Communistes dont l’esprit doit être uni et ferme, et la discipline solide et sévère.

    C’est pourquoi le 3° Congrès mondial de l’Internationale Communiste, en même temps qu’il lançait aux communistes de tous les pays le cri de « Aux masses ! », « Formez le front uni du prolétariat ! » leur recommandait : « Gardez vos rangs purs d’éléments capables de détruire le moral et la discipline de combat des troupes d’attaque du prolétariat mondial, des partis communistes ».

    Le Congrès de l’Internationale Communiste approuve et confirme l’exclusion du Parti Socialiste d’Italie, exclusion qui doit être maintenue jusqu’au moment où ce Parti rompra avec les réformistes et les chassera de ses rangs. Le Congrès exprime ainsi sa conviction que si l’Internationale Communiste veut mener des millions d’ouvriers au combat, elle ne doit pas tolérer dans ses rangs des réformistes dont le but n’est pas la révolution triomphante du prolétariat, mais la réconciliation avec le capitalisme, et la réforme de ce dernier.

    Des armées qui tolèrent à leur tête des chefs ayant en vue la réconciliation avec l’ennemi, de telles armées sont vouées à être trahies et vendues à l’ennemi par ces mêmes chefs. L’Internationale Communiste a porté son attention sur le fait que dans toute une série de Partis d’où les réformistes sont cependant exclus, il y a encore des tendances qui n’ont pu surmonter définitivement l’esprit du réformisme ; si ces tendances ne travaillent pas à la réconciliation avec l’ennemi, elles ne s’appliquent cependant pas assez énergiquement dans leur agitation et dans leur propagande à préparer la lutte contre le capitalisme, elles ne travaillent pas assez énergiquement et avec assez de décision à révolutionner les masses.

    Des Partis qui ne sont pas en mesure, par leur travail révolutionnaire quotidien, de devenir comme le souffle révolutionnaire des masses, qui ne sont pas en mesure de renforcer quotidiennement, avec passion et avec impétuosité, la volonté de lutte des masses, de tels partis laisseront nécessairement échapper des situations favorables pour la lutte, laisseront s’enliser de grandes luttes spontanées du prolétariat, comme ce fut le cas de l’occupation des usines en Italie et lors de la grève de décembre en Tchécoslovaquie.

    Les Partis Communistes doivent former leur esprit de combat, ils doivent devenir l’état-major capable de saisir immédiatement les situations favorables de la lutte et de tirer tous les avantages possibles par une direction courageuse des mouvements spontanés du prolétariat. « Soyez l’avant-garde des masses ouvrières qui se mettent en mouvement, soyez leur cœur et leur cerveau », c’est le cri que le 3° Congrès Mondial de l’Internationale Communiste lance aux Partis Communistes.

    Etre l’avant-garde, c’est marcher à la tête des masses, comme leur partie la plus vaillante, la plus prudente, la plus clairvoyante. Ce n’est que si les Partis Communistes deviennent une telle avant-garde qu’ils seront en mesure, non seulement de former le front uni du prolétariat, mais encore, en dirigeant celui-ci, de triompher de l’ennemi.

    OPPOSEZ LA STRATÉGIE DU PROLÉTARIAT À LA STRATÉGIE DU CAPITAL, PRÉPAREZ VOS LUTTES !

    L’ennemi est puissant, parce qu’il a derrière lui des siècles d’habitude du pouvoir qui ont créé en lui la conscience de sa force et la volonté de maintenir son pouvoir. L’ennemi est fort parce qu’il a appris pendant des siècles comment diviser les masses prolétariennes, comment les opprimer et les vaincre.

    L’ennemi sait comment on conduit victorieusement la guerre civile et c’est pour cela que le 3° Congrès de l’Internationale Communiste attire l’attention des Partis Communistes de tous les pays sur le danger que présente la stratégie expérimentée de la classe dominante et possédante et les défauts de la stratégie, en voie de formation à peine, de la classe ouvrière luttant pour le pouvoir.

    Les événements du mois de mars en Allemagne ont montré le grand danger qu’il y aurait à laisser l’ennemi pousser à la lutte, par ses ruses, les premiers rangs de la classe ouvrière, l’avant-garde communiste du prolétariat, avant que les grandes masses se soient mises en mouvement.

    L’Internationale Communiste a salué avec joie le fait que des centaines de milliers d’ouvriers en Allemagne sont accourus au secours des ouvriers de l’Allemagne Centrale menacés de tous côtés.

    C’est dans cet esprit de solidarité, c’est dans le soulèvement du prolétariat de tous les pays du monde entier pour la protection d’une partie menacée du prolétariat, que l’Internationale Communiste voit le chemin de la victoire. Elle a salué le fait que le Parti Communiste Unifié d’Allemagne s’est mis à la tête des masses ouvrières qui accouraient pour défendre leurs frères menacés.

    Mais en même temps, l’Internationale Communiste considère comme un devoir de dire franchement et clairement aux ouvriers de tous les pays : même si l’avant-garde ne peut pas éviter les luttes, même si ces luttes peuvent hâter la mobilisation de toute la classe ouvrière, cette avant-garde ne aurait cependant oublier qu’elle ne doit pas se laisser entraîner toute seule, isolée, dans des luttes décisives, que, contrainte à aller isolée au combat, elle doit éviter le choc armé avec l’ennemi, car ce qui constitue la source de la victoire du prolétariat sur les gardes-blancs armés, c’est sa masse. Si l’avant-garde n’avance pas en masses dominant l’ennemi, elle doit éviter, minorité désarmée, d’entrer en lutte armée avec lui.

    Les combats de mars ont fourni encore un enseignement sur lequel l’Internationale Communiste attire l’attention des prolétaires de tous les pays : il faut préparer les masses ouvrières aux luttes imminentes, par une agitation révolutionnaire ininterrompue, quotidienne, intense et vaste ; il faut entrer au combat avec des mots d’ordre clairs et compréhensibles pour les grandes masses prolétariennes. A la stratégie de l’ennemi, il faut opposer, au prolétariat, une stratégie avisée et réfléchie.

    La volonté de combat des rangs d’avant-garde, leur courage et leur fermeté ne suffisent pas. La lutte doit être préparée, organisée, de façon à ce qu’elle apparaisse à celles-ci comme la lutte pour leurs intérêts les plus essentiels et de façon à ce qu’elle les mobilise immédiatement. Plus le capital mondial se sentira en danger, et plus il tentera de rendre impossible la victoire future de l’Internationale Communiste, en isolant ses premiers rangs du reste des grandes masses et en les battant ainsi.

    A ce plan, à ce danger, il faut opposer une agitation des masses vaste et intense, menée par les Partis Communistes, un travail d’organisation énergique au moyen duquel ces partis assurent leur influence sur les masses, une froide appréciation de la situation du combat, une tactique réfléchie tendant à éviter la lutte avec des forces supérieures de l’ennemi et à déclencher l’attaque dans les situations où l’ennemi est divisé et la masse unie.

    Le 3° Congrès mondial de l’Internationale Communiste sait que la classe ouvrière n’arrivera à former des partis communistes capables de tomber comme la foudre sur l’ennemi au moment où il est le plus oppressé, et de l’éviter lorsqu’il est dans une situation meilleure, qu’à la suite de l’expérience, qu’elle aura acquise dans la lutte. C’est donc le devoir des prolétaires de tous les pays de s’appliquer à comprendre et à utiliser tous les enseignements, toutes les expériences réunies par la classe ouvrière d’un pays au prix de grands sacrifices.

    GARDEZ LA DISCIPLINE DU COMBAT !

    Les Partis Communistes de tous les pays et la classe ouvrière ne doivent pas se préparer en vue d’une période d’agitation et d’organisation, ils doivent au contraire s’attendre et se préparer aux grandes luttes que le capital imposera bientôt au prolétariat pour l’écraser et pour le charger de tout le poids de sa politique.

    Dans cette lutte, les Partis Communistes doivent former une discipline du combat sévère et stricte. Les comités centraux de ces partis doivent considérer froidement et avec réflexion tous les enseignements de la lutte, ils doivent observer le champ de bataille, concentrer avec la plus grande réflexion le grand élan des masses. Ils doivent forger leur plan de combat, leur ligne tactique, avec tout l’esprit du Parti et en prenant en considération les critiques des camarades.

    Mais toutes les organisations du Parti doivent suivre sans hésitation la ligne prescrite par le Parti. Chaque mot, chaque mesure des organisations du Parti doivent être subordonnés à son but. Les fractions parlementaires, la presse du Parti, les organisations doivent suivre sans hésitation l’ordre de la direction du Parti.

    La revue mondiale des rangs d’avant-garde communistes est terminée. Elle a montré que le Communisme est une puissance mondiale. Elle a montré que l’Internationale Communiste doit encore former et instruire de grandes armées du prolétariat, elle a montré que de grandes luttes sont imminentes pour ces armées, elle a annoncé la victoire dans ces luttes, elle a montré au prolétariat mondial comment il doit préparer et conquérir cette victoire.

    Il appartient aux Partis Communistes de tous les pays de faire en sorte que les décisions du Congrès, dictées par les expériences du prolétariat mondial, deviennent comme la conscience générale des communistes de tous les pays, afin que les prolétaires communistes, hommes et femmes, puissent agir dans les luttes à venir comme les chefs de milliers de prolétaires non communistes.

    Vive l’Internationale Communiste !
    Vive la Révolution mondiale !
    Au travail pour la préparation et l’organisation de notre victoire !

    Le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste

    Moscou, 17 juillet 1921

  • Adresse pour Max Hoelz au troisième congrès de l’Internationale Communiste

    AU PROLÉTARIAT ALLEMAND

    Aux deux mille ans de prison et de peines correctionnelles qu’elle a infligés aux combattants de mars, la bourgeoisie allemande ajoute l’emprisonnement à perpétuité contre :
    Max Hoelz

    L’Internationale Communiste est adversaire de la terreur et des actes de sabotage individuel qui ne servent pas directement aux buts de combat de la guerre civile ; elle condamne la guerre de franc-tireur menée en dehors de la direction politique du prolétariat révolutionnaire.

    Mais l’Internationale Communiste voit en Max Hoelz l’un des plus courageux rebelles contre la société capitaliste, dont la rage s’exprime par des condamnations de prison et dont l’ordre se manifeste par les excès de la canaille qui sert de base à son régime.

    Les actes de Max Hoelz ne correspondaient pas au but poursuivi ; la terreur blanche ne saurait être brisée qu’à la suite du soulèvement des masses ouvrières, ce n’est qu’ainsi que le prolétariat pourra conquérir la victoire. Mais ces actes lui étaient dictés par son amour pour le prolétariat, par sa haine contre la bourgeoisie.

    Le Congrès adresse donc ses salutations fraternelles à Max Hoelz. Il le recommande à la protection du prolétariat allemand et exprime son espoir de le voir lutter dans les rangs du Parti Communiste pour la cause de l’affranchissement des ouvriers, le jour où les prolétaires allemands auront brisé les portes de sa prison.

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    de l’Internationale Communiste

  • Résolution sur l’Internationale Communiste et le mouvement de la Jeunesse Communiste au troisième congrès

    1. Le mouvement de la jeunesse socialiste est né sous la pression de l’exploitation capitaliste de la jeunesse laborieuse et du système illimité du militarisme bourgeois.

    Il est né comme réaction contre les tentatives d’empoisonnement de la jeunesse laborieuse par les idées bourgeoises nationalistes et contre la négligence et l’oubli dont s’étaient rendus coupables le parti social-démocrate et les syndicats dans la plupart des pays vis-à-vis des exigences économiques, politiques et spirituelles de la jeunesse.

    Dans presque tous les pays les organisations de la jeunesse socialiste furent créées sans le concours des partis social-démocrates et des syndicats, qui devenaient toujours de plus en plus opportunistes et réformistes, et dans quelques pays ces organisations se formèrent même contre la volonté de ces partis et des syndicats.

    Ceux-ci virent un très gros danger dans l’apparition des jeunesses socialistes révolutionnaires indépendantes et essayèrent de réprimer ce mouvement, d’en changer le caractère et de lui imposer leur politique, en exerçant sur lui une tutelle bureaucratique, et en essayant de le priver de toute indépendance.

    2. En outre, la guerre impérialiste et l’attitude prise dans la plupart des pays par les partis social-démocrates devaient agrandir l’abîme creusé entre les partis social-démocrates et les jeunesses internationales et révolutionnaires et accélérer le conflit.

    La situation de la jeunesse laborieuse empira pendant la guerre à cause de la mobilisation, de l’exploitation renforcée dans les industries militaires et de la militarisation derrière le front. La meilleure partie de la jeunesse socialiste prit résolument position contre la guerre et le nationalisme, se sépara des partis social-démocrates et commença une action politique propre (Conférences Internationales de la Jeunesse à Berne, en 1915, à Iéna, en 1916).

    Dans leur combat contre la guerre, les meilleurs groupes révolutionnaires des ouvriers adultes soutinrent les jeunesses socialistes qui devinrent par là un point de rassemblement des forces révolutionnaires. Elles prirent ainsi sur elles les fonctions des partis révolutionnaires qui faisaient défaut. Elles devinrent l’avant-garde dans le combat révolutionnaire et prirent la forme d’organisations politiques indépendantes.

    3. Avec l’apparition de l’Internationale Communiste et de partis communistes dans différents pays, le rôle des jeunesses révolutionnaires dans tout le mouvement du prolétariat se modifie. De par sa situation économique et grâce à des traits psychologiques particuliers, la jeunesse ouvrière est plus facilement accessible aux idées communistes et fait preuve, lors des combats révolutionnaires, d’un enthousiasme révolutionnaire plus grand que ses aînés les ouvriers.

    Toutefois ce sont les partis communistes qui prennent sur eux le rôle d’avant-garde qu’avaient joué les jeunes, en ce qui concerne l’action politique indépendante et la direction politique. Si les organisations de la jeunesse communiste continuaient à exister en qualité d’organisations indépendantes au point de vue politique et en jouant un rôle dirigeant, l’on verrait l’existence de deux partis communistes concurrents qui ne se distingueraient entre eux que par l’âge de leurs membres.

    4. Le rôle actuel de la jeunesse consiste en ce qu’elle doit réunir les jeunes ouvriers, les éduquer dans un esprit communiste aux premiers rangs de la bataille communiste. Le temps est passé où la jeunesse pouvait se borner à un travail bon pour de petits groupes de propagande, composés de peu de membres. Il y a aujourd’hui, à part l’agitation et la propagande, menées avec persévérance et avec de nouvelles méthodes, encore un moyen de conquérir les larges masses de jeunes ouvriers : c’est de provoquer et diriger les combats économiques.

    Les organisations de la jeunesse doivent élargir et renforcer leur travail d’éducation en se conformant à leur nouvelle mission. Le principe fondamental de l’éducation communiste dans le mouvement de la jeunesse communiste est la participation active à tous les combats révolutionnaires, participation qui doit être étroitement liée à l’école marxiste.

    Un autre devoir important des jeunesses à l’époque actuelle, c’est de détruire l’idéologie centriste et social-patriotique parmi la jeunesse ouvrière et de débarrasser celle-ci des tuteurs et des chefs social-démocrates. En même temps, elles doivent tout faire pour activer le processus de rajeunissement résultant du mouvement des masses, en déléguant rapidement dans les partis communistes ses membres les plus âgés.

    La grande différence fondamentale qui existe entre les jeunesses communistes et les jeunesses centristes et social-patriotiques devient surtout apparente par la participation active à tous les problèmes de la vie politique et aux combats et actions révolutionnaires, de même que par la collaboration à la construction des partis communistes.

    5. Les rapports entre les jeunesses et les partis communistes diffèrent radicalement de ceux qui existent entre les organisations de la jeunesse révolutionnaire et les partis social-démocrates. La plus grande uniformité et la centralisation la plus stricte sont nécessaires dans le combat commun pour la réalisation rapide de la révolution prolétarienne. La direction politique ne peut appartenir au point de vue international qu’à l’Internationale.

    Il est du devoir des organisations de la jeunesse communiste de se subordonner à cette direction politique (programme, tactique et directives politiques) et de s’incorporer au front révolutionnaire commun. Etant donné les différents degrés de développement révolutionnaire des partis communistes, il est nécessaire que dans des cas exceptionnels, l’application de ce principe soit subordonnée à une décision spéciale du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste et de l’Internationale de la Jeunesse tenant compte des conditions particulières existantes.

    Les jeunesses communistes, qui ont commencé à organiser leurs rangs selon les règles de la centralisation la plus stricte, devront se soumettre, pour réaliser et diriger la révolution prolétarienne, à la discipline d’airain de l’Internationale Communiste. Les jeunesses doivent s’occuper au sein de leurs organisations de toutes les questions politiques et tactiques, à l’endroit desquelles elles doivent toujours prendre position ; et à l’intérieur des partis communistes de leur pays elles doivent toujours agir non contre ces partis, mais dans le sens des décisions prises par eux.

    En cas de graves dissensions entre les partis communistes et les jeunesses, celles-ci doivent faire valoir leur droit d’appel au Comité Exécutif de l’Internationale Communiste. L’abandon de leur indépendance politique ne signifie aucunement l’abnégation de leur indépendance organique, qu’il faut conserver pour des raisons d’éducation.

    Comme pour la bonne direction de la lutte révolutionnaire, le maximum de centralisation et d’unité sont nécessaires, dans les pays où l’évolution historique a placé la jeunesse dans la dépendance du parti, ces relations doivent être maintenues à titre de règle ; les divergences entre les deux organes sont résolues par le Comité Exécutif de l’Internationale Communiste de la Jeunesse.

    6. Une des tâches les plus urgentes et les plus importantes des jeunesses est de se débarrasser de tous les restes de l’idée de son rôle politique dirigeant – survivance de leur période d’absolue autonomie. Le presse et tout l’appareil des jeunesses doivent être utilisées pour imprégner les jeunes communistes du sentiment et de la conscience qu’ils sont des soldats et des membres responsables d’un seul parti communiste.

    Les organisations de la jeunesse communiste doivent faire d’autant plus attention et donner d’autant plus de temps à ce travail qu’elles commencent, grâce à la conquête de groupes toujours plus nombreux de jeunes ouvriers, à se transformer en mouvement de masses.

    7. La collaboration politique étroite entre les jeunesses et les partis communistes doit trouver son expression dans une liaison organique solide entre les deux organisations.

    Ce qui est absolument nécessaire, c’est un échange permanent et mutuel de représentants entre les organes dirigeants des jeunesses et des partis à tous les échelons : province, arrondissement, canton et jusqu’aux derniers noyaux, dans les groupes d’usines et dans les syndicats, de même que la participation mutuelle à toutes les conférences et congrès. De cette façon le parti communiste aura la possibilité d’exercer une influence continue sur l’activité de la jeunesse et de la soutenir, tandis que celle-ci pourra également avoir une influence réelle sur l’activité du parti.

    8. Les rapports entre l’Internationale Communiste et l’Internationale de la Jeunesse sont encore plus étroits qu’entre l’Internationale et les Partis Communistes.

    Le rôle de l’Internationale Communiste de la Jeunesse consiste à centraliser et à diriger le mouvement de la jeunesse communiste, à soutenir et encourager moralement et matériellement les différentes unions, à créer de nouvelles organisations de la jeunesse communiste là où elles n’existent pas et à faire la propagande internationale pour le mouvement de la jeunesse communiste et pour son programme.

    L’Internationale Communiste de la Jeunesse constitue une partie de l’Internationale Communiste et en cette qualité elle est subordonnée aux décisions du Congrès et de l’Exécutif de l’Internationale Communiste. C’est dans ces limites qu’elle exécute son travail et agit en qualité d’intermédiaire et d’interprète de la volonté politique de l’Internationale Communiste dans toutes les sections de cette dernière.

    C’est par l’échange constant et mutuel et une collaboration étroite continuelle qu’on peut assurer un contrôle constant de la part de l’Internationale Communiste et le travail le plus fécond de l’Internationale Communiste de la Jeunesse sur tous les terrains de son activité (direction du mouvement, agitation, organisation, renforcement et soutien des organisations de la jeunesse communiste).

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    de l’Internationale Communiste

  • Thèses et résolution sur l’action des communistes dans les coopératives au troisième congrès de l’Internationale Communiste

    Thèses

    1. A l’époque de la révolution prolétarienne les coopératives révolutionnaires doivent se proposer deux buts :
     Aider les travailleurs dans leur lutte pour la conquête du pouvoir politique.
     Là où ce pouvoir est déjà conquis, aider les travailleurs à organiser la société socialiste.

    2. Les anciennes coopératives marchaient dans la voie du réformisme et évitaient de toute façon la lutte révolutionnaire sous toutes ses formes. Elles prêchaient l’idée d’une entrée graduelle dans le « socialisme » sans passer par la dictature du prolétariat.

    Les anciennes coopératives prêchent la neutralité politique, alors qu’en réalité elles cachent sous cette enseigne leur subordination à la politique de la bourgeoisie impérialiste.

    Leur internationalisme n’existe qu’en paroles. En réalité, elles substituent à la solidarité internationale des travailleurs, la collaboration de la classe ouvrière avec la bourgeoisie de chaque pays.

    Par toute cette politique, les anciennes coopératives, loin de concourir au développement de la révolution, l’entravent et, loin d’aider le prolétariat dans sa lutte, le gênent.

    3. Les diverses formes de coopératives ne peuvent à aucun degré servir les buts révolutionnaires du prolétariat. Les plus convenables pour cela sont les coopératives de consommation. Mais même parmi ces dernières, il en est beaucoup qui groupent des éléments bourgeois. Ces coopératives ne seront jamais du coté du prolétariat dans sa lutte révolutionnaire. Seule la coopération ouvrière dans les villes et dans les campagnes peut avoir ce caractère.

    4. La tâche des communistes dans le mouvement coopératif consiste en ce qui suit :
     Propager les idées communistes.
     Faire de la coopération un instrument de lutte de classe pour la révolution, sans détacher les diverses coopératives de leur groupement central.

    Dans toutes les coopératives, les communistes doivent être organisés en fractions constituées, se proposant de former dans chaque pays un centre de la coopération communiste.

    Ces groupements et leur centre doivent avoir une liaison étroite avec le parti communiste et ses représentants dans la coopération. Le centre doit également élaborer les principes de la tactique communiste dans le mouvement coopératif national, diriger et organiser ce mouvement.

    5. Les buts pratiques que doit actuellement se proposer la coopération révolutionnaire d’Occident apparaîtront entièrement au cours du travail. Mais dès maintenant on peut indiquer certains d’entre eux :
     Propager, par l’écrit et par la parole, les idées communistes, mener campagne pour affranchir les coopératives de la direction et de l’influence de la bourgeoisie et des opportunistes.
     Rapprocher les coopératives des partis communistes, des syndicats révolutionnaires. Faire participer les coopératives, directement et indirectement, à la lutte politique, en prenant part aux démonstrations et aux campagnes politiques du prolétariat. Soutenir matériellement les partis communistes et leur presse. Soutenir matériellement les ouvriers en grève ou victimes de lock-out.
     Combattre la politique impérialiste de la bourgeoisie, et en particulier l’intervention dans les affaires de la Russie soviétique et des autres pays.
     Créer des relations non seulement de pensée, d’organisation, mais encore d’affaires, entre les coopératives ouvrières des différents pays.
     Réclamer la conclusion immédiate de traités de commerce et l’engagement de relations commerciales avec la Russie et les autres républiques soviétiques.
     Participer le plus largement possible aux échanges commerciaux avec ces républiques.
     Participer à l’exploitation des richesses naturelles des républiques soviétiques en se chargeant de concessions sur leur territoire.

    6. Après le triomphe de la révolution prolétarienne, les coopératives doivent prendre leur plein développement.

    Déjà l’exemple de la Russie soviétique permet d’esquisser certains traits caractéristiques :
     Les coopératives de consommation devront se charger de la répartition des produits d’après les plans du gouvernement prolétarien. Cette fonction donnera aux coopératives un essor inouï jusqu’à ce jour.
     Les coopératives doivent servir de lien organique entre les exploitations isolées des petits producteurs (paysans et artisans) et les services économiques de l’Etat prolétarien. Ces derniers, par l’intermédiaire des coopératives, dirigeront le travail de ces petites exploitations conformément à un plan d’ensemble. En particulier, les coopératives de consommation recueilleront les denrées alimentaires et les matières premières des petits producteurs pour les remettre aux consommateurs et à l’Etat.
     Les coopératives de production peuvent grouper les petits producteurs dans des ateliers ou grandes exploitations communes permettant l’application des machines et des procédés techniques perfectionnés. Elles donneront ainsi à la petite production la base technique qui permettra d’édifier sur ce fondement la production socialiste et qui permettra aux petits producteurs de se débarrasser de leur mentalité individualiste pour développer en eux l’esprit collectiviste.

    7. Prenant en considération le rôle immense que les coopératives révolutionnaires doivent jouer pendant la révolution prolétarienne, le troisième Congrès de l’Internationale Communiste rappelle aux partis, groupes et organisations communistes qu’ils doivent continuer de travailler énergiquement à propager l’idée de la coopération, des groupements de coopératives en un instrument de la lutte de classe, et à former un front unique des coopératives avec les syndicats révolutionnaires.

    Le Congrès charge le Comité Exécutif de l’Internationale de former une section coopérative chargée de mettre en pratique le programme ci-dessus indiqué. En outre cette section devra dans la mesure des besoins convoquer des conférences et des congrès pour réaliser dans l’Internationale la mission révolutionnaire des coopératives.

    Résolution

    Le 3° Congrès de l’Internationale charge le Comité Exécutif de créer une section coopérative qui devra préparer selon les besoins la convocation de consultations, conférences et congrès coopératifs internationaux, pour réaliser dans l’Internationale les buts déterminés dans les thèses.

    La section devra, en outre, se proposer les buts pratiques suivants :

    1. Renforcer l’activité coopérative des travailleurs des campagnes et de l’industrie en constituant des coopératives d’artisans demi-prolétaires, en amenant les travailleurs à rechercher la direction et l’amélioration en commun de leur exploitation.

    2. Mener la lutte pour la remise aux coopératives de la répartition des vivres et des objets de consommation dans tout l’Etat.

    3. Mener la propagande pour les principes et les méthodes de la coopération révolutionnaire et diriger l’activité de la coopération prolétarienne vers l’appui matériel de la classe ouvrière combattante.

    4. Favoriser l’établissement de rapports commerciaux et financiers internationaux entre coopératives ouvrières et organiser leur production commune.

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    de l’Internationale Communiste