Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Le Parti Communiste Français se reconstruit après l’interdiction de 1940

    L’interdiction du Parti Communiste Français en 1940 est réalisée sans coup férir. Si l’on omet le petit appareil clandestin, tout était parfaitement légal, les membres étaient fichés par les services secrets et les activités publiques, parfaitement répertoriées.

    La mobilisation nationale, en raison de la guerre désormais déclarée, ajoute au désarroi, avec les multiples départs au front. De ce fait, en septembre 1940, le Parti Communiste Français a disparu de la scène politique.

    Dans ce climat de sauve-qui-peut, il y a une vraie loyauté qui reste : seule une infime minorité de cadres capitule, autour de 3 %. Cependant, tout est paralysé ou organisé dans la précipitation, et pas pour le meilleur.

    On a ainsi des cadres de L’Humanité qui tentent de négocier la reparution du quotidien auprès de l’occupant nazi, une fois la défaite de 1940 passée.

    Ce qui va alors se passer, c’est que toute une nouvelle génération va se retrouver en première ligne, l’ensemble de la restructuration étant directement supervisée par l’Internationale Communiste.

    Maurice Thorez ayant été exfiltré à Moscou, c’est Jacques Duclos qui assume désormais la direction du Parti dans les faits. À ses côtés, on a Benoît Frachon et Charles Tillon, ce dernier allant s’occuper des questions militaires. Auguste Havez, Auguste Lecœur, Eugène Hénaff… vont jouer un rôle toujours plus important.

    Des cadres sont dispatchés dans le pays, comme Charles Tillon à Bordeaux, Gaston Monmousseau en Provence, Benoît Frachon en région parisienne : leur mission est de restructurer le Parti et ici, les femmes ont le premier rôle.

    Le roman à feuilleton Les Communistes de Louis Aragon qui raconte cette période devait ainsi initialement s’intituler Les femmes communistes.

    C’est l’Union des Jeunes Filles de France qui mène ici une activité intense ; sa dirigeante formée à Moscou, Danielle Casanova, mourra à Auschwitz en 1943 après avoir été un cadre exemplaire toute sa vie.

    Avec tout ce travail de fond, le Parti est rapidement reconstitué, sur la base de cellules de quelques membres. Voici ce qu’on lit dans La Vie du Parti, en octobre 1940, un petit bulletin clandestin.

    « L’importance du travail d’organisation du Parti dans les circonstances actuelles ne peut échapper à personne. L’expérience de notre propre travail et l’expérience du glorieux Parti Bolchevik nous apprennent que toute notre activité doit être orientée dans le sens de l’organisation des larges masses de notre pays (…).

    En lisant « L’Histoire du Parti Bolchevik », en étudiant le sens profond de cette citation on comprend ce que doit être notre travail de masse. Il est évident que si nous enracinons notre organisation dans les masses, nous serons invincibles et pour cela, toutes les organisations du Parti, sans exception, doivent être résolument orientées dans le sens d’un large travail de masse (…).

    Durant la période de notre activité légale nous avions des cellules de 15 – 20 – 30 membres, mais une telle forme d’organisation est actuellement impossible et compromettrait la sécurité de notre Parti.

    Après avoir, pendant toute une période, basé l’organisation du Parti sur les cellules de 3 adhérents, on est arrivé à les grossir jusqu’à 8 et même 12 membres. C’est trop, beaucoup trop. Il faut absolument décentraliser les cellules, au plus vite.

    Nous devons décentraliser parce que nous travaillons dans des circonstances difficiles, les forces ennemies nous guettent, essayent de pénétrer notre organisation pour lui porter des coups ; c’est pourquoi, dans cette période, les cellules ne doivent pas compter plus de 5 membres, ce qui nous permettra de parer plus aisément aux coups de l’ennemi de classe, de rendre moins vulnérable nos organisations de base et d’éviter plus facilement les provocations des agents de l’ennemi dans nos rangs (…).

    En règle générale, il ne faut pas réunir plus de 3 camarades à la fois, afin d’obtenir le maximum de sécurité (…).

    Le Parti Communiste Français (S.F.I.C.), sous la direction de ses chefs éprouvés : THOREZ, DUCLOS, MARTY, CACHIN, FRACHON a la confiance des larges masses de la population française qui voit en lui le Parti de l’avenir (…).

    Nous, communistes qui, depuis le début, avons lutté contre la guerre impérialiste, nous luttons et nous lutterons contre toute tentative d’entraîner à nouveau notre malheureux pays dans le conflit. »

    Il y a là un grand paradoxe. Le Parti adopte dans la clandestinité une ligne dans la continuité d’avant son interdiction : il est contre la guerre. Pourtant, avec la nouvelle situation d’une France marquée d’occupation par l’Allemagne nazie ou le régime de Vichy, il apparaît comme le principal levier de la confrontation, de la Résistance.

    Lui seul est prêt à un activisme et est en mesure de fournir des structures pour le mener.

    Le second paradoxe, c’est que le Parti suivait Maurice Thorez dans une Ligne Opportuniste de Droite, prônant le patriotisme et l’union nationale. Ce fut un échec complet, avec un Parti finalement marginalisé et interdit.

    Mais avec la défaite militaire française, le Parti se voit propulsé comme la grande force de libération nationale. Tout le discours sur la « République », expression hier d’un réel opportunisme, devient subitement un outil utile et déjà maîtrisé.

    Autrement dit, fin 1939 le Parti est interdit et battu politiquement ; après la défaite de 1940, il profite du fait d’être le seul à fournir des structures clandestines et un discours patriotique.

    Le troisième paradoxe se produira ensuite, lorsque le Parti Communiste Français, qui ne voulait pas de lutte armée de masse initialement, servira de vecteur, de sas populaire après juin 1941, en se lançant dans la bataille militaire en soutien à l’URSS faisant désormais face à l’invasion nazie.

    Ce qui suit en attendant l’interdiction, c’est donc un désarroi ; il sera suivi d’une longue séquence où le Parti ne va pas cesser de se renforcer, de s’agrandir, de s’aguerrir.

    L’interdiction est surmontée, les organisations reconstruites, patiemment et avec un grand sens du sacrifice. La tentative de mener un large travail de masse se produit également rapidement, au-delà des problématiques d’organisation.

    Une Lettre à un travailleur socialiste est éditée à 100 000 exemplaires à l’automne 1940, puis fin 1940 c’est la Lettre à un travailleur radical, on trouve de manière similaire le tract Paysan de France au moment de l’occupation, où l’on peut lire à l’automne 1941 :

    « Amis paysans, cachez vos récoltes et cachez-les bien. Vous êtes assez malins pour « rouler » tous les contrôleurs de Vichy et les brutes de la Gestapo. Abattez vos bêtes si l’on veut vous les faire livrer à l’occupant. Ne vendez qu’aux Français et pour les Français. Faites preuve de ruse, d’habileté pour échapper à toutes les perquisitions. »

    Sont rapidement publiés clandestinement La Vie du Parti et les Cahiers du bolchévisme, ces derniers devenant en 1944 les Cahiers du communisme (édités chaque trimestre à 35 000 exemplaires).

    Il y a l’Avant-Garde comme organe de la Jeunesse Communiste, ainsi que des journaux régionaux, bulletins d’entreprises ou locaux, ou encore des organes comme L’École libératrice par les instituteurs, Le Médecin français, Le Palais libre ou La Relève (fondée en 1938) par l’Union des Étudiants et Lycéens Communistes de France.

    Georges Politzer fit reparaître, avec Jacques Solomon et Jacques Decour la Pensée devenue la Pensée libre et mettent en place l’Université libre.

    Georges Politzer, immigré hongrois et pratiquement la principale figure intellectuelle du Parti Communiste, fondateur de l’Université ouvrière, est connu surtout comme auteur du manuel Principes élémentaires de philosophie.

    Il est également l’auteur en février 1941 de Sang et or, qui est une longue analyse de la démagogie fasciste et d’une critique du discours sur « l’Europe unie » prononcé par le théoricien nazi Rosenberg devant les hauts fonctionnaires nazis rassemblés à Paris. Dans le même esprit, Gabriel Péri rédige en avril 1941 Non, le nazisme n’est pas le socialisme.

    De juin 1940 à juin 1941, 2 696 000 tracts ou bulletins sont diffusés ; à partir du printemps 1941 est relancée la publication d’ouvrages classiques comme le Manifeste communiste, Socialisme utopique et socialisme scientifique, Travail salarié et capital, La maladie infantile du communisme (le « gauchisme »), L’État et la révolution.

    Il y aura eu en tout 317 numéros clandestins de L’Humanité, diffusés à 50 millions d’exemplaires.

    Dès août 1940 l’organe de la CGT, la Vie ouvrière, est publiée clandestinement. À l’automne 1940 il existe déjà plus de cent comités d’union syndicale et d’action dans les usines métallurgiques de la région parisienne. En décembre, Renault est obligé de jeter à la ferraille plusieurs centaines de motos sabotées.

    Il y a même en région parisienne la première manifestation de masse, de la porte Saint-Denis à Richelieu-Drouot, qui rassemble 10 000 personnes, le 14 juillet 1941.

    Il faut pourtant des cadres éprouvés pour porter tout cela : d’où viennent-ils ? Ils ne sauraient venir des activités légales, des actions électorales, des élus municipaux, des acteurs du syndicalisme.

    Ils ont trois sources : l’Organisation Spéciale, les Bataillons de la jeunesse, les groupes spéciaux de la Main-d’œuvre immigrée (MOI). On parle ici de l’appareil clandestin mis en place dans le cadre de l’Internationale Communiste, des cadres de la Jeunesse Communiste, des immigrés ayant une expérience de la lutte armée notamment avec la guerre d’Espagne.

    Ces trois structures se regrouperont ensuite sous le nom de Comité Militaire National, puis de Francs-tireurs et partisans.

    L’Organisation Spéciale est, initialement, une structure d’appui logistique à l’agitation clandestine ; très vite, dans le Nord occupé par l’Allemagne nazie et relevant d’un statut spécial, la lutte armée se spécialise, sous l’impulsion surtout des mineurs polonais. Elle existe dès 1940.

    Les Bataillons de la Jeunesse, recrutés dans la Jeunesse Communiste, est une organisation directement fondée avec comme objectif la lutte armée ; elle date du milieu de l’année 1941, dans la foulée de l’offensive de l’Allemagne nazie contre l’URSS.

    La Main-d’œuvre immigrée (MOI) est initialement une structure de la CGT Unitaire regroupant les travailleurs immigrés, souvent bien plus politisés et idéologues que les communistes Français. Elle a joué un grand rôle dans le soutien à la République espagnole et dès l’interdiction du Parti Communiste Français, elle établit des structures clandestines.

    Grâce à ces appuis essentiels, tant sur les plans subjectif qu’objectif, le Parti Communiste devient la seule organisation qui sur le territoire français ne cède en rien au pessimisme et a comme objectif annoncé la victoire. Le Parti Communiste devient alors une organisation révolutionnaire authentique, c’est-à-dire fonctionnant clandestinement et selon les principes stricts de la compartimentation.

    Chaque groupe fonctionne en triangle. Seule une personne fait office de liaison avec une autre structure de l’organisation.

    Les différents groupes ne se connaissent pas entre eux et si une structure tombe, l’organisation peut se maintenir. Le plus souvent, les groupes ne rassemblent que trois personnes, afin d’éviter tout risque d’infiltration.

    Les structures sont supervisées par un responsable des opérations militaires, un responsable technique – logistique et bien entendu un commissaire politique, base de toute armée rouge. Et, au départ du moins, la ligne de construction des structures clandestines se fait sur la base des revendications.

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    Le Parti Communiste Français
    de la lutte armée à l’acceptation

  • L’interdiction du Parti Communiste Français en 1939

    Le Parti Communiste Français paya très cher son incompréhension du barrage à droite prédominant depuis 1938. Il connut une déchirure interne provoquée par l’annonce de l’accord germano-soviétique, mais qui témoigne d’un problème de fond dans son positionnement.

    Pour preuve, il y a le départ de 22 des 74 parlementaires communistes, qui mettront en place par la suite un nouveau groupe parlementaire, l’Union populaire française. Une démarche scissionniste d’une telle ampleur ne peut naître qu’à partir d’un véritable manque de solidité.

    Les tendances droitières s’agitaient d’ailleurs toujours plus massivement dans le Parti, et cela alors que la France entrait en guerre contre l’Allemagne nazie, aux côtés du Royaume-Uni.

    Vint alors le remaniement dans le gouvernement le 13 septembre 1939. Édouard Daladier, déjà président du Conseil, s’appropria les postes de ministre des Affaires étrangères, ainsi que de ministre de la Guerre et de la Défense nationale.

    Il décida ensuite d’interdire le Parti Communiste Français, le 26 septembre 1939.

    « Article premier. Est interdite, sous quelque forme qu’elle se présente, toute activité ayant directement ou indirectement pour objet de propager les mots d’ordre émanant ou relevant de la Troisième internationale communiste ou d’organismes contrôlés en fait par cette Troisième internationale.

    Art. 2. Sont dissous de plein droit le parti communiste (SFIC), toute association, toute organisation ou tout groupement de fait qui s’y rattachent et tous ceux qui, affiliés ou non à ce parti, se conforment dans l’exercice de leur activité, à des mots d’ordre relevant de la Troisième internationale communiste ou d’organismes contrôlés en fait par cette Troisième internationale.

    Art. 3. Sont interdites la publication, la circulation, la distribution, la mise en vente, l’exposition aux regards du public et la détention en vue de la distribution, de l’offre, de la vente ou de l’exposition des écrits, périodiques ou non, des dessins et, d’une façon générale, de tout matériel de diffusion tendant à propager les mots d’ordre de la Troisième internationale ou des organismes qui s’y rattachent.

    Art. 4. Sans préjudice de l’application du décret du 29 juillet 1939 relatif à la sureté extérieure de l’État, les infractions au présent décret sont punies d’un emprisonnement d’un an à cinq ans et d’une amende de 100 à 5 000 fr. Les peines prévues à l’article 42 du code pénal pourront être prononcées par le tribunal. »

    La répression va durer plusieurs jours, car le Parti Communiste Français rassemble alors 250 000 adhérents, gère 317 municipalités (soit le double d’avant 1935) et dispose de 2 718 élus.

    Ses organismes générés sont très nombreux ; rien que l’ARAC (Association républicaine des Anciens combattants), c’était déjà 93 permanences locales à Paris, 191 dans sa banlieue.

    La police perquisitionne les lieux les uns après les autres, procédant à la saisie des documents, emportant le matériel, scellant les locaux, le tout avec une rigueur de métronome, suivant un plan bien établi.

    Dès le départ, en quelques jours seulement, sont brisées les principales organisations du Parti comme des principaux organismes générés, ainsi que de L’Humanité.

    Puis au fur et à mesure, la répression démantèle l’ensemble des organisations générées, qu’ils relèvent du sport ou de la musique, de l’enfance ou de la culture.

    D’autres organismes générés sont épurés ou bien voient leurs gestionnaires totalement renouvelés : on parle ici des bibliothèques, des coopératives, des colonies de vacances.

    Du côté des députés restant, ceux-ci formèrent un groupe « ouvrier et paysan », mais début octobre 1935 la répression s’abat sur eux également.

    Les municipalités communistes sont évidemment dissoutes, tous les élus déchus de leurs mandats.

    Quant à la CGT, elle participe à la saignée : les dirigeants communistes sont exclus dès le départ, puis chaque syndicat doit rejeter ouvertement l’accord germano-soviétique, sous peine d’être dissous, ce qui sera le sort de beaucoup par différentes vagues, notamment un peu plus d’une centaine dans le département de la Seine.

    Le processus est exactement le même dans la Fédération sportive et gymnique du travail, avec l’exclusion des dirigeants communistes et la dissolution de 48 clubs et de 21 comités régionaux.

    Le Parti Communiste Français est alors un pantin désarticulé. Il n’a pas prévu une telle répression, il est resté un mois sans presse ni propagande, attendant passivement que les choses se débloquent, une illusion fatale.

    Il n’a donc pas les moyens de faire face à la répression, alors qu’en plus les défections sont nombreuses, et que la mobilisation faite par l’armée désorganise encore plus ce qui tente de se maintenir avec les multiples départs au front, puisque la guerre avec l’Allemagne est déclarée.

    Le décret-loi du 18 novembre 1939 permet l’internement administratif des « individus dangereux pour la défense nationale ». Le camp de vacances de l’union syndicale des ouvriers métallurgistes à à Baillet-en-France à vingt kilomètres de Paris est ainsi par exemple utilisé pour l’internement de 282 communistes.

    En mars 1940, Paul Reynaud devient président du Conseil avec le soutien des socialistes et le ministre socialiste de la justice Albert Sérol instaure la peine de mort pour les activités communistes.

    Le Parti Communiste Français est alors battu. Maurice Thorez, qui a été mobilisé et a accepté son affectation, est appelé à déserter par l’Internationale Communiste, qui l’amène clandestinement en URSS.

    Il y restera pendant toute la seconde guerre mondiale, coupée des réalités du Parti Communiste Français se maintenant dans la clandestinité.

    Celui-ci se reconstitue en effet, difficilement, à partir du petit appareil clandestin qui existait, avec ses planques, ses caches, ses imprimeries. Une nouvelle génération de cadres va émerger, menant la Résistance armée.

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    isolé et interdit (1938-1939)

  • Le rejet par les socialistes et l’interdiction de la presse communiste en 1939

    Dans son rapport au Comité central de mai 1939, Maurice Thorez espère qu’après le refus de l’unité, effectué lors de son conseil national, le Parti socialiste-SFIO va modifier sa ligne lors de son congrès.

    Il est obligé de penser cela, de par son positionnement : il doit croire jusqu’au bout les illusions de sa conception « républicaine ».

    Il a les moyens matériels de le faire, pour l’instant encore : le 21 mai 1939, 200 000 personnes se rassemblent à Paris pour les cortèges en l’honneur de la Commune. Le mouvement ouvrier connaît un reflux, mais ses structures restent massives et ses traditions puissantes.

    Le Parti Communiste Français écrit donc de nouveau au Parti socialiste-SFIO afin de parler de l’unité.

    Cependant, au congrès de la fin mai 1939 à Nantes, les choses basculent : cette fois les centristes se sont associés avec l’aile droite.

    La question du « noyautage communiste » donne lieu à un très long débat, avec une volonté nette de casser les organismes générés par le Parti Communiste Français.

    Une motion en ce sens est alors largement adoptée par 5 490 mandats contre 1 771 et 264 abstentions.

    « Le Congrès considérant qu’il est interdit à un membre du Parti d’appartenir à un autre parti ou groupement politique quel qu’il soit, et quelle que soit sa dénomination ;

    Précise que cette interdiction s’applique également aux groupements, ligues ou associations ayant en réalité un caractère politique, comme relevant directement ou indirectement d’un parti politique tels que : amicales d’entreprises radicales ou communistes et toutes amicales d’entreprises sous l’influence d’un parti politique autre que le nôtre : Secours Populaire de France, Paix et Liberté, Parti Unique du Prolétariat, Femmes contre la Guerre et le Fascisme, Jeunes Filles de France, Amis de l’Union Soviétique, etc.

    Le Congrès rappelle, en outre, qu’il est interdit à tout membre du Parti d’appartenir à un groupement dont l’action s’avérerait hostile au Parti. »

    C’était un coup terrible porté au Parti Communiste Français et le Parti socialiste-SFIO le savait très bien. C’était aussi ouvertement torpiller toute idée d’unité organique entre socialistes et communistes, comme il avait déjà été décidé au Conseil national de mars.

    Malgré tout, contre tout bon sens et de la même manière qu’avec les radicaux, les communistes cherchèrent encore à empêcher une vraie rupture, à l’instar de cette lettre à la direction socialiste de Jacques Duclos au nom du Parti Communiste Français.

    « Paris, le 3 juin 1939.

    Chers camarades,

    La résolution adoptée par le congrès de Nantes affirme que votre parti n’entend renoncer à aucune possibilité d’action commune, et précise que, pour porter tous ses fruits, cette action doit avoir lieu pour des buts et dans des conditions délibérés, acceptés au préalable et appliqués sur le plan national.

    Nous basant sur cette décision souveraine de votre congrès et nous référant au pacte d’unité d’action qui, depuis le 27 juillet 1934, lie nos deux partis, nous vous proposons de réaliser l’action commune de nos organisations et de nos militants pour faire face à toutes les attaques de la réaction et du fascisme, tant sur le plan de la politique extérieure que de la politique intérieure.

    Par notre action commune, nous pouvons et nous devons assurer l’application d’une politique résolue à maintenir l’intégrité du territoire de la France, à défendre contre toute atteinte son indépendance politique et à assurer les droits et les libertés des populations indigènes des colonies.

    Par notre action commune, nous pouvons fit nous devons exiger du gouvernement français qu’il oppose aux entreprises de violence, une volonté inébranlable de résistance et de coalition des forces pacifiques.

    Par notre action commune, nous pouvons et nous devons combattre victorieusement les injustices des décrets-lois, sachant bien que les ouvriers et les paysans acceptent leur
    participation aux sacrifices communs, mais réclament l’équité dans là répartition des lourdes charges résultant des menaces extérieures.

    Par notre action commune, nous pouvons contrecarrer toutes les tentatives de destruction des institutions démocratiques et imposer leur fonctionnement normal.

    Enfin, si l’unité d’action est nécessaire sur le plan national, si elle est seule susceptible dé faciliter le regroupement autour des travailleurs organisés de tous les démocrates sincères, d’assurer le rassemblement national et républicain dont s’excluent eux-mêmes les alliés du fascisme intérieur et extérieur.

    Elle est non moins nécessaire sur le plan international. »

    Le Parti Communiste Français systématisa sa propagande à double niveau, avec l’appel à l’union sur le plan national et sur le plan international.

    Pour le premier aspect, il fut grandement profité du 150e anniversaire de la révolution française, notamment pour un grand meeting à Paris le 25 juin 1939, avec 60 000 personnes.

    Pour le second aspect, il y eut notamment début juillet des rassemblements pour la constitution d’un front de la paix, avec 20 000 personnes à Montreuil, 15 000 à Ivry, 15 000 à la Courneuve, 5 000 à Rueil, 10 000 à Dijon, puis 15 000 personnes à Bordeaux, 5 000 à Montreuil, 2 000 à Gagny, 6 000 dans le 13e arrondissement de Paris…

    Ainsi que de multiples autres, avec à chaque fois plusieurs milliers de personnes, et avec des orateurs différents à chaque fois afin de multiplier facilement les initiatives, principalement Maurice Thorez, Jacques Duclos, Marcel Cachin, André Marty, Georges Cogniot, Emmanuel Fleury.

    Le 14 juillet 1939 fut également prétexte à un vaste rassemblement de masse, avec 250 000 personnes à Paris, 100 000 à Marseille, 50 000 à Saint-Etienne, 10 000 à Toulouse, 8 000 à Angoulême.

    Mais étant donné que c’était le 150e anniversaire de la révolution française, ces chiffres sont à relativiser : un véritable engouement eut donné des chiffres autrement plus fort.

    D’ailleurs, 25 000 personnes seulement se retrouvent devant le Panthéon, en honneur de Jean Jaurès le 30 juillet 1939, un chiffre vraiment très faible étant donné l’ambiance de guerre régnante alors.

    La tension commence alors à monter de manière significative : des poursuites contre L’Humanité sont engagées pour divulgation d’informations confidentielles (mais un acquittement est prononcé) et surtout le 29 juillet 1939 un décret… prolonge de deux ans les mandats des députés.

    On est dans une situation où le gouvernement gouverne par décrets, avec une assemblée inutile qui plus est prolongée de deux années : c’est une centralisation des pouvoirs dans un sens fasciste, et le Parti Communiste Français n’en a pas saisi ni l’importance, ni la signification historique.

    D’où son erreur tactique monumentale. Lorsque l’URSS, craignant la trahison franco-britannique semblant évidente de par le jeu de la Pologne, réalise un accord avec l’Allemagne nazie pour éviter de se retrouver seule dans un affrontement direct avec celle-ci, le Parti Communiste Français salue bruyamment l’initiative.

    Le propos est juste, mais politiquement la mise en place d’une telle ligne est une erreur tactique complète.

    « Déclaration du Parti Communiste français

    Au moment où l’UNION SOVIETIQUE apporte une nouvelle et inappréciable contribution à la sauvegarde de la paix constamment mise en péril par les fauteurs de guerre fascistes, le Parti communiste français adresse au Pays du socialisme, à son Parti et à son grand chef Staline, un salut chaleureux.

    Depuis vingt-deux ans, le pouvoir des travailleurs démontre aux peuples de l’univers que le socialisme, c’est la paix.

    Le premier acte du pouvoir des Soviets, le 8 novembre 1917, fut un appel en faveur de la paix, et il s’adressait particulièrement « aux ouvriers les plus conscients des trois nations les plus avancées de l’humanité : l’Angleterre, la France et l’Allemagne ».

    Depuis, et en toute occasion, l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques a su tenir bien haut le drapeau de la grande paix humaine.

    Malgré vents et marées, malgré les attaques, violentes ou sournoises, malgré là contre-révolution, le blocus, le cordon sanitaire et le fil de fer barbelé de la réaction internationale, malgré les calomnies et les manœuvres de toutes sortes, malgré les Trotski et les Toukatchevski, l’U.R.S.S. a su défendre la paix et triompher de tous ses ennemis.

    Elle a pris position aux côtés de tous les peuples victimes ou menacés d’une agression.

    Seule parmi toutes les nations, l’Union soviétique a porté secours à l’Espagne républicaine envahie par les hordes barbares du fascisme international et lâchement abandonnée par les gouvernements de France et d’Angleterre au mépris des traités librement contractés et des engagements solennellement proclamés.

    L’UNION SOVIETIQUE a sauvé l’honneur de l’humanité civilisée et progressive en refusant de s’associer à cette politique criminelle de la « non-intervention ».

    L’UNION SOVIETIQUE est aujourd’hui aux côtés de la Chine martyre, agressée par le Japon militariste et fasciste, mais qui, grâce à son unité nationale, à son héroïsme, au soutien sans réserve de l’U.R.S.S. et des travailleurs du monde entier, aura raison de ses ennemis et débarrassera son territoire des brigands japonais.

    Il y aura bientôt un an que la Tchécoslovaquie, trahie par ses alliés, parmi lesquels la France, était livrée au fascisme hitlérien. Un peuple libre et fier connait maintenant le joug féroce de la dictature hitlérienne.

    L’UNION SOVIETIQUE fut seule jusqu’au bout, comme le rappelait récemment encore le Président Bénès, à observer rigoureusement ses engagements et à soutenir la cause du peuple tchécoslovaque.

    L’UNION SOVIETIQUE a droit à la gratitude de ces peuples.

    Mais ceux qui les ont trahis, ceux qui ont pratiqué la « non-intervention » ou fait Munich, doivent s’apercevoir que leurs capitulations successives devant le fascisme international a eu pour résultat d’attirer la menace d’agression sur leur propre pays.

    Au lendemain du 15 mars, lorsque grâce à la complicité de la France et de l’Angleterre, Hitler eut annexé brutalement ce que Munich avait laissé de la Tchécoslovaquie, l’Union soviétique a proposé une conférence en vue de réaliser l’alliance de tous les peuples libres pour défendre la paix et barrer la route à toute nouvelle agression.

    Malgré le refus des principales puissances intéressées, elle a persévéré dans son effort de construction de la paix.

    Quand, cédant à la pression des masses populaires, les gouvernements de Londres et de Paris se résignèrent à engager des pourparlers avec elle, l’Union soviétique a formulé des propositions sages et concrètes dont la prise en considération eut permis la conclusion d’une alliance anglo-franco-soviétique basée sur l’égalité et la réciprocité.

    C’eût été la digue de la paix contre laquelle les entreprises des fauteurs de guerre se fussent brisées.

    Mais si l’Union soviétique, soucieuse des intérêts de la paix et des peuples visés par de proches agressions, avait la ferme volonté d’aboutir, cette même volonté ne se rencontrait pas chez ses interlocuteurs.

    En présence des atermoiements, des tergiversations, du sabotage de Londres et de Paris, l’U.R.S.S. a fait, preuve d’une incroyable patience.

    Et voilà que ceux-là mêmes qui, depuis cinq mois manœuvrent pour empêcher la conclusion de l’alliance anglo-franco-soviétique, déclenchent contre le pays du socialisme une violente campagne parce qu’il accepte la demande de l’Allemagne hitlérienne de conclure avec lui un pacte de non-agression.

    Silence à ceux qui sont responsables si, aujourd’hui, les peuples vivent dans l’angoisse !
    La volte-face du fascisme hitlérien fait éclater le triomphe de la force de l’U.R.S.S., due à la construction victorieuse du socialisme, à sa puissance économique, politique et culturelle, à l’unité morale et politique de la société soviétique, à l’armée et à la marine militaire rouges, à sa politique de fermeté envers les agresseurs fascistes, politique qui a fait ses preuves au lac Khassan [victoire de l’armée rouge sur une incursion japonais en août 1938].

    Hitler, en reconnaissant, la puissance du pays du socialisme, accuse du même coup sa propre faiblesse.

    Ce succès que l’Union soviétique vient de remporter, nous le saluons avec joie car il sert la cause de la paix.

    La conclusion d’un tel pacte de non-agression ne peut que réjouir tous les amis de la paix, communistes, socialistes, démocrates, républicains.

    Tous savent qu’un tel pacte aura comme unique conséquence la consolidation de la paix. Tous savent qu’il ne privera aucun peuple de sa liberté, qu’il ne livrera aucun-arpent de terre d’une nation quelconque, ni une colonie.

    Tous savent qu’un tel pacte de non-agression n’a rien de commun avec certains autres traités, comme les accords de Rome que les communistes français furent seuls à combattre et qui livraient l’Abyssinie à Mussolini, comme le « gentlemen-agreement » conclu entre l’Angleterre et l’Italie sans souci des autres nations du bassin méditerranéen, comme l’accord de « non-intervention » qui livra l’Espagne républicaine à Mussolini et à Hitler, comme le honteux diktat de Munich qui permit le dépècement de la Tchécoslovaquie, comme les accords entre l’Angleterre et le Japon, qui reconnaissent le droit au Japon de conquérir la Chine et qui livrent au bourreau japonais quatre Chinois de Tien-Tsin.

    Nous n’avons aucune peine à comprendre la fureur des fascistes et de la réaction mondiale devant l’exemple de l’UNION SOVIETIQUE qui démontre la possibilité de signer des accords et des traités sans laisser la voie libre à l’agression et, contrairement à ce qui fut le cas en d’autres circonstances, sans aliéner l’indépendance d’une nation avec la même facilité qu’un particulier peut vendre une propriété.

    Le pacte de non-agression qui vient d’être signé à MOSCOU est un coup direct à l’agression.

    Comme l’attestent les nouvelles du Japon agresseur de la Chine, et de l’Espagne franquiste, il divise, et par conséquent affaiblit, le camp des fauteurs de guerre qui s’étaient unis sous le signe du pacte antikomintern.

    Le désarroi qui règne parmi les alliés du fascisme hitlérien suffit à montrer, et dans les semaines qui viennent les peuples s’en convaincront mieux encore, que l’U.R.S.S. vient de rendre un inoubliable service à la cause de la paix, à la sécurité des peuples menacés, et de la France en particulier.

    Et si quelques chefs socialistes ont estimé devoir prendre place dans le chœur fasciste et réactionnaire pour injurier l’UNION SOVIETIQUE, ils seront condamnés par tous les travailleurs, y compris les travailleurs socialistes.

    Ceux qui ont sur la conscience le crime de la non-intervention, ceux qui, au lendemain de Munich qu’ils approuvaient, ressentaient selon la formule du camarade Léon Blum « un lâche soulagement », ceux qui approuvent, les gouvernements qui livrent les peuples à l’esclavage fasciste, ceux-là sont disqualifiés pour prétendre s’ériger encenseurs de la politique de paix de l’Union soviétique.

    La paix, c’est le bien précieux des hommes.

    Pour la préserver contre ceux qui la menacent, il est de notre devoir de seconder les efforts admirables et couronnés de succès de l’Union soviétique.

    Nous savons que pour cela l’unité de la classe ouvrière est nécessaire. A cette œuvre, nous nous consacrons sans réserve et avec le concours de tous les ouvriers conscients nous parviendrons à paralyser les diviseurs.

    En empêchant jusqu’à ce jour l’action commune des travailleurs socialistes et communistes, ces diviseurs ont fait beaucoup de mal, ils ont empêché la riposte aux coups portés à la paix et à l’indépendance des peuples par le fascisme.

    Les campagnes de division d’un [socialiste néerlandais Johan Willem] Albarda, d’un [socialiste belge Paul-Henri] Spaak ou d’un [socialiste français] Paul Faure sont néfastes aux intérêts de la classe ouvrière et des peuples libres.

    Travailleurs socialistes et communistes viendront à bout de la division et, en groupant autour d’eux tous les amis de la paix et de la liberté radicaux, démocrates, croyants et laïques ils formeront le barrage aux forces d’agression.

    Pour la défense du pain, de la liberté et de la paix, les travailleurs se rassembleront sous le drapeau du socialisme, le drapeau qui flotte victorieusement sur un sixième du globe grâce au Parti bolchevik, aux peuples fraternellement unis de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques et à, leur chef génial, le camarade Staline.

    Le Parti communiste, fidèle à la doctrine de Marx, Engels, Lénine, Staline, est plus que jamais l’ennemi implacable du fascisme international, en première ligne du fascisme hitlérien le plus bestial et le principal fauteur de guerre, l’adversaire le plus dangereux de la démocratie.

    Il appelle tous les communistes et la masse imposante de ses sympathisants à remplir tout leur devoir pour la défense de la démocratie, de la liberté et de la paix.

    Dans le vrai combat contre le fascisme agresseur, le Parti communiste revendique sa place au premier rang.

    Vive l’UNION SOVIETIQUE, pays du socialisme vainqueur et bastion de la paix dans le monde !
    Vive l’UNION de la classe ouvrière internationale et de tous les peuples contre le fascisme !
    VIVE LA PAIX DANS LA DIGNITE ET L’INDEPENDANCE DES NATIONS.

    Le Parti communiste français (S.F.I.C.) »

    La réponse du gouvernement fut quasi immédiate : la presse communiste est interdite en date du 25 août 1939, toute réunion publique communiste est interdite dans la foulée en date du 27 août. Les arrestations commencent, par centaines.

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    isolé et interdit (1938-1939)

  • « Pour la paix ! Pour le progrès ! Pour la République ! Français, unissez-vous ! »

    Maurice Thorez présente de la manière suivante son rapport au Comité central le 19 mai 1939, lors d’une de ses sessions. Le mot d’ordre est « Pour la paix ! Pour le progrès ! Pour la République ! Français, unissez-vous ! ».

    On y trouve d’exprimé la synthèse en cours : celle de l’union la plus large pour la paix et de l’assimilation du marxisme-léninisme diffusé par l’URSS.

    Il y a une approche bien plus profonde qu’avant, bien plus idéologique ; on est ici dans le maximum de ce qui pouvait sortir du Parti Communiste Français et il est évident qu’une révolutionnarisation était nécessaire pour pouvoir aller plus loin.

    Après la bolchévisation, il fallait assumer le marxisme-léninisme comme science ; le Parti Communiste Français n’en aura pas le temps.

    « Camarades,

    Quatre mois à peine se sont écoulés depuis la conférence nationale de notre Parti communiste. Et cependant nous nous réunissons aujourd’hui membres du Comité central, secrétaires régionaux et autres militants responsables dans une situation toute nouvelle en France et dans le monde (…).

    Les espoirs de paix se sont évanouis. L’inquiétude, l’angoisse sont de nouveau au coeur des hommes et des femmes soudain placés devant la dure réalité : la guerre est là, la guerre affreuse, la guerre tueuse et dévastatrice. L’Europe est comme un immense camp retranché. Elle est de nouveau la poudrière que la moindre étincelle peut faire sauter et dans laquelle cependant des fous furieux brandissent leurs torches incendiaires (…).

    Le moindre incident, une provocation quelconque, un attentat, peuvent désormais fournir le prétexte à une généralisation de la guerre. Et quelle guerre ! Une guerre qui n’épargnerait rien ni personne. Une guerre si terrible, si effroyable, que disparaîtraient à l’esprit des survivants le souvenir des horreurs de 1914 à 1918 (…).

    C’est contre la France que Mussolini élève des prétentions insolentes, visant non seulement Djibouti, et la Tunisie, mais une partie du sol national, la Corse, Nice et la Savoie.

    C’est contre la France que Hitler et Mussolini ont poussé au plus loin leurs opérations préliminaires d’isolement, d’encerclement (…).

    Nous SEULS, communistes, nous avons en septembre mis en garde contre la trahison qui se préparait.

    Nous SEULS nous avons dénoncé résolument. à la Chambre et dans le pays, la capitulation de Munich qui a compromis gravement, on s’en rend compte maintenant, la sécurité de la France et là cause de la paix.

    Nous, SEULS, le 4 octobre 1938 nous avons refusé la confiance au gouvernement des munichois (…).

    Les travailleurs approuvent notre Parti communiste qui a voté, seul, le 4 octobre 1938, et contre les accords de Munich, et contre les pleins pouvoirs.

    La classe ouvrière ne veut pas supporter les sacrifices à sens unique, les décrets-lois qui portent atteinte aux lois sociales et aux libertés démocratiques, l’abrogation de la semaine de 40 heures, la violation des conventions collectives et la suppression de la liberté du travail, toute relative.

    L’obligation de faire des heures supplémentaires, sous menace de congédiement, sans pouvoir être réembauché dans une autre entreprise ni être inscrit sur un fonds de chômage pendant six mois, fait reculer d’un siècle notre législation sociale (…).

    Enfin, mise hors d’état de nuire des traîtres, capitulards, espions du fascisme. Soutien des officiers républicains et des soldats du peuple contre les manœuvres et les provocations des éléments fascistes.

    Souffle républicain dans l’armée, la police, l’administration et la magistrature. Dissolution effective des ligues fascistes. Interdiction de leur presse. Arrestation de leurs chefs (…).

    Le fascisme, ce n’est pas le signe de la santé et de la force du capitalisme, c’est le signe de sa décrépitude irrémédiable. Le fascisme, c’est le produit le plus abject du monde capitaliste en décomposition.

    Le fascisme souligne la faiblesse de la bourgeoisie, en ce sens qu’elle renonce à ses méthodes antérieures de domination, aux méthodes démocratiques qui correspondaient à la période ascendante, progressive, du capitalisme, pour recourir aux méthodes de la violence brutale et sanglante.

    Le fascisme, c’est la dictature des éléments les plus réactionnaires et les plus acharnés du capital. Le fascisme supprime toutes les libertés, il tente d’anéantir le mouvement ouvrier, il détruit les syndicats, il interdit le Parti communiste et tous les autres partis de démocratie.

    Le fascisme voudrait donner l’apparence de la force, mais nous sommes des communistes, des marxistes-léninistes.

    Notre doctrine, notre théorie, la théorie scientifique du matérialisme dialectique « veut que les phénomènes soient considérés non seulement du point de vue de leurs relations et de leur conditionnement réciproques, mais aussi du point de vue de leur mouvement, de leur changement, de leur développement, du point de vue de leur apparition et de leur disparition

    Pour la méthode dialectique, ce qui importe avant tout, ce n’est pas ce qui à un moment donné paraît stable, mais commence déjà à dépérir ce qui importe avant tout, c’est ce qui naît et se développe, si même la chose semble à tin moment donné instable car pour la méthode dialectique il n’y a d’invincible que ce qui naît et se développe. » (Histoire du Parti communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., page 100.)

    Or, en Allemagne et en Italie, ce qui naît, ce qui se développe, c’est l’opposition de la multitude opprimée, asservie, économiquement et politiquement, à la dictature provisoire momentanée du fascisme.

    Les misères et les souffrances des peuples soumis au joug bestial du fascisme déterminent une accumulation énorme de ressentiments et de haines légitimes qui ne peuvent pas ne pas conduire ultérieurement à une explosion formidable qui balayera les dictateurs et leur régime sanglant (…).

    La volonté de paix et de liberté des masses populaires de tous les pays est encouragée par la fermeté inébranlable de l’Union soviétique face aux agresseurs fascistes et aux provocateurs de guerre.

    Oui, on peut résister à la fureur guerrière, du fascisme, il suffit d’unir autour des grandes démocraties tous les peuples oui veulent préserver leur indépendance (…).

    Il est encore temps d’inviter les peuples à la ronde de la paix autour de la France, de l’Angleterre et de l’Union soviétique (…).

    Les travailleurs sont prêts aux sacrifices qu’exige la défense du pays et de la paix ; ils jugent nécessaires le renforcement de la capacité militaire de la France, la fabrication massive d’armements qu’imposent les circonstances. Mais les travailleurs entendent que les sacrifices soient imposés d’abord aux possédants.

    Il faut contraindre le grand patronat routinier et cupide à la rénovation des méthodes de production, à la modernisation de l’outillage, à la réintégration de tous les chômeurs dans la production, et alors, alors seulement, les travailleurs accepteront de faire, sous le contrôle de leurs syndicats, les heures supplémentaires dont la nécessité apparaîtrait.

    Un gouvernement de défense nationale s’appuyant sur la classe ouvrière donnerait en outre la certitude que les armements fabriqués par les travailleurs ne seront pas dirigés contre eux ou contre l’Union soviétique (…).

    Nous devons dire au camarade Léon Blum : Vous défendez présentement sur les questions vitales pour la classe ouvrière et pour le pays des opinions qui ne se distinguent guère de celles que nous professons depuis longtemps nous-mêmes.

    Dans ces conditions rien ne devrait s’opposer à l’action commune de nos deux Partis, à l’unité de la classe ouvrière.

    Camarade Léon Blum, dans une grande mesure le sort de la classe ouvrière est entre vos mains, de vous surtout dépend le retour à la pratique effective de l’action commune.

    Léon Blum et ses partisans ont obtenu la majorité au Conseil National du Parti socialiste en décembre 1938, puis en mars dernier.

    Dans le dernier Conseil National, Blum et ses camarades de tendance auraient pu repousser le vote du texte [de Justin] Arnol suspendant l’unité d’action ; ils ont préféré s’abstenir.

    Nous souhaitons bien vivement qu’au prochain Congrès socialiste s’affirme une majorité favorable à l’unité d’action.

    Ce serait un événement heureux pour la classe ouvrière de notre pays, ce serait un pas sérieux vers la réalisation du front unique international (…).

    Notre parti groupe en premier lieu les ouvriers d’avant-garde, les meilleurs prolétaires, les représentants authentiques et les plus qualifiés de la classe ouvrière.

    Or, la classe ouvrière est, dans la société actuelle de production capitaliste, une classe révolutionnaire. La classe ouvrière qui subit l’exploitation capitaliste ne peut ne pas être l’adversaire, l’antagoniste irréductible de la classe des exploiteurs capitalistes.

    La classe ouvrière est ainsi conduite à une lutte de plus en plus consciente contre le capitalisme, à une lutte révolutionnaire qui part de la défense des intérêts quotidiens des prolétaires pour aboutir à la suppression de l’exploitation capitaliste, à l’instauration du système de production socialiste, à l’avènement du communisme.

    La conscience de ces buts de la classe ouvrière, de sa mission historique d’affranchissement de l’humanité, voilà l’explication de l’hostilité foncière des communistes au capitalisme qui engendre la guerre et qui a donné naissance au fascisme.

    Ce n’est pas tout. Notre Parti communiste est pourvu d’une boussole incomparable qui lui permet de fixer à coup sûr la route de la classe ouvrière ; cette boussole c’est la doctrine scientifique de Marx, Engels, Lénine et Staline, c’est la théorie révolutionnaire du marxisme-léninisme.

    La classe ouvrière, en raison de ses conditions de vie, de sa position dans la société vient naturellement au socialisme, au communisme.

    Mais il à été nécessaire de l’éclairer sur ses propres destinées, de la préparer il son rôle de « fossoyeur du capitalisme », d’organisateur de la société communiste de l’avenir. Ce fut l’oeuvre de Marx et d’Engels, des plus grands penseurs de l’humanité.

    Marx et Engels ont découvert les lois du développement des sociétés depuis les époques les plus reculées. Marx et Engels ont démontré que la société capitaliste dans laquelle nous vivons a succédé à d’autres sociétés depuis les communautés primitives, à l’esclavage, et à la féodalité et qu’elle conduit inévitablement à une société, supérieure, au communisme.

    Marx et Engels ont démontré que le fondement de ces sociétés diverses, c’est la façon dont les hommes produisent et sont groupés entre eux dans la production sociale ; les rapports sociaux de production, la place des individus et des collectivités dans la production, dépendant en dernière analyse « moins de ce que l’on fabrique, que de la manière de fabriquer, que des moyens de travail par lesquels on fabrique » (Capital, tome I, p.16. E.S.I.).

    Marx et Engels ont professé le matérialisme dialectique, « ainsi nommé parce que sa façon de considérer les phénomènes de la nature, sa méthode d’investigation et de connaissance est DIALECTIQUE et son interprétation, sa conception des phénomènes de la nature, sa théorie est matérialiste (Histoire du Parti communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., p. 98).

    Par là, la doctrine marxiste se rattache directement au matérialisme philosophique des grands encyclopédistes français du dix-huitième siècle.

    Marx lui-même a écrit : «  De même que le matérialisme cartésien a son aboutissement dans les sciences physiques proprement dites, l’autre tendance du matérialisme français aboutit directement au socialisme et au communisme » (Karl Marx. Œuvres philosophiques, La Sainte Famille, tome II, p. 234).

    Les représentants de cette autre tendance furent notamment Condillac, Helvétius, La Mettrie, Diderot, d’Alembert, etc.

    Marx poursuit : « Quand on étudie les théories du matérialisme sur la bonté originelle et l’égale intelligence des hommes, sur la toute-puissance de l’expérience, l’habitude, l’éducation, l’influence des conditions extérieures sur les hommes, la haute importance de l’industrie, le bien-fondé de la jouissance, etc. il n’est pas besoin d’une sagacité extraordinaire pour découvrir ce qui tes rattache nécessairement au communisme et au socialisme. »

    De son côté, Engels écrit dès la deuxième phrase de son œuvre capitale « L’Anti-Dühring » : « Dans sa forme théorique, le socialisme apparaît à ses débuts comme une continuation plus poussée, qui veut être plus conséquente, des Encyclopédistes du XVIIIe siècle.

    Comme toute théorie nouvelle, le socialisme devait tout d’abord se rattacher au fonds d’idées existant au moment de son apparition, à quelque point qu’il eût sa racine dans les conditions économiques.

    Les grands hommes qui, en France, ont éclairé les cerveaux en vue, de la Révolution future, se montraient eux-mêmes extrêmement révolutionnaires. Ils ne reconnaissaient aucune autorité en dehors d’eux, quelle qu’elle fût : religion, conception de la nature, société, organisation de l’Etat, tout était soumis à une critique implacable. »

    Le marxisme c’est l’unité de la théorie et de la pratique révolutionnaire. Dès 1845, rédigeant ses thèses sur Feuerbach, Marx termina de la sorte : « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, mais il s’agit de le transformer ».

    Marx et Engels démontrèrent que nulle classe dans le passé n’avait renoncé de plein gré à l’exercice de sa domination, même lorsque le progrès des forces productives exigeait l’établissement, de nouveaux rapports de production, même lorsque l’histoire portait une condamnation inexorable contre les temps révolus.

    Le cent cinquantenaire de la Grande Révolution ne vient-il pas rappeler à ce propos que la bourgeoisie française a dû briser par la violence révolutionnaire le pouvoir, du roi et des seigneurs féodaux, qu’elle a dû défendre au moyen de la terreur révolutionnaire, contre les ennemis du dedans et du dehors, les conquêtes sociales et politiques de la France Nouvelle.

    Marx et Engels ont démontré que la classe ouvrière devra inévitablement recourir aux mêmes méthodes révolutionnaires pour briser la domination de la bourgeoisie dépassée par les nouveaux progrès de la science, de la technique, des forces de production que la classe ouvrière doit se préparer à l’exercice de la dictature du prolétariat pour assurer son nouveau pouvoir, pour préparer la société sans classes, qui verra enfin régner sur le monde dans l’épanouissement du communisme libérateur, la justice, le bonheur, la paix.

    Afin de rapprocher le jour heureux où selon son expression si poétique : « il y aura du pain pour tout le monde et aussi des roses. »

    Marx et son compagnon Engels, ont enseigné que la classe, ouvrière doit avoir son propre parti qu’ils ont appelé le Parti communiste.

    Ils ont rédigé, il y a presque un siècle, leur « Manifeste communiste », l’œuvre immortelle qui reste la base de notre doctrine révolutionnaire.

    Lénine n’a pas seulement défendu la doctrine de Marx et d’Engels contre les révisionnistes et les falsificateurs de la social-démocratie. Lénine a fait progresser la théorie marxiste (…).

    Comme toute théorie, comme toute science, la théorie marxiste-léniniste se développe ; elle se perfectionne constamment.

    Le mérite, la gloire de notre grand Staline résident précisément dans les apports substantiels dont il enrichit sans cesse la doctrine des fondateurs du socialisme scientifique, dans les nouveaux progrès que fait, grâce à ses travaux, le marxisme-léninisme (…).

    Les adversaires du communisme, les ennemis du peuple croient nous désobliger en nous appelant des stalinistes. Ils ne voient pas que c’est pour nous un titre de fierté que nous nous efforçons de mériter.

    Notre plus vif désir, notre ambition suprême, c’est de devenir des marxistes-léninistes éprouvés, de véritables stalinistes (…).

    La voie de l’Internationale communiste, la voie de l’internationale de Lénine et de Staline, c’est la voie dans laquelle nous ont précédés les travailleurs de l’Union soviétique sous la conduite du glorieux Parti bolchevik.

    La voie de l’Internationale communiste, notre voie, c’est celle de la lutte pour le pouvoir de la classe ouvrière et de l’édification socialiste.

    Le socialisme, le communisme, ce n’est plus une chimère, une utopie, un rêve. C’est la vie heureuse de 180 millions de citoyens soviétiques, c’est la vie joyeuse d’une jeunesse ardente (…).

    A l’oeuvre donc, sous le drapeau de l’Internationale, communiste, sous le drapeau de Lénine et de Staline, à l’œuvre pour un Parti communiste toujours plus fort, pour l’unité de la classe ouvrière, en France et dans le monde, pour, l’union de tous les républicains contre le fascisme et contre la guerre, à l’œuvre pour le salut de notre peuple, pour la cause universelle de la liberté et de la paix, pour le triomphe du communisme libérateur. »

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    isolé et interdit (1938-1939)

  • Le PCF en 1939 : la question de l’Alliance franco-soviétique, le matérialisme dialectique

    En mars 1939, on est en plein drame historique. Hitler menace les restes de la Tchécoslovaquie et finit par l’envahir à la mi-mars. La République espagnole s’effondre et Franco va annoncer sa victoire le premier avril.

    Édouard Daladier s’arroge alors les pleins pouvoirs le 18 mars 1939, dans tous les domaines, afin de « prendre l’ensemble des mesures exceptionnelles qu’exige la sécurité du pays ».

    Le 29 mars 1939, il annonce à la radio les mesures qu’il va mettre en place, qu’il pose naturellement comme relevant de l’exceptionnel. C’est qu’on parle tout de même d’une semaine de travail à 45 heures d’un côté et d’un impôt spécial sur les bénéfices des industries de guerre de l’autre.

    Deux jours plus tard, le premier ministre britannique Neville Chamberlain affirme devant la Chambre des Communes que le Royaume-Uni apportera son « complet appui » à la Pologne si celle-ci était attaquée.

    Cela implique bien entendu que la France soit de la partie. Il manque toutefois une pièce maîtresse pour que cela soit efficace : l’appui soviétique. Ainsi commencent à partir de mars 1939 des tractations sans fin entre la France, le Royaume-Uni et l’URSS quant à une alliance tripartite.

    L’URSS appréhende la chose : elle a été mise de côté des accords de Munich scellant la fin de la Tchécoslovaquie, littéralement sacrifiée. Il y a qui plus est eu un accord anglo-allemand signé par Neville Chamberlain et Adolf Hitler le 30 septembre 1938, ainsi qu’un accord franco-allemand signé par Georges Bonnet et Joachim von Ribbentrop le 6 septembre 1938.

    L’URSS craint que les discussions avec le bloc franco-anglais ne soient somme toute qu’un piège pour gagner du temps et qu’elle va se retrouver toute seule face à l’Allemagne nazie.

    Il y a un autre problème : la Pologne, au régime pratiquement fasciste. En 1938, la Pologne avait refusé de laisser passer l’armée rouge pour aller aider la Tchécoslovaquie face à l’Allemagne nazie ; pire encore, elle avait elle-même participé au dépeçage de ce pays, s’appropriant une partie de son territoire.

    Ni la France ni le Royaume-Uni ne peuvent assurer à l’URSS que la Pologne laissera passer l’armée rouge pour combattre l’Allemagne nazie. La France fait ici des efforts, mais sans réelles garanties et l’URSS considère alors qu’elle n’a plus le choix : elle doit éviter à tout prix de se retrouver seule, du moins faut-il gagner du temps.

    Cela va donner en le pacte entre l’URSS et l’Allemagne nazie : cette dernière occupe la Pologne à l’Ouest, alors que l’URSS prend la partie est consistant en pratique en l’Ouest de l’Ukraine et l’Ouest de la Biélorussie.

    Nous sommes alors en septembre 1939 et jusqu’à cet événement, le Parti Communiste Français pousse à fond pour que la France assume l’alliance tripartite avec le Royaume-Uni et l’URSS.

    Il y a encore l’espoir du côté français que l’élan du Front populaire fasse basculer la France dans une alliance qui permettrait d’affirmer l’opposition entre démocratie et fascisme, et d’empêcher le déclenchement de la guerre impérialiste.

    Sa position est de dire que la paix est encore possible, si un double front est mené : un front des démocraties au niveau international, un front des Français au niveau national.

    Son objectif est la réintégration dans le jeu gouvernemental et c’est le travail à la base avec les socialistes qui est considéré comme l’outil essentiel ici, malgré le refus du Parti socialiste de maintenir un rapport avancé avec le Parti Communiste Français.

    Au fond, il y a l’idée qu’il faut temporiser au maximum, en considérant qu’à un moment les choses vont s’accélérer et que de par sa matrice, sa base et son style, le Parti Communiste Français peut surnager, comme en témoigne cet article de Maurice Thorez en première page de L’Humanité le 24 mars 1939.

    « UNIR ! UNIR ! UNIR !
    Progrès heureux de l’action commune

    Une hirondelle ne fait pas le printemps, mais elle l’annonce. Les premières manifestations unitaires que nous avions la joie d’offrir en exemple laissaient prévoir, à brève échéance et dans tout le pays, le retour à la pratique de l’action commune.

    C’est maintenant de partout que nus parviennent des résolutions pour l’action commune signées des socialistes et des communistes. C’est maintenant un peu partout, à Paris, en banlieue, dans la province que sont convoquées des réunions communes.

    Les organisations locales décidées à revenir à l’application résolue du pacte du 27 juillet 1934 sont déjà si nombreuses qu’on ne peut songer à en dresser la liste. Mais le plus important, c’est l’accord conclu, après celui de l’Aisne, entre les organisations socialistes et communistes de ta région parisienne, et c’est l’appel de la Fédération socialiste du Puy-de-Dôme.

    L’unité est de nouveau en marche. Pouvons-nous espérer que la commission administrative permanente du parti socialiste répondra favorablement aux propositions d’action commune, que nos camarades Bonte et Bartolini sont allés en notre nom renouveler auprès des dirigeants socialistes, au siège de leur parti ?

    Tout commande l’union. Les événements vont vite.

    Comme nous n’avions eu que trop.raison de le redouter après Munich, le fascisme hitlérien, encouragé si longtemps par l’attitude de nos gouvernants, vient de se livrer à un nouveau coup de force. Pour des raisons d’ordre militaire et stratégique autant que par esprit de rapine et d’oppression, Hitler a annexé la Bohême millénaire et la Moravie. Cette fois, les plus aveugles doivent convenir que le danger de guerre n’a jamais été plus menaçant, plus proche.

    Il faut donc faire face à la menace, courageusement et résolument. Tout peut encore être sauvé. A condition de s’engager enfin dans une voie que nous n’avons cessé d’indiquer au pays, dans la voie de l’union, à l’intérieur et à l’extérieur, de toutes les forces de liberté et de paix.

    C’est dans cet esprit que nous jugeons l’orientation et l’activité gouvernementales. Nous avons voté contre les pleins pouvoirs. Aux raisons de principe s’ajoutaient, pour nous communistes, des considérations sur les responsabilités antérieures des gouvernants dont nous avions le droit et le devoir de tenir compte, nous qui avions seuls voté contre les accords de Munich.

    Nous ne pouvons pas ne pas faire des réserves sérieuses sur la façon de réaliser le redressement de notre politique extérieure, lorsque les « fidèles soutiens du gouvernement reprennent leurs campagnes de trahison contre le principe même de la sécurité collective, et contre le rapprochement nécessaire, indispensable avec l’Union soviétique, principale force de paix dans le monde.

    Ensuite, nous qui avons réclamé, après les républicains de 1848, le « droit au travail », nous qui sommes prêts à l’effort d’armement du pays, nous ne pouvons pas ne pas être inquiets lorsque les « sacrifices » sont imposés seulement à la classe ouvrière sans que des mesures sévères d’ordre financier et économique limitent là puissance et les bénéfices du capital. La classe ouvrière peut croire que les menaces contre le pays et contre la paix sont simplement mises à profit, par la réaction pour détruire les lois sociales.

    Enfin nous, qui estimons que la sécurité de la France doit se fonder sur l’entente entre les peuples de bonne volonté et sur la force matérielle et morale de notre propre pays, nous attachons le plus grand prix au maintien des libertés démocratiques.

    Le sentiment de lutter pour la défense de la liberté est un élément essentiel de la force française, et c’est aussi le lien le plus solide qui puisse nous unir aux autres peuples menacés par la fureur guerrière du fascisme. Sur tous ces problèmes, les travailleurs socialistes pensent comme leurs frères communistes. C’est la raison profonde du rapprochement qui s’opère entre militants et organisations des deux partis.

    L’unité de la classe ouvrière, ciment de l’union entre tous tes républicains, peut seule garantir, en effet, les droits et les libertés de notre peuple, à l’Heure de l’action décisive pour la sauvegardé de la paix et le salut du pays. »

    Cette démarche est indéniablement passive, toutefois un événement historique de grande ampleur se produit dans le domaine idéologique : l’impression en France du précis d’Histoire du Parti communiste (bolchévik) de l’U.R.S.S., qui joue le rôle de véritable manuel communiste.

    Cet ouvrage publié en 1938 en URSS raconte l’histoire du bolchévisme en Russie, avec les séquences de la lutte contre le tsarisme, la période de la révolution d’Octobre 1917, les décisions prises pour la construction du socialisme.

    On y trouve également une présentation détaillée rédigée par Staline des fondements idéologiques du marxisme-léninisme : Le matérialisme dialectique et le matérialisme historique.

    La publication française a connu immédiatement un grand succès, puisque rapidement cent mille exemplaires sont vendus. On se doute que c’est l’Internationale Communiste qui a supervisé la réalisation de cette publication et sa diffusion par le Parti.

    Et de par sa nature, ce document révolutionne véritablement ce dernier, puisqu’il exige une forme synthétique dans l’affirmation idéologique, qu’il pose une vision du monde totale.

    On peut même dire que pour la première fois, avec cette publication, le marxisme arrive en France de manière non dénaturée.

    Le souci est que le Parti Communiste Français n’aura pas le temps d’assimiler cet ouvrage ; s’il était arrivé plus tôt, tout aurait été changé, dans tous les aspects de l’existence du Parti. Une véritable génération comprenant réellement le marxisme aurait pu apparaître.

    En tout état de cause, le Parti Communiste Français va donc rester livré à lui-même.

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    isolé et interdit (1938-1939)

  • La tentative de rapprochement avec le Parti socialiste-SFIO en 1939

    Le Parti Communiste Français essaya une dernière fois de faire vivre ses relations avec le Parti socialiste, qui étaient au point mort depuis l’échec du gouvernement de Léon Blum en 1937.

    Le 4 mars 1939, une lettre fut envoyée au Conseil national du Parti socialiste qui va s’ouvre alors ; elle témoigne envers les socialistes de la même incompréhension du « barrage à droite » qui s’est déroulée chez les radicaux.

    « Chers camarades,

    C’est en pleine conscience de la gravité des dangers dont les masses laborieuses de France sont menacées que le Parti communiste s’adresse à vous.

    Nous sommes à même, les uns et les autres, de voir combien la classe ouvrière et l’ensemble des populations travailleuses sont préoccupées de savoir où risque de conduire la politique du gouvernement.

    Les décrets-lois, dont on avait dit qu’ils allaient remettre la France au travail, ont, au contraire, pour conséquence d’accroître le nombre des chômeurs, de faire peser de nouvelles charges sur les petites gens, de porter gravement atteinte aux lois sociales du Front populaire, de plonger notre pays dans un marasme économique redoutable, à la fois pour les ouvriers et pour les classes moyennes.

    Les cagoulards sont libérés les uns après les autres. Des malfaiteurs publics, accusés d’avoir prépare l’assassinat de Français, bénéficient du régime politique en attendant leur mise en liberté, cependant que d’honnêtes travailleurs sont frappés de lourdes peines pour avoir usé, le 30 novembre dernier, du droit de grève inscrit dans la loi.

    Une telle politique donne au grand patronat toutes possibilités pour poursuivre sa besogne de régression sociale.

    Elle donne au fascisme toutes facilités pour développer son action dirigée a la fois contre les communistes, contre les socialistes, contre les démocrates de toutes tendances, contre les croyants de diverses confessions, contre tous ceux que les émules de .Hitler et de Mussolini veulent diviser pour pouvoir les battre les uns après les autres et faire triompher sur tous leur politique de violence, et d’esclavage.

    Par ailleurs, la reconnaissance de Franco, l’occupation acceptée du territoire espagnol par les troupes italiennes et allemandes, soulignent assez la volonté du gouvernement français de nuire au gouvernement de la République espagnole qui proclame a la face du monde sa ferme intention d’opposer une résistance farouche aux envahisseurs de l’Espagne.

    Les travailleurs communistes et socialistes s’interrogent sur les conséquences redoutables d’une telle politique de misère et de régression sociale, d’encouragement du fascisme et de trahison des intérêts de la paix. Ils se demandent comment la faire cesser.

    Nous avons, nous, communistes, la conviction que la situation actuelle, peut très rapidement changer.

    Un redressement semblable à celui qui s’opéra en 1934 et 1935 peut se reproduire si, comme à cette époque, nos deux partis, pratiquant effectivement l’unité d’action, donnent confiance aux masses populaires et créent les conditions d’un vaste regroupement des forces de démocratie et de paix.

    Nos deux partis devraient engager dans tout le pays une grande campagne :

    1) Pour l’aide, à l’Espagne républicaine à qui les soldats et les armes doivent être rendus contre les conséquences que le gouvernement veut tirer de la reconnaissance de Franco, telles que l’octroi de l’or et du matériel républicain au général rebelle ;

    2) Contre les décrets-lois de misère ; pour l’application d’une politique économique et financière conforme aux intérêts du peuple, s’inspirant du programme du Front populaire et des dispositions du projet financier du deuxième cabinet Blum, voté par la Chambre ;

    3) Contre ta tolérance dont bénéficient les cagoulards pour l’application de la loi aux ligues factieuses reconstituées, menaçant les libertés républicaines et l’indépendance du pays, et pour l’amnistie aux fonctionnaires et ouvriers suspendus, licenciés, condamnés et emprisonnés pour avoir défendu leur pain et celui de leurs enfants.

    L’action commune de nos deux partis stimulerait de nouveau l’union et l’action du peuple de France tout entier.

    De même que la signature du Pacte d’unité d’action entre nos deux partis eut bientôt pour résultat la formation du Front populaire, de même l’unité d’action pratiquée par nous dans les circonstances présentes réduirait à néant les manœuvres des diseurs, provoquerait un immense rassemblement des masses populaires et ferait passer sur la France laborieuse un grand souffle d’espoir.

    Voilà pourquoi nous pensons que le Comité national d’entente de nos deux partis, dont nous regrettons qu’il n’ait pas siégé depuis plus de 4 mois, malgré nos propositions, devrait enfin se réunir très prochainement afin d’envisager l’action à entreprendre.

    Comptant sur une réponse favorable, recevez chers camarades, notre fraternel salut communiste.

    Pour le Comité central du Parti communiste français
    Le secrétaire général Maurice THOREZ. »

    Le Conseil national du Parti socialiste repoussa la demande du Parti Communiste Français, à l’occasion d’un psychodrame, où Justin Arnol proposa initialement un amendement.

    Ce député socialiste, qui avait voté auparavant pour les accords de Munich, votera par la suite en 1940 pour les pleins pouvoir au maréchal Pétain, et mourut absolument désespéré en 1943 de ses erreurs fondamentales d’orientation. Cet exemple individuel souligne l’intensité dramatique du moment, avec une pression psychologique immense propre à cette époque.

    Justin Arnol était dès le départ pour l’unité, mais par le haut seulement ; en mars 1938, il tendait logiquement sur la droite, dans l’ambiance du moment. Son amendement demande qu’on isole le Parti Communiste Français, qu’il fallait considérer au mieux comme une force d’appoint.

    « En ce qui concerne l’unité d’action, dont le principe n’est pas remis en question, le Conseil national considère qu’elle pourrait être un utile moyen de défense si la République était mise en péril comme elle le fut en 1934.

    Mais, dans la situation intérieure et internationale assez trouble pour qu’aucune confusion n’y soit ajoutée, le Conseil national estime que le Parti Socialiste doit rester lui-même et apporter le plus de clarté possible dans sa politique et dans son action.

    Il ne voit aucun avantage à la pratique de réunions publiques communes avec n’importe quel Parti.

    Il recommande aux Fédérations de consacrer tous leurs efforts au recrutement et à l’éducation des militants et à la propagande spécifique du Parti. »

    S’oppose alors à lui Jean Zyromski, le dirigeant de l’aile gauche du Parti, qui est pour qu’on se tourne au contraire vers le Parti Communiste Français. Son amendement contredit formellement celui de Justin Arnol et l’aile gauche du Parti qu’il représente, avec comme bastion la région parisienne, fait de réels efforts pour se lier avec les communistes sur le terrain.

    Jean Zyromski a l’intelligence de présenter les choses sous l’angle de l’unité ; néanmoins, il n’a pas compris la nouvelle séquence et se contente de formuler cela comme une relance du Front populaire, qu’il s’agit simplement de « rénover ».

    « Le Conseil National proclame qu’il appartient au Parti socialiste de rassembler toutes les forces populaires contre toutes les formes de l’injustice et de l’oppression autour d’un programme à la fois audacieux et pratique, dirigé contré les privilèges capitalistes.

    Acceptant les lignes générales du « Plan du travail » de la C.G.T., il manifesté sa volonté de voir se grouper dans un Front populaire rénové toutes les organisations démocratiques et prolétariennes décidées à lutter sans défaillance pour la liberté, la justice et la paix. »

    Si le vote avait eu lieu, cela provoquerait une contradiction majeure dans le Parti socialiste, aussi Marx Dormoy intervint-il pour tenter d’opposer la question préalable ; il s’agit d’un vote pour dire qu’il ne s’agit pas de faire de vote.

    4 135 délégués contre 2 792 décidèrent toutefois que le vote devait avoir lieu. Et la catastrophe se produit alors : l’amendement de Justin Arnol fut appuyé par 3 300 délégués, celui de Jean Zyromski par 1 387 délégués seulement.

    Preuve de la dimension extrêmement profonde de la question, les abstentions furent de 2 642 (avec 289 absents).

    Symboliquement, la rupture socialiste avec le Parti Communiste Français était consommée. Il était évident qu’il n’y aurait plus aucun progrès ici et que les socialistes allaient toujours plus s’aligner sur la droitisation du régime.

    Début mars 1939, le Parti Communiste Français aurait dû comprendre l’importance d’une telle situation. D’autant plus que sur le plan international, les choses se précipitent.

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    isolé et interdit (1938-1939)

  • La défaite de l’Espagne républicaine

    Hormis l’alignement sur les radicaux et la tentative de les remettre sur leur ligne du début du Front populaire, le Parti Communiste Français assume comme autre grand thème la guerre d’Espagne.

    Ce n’est pas nouveau : initialement, il y avait la dimension antifasciste de soulignée, puis vint l’idée que pour protéger la France il fallait une Espagne non fasciste à ses frontières.

    Avec les tensions internationales qui ont connu un terrible développement tout au long de l’année 1938, il y a désormais d’autres aspects s’entremêlant qui marquent une certaine redéfinition.

    C’est que sur le fond, il y a ce qui flotte comme logique aux yeux de tous : si l’Espagne républicaine triomphe, l’antifascisme et le mouvement ouvrier vont de l’avant ; si le coup d’État militaire de Franco réussit jusqu’au bout, c’est le fascisme qui s’impose comme tendance apparemment irrépressible.

    C’est pourquoi ce qui joue particulièrement, c’est d’une part l’Internationale Communiste à ce sujet, qui avait mis en place les « Brigades Internationales », ensuite l’idée de l’unité générale des communistes, des socialistes, des républicains de gauche et des anarchistes face au fascisme en Espagne.

    Enfin, le thème est un grand point d’accroche chez les ouvriers socialistes, étant donné que les socialistes sont bien plus timorés, avec d’ailleurs Léon Blum ayant refusé un soutien militaire ouvert lorsqu’il était à la tête du gouvernement.

    Le 21 janvier 1938, Maurice Thorez tient un long discours à ce sujet lors de la Conférence nationale du Parti Communiste Français. Voici les principaux propos.

    « Depuis la capitulation de Munich, et comme conséquence directe de cette capitulation, le problème espagnol domine maintenant la situation internationale.

    Il se trouve poser en même temps l’indépendance de ce peuple héroïque, sa liberté, et aussi l’avenir du monde, le sort de la démocratie dans le monde, et l’avenir même de notre pays.

    L’offensive italienne en Catalogne [en soutien à l’armée de Franco durant la guerre d’Espagne] a fait apparaître aux yeux des plus aveugles le danger terrible que fait courir à la France l’accomplissement du plan de Hitler : l’encerclement de notre pays.

    Nous ne sommes plus seuls, à présent, à le reconnaître. Les socialistes, des radicaux, des parlements notoires, des hommes du centre ou même de la droite, parlent désormais ainsi (…).

    Munich a été une défaite pour notre pays, une défaite pour la classe ouvrière et la démocratie, défaite provisoire, certes, mais dont ils nous faut néanmoins souligner l’origine. C’est pourquoi la classe ouvrière n’a pas fait, n’a pas su faire échec aux fauteurs de guerre. Elle n’a pas réussi cette tâche qui est sienne, parce qu’elle n’est pas unie (…).

    Sans l’unité, impossible de lutter, c’est pour cela que nous dénonçons ces adversaires au sein de la classe ouvrière, que nous luttons contre les trotskistes, les diviseurs, les ennemis du peuple, agents du fascisme international, contre ceux qui essaient de dissimuler leur trahison derrière le masque de l’anti-communisme (…).

    La conception du Front populaire est juste et féconde, de même que sera féconde notre conception de l’unité française, de l’union de la nation française, du Front français (…).

    Nous devons dire au Président du Conseil : beaucoup de questions nous divisent. Nous ri approuvons, pas la capitulation de Munich. Nous combattons les décrets-lois de M. Paul Reynaud. Nous réprouvons vos attaques aux lois sociales. Nous ne voulons pas admettre la tentative de restreindre le droit syndical.

    Mais nous disons que la question décisive, aujourd’hui, pour la France, est : sauver l’Espagne. Ouvrez la frontière ! Nos réserves subsistent ; mais pour sauver l’Espagne, nous vous soutiendrons de toutes nos forces (Vifs applaudissements.).

    Élargir à sa droite le Front populaire, refaire au Parlement ce qu’il est dans le pays. Avec nous, il demande que l’on sauve l’Espagne, pour préserver la sécurité de la France.

    Sinon, nous dirons, ne pas aider l’Espagne, c’est trahir la France, et nous vous combattrons, comme nous vous avons combattus lors de la capitulation de Munich. Rien, ni les menaces, ni la calomnie, rien ne nous fera reculer. (Vifs
    applaudissements.)

    Tous unis, communistes, la C.G.T., le parti socialiste, l’Union Socialiste Républicaine, les radicaux, tous les Français, il nous faut aider au maximum l’Espagne, il nous faut sans tarder sauver la France (Applaudissements prolongés.) (…)

    Vive l’union de la nation française, née de vingt races diverses ! Vive, dans sa diversité heureuse, la République une et indivisible ! »

    Chaque jour, L’Humanité parle en page de garde de la situation espagnole. Le début de l’année 1939 est marqué par un grand meeting pour l’Espagne de 40 000 personnes au vélodrome d’Hiver, avec le dirigeant communiste Maurice Thorez, le dirigeant socialiste Léon Blum et le dirigeant de la CGT Léon Jouhaux.

    Le 12 février 1939, 150 000 personnes manifestent à Paris en soutien à l’Espagne.

    Mais les nouvelles sont mauvaises, toujours plus mauvaises. L’armée républicaine recule sous les coups de boutoir de l’armée franquiste appuyée par l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, alors que seuls l’URSS et le Mexique assument une aide véritable à la République.

    La chute de l’Espagne républicaine a beau être présentée comme la naissance d’une menace d’un troisième front, en plus de celui avec l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste, rien n’y fait, il n’y a pas de mobilisation générale en France à ce sujet.

    Il est comme accepté qu’il y a un repartage du monde, et le but des Français est d’éviter les soucis à tout prix, plus qu’autre chose. La passivité s’installe – elle se révélera pleinement avec la défaite de 1940.

    Il y a pourtant le feu. L’Italie fasciste a commencé à systématiser ses exigences territoriales à l’encontre de la France. Elle exige le retour de la Savoie et de Nice, qui en 1860 en tant respectivement que duché et comté avaient été remis par le royaume de Piémont-Sardaigne à Napoléon III en échange d’une alliance.

    Elle revendique également la Corse, la Tunisie et Djibouti. Il est évident que la France va à la guerre, et pourtant jamais la question espagnole, si fondamentale, n’aura joué l’aspect qu’il aurait dû à ce moment-là – ce qui est clairement la faute d’un Front populaire présentant les choses de telle manière que la France se croit à l’écart du reste du monde.

    D’où succès de la droite dans la foulée, ou plus exactement d’un « réalisme » cynique, dont le centriste Édouard Daladier s’est fait le vecteur, notamment avec le pragmatisme des accords de Munich.

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  • Le PCF et Daladier contre Daladier

    Conséquemment à sa position, le Parti Communiste Français oppose Édouard Daladier à Édouard Daladier, accusant le président du Conseil d’avoir modifié ses positions, renversé sa propre ligne de conduite.

    Édouard Daladier

    Le 8 décembre 1938, Jacques Duclos tient un discours à l’Assemblée nationale et le dit expressément. Le Parti Communiste Français se pose en réel représentant des radicaux, pour ainsi dire.

    « Enfin voici venu le moment où les représentants de la nation peuvent demander des comptes au gouvernement.

    Peut-être, monsieur le président du conseil, n’avez-vous pas agi tout à fait dans l’esprit du programme de votre parti, qui affirme la souveraineté du suffrage, universel, qui repousse la pratique, avouée ou occulte, du pouvoir personnel en faisant siéger la Chambre quarante-neuf heures trente-cinq minutes en huit mois. (Applaudissements à l’extrême-gauche)

    Mais si le gouvernement a semblé fuir le contrôle de la représentation nationale, c’est peut-être parce qu’il avait des doutes sur l’approbation de sa politique par le pays.

    Il est vrai qu’on s’est beaucoup servi du micro. On s’est trop servi du micro, mais pas assez de la tribune parlementaire, comme si la représentation légale du pays n’existait pas ou n’existait plus.

    Il est vrai qu’au micro on ne risque pas la contradiction. (Très bien !Applaudissements à l’extrême-gauche communiste).

    Nous sommes loin, monsieur le président du Conseil, de l’époque où vous attaquiez le ministre des Postes, Télégraphes et Téléphones, aujourd’hui ministre des Colonies, et considéré comme un ministre de deuxième zone, puisque banni de certaines réceptions. (Applaudissements à l’extrême-gauche)

    Nous sommes loin de l’époque où, parlant de la radio ; lorsqu’il s’agissait de constituer l’association Radio-Liberté, vous disiez

    « La pensée doit être libre. Cependant, le capitalisme a mis la main sur l’œuvre des savants désintéressés et corrompu la pensée, comme il a corrompu les cœurs et les muscles. Sur ce terrain, ajoutiez-vous, il faut donc engager la lutte quelle que soit la bataille engagée, je serai avec vous. » (Applaudissements à l’extrême-gauche) (…)

    Ecoutez, monsieur le président du Conseil, l’écho des paroles prononcées par M. Daladier en 1935.

    M. LE PRESIDENT DU CONSEIL. Je les sais par cœur.

    Jacques Duclos. « Le Front populaire disiez-vous, il paraît que c’est une alliance monstrueuse. Excusez-moi, ce Front populaire, c’est beaucoup plus simple, c’est beaucoup plus clair, c’est l’alliance du Tiers-Etat et du prolétariat. Lorsque le Tiers-Etat et les prolétaires sont groupés ils font 89, 93, 48, le 4 Septembre. (Applaudissements à l’extrême-gauche et sur divers bancs.)

    Lorsqu’ils sont divisés, on fait contre eux Thermidor, Brumaire, le 2 Décembre et, après avoir réduit le peuple en esclavage, on fait Waterloo et Sedan. (Applaudissement sur les mêmes bancs.)

    Après avoir perdu la liberté, on détruit la paix et l’intégrité de notre patrie. »

    Ces paroles, nous les approuvons et nous faisons accuser M. Daladier par M. Daladier lui-même d’avoir voulu faire cette œuvre néfaste de division.

    En effet, monsieur le président du Conseil, le 20 août. dernier, vous avez attaqué la classe ouvrière pour détruire les quarante heures. Vous avez affirmé que le volume-or des revenus du travail était resté égal à celui d’avant guerre ; et vous avez ajouté que les revenus du capital et les revenus mixtes avaient diminué. Ainsi, vous avez cherché à dresser le pays contré la classe ouvrière.

    Vous avez voulu justifier la politique de rapacité du grand capital. (Applaudissements à l’extrême-gauche.) Vous avez voulu justifier la réduction du niveau de vie des travailleurs. Vous avez voulu justifier la grande pénitence pour les masses populaires.

    Nous n’avons pas besoin de formuler la condamnation de cette politique, vous l’avez faite vous-même, monsieur le président du Conseil.

    C’est vous qui avez dit, le 13 octobre 1935 :

    «  Le système de la grande pénitence est incompatible avec le prodigieux développement des forces de production qui caractérise les temps modernes. C’est dans l’accroissement du bien-être des masses et non dans la restriction de leurs moyens de consommation qu’il faut chercher le salut. » (Applaudissements à gauche interruptions à droite.)

    Ainsi donc, du point de vue économique, vous êtes jugé par vous-même. D’ailleurs les résultats sont là. (…)

    Ceux-là, on les connaît, monsieur le président, du Conseil, et on les connaît un peu grâce à vous.

    Oseriez-vous dire aujourd’hui que les 200 familles sont une invention de l’esprit ? (Applaudissements à l’extrême-gauche)

    Oseriez-vous dire maintenant que les 200 familles sont un mythe électoral comme l’affirmaient hier vos amis d’aujourd’hui? (Applaudissements à l’extrême-gauche communiste.)

    Vous rappelez-vous ces paroles, Monsieur le Président du Conseil :

    « Dans un pays de démocratie individualiste, ce sont deux cents familles qui par l’interpénétration des conseils d’administrations, par l’autorité grandissante de la
    banque qui émettait les actions et apportait le crédit, sont devenues les maîtresses indiscutables, non seulement de l’économie française, mais de la politique française elle-même »
    (Applaudissements à l’extrême-gauche communiste et sur divers bancs à gauche.)

    Avouez, Messieurs, que j’ai de bons auteurs.

    Mais ces deux cents familles ont-elles été supprimées par décret-loi ?

    Monsieur le ministre des Finances, je ne le pense pas, elles sont toujours là.

    Et ne sont-ce pas ces 200 familles qui ont réclamé d’abord et inspiré ensuite ces décrets-lois qui ont associé désormais les deux noms de messieurs Daladier et Reynaud ?

    Oui, ce sont les puissances d’argent, ce sont les deux cents familles, les maîtresses de la politique française ! (Applaudissements à l’extrême-gauche communiste et sur divers bancs à gauche.)

    Ce sont les forces, ténébreuses et immorales du grand capital qui ont imposé toutes les mesures d’injustice contre lesquelles se dresse la France laborieuse.

    Elles ont inspiré la destruction de la semaine de 40 heures, pour accroître le chômage-et dresser les ouvriers en concurrence les uns contre les autres, pour se servir de la misère des uns afin de diminuer les salaires des autres (Applaudissements à l’extrême-gauche.) (…)

    Vous êtes allé plus loin vous avez violé le droit syndical et le droit de grève inscrits dans la loi. (Applaudissements à l’extrême-gauche.)

    Devant votre politique de violence contre les travailleurs, vous êtes allé jusqu’à l’illégalité.

    Vous voulez gouverner par le mensonge et par la peur ; vous voulez vous présenter en sauveur de l’ordre qui n’a jamais été menacé que par votre politique de contrainte et de violence.

    Monsieur le président du conseil, quand on est sûr de l’approbation du pays, on ne gouverne pas comme cela. (Applaudissements à l’extrême-gauche.)

    Un gouvernement digne de la France pourrait obtenir tous les efforts de la part des travailleurs sans dresser les baïonnettes des fils contre les poitrines des pères.

    On a agi comme si on voulait faire haïr l’armée par le peuple, alors que l’armée n’est forte que si elle est entourée de l’affection du peuple. (…)

    On fait tout cela, messieurs) au moment où l’on réclame, en Italie, la Tunisie, la Corse, Nice, la Savoie, tandis que l’Allemagne ne renonce pas ses exigences coloniales.

    On utilise le micro contre les Français, pour mettre la classe ouvrière en accusation. Mais on se tait quand on insulte notre pays, quand on insulte ses institutions, quand on insulte sa culture et ses traditions. (Vives interruptions au centre et à droite.)

    On se tait quand les barbares nous ramènent aux mœurs du moyen âge, englobant dans une même persécution juifs et catholiques, protestants et libres-penseurs. On va même jusqu’à transposer chez nous plus ou moins les préjugés odieux du racisme. (Applaudissements à l’extrême-gauche.)

    Non, cette politique de soumission au grand capital, cette politique d’insolence, cette politique de platitude à l’égard du fascisme ne sort pas des profondeurs de la France des Droits de l’homme et du citoyen. (Applaudissements à l’extrême-gauche.)

    Aujourd’hui le devoir des républicains est net. Le devoir des communistes, des socialistes, des radicaux fidèles au programme du Front. populaire, sur lequel ils ont été élus en 1936, le devoir pour tous ces hommes-là est clair : en votant contre le gouvernement, ils se refuseront à être les otages de la. réaction. (Applaudissements à l’extrême-gauche.)

    Quant à nous communistes, en votant contre le gouvernement, nous lui dirons ce que pensent, dans les profondeurs du pays, tous ceux qui travaillent, tous ceux qui peinent et qui espèrent.

    Nous lui dirons « Allez-vous en ! Laissez la place à un véritable gouvernement républicain ! » (Applaudissements à l’extrême-gauche et à gauche.) »

    De ce fait, fin décembre 1938, le Parti Communiste Français considère toujours que le Front populaire est une réalité. Il cherche à le relancer en tentant artificiellement de relancer les radicaux. On est en plein suicide politique.

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  • Le PCF en quête éperdue de l’alliance avec les radicaux à la fin des années 1930

    Voici ce qu’on lit dans Pour le salut du pays, un manifeste du 8 juin 1937. C’est la thèse devenue fondamentale du Parti Communiste Français avec Maurice Thorez, c’est la « République » contre l’oligarchie.

    « Battue aux élections de 1936 par le suffrage universel dont le verdict républicain est confirmé à chaque élection partielle, la réaction veut s’opposer à la volonté légale du pays et, pour parvenir à ses fins, elle vise en premier lieu à briser l’union des forces de progrès, de liberté et de paix.

    Le Parti communiste, attaché de toutes ses forces au Front populaire, dont il s’honore d’avoir été l’initiateur, se dresse contre les prétentions des oligarchies financières.

    Ces forces occultes et malfaisantes voudraient imposer au pays de nouveaux sacrifices, alors que les gros possédants ne veulent pas remplir leur devoir envers la Nation. »

    C’est une ligne opportuniste de droite, qui se cristallise comme social-chauvinisme ou du moins le devrait, si le Parti Communiste Français ne se faisait justement alors rejeter par les centristes.

    On lit la même chose dans Union du Front Populaire pour l’application du programme, une déclaration commune du Comité Central et du Groupe parlementaire, du 15 juin 1937.

    On notera que cette déclaration est issue d’un « débat » sous la présidence de Marcel Cachin, ce qui met à égalité sur le plan juridique interne le Comité Central et le groupe parlementaire, ce qui est absolument inacceptable du point de vue communiste.

    Il y est dit la chose suivante principalement :

    « Le Comité central et le groupe communiste [parlementaire], réunis en séance commune, affirment leur attachement indéfectible au Front populaire du pain, de la paix et de la liberté.

    Dénoncent avec indignation les manœuvres et le chantage des oligarchies qui prétendent imposer au parlement et au gouvernement des mesures financières contraires à la volonté du peuple nettement exprimée en mai 1936 (…).

    Pour sa part, en présence de l’assaut furieux de la réaction, le Parti communiste se déclare prêt à prendre toutes ses responsabilités dans un gouvernement renforcé et constitué à l’image du Front populaire pour le salut de la France, de la démocratie et de la paix. »

    Le Parti Communiste Français fit un appel le 21 juin 1937 (« La volonté du pays ») et c’est le même souci de l’unité à tout prix :

    « Le Front populaire doit rester uni dans le pays et au Parlement pour poursuivre et développer son œuvre, pour tenir les promesses faites à la nation. »

    Une nouvelle déclaration commune (« Une seul programme) du Comité Central et du Groupe parlementaire eut lieu le lendemain ; il y est souligné que :

    « Le Bureau politique et le Bureau exécutif du groupe parlementaire communiste, réunis en commun le mardi 22 juin, déclarent qu’il n’est pas possible d’envisager d’autre gouvernement qu’un gouvernement de Front populaire. »

    Après avoir formulé une telle ligne, il est impossible pour le Parti Communiste Français de reculer.

    Et lorsqu’en 1938, les centristes rejettent le Parti Communiste Français, alors ce dernier n’a plus le choix : de manière mécanique, la seule chose cohérente qu’il peut exposer à partir de son propre point de vue est que les centristes… se trahissent eux-mêmes.

    La grande bataille du Parti Communiste Français en 1938 est ainsi de dire que les centristes devraient s’assumer pleinement et donc se tourner vers lui, au lieu de faire le contraire.

    Cela donne une relecture complète des radicaux, qui ne sont plus vus comme la bourgeoisie moderne de l’époque, franc-maçonne et libérale, mais comme le parti historique de la petite-bourgeoisie, alors que la base des principes communistes est que cette dernière n’est pas une classe en tant que telle.

    Les meetings, positions, analyses du Parti Communiste Français s’alignent totalement sur cette fiction alors, justifiant n’importe quel subjectivisme au nom d’une seule et même chose : la République française.

    Il y a ainsi trois meetings à Paris, avec 7 000 personnes, le 3 décembre 1938, qui servent dans les faits à exprimer le légitimisme. Maurice Thorez dit ainsi lors de l’un des meetings que :

    « Par notre union, nous obtiendrons l’abrogation des décrets-lois et le retour à une politique de progrès social, de démocratie et de paix conforme à la volonté du pays et aux intérêts de la France. »

    30 000 personnes sont au vélodrome d’Hiver le 10 décembre 1938 ; Édouard Daladier est dénoncé comme quelqu’un aux ordres des banques, qui impose des décrets-misère.

    Cependant tout se ramène aux yeux du Parti Communiste Français au fait que les radicaux se dévoient.

    Dans un long article pour les Cahiers du bolchevisme, la revue théorique du Parti, Jean Bruhat expose de la manière suivante cette interprétation erronée. Il dit en décembre 1938 dans ses Notes sur les traditions du radicalisme français et la politique de M. Daladier :

    « M. Daladier est président du Parti radical et radical socialiste. Mais le peuple de France ne confond point M. Daladier et le Parti radical (…).

    La politique de M. Daladier n’est pas conforme aux traditions radicales françaises que nous voulons très objectivement rappeler. Le Parti radical est le parti de la petite-bourgeoisie française, de cette petite bourgeoisie dont Maurice Thorez définissait ainsi les tendances [dans L’union de la nation française] : « La petite bourgeoisie commerçante et rurale hait le capital et surtout les banquiers, détenteurs du crédit ; mais elle croit à l’existence éternelle de la propriété et même à la possibilité de l’arrondir. »

    La tactique du grand capital est très claire. Utiliser les hésitations propres à la petite bourgeoisie pour séparer le Parti radical de la classe ouvrière. Or, quand le Parti radical se sépare de la classe ouvrière, c’est à lui-même qu’il porte un coup. Toute notre histoire le prouve – et avec quelle force ! »

    Suit une très longue analyse affirmant que les radicaux n’ont jamais voulu de compromission avec la droite ni d’ennemis à gauche, qu’ils ont toujours été tournés vers les réformes sociales.

    Ce qui est complètement faux dit ainsi : les réformes relevant de la modernisation du capitalisme. Les radicaux sont l’expression de la bourgeoisie moderniste, qui réforment la société pour mieux développer le capitalisme, et ils avaient simplement besoin des socialistes comme contre-poids aux forces monarchistes et cléricales, d’où leur image « de gauche » parfois.

    Et, de toutes façons, ils ont toujours été au cœur du gouvernement et du régime, utilisant principalement la franc-maçonnerie comme moyen de rendre le tout cohérent à travers les différents partis et les différentes tendances.

    On est là dans un idéalisme porté par la ligne opportuniste de droite de Maurice Thorez.

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    isolé et interdit (1938-1939)

  • 1938 : une économie française brisée et un choix à faire

    Où en est la France en 1938 ? Elle est dans une situation économique lamentable au moment où le Front populaire s’est enlisé, ou plus exactement n’existe plus que sur le papier, alors que les radicaux gouvernent seuls.

    Par sa base paysanne et son empire colonial, elle a échappé initialement à la crise de 1929, mais ce n’était que pour affronter ensuite le marasme.

    Si on prend un indice 100 pour la production industrielle de 1913, on est à 140 en 1928-1929, 102 en mai 1936, 101 en janvier 1938.

    Le revenu national s’en ressent, passant de 453 milliards en 1929 à 384 milliards en 1938.

    La possession par la France de valeurs étrangères et de devises est passé de 560 milliards en 1913 à 170 milliards en 1937.

    L’exemple des héritages est marquant : leur valeur était de 5 500 millions de franc-or en 1913, pour 1 200 millions en 1937.

    La crise est monétaire également. Le Franc Poincaré était à 65 milligrammes d’or, le Franc Auriol à 43, le Franc Bonnet à 35, 5 puis 31.

    L’inflation est générale ; on est passé de 15,7 millions de billets en circulation à 32 milliards.

    Sur le plan des échanges, c’est le désastre également, avec une balance commerciale dans le rouge. Le déficit était de 5 200 millions en 1935, de 9 900 millions en 1936, de 18 500 en 1937.

    La dette publique, de 340 milliards de francs en 1913, est passée à 504 milliards en 1937, puis 550 milliards en 1938.

    Les charges publiques occupaient 18 % du revenu national, elles sont désormais de 40 % en 1937.

    Voici le constat du ministre des Finances Paul Reynaud, en novembre 1938.

    « J’ai une mauvaise nouvelle et une bonne nouvelle à vous annoncer. La mauvaise nouvelle d’abord : votre situation est très grave. La bonne nouvelle : si vous avez au coeur assez de courage, nous sommes sûrs d’en sortir.

    Il y a huit ans que la France est en crise ; il est vrai qu’elle y a mis du sien. En huit ans, sur le plan de la production industrielle, nous sommes tombés au dernier rang des grands pays d’Europe.

    En 1933, la France produisait plus de fonte que l’Allemagne ; elle en produit quatre fois moins.

    Nos exportations ont baissé de moitié. Depuis huit ans, un wagon sur trois a cessé de rouler sur nos voies ferrées.

    Il y a 40 000 chômeurs de plus qu’il y a un an. Depuis vingt-six mois, le prix du pain a augmenté de 80 %. Le pouvoir d’achat des fonctionnaires a baissé de 15 %.

    L’actionnaire d’une grande société a perdu, depuis neuf ans, 60 % de son capital et les 40 % qui lui restent sont exprimés en francs qui ont perdu 40 % de leur valeur.

    Nos maisons vieillissent, elles se dégradent. On ne les renouvelle pas. On construit si peu qu’à Paris, au rythme actuel, il faudra quatre siècles pour remplacer les maisons existantes, sans en faire une de plus.

    Sur les mers, nous étions au troisième rang en 1900 ; nous sommes maintenant au huitième. Nos bateaux vieillissent comme nos maisons. Notre pays vit sur sa substance. Nous allons en aveugles vers l’abîme.

    La Banque de France a perdu depuis sept ans 140 milliards d’or et de devises. Les pertes d’or s’accélèrent : 10 milliards depuis trois mois.

    Notre destin paraît tragique si nous n’agissons pas. On n’est pas encore arrivé à faire fonctionner le capitalisme à perte. »

    Le Parti Communiste Français avait pensé qu’avec son idée d’une Union française, par l’intermédiaire du Front populaire, les choses basculeraient et la République changerait de forme.

    La défaite de la grève générale du 30 novembre 1938 mettait absolument tout par terre. Et elle reflétait un reflux général du mouvement de masse, comme en témoigne le recul du nombre de gens organisés dans les rangs du mouvement ouvrier.

    Les adhésions en masse avaient porté les effectifs de la CGT à 4 936 000 membres en 1937, pour brutalement retomber à 1 765 000 en 1939.

    La SFIO disposait de 120 471 adhérents en 1935, chiffre passé à 285 461 en 1937. En 1939, on est tombé à 180 279 adhérents.

    Le Parti Communiste Français s’appuyait sur 86 902 adhérents en 1935, chiffre passé à 328 547 en 1937, pour retomber à 305 000 en 1938, puis 270 000 en 1939.

    C’est en fait la défaite du Front populaire qui se lit ici, du moins aux yeux des masses.

    Dans ce contexte, où les radicaux commencent à explicitement rejeter le Parti Communiste Français, la pression devient d’autant plus grande sur lui : 430 organes de presse demandèrent son interdiction, profitant notamment de la dénonciation du communisme par Léon Blum dans son ouvrage Bolchevisme et Socialisme.

    On parle ici de neuf quotidiens parisiens et 81 quotidiens de province, revendiquant dix millions de lecteurs.

    Que faire alors du côté socialiste et communiste ? Il faut bien saisir ici l’importance capitale de ce moment pour le Parti Communiste Français. Non pas que celui-ci fasse quelque chose d’extraordinaire ; bien au contraire même, il ne fait rien de notable.

    Mais c’est le début d’un tourment qui ne le quittera plus jamais et va décider de tout le reste de son existence, jusqu’en 2025.

    Avec le Front populaire, en effet, le Parti Communiste Français s’est installé dans le paysage politique français. Sous l’impulsion de Maurice Thorez, il a quitté les rivages du gauchisme.

    Mais Maurice Thorez représente une ligne opportuniste de droite et lorsque le Front populaire échoue, le Parti Communiste Français ne va plus avoir qu’une obsession : celle de rester dans le paysage politique français, et quand il est mis de côté, celle d’y revenir.

    Cela sera vrai pendant la Résistance, cela sera vrai après l’éviction du Parti Communiste Français du gouvernement après 1945, cela sera vrai avec le coup d’État gaulliste de 1958, cela sera vrai contre mai 1968.

    Cela vrai naturellement avec le Programme commun et la victoire de 1981, puis ensuite avec les participations ministérielles.

    Le Parti Communiste Français a toujours cherché à témoigner de sa loyauté et de son intégration aux institutions républicaines. Il est républicain – légitimiste. Cela date de 1938 et du désastre de 1939.

    Le socialistes n’ont alors pas connu ce dilemme, car Léon Blum a fait en sorte de critiquer les radicaux tout en se plaçant ouvertement dans le giron de la république, prônant de plus en plus comme modèle les initiatives du parti démocrate aux États-Unis, avec le « New Deal » de Franklin Delano Roosevelt.

    Le Parti Communiste Français avait quant à lui deux possibilités :

    – passer dans l’opposition et assumer la fin du Front populaire, ainsi qu’une réelle différenciation avec le Parti socialiste-SFIO ;

    – tenter de composer pour reformer le Front populaire, mais comment faire ?

    Ce qui se passe alors, c’est que les choix effectués auparavant jouent à plein. La matrice adoptée en 1937 décide par nécessité de la position du Parti en 1938, qui choisit la seconde option.

    Et la solution que s’imagine avoir trouvé le Parti Communiste Français, c’est une vaste campagne en direction des classes moyennes en adoptant le registre des radicaux.

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  • Après les accords de Munich, la grève générale de novembre 1938 contre Édouard Daladier

    Le Parti Communiste Français se lance courageusement dans une vaste dénonciation du gouvernement pour sa trahison réalisée par les accords de Munich. Il a le prestige d’être le seul à s’y être opposé, mais cela implique aussi un réel isolement.

    Il y a alors deux aspects. D’une part, la brochure « Après la trahison de Munich » de Maurice Thorez est très vite diffusée à plus de 700 000 exemplaires. De l’autre, les radicaux commencent à attaquer systématiquement et de manière très virulente le Parti Communiste Français.

    Ce dernier semble alors pris au piège, car il avait maintenu la thèse comme quoi le Front populaire existait encore. Il cherche à composer avec un parti radical qui a décidé de frontalement le rejeter, avec qui plus est un soutien des socialistes.

    Car avec la situation provoquée par les Accords de Munich, le gouvernement d’Édouard Daladier reçoit le vote de confiance avec 535 voix contre 75, pour 3 abstentions.

    Et quelques jours plus tard, Édouard Daladier obtient du parlement, pour un peu plus d’un mois, les pouvoirs pour « réaliser le redressement immédiat de la situation économique et financière du pays », par 331 voix contre 78, et plus de 200 abstentions.

    Le Sénat suit dans la foulée, avec 280 voix pour, 2 contre (il s’agit des communistes) et 21 abstentions.

    Quel est le remède proposé par le gouvernement d’Édouard Daladier  ? Un traitement de choc, au moyen de 42 décrets-lois, dont le nouveau ministre des Finances, Paul Reynaud, donne ici le contenu social.

    « Si la France veut gagner la partie, il faut que notre production s’élève de 30 à 40 %. Or, tous les chômeurs réunions, même s’ils étaient embauchés demain, ne permettraient d’augmenter notre production que de 7 à 8 %. Il faut donc que la durée du travail puisse être allongée.

    Croyez-vous que dans l’Europe d’aujourd’hui la France puisse, à la fois, maintenir son train de vie, dépenser 25 milliards d’armement et se reposer deux jours par semaine ?

    Non, alors ? Ce sont des actes que vous voulez. Je vous annonce que la semaine des deux dimanches a cessé d’exister. »

    Quelques jours plus tard, au Banquet national de l’armistice, le 11 novembre 1938, le président du Conseil Édouard Daladier résume ainsi le tournant effectué :

    « L’heure est venue de choisir entre la lente décadence du pays et sa renaissance. »

    C’est l’affrontement et la réaction est unanime du côté du Parti Communiste Français, du Parti socialiste-SFIO et de la CGT.

    Cette dernière ouvre son congrès à Nantes le 14 novembre 1938 ; la résolution au sujet des mesures d’Édouard Daladier qui est adoptée est très clair :

    « Le Congrès, unanime, résolu à défendre les 40 heures, les congés payés, les délégués ouvriers, qu’il déclare devoir être à la base de tout redressement de notre économie nationale, repousse les décrets-lois qui sont, en propre, la suppression des réformes sociales, en substituant à la législation sociale établie par des votes réguliers au Parlement, une législation de décrets n’imposant des sacrifices qu’à la classe ouvrière.

    Le Congrès répondra à cette politique de régression non seulement par la défense de ce qu’il considère comme définitivement acquis, mais encore par un plan constructif répondant véritablement aux nécessités de redressement économique et social de notre pays. »

    C’est la perspective de 24 heures de grève générale, et les communistes pensent qu’ils ont une carte à jouer. Le meeting communiste au vélodrome d’hiver avec Maurice Thorez le 19 novembre 1938 est particulièrement offensif ; il est considéré qu’avec sa ligne d’union nationale, les choses ne peuvent absolument pas mal se passer.

    Maurice Thorez résume cela en parlant de « l’heure de l’action », comme il titre son « programme de redressement national et social » exposé à la séance du Comité central du Parti Communiste Français du 21 novembre 1938.

    Les chapitres sont les suivants :

    1) La défense de la France

    2) Pacifisme et violence

    3) Le droit au travail

    4) L’avenir de notre peuple

    5) Les riches doivent payer

    6) Le programme du gouvernement de la France

    Il y a toutefois un élément nouveau, qui montre la surestimation subjectiviste de la situation. Il est parlé de l’organisation de la nation armée dans le programme gouvernemental.

    C’est la première fois où la question de la prise du pouvoir est exposée en tant que tel par le Parti Communiste Français.

    La thèse est présentée en deux points. D’abord, il est souligné qu’il y a le besoin d’une « armée du peuple ».

    « L’heure est venue de réaliser effectivement l’armement général du peuple, de réaliser les réformes profondes qui assureront une puissance décuplée des moyens militaires et techniques du pays.

    L’armée du peuple, l’armée des ouvriers et des paysans bien encadrée, bien instruite, bien conduite par des officiers fidèles à la République que cesseraient d’espionner les fascistes maintenus jusqu’alors dans leurs commandements, cette armée serait une armée invincible.

    Les officiers républicains et français que la capitulation de Munich a indignés ont pu se rendre compte de l’esprit qui animait les réservistes de septembre.

    Nulle force matérielle ne peut compenser la force morale de l’idéal populaire de liberté et de paix, du devoir librement accepté, du sacrifice noblement consenti.

    La force morale, l’idée elle-même ne devient-elle pas une force matérielle capable de soulever le monde, comme l’ont montré autrefois les volontaires de 1792, et, plus près, de nous, les combattants héroïques de l’armée populaire espagnole, comme l’ont montré maintes fois depuis 20 ans les glorieux soldats de l’armée rouge ouvrière et paysanne ?

    Une politique générale conforme à la volonté du peuple assurerait à l’armée de la République des moyens matériels. et techniques considérables.

    Il suffirait pour éviter tout sabotage, tout gaspillage, tout retard, de confier aux délégués élus des ouvriers, aux représentants des syndicats le contrôle de la production dans toutes les entreprises travaillant pour la défense nationale. »

    On lit ensuite un point sur l’organisation de la nation armée :

    « La lutte pour la paix exige une France forte.

    La France ne peut être forte sans la collaboration confiante et résolue de la classe ouvrière, de l’ensemble du peuple à l’organisation de la défense nationale sous tous ses aspects, militaire et technique, matériel et moral.

    Le Comité central doit proclamer solennellement que le Parti communiste revendique hautement sa part de responsabilité, sa collaboration à l’effort d’armement général du peuple qui doit assurer à notre pays une puissance invincible au service du progrès social, de la liberté et de la paix. »

    Autrement dit, Maurice Thorez parle de l’instauration d’un nouveau régime, à travers le régime républicain lui-même. Il est espéré que la grève générale va faire basculer les choses et que la France va passer en mode « défensif » avec une sorte d’élan équivalent à celui de 1793 pour la révolution française.

    La menace extérieure est censée permettre le grand saut, qui comme on le voit est conçu comme indirect. La révolution a lieu, car le fascisme soutenu de l’étranger n’a pas lieu : telle est la conception de Maurice Thorez, qui a été accepté unanimement par tout le Parti Communiste Français.

    Dans le contexte d’alors, il est complètement oublié qu’Édouard Daladier a, en signant les accords de Munich, obtenu un soutien général dans le pays, qui s’imagine que la paix est gagnée, et surtout de la part de la bourgeoisie.

    Il y a à la fois une sorte d’idéalisme mécaniste concernant le Front populaire et une absence d’évaluation de la situation politique ; le Parti Communiste Français est en pleine auto-intoxication.

    En apparence, les mouvements de masse semblent lui donner raison. Le 26 novembre eurent lieu de très nombreuses manifestations, avec 100 000 personnes à Paris, 80 000 à Marseille, 50 000 à Lyon et autant à Rouen, 40 000 à Lille, 30 000 à Mulhouse, 25 000 à Toulouse et autant au Havre et à Bordeaux, 20 000 à Strasbourg et autant à Saint-Etienne et à Toulon, 15 000 à Dijon, et ainsi de suite dans tout le pays.

    Il y eut alors la mise en place d’une version remaniée de L’Humanité, publiée à plus de 800 000 exemplaires le 27 novembre 1938, alors que la grève générale est annoncée pour le 30.

    Celle-ci, préparée en quelques jours, par une mobilisation générale, se voulait constructive, rentrant dans le cadre propositionnel du Front populaire. Le dirigeant de la CGT Léon Jouhaux avait bien insisté sur ce fait :

    « Nous ne fournirons aucun prétexte à ceux qui cherchent l’occasion d’une politique de répression. »

    La tension était cependant trop forte dans de nombreux secteurs, tels les mines, le bâtiment, la métallurgie, la chimie, les ports, les cheminots.

    Ceux-ci cherchèrent à particulièrement pousser les choses, mais on parle toutefois là de bastions historiques prompts à l’agitation, mais très en décalage avec les mentalités du reste du pays, un pays par ailleurs encore largement paysan.

    Le résultat est que la grève générale fut un échec, dans un climat souvent électrique.

    La police et l’armée (avec des soldats prêts à tirer) avaient été mobilisées à l’échelle du pays, notamment à Paris dans les transports. 10 000 fonctionnaires qui avaient fait grève tout de même furent poursuivis dans la foulée. Et le patronat employa massivement des ouvriers non-grévistes pour casser le mouvement partout où il existait.

    Il y eut notamment 2 000 policiers pour disperser 6 000 personnes venues soutenir les 4 000 grévistes de l’usine des Forges en Lorraine. 6 000 policiers vinrent chasser à coups de gaz lacrymogène massif les 10 000 ouvriers occupant les usines Renault répondant par des jets systématiques de projectiles.

    40 usines furent occupées par les ouvriers dans la région de Valenciennes et la police vint les en chasser. Les chemins de fer connurent des réquisitions.

    Mais s’il y avait combativité d’un côté, de l’autre la France ne suivit pas. Seule la ville Clermont-Ferrand connut finalement un climat quasi insurrectionnel, preuve que la grève était allée trop loin ou pas assez.

    Le président du Conseil, Édouard Daladier, put donc se féliciter de la situation.

    « Les Français savent voir ce qui se passe autour d’eux. Toutes les activités vitales du pays se sont librement exercées. Dans l’industrie privée elle-même, la cessation du travail n’a été que partielle.

    L’ordre n’a pas été sérieusement troublé. J’en avais la certitude. On est toujours compris des Français quand on leur parle de la France. Le monde entier sait déjà que la France vient de triompher de ses incertitudes intérieures.

    Le 30 novembre [1938] restera une date historique. Par l’échec total de la grève, elle indique la résolution du pays de coopérer avec confiance à l’effort du gouvernement. »

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  • Le PCF et les accords de Munich

    L’Allemagne nazie veut prendre le contrôle des Sudètes, représentant la majeure partie de la zone germanophone de la Tchécoslovaquie. Elle obtient ce qu’elle veut dans le cadre des accords de Munich, signés par la France, le Royaume-Uni, l’Italie fasciste et l’Allemagne nazie.

    On est alors dans un contexte de tension immense, où la France a rappelé 750 000 réservistes, puisque logiquement, la France et le Royaume-Uni auraient dû se lancer dans la guerre en soutien à la Tchécoslovaquie, avec le soutien de l’URSS.

    Il fut toutefois capitulé devant Hitler du côté français et britannique, ce que l’URSS reprochera amèrement. Le sort de la Tchécoslovaquie a donc été décidée sans celle-ci et en France, le Parti Communiste Français est tout seul à s’opposer à une telle décision à laquelle participe la France.

    Le député communiste Gabriel Péri dénonça de la manière suivante au parlement la trahison de la Tchécoslovaquie, et sa conséquence fondamentale :

    « Vous avez tué cet élément essentiel de la force des démocraties : la confiance des peuples. »

    Voici comment, le 29 septembre 1938 dans L’Humanité, Gabriel Péri présentait le sens d’une telle situation historique, dans son article « Munich : quelques heures avant la capitulation ».

    « Les coups de théâtre se succèdent. Hier, au début de l’après-midi, l’Europe a appris la grande nouvelle : MM. Daladier et Chamberlain rencontreront, aujourd’hui, à 15 heures, à Munich, Mussolini et Adolf Hitler.

    Cette rencontre avait été précédée d’un message du président Roosevelt et d’une démarche de lord Perth au comte Ciano. Le président de la République américaine avait adressé au Führer un appel qui était une manière d’avertissement.

    Il suggérait la réunion en pays neutre d’une conférence internationale.

    Il «soulignait la gravité de la responsabilité qu’assumerait l’Allemagne nazie si elle se dérobait à la conversation. Que cet avertissement ait joué dans les déterminations d’hier un rôle essentiel, nul ne pourrait le mettre en doute. »

    ON A SUPPLIE LES DICTATEURS

    Mais le fait est que ce n’est point à la suggestion du président américain que se sont ralliées les puissances. La Grande-Bretagne a supplié le Duce d’adjurer, le Führer d’Allemagne d’accepter la parlote.

    Le Führer n’a point négligé l’occasion qui s’offrait de rehausser son prestige. Il a fait attendre son consentement. Il l’a finalement accordé comme on accepte de souscrire à un grand sacrifice.

    Que le monde s’incline devant la magnanimité du chancelier ! Il consent dans sa générosité d’âme à recevoir MM. Chamberlain et Daladier à Munich, berceau du « National-Socialisme », et à discuter avec eux du dépècement de la Tchécoslovaquie.

    Mais qu’on ne s’y méprenne point, Adolf Hitler nous prévient que c’est son amitié pour Mussolini qui l’inspire en l’occurrence. Il nous avertit par avance que c’est à lui et à son allié de l’Axe, et à eux seuls, que le monde inquiet devra témoigner sa gratitude.

    LE DUCE « RENFLOUE »

    La situation de Mussolini n’est pas moins digne d’intérêt. Depuis quinze jours, il s’efforçait assez vainement d’attirer sur lui l’attention publique internationale.

    Il prononça dans ce but huit discours. Malgré les objurgations du Führer, le Duce, jusqu’ici, n’a point pris de mesure de mobilisation, et le roi lui a signifié qu’il s’opposait à une décision de cette nature. La rencontre de Munich réhabilite et renfloue le dictateur enchemise noire. Le Duce risque de quitter la Bavière « les poches pleines ».

    Il aura touché au guichet hitlérien en défendant l’Allemagne à la conférence. Mais il aura touché peut-être aussi au guichet franco-britannique.

    Qui sait si MM. Daladier et Chamberlain ne récompenseront pas ses bons et loyaux services d’intermédiaire en lui offrant une complicité plus ou moins ouverte en Espagne où l’armée fasciste est battue et archibattue depuis le 25 juillet.

    La rencontre des quatre aura donc lieu tout à l’heure. Au risque de concrétiser une fois encore, les plumitifs à chemise brune ou noire, nous écrivons qu’elle nous inspire les mêmes appréhensions que les rencontres précédentes.

    Nous n’avions pas applaudi à l’entreprise de Berchtesgaden et, de ce fait, nous n’avons pas éprouvé la honte qu’ont ressentie après Berchtesgaden ceux qui se penchèrent sur les résultats. M. Chamberlain est revenu des Alpes bavaroises avec un ultimatum.

    VA-T-ON CEDER A UN NOUVEL ULTIMATUM ?

    Il est revenu des bords du Rhin avec un second ultimatum. Nous souhaitons qu’il n’y ait pas d’ultimatum de Munich. Que M. Daladier relise donc dans l’avion le récit hallucinant des entretiens germano-britanniques fait hier aux Communes par M. Chamberlain.

    Après ces lectures, on sait à quoi s’en tenir sur la nature de ces « conversations », où l’un des interlocuteurs a placé le revolver sur la table et menace à tout bout de champ de mettre en marche son armée.

    Nous ne jugeons pas les voyageurs de Munich sur leurs intentions. Nous apprécions les voyages précédents à leurs résultats. Nous constatons que ces résultats ont été déplorables ; que les pèlerinages au Canossa hitlérien ont aggravé les exigences nazies et rendu le danger de guerre plus pressant.

    Nous en concluons que la méthode employée n’est pas une bonne méthode.

    RESURRECTION DU « CLUB DES CHARCUTIERS »

    La rencontre de Munich appelle une autre observation. En fait, elle ressuscite le pacte à quatre. Il est inouï de penser qu’une conférence va décider du sort de la Tchécoslovaquie en l’absence de la République tchécoslovaque.

    Il est inouï de penser qu’à la table de Munich s’assiéra l’Italie, qui n’a d’autre qualité que celle d’alliée de l’Allemagne et de première protagoniste du démembrement tchécoslovaque, mais que de la conversation, l’U. R. S. S. sera exclue — l’U. R. S. S.. associée de la France, et aujourd’hui liée par un pacte d’assistance mutuelle avec la Tchécoslovaquie.

    Le pacte franco-soviétique prévoyait cependant la collaboration des deux pays. On voudrait savoir quel rôle, de l’avis de M. Daladier, doit jouer le pacte franco-soviétique dans la politique extérieure de la France. Toute la tactique du pangermanisme a consisté à isoler la France de ses amis de l’Est et du Sud-Est.

    Cet effort a été couronné de succès après Berchtesgaden en ce qui concerne la Tchécoslovaquie. Veut-on achever l’œuvre de destruction en ce qui concerne l’Union Soviétique ? Le gouvernement français estime-t-il que son rôle est celui de fossoyeur des traités qui protègent la France ?

    Quand on parla pour la première fois du pacte à quatre en 1934, MM. Herriot, Delbos, d’autres encore, dénoncèrent ce projet comme un danger mortel pour la France. Et pourtant l’Allemagne et l’Italie étaient encore membres de la S. D. N.

    Le pacte projeté se rattachait à celui de Genève. L’Allemagne n’était pas encore en Rhénanie, l’Italie n’avait pas conquis l’Ethiopie, l’Autriche n’était pas annexée. Il n’y avait pas d’axe Rome-Berlin. Feu Lautier écrivait : « C’est le club des charcutiers ».

    Du moins, les charcutiers n’étaient alors qu’en puissance. Maintenant, ils sont en pleine activité, et c’est précisément pour charcuter qu’ils s’assemblent pour la première fois.

    Ce club prétendra demain à la direction de l’Europe.

    Imaginez dans quelle posture se trouvera le porte-parole de la France, et vous comprendrez ce que représente cette prétention. Berchtesgaden pouvait n’être qu’une défaite, Munich risque d’être le début d’un grand effondrement, la première étape du glissement vers la mise au pas.

    IL FAUT TENIR FERME

    Et maintenant, est-il possible de limiter les dégâts ? Est-il possible, si déplorable que soit la méthode, de faire en sorte que la réunion de Munich ne renouvelle pas les effroyables erreurs des réunions précédentes ? Oui, sans doute.

    A condition de se décider à suivre les conseils que nous avions donnés avant Berchtesgaden.

    La réunion de Munich ne peut servir la paix que si elle est l’occasion d’une affirmation solennelle de la solidarité des puissances pacifiques en face de ceux qui veulent incendier le monde. Depuis deux jours, la France et la Grande-Bretagne se sont associées sur une ligne de résistance.

    Un communiqué du Foreign Office a souligné devant l’univers la communauté de résolution de Paris, de Londres et de Moscou. Aussitôt, les peuples ont repris confiance. La voix américaine a retenti. La Pologne a battu en retraite. Bucarest et Belgrade ont intimé des avertissements significatifs.

    Tout cela au grand désarroi de ceux qui trahissent la paix, de notre cinquième colonne qui, sous la conduite de Flandin et des marchands de canons, veut livrer les vies françaises aux carnassiers nazis.

    Pour MM. Daladier et Chamberlain, il n’est qu’une façon de servir la paix : c’est celle qui consiste à tenir ferme sur la ligne de résistance franco-britannique établie après Godesberg.

    La France et la Grande-Bretagne doivent s’en tenir au plan du 18 septembre et n’en pas démordre. Elles ne pourraient le faire, répétons-le, qu’en décidant la disparition de la Tchécoslovaquie.

    LE PLAN DE GODESBERG
    C’EST LA MORT DE LA TCHECOSLOVAQUIE

    Hitler a voulu faire croire au monde que le plan de Godesberg reproduisait celui de Londres. M. Flandin l’a répété. M. Bonnet le prétend lui aussi et, pour le démontrer, il a fait publier hier soir dans un journal considérable une carte falsifiée.

    Eh bien ! ces trois personnages sont des menteurs fieffés. Le plan de Godesberg scinde la Tchécoslovaquie. Il place sa capitale sous la menace des canons allemands. Il livre sans délai tous les ouvrages fortifiés de Tchécoslovaquie sans laisser au nouvel Etat le temps de se protéger.

    L’exécution du « plan » de Godesberg signifierait l’annexion au Reich de 3.736.000 habitants du territoire tchèque, dont 816.000 Tchèques.

    Comme le nombre de Tchèques habitant les régions à grande majorité allemande est de 382.000 personnes, il est clair que le plan de Godesberg prévoit l’annexion à l’Allemagne d’un territoire à population de 434.000 citoyens, en majorité tchèque. Cependant, le mémorandum ne se borne pas à cela.

    Il réclame la cession à échéance de territoires à population tchèque nettement en majorité. Il s’agit d’un territoire habité par 1.300.000 Tchèques, dont 1.116.000 Tchèques et 144.000 Allemands seulement.

    Rien de semblable n’avait été prévu à Berchtesgaden, ni à Londres. Rien de semblable n’a été demandé à la Tchécoslovaquie.

    DALADIER, DITES NON !

    C’est pour cela que le gouvernement français a repoussé l’ultimatum, c’est pour cela que Prague l’a déclaré « définitivement et inconditionnellement inacceptable » et que M. Chamberlain a dit que les prétentions du Führer étaient « déraisonnables. »

    Encore une fois les ministres français et britanniques n’ont qu’à répéter cela à Hitler et à le répéter sur le ton qu’il faut. La guerre s’est rapprochée de nous chaque fois qu’on a cédé.

    On demande au chef du gouvernement français de montrer au Führer que le Front de la paix est une réalité agissante, on lui demande de prononcer enfin ce NON qui fera reculer la guerre et permettra aux peuples, au peuple allemand compris, de pousser un grand soupir de soulagement. »

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    isolé et interdit (1938-1939)

  • La mobilisation du PCF contre Édouard Daladier

    Le 21 août 1938, le président du Conseil Édouard Daladier annonce des mesures chocs, qui grosso modo défont les quarante heures hebdomadaires et l’encadrement social obtenu en mai 1936.

    Immédiatement les réactions sont fortes du côté de la CGT, du Parti Communiste Français et du Parti socialiste-SFIO, Léon Blum disant : « Pas cela ou pas nous ».

    C’est la région parisienne qui est naturellement au cœur de la révolte, car elle forme un bastion rouge dans une France encore majoritairement paysanne. Il est essentiel de rappeler ce décalage, cet aspect essentiel de la situation historique de la France alors, pour la suite des événements.

    Le 23 août 1938, l’un des secrétaires de la CGT, le communiste Jules Racamond affirme à l’assemblée des Conseils syndicaux de la région parisienne que :

    « Loin d’appuyer sa politique sur la confiance des masses travailleuses, le Président du Conseil obéit aux injonctions des oligarchies capitalistes. »

    Et l’assemblée vote la résolution suivante :

    « L’assemblée des conseils syndicaux de la région parisienne, au nom d’un million d’adhérents, réunie à la Maison des métallurgistes, le 23 août, sur convocation du secrétariat, traduisant l’émotion de la classe ouvrière à la suite du discours du président du Conseil contre la loi de 40 heures, condamne cette attitude en opposition formelle avec le vote des lois sociales et de la loi de 40 heures par les mêmes hommes en 1936 ;

    Rappelle que depuis des mois des milliers d’ouvriers et employés ont été renvoyés des entreprises ou magasins, qu’un nombre important d’entrepreneurs demandant l’abrogation de la loi de 40 heures n’occupent leur personnel que 30 ou 35 heures par semaine.

    L’assemblée constate qu’une régression sensible du pouvoir d’achat des ouvriers et des fonctionnaires s’est effectuée depuis la signature des, accords Matignon et l’abrogation des décrets-lois par la pratique qui consiste à refuser constamment aux travailleurs un rajustement de leurs salaires, alors que le coût de la vie augmente.

    Elle dénonce l’aggravation de la crise économique actuelle comme étant la conséquence, non des lois sociales, mais du sabotage organisé par le patronat de combat, les trusts et les oligarchies financières.
    En conséquence, elle refuse d’accepter les dérogations à la loi de 40 heures dans des industries déterminées, tant qu’il existera dans celles-ci des ouvriers sans travail ;

    Se déclare en plein accord avec la Commission administrative de la Confédération Générale du Travail et appelle les travailleurs de toutes les corporations à se montrer vigilants et fermes, prêts à répondre unanimement à toute action qui sera décidée par la C.G.T. pour la défense des conquêtes de juin 1936, la semaine de 40 heures et des lois sociales ;

    Déclare approuver sans réserve l’attitude des dockers de Marseille, des ouvriers du bâtiment de Lyon luttant pour la défense de leurs, salaires et le maintien en vigueur des lois sociales ;

    S’élève contre l’emploi de la main-d’œuvre militaire, chose inconnue depuis 35 ans sur les ports.

    L’assemblée invite également tous les responsables des syndicats, sections syndicales et les délégués d’entreprises à faire la propagande nécessaire pour que tes travailleurs assistent en grand nombre au meeting organisé vendredi, 26 août, salle Wagram. »

    Le Front populaire de la région parisienne s’ajoute au mouvement. Il faut rappeler quelles en sont les forces.

    On parle de l’Union des syndicats ouvriers de la région parisienne, du parti radical et radical-socialiste, du parti socialiste, du Parti communiste, de l’Union socialiste républicaine, du parti radical Camille Pelletan, du Mouvement paix et liberté, de la Ligue des droits de l’homme, du Comité des femmes, du Mouvement des anciens combattants, du Secours populaire, de l’Association des sous-officiers de réserve républicaine, du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes, de la Ligue internationale contre l’antisémitisme, des Jeunesses laïques et républicaines.

    Il y a donc le parti radical et radical-socialiste, mais à Paris seulement, car au même moment, le Bureau du Comité Exécutif du parti radical et radical-socialiste, réunie sous la présidence du « citoyen Édouard Daladier », a adressé « au président du Conseil Édouard Daladier l’assurance de sa totale confiance pour mener à bien l’œuvre qu’il a entreprise ».

    Voici la résolution votée à l’unanimité lors d’une réunion extraordinaire du Front populaire de la région parisienne.

    « Le Front populaire de la région parisienne, réuni extraordinairement le mercredi 24 août, se faisant l’écho du mécontentement profond qui s’est emparé des travailleurs de la région parisienne à propos du discours du président du Conseil, tient tout d’abord à manifester son attachement au serment du 14 juillet 1935 et au programme du Front populaire.

    Il considère que les lois sociales obtenues grâce à l’union du Front populaire ne sauraient être remises en question et qu’il les défendra sans faiblesse.

    Ce n’est pas en attaquant, voire en modifiant de fond en comble la semaine de 40 heures, que l’on donnera du travail à ceux si nombreux qui n’en ont pas et que l’on résoudra la crise actuelle et les difficultés financières provoquées par les puissances d’argent.

    Le Front populaire de la région parisienne dénonce avec force l’action néfaste des trusts contre les conquêtes sociales que l’on voudrait amoindrir et supprimer
    les unes après lés autres.

    Il est persuadé que le pays républicain ne permettra pas que l’on porte atteinte plus longtemps à sa souveraineté nationale.

    Il appelle les travailleurs de la région parisienne ouvriers, employés, fonctionnaires, cheminots, commerçants à renforcer l’union et à s’associer à toutes les protestations émises et à assister à tous les meetings et, en particulier, à celui de l’Union des Syndicats de la Seine le vendredi 26 août, à 20 h 30, salle Wagram.

    Le Front populaire de la région parisienne décide de demander une audience au président du Conseil afin de lui faire connaître les sentiments de tous ceux qui se sont. unis pour la défense du pain, de la paix et de la liberté. »

    De la même manière, il y a une résolution à l’unanimité du Comité d’entente régional des partis socialiste et communiste, avec les organisations communistes de la région parisienne et les fédérations socialistes de la Seine et de la Seine-et-Oise.

    Là encore, on a unité socialiste – communiste qui est unique dans le pays.

    « Le comité d’entente des régions parisiennes du Parti communiste et des Fédérations de la Seine et de La Seine-et-Oise du parti socialiste, réuni le 24 août, proclame hautement qu’il entend défendre les conquêtes sociales des travailleurs acquises grâce à la majorité de Front populaire issue des élections de mai 1936 et il affirme son opposition à toute mesure qui leur porterait atteinte.

    Représentant la majorité de la population laborieuse des départements de Seine et de Seine-et-Oise où l’on compte plus de 250 000 chômeurs, le Comité d’entente régional s’élève avec énergie contre les déclarations du président du Conseil visant la semaine de 40 heures et demandant de nouveaux sacrifices aux travailleurs alors que les ennemis du peuple, les trusts et les oligarchies financières, organisent systématiquement la fuite des capitaux et poursuivent impunément leur offensive contre le Front populaire et ce qu’il a apporté de bienfaits au pays.

    Devant la situation nouvelle ainsi créée, le Comité d’entente régional demande avec force au Rassemblement populaire d’œuvrer pour ta convocation immédiate
    du Parlement.

    Il invite les travailleurs communistes et socialistes par une unité d’action vigilante à déjouer la menace qui se précise. »

    C’est de fait la mobilisation générale du côté de la gauche activiste, principalement par le levier syndical. 100 000 personnes manifestent ou vont à des meetings le 25 août 1938 ; voici la déclaration communiste du même jour.

    « Le bureau politique du Parti communiste français, attaché de toutes ses forces à l’union du Front populaire.

    Adresse son fraternel salut à la Confédération générale du travail et aux organisations syndicales qui ont donné le signal de la résistance aux attaques de M. Daladier contre les conquêtes sociales du Front populaire.

    Il salue la C.A.P.. et les organisations du Parti socialiste qui défendent l’oeuvre du Front populaire.

    Il salue les militants du Parti radical qui n’oublient pas que la doctrine de leur parti leur fait une obligation de combattre les oligarchies et d’être toujours avec le peuple, l’ennemi étant à droite et non à gauche.

    Il salue les militants de l’U.R.S. qui, fidèles à l’union des gauches, refusent de se soumettre aux exigences des trusts et du nazisme.

    Il salue toutes les organisations du Front populaire qui se sont dressées unies pour la défense de la justice sociale et de la légalité républicaine.

    Il se félicite que les organisations communistes soient partout au premier rang de ceux qui luttent contre les menaces du président du Conseil, qui veut en finir avec la semaine de 40 heures, alors qu’il y a en France plus de 340 000 chômeurs, et alors que 50 % des ouvriers travaillent moins de 40 heures.

    Si ce plan de régression sociale réussissait, toutes les lois sociales conquises par les travailleurs au cours de ces deux dernières années (congés, payés, contrats collectifs, etc.), seraient menacées à leur tour.

    Le Bureau politique souligne que depuis de longs mois les oligarchies capitalistes, les trusts, les spéculateurs, mènent campagne, contre les réalisations sociales du Front populaire qu’ils voudraient anéantir de concert avec les banquiers de la Cité [la City de Londres], et les gouvernements fascistes de Rome et de Berlin.

    Ce sont ces congrégations économiques, toutes-puissantes, qui ont exigé une attaque de grand style contre les 40 heures, attaque à laquelle le chef du gouvernement s’est prêté, oubliant le programme qu’il a, adopté et le serment du 14 juillet.

    Le peuple de France, conscient de défendre la République et la sécurité du pays en défendant ses droits inscrits dans la loi, se dresse unanime contre toute tentative de destruction de la législation sociale du Front populaire comme en témoignent les innombrables résolutions votées par le Comités du front populaire et les diverses organisations des masses laborieuses.

    Le Bureau politique constate, en outre, que l’attaque contre les lois sociales recueille l’approbation de tous les ennemis de la démocratie et de tous les chercheurs d’aventure du fascisme.

    Le [journal d’Allemagne nazie] Voelkischer Beobachter écrit : « Nous nous réjouissons de voir la France supprimer la loi de 40 heures », tandis que les journaux des banques de la Cité de Londres ne dissimulent pas leur joie de voir les acquisitions sociales du Front populaire mises en cause.

    Quant aux ligues factieuses reconstituées au mépris de la loi, elles prodiguent d’inquiétants encouragements au chef du gouvernement, qu’elles incitent à « sortir des ornières constitutionnelles ».

    Aucune déclaration officielle n’a été faite en réponse aux affirmations du journal de Hitler concernant l’abolition de la semaine de 40 heures, et le président du Conseil n’a pas eu un mot pour flétrir les fascistes qui préconisent ouvertement le coup de force contre la légalité républicaine, pour livrer la France à ses ennemis.

    Le Bureau politique se félicite de voir le peuple français se dresser unanime pour le respect des lois sociales et contre toutes tendances au pouvoir personnel.

    Le peuple de France sait bien que les puissances d’argent en lutte contre les réformes sociales du Front populaire, sont opposées à l’institution de la retraite pour les vieux, à la création de la caisse contre les calamités agricoles, au rajustement des traitements des fonctionnaires et des allocations de chômage, à la réforme démocratique des impôts et à toute amélioration des conditions d’existence des populations laborieuses.

    L’union du Front populaire contre les oligarchies, sous le signe de la fidélité au programme et au serment du 14 juillet, est une nécessité vitale pour le pays qui ne veut pas subir l’insolente dictature de la finance internationale, des déserteurs du franc et des spéculateurs.

    Le Bureau Politique appelle les socialistes. les radicaux, les syndiqués, les communistes et tous les démocrates s’unir plus fortement que jamais pour ne pas laisser toucher aux réformes sociales, pour imposer le respect de la loi républicaine.

    Il donné mandat à ses délégués, au Comité national du Rassemblement populaire et à la Délégation des gauches, de proposer à tous les partis des organisations du Front populaire

    1) La convocation du Parlement, afin d’assurer le fonctionnement normal des institutions démocratiques ;

    2) L’affirmation solennelle de l’intangibilité de la loi établissant la semaine de 40 heures et de l’ensemble des lois sociales ;

    3) L’opposition aux 200 heures de dérogation qui constitueraient un premier coup porté à la législation sociale du Front populaire et l’opposition à toute nouvelle dérogation dans les industries où il y a du chômage complet ou partiel ;

    4) La condamnation catégorique de tous les encouragements à la guerre civile et à l’action anticonstitutionnelle prodigués par les factieux au président du Conseil depuis qu’il a prononcé son discours, et la condamnation de toute tendance au pouvoir personnel ;

    5) L’action commune pour obtenir qu’on fasse droit aux revendications des vieux, des chômeurs, des travailleurs de la fonction publique et des massée paysannes de France ;

    6) L’action en commun pour dénoncer les agissements des trusts qui organisent l’attaque contre les lois sociales, exportent les capitaux au lieu de les investir en France et sont les véritables responsables du sabotage de la production.

    Le Bureau politique demande à tous les communistes d’agir en commun avec les camarades socialistes et avec l’ensemble des adhérents du Front populaire, afin de consolider. l’union qui doit exister entre les deux partis de la classe ouvrière, et afin d’opposer aux menaces des oligarchies et de la réaction l’union indissoluble du Front populaire.

    VIVE LE FRONT POPULAIRE !

    Le Bureau politique du Parti communiste français. »

    La CGT rejette alors le 31 août le décret-loi de la veille qui remet en cause les 40 heures : c’est l’annonce de l’épreuve de force de par le poids du syndicat dans la vie de la gauche en France.

    Le Parti Communiste Français rassemble dans la foulée 50 000 personnes à Paris au vélodrome d’hiver, alors que dans absolument tout le pays les manifestations se multiplient. Et la fête de l’Humanité, qui se déroule au même moment, rassemble plus de 300 000 personnes à Garches le 4 septembre 1938.

    Mais au même moment, l’Allemagne nazie est lancée dans son opération d’invasion de la Tchécoslovaquie et la tension internationale devient énorme.

    Le meeting pour la paix du Parti Communiste Français est interdit, alors que les accords de Munich se mettent en place, en plein contexte de crise sociale aiguë.

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    isolé et interdit (1938-1939)

  • Le rapport du PCF au Front populaire en 1938

    L’année 1938 se situe pour le Parti Communiste Français dans le prolongement de l’année 1937. En effet, il a été fait un double choix : considérer que le Front populaire existe encore, se positionner de telle manière à apparaître comme le véritable représentant des radicaux (c’est-à-dire des centristes).

    C’est la concrétisation formelle de la ligne de Maurice Thorez, pour qui tout passe par le Front populaire, dont le Parti Communiste Français n’est que l’aile la plus consciente et revendicative.

    Au sens strict, le choix de 1937 supprime toute autonomie stratégique et tactique au Parti Communiste Français. Il va le payer très cher.

    Initialement, cela ne se remarque pas du tout. Le 12 février 1938, plusieurs centaines de milliers de personnes manifestent à Paris pour célébrer le mouvement né le même jour quatre ans plus tôt. 30 000 font de même à Lyon, 20 000 à Saint-Étienne, 15 000 à Bordeaux et dans d’autres petites villes.

    Une semaine après, le gouvernement et la CGT, avec le rapporteur général de la Commission du Travail, établissent un accord, par la suite voté au parlement par 360 voix contre 226.

    Deux semaines après, le rapport sur les conventions collectives est voté par 442 voix contre 108 ; ce rapport a été établi par Ambroise Croizat.

    Et deux mois plus tard, le 10 avril 1938, 200 000 personnes défilent à Paris en soutien au Front populaire.

    Autrement dit, même si le gouvernement est organisé par les centristes que sont les radicaux, sans socialistes puisqu’ils sont sortis, il y a encore une apparente unité ; le Front populaire, de manière formelle semble se maintenir et pousser à la transformation des institutions, de la société, de l’économie.

    Il y a ici toutefois à l’arrière-plan une sorte d’illusion quant à la stabilité du pays.

    Le premier choc se produit en mars 1938, lorsque l’Allemagne nazie annexe l’Autriche. Il est désormais tout à fait net que les choses s’accélèrent sur le plan international.

    Le Parti Communiste Français, qui appelait systématiquement depuis 1936 à soutenir la République espagnole de toutes ses forces, pratiquement quotidiennement avec L’Humanité, ajusta alors sa ligne.

    Fut toujours plus accentué l’affirmation qu’aider l’Espagne, c’était protéger la France d’une invasion germano-italienne. Une victoire franquiste produirait une troisième ligne de front, alors que l’Allemagne nazie présentait la France comme son ennemie et que l’Italie commence à avoir des visées territoriales aux dépens de la France.

    Ce positionnement somme toute assez juste relevait cependant d’une sorte d’alignement stratégique qui ne pouvait pas être réellement compris encore par les larges masses. Ce qui ressortait, c’était une sorte de réflexion « géopolitique » et à part les éléments s’y intéressant avec réalisme, objectivité, cela apparaissait davantage comme une sorte de propagande qu’autre chose.

    La question espagnole, si présente, ne produisit donc pas l’impact espéré, attendu ; s’il y avait de réelles mobilisations, comme le 8 avril 1938 avec 30 000 personnes au vélodrome d’Hiver pour réclamer l’ouverture de la frontière avec l’Espagne, il n’y eut pas de réel impact dans les masses au point de faire basculer les choses.

    La démission de Camille Chautemps de son poste de président du Conseil à la suite de l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne nazie reflète pourtant le glissement généralisé en France par rapport aux questions internationales.

    La preuve en est que lorsque Édouard Daladier devient premier ministre en avril 1938, il obtient 576 voix contre 5, ce qui est une preuve d’un large socle bourgeois. Tout le monde soutient, parce que la tension est palpable et la tendance à la centralisation devient prégnante.

    Cela, le Parti Communiste Français ne le voit pas. Il tourne en roue libre par rapport au choix de 1937.

    Cela donne le paradoxe suivant : d’un côté, le Parti Communiste Français est le seul à comprendre la dimension historique de ce qui se passe, l’importance des enjeux. De l’autre, il joue la carte de l’apaisement, de la force tranquille, de la pesanteur « républicaine »

    Voici l’appel du 1er mai, où on lit bien la « tentation » centriste à laquelle le Parti Communiste Français a cédé sous la direction de Maurice Thorez.

    « Fidèles à une tradition qui symbolise l’action revendicative de la classe ouvrière internationale, dimanche 1er mai, à travers la France, vous répondrez à l’appel de vos organisations syndicales.

    Vous, vous rassemblerez, fraternellement unis, et vous manifesterez votre attachement au progrès social, à la liberté et à la paix

    En ce jour où le monde au travail affirme sa puissance disciplinée, conscient de ses droits et de ses devoirs envers la nation, le Parti communiste, dont la seule ambition est de bien servir la cause du peuple, tient à manifester sa solidarité totale envers les syndicats ouvriers.

    Le patronat de droit divin marque une hostilité croissante aux lois sociales ; il traîne en longueur les pourparlers relatifs au renouvellement des conventions collectives il refuse l’application des sentences arbitrales rendues conformément à la loi ; il sabote l’économie nationale sans aucun souci pour la sécurité du pays.

    Le 1er mai, le peuple travailleur manifestera sa volonté de ne laisser porter atteinte à aucune des conquêtes sociales obtenues grâce au Front populaire, et qui attestent la supériorité du régime démocratique, alors que s’affirme la progression douloureuse de la misère ouvrière dans les pays de dictature fasciste.

    II prouvera sa sollicitude envers tous ceux que l’âge après une longue vie de dure labeur, a rejetés de la production.

    Dans l’application du programme du Front populaire qui prescrit une réforme démocratique de la fiscalité et une action énergique contre les fraudeurs de l’impôt et les exportateurs de capitaux, il est possible à l’État de trouver les ressources qui permettront l’institution de la retraite pour tous les vieux travailleurs.

    Le 1er mai, la classe ouvrière marquera sa réprobation des scandaleuses remises en liberté dont bénéficient les cagoulards, agents du fascisme international, et qui se préparaient au crime monstrueux de la guerre-civile.

    Elle réclamera contre ces traîtres l’application de la vraie justice et le châtiment qu’ils méritent.

    Elle affirmera son attachement à la paix qui ne peut être sauvée que dans le cadre de la sécurité collective, de l’assistance mutuelle, du respect loyal des traités et du droit international.

    Elle manifestera son attachement au grand pays de l’Union soviétique, champion, de la paix, qui sait châtier comme il convient les trotskistes, agents du fascisme international, dans l’intérêt des peuples de l’univers.

    Elle proclamera sa solidarité totale et, active avec l’héroïque peuple d’Espagne, victime de l’agression fasciste et de l’abandon des démocraties occidentales.

    Partout retentira le cri « Ouvrez la frontière! Des avions, dés tanks, des canons pour l’Espagne républicaine! »

    Travailleurs de France,
    Devant la terrible menace qui pèse sur le monde, pour sauver l’humanité de la barbarie fasciste et des horreurs de la guerre

    Plus que jamais, Unité !
    Socialistes et communistes, en avant pour le Parti Unique de la classe ouvrière !

    Socialistes, communistes, radicaux, démocrates, plus que jamais restons unis au sein du Front populaire !

    Ouvriers, paysans, classes moyennes, hommes et femmes, jeunes et adultes, sans distinction d’opinion, forgez l’union de la nation française, main dans la main pour la ronde de la paix !

    LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS

    Le premier mai 1938 est par ailleurs un véritable succès : 250 000 personnes manifestent à Paris, 100 000 à Marseille, 50 000 à Lyon, 30 000 à Rouen, 20 000 à Toulouse et autant à Nice et Valenciennes, 17 000 à Metz, 15 000 à Grenoble, 12 000 à Oran, 10 000 à Nîmes et autant à Alger, Alès et Boulogne, 8 000 à Nantes et autant à Toulon, 5 000 à Hénin-Liétard, 4 000 à Orléans et autant à Châlons-sur-Marne, et quelques milliers dans d’autres petites villes.

    Édouard Daladier, nouveau chef du gouvernement, va pourtant totalement changer la donne. Lorsqu’il arrive au poste de Président du Conseil, il dispose d’un soutien parlementaire quasi total.

    C’est le signe d’un basculement, et cela va très vite se sentir. Il met en effet en place des décrets-lois pour passer en force dans ses mesures, notamment une nouvelle dévaluation du franc, au grand dam des socialistes et des communistes.

    Maurice Thorez en appelle alors aux socialistes et le thème de l’unification des socialistes et des communistes est remis en avant. Ce qui était déjà une erreur au sens d’une illusion devient une faute, puisque la direction socialiste a compris que le vent a tourné.

    Début juin 1938, lors du congrès du Parti socialiste-SFIO, il est procédé à la dissolution de la Fédération de la Seine, par 4 824 voix contre 3 200 et 354 abstentions.

    Léon Blum triomphe à cette occasion, portant une motion votée par 4 872 voix, contre 1 735 au courant de la Bataille socialiste (partisane du rapprochement avec le Parti Communiste Français) et 1434 à la Gauche révolutionnaire (convergeant avec le trotskisme), pour 259 abstentions.

    Une telle situation mettait de facto fin à toute perspective d’unification. Pire encore, cela appuyait l’hégémonie des centristes, et le gouvernement continua de manière prononcée sa politique de non-intervention en Espagne, malgré une situation toujours plus meurtrière.

    Le Parti Communiste Français choisit alors d’activer particulièrement ses campagnes, ayant une confiance dans la signification des larges manifestations de masse encore existantes ; la manifestation en l’honneur de la Commune le 29 mai 1938 est ainsi un très grand succès.

    Il multiplie les meetings dans tout le pays, devant des milliers de personnes à chaque fois, comme Maurice Thorez à Picquigny, dans la Somme, devant 15 000 personnes le 19 juin 1938. Cet activisme des meetings se prolongera jusqu’au début de la seconde guerre mondiale, avec un réel succès.

    L’idée est de galvaniser la base en se posant comme l’aiguillon pour le retour au programme initial du Front populaire. L’impact est réel dans la jeunesse et on a ainsi 50 000 personnes le 26 juin 1938 à Douai, pour un rassemblement de la Jeunesse communiste avec Maurice Thorez et Raymond Guyot, qui avait agi auparavant dans la clandestinité comme dirigeant de la Jeunesse communiste et était passé par la prison pour cela.

    Le 14 juillet 1938, il y a de nouveau des centaines de milliers de personnes à Paris pour la grande manifestation à l’occasion de la fête nationale, ainsi que 50 000 à Lyon, 35 000 à Alger, 20 000 à Toulouse, 10 000 à Marseille, 7 000 à Dijon et autant à Nîmes, 6 000 à Perpignan, et plusieurs milliers dans différentes villes (Bordeaux, Grenoble, Rouen, Toulon…).

    Voici une déclaration de la mi-août qui présente bien l’approche générale choisie et « l’espoir » du Parti Communiste Français.

    « Faisant écho aux campagnes abominables des oligarchies capitalistes contre les conquêtes sociales du Front populaire, le président du Conseil a annoncé son intention.de mettre fin à l’application de la loi sur les 40 heures et cela à un moment où plus de 340.000 ouvriers sont sans travail.

    Au lieu de prendre des mesures contre les déserteurs du franc, dont aucun n’a été poursuivi, au lieu de flétrir les saboteurs de l’économie nationale, au lieu d’agir contre les trusts et les spéculateurs qui organisent la vie chère et menacent le franc, M. Édouard Daladier a préféré attaquer les travailleurs, sans prendre d’ailleurs la peine de consulter ses collègues du gouvernement.

    Cela lui vaut les félicitations de la presse à la solde du grand capital qui s’oppose à l’institution de la retraite aux vieux travailleurs, au rajustement des traitements des fonctionnaires, à la création de la caisse contre les calamités agricoles et à la réforme fiscale démocratique qu’attendent les commerçants et artisans écrasés par l’impôt.

    Il appartient aux masses laborieuses de défendre la loi républicaine contre ceux qui, étant chargés de la faire respecter, se préparent à la violer.

    Le 12 avril dernier, devant les Chambres, le président du Conseil déclarait : « Les patrons doivent appliquer avec loyauté des lois sociales dont ils ont proclamé eux-mêmes qu’ils les considéraient comme définitives. »

    Il serait donc normal après le changement qui vient de se produire que les Chambres soient convoquées.

    Il importe que les travailleurs de toutes opinions se serrent plus que jamais autour de la qui les appelle à la résistance pour défendre les 40 heures. Si cette loi de progrès social et d’humanité était abrogée, les congés payés, les contrats collectifs et le droit syndical seraient menacés à leur tour.

    Il faut en finir avec l’intolérable dictature dé la finance sur le pays. Il faut revenir à l’application du programme du Front populaire voulu par le suffrage universel.

    Pour le respect de la volonté légale du pays qui a voté le programme du Front populaire. Pour la fidélité au Serment du 14 juillet.

    Ouvriers, paysans, intellectuels, commerçants, artisans,
    UNISSEZ-VOUS !

    Socialistes, radicaux, syndiqués, communistes, partisans du progrès social, de la liberté et de la paix, NE LAISSEZ PAS TOUCHER A L’UNION DU FRONT POPULAIRE.
    LE PARTI COMMUNISTE. »

    Tout en place, du point de vue du Parti Communiste Français. Reste à voir le résultat de la grande épreuve de force.

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    isolé et interdit (1938-1939)

  • Désormais, cette ville porte le nom fier et engageant de « Karl-Marx-Stadt »

    10 mai 1953

    Discours à l’occasion du changement de nom de Chemnitz en Karl-Marx-Stadt

    par Otto Grotewohl [1894-1964, dirigeant du SPD en Allemagne de l’Est en 1945, tenant de l’unification au sein du Parti socialiste unifié d’Allemagne, par la suite à la tête du gouvernement de la République démocratique allemande]

    En ce jour si important pour vous et votre ville, où, sur recommandation du Parti socialiste unifié d’Allemagne, le parti de la classe ouvrière allemande, Chemnitz doit recevoir le nom honorable de « Karl-Marx-Stadt », je vous transmets tout d’abord les salutations les plus chaleureuses et les félicitations de notre estimé et bien-aimé président Wilhelm Pieck.

    Je vous transmets en même temps les salutations et les vœux du Comité central du Parti socialiste unifié d’Allemagne, du gouvernement et des travailleurs, ainsi que de toutes les forces patriotiques et pacifiques de la République démocratique allemande.

    Chemnitz — ce nom a toujours eu une résonance particulière en Allemagne, une résonance particulière aux oreilles de la classe ouvrière ainsi qu’aux oreilles des propriétaires de monopoles et de banques, des Junkers et des fauteurs de guerre.

    Dans le passé, Chemnitz était une ville de travail dur et pénible, de difficultés et de misère pour la classe ouvrière, mais aussi une ville du mouvement ouvrier révolutionnaire en plein essor, combattant et doté d’une tradition fière et victorieuse.

    Dans le passé, Chemnitz était la ville des profits maximums pour les capitalistes, des profits de guerre élevés, la base de leur luxe et de leur d’armement et de leur style de vie décadent.

    Chemnitz est aujourd’hui la ville de dizaines de milliers de travailleurs qui luttent chaque jour pour de nouveaux succès dans la construction du socialisme ; c’est la ville des combattants acharnés et inflexibles pour la cause de la paix, de la démocratie et du socialisme, pour la cause de la réalisation des idées de Marx, Engels, Lénine et Staline.

    Les travailleurs peuvent être fiers de leur ville, de sa vie vibrante, de sa grande et glorieuse tradition de lutte révolutionnaire pour une vie de liberté, sans asservissement à l’exploitation et à l’oppression capitalistes, pour une vie telle que Karl Marx l’a décrite dans ses œuvres immortelles, qui ont valu au peuple allemand un grand respect dans le monde entier.

    Quand certains éléments arriérés et rétrogrades disent : « Nous ne pouvons pas changer le nom de cette ville ; Chemnitz a acquis une renommée mondiale en tant que métropole du bas », nous disons à ces gens : l’époque où Chemnitz était la « métropole du bas » capitaliste est révolue.

    Cette ville a aujourd’hui des tâches plus grandes et plus importantes que la simple production de bas. Cette ville sera un centre de construction socialiste en République démocratique allemande, un centre de construction mécanique et lourde, servant à améliorer la vie des travailleurs et à accroître la richesse sociale de notre peuple.

    Elle acquerra ainsi une renommée mondiale auprès de tous les peuples épris de paix, mais surtout auprès de ceux qui, comme nous, vivent, travaillent et luttent pour la construction d’un monde nouveau et meilleur. Personne ne niera qu’il s’agit d’une tâche plus belle, plus élevée et plus honorable.

    C’est une tâche que l’imparable loi du progrès de la société nous impose et que nous ne pouvons ni ne voulons éviter. Les plus irréductibles ne peuvent pas non plus nous distraire du changement de nom de cette ville en soulignant qu’il s’agissait d’une ancienne ville fondée par l’ordre bénédictin aux XIIe et XIIIe siècles.

    La ville doit son nom à une rivière insignifiante qui n’a aucune importance historique ni géographique.

    Les moines bénédictins n’habitent plus ici. Plus personne ne vit ici en suivant leurs enseignements.

    La seule chose qui en témoigne encore et qui soit efficace est le vieux schnaps bénédictin. L’alcool est bon, nous n’avons rien contre lui, mais même lui n’est plus brassé ici.

    Nous respectons et honorons, comme personne d’autre, le bon et aimable passé de notre peuple. La préservation de notre patrimoine culturel national est pour nous une question d’honneur.

    Où y a-t-il un héritage culturel à respecter ou à défendre au nom de « Chemnitz » ? Il n’y a pas de bénédictins ici, mais des marxistes.

    Les gens qui vivent ici ne se tournent pas vers les enseignements monastiques séculaires, mais ils attendent avec impatience un avenir nouveau et meilleur, ils se tournent vers le socialisme, ils se tournent avec amour et révérence vers le fondateur de la doctrine socialiste, vers le plus grand fils du peuple allemand, vers Karl Marx.

    Si la ville de Chemnitz avait déjà dans le passé une importance particulière parmi les travailleurs d’Allemagne en raison de son fort mouvement ouvrier, la « ville Karl-Marx » aura à l’avenir une signification décisive pour la construction du socialisme en République démocratique allemande et pour la lutte nationale de notre peuple.

    Chemnitz signifie beaucoup d’un point de vue historique et traditionnel, mais « Karl-Marx-Stadt » signifie encore plus.

    Le nouveau nom implique la haute obligation de respecter non seulement l’héritage de Karl Marx et de Friedrich Engels, mais aussi celui de leurs grands successeurs, Lénine et Staline, grâce à la vie et au travail desquels nous pouvons aujourd’hui espérer un avenir heureux et plein d’espoir, grâce à la vie et au travail desquels nous pouvons concrétiser la décision du Parti socialiste unifié d’Allemagne d’établir les fondements du socialisme en République démocratique allemande.

    L’attribution du nom de Karl Marx est donc un grand honneur pour les ouvriers de Chemnitz et pour toute la classe ouvrière allemande, mais aussi une grande obligation. Je ne doute pas que nos travailleurs se montreront dignes de cet honneur et de cette obligation.

    Il y a un long chemin à parcourir entre la Chemnitz du capitalisme naissant et la ville de la période de transition vers le socialisme, qui portera le fier nom de Karl Marx.

    L’avancée et le recul ont alterné. Mais ce sont toujours les travailleurs, ces gens durs, diligents et dévoués, qui ont été les forces motrices de l’histoire. Ils ont travaillé et créé les valeurs que ces parasites, propriétaires des moyens de production, ont gaspillées et gaspillées. Les ouvriers ont créé la technologie moderne, les usines, le confort et la richesse des propriétaires d’usines, tandis qu’eux-mêmes souffraient de la faim et de la misère.

    Mais ils ne sont pas restés silencieux ; ils prirent conscience de leur situation, s’organisèrent, luttèrent pour une vie meilleure et commencèrent finalement à prendre possession de leur ville.

    Chemnitz était déjà l’une des villes industrielles les plus importantes d’Allemagne dans la première moitié du XIXe siècle, à l’époque où le capitalisme et la libre concurrence se développaient.

    C’était une ville textile typique, la « Manchester saxonne ».

    Déjà au milieu du siècle, on passe de la fabrication au tissage mécanique, du travail à domicile au travail en usine. Leur système de guildes s’est effondré et de plus en plus de maîtres et d’ouvriers sont devenus des ouvriers d’usine.

    La machine avançait toujours plus victorieusement. Les premières grandes usines apparaissent et avec elles le prolétariat.

    Les ateliers de filature ont donné naissance aux premières entreprises indépendantes de construction mécanique, racines de l’industrie métallurgique très développée qui domine aujourd’hui la ville.

    Le tissage et l’impression sur calicot étaient réalisés avec des matières premières d’outre-mer pour les marchés étrangers et sous une concurrence féroce de l’étranger, le capital industriel et commercial s’est étendu ici.

    Sous la pression de l’exploitation illimitée des propriétaires d’usines, les ouvriers, les tisserands, les imprimeurs, les métallurgistes et les travailleurs à domicile furent contraints de vendre leur travail à des prix toujours plus bas, et leurs femmes et leurs enfants tombèrent dans une pauvreté abjecte.

    Les guerres, les crises économiques, la fermeture des frontières douanières et la division de la patrie allemande ont fait le reste et ont accéléré le processus d’appauvrissement des travailleurs.

    La majorité des travailleurs gagnaient systématiquement moins que le salaire minimum. Il n’y avait aucune norme de travail. La journée de travail était illimitée. Le règlement de l’usine imposait également le travail de nuit et le travail du dimanche.

    Le spectre du chômage s’abattait sans cesse sur les ouvriers de Chemnitz, qui vivaient depuis des décennies dans des conditions de vie extrêmement difficiles. Pénurie de logements, loyers élevés, logements insalubres, épidémies et maladies professionnelles, tuberculose et mortalité élevée étaient les conséquences d’une exploitation effrénée.

    La classe nouvellement émergente, qui ne prit conscience que progressivement de sa tâche et de sa position, était encore divisée en coopératives, groupes et cliques.

    Les prolétaires, économiquement impuissants et soumis au système d’exploitation capitaliste, étaient également politiquement impuissants et le restèrent même lorsque la bourgeoisie, avec l’aide des ouvriers, avait depuis longtemps obtenu une constitution et un ordre municipal et était entrée au parlement de l’État et au conseil municipal par le biais d’élections.

    Chemnitz est ainsi née de la misère, du besoin, de la sueur, des larmes et du sang de ses meilleurs fils, les travailleurs. C’est devenue l’une des principales villes industrielles du pays.

    Mais en même temps, le prolétariat grandissait et, avec lui, sa conscience, son organisation et sa volonté de lutter. Les brillants enseignements de Marx ont commencé leur marche triomphale imparable à travers le monde.

    Ils répondaient aux questions posées par le prolétariat : l’humanité est-elle condamnée à vivre et à souffrir éternellement sous le joug d’une petite classe d’exploiteurs ?

    La misère, la faim, les crises et les guerres sont-elles des phénomènes « éternels » et « inévitables » auxquels les hommes doivent faire face ? La réponse de Karl Marx était sans équivoque. Renversons la société capitaliste exploiteuse ! Il a appelé les masses travailleuses du monde entier.

    « Les prolétaires n’ont rien à perdre, si ce n’est leurs chaînes. Ils ont un monde à gagner. »

    Marx, avec son ami Friedrich Engels, fut le premier à reconnaître les véritables forces motrices du développement de la société humaine.

    Il a conduit la connaissance sociale des êtres humains de l’utopie à la science.

    Karl Marx a démontré la division de la société d’exploitation en classes et a créé sa théorie de la lutte des classes et du socialisme. Karl Marx a forgé les armes qui ont permis au prolétariat de renverser le pouvoir des exploiteurs.

    Mais la lutte des classes, comme nous l’enseigne Marx, si elle est menée correctement, conduit inévitablement au renversement de l’ordre social capitaliste et à l’instauration du pouvoir de la classe ouvrière.

    Ce n’est qu’à ce moment-là que la classe ouvrière pourra arracher les instruments de production et le capital des mains de la classe exploiteuse et ouvrir la voie à une augmentation rapide de toutes les forces productives dans l’intérêt de tous les travailleurs.

    Ce n’est qu’à cette condition qu’elle pourra construire un nouvel ordre social de producteurs librement unis et conduire toute la société vers une vie de prospérité et de bonheur.

    Lorsque la révolution bourgeoise mûrit en Allemagne en 1847, lorsque le centre de gravité du mouvement révolutionnaire se déplaça vers l’Allemagne, Marx et Engels proclamèrent la mission historique de la classe ouvrière.

    Sous le slogan « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » ils se sont donné pour tâche, dans le « Manifeste communiste » publié en 1848, de renverser l’ancien ordre fondé sur l’exploitation de l’homme par l’homme et de construire un nouvel ordre social, l’ordre social socialiste.

    Cet appel a également trouvé un écho auprès des travailleurs de Chemnitz.

    Lorsque Karl Marx formula les revendications nationales de la jeune classe ouvrière allemande dans le « Manifeste communiste » en février 1848, en tête se trouvait le slogan :

    « Toute l’Allemagne est déclarée république unie et indivisible »

    Et lorsque l’organe de la révolution, la « Neue Rheinische Zeitung », appela toutes les forces démocratiques révolutionnaires à lutter contre la réaction féodale, les ouvriers de Chemnitz ne restèrent pas non plus inactifs.

    En avril 1848, 4 000 ouvriers de Chemnitz se rassemblent dans la Lindensaal [= une grande salle de la mairie] et réclament, au nom de leur comité principal, la suppression des barrières douanières, l’égalité des droits civiques et la réduction du temps de travail de 12 à 10 heures.

    Ils ont répondu au déploiement des gardes communaux et de l’armée royale contre le mouvement révolutionnaire par des combats de barricades. Armes à la main, les ouvriers de Chemnitz se sont battus pour leurs droits.

    Lorsque la réaction féodale, alliée à la bourgeoisie, tenta de contrer la puissance croissante de la classe ouvrière par la terreur et l’organisation d’associations éducatives ouvrières bourgeoises, les ouvriers de Chemnitz poursuivirent sans relâche la voie de la lutte des classes.

    Dès 1869, la majorité des ouvriers de Chemnitz rejoignirent le premier parti marxiste d’Allemagne, le Parti ouvrier social-démocrate de Bebel et Liebknecht.

    En 1871, dans une résolution adoptée par les délégués syndicaux représentant 50 000 ouvriers de Saxe, ils appelèrent à la solidarité fraternelle avec l’héroïque prolétariat parisien et son premier gouvernement ouvrier, la Commune de Paris.

    Cette attitude véritablement nationale montre leur ouverture aux enseignements de Marx et d’Engels et leur volonté de suivre les mots d’ordre marxistes et d’agir en conséquence.

    Parmi les moments forts de l’histoire du mouvement ouvrier de Chemnitz figurent la fondation de la première organisation féminine sociale-démocrate allemande et les succès de la circonscription de Chemnitz aux élections au Reichstag [avec des candidats officiellement « indépendants », en fait social-démocrates] sous la loi de répression des socialistes [interdisant toutes les organisations social-démocrates de 1878 à 1890].

    Wilhelm Liebknecht et August Bebel étaient les candidats des ouvriers de Chemnitz au Reichstag. Souvent, ils étaient à Chemnitz et indiquaient depuis ici la direction du combat.

    Le succès fut au rendez-vous. Entre 1890 et 1912, le nombre de voix du Parti social-démocrate à Chemnitz dépassait largement celui des voix bourgeoises. Ni la loi socialiste de Bismarck ni la terreur policière ne purent empêcher Chemnitz de devenir un bastion du mouvement ouvrier allemand.

    Malgré l’influence des sociaux-démocrates de droite de Chemnitz, qui, comme le rédacteur en chef [Emil] Rosenow du journal d’alors « Chemnitzer Volksstimme » [La voix du peuple de Chemnitz], parlaient de la socialisation progressive de la société par le suffrage universel, égal et direct, et qui voulaient ainsi faire triompher le mouvement ouvrier par les bulletins de vote plutôt que par la lutte de classe, par des attaques parlementaires plutôt que par des actions de masse prolétariennes organisées, de nombreuses actions militantes montrent que les ouvriers de Chemnitz savaient aussi mener leur lutte en dehors du parlement.

    En témoignent les grandes grèves des ouvriers de la filature industrielle de Chemnitz en 1883, des ouvriers du textile de Crimmitschau en 1903 [grève ayant un impact national d’août 1903 à janvier 1904, qui fut un échec malgré le soutiengénéral] et des ouvriers des fonderies et mouleurs en 1911 contre l’exploitation brutale et inhumaine, les salaires de misère et l’esclavage pratiqués par les employeurs.

    En 1919, les ouvriers de Chemnitz étaient également en première ligne. Ils combattirent résolument contre les bataillons de la Reichswehr [= l’armée allemande] et les troupes de la Garde Blanche, commandées par un social-démocrate allemand, l’ancien rédacteur en chef du journal social-démocrate « Chemnitzer Volksstimme », le traître aux ouvriers [Gustav] Noske.

    C’est le soi-disant leader ouvrier Noske qui a tout fait pour étouffer la révolution. Il a déployé les officiers de la Garde Blanche, qui servirent plus tard dans la SA et furent à la tête du parti hitlérien, contre la classe ouvrière, se révélant ainsi comme un agent complaisant de la bourgeoisie.

    Lorsqu’en 1920 les généraux impériaux Kapp et Lüttwitz tentèrent de détruire les maigres acquis démocratiques de la révolution par leur putsch, de rétablir la monarchie et d’instaurer une dictature militaire, ce furent à nouveau les ouvriers de Chemnitz qui se soulevèrent et appelèrent les ouvriers à la grève générale lors d’une puissante manifestation sur la Königsplatz [= une grande place au centre-ville].

    Un comité d’action fut créé, au-delà de toutes les barrières politiques et idéologiques, les ouvriers des usines furent armés, la milice des habitants existante fut transformée en milice ouvrière, les volontaires temporaires réactionnaires furent désarmés et des conseils ouvriers furent élus dans les usines, de sorte que les ouvriers de Chemnitz eurent un pouvoir illimité entre leurs mains.

    Dans leurs résolutions, ils ont exprimé leur engagement unanime à lutter contre la dictature militaire de Kapp et Lüttwitz jusqu’à la victoire du prolétariat, jusqu’à la dictature du prolétariat.

    Durant les trois jours décisifs, jusqu’à l’écrasement définitif du putsch de Kapp, les ouvriers de Chemnitz ont suivi le mot d’ordre de la grève générale.

    C’est un exemple héroïque de la puissance de combat de la classe ouvrière unie. Dans la nuit noire du fascisme, ce sont les fils et les filles les plus courageux et les plus déterminés des ouvriers de Chemnitz qui se sont opposés au fascisme et ont combattu en véritables patriotes pour la liberté de leur peuple.

    Ils furent jetés en prison, torturés et assassinés, mais les idées et les enseignements de Marx et d’Engels, de Lénine et de Staline, la conscience de classe et la loyauté envers le parti de la classe ouvrière ne purent être anéantis par les fascistes.

    Notre inoubliable Ernst Thälmann a dit aux combattants ouvriers de Chemnitz :

    « Malgré le développement réformiste de la social-démocratie, c’est précisément ici à Chemnitz qu’il est évident que la classe ouvrière a mené à plusieurs reprises des luttes héroïques et s’est imposée dans les différents combats. » (Der Kämpfer [Le Combattant] (de Saxe) du 4 avril 1919)

    Ces mots de Thälmann nous rappellent ce qu’un mouvement ouvrier uni et cohésif peut accomplir.

    Mais ils montrent aussi que les ouvriers de Chemnitz ont éliminé les traîtres, les falsificateurs du marxisme et les meurtriers d’ouvriers et, par-dessus eux, ont continué leurs affaires comme d’habitude dans l’esprit du marxisme-léninisme non falsifié.

    La classe ouvrière a repris cette tradition révolutionnaire du mouvement ouvrier de Chemnitz, la tradition de Bebel, Liebknecht et Thälmann, lorsque le Parti communiste et le Parti social-démocrate d’Allemagne ont fusionné pour former le Parti socialiste unifié d’Allemagne en avril 1946.

    Ces jours-là, le mouvement ouvrier allemand a mis fin à sa division désastreuse qui durait depuis des décennies. Il a accompli sa tâche la plus importante en restaurant sa cohésion et son unité sur la base du marxisme.

    Sous la direction du Parti socialiste unifié d’Allemagne, il s’engage résolument dans une nouvelle voie, celle de la lutte consciente et unifiée de tous les travailleurs pour le bonheur et l’avenir de la nation.

    Sept années de luttes acharnées, mais aussi de grands succès et de victoires, ont confirmé la justesse de la décision des meilleurs représentants du mouvement ouvrier allemand.

    Le Parti socialiste unifié d’Allemagne est aujourd’hui le parti de la classe ouvrière qui, en alliance avec les paysans travailleurs et l’intelligentsia créatrice, représente l’avant-garde du peuple allemand.

    Sa politique, guidée par la science marxiste-léniniste, est complètement identique aux intérêts de la nation tout entière.

    Il se tient à la tête du peuple dans la lutte contre les ennemis impérialistes et les corrupteurs de la nation, dans la lutte pour l’unité nationale de l’Allemagne, pour la paix, la démocratie et le socialisme.

    Sous sa direction, la classe ouvrière de la République démocratique allemande, en alliance avec toutes les classes ouvrières et en coopération avec les forces progressistes de la bourgeoisie, a pu accomplir sa tâche historique de détruire le pouvoir de l’impérialisme allemand dans une partie de l’Allemagne.

    Sous sa direction, des changements sociaux, économiques et politiques profonds et révolutionnaires ont eu lieu dans notre vie sociale au cours des sept années qui ont suivi l’unification.

    Avec le changement des conditions sociales, mais surtout avec la création du secteur socialiste de notre économie, dans lequel l’exploitation de l’homme par l’homme a été abolie, un changement dans la conscience des travailleurs a commencé, qui s’exprime dans un nouveau rapport au travail.

    Aujourd’hui, tous les travailleurs de notre industrie socialiste savent qu’ils sont maîtres de leurs entreprises et sont eux-mêmes responsables de l’augmentation constante de la prospérité de notre peuple.

    Aucun capitaliste ne peut en abuser, comme c’est la pratique courante en Allemagne de l’Ouest, et convertir la valeur créée par les travailleurs en profits.

    Aujourd’hui, les agriculteurs travailleurs savent qu’en se regroupant volontairement dans des coopératives de production, ils posent les bases de la construction du socialisme dans les campagnes, afin d’atteindre la prospérité et une vie heureuse.

    Nous n’aurons donc plus jamais de Junkers ni de seigneurs monopolistes qui pourraient utiliser leur pouvoir économique et politique, comme en Allemagne de l’Ouest, pour supprimer les droits et les libertés démocratiques des travailleurs.

    Aujourd’hui, les travailleurs de la République démocratique allemande savent qu’ils doivent être prêts à se défendre pour protéger la paix et préserver leurs acquis sociaux et en tant que société.

    Par conséquent, nous n’aurons plus jamais de militaristes et de fascistes qui peuvent utiliser et détourner les valeurs développées par les travailleurs pour organiser un nouveau génocide.

    Nous devons tout cela à la force combinée d’un mouvement ouvrier unifié.

    Mais ce développement n’aurait jamais été possible si les armées victorieuses de l’Union socialiste soviétique n’avaient pas libéré le peuple allemand et tous les autres peuples européens de l’emprise mortelle du fascisme hitlérien et ne leur avaient pas ouvert la possibilité d’une nouvelle construction, d’une nouvelle vie démocratique dans un travail pacifique et créatif.

    Je voudrais donc saisir cette occasion pour exprimer la profonde gratitude que le peuple allemand éprouve envers les peuples de la grande Union soviétique socialiste.

    Nous nous inclinons avec admiration devant les héros intrépides de l’armée soviétique qui, il y a huit ans, lorsque la capitulation inconditionnelle de l’Allemagne d’Hitler a été signée, ont livré une bataille difficile et amère.

    La guerre d’Hitler a apporté des souffrances sans fin aux peuples soviétiques. Le peuple soviétique a dû supporter la perte d’une grande partie de sa richesse sociale et, dans une large mesure, de ses biens personnels.

    L’Union soviétique, traîtreusement envahie par l’impérialisme allemand, a subi de nombreuses pertes sur les fronts et à l’intérieur du pays avant de pouvoir expulser les occupants allemands de son territoire et de couronner ses efforts par une victoire écrasante.

    C’est avec une profonde gratitude que nous nous souvenons du grand Staline, l’homme à qui notre peuple doit tant et avec la disparition duquel le peuple allemand a perdu son meilleur ami. Le génie de Staline a mené les armées de l’Union soviétique à la victoire et a détruit le fascisme, qui avait apporté la mort et la destruction à l’Union soviétique.

    Mais les armées victorieuses de l’Union soviétique ne sont pas venues à nous en tant que vengeurs et ennemis, mais en tant qu’aides et amis, elles sont venues à nous conformément aux paroles de Staline du 9 mai 1945 :

    « L’Union soviétique célèbre la victoire, même si elle n’a pas pour objectif de démembrer ou de détruire l’Allemagne. » (J. Staline, « Sur la Grande Guerre patriotique de l’Union soviétique »)

    Ce mot détermine toute la politique allemande de l’État soviétique.

    Avec l’aide des amis soviétiques, les forces progressistes allemandes ont pu désentraver les forces de la démocratie et du patriotisme qui avaient été brutalement réprimées par l’impérialisme allemand et commencer le travail difficile de reconstruction de l’économie de paix allemande et de démocratisation de la vie sociale.

    Au cours de toutes les années qui ont suivi la défaite du fascisme hitlérien, l’Union soviétique a fourni au peuple allemand une aide politique, matérielle et morale considérable et inestimable.

    Je voudrais vous rappeler que c’est grâce aux efforts et à l’engagement personnel inlassable de Staline que les accords de Potsdam ont garanti au peuple allemand le droit à une Allemagne unie, démocratique et éprise de paix.

    Grâce à la politique soviétique, les forces patriotiques progressistes sous la direction du Parti socialiste unifié d’Allemagne ont pu, pour la première fois dans l’histoire de l’Allemagne, rompre avec leur passé impérialiste et créer un État véritablement démocratique sur un tiers du territoire allemand.

    Selon Staline, la fondation de la République démocratique allemande a marqué un tournant dans l’histoire de l’Europe. De nombreuses machines et équipements industriels et agricoles soviétiques, des denrées alimentaires de valeur et des matières premières vitales ont trouvé leur chemin vers la République démocratique allemande.

    Le transfert de la riche expérience de production des innovateurs soviétiques en matière de production a donné à nos travailleurs la possibilité de faire progresser à un rythme rapide le développement planifié de notre économie de paix socialiste.

    Par décision du gouvernement soviétique, les obligations de réparation imposées au peuple allemand ont été considérablement réduites à plusieurs reprises. La politique de paix cohérente de Staline a montré au peuple allemand la voie à suivre pour résoudre toutes ses questions nationales vitales.

    Ainsi, l’Union soviétique socialiste nous enseigne comment la classe ouvrière allemande mène sa cause à la victoire.

    Grâce à l’aide précieuse de l’Union soviétique, la République démocratique allemande a pu devenir un centre de tous les Allemands conscients de leur nationalité ; elle est devenue la pierre angulaire d’une Allemagne nouvelle, unifiée et éprise de paix, qui mène la lutte de tous les patriotes allemands et vers laquelle toutes les forces nationales conscientes de notre peuple se tournent avec espoir et confiance.

    La responsabilité qui incombe aux travailleurs allemands face à l’histoire est grande. Nous observons donc avec inquiétude l’évolution de la situation dans l’ouest de notre pays.

    La ratification des traités de guerre, imposée par le gouvernement [du démocrate-chrétien Konrad] Adenauer par tous les moyens du coup d’État et de la violation de la constitution, a confirmé l’avertissement lancé à plusieurs reprises par le gouvernement de la République démocratique allemande.

    En Allemagne de l’Ouest, d’anciens généraux hitlériens organisent aujourd’hui l’instrument militaire d’une politique aventureuse de vengeance. Les capitalistes de l’armement avides de profits, les anciens chefs militaires d’Hitler, produisent désormais à nouveau pour l’effort de guerre.

    Les monopolistes, les magnats de la finance et les Junkers expulsés de la République démocratique allemande jettent à nouveau leurs regards avides sur les pays étrangers et se préparent à une nouvelle chevauchée vers l’Est.

    Une fois de plus, la haine et l’hostilité nationales sont attisées contre d’autres peuples, contre la France, contre l’Union soviétique éprise de paix, contre les démocraties populaires et aussi contre la République démocratique allemande.

    Tandis qu’en République démocratique allemande, les travailleurs ont commencé à poser les bases du socialisme et que des millions et des millions de personnes donnent avec enthousiasme toutes leurs forces pour réaliser les plans de production pour une vie nouvelle et meilleure, tandis que les paysans-travailleurs dans les coopératives de production agricole, dans les villages et les communes de notre pays travaillent et luttent pour de hautes récoltes en temps de paix, pour de meilleurs rendements de leur bétail, pour un meilleur approvisionnement de la population, en Allemagne de l’Ouest, les bases de l’économie de paix sont freinées en faveur du réarmement, les salaires sont réduits et les prix sont augmentés.

    Les terres agricoles allemandes sont piétinées par les bottes des intervenants étrangers et écrasées par les chars à des fins militaires.

    L’ensemble de l’Allemagne de l’Ouest est couvert par un réseau dense d’installations militaires, et les associations de soldats fascistes poussent comme des champignons. Mais la guerre froide, inventée par les rois des armes allemands et américains en prévision de la guerre chaude, perd de plus en plus de son efficacité.

    La vigilance et le désir de paix des peuples se sont multipliés. L’appel à la paix est plus fort que jamais dans tous les pays. Alors que tous les peuples épris de paix accueillent avec espoir l’apaisement actuel de la situation internationale, le gouvernement Adenauer fait des efforts désespérés pour empêcher une solution pacifique aux problèmes internationaux, en particulier à la question allemande.

    En cela, elle est soutenue avec frénésie par les impérialistes américains, dont elle met en œuvre les politiques.

    Le président des États-Unis a prononcé le 16 avril un discours dans lequel il a abordé des questions de politique internationale actuelle.

    Eisenhower a déclaré : « Nous recherchons une paix véritable et inconditionnelle pour toute l’Asie et pour le monde entier », et a demandé : « Qu’est-ce que l’Union soviétique est prête à faire ? » et a ajouté : « On ne peut convaincre que par des actes. » Nous croyons également que les actes valent plus que les paroles.

    Le peuple allemand est mécontent, il y a de l’agitation et de la nervosité au sein du peuple allemand, il ne veut pas être entraîné dans une nouvelle guerre, il veut son unité et la conclusion d’un traité de paix. Le peuple allemand souhaite voir des actions qui le rapprochent de son objectif et de ses désirs. L’Union soviétique a jusqu’à présent accompli de telles actions.

    L’Union soviétique a répondu de manière absolument favorable à la demande du gouvernement de la République démocratique allemande du 13 février 1952 d’accélérer la conclusion d’un traité de paix, demande qui était adressée aux quatre grandes puissances. Elle a également fait des propositions très concrètes pour résoudre le problème de l’Allemagne.

    Dans ses notes du 10 mars et du 23 août 1952 adressées aux trois puissances occidentales, le gouvernement soviétique a indiqué une voie réaliste, acceptable par toutes les puissances, vers la conclusion d’un traité de paix avec l’Allemagne.

    Il proposait qu’une conférence des quatre grandes puissances négocie la préparation d’un traité de paix avec l’Allemagne, la création d’un gouvernement de l’ensemble de l’Allemagne et la tenue d’élections libres dans toute l’Allemagne, ainsi que la création d’une commission allemande chargée d’examiner les conditions de tenue de telles élections.

    Il a appelé à une discussion sur la date du retrait de toutes les troupes d’occupation d’Allemagne et a en outre proposé d’inviter des représentants de la République démocratique allemande et de la République fédérale d’Allemagne de l’Ouest à la Conférence des quatre puissances.

    Il s’agit de propositions qui sont clairement dans l’intérêt du peuple allemand. Il n’est donc pas surprenant que cette politique soit accueillie avec la plus grande chaleur par tous les patriotes de l’Est et de l’Ouest, car elle met concrètement sous leurs yeux l’objectif des souhaits du peuple allemand.

    Nous manquons de telles propositions concrètes dans le discours d’Eisenhower, tout comme nous manquons encore de la réponse du gouvernement américain à notre demande d’une conclusion accélérée d’un traité de paix.

    L’Union soviétique a également répondu à la lettre de la Commission du Congrès des peuples pour la paix, signée par le Dr Josef Wirth [un politicien centriste partisan de l’unification qui fut rejeté pour cette raison par l’Allemagne de l’Ouest], [le principal dirigeant socialiste italien] Pietro Nenni et Frédéric Joliot-Curie [physicien et chimiste, gendre de Pierre et Marie Curie, prix Nobel de chimie en 1935 son épouse Irène Joliot-Curie], en demandant d’entamer des négociations sur la conclusion d’un pacte de paix entre les cinq grandes puissances.

    Par la bouche de son ministre des Affaires étrangères [Viatcheslav] Molotov, elle a déclaré :

    « Conformément à sa politique de renforcement de la paix et de la coopération entre les peuples, le Gouvernement de l’URSS déclare sa solidarité avec l’appel du Congrès des peuples pour la paix et la proposition qu’il contient.

    Le gouvernement soviétique est convaincu qu’il n’existe aucune question controversée ou non résolue qui ne puisse être réglée pacifiquement par des accords entre les pays concernés.

    Conformément à cela, le Gouvernement soviétique exprime sa volonté constante de coopérer avec les gouvernements des autres États pour atteindre les objectifs élevés de renforcement de la paix générale et de la sécurité internationale. » ([l’organe central du Parti socialiste unifié d’Allemagne] Neues Deutschland [= Nouvelle Allemagne] du 29 avril 1953)

    Nous n’avons pas entendu Eisenhower répondre dans son discours à cette demande de la Commission du Congrès des peuples, qui était également adressée au gouvernement américain.

    Nous avons cependant constaté que le président Eisenhower n’a fait aucune mention de l’accord de Potsdam, cet accord qui garantit au peuple allemand le droit à un traité de paix dont l’application éliminerait toutes les tensions internationales, et que le gouvernement des États-Unis a signé.

    Le peuple allemand, privé de son unité nationale, qui attend depuis près de huit ans son traité de paix et consacre toutes ses énergies à la solution de son problème national, est, jusqu’au dernier homme, intéressé à la solution pacifique des questions actuelles de politique internationale.

    Il est devenu très alerte et sensible car il se tient au centre de la politique internationale. Il sent plus clairement que tout autre peuple quelles propositions et quelles actions des grandes puissances sont honnêtes et sincères.

    Si les puissances impérialistes occidentales sont réellement soucieuses de maintenir la paix, elles doivent alors accepter les propositions de l’Union soviétique et s’asseoir à la table des négociations dans l’intérêt de la paix en Europe et dans le monde.

    Bien sûr, on ne peut pas nier que le gouvernement américain a également réalisé des actes, mais ce sont des actes qui ne sont pas dans l’intérêt de la paix, dans l’intérêt du peuple allemand et des peuples européens.

    Ou bien voulons-nous décrire la violation des accords de Potsdam comme un acte dans l’intérêt de la paix et du peuple allemand, ou peut-être comme le maintien de la division de l’Allemagne, ou comme la suppression forcée du commerce intra-allemand ?

    Est-ce dans l’intérêt de la paix et du peuple allemand que l’Allemagne de l’Ouest, comme le stipulent les traités de guerre conclus par Adenauer avec les États-Unis, soit transformée en un camp de guerre débordant d’armes et soumise aux impérialistes américains pendant 50 ans ?

    Est-il dans l’intérêt de la paix et du peuple allemand que la jeunesse allemande soit à nouveau contrainte de revêtir l’uniforme et de partir en guerre comme légionnaires étrangers pour les intérêts américains ?

    Non, on ne peut pas dire ça. Au contraire, cette politique sous-tend le grand danger d’une guerre fratricide entre Allemands.

    Cette politique fait peser le danger d’une guerre contre l’Union soviétique et contre les États démocratiques populaires, le danger d’une troisième guerre mondiale.

    Du début à la fin, elle est dirigée contre les intérêts nationaux du peuple allemand et de tous les peuples épris de paix en Europe. Les traités de guerre de Bonn et de Paris, signés par Adenauer, constituent les fondements juridiques de cette politique qui vise à diviser l’Allemagne à jamais et à éteindre l’existence de la nation allemande.

    Le peuple allemand n’acceptera jamais ces traités. Ils sont donc nuls et non avenus pour nous ! Les récents événements de Bonn et la politique de coup d’État de plus en plus aventureuse d’Adenauer montrent que la lutte contre les traités s’est intensifiée.

    Le fait que le Bundesrat ouest-allemand ait éludé la décision sur les traités montre que derrière les escarmouches parlementaires dans lesquelles la coalition Adenauer et la direction de droite du SPD, déguisée en « opposition », se renvoient la balle, la résistance de masse prend des formes toujours plus fortes.

    Les cerveaux de Bonn doivent respecter cette résistance de masse, qu’ils le veuillent ou non. On ne peut plus nier que la population ouest-allemande est confrontée quotidiennement aux conséquences de la politique de guerre.

    Le régime d’Adenauer tente de transférer tous les fardeaux sur la population travailleuse. La pression et l’exploitation dans les usines s’intensifient sans égard pour la santé et la vie des travailleurs.

    Le régime terroriste fasciste se propage de jour en jour. Les membres de la jeunesse pacifique, les combattants de la paix et les patriotes allemands sont persécutés et emprisonnés.

    Les communistes sont déclarés hors-la-loi et tous les moyens de pression, de chantage et de diffamation sont utilisés pour faire taire les forces progressistes et pro-paix de l’Allemagne de l’Ouest.

    Nous savons également pourquoi tout cela se produit.

    C’est qu’une Allemagne unie, forte, indépendante, pacifique et démocratique au cœur de l’Europe briserait les plans des bellicistes, rendrait impossible le déclenchement de la guerre, mais maintiendrait et préserverait la paix. C’est ce que veut l’Union soviétique, ce que nous voulons, ce que veulent tous les gens aimant la paix.

    C’est notre cause, c’est une bonne cause et notre victoire finale est assurée. Le peuple allemand reconnaît de plus en plus ce fait.

    Dans des milliers de lettres de protestation, de déclarations de bonne volonté, de grèves et de manifestations, la population ouest-allemande exprime déjà son rejet des traités de guerre et son désir de paix, de liberté et d’indépendance nationale. La classe ouvrière ouest-allemande lutte avec une détermination croissante contre l’appauvrissement, pour des salaires plus élevés et des prix plus bas.

    Les patriotes ouest-allemands luttent avec une détermination croissante contre la politique de « réorganisation en Europe de l’Est » d’Adenauer, contre la politique de remilitarisation et de fascisme, et pour la conclusion d’un traité de paix juste.

    Le gouvernement de la République démocratique allemande s’est toujours fait le porte-parole de la volonté nationale de notre peuple ; il ne cessera d’interpeller et de mobiliser la nation pour ses justes objectifs avec tous les moyens à sa disposition.

    Il ne cessera de lutter pour l’entente entre les Allemands, pour la conclusion d’un traité de paix juste, pour le retrait des puissances occupantes et pour l’établissement de l’unité allemande.

    Il est clair que la solution de la question allemande doit être réalisée conformément aux propositions de l’Union soviétique, dans l’intérêt de tous les pays voisins de l’Allemagne et dans l’intérêt du renforcement de la paix en Europe.

    L’appel aux gouvernements des cinq grandes puissances, adopté par le Congrès des peuples pour la paix le 19 décembre 1952, pour conclure un pacte de paix conformément à la volonté de l’humanité, est chaleureusement accueilli par le gouvernement de la République démocratique allemande et — il en est pleinement certain — par le peuple de toute l’Allemagne.

    Un pacte de paix entre les cinq grandes puissances est d’une importance extraordinaire, en particulier pour le peuple allemand, car même une réduction des tensions internationales par le biais de négociations faciliterait une solution pacifique à la question allemande.

    Cela accélérerait sans aucun doute la réalisation de la demande passionnée du peuple allemand pour la création d’une Allemagne unifiée, indépendante, pacifique et démocratique, ainsi que pour la conclusion d’un traité de paix avec l’Allemagne et le retrait ultérieur des troupes d’occupation.

    Nous savons également que le peuple allemand n’est pas seul, mais qu’il a de grands et puissants alliés : la grande Union soviétique socialiste, la puissante Chine populaire et démocratique, tous les pays populaires et démocratiques d’Europe et d’Asie, et toute l’humanité éprise de paix.

    Derrière nous se trouve la puissance concentrée du grand camp de la paix mondiale. Cela nous remplit d’optimisme et de confiance en la victoire. Nous serons plus vigilants que jamais pour surveiller les machinations des bellicistes allemands et américains.

    Nous organiserons la défense armée de notre patrie, car les travailleurs de la République démocratique allemande ne veulent plus jamais renoncer et ne renonceront plus jamais aux progrès politiques, économiques et culturels réalisés ces dernières années.

    Nos travailleurs, nos travailleuses et nos jeunes ne devraient pas être victimes d’une nouvelle guerre. Notre industrie et notre agriculture socialistes, nos matières premières et nos machines doivent servir à une vie heureuse dans l’indépendance et la liberté nationale.

    Nos réalisations, nos villes socialistes et nos routes qui sont en cours de construction, nos stades de sport, nos théâtres, nos bibliothèques, nos cliniques, nos centres de jeunesse et de pionniers ne devraient plus jamais être exposés aux forces destructrices de la guerre.

    Les travailleurs de la République démocratique allemande ont obtenu de grands succès ces dernières années. Ils se reflètent également dans votre ville. Dans la seule période de 1947 à 1953, la production de l’industrie socialiste de Chemnitz est passée de 40 à 82,1 %, soit une hausse de 42,1 %.

    Conscients de leur grande force, les ouvriers de Chemnitz ont accompli de grandes actions patriotiques dans la construction pacifique d’une vie nouvelle et plus belle.

    Les usines socialistes qui ont émergé des décombres et des cendres, comme l’usine de fraiseuses Fritz Heckert et l’usine de roues dentées Modul, l’opéra reconstruit, la gare nouvellement construite, les cinq nouveaux hôpitaux et les nombreux immeubles d’habitation pour les ouvriers de la ville, sont des témoins de l’initiative populaire.

    Sur les 47 300 maisons totalement détruites et 30 000 maisons partiellement détruites, 32 000 ont été reconstruites. 3,2 millions de mètres cubes de décombres ont été déblayés jusqu’à présent et de nombreuses heures de bénévolat ont été consacrées à la reconstruction.

    L’ancienne Chemnitz est un produit typique du développement capitaliste, avec un mélange malsain de bâtiments industriels et résidentiels, un réseau routier étroit et peu clair, des liaisons de transport inadéquates et sans installations culturelles et récréatives adéquates.

    Mais la future « Karl-Marx-Stadt » sera différente. Il a une perspective large et ambitieuse pour jeter les bases du socialisme.

    La ville, comme Dresde, Leipzig, Magdebourg et Rostock, est en cours de reconstruction selon les principes socialistes et sur décision du gouvernement de la République démocratique allemande.

    Le développement et l’avenir de « Karl-Marx-Stadt » ne seront plus déterminés par les maîtres d’entreprises capitalistes telles que Hartmann, Schönherr, Reinicker et Haubold, mais par des ouvriers, des militants méritants, des inventeurs et des lauréats du prix national, tels que le serrurier Willi Ranft de l’usine Niles, l’inventeur méritant Otto Fenzer de « Fritz-Heckert » Modul, par le lauréat du prix national Kurt Eidam de Modul.

    Il sera déterminé par des ouvriers exceptionnels du district de Chemnitz, tels qu’Adolf Hennecke, Alfred Baumann, Hans Bleisch, Franz Franik, par les nombreuses brigades des entreprises socialistes, qui ont accompli et accomplissent leurs grandes actions patriotiques avec la conscience suivante : toute la force pour la paix, pour la construction du socialisme, pour l’unité de notre patrie.

    Comme si souvent auparavant, les travailleurs du district de Chemnitz sont une fois de plus à l’avant-garde de la lutte de la classe ouvrière allemande pour jeter les bases du socialisme.

    15 000 travailleurs ont participé à la grande compétition socialiste des cinq groupes (construction de machines lourdes, génie mécanique général, génie électrique et mécanique, machines textiles, Fonderies).

    Les ouvriers de l’usine Fritz Hecken sont à l’avant-garde du mouvement visant à introduire et à améliorer les normes de travail techniques et progressistes.

    Dans la lutte contre tous les mensonges et les distorsions de l’ennemi de classe, les travailleurs les meilleurs et les plus conscients effectuent un travail éducatif inlassable, tenace et patient, car ils savent que l’amélioration des normes est la condition préalable à l’augmentation de la productivité du travail, à l’augmentation de la prospérité des travailleurs et à une vie meilleure.

    L’étroite alliance entre la classe ouvrière et les paysans travailleurs est devenue la base du travail des travailleurs du district de Chemnitz. Des milliers de travailleurs ont aidé nos coopératives agricoles et nos agriculteurs individuels à préparer leurs champs et à obtenir des rendements plus élevés par hectare ce printemps.

    Ainsi, les ouvriers de Chemnitz perpétuent leurs traditions révolutionnaires et, comme ils l’ont toujours fait, mettent toutes leurs compétences et toutes leurs forces au service du progrès, de la paix, de la démocratie et du socialisme, au service de notre peuple.

    Chemnitz, qui s’est relevée des décombres et des ruines après la Seconde Guerre mondiale grâce à l’initiative et à la force de ses ouvriers, est plus digne que toute autre ville de la République démocratique allemande de porter le nom du grand maître du prolétariat international, du plus grand fils de notre peuple et du fondateur du socialisme scientifique, Karl Marx.

    L’attribution du nom de « Karl-Marx-Stadt » est l’expression de la volonté des travailleurs de cette ville, c’est aussi un hommage aux sacrifices consentis par le prolétariat de Chemnitz dans la lutte de plusieurs décennies contre la réaction et le fascisme, et c’est une reconnaissance des grands succès obtenus par l’ensemble de la population sous la direction de la classe ouvrière dans la reconstruction d’une Allemagne nouvelle, pacifique et démocratique depuis 1945.

    J’accomplis l’acte solennel de renommer et de déclarer : désormais, cette ville porte le nom fier et engageant de « Karl-Marx-Stadt ». L’arrondissement de Chemnitz est appelé l’arrondissement « Karl-Marx-Stadt ». Le district de Chemnitz est appelé le district de Karl-Marx-Stadt.

    Aux idées de Marx appartiennent la victoire. Cette victoire est un avenir heureux et pacifique pour les travailleurs du monde entier, pour une Allemagne unie, forte et indépendante et pour cette grande et importante ville dans la construction du socialisme.

    Je vous félicite, habitants de cette ville, de ce district et de cet arrondissement, pour le grand et noble nom que ceux-ci porteront désormais.

    Jamais plus vos murs et vos maisons ne seront des ruines, jamais plus les habitants ne seront déchirés et tués, jamais plus les travailleurs ne seront des esclaves consentants et des objets d’exploitation par les exploiteurs capitalistes.

    Dans l’esprit de Marx et d’Engels, de Lénine et de Staline, avançons pour la paix, l’unité et la démocratie dans notre patrie. En avant pour la création des fondements du socialisme en République démocratique allemande.

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    les 16 fondements de l’urbanisme
    en République Démocratique Allemande