Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Le congrès constitutif de la CGT-Force Ouvrière

    Le 12 et 13 avril 1948, c’est le premier Congrès national de la CGT-Force Ouvrière, au Palais de la Mutualité. Le nom de Force ouvrière est massivement adoptée (14 260 mandats contre 1790), mais comme ajout au sigle CGT. Le congrès se veut d’ailleurs le 33e congrès corporatif.

    La voie était d’autant plus ouverte que le régime lui-même appuyait l’initiative, reconnaissant début avril le caractère « représentatif » de cette « nouvelle » CGT. Dès le départ, la CGT-Force Ouvrière a ainsi profité d’appuis extérieurs massifs, permettant une inscription dans la réalité française.

    Cela n’aurait cependant pas été possible, si la base même de la CGT-Force Ouvrière ne reflétait pas la permanence de tout un état d’esprit syndicaliste non seulement apolitique, mais même anti-politique. Les propos de Raoul Lenoir (1872-1963), un ancien militant, secrétaire de la fédération des métaux en 1909, sont sans ambiguïtés aucune :

    « N’importe quel gouvernement quel qu’il soit, un gouvernement de droite, d’extrême-gauche, du parti socialiste, du parti républicain, si, en face de lui, surtout dans la situation où nous sommes, il n’y a pas une force syndicale puissante, indépendante, examinant elle-même ses problèmes, ses moyens d’action, vous pourrez dire ce que vous voudrez, ce sera quand même une dictature qui pèsera sur la classe ouvrière. »

    De tels propos reflètent tant la vision des choses des tenants du « syndicalisme libre » que celle des syndicalistes révolutionnaires, d’où leur union pour plusieurs décennies au sein de la CGT-Force Ouvrière, qui ne changera jamais d’orientation.

    La charte d’Amiens est d’ailleurs bien entendu très largement mise en avant et les syndicats de la CGT-Force Ouvrière affirment au congrès que :

    « Instruits par une douloureuse expérience, ils proclament attentatoire à l’unité ouvrière la recherche systématique de postes de responsabilités syndicales par les militants des partis politiques en vue de faire du mouvement syndical un instrument des partis. »

    Les personnes élus aux postes dirigeants lors du congrès sont immédiatement la garantie de l’ancrage dans ce positionnement. Robert Bothereau devient le chef incontesté, comme secrétaire général. Pierre Neumeyer est trésorier.

    Comme témoins, jouant le rôle de garants également, on a Chester représentant les TUC anglais et Williams pour le CIO américain. Ce dernier lit au congrès un texte du président du CIO, Philip Murray, avec un appui ouvert au Plan Marshall :

    « Le programme d’aide à l’Europe constitue un effort du peuple américain, dans son ensemble, en vue d’apporter sa part à la reconstruction de l’Europe dévastée par la guerre. »

    A son congrès constitutif, la CGT-Force Ouvrière pose quatre axes syndicaux :

    – une « réforme administrative tenant compte du reclassement de la fonction publique »,

    – une « réforme fiscale établissant l’égalité devant l’impôt »,

    – une « réduction des crédits militaires »,

    – une « répartition plus équitable du revenu national ».

    C’est là ni plus ni moins que l’orientation des socialistes de la SFIO. Il s’agit de prôner le « social » et de s’ancrer dans les masses, en sachant pertinemment qu’on sera minoritaire, et qu’on pourra jouer de démagogie alors que s’affrontent la Droite et les communistes.

    D’ailleurs, immédiatement, la CGT met en place des « comités contre la vie chère » et la CGT-Force Ouvrière cherche à se placer comme arbitre lors du grand conflit des mineurs porté par la CGT et le gouvernement qui n’hésite pas à envoyer les CRS avec l’emploi d’armes à feu. L’Union Syndicale de la région parisienne expliqua alors qu’elle :

    « dénonce l’exploitation qui est faite de la misère ouvrière à des fins nettement politiques, ouvrant la voie à la dictature qui précipiterait la classe ouvrière dans les chaos d’une nouvelle guerre mondiale. »

    Cette ligne est systématique et se décline à tous les niveaux. Ainsi, au niveau international, la CGT-Force Ouvrière tient le même discours. Bothereau, son dirigeant, explique en 1959 lors du 6e congrès, à Paris :

    « Faisons de l’Europe un exemple pour les peuples qui accèdent à leur liberté. Car la liberté à elle seule n’est pas le bonheur. Entre le libéralisme des U.S.A. [sic] et le totalitarisme communiste, réalisons une forme originale d’économie collective. »

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  • La mise en place de la CGT-Force Ouvrière

    Dès la conférence nationale des 18-19 décembre 1947, la CGT-Force Ouvrière reçut des soutiens massifs.

    La fondation de la CGT-Force Ouvrière

    Il y eut déjà celui de la SFIO, évidemment, par la voix de Léon Blum dans son organe Le Populaire :

    « Le devoir du Parti socialiste est d’appuyer de toutes ses forces le mouvement Force Ouvrière. Il faut détacher les travailleurs de la tyrannie absurde et intolérable du communisme. »

    Une du Populaire et éditorial de Léon Blum en faveur de la scission dans la CGT
    au nom d’un syndicalisme libre et autonome (sic)

    Le 19 décembre, Léon Jouhaux, Robert Bothereau, Albert Bouzanquet, Georges Delamarre, Pierre Neumeyer, membres du Bureau confédéral de la CGT, donnèrent de fait leur démission. Pierre Le Brun et Louis Saillant, initialement sur la même ligne, refusèrent de faire de même.

    Le 22 décembre, une circulaire fut envoyée aux responsables départementaux de la CGT pour annoncer que le Groupe central a tenu une seconde Conférence nationale les 18 et 19 décembre afin de prendre la direction du mouvement, sous le nom de CGT-Force Ouvrière.

    Le 24 décembre, Albert Bouzanquet au nom de la CGT-Force Ouvrière envoie une autre circulaire aux responsables syndicaux pour « reconstituer une CGT débarrassée de toute influence ». Parmi les signataires de la circulaire, on a Robert Bothereau, Pierre Neumeyer et Georges Delamarre.

    Le syndicat américain AFL fit immédiatement de nombreux et importants prêts à la CGT-FO, qui ne furent évidemment jamais remboursés. A cela s’ajoute une aide matérielle, comme des voitures, des machines à écrire, etc. Il est connu qu’il s’agissait là d’un intermédiaire de la CIA pour appuyer les forces anticommunistes.

    Le ministre du travail Daniel Mayer fournit à la nouvelle entité une grande subvention en deux fois, à hauteur de 50 millions de francs de l’époque.

    Des pans entiers de la CGT quittèrent celle-ci. A la Fédération des travaux publics par exemple, 38 des 44 syndicats votèrent pour la CGT-FO, 3 seulement refusèrent d’obtempérer.

    Du côté des autonomes, la CGT-FO eut une résonnance évidente. A la RATP se forma par exemple un Syndicat général autonome du métro, qui une fois ayant rassemblé les différentes structures rejoignit la CGT-FO.

    La CGT-FO ne parvient pas à s’établir de manière autre que minoritaire chez les ouvriers ; chez les fonctionnaires par contre, elle avait le dessus.

    Concrètement, la CGT-FO fut non seulement capable de se structurer, mais même d’organiser autour de 500 000 personnes, avec comme base le rejet de la CGT, désormais dénommé CGTK, le « K » désignant le Kominform, le Bureau d’information des partis communistes et ouvriers regroupant les principaux Partis Communistes d’Europe.

    La CGT ayant quant à elle 3,2 millions de membres en 1948, contre plus de 5 millions avant la scission. Plus d’un million de travailleurs quittèrent les syndicats au cours de ce processus.

    Il faudra cependant plusieurs mois d’attente avant que la rupture ne donne naissance au nouveau syndicat de manière formelle, donnant à la convergence la forme d’un saut structurel syndical dans les institutions elles-mêmes, par la formation d’un syndicat de masse anticommuniste et non pas, comme avec la CFTC liée à l’Église catholique, simplement non communiste.

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  • La constitution de la CGT-Force Ouvrière

    L’acceptation du plan Marshall, dans le contexte de la grande grève de la fin de l’année 1947, va être considéré comme le moment idéal pour former un nouveau syndicat. Par qui ? C’est un vaste débat encore, car tellement d’intérêts convergent qu’on ne sait pas à qui attribuer l’initiative directe de la rupture.

    Il est clair que le moteur n’a été ni la direction socialiste – qui espéraient encore amenuiser la direction communiste de la CGT – ni les trotskistes se prétendant au-dessus des réformistes et des « staliniens », ni même des anarchistes espérant encore une dynamique syndicaliste révolutionnaire indépendante.

    Toute la question est de savoir si les tenants du syndicalisme ont pris l’initiative d’eux-mêmes, faisant face selon eux à un mur, ou bien si la CIA a servi de déclic en proposant une aide matérielle massive en cas de constitution d’un nouveau syndicat. Dans tous les cas, il y avait une réelle convergence de nombreux éléments, avec un véritable activisme anticommuniste à la base.

    De fait, la position de la minorité syndicaliste libre dans la CGT était de toutes façons intenable. A la commission administrative, elle avait 15 délégués contre 20, mais l’actualité revenait au PCF et donc à la majorité de la CGT, qui domine en fait dans un rapport de 3/4 – 1/4.

    Léon Jouhaux, le dirigeant historique de la CGT d’avant-guerre, était déjà très âgé et proposait un programme, Nos tâches d’avenir, où « un très grand secteur privé » est mis en valeur, ce qui ne pouvait satisfaire les exigences d’une CGT pro-communiste, ni même les besoins d’une confrontation avec le PCF.

    Tout dépendait en fait de Force Ouvrière. Des groupes « Les amis de F.O. » avaient été fondés ; ils profitèrent du contexte pour tenir un congrès avec 250 personnes, les 8 et 9 novembre 1947 à Paris, soit quelques ajours avant la réunion du comité confédéral national de la CGT à ce sujet.

    Le plan Marshall y fut approuvé. C’était là donner un gage énorme aux forces pro-américaines et au gouvernement. Robert Bothereau y était nommé dirigeant, ce qui montrait également qu’il y a avait une figure reconnue sur le plan interne.

    Robert Bothereau

    Cela provoqua un effet de convergence. Les groupes Force Ouvrière se multiplièrent de fait dans tout le pays, alors qu’ils n’étaient présents que dans 35 départements encore en avril de la même année.

    Le 28 novembre 1947, les « amis de Combat syndical », une structure syndicale pro-SFIO chez les postiers, appela à la formation d’une nouvelle entité syndicale, au motif qu’entre les gaullistes et les communistes, on risquait un coup de force dans un sens ou dans l’autre.

    La base socialiste organisée dans les entreprises encouragea alors massivement cette tendance, appuyant systématiquement Force Ouvrière. Même les sections locales de la SFIO s’y mirent.

    Force Ouvrière organisa des réunions directes avec le ministre du travail Daniel Mayer, l’ancien dirigeant de la SFIO, en contournant la direction de la CGT. Cette dernière comptait à l’inverse élargir la lutte par un Manifeste aux travailleurs de France et l’organisation de vastes assemblées générales ouvertes à tous les travailleurs.

    La contradiction historique est alors explosive et jamais la base mobilisée dans une dynamique anticommuniste ne pouvait suivre la CGT dans son positionnement de conflit avec l’Etat. Georges Lefranc, un historien du syndicalisme historiquement lié au planisme farouchement anticommuniste et aux « espoirs » sociaux en le régime de Vichy, résume de manière assez nette ce panorama au sein des anticommunistes :

    « La scission fut imposée à des leaders qui ne la voulaient pas ou qui ne la voulaient pas encore, par des militants du rang qui ne concevaient même pas qu’on pût encore en reculer l’heure. »

    La direction de Force Ouvrière n’eut pas le choix. Le « Groupe central » tint alors une seconde Conférence nationale les 18 et 19 décembre pour fonder la CGT-Force Ouvrière.

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  • La CGT, le plan Marshall et les grèves de fin 1947

    Dès leur sortie du gouvernement, les communistes lancent une grande vague de grèves. Ils espéraient ainsi regagner le terrain occupé par l’ultra-gauche et les tenants du syndicalisme libre. Désormais n’étant plus soumis à la discipline républicaine, le PCF pensait facilement l’emporter.

    Le pic a lieu en novembre. Marseille est le lieu de multiples affrontements, avec une grève générale même suite au meurtre d’un ouvrier, Vincent Voulant, par la mafia du clan Guérini. 80 000 mineurs rentrent en grève, fer de lance d’un mouvement touchant les travailleurs de Renault et Citroën, les dockers, les métallos, les travailleurs des BPT, l’Education nationale, la fonction publique.

    Le 29 novembre 30 000 grévistes manifestent même en force à Saint-Étienne, avec affrontement généralisé à la barre de fer avec les CRS.

    Le ministre de l’Intérieur, Jules Moch membre de la SFIO, fait appel à l’armée et au 11e régiment parachutiste de choc, bras armé du service Action du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage.

    Une de l’Humanité du 1er décembre 1947

    Finalement, le 9 décembre 1947, le Comité central de grève constitué par les fédérations CGT décide de cesser le mouvement.

    Entre-temps, des affrontements violents avaient parfois lieu avec les éléments de la CGT opposés à une grève considérée par eux comme « politique ».

    Cependant, cet affrontement était strictement parallèle à une question éminemment politique s’affirmant dans le cadre de l’affrontement international entre capitalisme et communisme, celle du plan Marshall.

    L’appel d’air provoqué par l’énorme investissement américain – une savante combinaison de prêts et de dons liés à l’industrie américaine – allait cimenter tous les opposants au PCF et exercer une pression énorme dans un pays en reconstruction.

    Le paradoxe est ainsi que les tenants du syndicalisme libre pouvaient désormais exiger l’acceptation de ce soutien, alors qu’ils appuyaient auparavant les velléités d’ultra-gauche de revendications généralisées sans aucune perspective d’ensemble ni analyse réaliste de la situation.

    Le PCF réfuta le plan Marshall avec un vrai temps de retard, qui fut critiqué dans le Mouvement Communiste International. Voici comment, dans l’Humanité du 12 octobre 1947, le secrétaire général de la CGT, Benoit Frachon, présente les raisons pour lesquelles il faut combattre le Plan Marshall :

    « L’émotion soulevée par l’invraisemblable discours de Ramadier n’est pas près de s’éteindre.

    C’est une politique de catastrophe nous ont dit certains représentants qualifiés de l’industrie. Tandis que pour la classe ouvrière surgit le spectre d’un chômage massif qu’évoque nécessairement la menace des fermetures d’usines et de chantiers annoncées par le président du Conseil.

    Politique de catastrophe!

    Le mot n’est pas trop fort. Politique aussi qui tend à ruiner, pour des buts qui ne sont que trop clairs, l’effort de reconstruction accompli, par la classe ouvrière, malgré les saboteurs (…).

    Il est vrai que les trusts américains pourraient s’inquiéter de la modernisation de notre industrie sidérurgique, du perfectionnement de nos procédés de fabrication des automobiles, notamment chez Renault et chez Berliet.

    Ils ont prévu la reconstruction rapide de l’industrie de la Ruhr, ils peuvent fabriquer suffisamment d’automobiles pour nous en vendre. Alors, pourquoi songer à développer nos propres industries «concurrentes» ?

    La veille du jour ou Ramadier fit son discours, Philippe Lamour, secrétaire général de la C.G.A., parlait devant les représentants de la presse. Il indiquait, avec raison, qu’un des obstacles essentiels au développement de la production agricole était qu’on ne pouvait fournir aux paysans l’équipement dont ils ont besoin.

    «Nous avons 200.000 demandes de tracteurs en série qui ne sont pas satisfaites», disait-il. Ramadier répond: «Nous n’avons pas de dollars». Mais il annonce en même temps que des usines seront fermées parce que les commandes seront suspendues. Ne croyez pas que l’idée puisse lui venir que ces usines pourraient faire les tracteurs que réclament les paysans (…).

    Songez donc, les Américains fabriquent des tracteurs. Nous n’avons pas de dollars! Qu’à cela ne tienne, à force de concessions les Américains nous en prêteront.

    Tandis que se précise cette politique de liquidation de nos principales industries, il ne se passe pas de jour sans qu’on nous annonce officiellement l’arrivée de délégués américains, experts ou non. M. MacMartin, président de l’Export-Import Bank va visiter nos principaux centres industriels. Les hommes les plus représentatifs de la banque et de l’industrie des U.S.A., pressent nos ministres de réduire les tarifs douaniers. «On nous l’a promis» , disent-ils.

    Ils exigent qu’on crée les conditions nécessaires à des investissements solides et sûrs de capitaux, les leurs, en France.

    Chaque Français a l’impression pénible que notre pays devient un vaste champ de foire où les maquignons viennent tâter les flancs du bétail avant de l’achever, sous la conduite de vendeurs accommodants qui déprécient eux-mêmes la marchandise. Gare à la ruade qui pourrait bien laisser pantois marchands et acheteurs (…).

    Les événements vont vite. Les possesseurs de dollars qui commandent désormais sans partage se font plus exigeants. La classe ouvrière n’a pas l’habitude de céder au chantage. Le plan Monnet annexe du plan Marshall! Ce ne peut pas être son affaire.

    Son plan à elle, c’est celui du redressement dans l’indépendance, la souveraineté du pays dans l’épanouissement d’une véritable démocratie. »

    Un mois après, les 12-13 novembre 1947, le comité confédéral national de la CGT rejetait l’acceptation du Plan Marshall, par plus de 800 voix contre un peu plus d’une centaine.

    « Le C.C.N. condamne le plan Marshall qui loin d’être un plan d’aide à la France et à l’Europe, n’est qu’une partie d’un plan d’asservissement du monde aux trusts capitalistes américains et la préparation à une nouvelle guerre mondiale. »

    La motion d’acceptation du Plan Marshall était portée par Robert Bothereau. C’est lui qui allait également, immédiatement, lever le drapeau de la scission dans la CGT.

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  • La grève de 1947, arme des trusts

    Les socialistes et les tenants du syndicalisme libre rongeaient leur frein dans la CGT ; à l’arrière-plan, il y a également les anarchistes et les trotskistes, qui espèrent pouvoir affaiblir à la moindre occasion le PCF.

    Or, le PCF se retrouve profondément coincé par sa ligne de soumission au gaullisme. Il y a en effet une ligne républicaine assumée, le PCF se présentant comme le meilleur élève du régime républicain et encourageant la reprise de la production par tous les moyens. C’est une ligne de démocratie populaire mais totalement désaxée de par le fait que la question du pouvoir est totalement oubliée.

    La bataille de la production, publié en 1946

    Cette conception développée par Maurice Thorez l’emporte cependant entièrement dans le PCF. Victorin Duguet, mineur devenu secrétaire fédéral CGT, puis président des Charbonnages de France, explique en mars 1947 :

    « Ce que je vais vous dire vous paraîtra dur, mais il faut que vous produisiez davantage. La nationalisation des mines n’est pas un échec : il faut faire la preuve que le rendement, le prix de revient, l’ordre et la discipline sont meilleurs qu’avant guerre, sinon il en sera fini des Houillères nationales. »

    Or, non seulement la ligne est incohérente, mais en plus les masses ne la comprennent pas pour une partie significative. Il s’ensuit une incompréhension fondamentale de la position du PCF et des séries de grèves.

    Cela produisit un espace dans lequel va se précipiter l’ultra-gauche, qui profite du désarroi des masses alors que le marché noir est encore là, que la production n’atteint le niveau de 1938 que vers fin 1949, que les prix ont été par multiplié quatre, cinq, six par rapport à l’avant-guerre, les salaires seulement par entre trois et quatre.

    Au moyen de la démagogie et du rejet de toute analyse politique de la situation, l’ultra-gauche anarchiste et trotskistes lance des initiatives de lutte, soutenues par les tenants du syndicalisme libre voyant un espace pour affirmer la nature purement « syndicale » de la CGT.

    Au mois d’août 1946, les Postes et Télécommunications entrent en grève. Elle se termine rapidement par un succès après un énorme élan, mais le PCF a tout compris : il sait que la « minorité » de la CGT a été au cœur d’une véritable tentative de déstabilisation, à la fois sociale et syndicale.

    Elle a d’ailleurs formé indépendamment un Comité national de grève. Les socialistes embraient d’ailleurs aussi et dans l’organe Le Populaire, on appelle en août à une CGT au-dessus des partis politiques.

    L’opération est une réussite : le Comité national de grève entraîne peu après 15 000 personnes hors de la CGT, la moitié formant un Comité d’action syndicaliste (CAS) en décembre 1946 dont le dirigeant était Camille Mourguès, issu de la gauche pro-trotskiste de la SFIO qui forma en 1938 le Parti socialiste ouvrier et paysan. Son premier inscrit fut Jean Mathé, secrétaire général du Syndicat national des agents des PTT en 1927 et qui ne participa pas à la Résistance.

    D’autres CAS se constituèrent, comme CAS SNCF, Métaux, Transports, Hôpitaux, Alimentation.

    Ce qui s’enclenchait était une véritable vague de grèves rendant l’ambiance explosive.


    Nombre
    de grèves
    Nombre
    de grévistes
    Journées perdues
    1946 528 180 000 386 000
    1947 2 285 Pratiquement 3 millions 22 673 000
    1948 1 425 Un peu plus de 6,5 millions 13 133 000

    Les trotskistes réalisent alors un coup formidable : en avril 1947, ils déclenchent une grève dans les ateliers 6 et 18 de l’usine Renault-Billancourt. La CGT tente de relativiser, mais la conscience des masses est trop faible pour faire de la politique, alors que qui plus est la grève est appuyée par les socialistes (les Jeunesses socialistes apportant même une voiture avec des hauts-parleurs), les anarchistes, ainsi que la CFTC, le syndicat lié à l’Église catholique.

    La CGT, déboussolé entre sa nature syndicale et son positionnement pro-PCF, s’enlise et échoue. Elle cède et suit le mouvement, privilégiant la tournure syndicaliste, pour réussir à prendre le dessus et arracher un accord.

    Mais le PCF en paie le prix fort : il est exclu du gouvernement le 4 mai 1947 par le président du conseil Paul Ramadier, ce que confirme immédiatement le conseil national de la SFIO le 6 mai par 2529 mandats contre 2125.

    Les trotskistes, eux, sont galvanisés et leurs trois principaux courants possèdent désormais une dynamique pour les cinquante prochaines années.

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  • Les socialistes face au PCF en 1945 et la question de la CGT

    Les socialistes avaient immédiatement compris que le PCF disposait d’une hégémonie politique, idéologique et culturelle à gauche. Ils n’étaient pas marginaux pour autant : la SFIO avait désormais 400 000 membres, soit 300 000 de plus qu’avant la seconde guerre mondiale. Cela ne durera cependant pas : le nombre passe à 350 000 en 1946, 322 000 en 1947, 222 000 en 1948.

    C’est que les socialistes n’avaient pas d’identité politique en propre. Les socialistes français étaient traversés en courant, le Front populaire les avait dépassé, ils n’avaient aucune ossature idéologique. Allaient-ils pencher à gauche vers le PCF ou bien vers le centre avec le Mouvement républicain populaire ?

    Au 38e congrès, en 1946, Léon Blum résume ce dilemme en ses termes, exprimant en même temps un anticommunisme farouche, qui va caractériser les socialistes pour les 30 prochaines années :

    « Nous l’avons connue pendant les vingt ans de l’entre-deux guerres. Ce n’était pas entre MRP [alliance du centre et des gaullistes] et communistes que le Parti avait à tenir sa voie droite, mais entre le parti radical et les communistes ; cependant, le problème était le même et les difficultés étaient les mêmes. 

    Mais alors, s’il en est ainsi – et je suis convaincu qu’il en est ainsi – où faut-il chercher la cause ? Laissez-moi vous le dire avec gravité, presque avec sévérité, mais avec une affection fraternelle, je dirai même paternelle, et comme un homme qui, depuis bien des années, a consacré à notre parti tout ce qu’il a pu donner d’efforts et d’intelligence (…).

    Le trouble du Parti, ce malaise dont l’analyse ne découvre pas les causes, ou qui est hors de toutes proportions raisonnables avec ses causes, je crains qu’il ne soit d’essence panique, qu’il ne traduise les formes complexes – excusez le mot – de la peur.

    Je crois que, dans son ensemble, le Parti a peur. Il a peur des communistes. Il a peur du qu’en-dira-t-on communiste.

    C’est avec anxiété que vous vous demandez à tout instant : “ Mais que feront les communistes ? Et si les communistes ne votaient pas comme nous ?… ”

    La polémique communiste, le dénigrement communiste, agissent sur vous, vous gagnent à votre insu et vous désagrègent. »

    S’il parle ainsi, ce n’est pas tant que Léon Blum a peur que les socialistes se tournent vers les communistes, mais qu’il craint que la SFIO ne cherche à concurrencer le PCF de manière frontale. Et c’est effectivement ce qui va se passer.

    Refusant de se tourner vers les communistes à l’opposé de ce qui se passe dans de nombreux pays, principalement ceux de l’Est européen, les socialistes formèrent dès 1945 des Groupes Socialistes d’Entreprise, afin de disposer d’un certain ancrage populaire.

    Ces GSE doivent également étudier l’opinion publique, faire remonter les informations sur les entreprises, les professions, la vie économique du pays. Il y a également l’obligation d’adhérer au syndicat, donc la CGT puisque l’autre syndicat est lié à l’Église catholique.

    La conséquence de cette orientation est que tant Léon Blum que la direction de la SFIO, structurée autour de Daniel Mayer qui l’a conduit durant l’Occupation et l’a fait s’engager dans la Résistance, sont balayés au 38e congrès. La résolution sur le rapport moral et la politique générale du Parti en vue du congrès national d’août 1946 annonçait déjà la couleur :

    « Les causes profondes du malaise actuel du Parti Socialiste sont en premier lieu d’ordre doctrinal :

    Certes nous ne considérons pas le marxisme comme un dogme. Il est une méthode de prospection des faits économiques et sociaux, une doctrine d’action qui permet de progresser dans la lutte pour l’émancipation des travailleurs à la condition d’être constamment confrontée avec le réel et enrichie par les leçons de l’expérience.

    Mais nous estimons que doivent être condamnées les tentatives révisionnistes, notamment celles qui, se fondant sur une conception erronée de l’humanisme, ont pu laisser croire à nos adversaires que le Parti oubliait cette réalité fondamentale qu’est la lutte des classes.

    C’est cet affaiblissement de la pensée marxiste dans le parti qui l’a conduit à négliger les tâches essentielles d’organisation, de propagande et de pénétration dans les masses populaires pour se cantonner dans l’action parlementaire et ministérielle et a engendré, sur ce plan même, les erreurs politiques et tactiques commises depuis la libération. »

    En clair, la direction est rejetée, car les socialistes ont accepté d’être coincé entre le MRP et le PCF, et que la situation est intenable à moyen terme. Il faut un tournant à gauche, afin de faire revenir les socialistes dans l’action politique et de tenir au PCF. L’un des signataires de la résolution est Guy Mollet, qui va alors devenir au congrès le dirigeant des socialistes.

    Lors de son deuxième discours tenu au congrès, où il s’oppose à Léon Blum, il est très clair :

    « Nous faisons nôtre la phrase de Léon Blum : « La fin du socialisme est la libération intégrale de la personne humaine. » Nous sommes d’accord et nous pensons même que l’humanisme n’est pas seulement un but, mais un moyen qui, d’ailleurs, a eu sa nécessité historique, particulièrement au sortir de la Libération, et qui peut enrichir la doctrine marxiste qui est et qui reste l’axe immuable du socialisme.

    En effet, on vient au Parti par sens de l’humain, mais on ne peut réaliser cette libération de l’homme que par la réalisation d’un programme marxiste.

    L’humanisme, certes, a toute sa valeur à la hauteur de l’individu, mais, quand il s’agit d’interpréter les phénomènes sociaux portant sur les masses, l’analyse marxiste garde toute sa force et sa vérité. C’est cette synthèse harmonieuse nécessaire qu’il nous faut ensemble préserver.

    La différence que j’ai cru sentir avec Léon Blum sur un autre point est plus sensible. C’est lorsque nous parlant de la participation au pouvoir en régime capitaliste, il nous a dit que nos hommes au gouvernement devaient être les gérants honnêtes et loyaux des affaires du capitalisme.

    Reprenant et développant cette idée, notre camarade Philip, ce matin, évoquait l’immense œuvre des philosophes du 18e siècle et montrait comment cette oeuvre nous avait valu la Déclaration des droits et la nuit du 4 août.

    D’accord camarades, mais nous n’oublions pas que pour permettre la nuit du 4 août, pour permettre la Déclaration des Droits, il a fallu aussi un certain 14 juillet.

    C’est parce que nous avons conscience que l’avènement définitif du socialisme, c’est-à-dire la libération totale de l’homme, peut trouver un jour dressée contre lui la force même brutale du capitalisme qu’il nous faut élargir notre base ouvrière et préparer à la fois la prise du pouvoir politique, sa défense éventuelle et son exercice. C’est cette synthèse qui fut un jour réalisée dans le Parti (…)

    La période de stabilité apparente du capitalisme est dépassée. Actuellement, nous avons une société de transition en plein mouvement où se combattent le capitalisme et le socialisme. La participation au pouvoir se trouve ne plus être qu’une forme de la lutte de classe.

    Au pouvoir, nous restons les représentants de la classe ouvrière. Au pouvoir, nous n’avons pas à corriger le système capitaliste, mais à fournir à la classe ouvrière les tremplins de son action de demain (…).

    Il convient de sauvegarder l’indépendance et l’originalité du Parti. En conséquence, il ne faut pas aller à cette unité d’action en chien battu, il nous faut au contraire prendre le maximum d’initiatives et de garanties afin de ne pas donner l’impression d’être à la remorque d’un parti qui, en fait, n’est pas révolutionnaire comme nous le sommes.

    Voilà camarades, notre véritable position sur ce point. On est jamais mieux servi que par soi-même. Elle n’est ni communisante, ni non plus anticommuniste, elle est tout bonnement socialiste. »

    En conséquence, les socialistes étaient prêts à n’importe quelle initiative plaçant le PCF dans les cordes. La formation de la CGT-Force Ouvrière va être un véritable cadeau, une occasion qui ne sera pas manquée.

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  • Résistance Ouvrière, noyau dur de la future CGT-FO

    Quelques mois à peine après la réunification de la CGT dans la clandestinité, les tenants du « syndicalisme libre » organisèrent, en août 1943, le journal Résistance Ouvrière. On y trouve trois types de gens :

    – les tenants du syndicalisme libre à la Léon Jouhaux, comme Robert Bothereau et Neumeyer ;

    – d’importantes figures socialistes, comme Albert Gazier, Oreste Capocci et Gérard Ouradou ;

    des syndicalistes révolutionnaires, comme André Lucot.

    Le sous-titre de Résistance Ouvrière était Hebdomadaire du Comité d’Étude et de Documentation Économique et Syndicale. Le journal devient, le 20 décembre 1945, Force Ouvrière, avec comme sous-titre Hier Résistance Ouvrière – Aujourd’hui Force.

    L’éditorial précise bien :

    « Force Ouvrière n’est pas un journal nouveau. Il est la continuation de « Résistance Ouvrière ». »

    Le changement de ce sous-titre marque toute l’évolution aboutissant à la naissance de la CGT – Force Ouvrière.

    En octobre 1947, le sous-titre change en effet de nouveau et devient : FO défend la CGT contre toute emprise politique.

    Il y aura au total 119 numéros de Force Ouvrière jusqu’à la scission, le numéro 120 devenant l’organe du nouveau syndicat, avec comme sous-titre :

    « Pour la liberté et l’indépendance syndicale »

    C’est-à-dire qu’on a au départ un groupe ne faisant que se regrouper, pour ensuite chercher à s’opposer à la politique dans la CGT, pour finalement revendiquer à la fois le « syndicalisme libre » et l’anticommunisme.

    La rhétorique anti-communiste de la CGT-FO va en effet être systématique et une composante centrale de son identité.

    Quelles ont été les étapes du processus ? Initialement, les partisans du « syndicalisme libre » sont paralysés en 1945. Ils sont éparpillés, certains ont collaboré, dans tous les cas ils sont en échec total.

    C’est que la charte d’Amiens a beau être la référence partagée, la tendance à converger avec la ligne du Parti Communiste Français l’emporte. La CGT est le grand syndicat des travailleurs, avec cinq millions de membres, une unité déterminée : Benoît Frachon, du PCF et faisant office de dirigeant, lors de la remise de son rapport au 26e congrès de la CGT les 8-12 avril 1946, obtient un appui par 84,4 % des voix.

    Et elle a des succès concrets, tangibles. Aux élections à la Sécurité Sociale, la CGT a 59 % des voix, contre 26 % des voix pour la CFTC liée à l’Église catholique. La grève du mardi 25 mars 1947, pour la baisse des prix et la paix au Vietnam, rassemble un million de personnes en France, dont 500 000 à Paris et 180 000 à Lyon.

    Les masses passent du côté du PCF et comme seuls les syndicats de plus de 5000 membres ont droit de cité, la CGT a une orientation très nette. Au congrès de la CGT d’avril 1946, cette tendance pro-communiste représente 80 % des délégués, alors qu’électoralement le PCF représente même 29 % des voix aux élections nationales, étant le principal parti.

    Pour les tenants du syndicalisme libre, structurés dans Résistance Ouvrière devenue Force Ouvrière, il s’agit de faire le dos rond et d’attendre le moment opportun.

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  • La CGT réunifiée de 1943-1945, parallèle à celle de 1936

    Les tenants du syndicalisme libre, s’ils avaient le « manifeste des douze » de 1940, n’avaient toutefois plus l’initiative. Le PCF menait la résistance et il prônait l’unité à la base pour une nouvelle CGT. Il était impossible de faire face à un tel succès populaire et les tenants du syndicalisme libre durent donc composer. Différentes réunions clandestines eurent lieu à partir de 1943, car la CGT ne pouvait que se réunifier face à l’occupant allemand, la pression des masses étant aussi forte qu’en 1936.

    La CGT intégra ainsi les Comités départementaux de la Libération, appelant à la grève générale le 18 août 1944. Dès le lendemain commence l’insurrection parisienne, alors que l’Appel de la CGT clandestine aux travailleurs de France, publiée auparavant, prônait la mise en place de milices patriotiques.

    A la fin août 1944, il y avait à la direction de la CGT 6 personnes liées à la CGT de tradition réformiste, 3 de la tradition CGT Unitaire liée au PCF.

    Finalement, début septembre 1945, la CGT a comme dirigeants à la fois Léon Jouhaux, l’ex anarchiste toujours anticommuniste forcené mais désormais réformiste, et Benoît Frachon lié au PCF.

    On retrouve ici les deux tendances s’étant affirmées dans la CGT à la suite d’Octobre 1917 en Russie. Léon Jouhaux est secrétaire de la CGT depuis… 1909, et l’adjonction d’un autre secrétaire, communiste, témoigne de la base pro-PCF dans la CGT, puisque le vote de 1945 créant cette fonction a été victorieux avec 23 fédérations contre 15, 66 unions départementales contre 27.

    La une du journal Le Peuple, organe officiel de la Confédération générale du travail (CGT), datée du 28 septembre 1945.

    En fait, la CGT n’avait plus connu de réelle unité depuis la révolution russe, à part au moment de 1936. En fait, si la majorité des socialistes avait rejoint l’Internationale Communiste lors du congrès du Parti socialiste SFIO en 1920 à Tours, mais la CGT restait quant à elle à la traîne.

    Possédant une véritable identité, entre réformisme et anarchisme, elle s’opposa au communisme. Cela n’empêche pas une opposition de naître, mais celle-ci était surtout portée par les Comités syndicalistes révolutionnaires.

    D’ailleurs, si l’on regarde bien, bon nombre de communistes avaient également, en réalité, une lecture syndicaliste révolutionnaire. Concrètement, on peut s’apercevoir que l’interprétation de ce qu’était le bolchevisme pour bon nombre d’adhérents au Parti Communiste était largement erronée. Il s’ensuivit un parcours chaotique pour la Section Française de l’Internationale Communiste.

    La CGT fut en mesure de mettre à l’écart ces velléités syndicalistes révolutionnaires entremêlées de revendications communistes. Dès 1921, la tendance révolutionnaire est donc mise à l’écart, fondant une CGT dite unitaire, avec des communistes et des syndicalistes révolutionnaires, ce qui était intenable également.

    Un épisode marquant fut d’ailleurs la « fusillade de la Grange-aux-Belles », en janvier 1924, où un meeting communiste fut faire face aux provocations des syndicalistes révolutionnaires. Cela se termina au pistolet, avec deux morts.

    L’intense activité de l’Internationale Communiste força toujours plus le cours des choses et les syndicalistes révolutionnaires fondirent alors en 1926 la Confédération générale du travail – Syndicaliste révolutionnaire.

    Les choses en restèrent là jusqu’à la crise des années 1930. La CGT, s’unifiant sous l’impulsion des masses antifascistes face au 6 février 1934, était passé d’un million à cinq millions de membres dans le cadre du Front populaire. Les communistes revenaient sur le devant de la scène.

    Cependant, avec l’enlisement du Front populaire, les forces anticommunistes finirent par l’emporter et profitèrent du pacte germano-soviétique pour écraser les communistes par ailleurs désormais pourchassés par l’État lui-même. La Résistance et la Libération renversaient la situation et ramenaient les communistes sur le devant de la scène, dans le même schéma qu’en 1936.

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  • La CGT et le «manifeste des douze» de 1940

    La CGT, en tant que syndicat, rejette la politique et cela d’autant plus que les communistes en ont été exclus au début de la seconde guerre mondiale. La chasse aux communistes est telle qu’entre septembre 1939 et mars 1940, 620 syndicats et 675 associations sont même dissous, afin d’assécher littéralement tout le terrain.

    L’émergence du régime de Vichy et de l’Occupation allemande l’amène par conséquent à se plier aux nouvelles règles, afin de chercher à accompagner au mieux les travailleurs.

    C’est une logique de collaboration, conclusion logique de la formulation antipolitique. Ainsi, lors de la réunion de son Comité confédéral le 24 juin 1940, la CGT décide de proposer une « Communauté française du travail ».

    Puis, à Toulouse, le 20 juillet 1940, le Comité confédéral de la CGT fait abandonner dans les statuts l’objectif de l’abolition du salariat et du patronat. L’objectif est présenté comme suit :

    « La CGT se donne pour but de défendre les droits sacrés du travail, d’accroître le niveau de vie des travailleurs, de protéger la famille de ces derniers, et de collaborer à la prospérité nationale. »

    Par la suite, le régime de Vichy dissous les syndicats des travailleurs mais aussi ceux des patrons, afin de mettre en place des comités d’organisation par branche professionnelle. René Belin, adoubé par le dirigeant de la CGT Léon Jouhaux, un anticommuniste forcené issu de l’anarchisme, rejoint alors le régime.

    René Belin devient ainsi ministre de la production industrielle et du travail en novembre 1940 et gère la disparition de la CGT. Cela est inacceptable pour les syndicalistes qui, même s’ils sont anticommunistes, ne résignent pas au corporatisme. Ils veulent une unité sociale dans la lutte entre deux camps.

    Aussi, immédiatement, un Manifeste des douze est publié, prônant le syndicalisme libre, le rejet du communisme tout en prenant en même temps position contre le racisme. On y lit :

    « Le syndicalisme français doit s’inspirer de six principes essentiels :

    A. Il doit être anticapitaliste et, d’une manière générale, opposé à toutes les formes de l’oppression des travailleurs.

    B. Il doit accepter la subordination de l’intérêt particulier à l’intérêt général.

    C. Il doit prendre dans l’État toute sa place et seulement sa place.

    D. Il doit affirmer le respect de la personne humaine, en dehors de toute considération de race, de religion ou d’opinion.

    E. Il doit être libre, tant dans l’exercice de son activité collective que dans l’exercice de la liberté individuelle de chacun de ses membres.

    F. Il doit rechercher la collaboration internationale des travailleurs et des peuples (…).

    Au régime capitaliste doit succéder un régime d’économie dirigée au service de la collectivité. La notion du profit doit se substituer à celle du profit individuel. Les entreprises devront désormais être gérées suivant les directives générales d’un plan de production, sous le contrôle de l’Etat avec le concours des syndicats de techniciens et d’ouvriers. La gestion ou la direction d’une entreprise entraînera, de plein droit, la responsabilité pleine et entière pour toutes les fautes ou abus commis (…).

    Le syndicalisme ne peut pas prétendre absorber l’État. Il ne doit pas non plus être absorbé par lui. Le syndicalisme, mouvement professionnel et non politique, doit jouer exclusivement son rôle économique et social de défense des intérêts de la production.

    L’État doit jouer son rôle d’arbitre souverain entre tous les intérêts en présence. Ces deux rôles ne doivent pas se confondre (…).

    En aucun cas, sous aucun prétexte et sous aucune forme, le syndicalisme français ne peut admettre, entre les personnes, des distinctions fondées sur la race, la religion, la naissance, les opinions ou l’argent. Chaque personne humaine est également respectable. Elle a droit à son libre et complet épanouissement dans toute la mesure où celui-ci ne s’oppose pas à l’intérêt de la collectivité.

    Le syndicalisme ne peut admettre en particulier :

    — L’antisémitisme.

    — Les persécutions religieuses.

    — Les délits d’opinion.

    — Les privilèges de l’argent.

    Il réprouve en outre tout régime qui fait de l’homme une machine inconsciente, incapable de pensée et d’action personnelles. »

    On a ici le point de départ de la démarche du « syndicalisme libre », qui va aboutir à la CGT-Force Ouvrière. Isolés, ses activistes s’organisent autour de la revue d’un « comité d’études économiques et syndicales », en attendant la suite.

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  • Le XIXe congrès du PCUS(b) et l’année 1952 comme césure

    Il est nécessaire de considérer que, à partir de 1952, l’URSS a basculé dans le révisionnisme. Les raisons arguant en la faveur de cette thèse sont :

    – la modification de la définition du Parti – qui n’est plus le parti de la classe ouvrière ;

    – l’accentuation pragmatique sur une centralisation collégiale pour rendre plus aisé la gestion du développement des forces productives ;

    – l’abandon du principe de direction centralisée par un dirigeant servant de guide ;

    – la tendance à considérer le bellicisme impérialiste comme pouvant être unilatéralement contrecarré et même confiné ;

    – la considération que la construction du socialisme en URSS était terminée ;

    – l’infiltration au plus haut niveau des dirigeants ensuite ouvertement révisionnistes.

    De manière formelle, c’est le XXe congrès qui liquidera ouvertement la dimension socialiste. Cependant, c’est le XIXe congrès qui détermine ce qui aboutit justement au XXe congrès.

    Il est vrai que, si le XXe congrès avait été révolutionnaire, il aurait porté une simple rectification et non pas une autocritique. Le fait que cela ne soit pas le cas montre bien qu’il n’est pas possible de considérer que le XIXe congrès ait eu une autre nature que problématique.

    Le fait que Staline soit mort en 1953 n’est pas non plus un argument, car le XIXe congrès met celui-ci de côté dans la hiérarchie du Parti, de par la « collégialité » de la direction. En fait, par le XIXe congrès, Staline est déjà mis de côté et il a lui-même participé à ce processus qu’il a interprété, malheureusement, comme une passation à une nouvelle génération devant simplement « maintenir le cap ».

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  • Mikhail Souslov au XIXe congrès du PCUS(b)

    Il est important de noter l’intervention de Mikhaïl Souslov (1902-1982). Très peu connu, il a pourtant été le grand idéologue de l’URSS devenu révisionniste, étant le second secrétaire du PCUS du 6 décembre 1965 jusqu’à sa mort, le 25 janvier 1982.

    C’est Mikhail Souslov qui est au coeur du remplacement de Nikita Khrouchtchev – qu’il avait initialement soutenu – par Léonid Brejnev. Il fut également le protecteur de Iouri Andropov, qui prit sa position à sa mort, ainsi que de Mikhaïl Gorbatchev.

    Le XIXe congrès du PCUS(b) l’a intégré au présidium, le nouvel organe faisant disparaître le Bureau Politique. Il est également l’un des dix membres du « super » Secrétariat ayant le contrôle de la sélection des responsables du Parti.

    Voici un extrait de son discours.

    « Et le nouveau travail brillant du camarade Staline, Les problèmes économiques du socialisme en URSS, ouvre de magnifiques perspectives de la marche victorieuse de notre pays au communisme et démontre à nouveau au monde entier la force et le pouvoir inépuisables du système social socialiste soviétique, ses avantages indéniables sur le système social capitaliste.

    Le cinquième plan quinquennal définit une nouvelle montée en puissance de l’économie nationale de l’URSS et constituera une nouvelle étape dans la création de la base matérielle et technique du communisme.

    Le plan prévoit également des tâches importantes et responsables dans le domaine du développement de la culture socialiste, auxquelles je voulais consacrer mon discours (…).

    Dans le nouvel ouvrage classique intitulé Les problèmes économiques du socialisme en URSS, le camarade Staline a présenté une analyse complète et approfondie des principaux problèmes de l’économie politique et surtout des problèmes liés à la transition progressive de la société soviétique du socialisme au communisme.

    Avec la lumière de la science marxiste-léniniste, le camarade Staline a éclairé les voies et les méthodes de construction du communisme et a ainsi apporté une aide extraordinaire à notre parti, à tous les bâtisseurs de la société communiste, à l’ensemble du mouvement ouvrier international (…).

    L’éducation communiste a pour but de faire en sorte que tous les travailleurs, en particulier les jeunes de notre pays, soient profondément cultivés et instruits, alertes et persistants, sans crainte des difficultés et des obstacles, pour les éduquer dans l’esprit d’une attitude socialiste à l’égard du travail et de la propriété publique, dans l’esprit du ardent patriotisme soviétique et de la politique prolétarienne internationaliste, dans un esprit de dévouement désintéressé à la grande cause du communisme.

    L’éducation communiste des travailleurs constitue le moyen le plus important dans la lutte pour une productivité élevée du travail, pour le renforcement de la discipline socialiste du travail, pour le renforcement et le développement de la propriété sociale, pour la croissance future du pouvoir de l’État soviétique (…).

    L’édification de la culture socialiste et l’éducation communiste des travailleurs constituent une offensive contre l’idéologie bourgeoise réactionnaire, contre les fainéants et les pillards de la propriété publique, contre les bureaucrates et les contrevenants à la discipline de l’État, contre les peuples qui sont soumis à la culture réactionnaire bourgeoise et au mode de vie capitaliste, aux perversions nationalistes et cosmopolites hostiles à l’idéologie soviétique et l’amitié entre les peuples, contre l’apolitisme et le manque d’idéologie dans la littérature, les arts et la science.

    L’éducation publique est un levier puissant pour la construction d’une culture socialiste et de l’éducation communiste des travailleurs. »

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  • Le message du Parti Communiste de Chine au XIXe congrès du PCUS(b)

    Six membres du Parti Communiste de Chine, dont Liu Shao-qi, ont assisté au XIXe congrès du PCUS(b). Voici le message envoyé par le Comité Central au XIXe congrès, lu à la tribune.

    Cher camarade Staline ! (Applaudissements)

    Chers camarades, délégués au XIXe Congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchevik) !

    Le Comité central du Parti Communiste de Chine, au nom de tous les membres du parti, adresse ses sincères salutations et ses chaleureuses félicitations au XIXe Congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchevik). (Applaudissements prolongés)

    Créé et promu par Lénine et Staline, le Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchevik) a remporté une grande victoire dans une longue lutte, sans précédent dans l’histoire du monde.

    Sous la direction du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchevik), la grande Révolution Socialiste d’octobre a été lancée, inaugurant une nouvelle ère dans l’histoire de l’humanité, marquant le passage radical du vieux monde capitaliste à un nouveau monde socialiste.

    Sous la direction du parti bolchevik, le peuple soviétique a triomphé dans le socialisme, a créé un nouveau système social qui ignore l’exploitation de l’homme par l’homme.

    Sous sa direction, le peuple soviétique et l’armée soviétique remportèrent la victoire, sauvant ainsi l’humanité de l’esclavage par le fascisme germano-italien et japonais et ouvrant la voie à la lutte des peuples du monde entier pour une paix durable et une démocratie populaire.

    Sous sa direction, le peuple soviétique, dans la lutte pour la réalisation du cinquième plan de développement quinquennal de l’Union soviétique, progresse vers une excellente société communiste.

    Tout cela constitue une contribution considérable à la cause du mouvement communiste et inspire infiniment les travailleurs du monde entier, renforce leur confiance dans la lutte pour leur libération, pour le grand avenir communiste.

    Les noms de Lénine et de Staline sont la bannière qui dirige les travailleurs du monde entier. Le Parti Communiste d’Union Soviétique est un exemple pour tous les partis communistes et ouvriers. (Applaudissements prolongés)

    L’Union soviétique, dirigée par le Parti communiste, le parti de Lénine-Staline, est un puissant bastion de la paix et de la démocratie dans le monde entier.

    Toute entreprise progressiste sur le globe est inextricablement liée à l’existence et au développement de l’Union soviétique.

    Les yeux des peuples de la terre entière sont tournés vers l’Union soviétique, dans laquelle ils voient leur avenir et leur espoir.

    Les nations opprimées de l’Est, asservies depuis longtemps par l’impérialisme, voient les succès de la construction en Union soviétique et les efforts de celle-ci dans la lutte pour la paix dans le monde, ce qui renforce leur confiance dans la lutte pour la libération nationale. (Applaudissements)

    Le Parti Communiste de Chine a été créé sous l’influence directe de la Grande Révolution socialiste d’octobre et à l’instar du Parti communiste d’Union soviétique.

    Les brillantes instructions du camarade Staline sur la révolution chinoise revêtent une importance capitale et inestimable pour la victoire que le peuple chinois a remportée dans la révolution sous la direction du Parti communiste chinois.

    La victoire de la révolution chinoise et les grandes réalisations de la construction au cours des trois années écoulées depuis la fondation de la République populaire de Chine prouvent que, lorsque les enseignements de Marx-Engels-Lénine-Staline sont appliqués, l’expérience acquise est appliquée correctement.

    Le Parti communiste de l’Union soviétique dans la révolution et la construction – la victoire est toujours assurée. (Applaudissements prolongés et tempétueux)

    Le XIXe Congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique (bolchevik) est le plus grand événement d’importance internationale. Ce congrès va profondément inspirer les travailleurs du monde entier, tous les peuples épris de paix, et leur insuffler une nouvelle énergie.

    Nous souhaitons du succès au congrès !

    Nous souhaitons au Parti communiste de l’Union soviétique, dirigeant le peuple soviétique, de nouvelles victoires, encore plus grandioses, dans la glorieuse cause de la construction du communisme et de la défense de la paix dans le monde ! (Applaudissements tempétueux).

    Vive le grand et glorieux Parti Communiste d’Union Soviétique ! (Applaudissements prolongés)

    Vive la victoire du marxisme-léninisme! (Applaudissements prolongés)

    Vive le grand dirigeant et enseignant des travailleurs du monde entier, le camarade Staline ! (Applaudissements violents se transformant en une ovation debout. Tout le monde se lève. Exclamations: « Hourra! », « Longue vie au camarade Staline! »).

    Vive l’éternelle puissante amitié et union des peuples chinois et soviétique ! (Applaudissements prolongés et tempétueux, se transformant en une ovation debout. Tout le monde se lève).

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  • Les délégués étrangers au XIXe congrès du PCUS(b)

    De nombreuses délégations étrangères furent présentes lors du congrès, à quoi s’ajoute des messages de salutation. La délégation des communistes américains n’obtint par exemple pas de visa de la part de leur gouvernement et ne put envoyer ainsi qu’un message.

    Parmi les grandes figures connues, on a l’immense dirigeant communiste grec Nikos Zachariadis, qui avec ses camarades en exil en URSS affrontera bientôt avec une combativité exemplaire la « déstalinisation ».

    On a également Vylko Chervenkov du Parti Communiste Bulgare, Clement Gottwald du Parti communiste de Tchécoslovaquie, Matias Rakosi du Parti ouvrier hongrois, Boleslav Bierut du Parti Ouvrier Unifié Polonais.

    Gloire au grand Staline

    Sont présents aussi Wilhelm Pieck du SED d’Allemagne de l’Est, Luigi Longo du Parti Communiste italien, Maurice Thorez du Parti Communiste français, Dolores Ibarruri du Parti Communiste d’Espagne, Enver Hoxha du Parti du Travail d’Albanie, Liu Shao-qi du Parti Communiste de Chine, Gheorghe Gheorgiu-Dej du Parti ouvrier roumain, Harry Pollit du Parti Communiste de Grande-Bretagne, Ayillyath Kuttiari Gopalan du Parti Communiste d’Inde.

    Luis Longo, qui par la suite devint le dirigeant du Parti Communiste Italien à la suite de Palmiro Togliatti, pour la période 1964-1972, et donc un farouche révisionniste, termina son discours de la manière suivante :

    « Le travail pour lequel vous vous battez et pour lequel vous travaillez est notre affaire et le travail de tous ceux qui croient en l’avenir de l’humanité. Nous vous souhaitons beaucoup de succès dans les travaux de votre congrès, qui marquera une nouvelle et glorieuse étape dans votre pays!

    Nous souhaitons longue vie au camarade Staline, un combattant courageux et invincible de la démocratie, du socialisme et de la paix! (Applaudissements prolongés et tempétueux)

    Vive le 19e Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique! (Applaudissements)

    Vive la grande bannière du socialisme, la bannière de Marx – Engels – Lénine – Staline! »

    A côté de ces figures assez célèbres, on a Axel Larsen du Parti communiste du Danemark, Brinyalfur Bjarnasson du Parti socialiste unifié d’Islande, Hilding Hagberg du Parti communiste de Suède, Emil Levlien du Parti communiste de Norvège, Ville Pessi du Parti communiste de Finlande.

    A cela s’ajoute Max Reiman du Parti Communiste d’Allemagne (actif à l’ouest), Johann Koplenig du Parti Communiste d’Autriche, Edgar Lalman du Parti communiste de Belgique, Dominic Urbani du Parti communiste luxembourgeois, Edgar Voog du Parti suisse du travail, Paul de Groot du Parti communiste de Hollande, Bonomo Tominets du Parti communiste du territoire libre de Trieste, un représentant du Comité central du Parti Communiste de Birmanie, Morris Leslie du Parti ouvrier progressiste du Canada et Lawrence Sharkey du Parti Communiste d’Australie.

    Il y a également Reza Radmanesh pour les communistes d’Iran, Khaled Bahdash du Parti communiste de Syrie et du Liban, Samuel Mikounis du Parti communiste d’Israël, Ismail Bilen du Parti communiste de Turquie, Larbi Buhali du Parti Communiste d’Algérie.

    On a aussi un représentant de l’Union des patriotes yougoslaves pour la libération des peuples de Yougoslavie de l’oppression fasciste de la clique Tito-Rankovich et de l’esclavage impérialiste, un représentant du Comité central du Parti Communiste d’Indonésie, Dashiin Dam du Parti révolutionnaire du peuple mongol, un représentant du Parti des travailleurs du Vietnam, Pak Den Ay du Parti du Travail de Corée.

    Est présent Rodney Arismendi, du Parti communiste d’Uruguay, ainsi que Victorio Codovilla du Parti communiste argentin (qui sera également présent au XXe et XXIIe congrès du PCUS), Blas Roca du Parti socialiste populaire de Cuba, un représentant du Comité central du Parti communiste du Brésil et F. Bolanos du Parti communiste du Venezuela.

    Il y a également des salutations envoyées par le Parti Communiste du Mexique, le Parti Communiste du Paraguay, le Parti Communiste de l’Équateur, le Parti communiste du Guatemala, du Comité central du Parti Communiste de Colombie.

    Des salutations sont également envoyées par le Parti Communiste du Pakistan, le Parti Communiste de Thaïlande, le Parti Communiste de Ceylan, le Parti Communiste de Nouvelle-Zélande, le Parti Communiste des États-Unis.

    Ali Yata, secrétaire du Parti Communiste marocain, a envoyé un message depuis sa prison française en Algérie ; il y a également des messages du Parti Communiste tunisien, du Parti des travailleurs progressistes de Chypre, du Parti Communiste de Porto Rico, du Parti Communiste de Saint-Marin, du Comité central du Parti communiste du Portugal, du Parti Communiste du Japon.

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  • Le message de Staline au XIXe congrès du PCUS(b)

    Staline prit brièvement la parole à la fin du XIXe congrès du PCUS(b). Voici la fin de son discours, posant l’axe stratégique du Mouvement Communiste International.

    On voit parfaitement que, si Staline a bien saisi la question de fond du décalage forces productives / rapports de production dans le socialisme, ce qu’il expose dans Les problèmes économiques du socialisme publié à l’occasion du congrès, il y a la considération que désormais, seule l’URSS peut connaître un véritable développement économique et que par conséquent, toute stratégie doit avoir cela comme axe central.

    Les contradictions internes au pays sont à saisir par rapport à la question de la possibilité de développement. C’est une grave erreur, pavant la voie de manière résolue au révisionnisme qui aura précisément ce discours « productiviste » dans les pays capitalistes, le plus grand théoricien à ce niveau étant le français Paul Boccara, qui reprit le concept de capitalisme monopoliste d’État d’Eugen Varga puis développa le concept de la « suraccumulation-dévalorisation » du capital.

    Cela est d’autant plus dommage que Staline a parfaitement compris que la question révolutionnaire était bien entendu interne à chaque pays, avec la question centrale de l’héritage culturel national que la classe ouvrière devait assumer.

    Honneur et gloire
    aux enseignants soviétiques !

    « Auparavant, la bourgeoisie était considérée comme le chef de la nation, elle défendait les droits et l’indépendance de la nation, les plaçant « au-dessus de tout ».

    Il n’y a plus aucune trace de ce « principe national ». Maintenant, la bourgeoisie vend les droits et l’indépendance de la nation pour des dollars. La bannière de l’indépendance nationale et de la souveraineté nationale est jetée par-dessus bord.

    Il ne fait aucun doute que vous, les représentants des Partis Communistes et démocratiques, devrez lever cette bannière et la porter si vous voulez être patriotes de votre pays, si vous voulez devenir la force directrice de la nation. Il n’y a personne d’autre pour l’élever. (Applaudissements tempétueux)

    Telle est la situation à présent.

    Il est clair que toutes ces circonstances devraient faciliter le travail des Partis Communistes et démocratiques qui ne sont pas encore arrivés au pouvoir.

    Par conséquent, il y a tout lieu de compter sur les succès et la victoire des partis frères dans les pays où le capital domine. (Applaudissements tempétueux)

    Vive nos partis fraternels! (Applaudissements prolongés)

    Longue vie et santé aux chefs des partis fraternels ! (Applaudissements prolongés)

    Vive la paix entre les nations! (Applaudissements prolongés)

    A bas les pyromanes bellicistes ! (Tout le monde se lève. Applaudissements tempétueux et prolongés, se transformant en une ovation debout. Exclamations: « Longue vie au camarade Staline! », « Longue vie au grand dirigeant des travailleurs du monde, le camarade Staline! », « Vive la paix entre les peuples ! »

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  • Le XIXe congrès du PCUS(b) et l’aspect économique

    Le XIXe congrès du PCUS(b) se plaçait dans une optique foncièrement économique. On se situe ici dans une perspective de reconstruction et de relance de la dynamique soviétique. Cela était déjà marqué par un grand succès et il s’agissait de le prolonger : entre 1940 et 1951, le revenu national soviétique avait augmenté de 83 %, en sachant que les 3/4 vont aux besoins matériels et culturels, 1/4 pour le prochain cycle productif.

    Pratiquement chaque orateur fit ainsi subir aux participants au congrès une avalanche de données sur sa zone géographique. En fait, chaque république et beaucoup de zones ont un représentant présentant la situation locale, avec comme axe central la question de la construction économique, au moyen d’une foule de données et de chiffres sur le niveau de production, les constructions effectuées, les équipements mis en place, etc.

    Il suffit de donc lire les discours tenus au congrès pour avoir un aperçu des plus exacts de l’économie soviétique. On sait absolument tout sur le nombre d’écoles, de conducteurs de locomotives, de centrales hydroélectriques, d’étudiants à l’université… la qualité de tel ou tel type de plâtre pour la construction, les chiffres de production des différents métaux, l’évolution de la production des machines agricoles, la progression de la technique du tissage, le niveau des précipitations…

    Rien n’est omis ou caché, pas même la véritable pénurie de logements, tout à fait reconnue.

    Tout cela est fort important, mais cela montre que le XIXe congrès a été, concrètement, une chambre d’enregistrements des constats et des prévisions, de la révision des statuts et du plan quinquennal qui plus est déjà en cours.

    C’est là très mauvais sur le plan de la vie du Parti. Cela est d’autant plus grave que grâce à la construction du socialisme en URSS, les délégués au congrès représentent eux-mêmes une nouvelle génération éduquée.

    Sur les 1 192 délégués présents au congrès, 709 ont fait des études supérieures, 84 ont fait des études supérieures incomplètes, 223 ont fait des études secondaires et 176 ont fait des études secondaires et primaires incomplètes.

    Parmi les 709 ayant fait des études supérieures, on a 282 ingénieurs, 68 agronomes, spécialistes de l’élevage et autres spécialistes de l’agriculture, 98 enseignants, 18 économistes, 11 médecins, 7 avocats.

    Cela signifie qu’1/6 des délégués a une approche d’ingénieur. Cela ne peut pas ne pas avoir de conséquence dans l’approche, dans le style, et le Parti n’a pas évalué cet aspect, qui pousse pourtant par définition à une lecture techniciste.

    Or, comme qui plus est on dans l’approche comme quoi le socialisme est installé de manière parfaite, qu’il suffit de développer les forces productives, cette tendance ne peut que tendanciellement prendre le dessus.

    Cela est d’autant plus vrai que de par le système de planification s’appuyant sur la base socialiste, les objectifs continuent d’être très hauts. Le plan quinquennal prévoit, en 1955 par rapport à 1950, une hausse de 70 % de la production industrielle brute.

    La hausse prévue est de 43 % pour le charbon, 62 % pour l’acier, 80 % pour l’électricité, de 350 % pour les équipements pétroliers, de 88 % pour les engrais minéraux, de 220 % pour le ciment, de 46 % pour le papier, de 20 % pour les voitures, de 19 % pour les tracteurs, de 61 % pour le coton, de 78% pour le sucre, de 77 % pour les huiles végétales, de 75 % pour le thé vert, avec un cheptel devant pratiquement doubler, etc.

    Le revenu national a une augmentation prévue de 60 %.

    La question de l’aspect économique, dans sa dimension ici fortement réduite à la question de l’accroissement des forces productives, pose ici un véritable souci.

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