Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Donner sa vie pour le Parti et la Révolution!

    Réalisé sous l’égide du Comité Central du Parti Communiste du Pérou en juin 1989 à l’occasion du troisième anniversaire de la révolte dans les prisons de Callao, El Fronton, Lurigancho.

    Le sein inépuisable du peuple les a nourris d’un aliment sobre et les a mis en marche :

    la lutte des classe a modelé leur esprit

    et le Parti, en tant que première et plus haute forme sociale, a élevé leur conscience politique, tout en l’arment du Marxisme-Léninisme-Maoïsme Pensée-Guide,

    il a augmenté la puissance de leur combativité en les organisant en Armée Populaire de Guérilla,

    et en les fondant dans les masses, de la paysannerie pauvre, il a leur a donné un corps et un esprit d’acier dans la forge inextinguible de la guerre populaire.

    Devenus prisonniers de guerre, jamais ils ne se sont mis à genoux

    et en persistant à combattre, à mobiliser et à produire…

    en développant des luttes ardentes, ils ont transformé les sordides cachots de l’Etat péruvien caduc et pourri en lumineuses trancheuses de combat.

    Les coups décisifs, sûrs et implacables de la Guerre Populaire et son irrésistible avancée ont secoué les entrailles de hyène de la réaction.

    La révolte des prisonniers de guerre a démasqué et condamné publiquement et face au monde ces sinistres plans de tuerie massive, en défendant la Révolution et leurs propres vies ;

    ils ont façonné la trilogie monumentale des Lumineuses Tranchées de Combat de Fronton, de Lurigancho et de Callao, jalon historique qui proclamera de plus en plus la grandeur du Jour de l’Héroïsme.

    Le prétendu coup dévastateur et décisif s’est achevé en retombant sur la tête de ceux qui l’avaient engendré, et en plongeant le gouvernement de l’APRA, fasciste et corporatiste, et celui qui se faisait passer pour le président en violant les lois de leur Etat, dans une grave crise politique et un grand discrédit desquels ils ne peuvent pas encore sortir ;

    c’est ainsi que la révolte des prisonniers de guerre au prix de leur propre vie a conquis pour le Parti et la Révolution un grandiose triomphe moral, politique et militaire ; plus encore, ils ont remarquablement contribué au succès de couronner le Grand Bond avec Eclat, et ont posé les fondements du Nouveau Plan de Développement des Bases

    dont la première campagne a été le plus grand bouleversement de l’Etat péruvien jusqu’à ce jour, et la plus importante répercussion de la Guerre Populaire à l’intérieur et à l’extérieur du pays.

    C’est ainsi que les prisonniers de guerre, tel un personnage de l’histoire, continuent de gagner des batailles au-delà de la mort, puisqu’ils vivent et combattent en nous, conquérant de nouvelles victoires.

    Leur présence vigoureuse et ineffaçable, nous la sentons palpitante et lumineuse, nous enseignant, aujourd’hui, demain et toujours, à donner notre vie pour le Parti et la Révolution.

    Président Gonzalo

    =>Autres documents du Parti Communiste du Pérou

  • La raison de la défaite du Parti Communiste du Pérou

    Le Parti Communiste du Pérou n’a pas résisté à l’arrestation de son dirigeant en 1992 ; c’est là en contraste avec le principe voulant que le Parti dispose d’une pensée guide et que, donc, il n’avait pas besoin en tant que tel de son Dirigeant, un autre pouvant le remplacer en prolongeant la pensée guide.

    Même si on ne remplace pas un Dirigeant simplement, l’effondrement du Parti Communiste du Pérou demande une explication concrète. Voici donc la raison de la défaite du Parti Communiste du Pérou.

    La question de la vision du monde quechua

    Chaque révolution se déroule en suivant un parcours national concret ; la révolution péruvienne obéit donc aux exigences de l’histoire du Pérou. Dans ce pays, la base de la révolution fut la région d’Ayacucho, avec une population paysanne vivant dans les Andes, parlant le quechua en tant qu’héritiers des Incas.

    Si on prend les affiches du Parti Communiste du Pérou, les paysans armés protagonistes qu’on y trouve sont en habit traditionnel quechua, soufflant dans une conque conformément à la musique traditionnelle quechua, etc.

    Gonzalo lui-même a appris le quechua en s’installant à Ayacucho. Et, une chose qui n’a jamais été remarquée, le style littéraire choisi par Gonzalo se fonde sur la vision panthéiste amérindienne quechua.

    Autrement dit, on a un langage puissant, très porté sur l’énergie (de la vie, de la politique, de l’Histoire, etc.), qui se combine avec des formules très fortes telles qu’on les retrouve dans la Bible.

    Prenons ainsi ILA 80, le principal texte de Gonzalo annonçant le déclenchement de la lutte armée en 1980.

    On y lit la chose suivante :

    « Les masses sont la lumière même du monde qui surgit, avec leurs mains elles le transforment, elles créent les instruments ; elles sont la fibre même, la palpitation inépuisable de l’histoire. »

    Le début de la citation reprend le propos de Jésus raconté par Matthieu :

    « Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut être caché. »

    La seconde partie de la citation a une approche « énergétique » typique de la conception amérindienne pré-colombienne ; c’est un matérialisme dualiste sur une base primitive similaire sur tout le continent américain (que ce soit pour les « Indiens », les Aztèques et les Mayas, les Incas, etc.).

    L’univers est ici un flux ininterrompu dont on n’est soi-même qu’un aspect, qu’un passage. Il s’agit donc de valoriser ce passage en lui accordant une grande valeur, en fournissant une plénitude à ses actes. Ce sont ces actes qu’on retiendra et qu’on célébrera.

    On retrouve cette conception très précisément dans Vers la guerre de guérilla :

    « Nous les hommes, nous sommes des morceaux de temps, des battements de cœur, mais notre œuvre restera debout pour les siècles, imprimée de générations en générations. »

    C’est là la conception amérindienne : le monde est un fleuve qui ne connaît pas d’interruption, lui-seul existe vraiment et seulement sa continuité a un sens réel. En tant que morceaux du parcours de ce fleuve, ce qu’on retiendra de nous, ce sera ce qui a compté vraiment.

    Étant donné qu’on est dans le cadre de la révolution péruvienne, il est cohérent d’être en phase avec le parcours matérialiste dans ce pays. Gonzalo a choisi cette approche esthétique issue de la culture amérindienne et du catholicisme populaire (tel qu’intégré par la population post-inca, soit quechua) pour l’expression du combat révolutionnaire, afin de présenter la dimension historique, l’amplitude de la bataille pour le Communisme.

    Tout cela est très juste. On affronte cependant ici alors un paradoxe : il n’existe aucun document du Parti Communiste du Pérou quant aux quechuas. C’est là un grave manquement. Sans doute que le Parti Communiste du Pérou ne voulait pas affaiblir la révolution péruvienne en mettant l’accent sur un aspect particulier, même si principal, à savoir que la base consistait en les paysans quechuas.

    Néanmoins, on a un réel problème, car l’enthousiasme révolutionnaire perd alors en clarté. C’est d’autant plus vrai si on voit le paradoxe péruvien qu’est José Carlos Mariátegui (1984-1930).

    Mariátegui, théoricien de la révolution péruvienne par la base quechua

    C’est Mariátegui qui a fondé le Parti Communiste au Pérou ; dans son analyse de ce pays, il accorde une place centrale aux Indigènes, car le colonialisme a produit un féodalisme dont ils sont les victimes et qui est le « verrou » de tout changement révolutionnaire.

    Mariátegui rejette par contre tout « indigénisme ». Il considère que les Indigènes sont le levier pour l’affirmation nationale péruvienne. C’est de là que vient l’orientation « quechua » de Gonzalo, qui se situe dans le prolongement direct de Mariátegui.

    Si on veut, les thèses « communautaristes » où les Indigènes seraient « démocratiques » et exigeraient une « confédération » relèvent d’un « mariateguisme » tronqué, de droite.

    Le souci qu’on a toutefois, c’est que lorsqu’on lit Mariátegui, il y a un problème de forme. Au tout début des années 1920, il a visité l’Europe, passant par Paris, Munich, Berlin, Vienne, Budapest et surtout l’Italie. C’est dans ce dernier pays qu’il a été acquis au marxisme, alors que s’y fondait le Parti Communiste avec notamment Antonio Gramsci.

    Autrement dit, Mariátegui a découvert le marxisme à travers les formes intellectuelles de gauche d’Europe centrale et d’Italie, principalement d’Italie, du courant auquel appartenait Antonio Gramsci.

    On trouve pour cette raison un dialogue important avec les positions volontaristes du français Georges Sorel, théoricien d’une élite révolutionnaire guerrière portant le syndicalisme révolutionnaire. C’est également le cas chez Antonio Gramsci.

    Antonio Gramsci et Mariátegui s’éloignent et s’opposent à Georges Sorel ; pourtant, dans la forme, leurs documents où ils expriment une pensée en déploiement maintient une forme qui ne s’en coupe pas. C’est là un énorme problème.

    C’est la raison pour laquelle tout le monde a pu au Pérou, pratiquement, se revendiquer de Mariátegui, pour dire tout et son contraire, tout comme en Italie ce fut les cas pour Antonio Gramsci.

    L’aspect principal qui nous intéresse ici tient à la question de la motivation, de la détermination. Georges Sorel expliquait que pour qu’il y ait une révolution, il fallait un « mythe mobilisateur » porté par une minorité guerrière. Il est ainsi le théoricien indirect du mythe de la « grève générale » de la CGT française, mais également du « mythe » national-étatique du fascisme italien.

    Antonio Gramsci s’inspire de cette conception pour expliquer que Le prince de Machiavel est un ouvrage proposant un mythe pour porter l’unité italienne, et pour dire que le Parti Communiste doit conquérir une « hégémonie » spirituelle pour triompher.

    Mariátegui souligne dans un même sens l’importance de la vision du monde, de l’implication spirituelle dans l’activité pour être totalement engagé, impliqué.

    L’insistance des Brigades Rouges italiennes des années 1970-1980 à une « proposition stratégique » pour les masses est un écho de cette exigence programmatique – historique pour être « crédible ».

    Les deux erreurs du Parti Communiste du Pérou

    Ce faisant, on a donc deux erreurs du Parti Communiste du Pérou en 1992.

    La première erreur, c’est le style « quechua » non expliqué du Parti Communiste du Pérou.

    En 1992, le Parti Communiste du Pérou dépassait justement les zones quechuas, il allait jusqu’à la capitale Lima – une zone coupée des traditions quechuas, y compris pour les immenses bidonvilles. Il y avait un défi, tenant à la fusion de la « dynamique » quechua avec les masses péruviennes.

    Sans Gonzalo pour résoudre la question, d’ailleurs non formalisée, c’était un obstacle complet. Il est vrai toutefois que la solution proposée par le Parti Communiste du Pérou, si on regarde les documents et la stratégie, était la guerre nationale révolutionnaire.

    Il était en effet considéré qu’une avancée du Parti Communiste du Pérou sur le plan militaire se conjuguerait très rapidement avec une intervention directe de la superpuissance impérialiste américaine. Cela aurait été la solution « idéale » pour combiner la « dynamique » quechua avec les masses péruviennes dans leur ensemble pour l’émergence du « nouveau Pérou » comme « République populaire ».

    Cependant, l’arrestation de Gonzalo a été un point d’inflexion, provoquant un « détour » ruinant cette perspective de guerre nationale révolutionnaire unifiant les masses (et permettant leur unification effective).

    La seconde erreur, c’est le non-nettoyage du style en apparence intellectuel – volontariste de Mariátegui. Si on lit les positions du Parti Communiste du Pérou, on y trouve une ligne idéologique impeccable et nulle trace de toute logique intellectuelle – volontariste.

    Néanmoins, sans éclaircissement quant à Mariátegui, alors que celui-ci était étudié en tant que tel, de manière ininterrompue, il y avait une ambiguïté. On peut ainsi donner deux exemples.

    La tradition au Parti Communiste du Pérou, lors des réunions du Comité Central, était de porter un toast en introduction. Chacun devait lancer une salutation, par exemple au prolétariat international, à la révolution péruvienne, etc. Cela a tout à fait son sens pour affirmer l’optimisme, mais sans clarté idéologique il y a un risque de basculement dans le volontarisme.

    Cette tendance se lit notamment quand on sait l’intérêt porté par le Parti Communiste du Pérou à la guerre d’Algérie. Cet aspect n’a jamais été rendu public et son envergure est à étudier par les communistes du Pérou.

    Car le FLN était le prototype même du volontarisme petit-bourgeois et de la promotion d’un « mythe » révolutionnaire. L’exigence de l’indépendance algérienne masquait l’absence absolue de tout programme concret de la part d’intellectuels passés par les écoles françaises et « rêvant » une Algérie musulmane originelle « pure ». Le volontarisme était poussé au maximum, jusqu’au terrorisme le plus aveugle même systématisé.

    Ces deux erreurs ont, en tout cas, clairement précipité l’effondrement du Parti Communiste du Pérou à l’arrestation de Gonzalo en 1992, notamment avec le président péruvien Fujimori présentant à l’ONU de prétendues « lettres » de Gonzalo appelant à la cessation de la lutte armée et la réconciliation.

    La nature de la défaite du Parti Communiste du Pérou

    Lorsque Gonzalo est arrêté, et que les « lettres » sont mises en avant par le régime péruvien, le Parti Communiste du Pérou se casse littéralement en deux. Il y a d’une part ceux qui veulent maintenir la ligne rouge et de l’autre ceux qui se revendiquent des lettres. Les premiers désignent les seconds comme « Ligne Opportuniste de Droite » (LOD).

    Le souci est que ceux cherchant à maintenir la ligne initiale ont rapidement capitulé, scissionné, basculé dans un réformisme armé, dénoncé Gonzalo comme traître parfois, etc. Les partisans de la ligne rouge de moins en moins nombreux ont dû faire face à des Lignes Opportunistes de Gauche, jusqu’à eux-mêmes grosso modo disparaître contrairement à ces déviationnistes de « gauche » persistant à travers quelques structures.

    Inversement, la LOD s’est maintenue politiquement avec vigueur, jusqu’à la fondation en 2009 du Movimiento por la Amnistía y los Derechos Fundamentales (Movadef). Ce « Mouvement pour l’Amnistie et les Droits Fondamentaux » se présente comme « post » Parti Communiste du Pérou, se revendiquant de Gonzalo et de ses « lettres ».

    Il demande une amnistie pour les civils, les policiers, les militaires. Mais son discours n’est pas du tout défaitiste. C’est là qu’ont joué les deux erreurs du Parti Communiste du Pérou.

    La Ligne Opportuniste de Droite était en fait une Ligne Opportuniste de Gauche. Le Parti Communiste du Pérou a fait la même erreur que les communistes soviétiques avec Khrouchtchev. Si on parle ici bien de liquidateurs, ce n’est pas le « retrait » qu’ils proposaient en apparence, mais au contraire la victoire. Khrouchtchev rejetait Staline tout en prétendant que l’URSS arriverait au Communisme en 1980.

    Les traîtres et capitulards au Pérou ont prétendu qu’avec l’arrestation de Gonzalo, la lutte continuait victorieusement, en changeant de forme. Ils prônaient la capitulation, en fait, mais en apparence cela n’était pas du tout un repli, mais une avancée, un succès.

    Les traîtres ont prétendu utiliser politiquement victorieusement l’arrestation de Gonzalo, en « renversant » celle-ci en en faisant une actualité politique pour « intégrer » le paysage politique du Pérou et prolonger la révolution péruvienne.

    Et si cette erreur a été possible, c’est parce que dans la matrice il y avait cette « forme » d’une poussée partie de la zone quechua pour se cristalliser politiquement comme affirmation populaire et nationale, au moyen d’un volontarisme affirmé.

    Les traîtres et capitulards ne se sont pas présentés à travers la trahison et la capitulation, mais en apparence comme en continuité avec la « poussée » quechua et le volontarisme.

    La faille dans le dispositif du Parti Communiste du Pérou a permis à la contre-révolution de prendre une forme « de gauche » – un piège terrible, qui a fonctionné d’autant plus que regardant le contenu, la ligne rouge a cru que c’était une ligne opportuniste de droite, se rendant ce faisant incapable de la combattre politiquement.

    Voilà pourquoi le détour dont a parlé Gonzalo après son arrestation, dans son fameux discours depuis une cage où on l’avait enfermé en tenue de bagnard, s’avère bien plus long que prévu : le Parti Communiste du Pérou doit se reconstruire, ayant été démantelé dans cette séquence. Il a été battu politiquement.

    Voilà pourquoi, également, les apports du Parti Communiste du Pérou, dans leur dimension universelle, sont valables. La pensée Gonzalo elle-même est valable au Pérou – elle n’a pas été défaite idéologiquement, mais sur le terrain politique, en raison des erreurs du Parti dans la lutte entre deux lignes dans le cadre de la nouvelle situation.

  • Le matérialisme dialectique et la détermination dialectique du résultat de l’addition dans son rapport à la négation et à l’infini

    Nous renforçons l’amitié au nom de la paix et du bonheur !

    Une opération mathématique, pour être juste, doit revenir à l’infini, sans quoi elle sort de la réalité. C’est là le problème fondamental des mathématiques : ce rapport à l’infini n’est pas flagrant. Lorsqu’on dit 1 + 1 = 2, on sait que c’est vrai, mais on ne voit pas en quoi cela aurait un lien à l’infini.

    Ce paradoxe s’explique par le fait que l’infini, mathématiquement, s’exprime possiblement par 0. La dialectique du zéro et de l’infini est indissociable de tout processus mathématique.

    Prenons une addition. C’est une opération qui concerne des nombres. Ces nombres étant parfaitement définis, ils relèvent d’une négation, car toute détermination est négation. C’est par là qu’on passe pour rejoindre l’infini.

    Prenons une opération comme 1 + 4 + 7. Qu’est-ce qui détermine 1, 4 et 7 ? Eh bien qu’ils ne sont pas 2, 5, 6, 8 et 9, etc. On doit donc considérer la contradiction suivante.

    1, 4, 7 ● 2, 3, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 12, 13, etc.

    Or, on fait face au problème suivant. 1 + 4 + 7 = 12 et le souci est que 12 est censé relever, dans la contradiction, de ce qui est l’opposé de 1, 4 et 7. Il faut donc corriger la contradiction, en modifiant la place de 12.

    1, 4, 7, 12 ● 2, 3, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 13, etc.

    On fait alors face à un nouveau problème. On voit qu’on a 10 et 2 dans la liste des nombres. Or, additionnés ils donnent 12. Or, 12 est censé s’opposer à 10 et 2, en étant du côté de 1, 4 et 7.

    En quoi est-ce un problème ? Si on a 12 des deux côtés de la contradiction, alors 1, 4 et 7 ne relèvent pas d’une vraie négation, puisque leur combinaison se retrouve également du côté de la contradiction d’où on les a ôtés.

    À quoi servirait de « retirer » 1, 4 et 7 d’une liste de chiffres si on obtenait leur résultat tout de même dans cette liste ? Le même résultat est la preuve qu’ils seraient encore dans la « liste », même sous une autre forme.

    Ce que l’on découvre ici, c’est la contradiction propre au calcul, qui est « effacée » dans le résultat.

    En effet, on a bien 1 + 4 + 7 = 12 = 10 + 2. Cependant, si on regarde, ce qu’on a, c’est graphiquement cela.

    On voit tout de suite la différence.

    On a bien 12 à chaque fois, mais il existe soit 12 comme qualité (tous les éléments sont réunis), soit 12 comme quantité. C’est la contradiction entre quantité et qualité.

    Cela nous permet d’y voir plus clair. En effet, on va distinguer 12 comme quantité et 12 comme qualité.

    Reprenons la contradiction.

    1, 4, 7, 12 ● 2, 3, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 13, 14, etc.

    Il est vrai que 1, 4 et 7 additionnés donnent la même chose que l’addition de 10 et 2. Mais dans une addition, on a un résultat comme qualité. L’addition est quantité qui produit une qualité, par le dépassement des éléments initiaux. C’est cela qui fait que 12 est, dans la contradiction, du côté de l’addition, non dans la liste d’où on a retiré 1, 4 et 7.

    10 et 2 donnent 12, mais 12 comme quantité, non comme qualité ! C’est l’addition de 1, 4 et 7 qui donnent 12.

    Naturellement, on pourrait faire l’addition avec 10 et 2 au lieu de 1, 4 et 7. Mais ici, ce n’est pas le cas et c’est secondaire, en raison de la dignité du réel.

    Prenons un exemple pour saisir cet aspect et avoir une vue d’ensemble. On ouvre l’armoire et on retire un pantalon, puis un autre, enfin encore un autre. Du point de vue de l’armoire, on a retiré un pantalon, à chaque fois, mais également trois pantalons au total.

    Ce total est essentiel, comme qualité. Si on ne plaçait pas le résultat de l’addition du côté des chiffres de l’addition dans la contradiction, il n’y aurait pas trois pantalons en moins, mais seulement un pantalon, un autre pantalon et un autre pantalon, soit la quantité.

    Maintenant, voyons cet aspect suivant. Si on a 9 pantalons en tout, on peut encore en retirer trois autres. Cela fait que le chiffre trois, qu’on pensait « retiré » de l’armoire, peut finalement encore être présent.

    Seulement voilà, ce n’est pas le cas, car on a déjà retiré trois pantalons, donc en retirer de nouveau trois aboutirait à six pantalons enlevés. C’est le chiffre 6 qui est alors en jeu, pas le chiffre 3 de nouveau !

    On arguera que 3 + 3 = 6.

    Oui, tout comme 1 + 1 + 1 +1 +1 + 1 = 6.

    Quand on enlève deux fois trois pantalons ou six fois un pantalon, on aboutit à la même chose.

    Seulement, la détermination du résultat implique qu’on enlève celui-ci ici de l’armoire (et en fait de la liste des nombres, c’est-à-dire de l’infini).

    Il reste un problème, pourtant. Dans 1 + 4 + 7 = 12, on a une addition qui donne 12. Autrement dit, si on a 12, en effet, on n’a plus 1, 4 et 7, qui ont permis d’arriver 12.

    On peut les garder, toutefois on a alors 12 décomposé en trois éléments, et donc plus la qualité. Cela reviendrait à une forme telle 10 + 2.

    Pour préserver la qualité, il faut faire disparaître 1, 4 et 7, c’est-à-dire les remettre dans la liste des nombres (c’est-à-dire l’infini).

    On avait comme contradiction :

    1, 4, 7 ● 2, 3, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 13, 14, etc.

    Ce qui donne la contradiction :

    1, 4, 7, 12 ● 2, 3, 5, 6, 8, 9, 10, 11, 13, 14, etc.

    Pour amener à la contradiction :

    12 ● 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 13, 14, etc.

    Nous avons avancé ! Mais l’addition est une opération qui semble pourtant insoluble, puisque les chiffres (ici 1, 4 et 7) doivent exister pour en fait disparaître. Pour qu’on ait un résultat il faut la suppression des éléments de l’addition, mais on n’a pas le résultat sans ces éléments additionnés ! C’est une contradiction, il faut la saisir.

    Si on était en physique, on dirait qu’il y a une transformation matérielle, ce qui s’appelle le temps et explique la différence entre les éléments et le résultat. Mais on est en mathématique et on ne dispose pas du temps.

    Quelle est alors la solution ?

    La solution est le 0. L’annulation des nombres – 1, 4 et 7 tout comme 12 – signifie leur retour dans la liste infinie des nombres. Là est la nature du 0 en mathématiques : c’est le nexus.

    1, 4 et 7 portent l’infini. Mais d’eux-mêmes ils ne vont pas à l’infini, même si on les additionne, les multiplie par eux-mêmes. Ils tendent vers l’infini. Ils relèvent toutefois de l’infini : la matière est inépuisable. En ce sens, ils sont 1, 4 et 7, et ils ne le sont pas.

    Ainsi, quand on dit 1 + 4 + 7 = 12, on dit en même temps que 12 – (1 + 4 + 7) = 0.

    Si on perd cela de vue, on ne voit pas les deux aspects de la contradiction que forme l’addition – et on rate la dialectique dans les mathématiques.

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  • Le matérialisme dialectique et la formulation mathématique de la contradiction dans son rapport au 0

    (Citation de Mao Zedong) « Déterminé, sans peur du sacrifice, envers et contre tout, pour gagner », « Apprendre chaque jour – utiliser tous les jours »

    Prenons une contradiction. Elle s’établit au moyen de deux contraires, tels le haut et le bas, le chaud et le froid, le grand et le petit, le positif et le négatif, etc.

    Si on voulait la représenter, on pourrait procéder en représentant les deux contraires, par exemple en plaçant un plus et moins côte à côte : + -.

    Cependant, on pourrait considérer qu’il manque le rapport entre les deux contraires. Le fameux yin et le yang proposent de mettre une partie d’un contraire dans l’autre, mais cela ne peut pas nous satisfaire, car cela ramène au dualisme.

    Le dualisme est une forme primitive de matérialisme dialectique. Il mêle les contraires dans un sens stabilisateur ou dans un sens antagonique seulement. Il ne perçoit pas que l’unité et la lutte sont eux-mêmes des contraires.

    Ce qu’il nous faudrait, c’est éventuellement un symbole, tel ●.

    Cela donnerait : + ● – ou bien – ● +.

    On aurait ici le lien entre les contraires qui serait visible. Ce lien exprime dans sa substance à la fois l’unité et la lutte des contraires. Ce lien est lui-même contradictoire. C’est très important pour la suite, pour comprendre le 0.

    Maintenant, à quoi cela fait-il penser ? Indéniablement aux mathématiques.

    Le ● est un rapport et on pense tout de suite au rapport mathématique, avec l’addition, la soustraction, la multiplication, la division (qui sont eux-mêmes des contraires).

    Cela ne va pas être pratique avec les symboles positif et négatif, alors prenons en deux autres, pour indiquer la croissance et la décroissance, ou le haut et le bas, etc : ▲ et ▼.

    On a ainsi : ▲●▼, ▲+▼, ▲-▼, ▲x▼, ▲/▼, ainsi que ▼●▲, ▼+▲, ▼-▲, ▼x▲, ▼/▲.

    On remarquera ici au passage les contraires encore, puisque l’addition et la multiplication reviennent au même à gauche et à droite, car il est indifférent d’être à gauche ou à droite du signe + ainsi que du signe x. Il y a à la fois unité et lutte dans le rapport de ▲ et ▼ dans leur rapport à leur propre rapport.

    Ce qui compte cependant ici, c’est qu’on a compris la constitution des mathématiques dans son rapport à la contradiction. Les mathématiques sont le portrait d’un certain rapport.

    Les mathématiques n’établissent pas de rapport, elles constatent un rapport.

    Lorsqu’on dit que 1 + 1 = 2, on n’établit pas ni les 1 et le 2, ni le rapport. On le constate seulement. Le matérialisme dialectique dit que ce rapport est contradictoire. Mais il dit également que ce rapport est dialectique. C’est là où le 0 va intervenir.

    Si un rapport est contradictoire, il implique l’unité et la lutte. Les mathématiques peuvent le constater. Seulement, l’unité et la lutte, c’est une différence. Et la différence produit le saut qualitatif. Or, cela, la représentation mathématique élémentaire ne le montre pas.

    Lorsqu’on dit 1 + 1 = 2, on établit un rapport entre les deux 1, il y a une unité (comme il pourrait y avoir une lutte avec une soustraction, et la lutte est elle-même unité et l’unité elle-même lutte, puisque l’unité des deux 1 dans l’addition est une lutte contre eux-mêmes puisqu’ils s’effacent au profit du 2).

    Il manque toutefois le caractère dialectique de ce rapport.

    Qui peut, mathématiquement, représenter ce caractère dialectique ?

    Le 0, car il est à la fois rien et l’infini. Pour le comprendre, il faut partir du principe selon lequel « toute détermination est négation » » ». Cela a été formulé par Spinoza et Karl Marx le reprend à son compte.

    Quand on prend 1-1=0, il ne faut pas comprendre qu’il n’y a plus rien. Il faut comprendre que les éléments sont revenus dans l’infini. Là est la clef véritable des mathématiques.

    Il faut imaginer les mathématiques comme un immense outil comptable. 1-1=0 c’est on prend une banane et on la mange, donc il n’y a plus de banane. Mais la banane a en réalité été transformée, donc le 0 représentant l’absence de banane équivaut à l’infini où la banane transformée (dans la digestion, dans les ordures) s’en est allée.

    Cela veut dire que pour qu’une opération mathématique soit correcte, il faut toujours revenir au 0. Il faut en effet toujours revenir à l’infini.

    Le 0 est le point de départ et le point d’arrivée des mathématiques, car on part de quelque chose (qu’on différencie du reste de l’infini) pour en revenir à quelque chose, mais transformé.

    Sans cela, il y aurait bien un rapport… mais pas dialectique.

    C’est pourquoi, quand on dit que 1 + 1 = 2, il faut bien comprendre que cela veut dire également :

    2 = ajout du 1 et du 1, donc 2 = suppression du 1 et suppression du 1.

    Ainsi : 2 = 1 + 1 = – (1+1) et comme on le sait cela donnerait -(1+1) = -2, ce qui n’est pas une suppression. Les mathématiques utilisent le 0 pour cela.

    Ce qui donne par conséquent 2 = 1 + 1 = 0 (1+1), soit 2 = 1 + 1 = 0, soit 2 = 0.

    Telle est la dialectique dans le rapport mathématique : toute détermination est une négation. Il ne peut pas en être autrement.


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  • Le matérialisme dialectique et la nature du 0 en mathématiques

    Le 0 joue un rôle majeur dans les mathématiques ; en fait, sans le 0, il ne peut plus y avoir de mathématiques. Le 0 est en effet à l’intersection des contradictions fondamentales des mathématiques, il forme le nexus du rapport contradictoire.

    Voici comment le problème se pose. Si on prend les mathématiques dans leur forme élémentaire, on tombe sur la quantité. On a par exemple 1+1=2, 2+3=5, etc. Le rapport avec la physique est facile à voir : une chose s’ajoute à une autre chose, on obtient deux choses, deux choses s’ajoutent à trois choses et on obtient alors cinq choses, etc.

    Faut-il alors voir du côté de la qualité ? On pourrait penser que oui, puisque la qualité est le contraire de la quantité ; ce qui n’est pas d’un côté doit se retrouver de l’autre.

    Mais si on prend la qualité, si on va dans cette direction, on passe dans le développement des mathématiques en soi. Or, ce qu’on veut, c’est aller en arrière dans le processus, vers la matrice des mathématiques.

    Le développement des mathématiques transporte ses propres contradictions et cela va rendre plus complexe la question, de manière inutile.

    Ce qu’il faut, c’est comprendre comment il y a une contradiction interne dans les mathématiques dans leur émergence même.

    Il faut donc en rester à la quantité, puisque les mathématiques naissent de la quantité.

    Quelle est la contradiction de la quantité ? La quantité a deux aspects : elle est un processus d’accumulation et un aboutissement. On a 1 et ensuite on a de nouveau 1, ce qui donne 2. L’accumulation des deux 1 aboutit au 2.

    Le processus est par contre masqué, dans la mesure où mathématiquement parlant, l’aboutissement est l’accumulation et inversement. On a tout autant 1+1=2 que 2=1+1.

    En soi, cela ne nous amène de toutes façons pas très loin, puisqu’il s’agit en fin de compte de la contradiction relevant de l’identité. 2 est à la fois 2 et non-2.

    Mais prenons non-2 et constatons qu’il s’agit aussi de 1+1. On n’est plus dans la négation – 2 n’est pas 2 – mais dans la contradiction entre qualité (2) et quantité (1+1).

    Que devient alors la négation, justement, par rapport à cela ? Car dans l’identité, en tant que non-2, 2 est aussi 0, dans la mesure où toute chose est ce qu’elle est et, en même temps, n’est pas ce qu’elle est.

    Il faut se fonder là-dessus.

    On a en effet par conséquent : 1 + 1 = 2, et en même temps : 1 + 1 = 0.

    2 est une qualité relevant d’une quantité (1+1) et en même temps il n’est pas lui-même (0).

    Or, comme on le sait, en mathématiques, on a 1 – 1 = 0.

    Ce qui revient donc à dire que : 1 + 1 = 1 – 1.

    Est-ce juste ? Tout à fait, c’est une contradiction. On découvre donc un aspect nouveau et essentiel dans les mathématiques. Il relève de la quantité et on voit que c’est par le 0 qu’on le retrouve.

    Le 0 est la clef de l’identité de la quantité. Le 0 est le nexus où les contradictions se rejoignent.

    En fait, pour les mathématiques, 0 n’est rien… même si les mathématiques sentent bien le problème et ont développé le principe de « tendre vers 0 ».

    Karl Marx, dans ses études sur les mathématiques, a précisément remarqué comment avec le calcul différentiel, les mathématiques butaient sur 0 et son rapport au pratiquement rien, et s’en sortaient avec un tour de passe-passe.

    C’est inévitable, car seul le matérialisme dialectique révèle la nature du 0.

    Pour les mathématiques, le 0 est le néant. Mais pour le matérialisme dialectique, la matière est inépuisable.

    Cela signifie que l’inverse de 0, selon les mathématiques, c’est « quelque chose ». Pour le matérialisme dialectique, par contre, l’inverse de 0, c’est l’infini.

    « Quelque chose », pour le matérialisme dialectique, est en effet inépuisable.

    L’inverse du néant, c’est l’infini, pas le fait qu’il y ait « quelque chose ».

    Et là on peut encore passer un cap et cela résout la question du 0, enfin !

    Pour le matérialisme dialectique, en effet, le néant n’existe pas. Cela veut dire que le 0 ne peut en fait pas exister.

    0, c’est en réalité quelque chose qui tend vers 0, mais qui ne peut absolument jamais devenir 0.

    Même dans 1-1=0, le 0 n’est pas un 0 absolu, car dans tout processus il y a inégalité de développement. Il serait unilatéral d’affirmer que 1=1 et que 1-1=0.

    Il y a forcément un décalage, une nuance, une différence entre 1 et 1 dans les deux 1 de 1-1.

    Les mathématiques pratiquent un raccourci en supprimant l’inégalité de développement entre les éléments, dans le processus. Elles fonctionnent en posant une égalité relative à prétention absolue quant à ses éléments.

    1 est 1, 2 est 1 et 1 où le premier 1 est pareil au second 1, etc. C’est erroné. Mais c’est le prix à payer pour obtenir une formalisation statique du mouvement ininterrompu dans la matière.

    Et là où cela se lit, du point de vue du matérialisme dialectique, c’est dans le 0.

    Dans tout processus mathématique, c’est 0 qui transporte l’inégalité, inégalité à laquelle il est impossible d’échapper. C’est dans le 0 que l’inégalité vient se cacher.

    0 n’est donc pas 0 en tant que « rien », mais une expression du caractère inépuisable de la matière.

    Si on dit 1-1=0, on doit comprendre qu’en même temps, cela veut dire 1-1=l’infini.

    La raison est que rien ne peut « disparaître » d’une part, qu’il y a toujours de l’inégalité entre des développements, de l’autre.

    C’est ainsi à travers le 0 que les mathématiques vont se développer du point de vue dialectique, puisque c’est par lui qu’on comprend que tout résultat est d’une double nature : tout résultat est non seulement lui-même et non lui-même, mais également dialectique en tant que processus contradictoire nécessairement marqué par une inégalité de développement de ses éléments.

    Le 0 n’est donc pas la fin d’un processus mathématique, mais exprime le redémarrage infini de la matière inépuisable dans ses processus, phénomènes, dans son mouvement.

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  • Le matérialisme dialectique et la torsion comme évaluation dialectique

    Il a été compris que le concept de nexus était essentiel afin d’éviter de faire reculer la dialectique au niveau d’une simple dualité. Le nexus est l’aspect principal où les deux pôles de la contradiction agissent de la manière la plus forte, tant dans un sens positif qu’en un sens négatif. C’est « l’endroit » du phénomène où se conjugue la contradiction de la manière à la fois la plus forte et la plus faible, tant qualitativement que quantitativement.

    C’est également, en un sens, le lieu du développement inégal des différents aspects de la contradiction.

    Il a été considéré comme juste de voir le mouvement d’un phénomène comme se rapprochant d’une spirale. Un mouvement en spirale se rapproche ou s’éloigne d’un noyau central, et cela de manière toujours plus prononcée, toujours plus marquée.

    Il n’y a pas de mouvement en ligne droite, un phénomène avance toujours plus vers le saut qualitatif ; lorsqu’il semble s’éloigner, il s’en rapproche en fait, ce que le mouvement en spirale reflète bien.

    Aussi faut-il ici introduire le principe de torsion. Ce concept peut être très utile pour comprendre le mouvement dialectique.

    En effet, il n’y a pas lieu de séparer le nexus de la contradiction dans son ensemble. Il n’y a pas un phénomène paralysé par deux pôles contradictoires, mais connaissant à un endroit en particulier une situation de tension.

    Raisonner ainsi serait faire un fétiche du développement inégal et l’établir comme loi universelle en lieu et place de la contradiction.

    Or, le développement inégal est une caractéristique de la loi de la contradiction, c’est une expression qualitative de l’existence quantitative des choses.

    Par torsion, on peut considérer le principe suivant lequel une chose est travaillée par deux pôles, que la contradiction « force » à un mouvement dans une certaine direction.

    Si l’on prend comme base le mouvement en spirale, on peut considérer que le mouvement spiralaire est induit par la contradiction interne, obligeant le mouvement à s’orienter dans une certaine « direction ».

    Il faut dire s’orienter, et non pas se diriger, car se diriger serait unilatéral ; aucun phénomène ne peut se produire, s’établir, exister sous la forme d’une ligne droite.

    Dire que l’on va manger et se mettre à manger n’est pas un mouvement en ligne droite, car il y a le phénomène de disposer de la nourriture. C’est vrai pour toute chose, tout phénomène. Il n’y a jamais de passage unilatéral d’un point A à un point B.

    Pour cette raison justement, le principe de torsion peut être très utile, au sens où il peut permettre d’évaluer les processus selon leur degré de torsion. On peut dire par exemple que la torsion était à son comble en Russie au mois d’octobre 1917, qu’elle était relative seulement au moment du Front populaire en France en 1936.

    La torsion s’établit lorsqu’on achète une pomme pour la manger, elle se développe lorsqu’on la mange, elle a abouti lorsqu’on a fini de manger la pomme.

    Cette évaluation de la torsion, toutefois, présente une difficulté majeure. Il ne faut en effet pas raisonner de manière linéaire. On risque en effet de considérer la torsion au moyen de la dualité, au lieu de l’évaluer comme un processus en cours.

    Comment peut-on évaluer un processus en cours ?

    Karl Marx avait, dans ses notes sur les mathématiques, analysé justement le calcul différentiel. Il s’agit d’une méthode pour calculer un moment bien déterminé d’un mouvement général, c’est-à-dire pour disposer d’une photographie à un moment donné d’une tendance générale.

    Si on s’inspire de cet apport de Karl Marx, alors on peut avoir l’idée que pour évaluer la torsion, il ne faut pas évaluer la contradiction en deux dimensions, mais en trois.

    Voici ce que cela donnerait. Dans le premier cas, on poserait une grille où l’on estimerait l’importance de des deux aspects de la contradiction. On considérerait que telle ou telle zone serait « aux mains » d’un deux aspects et le degré de torsion s’évaluerait en fonction du rapport quantitatif.

    On peut rapprocher cela du jeu chinois appelé Go, où on pose des pions justement pour tenter de maîtriser une zone, et le plus de zones possibles. Il y a également le jeu d’arcade Qix de 1981, où l’on trace des lignes en évitant des barres en mouvement afin de conquérir des zones.

    Cette approche a sa part de validité, mais le souci est qu’elle récuse qu’il y ait un cours non linéaire de l’interaction entre les pôles de la contradiction. Elle ramène en fait à la dualité, à une opposition blanc-noir.

    Il vaut mieux raisonner en trois dimensions, car là on échappe à la dualité, et la nature dynamique de la contradiction apparaît. On lit bien la torsion. Reste qu’il faut établir des critères pour la construction que l’on peut faire.

    Il s’agit là bien entendu, dans le cadre d’une telle construction, d’une vue de l’esprit. Mais c’est justement là la science. La science permet de se rapprocher au plus près d’un phénomène. Comprendre les modalités d’un phénomène est la base même du matérialisme dialectique.

    Un phénomène en cours implique une torsion, un déchirement interne, correspondant à la crise s’appuyant sur le nexus, l’aspect de la contradiction où les pôles se confondent et se rejettent de manière la plus nette.

    On comprend bien ce dont on parle si on se souvient de ces moments où il ne fallait surtout pas agir, afin d’agir de manière réussie par la suite. Il s’agit ici de la maturation d’un phénomène.

    Et qu’est-ce qui se passe inversement si on accompagne pas la maturation d’un phénomène ? Celui-ci se déroule quand même, mais en punissant ceux qui n’ont pas suivi le mouvement.

    Chez les êtres humains, c’est cette fameuse « prise de conscience » de ce qu’on a « oublié » et qui constitue désormais des « squelettes dans le placard ». C’est une vie avec des fantômes qui attend ceux qui ne saisissent pas les processus dialectiques dans leur propre vie et qui ne savent pas évaluer la valeur et le sens d’une torsion dans un phénomène.

    La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne a justement été en Chine populaire la généralisation de l’étude des contradictions, à tous les niveaux de l’existence, afin de faire avancer tant la vie sociale que sa vie personnelle.

    La torsion est le principe même de transformation. Et tout comme pour le développement inégal, il ne remplace pas la loi de la contradiction, sans quoi on en reviendrait ici, non pas à la dualité, mais à « l’entéléchie » d’Aristote pour qui tout phénomène est défini par sa matrice originelle et cette matrice seulement.

    Aristote avait bien vu que la contradiction est interne, seulement il la posait comme un « début » impliquant une fin bien déterminée ; il ne connaissait pas les interactions dialectiques, le développement inégal ni le caractère inépuisable de la matière.

    Car aucune torsion ne pourra jamais être saisie de manière complète : elle s’insère dans un univers en oignon, consistant en la matière éternelle et infinie. Il y a toujours de la ressource pour la matière et la contradiction, et ce à l’infini.

    La science ne s’arrêtera ainsi jamais, car il n’y a pas de science « pure » des torsions et il n’y en aura jamais. Ce serait une lecture unilatérale de ce qu’est le matérialisme dialectique, qui récuse toute démarche mécanique et « objectiviste ».

    Le matérialisme dialectique est la participation au mouvement général de la matière, en tant que lecture matérialiste du caractère dialectique de la matière éternelle et infinie.

  • Le matérialisme dialectique et le nexus de la contradictioncomme point de transition du mouvement en spirale et ses cycles

    La question de la transition est d’une extrême difficulté dans le matérialisme dialectique. En effet, puisque le mouvement et le statique s’opposent dialectiquement, comment considérer qu’ils établissent un rapport « constructif », « productif », pour permettre de franchir un cap ?

    La difficulté est telle que cela a largement servi le révisionnisme, qui a prétendu avoir résolu le problème en affirmant que, dans les moments « créatifs », ce n’est pas un qui devient deux, mais deux qui deviennent un. Il y aurait une « unification » des contraires afin de faire avancer les choses, les phénomènes.

    Lorsque les choses avanceraient, c’est qu’elles auraient « uni » leurs forces. Il y aurait annulation des différences afin de permettre d’avoir suffisamment d’énergie, d’appui, pour s’élancer.

    C’est naturellement un piège anti-dialectique, qui derrière le mot d’ordre « l’union fait la force », sert à effacer les nuances, les différences, à neutraliser les contradictions, et cela au nom d’une hypothétique période intermédiaire, « productive », utile, nécessaire, etc.

    A contrario du révisionnisme qui falsifie la vision communiste du monde, le matérialisme dialectique ne conçoit pas une « transition » comme une « réconciliation » de deux pôles contradictoires. Il considère la transition comme l’expression d’une contradiction et donc comme une séparation.

    Au sens strict, la transition n’est qu’un aspect de l’affrontement entre le nouveau et l’ancien. Cela se produit à un niveau particulier, qui est d’une importance essentielle, qui établit l’aspect principal pour toute la chose, tout le phénomène.

    C’est en ce sens qu’on peut parler de « transition ». Mais il existe pas de transition comme sas, moment isolé et séparé. En ce sens, le fameux propos de l’intellectuel italien Antonio Gramsci, figure majeure du communisme en Italie, est totalement erroné, anti-dialectique :

    « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres. »

    C’est là l’hypothèse d’une « transition » comme moment d’annulation des contradictions, comme on en trouve chez tous ceux qui rejettent le matérialisme dialectique et ne savent donc pas « lire » les contradictions. C’est cette même conception qui propose des « transitions » passer du capitalisme au socialisme en s’appuyant sur des moyens « magiques » comme l’éducation, les élections, le syndicalisme, les grèves, etc.

    Comment faut-il voir les choses ? Quelle est cette contradiction qui exprime ce qu’est réellement une transition ?

    Posons les choses.

    Un mouvement est par définition à la fois continu et non-continu, autrement dit il n’y a pas de « moment » précis, statique, unilatéral où on sait qu’on passe d’une chose à une autre, d’une étape à une autre.

    Or, il y a bien transformation : transformation d’un rapport sexuel entre un homme et une femme en enfant à naître, transformation du capitalisme en socialisme, transformation de la nourriture en éléments chimiques pour faire fonctionner le corps, etc.

    On peut bien arbitrairement définir un moment clef pour annoncer un passage d’une étape à une autre, cependant cela n’aurait qu’une portée descriptive. On notera ici un aspect très important : une telle démarche arbitraire est la base de ce qu’on appelle la perversion.

    Quelqu’un qui mange, mais se fait vomir immédiatement afin de ne pas grossir, a dans son imaginaire le fétiche que, puisque la nourriture est mangée, elle a été assimilée pour vivre, et qu’on peut donc s’en débarrasser en « trichant ».

    Les hommes fascinés par les adolescents ou les adolescentes ont comme fétiche la transformation en adulte, considérée comme un « potentiel », une réalisation réalisée sans être réalisée encore. En ce sens, une société où les enfants et les adolescents s’habillent comme des adultes contribue à la confusion et laisse tendanciellement la porte ouverte aux fétiches.

    Tout manquement à la compréhension matérialiste dialectique des choses, des phénomènes, aboutit en fait inévitablement à des fétiches, à des lectures « statiques », à une conception bornée.

    Pour échapper à une telle erreur, il faut se tourner vers le mouvement en spirale.

    Il est bien connu que le matérialisme dialectique souligne le mouvement en spirale, mais qu’entend-on précisément par là ? En effet, le concept a ici surtout été descriptif, pour indiquer que les choses ne vont pas en ligne droite.

    Lénine utilise le concept de spirale de la manière suivante, en 1915, dans ses notes sur la question de la dialectique.

    Il dit que si on regarde les choses avec une vision « immédiate », on s’imagine que les choses progressent en ligne droite. Mais en réalité, le progrès avance par bonds, avec des ruptures, des décrochages. Aussi vaut-il mieux parler de spirale.

    Ce sont ceux qui ont intérêt à ce qu’on ait une vision bornée des choses qui insistent sur le concept de « ligne droite », afin de donner naissance à des fétiches auxquels on doit s’accrocher, afin que rien ne change, que tout reste pareil.

    « La connaissance humaine n’est pas (ou ne décrit pas) une ligne droite, mais une ligne courbe qui se rapproche indéfiniment d’une série de cercles, d’une spirale.

    Tout segment, tronçon, morceau de cette courbe peut être changé (changé unilatéralement) en une ligne droite indépendante, entière, qui (si on ne voit pas la forêt derrière les arbres) conduit alors dans le marais, à la bondieuserie (où elle est fixée par l’intérêt de classe des classes dominantes).

    Démarche rectiligne et unilatéralité, raideur de bois et ossification, subjectivisme et cécité subjective, voilà les racines gnoséologiques de l’idéalisme.

    Et la bondieuserie (=idéalisme philosophique) a, naturellement, des racines gnoséologiques, elle n’est pas dépourvue de fondement ; c’est une fleur stérile, c’est incontestable, mais une fleur stérile qui pousse sur l’arbre vivant de la vivante, féconde, vraie, vigoureuse, toute-puissante, objective, absolue connaissance humaine. »

    Regardons ce concept de spirale et voyons comment on peut en profiter de manière formidable. Une spirale, c’est une courbe qui s’enroule autour d’un axe. Cependant, une spirale cela peut également être une courbe qui s’enroule autour d’un axe… en s’éloignant ou en se rapprochant de cet axe, et ce à l’infini.

    Dans ce dernier cas, une spirale est un mouvement en courbe où on se rapproche ou s’éloigne toujours plus d’un point fixe, d’un axe, et ce à l’infini.

    Voici une représentation dessinée par le graveur Jost Amman et conçue par l’orfèvre humaniste allemand Wenzel Jamnitzer, pour l’ouvrage de 1568 Perspectiva corporum regularium (Perspective des corps réguliers).

    La représentation a ici un seul souci : la spirale en trois dimensions parvient à un bout, à une extrémité. Il faut enlever ce bout, sans quoi on aurait une fin, et il faudrait un début, ce qui s’opposerait au principe de l’infini et on retomberait au « borné ».

    Pourquoi ce mouvement en spirale est-il correct, dans son principe, pour représenter le mouvement ?

    Il y a une série de points très complexes.

    1. Le mouvement en spirale présente, entre ses différents niveaux de courbes, une différence de degrés. Plus on avance plus les courbes deviennent plus « petites », plus ramassées. C’est conforme à l’évolution quantitative. Il y a alourdissement, accélération, approfondissement, etc.

    L’inverse est vraie : des courbes qui deviennent plus larges, plus grandes, représentent la dilatation, l’étalement, le développement, etc.

    C’est la contradiction entre la qualité et la qualité qui s’exprime ici.

    2. Le mouvement en spirale témoigne d’un processus en cours. Lorsqu’on se rapproche, ou bien lorsqu’on s’éloigne de l’axe, on le fait au fur et à mesure. Ce au fur et à mesure est ce qu’on appelle le temps ; le temps est produit par l’espace, par la matière infinie, qui est partout, qui est tout, et qui se transforme.

    La notation de cette transformation, par contraste d’une transformation par rapport à une autre, est ce qu’on appelle le temps.

    3. Le mouvement en spirale tend autour d’un point fixe, sans jamais l’atteindre. D’une part, c’est conforme au mouvement de chaque phénomène, qui est d’un côté fixe (comme le point), de l’autre en mouvement (comme la spirale).

    Les contraires s’interpénètrent toujours ; il n’y a jamais de « réconciliation ». Rien n’est jamais statique, uni, unifié, unique, il n’y a jamais d’assimilation possible de la courbe et du point statique.

    Le mouvement prime toujours sur la dimension statique – et la dimension statique est le squelette de la réalité, sans qui rien n’existerait, se dispersant dans le mouvement. C’est la matière qui est dialectique, pas la dialectique qui est matérielle.

    En quoi ces points abordés aident-t-ils pour la question de la transition ?

    Eh bien, si on raisonne sans le mouvement en spirale, on va bien saisir les deux pôles d’une contradiction. Cependant il y a un risque majeur : celui de basculer dans la dualité et non la dialectique.

    C’est là où se situe précisément l’erreur à ne pas commettre. C’est l’erreur finalement inverse du révisionnisme. Le révisionnisme dit que deux deviennent un, qu’il y a réconciliation des contraires. La dualité est l’erreur qui fétichise les deux contraires dans leur pure opposition.

    La dualité aboutit, somme toute, à concevoir que les contraires ne peuvent pas se convertir l’un en l’autre. Le reproche que fait finalement Mao Zedong à Staline, c’est précisément de remplacer parfois la dialectique par la dualité, et d’aboutir à des solutions mécanistes ou administratives.

    C’est là que cela va aider pour mieux comprendre ce qu’est une transition. Si on part du principe que les contraires peuvent se convertir l’un en l’autre, alors, de par le développement inégal, il va nécessairement y avoir un aspect qui va devenir principal, par rapport aux autres aspects qui eux sont secondaires.
    Rappelons ici que le développement inégal ne désigne pas du tout l’opposé du mouvement linéaire ; faire une telle erreur témoignerait d’une incompréhension complète du matérialisme dialectique. Le développement inégal concerne toujours plusieurs choses, plusieurs aspects, plusieurs phénomènes.

    On ne peut donc pas dire d’une chose qu’elle connaît un « développement inégal ». Ce qu’elle connaît, c’est un mouvement non linéaire. C’est en son sein que se déroule le développement inégal, avec ses différents aspects. C’est également dans le rapport aux autres choses qu’il y a une situation de développement inégal.

    C’est très important ici, car sinon on nierait le principe de différence. Le développement inégal est l’expression de la nuance, de la différence. C’est un rapport entre des choses – et ce n’est pas ce qu’on cherche ici, puisqu’on veut connaître la transition, qui se pose comme « non rapport » entre les choses, période intermédiaire.

    Autrement dit, ce qu’on cherche ici, c’est de savoir comment déterminer une transition au sein du mouvement, mouvement que le matérialisme dialectique analyse comme ininterrompu et infini.

    Comment alors trouver du fini dans l’infini, du statique dans le mouvement ? Et cela doit être un fini qui aille à l’infini, le statique qui aille au mouvement, car la transition aboutit à la chose suivant en venant de la chose précédente.

    Il faut poser les choses comme suit. Dans la contradiction, les contraires se convertissent par moments l’un en l’autre.

    Ce qu’on peut appeler alors « nexus », c’est le lieu où cette conversion s’exprime de la manière la plus marquée, où elle joue le rôle le plus avancé.

    C’est le nexus qui est, dans une transformation, l’expression de la transition.

    Et ce nexus est le point « statique » du mouvement en spirale, que le mouvement en spirale n’atteint jamais.

    Ou bien, dit différemment : le nexus, c’est l’aspect d’une contradiction où, à la fois, on s’éloigne et on se rapproche le plus et le moins à la fois de l’ancien et du nouveau.

    Prenons quelques exemples pour y voir clair.

    a) Un homme et une femme se rencontrent et des sentiments naissent en eux. Ils vont former un couple. La transition entre leur position de célibataires avec des sentiments et le couple, c’est leur premier baiser.

    La tension de cette transition du premier baiser expose parfaitement le nexus, où on s’éloigne et on s’approche de manière contradictoire à la fois du passé et de l’avenir.

    Aller vers l’autre personne est une négation de soi, puisqu’on doit changer, et en même temps une affirmation car on va vers celui qu’on va être désormais.

    Mais le mouvement amoureux s’appuie également sur une affirmation de soi, puisque c’est l’ancien soi qui éprouve un manque, ce qui aboutit à une négation puisqu’on va nier le manque en le faisant disparaître par la présence auprès de l’être aimé.

    b) On a faim, c’est l’expression d’un besoin nutritionnel, qui s’exprime par une gêne corporelle. On mange pour répondre à cette contradiction qui est le besoin opposé au manque.

    Quand on mange, on comble le manque. Le mouvement en spirale tend à satisfaire le besoin. Mais il ne pourra jamais le combler, car le besoin même satisfait redeviendra manque. Une fois qu’on a mangé, on sera obligé de manger de nouveau plus tard. Il y a conversion des contraires l’un en l’autre.

    On mange pour éloigner la faim, mais en mangeant, on maintient le corps en fonctionnement et on va en même temps se rapprocher de la faim.

    Et cette contradiction est le nexus de tout le système biologique humain. Sans alimentation, tout le reste du fonctionnement ne peut pas avoir lieu. La transition entre les différents moments de l’être humain a comme marqueur le repas. Cela explique au passage l’importance historique de ce moment particulier.

    On notera qu’on découvre ici au passage le concept de cycles. Chaque cycle de l’alimentation se répète, mais il y a des nuances, des différences ; on ne mange pas pareillement bébé, enfant, adolescent, adulte ou comme personne âgée.

    c) Un être humain passe de l’adolescence à l’âge adulte. Si on prend le mouvement en spirale, on ne peut pas réellement voir de frontière, de marquage de séparation.

    Par les contradictions, on peut cependant en voir les contours fondamentaux : on passe à une certaine maturité, la croissance corporelle a cessé, l’ensemble des facteurs biologiques (notamment hormonaux) se sont stabilisés.

    Dans ce faisceau de contradictions, il y a un point qui va être le nexus, car c’est en lui que la conversion des contraires l’un en l’autre est le plus marqué.

    Quelles sont ces deux contraires ? Eh bien, c’est d’un côté le regard complété sur soi-même et de l’autre la reconnaissance du reste de la société qu’on intègre. C’est par l’insertion de l’être complet dans la société des adultes que la transition est complétée : c’est là le nexus.

    Une cérémonie de la citoyenneté apparaît inévitable comme reconnaissance du processus ; en France, c’est traditionnellement le bac qui a joué ce rôle dans la seconde moitié du 20e siècle.

    d) On distingue habituellement quatre saisons, avec le printemps auquel succède l’été, puis l’automne à laquelle succède l’hiver. Il n’y a pourtant, naturellement, pas véritablement cette succession mécanique, mais plutôt une contradiction entre la saison plutôt froide et la saison plutôt chaude.

    Et comment se voit la transition de l’une à l’autre ? Par la durée des journées.

    Celles-ci sont courtes en hiver et longues en été. C’est ainsi que la végétation, en général, sait comment se comporter, car elle interprète la durée de l’ensoleillement.

    Pourtant, le changement n’est pas linéaire, mais se fait en spirale. Si le soleil se « couche » formellement plus tard un certain jour que la veille, il se peut très bien que ce jour les nuages obstruent la luminosité, alors que par contre la veille il y ait fait beau, et donc qu’il y a eu une durée véritablement plus longue de la journée.

    Il y a pourtant un mouvement général, allant de plus de jour à moins de jour, puis inversement de moins de jour à plus de jour. On comprend évidemment que le nexus, la transition, se produit autour du 21 juin pour l’été et du 21 décembre pour l’hiver.

    C’est le moment où se concentre la transition, passant d’un mouvement à l’autre, se transformant en son contraire. Le nexus est très facile à voir, de par le calendrier, avec véritablement cette sensation d’une fixation « statique », et d’un retournement.

    C’est ce qui explique la place majeure accordée par l’humanité, dans les différentes parties du monde, au-delà des parcours différents, aux solstices d’été et d’hiver.

    e) Une entorse de la cheville est une blessure. Au cœur de la contradiction entre la cheville et l’accident provoquant la blessure, le nexus est le processus inflammatoire : il est le moment de la transition entre la cheville blessée et sa guérison, l’expression de la phase de réparation.

    L’inflammation, c’est la manière dont le corps humain apporte à un endroit précis les éléments nutritifs dont il a besoin pour se réparer. C’est la reconnaissance de la blessure, pour s’en éloigner ; on se rapproche et on s’éloigne de la blessure, en même temps.

    On voit ici d’ailleurs combien la prescription d’anti-inflammatoires ne correspond pas à la compréhension du processus dialectique de la blessure puisque ces derniers visent à lutter contre un phénomène interne à la contradiction à la base même de la réparation.

    Il est bien plus correct d’aider avec de la glace la circulation sanguine, accompagnant dans un premier temps l’apport des nutriments pris en charge par l’inflammation.

    f) La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne représente une saisie de la question de la transition, parce qu’elle se fonde sur la compréhension que l’articulation générale des éléments composant la tradition s’appuie sur un aspect principal.

    Toutes les phases de la GRCP tiennent à des combats portant précisément sur le nexus, qui varie selon les moments et qu’il s’agit de retrouver pour agir à bon escient. La GRCP commence ainsi par une critique théâtrale, pour porter ensuite sur les universités, la division du travail, la cosmologie, les mathématiques, le prétendu culte du génie, etc.

    Les succès ont tenu à l’identification du nexus et au calibrage adéquat pour œuvrer à ce niveau.

    g) Lorsque le mode de production capitaliste s’est élancé en Europe occidentale, la vision du monde féodale en a été ébranlée jusque dans ses fondements. La bourgeoisie a entamé une lutte à mort avec le féodalisme et l’aristocratie qui le portait, et donc avec la vision du monde féodale, dont la religion catholique romaine était l’expression la plus aboutie.

    Mais en France, de par l’échec du calvinisme, la transformation est passée par un détour, celui de la monarchie absolue, du rationalisme des Lumières, de l’adaptation du catholicisme (dissidence augustiniste encore a appelée jansénistes, catholicisme social, etc.).

    Le paradoxe historique est que ni l’aristocratie, ni l’Église catholique n’ont été réellement éliminés, avec leur survie au-delà de la période historique où leur rôle était central. Cela a joué de manière significative, par la perversion de certains éléments allant dans le sens du progrès bourgeois.

    D’où l’impression parfois d’une époque embrouillée où l’on ne sait pas où sont les éléments décadents et où sont les éléments progressistes. Tel religieux catholique a pu apparaître très à l’avant-gardiste pour son époque, tel penseur des Lumières peut apparaître d’une totale décadence sur certains points en particulier.

    Autrement dit, parce que historiquement, la tendance va à l’écrasement du féodalisme et donc des forces qui le portent, mais qu’en même temps, chacun des éléments de la société française d’alors se place à tout moment dans le nexus plus ou moins en alignement sur cette tendance, qui allait inévitablement à la Révolution.

    La tension entre l’implacabilité du mouvement historique sur le plan de la matière et l’extrême diversité des éléments composant la société humaine et l’instabilité de leur trajectoire, en raison des différences de développement de la conscience, rend la compréhension du processus à la fois tendanciellement net, mais circonstanciellement buissonnant et presque illisible en apparence.

    Tous ces exemples indiquent bien que c’est la question de la vision du monde qui est ici centrale. Elle découle fondamentalement de l’assimilation de cette notion de nexus, dans le sens où la vision du monde est produite par le nexus et permet de saisir le prochain.

    Le matérialisme dialectique accomplit une transition absolument fondamentale, un pas vers un alignement de sa conscience avec le Cosmos comme matière éternelle en mouvement.

    Cette compréhension heurte paradoxalement précisément la conscience humaine dans son mouvement même au sein de la matière. La conscience humaine est en effet finie, par opposition à l’univers, qui lui est infini.

    C’est ce qu’on appelle l’Histoire qui se trouve ici bouleversée de manière fascinante et même vertigineuse : cela ouvre ni plus ni moins que la question du rapport relatif de la conscience humaine au temps, en termes de perception sensible.

    La compréhension bourgeoisie de l’Histoire, désormais dépassée, se focalise sur le foisonnement circonstanciel, pour tenter de mettre en avant un pseudo-aspect imprévisible de l’Histoire, où la volonté humaine aurait un espace, exprimé par des acteurs plus ou moins conscients de leur rôle. La compréhension bourgeoise se résume ainsi en matière d’Histoire très logiquement à des séries d’explication de problèmes bien circonstanciés.

    La compréhension prolétarienne de l’Histoire met à l’opposé la compréhension face à l’explication elle-même, en affirmant le caractère central de la transformation. Le matérialisme dialectique se fixe sur la tendance générale, avant d’aborder la déclinaison particulière.

    En même temps, il affirme qu’il y a dans la déclinaison particulière une affirmation de la tendance générale – mais il n’en fait pas un fétiche, ayant connaissance du développement inégal des choses, des phénomènes au sein d’un processus général.

    Les nexus dans le développement historique de l’Humanité peuvent être en fait plus ou moins longs, plus ou moins denses, plus ou moins localisés ou circonscrits, et donc s’inscrire dans la suite d’une séquence plus ou moins marquante, imprimant par écho le rapport au nexus lui-même et déterminant la capacité à le percevoir. C’est là que se forme l’avant-garde.

    De la même manière dans toutes les sciences en général, la compréhension du nexus est fondamentale pour saisir l’affrontement entre l’ancien et le nouveau, leur jonction et leur affrontement, leur combinaison et leur séparation.

    En ce sens, on peut affirmer que la Révolution, c’est la mise à jour, ou mieux l’éducation au sens strict de l’élévation, que l’Humanité engage pour se réaligner sur la réalité matérielle et son mouvement.

    Comprendre le nexus c’est saisir la transition comme point le plus proche et le plus éloigné allant de l’ancien au nouveau ; c’est là où la contradiction exprime sa tension la plus grande.

    C’est ce qui explique la situation traumatisée de l’humanité actuelle, engagée profondément dans le nexus qui doit réaligner l’Histoire de l’Humanité avec le mouvement du Cosmos, et pourtant sans compréhension encore des nécessités historiques, alors que ce nous vivons, c’est la fin de l’Histoire de l’Humanité et le début de la Compréhension du Cosmos, en tant que composante active de celui-ci.

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  • Vive le 1er mai 2023, vive la révolution mondiale contre la guerre impérialiste de repartage du monde!

    Réchauffement climatique, pandémie, guerre en Ukraine avec l’affrontement sino-américain à l’arrière-plan, inflation et chute relative du niveau de vie, effondrement de la culture et de l’éducation… La période historique que nous vivons est particulièrement troublante et provoque une anxiété à l’échelle de l’ensemble des sociétés occidentales.

    Tout le monde sent bien que le monde se transforme, mais personne ne saisit objectivement l’ampleur du désastre. Subjectivement, les réactions consistent donc en le déni, la fuite en avant dans la consommation, le repli identitaire et communautaire, le soutien aux menées militaristes de l’OTAN, le retour des illusions sociales-réformistes. Il est simplement espéré que les choses restent comme elles sont, le plus longtemps possible.

    Nous appelons à regarder les choses avec le sérieux et une attitude scientifique, ce que permet le matérialisme dialectique appliqué à l’Histoire. Car la période historique actuelle est lourde de significations.

    C’est en effet l’hégémonie des pays capitalistes occidentaux, avec à sa tête la superpuissance impérialiste américaine, qui est remise en cause. La superpuissance impérialiste chinoise cherche à avoir le dessus. Elle cherche à entraîner dans son sillage de nombreux pays qui se sont développés à l’ombre des pays occidentaux : la Russie, la Turquie, le Brésil, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Mexique, l’Arabie Saoudite…

    Certains en Europe, notamment en Belgique et en France, s’imaginent qu’un tel phénomène, s’il connaissait le succès, permettrait d’atténuer le capitalisme, de modifier dans un sens positif les rapports entre les pays sur les plans économiques et politiques. C’est faux : en réalité, nous allons à un affrontement entre blocs. C’est une bataille pour le repartage du monde !

    Afin de surmonter la terrible crise qui a émergé avec la pandémie, les capitalistes vont à la guerre. C’est parce que nous l’avons compris que nous avons annoncé plus de six mois avant son déclenchement l’affrontement militaire entre la Russie et l’Ukraine. Et de tels conflits vont devenir de plus en plus nombreux, jusqu’à révéler ouvertement la bataille ouverte pour l’hégémonie entre les superpuissances américaine et chinoise.

    L’Histoire du monde est actuellement la course à la guerre sino-américaine pour l’hégémonie mondiale. Et il n’existe pas encore ce qui forme, dialectiquement, son contraire : le mouvement des masses mondiales pour leur libération, c’est-à-dire la révolution mondiale.

    Car, effectivement, les masses mondiales s’agitent et l’hégémonie des pays impérialistes occidentaux est insupportable. Mais seule la révolution mondiale – et non la superpuissance impérialiste chinoise – représente leurs intérêts. D’où la nécessité, dans chaque pays, d’une affirmation communiste marxiste-léniniste-maoïste, sous la forme du Parti, comme fraction politique du prolétariat international.

    Le présent appartient à la course effrénée à la guerre impérialiste, mais l’avenir est à la révolution mondiale ! Guerre populaire pour le Communisme !

    1er mai 2023

    Centre Marxiste-Léniniste-Maoïste de Belgique
    Parti Communiste de France (marxiste-léniniste-maoïste)

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  • Résolution du Comité Exécutif relative à la dissolution de l’Internationale Communiste

    datée du 15 mai 1943, rendu public le 22 mai 1943

    La mission historique de l’Internationale Communiste lors de sa création en 1919 consistait, face à la banqueroute des vieux partis de la classe ouvrière, à sauver les principes du marxisme de la déformation et de la falsification par les éléments opportunistes du mouvement ouvrier, à unir dans de véritables partis ouvriers l’avant-garde de la classe ouvrière de tous les pays, à mobiliser les masses travailleuses pour la défense de leurs intérêts économiques et politiques, pour la défense contre le fascisme se préparant à la guerre et la défense de l’URSS particulièrement visée par les machinations guerrières du fascisme.

    L’Internationale Communiste a dévoilé à plusieurs reprises la vraie signification du pacte anticomintern comme instrument de la préparation de la guerre par les fascistes hitlériens. Longtemps avant la guerre, elle a démasqué les infâmes menées politiques des fascistes hitlériens dans les divers pays, menées que ceux-ci essayaient de camoufler en accusant l’Internationale Communiste d’immixtion dans les affaires intérieures des autres pays.

    Mais déjà avant la guerre, il devenait plus évident de jour en jour que, devant la complication de la situation nationale et internationale de chaque pays, la direction des forces ouvrières par un seul centre international rencontrait des difficultés insurmontables.

    Les profondes divergences dans le développement historique des divers pays, le caractère hétérogène et souvent même contradictoire de leurs institutions politiques, la diversité dans la cadence de leur développement social et politique, les différences dans les degrés de conscience de classe et de l’organisation de la classe ouvrière dans chaque pays, posent pour chaque pays d’autres tâches et d’autres devoirs.

    Les vingt-cinq années écoulées et l’expérience de l’Internationale Communiste ont montré de façon irréfutable que la forme d’organisation de l’Association Internationale des travailleurs, telle qu’elle avait été décidée par le premier Congrès de l’Internationale Communiste pour la période de début de reconstruction du mouvement ouvrier international, s’est révélée de plus en plus surannée en face de la croissance des partis communistes nationaux dans les différents pays et cela à cause de la complication de la situation et elle est même devenue un obstacle au développement des partis ouvriers nationaux.

    La guerre mondiale déclenchée par Hitler a encore accentué les différences et a créé un profond abîme entre les pays de dictature fasciste et les peuples libres réunis dans la coalition anti-hitlérienne.

    Tandis que dans les pays du bloc hitlérien les ouvriers et les masses travailleuses ont pour tâche de préparer de toutes leurs forces la défaite de leur État, de saper de l’intérieur la machine de guerre hitlérienne et d’abattre leurs gouvernements fauteurs de guerre, les masses travailleuses de la coalition anti-hitlérienne ont le devoir sacré de soutenir de toutes leurs forces les efforts de guerre de leurs gouvernements afin d’écraser le plus tôt possible les puissances fascistes et d’assurer l’égalité des droits de tous les peuples.

    Il ne faut pas perdre de vue non plus que, dans certains pays, les antifascistes ont des tâches particulières. Ainsi, dans les pays occupés par les fascistes hitlériens, les ouvriers et les masses travailleuses ont comme tâche l’organisation de la lutte armée contre l’occupant et sa transformation en guerre de libération nationale.

    En même temps, l’union des plus larges masses populaires sans différence de parti, dans la lutte aux côtés des pays de la coalition anti-hitlérienne, a montré que l’essor national et la mobilisation des masses par l’avant-garde ouvrière dans chaque pays peuvent être réalisés de la meilleure façon dans le cadre de chaque État en particulier.

    Déjà, le VIIe Congrès de l’Internationale Communiste, en 1935, avait tenu compte de cette évolution, en relevant la nécessité d’une plus grande souplesse et indépendance des différentes sections de l’Internationale, en soulignant la nécessité pour l’Internationale de tenir compte dans ses décisions des conditions concrètes et des particularités de chaque pays et en décidant d’éviter, en règle générale, l’intervention directe des organes dirigeants de l’Internationale dans les questions d’organisation intérieure des différents partis communistes.

    Sa basant sur ces considérations, l’Internationale Communiste a pris note et agréé, en novembre 1940, la demande du parti communiste des États-Unis de quitter l’Internationale Communiste.

    Les communistes, fidèles aux enseignements des créateurs du marxisme-léninisme, n’ont jamais été partisans du maintien, à tout prix, des formes d’organisation périmées. Ils ont toujours subordonné les formes d’organisation et les méthodes d’action aux intérêts politiques fondamentaux de l’ensemble de la classe ouvrière et aux particularités concrètes de la situation historique donnée ainsi qu’aux tâches qui en découlent.

    Ils se rappellent l’exemple de Karl Marx qui, après que l’Association Internationale des Travailleurs eut rempli ses tâches, ayant comme résultat la création de partis ouvriers nationaux de masses, n’a pas hésité à dissoudre cette première internationale.

    Partant de toutes ces considérations et tenant compte du fait de la croissance et de la maturité politique des partis communistes et de leurs cadres dirigeants dans la plupart des pays, et considérant que les conditions de la guerre actuelle mettent à l’ordre du jour la dissolution de l’Internationale Communiste comme centre dirigeant du mouvement ouvrier, le Présidium du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste, empêchée par les circonstances créées par la guerre mondiale de convoquer un congrès mondial, se permet de soumettre aux sections de l’Internationale la proposition suivante :

    « L’Internationale Communiste comme centre dirigeant du mouvement ouvrier international est dissoute et les sections déliées de leurs obligations créées par le statut et les décisions des congrès de l’Internationale Communiste. »

    « Le Présidium du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste appelle les adhérents de l’Internationale Communiste à mobiliser toutes leurs forces pour le soutien et la participation active à la lutte pour la libération des peuples et des Etats, pour l’écrasement rapide des fascistes hitlériens, de leurs alliés et vassaux. »

    Le Présidium du Comité Exécutif de l’Internationale Communiste

    G. Dimitrov

    O. Kuusinen

    M. Ercoli

    D. Manouilsky

    W. Florin

    A. Marty

    K. Gottwald

    W. Pieck

    V. Kolarov

    M. Thorez

    J. Köplenig

    A. Jdanov

    Ont également signé : Bianco (Italie), Lekhtinin (Finlande), Anna Pauker (Roumanie), Mathias Rakosi (Hongrie)

    >Retour au dossier sur le premier congrès de l’Internationale Communiste

  • L’obsession juridique et la constitution juive du monothéisme primitif

    Le judaïsme est une religion principalement juridique, exactement comme dans l’animisme cosmique. Le judaïsme conserve l’obsession pour les règlements, l’observance de ces règlements, etc.

    C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre l’obsession du judaïsme pour la pureté. Il y a là un rapport direct entre les rituels du judaïsme, et ceux des cultes de l’animisme cosmique.

    Toute l’histoire légendaire du sacrifice par Abraham de son fils Isaac, que Dieu (Élohim) lui ordonne avant de métamorphoser le sacrifice demandé en sacrifiant un animal pourrait être tout aussi bien assumé par n’importe quel autre culte de l’animisme cosmique, y compris même le refus à la dernière minute du sacrifice humain.

    On retrouve par exemple un récit tout à fait semblable dans la mythologie grecque, avec la tentative de sacrifice de Phrysos (dont le nom dérive de celui de bélier en grec) par son propre père.

    Et jusqu’à aujourd’hui, la tradition juive veut que pour Yom Kippour, on fasse pratique de « l’expiation » en faisant… tourner un poulet au-dessus de sa tête, avant qu’il ne soit tué ! La prière dit à cette occasion dit :

    « Voici mon double, voici mon remplaçant, voici mon expiation. Puisse ce coq ou cette poule aller à la mort pendant que je m’engagerai et continuerai une vie heureuse, longue et paisible. »

    On est là très clairement au niveau de l’animisme cosmique. On voit le degré d’interprétations que les rabbins sont obligés d’atteindre pour maintenir un tel édifice religieux en équilibre.

    Le judaïsme, comme animisme-cosmique avancé ne peut être en réalité être poussé complètement au monothéisme, il ne peut qu’y dériver de manière tendancielle, de par l’impossibilité de se couper de sa base même.

    Alors il se tourne vers l’obsession de ses propres interprétations et réinterprétations, se condamnant à un effondrement toujours recommencé, tout en maintenant toujours possible une nouvelle lecture, conforme aux exigences des temps. Cette formidable tragédie dialectique offre une base à son propre dépassement, et c’est bien ainsi que le monothéisme chrétien, comme rupture historique assumée, s’est élancé depuis le judaïsme et depuis le judaïsme seulement.

    La dimension juridique en témoigne. Le monothéisme chrétien, s’il réalise des normes, n’est absolument pas systématique dans chaque moment du quotidien comme le judaïsme, qui en reste aux exigences de l’époque de l’animisme cosmique.

    Cela ne se voit pas chez les pratiquants prenant une distance inavouée. Aujourd’hui, le judaïsme considère que chacun décide dans quelle mesure il sera pratiquant en tant que tel, qu’il n’y a pas à juger ce choix. C’est là une réinterprétation libérale propre au capitalisme ; le judaïsme a largement emprunté son style au protestantisme.

    Mais sinon c’est un véritable catalogue sans fin de règles allant jusqu’à l’ordre pour lacer ses chaussures.

    Car le judaïsme, dans ses fondamentaux, n’a pas d’espace pour un tel libéralisme sur le plan de la pratique. Le judaïsme exige la pratique de la religion parce que la pratique est avant tout la conformité aux préceptes juridiques.

    Elle est même cela uniquement. Peu importe de croire ou pas, il faut suivre les règles. Peu importe qu’on croit ou pas du moment qu’on fasse le Shabbat : telle est la conception dominante.

    Et ces préceptes juridiques sont en adéquation complète avec le « Dieu » qui est ici le même que celui de l’animisme cosmique. Manger cacher n’est pas simplement une exigence, c’est une mise en conformité. Porter une kippa, c’est montrer sa soumission. La circoncision est une marque de l’alliance effective avec le dieu tutélaire. Toutes les fêtes répondent à des périodes de l’année, qui reviennent cycle par cycle.

    La dimension cyclique du judaïsme doit tout à l’animisme cosmique.

    C’est très important, car le monothéisme chrétien, le réel monothéisme, fait disparaître toute conformité juridique avec un Dieu-univers.

    Cette dimension anti-juridique du monothéisme est fondamentale ; en voici un exemple significatif avec ce que raconte Paul, la figure majeure du christianisme, dans l’Épître aux Galates :

    « Je leur exposai l’Évangile que je prêche parmi les païens, je l’exposai en particulier à ceux qui sont les plus considérés, afin de ne pas courir ou avoir couru en vain (…).

    Sachant que ce n’est pas par les œuvres de la loi que l’homme est justifié, mais par la foi en Jésus-Christ, nous aussi nous avons cru en Jésus-Christ, afin d’être justifiés par la foi en Christ et non par les œuvres de la loi, parce que nulle chair ne sera justifiée par les œuvres de la loi.

    Mais, tandis que nous cherchons à être justifiés par Christ, si nous étions aussi nous-mêmes trouvés pécheurs, Christ serait-il un ministre du péché? Loin de là!

    Car, si je rebâtis les choses que j’ai détruites, je me constitue moi-même un transgresseur, car c’est par la loi que je suis mort à la loi, afin de vivre pour Dieu.

    J’ai été crucifié avec Christ; et si je vis, ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi; si je vis maintenant dans la chair, je vis dans la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi.

    Je ne rejette pas la grâce de Dieu; car si la justice s’obtient par la loi, Christ est donc mort en vain. »

    Et Paul de souligner que c’est la fin de cette dimension juridique qui est la base du caractère universel du monothéisme :

    « Si l’héritage venait de la loi, il ne viendrait plus de la promesse; or, c’est par la promesse que Dieu a fait à Abraham ce don de sa grâce.

    Pourquoi donc la loi? Elle a été donnée ensuite à cause des transgressions, jusqu’à ce que vînt la postérité à qui la promesse avait été faite; elle a été promulguée par des anges, au moyen d’un médiateur.

    Or, le médiateur n’est pas médiateur d’un seul, tandis que Dieu est un seul.

    La loi est-elle donc contre les promesses de Dieu? Loin de là! S’il eût été donné une loi qui pût procurer la vie, la justice viendrait réellement de la loi.

    Mais l’Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que ce qui avait été promis fût donné par la foi en Jésus-Christ à ceux qui croient.
    Avant que la foi vînt, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de la foi qui devait être révélée.

    Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi.

    La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue.

    Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ ;

    vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ.

    Il n’y a plus ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. »

    => Retour au dossier sur la constitution juive du monothéisme primitif

  • Dieu, le messie, le début et la fin du monde dans la constitution juive du monothéisme primitif

    Maïmonide (1135-1204) est l’une des figures les plus importantes du judaïsme. Il a formulé treize principes de foi qui sont largement reconnus dans le judaïsme, pourtant totalement fragmenté.

    Ce qu’on lit est absolument frappant et tout à fait conforme à l’idée de bricolage d’un dieu tutélaire mixé avec le dieu-univers. Il n’y a aucune dimension métaphysique, aucune focalisation sur Dieu pourtant être absolu.

    On apprend seulement que Dieu est loin (dieu-univers) et qu’il a fourni des messages par Moïse (dieu tutélaire). C’est un simple appareil pour justifier la « loi orale » des rabbins, qui est ici tout simplement « oublié » !

    « 1- Que le Créateur, béni soit Son nom, est le seul créateur et le seul guide du monde.

    2- Que le Créateur, béni soit Son nom, est unique.

    3- Que le Créateur, béni soit Son nom, ne possède aucun corps, ni aucune forme corporelle.

    4- Que le Créateur, béni soit Son nom, est le Premier et le Dernier.

    5- Que le Créateur, béni soit Son nom, est l’unique objet de nos prières, et nul autre.

    6- Que les propos des Prophètes sont vérité.

    7- Que la prophétie de Moïse, notre maître, sur lui la paix, est vraie, qu’il est et reste le père de tous les prophètes.

    8- Que la Torah que nous possédons est celle transmise à de Moïse, notre maître, sur lui la paix.

    9- Que cette Torah ne sera pas changée contre une autre loi ou doctrine.

    10- Que le Créateur, béni soit Son nom, connaît l’œuvre de l’Homme et ses pensées secrètes.

    11- Que le Créateur, béni soit Son nom, récompense le juste et punit le méchant.

    12- Que le Messie (Machiah) viendra, et bien qu’il tarde à venir, je crois en sa venue.

    13- Que les morts ressusciteront, selon la volonté du Créateur, béni soit Son nom. »

    On notera la question du Messie. Ce thème est inévitable pour des Juifs ayant combiné le dieu tutélaire au dieu-univers afin d’espérer un renversement de situation historique. La construction étant artificielle, il faut un mythe pour permettre un équilibre : c’est l’arrivée hypothétique d’un messie.

    De manière notable ici, le messie est un thème systématique du judaïsme, mais il n’est absolument jamais approfondi ni pris en considération. C’est un objet virtuel pour faire tenir l’édifice, cela est absolument clair.

    C’est même tellement clair que le messie sera un simple humain, qui rétablira le royaume et le Temple. Le Dieu juif est tellement « bloqué » dans sa définition qu’une intervention divine dans la réalité n’est même pas concevable.

    Maïmonide dit ainsi que :

    « Le Roi oint (Melekh HaMashia’h) est destiné à se lever et restaurer le royaume Davidique dans son antique et première souveraineté. Il construira le Temple de Jérusalem et rassemblera les égarés d’Israël.

    Toutes les lois reprendront vigueur en ses jours comme avant : les offrandes sacrificielles seront offertes et les années sabbatiques ainsi que les Jubilés seront tenus, en accord avec tous les préceptes mentionnés dans la Torah. »

    La seule autre option, c’est la reconnaissance de Jésus-Christ. Et ce qui caractérise le judaïsme, c’est précisément le refus de voir en Jésus le « Fils de Dieu », « Dieu » lui-même.

    Si c’est absolument inconcevable pour les Juifs, c’est qu’ils en restent à la conception de l’animisme cosmique d’un Dieu inéluctablement transcendant, avec qui aucun « lien » ne peut être tissé. Et cela, même si paradoxalement leur dieu tutélaire a pris les traits de ce dieu-univers !

    Même le messie ne peut donc rien porter de divin. Le Dieu des Juifs relève encore et toujours de l’animisme cosmique, il consiste en l’univers, le mouvement de l’univers ou plus exactement l’énergie de l’univers. Il reste le Manitou amérindien, le Brahman du brahmanisme, le Teotl aztèque, etc.

    Cela se voit, à ce niveau, avec l’absence de fin historique. C’est un aspect particulièrement frappant.

    L’animisme cosmique considère toujours que le monde matériel accompagne l’existence d’un Dieu-univers absolu et « énergétique ». Il peut donc y avoir des catastrophes d’ampleur mondiale, mais le flux est continu et il ne saurait pour cette raison y avoir de fin du monde.

    Le christianisme, comme monothéisme accompli, souligne forcément, à l’inverse la fin du monde.

    Le judaïsme, comme monothéisme primitif, reste lié sur ce plan à l’animisme cosmique. La fin de temps ne change strictement rien à la nature du monde. Le messie arrive, Israël est rétabli sur son territoire historique et se voit accorder une reconnaissance mondiale, et les choses continuent comme avant, même si désormais dans la « paix » divine marquée par l’harmonie et la prospérité.

    C’est là qu’on voit que le monothéisme juif n’est pas complet. Il y a bien un début, mais il n’y a pas de fin. Il y a bien un début comme le monothéisme, mais il n’y a pas de fin tout comme dans l’animisme cosmique.

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  • La clef du monothéisme juif : la chronologie

    Il faut établir d’une part la clef du monothéisme juif et, d’autre part, vérifier ensuite si cette clef est juste en regardant le judaïsme lui-même. La première chose est donc de regarder les modalités historiques pour voir la dialectique à l’œuvre.

    Selon la Bible, les Juifs arrivés en Terre promise sont divisés en tribus et ont perdu la Loi donnée par Dieu par l’intermédiaire de Moïse. Elle explique que les Juifs connaissent alors des troubles en raison de la non-observance de la loi de Moïse, tout en étant dirigés par des chefs de guerre, des « juges ».

    En réalité, les Juifs n’avaient pas encore « reçu » cette loi, bien évidemment. Il s’agit là d’une reconstruction théologique a posteriori. Et les « juges », ce sont simplement les dirigeants des clans et tribus.

    Rappelons ici au passage qu’il n’y a aucune trace archéologique de l’esclavage des Juifs en Égypte. Qui plus est, la Terre promise était justement à l’époque une province égyptienne, ce que la Bible « oublie » de mentionner.

    Fresque avec Moïse et le buisson ardent, synagogue de Doura Europos, Syrie, milieu du 3e siècle

    Ce qui s’est passé, c’est que des populations locales, avec éventuellement une immigration, ont connu une centralisation typique de cette période de l’histoire. Les douze tribus d’Israël étant toujours mentionnées, sans doute s’agissait-il d’ailleurs d’une entité fédérative.

    Pour qu’elles aient pu se fédérer, l’Égypte a dû perdre le contrôle de la zone, ou faire avec pendant au moins un temps.

    Ce processus d’unification est présenté par la Bible de la manière suivante : Dieu « accorde » une monarchie aux Juifs, afin qu’ils soient comme les autres peuples, et non plus simplement divisés et dépendant des « juges ».

    Il est prétendu que Dieu choisit le roi. C’est là sans doute une nécessité symbolique pour que l’ensemble des tribus donne son aval. On parle vraisemblablement par ailleurs du dieu-univers : le roi était choisi par les tribus et cela relevait du « destin » cosmique.

    Les premiers rois sont alors Saül, David et Salomon. Ce dernier construit alors le grand Temple.

    Traduction historique : c’est la formation d’une Cité-État. On est ici dans la période qui va de 1030 à 931 avant notre ère.

    Etoile de David, Capharnaüm, 2e siècle

    Est-il réellement possible qu’on ait affaire, dès le départ, à un monothéisme ? Absolument pas. À moins de croire en le message biblique et en la religion, il n’y a aucune raison de penser qu’on n’est pas ici dans le schéma classique d’une Cité-État, avec un polythéisme caractérisé par un dieu tutélaire, ainsi qu’un dieu-univers de nature « énergétique » fonctionnant à l’arrière-plan.

    D’ailleurs, après ces trois rois, il y a une scission et deux royaumes se revendiquant de YHWH-tutélaire : le royaume de Juda d’un côté, et le royaume d’Israël de l’autre.

    C’est bien la preuve que l’unification initiale des tribus n’était pas si puissante, et d’ailleurs des historiens doutent même que la monarchie des premiers rois ait existé. Et il est vrai qu’il est étrange que si le royaume de Juda est centré sur Jérusalem, le royaume d’Israël dispose de deux centres religieux qui lui sont propres, tout au nord et tout au sud du pays, Béthel et Dan.

    De plus, on sait par l’archéologie que dans le royaume d’Israël, d’autres dieux que YHWH étaient vénérés, tels El, Baal, Ashéré, Ashtar, Shagar, etc. On retrouve notamment le nom du dieu El dans les prénoms Israël, Daniel, Samuel, Michaël, etc.

    Et comme vu, dans le Livre des Rois, il est clairement dit que, jusqu’à l’intervention de Josias au 7e siècle avant notre ère, on trouvait dans le royaume de Juda une pléthore de dieux.

    On n’a ainsi pas de monothéisme. On a YHWH comme dieu tutélaire.

    Comme on sait qu’ensuite, en théorie, le monothéisme arrive, fort logiquement, on devrait alors s’attendre cependant au succès des deux royaumes. On s’imagine qu’il va y avoir une accumulation de conquêtes et une uniformisation des mœurs, des mentalités, du culte religieux, et qu’on va aboutir à un culte unique d’un dieu unique.

    Or, ce n’est pas du tout le cas. L’existence de ces deux royaumes est très rapidement précaire. S’il y a une petite phase d’expansion, ce sont surtout des troubles permanents et la soumission qui forment la norme.

    Les principaux événements sont les conflits avec les Assyriens, qui envahissent même le royaume d’Israël en 720 et le démantèlent !

    (Wikipédia)

    Les habitants de ce royaume sont en partie déportés, d’autres rejoignent le royaume de Juda. Cela va donner naissance aux Samaritains, des Juifs qui considèrent que plus rien ne peut être ajouté à la religion. Le judaïsme actuel intègre inversement des textes de divers « prophètes » mineurs qui vont émerger par la suite.

    Le royaume de Juda se maintient, mais en mauvaise posture, avec la dépendance à l’Égypte et à Babylone. En 586 avant notre ère, la capitale du royaume de Juda, Jérusalem, est même détruite par Babylone et l’élite y est déportée jusqu’en 538, au moment où la Perse triomphe de Babylone.

    Autrement dit, de 1030 à 538 avant notre ère, les Juifs n’ont été en mesure que d’établir un petit royaume qui est immédiatement devenu la cible de puissances régionales plus importantes. Il n’y a eu aucun saut qualitatif qui justifierait l’irruption du monothéisme.

    La domination de Babylone (wikipédia)

    Faut-il considérer que l’exil à Babylone de l’élite juive a été un phénomène majeur en ce sens ?

    L’exil n’a toutefois duré que cinquante ans et dans un cadre de soumission, donc on pourrait penser que non. Deux aspects jouent toutefois en ce sens.

    Tout d’abord, le temple est reconstruit, en l’an 516 avant notre ère.

    Ensuite, la Bible nous explique elle-même qu’il y a eu un conflit de légitimité au retour de l’élite, celle-ci considérant que les non déportés n’avaient pas leur mot à dire. La Perse, la nouvelle puissance dominante avec à sa tête Artaxerxès I, fit alors le ménage en demandant à Ezra (souvent appelé Esdras en français) de réorganiser les Juifs.

    C’est ce qu’il fit en établissant une Grande Assemblée de 120 sages et en établissant une stricte orthodoxie excluant les femmes non juives avec qui s’étaient mariés des hommes non déportés.

    Cette reprise en main de la religion, alors que tout s’était effondré, implique une relecture particulièrement forcée des choses. Le YHWH comme dieu tutélaire a dû être particulièrement mis en avant, mais comme il avait « échoué » à protéger les Juifs, il fallait le renforcer dans sa dimension.

    La Perse avait apparemment intérêt à cela pour la stabilité régionale. On a littéralement une remise en vie artificielle de Juda.

    Codex de Léningrad (1008), plus ancienne copie complète du texte massorétique de la Bible juive

    Cela se vérifie si on regarde la suite. En -332, les Juifs passent sous domination grecque séleucide, à la suite d’Alexandre le grand). L’impact culturel est alors immense, relativisé toutefois par l’effondrement grec qui permet une courte indépendance, de -168 à 63.

    Suit alors la domination romaine et, comme on le sait, l’émergence de Jésus-Christ et du christianisme.

    On peut alors y voir plus clair, car une scission a alors lieu chez les Juifs.

    Les Pharisiens veulent que les Juifs se maintiennent coûte que coûte. Ils se ferment sur eux-mêmes et pour ce faire se revendiquent des traditions, d’une « loi orale » ayant autant d’importance que la Torah. Ils vont produire le judaïsme.

    Les Sadducéens représentent l’élite religieuse, qui veut collaborer avec les Romains. Ils se feront éliminer au fur et à mesure par les indépendantistes Juifs formant l’aile dure des Pharisiens : les zélotes et les sicaires.

    On sait très peu de choses des Sadducéens, voire même pratiquement rien. Mais comme ils existaient au moment de Jésus-Christ, certaines conceptions sont soulignées. Les Pharisiens :

    – nient l’intervention divine dans la vie quotidienne ;

    – nient la résurrection des morts et d’ailleurs l’âme du défunt passe dans un au-delà indifférencié ;

    – nient les anges et les démons.

    Il est ici absolument clair que les Pharisiens parlent ici du dieu-univers de l’animisme cosmique. Dans le mélange dieu-univers / dieu-tutélaire, ils représentent l’aspect dieu-univers comme principal.

    D’où leur acceptation d’une soumission nationale : le dieu tutélaire n’est plus vraiment tutélaire. C’est une sorte de dieu venu du polythéisme ayant pris des traits du dieu-univers. C’est le monothéisme tels que les chercheurs traditionnels le voient, en quelque sorte.

    Les Sadducéens penchent inversement du côté du dieu-tutélaire. Et pour le sauver coûte que coûte, il faut faire du dieu-univers son arrière-plan virtuel, et former un nouvel aspect : une loi orale pour que se débarrasse tout l’équilibre artificiel de YHWH dieu-tutélaire/dieu-univers.

    Quant à Jésus-Christ, il résout la contradiction de manière productive, en prenant sur lui d’inverser le rapport : ce n’est plus le dieu-tutélaire qui grimpe vers le dieu-univers, mais le dieu-univers qui s’incarne, se débarrassant du dieu tutélaire venu du polythéisme pour, en fait, prendre sa place comme monothéisme.

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  • La personnalisation de YHWH : Josias

    Il faut regarder maintenant un aspect très important : la personnalisation de YHWH. Une telle personnalisation est en effet en contradiction avec l’animisme cosmique pour qui le dieu-univers est impersonnel, indéfinissable, à l’écart du monde qu’il alimente en énergie et que, en définitive, il est lui-même.

    Dans le Livre des Rois, on trouve ce passage mêlant dieu-univers et Dieu personnel :

    « [Le roi de Juda] Ezéchias prit la lettre de la main des messagers, et la lut. Puis il monta à la maison de l’Éternel, et la déploya devant l’Éternel, qui il adressa cette prière: Éternel, Dieu d’Israël, assis sur les chérubins!

    C’est toi qui es le seul Dieu de tous les royaumes de la terre, c’est toi qui as fait les cieux et la terre.

    Éternel! incline ton oreille, et écoute. Éternel! ouvre tes yeux, et regarde.

    Entends les paroles de Sanchérib [roi d’Assyrie], qui a envoyé Rabschaké [c’est-à-dire un haut officier militaire] pour insulter au Dieu vivant.

    Il est vrai, ô Éternel! que les rois d’Assyrie ont détruit les nations et ravagé leurs pays, et qu’ils ont jeté leurs dieux dans le feu; mais ce n’étaient point des dieux, c’étaient des ouvrages de mains d’homme, du bois et de la pierre; et ils les ont anéantis.

    Maintenant, Éternel, notre Dieu! délivre-nous de la main de Sanchérib, et que tous les royaumes de la terre sachent que toi seul es Dieu, ô Éternel! »

    Dans ce passage, on s’adresse à YHWH et on veut qu’il intervienne. Cela signifie qu’ici, YHWH n’est normalement pas le dieu-univers de l’animisme cosmique, mais un dieu servant de patron, comme chaque Cité-État en a toujours un.

    Ce dieu coexiste en théorie avec d’autres dieux, tout en étant le dieu principal, spécifique. Là il se voit attribuer des éléments supérieurs pourtant, au niveau du dieu-univers. C’est notable.

    Et, dans le Livre des Rois, encore, on a la figure de Josias, qui est tout à fait essentiel. Il a vécu de 640 à 609, c’est un roi, celui du royaume de Juda.

    Il est raconté que, contrairement à son grand-père Manassé qui avait placé des autels pour le dieu Baal et même mis en poteau sacré pour déesse Ashera dans le grand temple, lui restaura celui-ci, alors que son or pour les décorations avait été remis aux Assyriens.

    Et à l’occasion de cette rénovation du temple, Josias fit la découverte d’un « ouvrage », qui est un document par ailleurs non défini soulignant l’alliance de YHWH avec les Juifs. Il en profite pour liquider les autres dieux.

    Voici ce que dit le Livre des Rois :

    « Le roi Josias fit assembler auprès de lui tous les anciens de Juda et de Jérusalem.

    Puis il monta à la maison de l’Éternel, avec tous les hommes de Juda et tous les habitants de Jérusalem, les sacrificateurs, les prophètes, et tout le peuple, depuis le plus petit jusqu’au plus grand.

    Il lut devant eux toutes les paroles du livre de l’alliance, qu’on avait trouvé dans la maison de l’Éternel.

    Le roi se tenait sur l’estrade, et il traita alliance devant l’Éternel, s’engageant à suivre l’Éternel, et à observer ses ordonnances, ses préceptes et ses lois, de tout son cœur et de toute son âme, afin de mettre en pratique les paroles de cette alliance, écrites dans ce livre. Et tout le peuple entra dans l’alliance.

    Le roi ordonna à Hilkija, le souverain sacrificateur, aux sacrificateurs du second ordre, et à ceux qui gardaient le seuil, de sortir du temple de l’Éternel tous les ustensiles qui avaient été faits pour Baal, pour Astarté, et pour toute l’armée des cieux ; et il les brûla hors de Jérusalem, dans les champs du Cédron, et en fit porter la poussière à Béthel.

    Il chassa les prêtres des idoles, établis par les rois de Juda pour brûler des parfums sur les hauts lieux dans les villes de Juda et aux environs de Jérusalem, et ceux qui offraient des parfums à Baal, au soleil, à la lune, au zodiaque et à toute l’armée des cieux.

    Il sortit de la maison de l’Éternel l’idole d’Astarté, qu’il transporta hors de Jérusalem vers le torrent de Cédron ; il la brûla au torrent de Cédron et la réduisit en poussière, et il en jeta la poussière sur les sépulcres des enfants du peuple.

    Il abattit les maisons des prostitués qui étaient dans la maison de l’Éternel, et où les femmes tissaient des tentes pour Astarté.

    Il fit venir tous les prêtres des villes de Juda ; il souilla les hauts lieux où les prêtres brûlaient des parfums, depuis Guéba jusqu’à Beer-Schéba ; et il renversa les hauts lieux des portes, celui qui était à l’entrée de la porte de Josué, chef de la ville, et celui qui était à gauche de la porte de la ville.

    Toutefois les prêtres des hauts lieux ne montaient pas à l’autel de l’Éternel à Jérusalem, mais ils mangeaient des pains sans levain au milieu de leurs frères.

    Le roi souilla Topheth dans la vallée des fils de Hinnom, afin que personne ne fît plus passer son fils ou sa fille par le feu en l’honneur de Moloc.

    Il fit disparaître de l’entrée de la maison de l’Éternel les chevaux que les rois de Juda avaient consacrés au soleil, près de la chambre de l’eunuque Nethan-Mélec, qui demeurait dans le faubourg ; et il brûla au feu les chars du soleil.

    Le roi démolit les autels qui étaient sur le toit de la chambre haute d’Achaz et que les rois de Juda avaient faits, et les autels qu’avait faits Manassé dans les deux parvis de la maison de l’Éternel ; après les avoir brisés et enlevés de là, il en jeta la poussière dans le torrent de Cédron.

    Le roi souilla les hauts lieux qui étaient en face de Jérusalem, sur la droite de la montagne de perdition, et que Salomon, roi d’Israël, avait bâtis à Astarté, l’abomination des Sidoniens, à Kemosch, l’abomination de Moab, et à Milcom, l’abomination des fils d’Ammon.

    Il brisa les statues et abattit les idoles, et il remplit d’ossements d’hommes la place qu’elles occupaient.

    Il renversa aussi l’autel qui était à Béthel, et le haut lieu qu’avait fait Jéroboam, fils de Nebath, qui avait fait pécher Israël ; il brûla le haut lieu et le réduisit en poussière, et il brûla l’idole.

    Josias, s’étant tourné et ayant vu les sépulcres qui étaient là dans la montagne, envoya prendre les ossements des sépulcres, et il les brûla sur l’autel et le souilla, selon la parole de l’Éternel prononcée par l’homme de Dieu qui avait annoncé ces choses (…).

    De plus, Josias fit disparaître ceux qui évoquaient les esprits et ceux qui prédisaient l’avenir, et les théraphim, et les idoles, et toutes les abominations qui se voyaient dans le pays de Juda et à Jérusalem, afin de mettre en pratique les paroles de la loi, écrites dans le livre que le sacrificateur Hilkija avait trouvé dans la maison de l’Éternel.

    Avant Josias, il n’y eut point de roi qui, comme lui, revînt à l’Éternel de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa force, selon toute la loi de Moïse ; et après lui, il n’en a point paru de semblable.

    Toutefois l’Éternel ne se désista point de l’ardeur de sa grande colère dont il était enflammé contre Juda, à cause de tout ce qu’avait fait Manassé pour l’irriter.

    Et l’Éternel dit : J’ôterai aussi Juda de devant ma face comme j’ai ôté Israël, et je rejetterai cette ville de Jérusalem que j’avais choisie, et la maison de laquelle j’avais dit : Là sera mon nom. »

    Il y a ici quelque chose d’incompréhensible : si Josias était si bien qu’avant lui aucun roi n’avait été si bien, ni après lui, pourquoi alors détruire son royaume ? Pourquoi le grand nettoyage du Temple n’a-t-il pas amené dans le bon sens ?

    Il ne peut y avoir qu’une raison : le texte intervient a posteriori, la figure de Josias est modifiée pour être réutilisé avec une fonction précise.

    Laquelle ?

    En fait, ce qu’on devine, c’est que Josias met en avant YHWH comme patron de la Cité-État.

    Ce qu’a fait Josias, c’est remettre de l’ordre face aux influences des autres Cités-États, des autres empires, des autres cultures et religions locales. Il a procédé à la recentralisation de la Cité-État.

    On a ce faisant un moment clef : celui où la confusion commence à opérer entre le dieu tutélaire des Juifs et le dieu-univers. La confusion a comme sens politique à l’arrière-plan de maintenir la Cité-État en disant que si le dieu tutélaire a échoué, il a en fait une « dimension » plus grande qu’on s’imaginait.

    La prétendue « alliance » – justifiée par la « découverte » d’un texte de la plus haute importance en nettoyant le Temple – est le moyen de former cette contradiction dieu-tutélaire / dieu-univers.

    Le dieu-univers descend d’un cran et a « choisi » un peuple : il ne faut donc pas s’inquiéter outre mesure !

    Fresque avec la fille du pharaon récupérant Moïse nourrisson, synagogue de Doura Europos, Syrie, milieu du 3e siècle

    C’est là que commence le problème théologique. Car il y a une contradiction, qui produit le judaïsme : le YHWH de la Genèse est clairement le dieu-univers de l’animisme cosmique, alors que le YHWH de Josias est un dieu parmi d’autres, mais le dieu tutélaire de la Cité-État qui voit son champ d’importance être élargi.

    En utilisant l’alliance comme moyen de faire « descendre » le dieu-univers, Josias ouvre la voie à une confusion générale, à une assimilation du dieu tutélaire YHWH au dieu univers YHWH – on peut se douter qu’à la base les deux avaient deux noms différents, tenant peut-être à une simple différence de voyelles.

    L’assimilation de l’un à l’autre s’est toujours plus approfondie avec la crise générale de la situation politico-religieuse des Juifs.

    Ceux-ci ont été obligés de confondre leur dieu tutélaire avec le dieu-univers à l’arrière-plan….

    Non pas parce qu’ils sont allés en avant, vers le monothéisme, par la centralisation, l’unification, la synthèse… Mais justement parce qu’ils sont repartis en arrière, dans un mouvement de décomposition, et qu’ils ont tenté de s’y opposer.

    L’histoire des royaumes juifs, marginaux, faibles, écrasés, sans importance historique aucune, a produit une révolte contre cette histoire, et l’assimilation du dieu tutélaire et du dieu-univers.

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  • L’arche d’alliance et sa « disparition »

    La question de l’alliance entre les Juifs et Dieu est très facile à comprendre si l’on part de l’animisme cosmique. L’erreur qui a toujours été faite a été de considérer qu’un dieu « total » s’adresse aux Hébreux. Or, dans le polythéisme, le seul dieu « total » est le dieu-univers impersonnel.

    Il existe à l’arrière-plan, il est peu vénéré, il n’existe que comme énergie vitale. Tout ce qui existe n’existe que par ce dieu-univers et, en dernier ressort, est ce dieu-univers.

    Un tel dieu, éternel, ne peut pas se tourner vers un peuple.

    Il faudrait alors se tourner vers le dieu YHWH comme dieu parmi d’autres dieux. On aurait alors un dieu parmi d’autres dieux faisant l’acquisition d’une nature suprême.

    Sauf qu’il faudrait expliquer pourquoi un dieu particulier aux Hébreux se tournerait vers eux, alors qu’à la base il le fait déjà. Et pourquoi deviendrait-il suprême s’il ne l’était pas ?

    Maintenant regardons l’arche d’alliance, que Dieu demande que les Hébreux construisent. On sait à quel point cette arche est symboliquement importante. Et pourtant, à un moment elle disparaît de la Bible !

    Lorsque le Temple est détruit une première fois, en 586 avant notre ère, il n’en est plus parlé. Même la tradition juive n’en sait rien !

    C’est tout de même extrêmement incohérent. Surtout que la Bible, dans le livre de l’Exode, présente une avalanche de détails pour sa construction. Voici l’extrait concerné, extrêmement long, mais c’est pour bien voir son foisonnement et sa prétention.

    Le Seigneur parla à Moïse. Il dit :

    « Dis aux fils d’Israël de prélever pour moi une contribution. Vous la recevrez de tout homme que son cœur y incitera.

    Voici la contribution que vous recevrez d’eux : de l’or, de l’argent et du bronze,

    de la pourpre violette et de la pourpre rouge, du cramoisi éclatant, du lin et du poil de chèvre,

    des peaux de bélier teintes en rouge, du cuir fin et du bois d’acacia,

    de l’huile pour le luminaire, du baume pour l’huile de l’onction et de l’encens aromatique,

    des pierres de cornaline et des pierres pour orner l’éphod et le pectoral.

    Ils me feront un sanctuaire et je demeurerai au milieu d’eux.

    Je vais te montrer le modèle de la Demeure et le modèle de tous ses objets : vous les reproduirez exactement.

    On fera une arche en bois d’acacia de deux coudées et demie de long sur une coudée et demie de large et une coudée et demie de haut.

    Tu la plaqueras d’or pur à l’intérieur et à l’extérieur, et tu l’entoureras d’une moulure en or.

    Tu couleras quatre anneaux d’or que tu attacheras aux quatre pieds de l’arche : deux anneaux sur un côté, deux anneaux sur l’autre.

    Tu feras des barres en bois d’acacia, tu les plaqueras d’or

    et tu les introduiras dans les anneaux des côtés de l’arche pour pouvoir la porter.

    Les barres resteront dans les anneaux de l’arche ; elles n’en seront pas retirées.

    Tu placeras dans l’arche le Témoignage que je te donnerai.

    Puis tu feras en or pur un couvercle, le propitiatoire, long de deux coudées et demie et large d’une coudée et demie.

    Ensuite tu forgeras deux kéroubim [anges mêlant une forme de lion, de taureau, d’oiseau et d’homme] en or à placer aux deux extrémités du propitiatoire.

    Fais un kéroub à une extrémité, et l’autre kéroub à l’autre extrémité ; vous ferez donc les kéroubim aux deux extrémités du propitiatoire.

    Les kéroubim auront les ailes déployées vers le haut et protégeront le propitiatoire de leurs ailes. Ils se feront face, le regard tourné vers le propitiatoire.

    Tu placeras le propitiatoire sur le dessus de l’arche et, dans l’arche, tu placeras le Témoignage que je te donnerai.

    C’est là que je te laisserai me rencontrer ; je parlerai avec toi d’au-dessus du propitiatoire entre les deux kéroubim situés sur l’arche du Témoignage ; là, je te donnerai mes ordres pour les fils d’Israël.

    Puis tu feras une table en bois d’acacia, longue de deux coudées, large d’une coudée et haute d’une coudée et demie.

    Tu la plaqueras d’or pur et tu l’entoureras d’une moulure en or.

    Tu feras des entretoises de la largeur d’une main et tu les entoureras d’une moulure en or.

    Tu feras quatre anneaux d’or que tu mettras aux quatre angles formés par les quatre pieds.

    Ces anneaux seront placés près des entretoises, pour loger les barres servant à porter la table.

    Tu feras des barres en bois d’acacia et tu les plaqueras d’or ; elles serviront à porter la table.

    Tu feras des plats, des gobelets, des aiguières et des timbales pour les libations. Tu les feras en or pur.

    Et sur la table, tu placeras face à moi le pain qui m’est destiné, perpétuellement.

    Puis tu feras un chandelier en or pur. Le chandelier sera forgé : base, tige, coupes, boutons et fleurs feront corps avec lui.

    Six branches s’en détacheront sur les côtés : trois d’un côté et trois de l’autre.

    Sur une branche, trois coupes en forme d’amande avec bouton et fleur et, sur une autre branche, trois coupes en forme d’amande avec bouton et fleur ; de même pour les six branches sortant du chandelier.

    Le chandelier lui-même portera quatre coupes en forme d’amande avec boutons et fleurs :

    un bouton sous les deux premières branches issues du chandelier, un bouton sous les deux suivantes et un bouton sous les deux dernières ; ainsi donc pour les six branches qui sortent du chandelier.

    Boutons et branches feront corps avec le chandelier qui sera tout entier forgé d’une seule pièce, en or pur.

    Ensuite, tu lui feras sept lampes. On allumera les lampes de manière à éclairer l’espace qui est devant lui.

    Ses pincettes et ses porte-lampes seront en or pur.

    Il te faudra un lingot d’or pur pour le chandelier et tous ses accessoires.

    Regarde et exécute selon le modèle qui t’a été montré sur la montagne.

    Pour construire la Demeure, tu feras dix tentures de lin retors, pourpre violette, pourpre rouge et cramoisi éclatant ; tu y broderas des kéroubim: ce sera une œuvre d’artiste.

    Chaque tenture mesurera vingt-huit coudées de long et quatre de large. Toutes les tentures auront les mêmes dimensions.

    Cinq tentures seront assemblées l’une à l’autre, et les cinq autres également.

    Tu feras des lacets de pourpre violette au bord de la première tenture, à l’extrémité de l’assemblage, et tu feras de même au bord de la dernière tenture du deuxième assemblage.

    Tu mettras cinquante lacets à la première tenture et cinquante lacets à l’extrémité de la tenture du deuxième assemblage, les lacets s’attachant l’un à l’autre.

    Tu feras cinquante agrafes en or, tu assembleras les tentures l’une à l’autre par les agrafes. Ainsi, la Demeure sera d’un seul tenant.

    Ensuite, pour former une tente au-dessus de la Demeure, tu feras onze tentures en poil de chèvre.

    Chaque tenture mesurera trente coudées de long et quatre coudées de large. Les onze tentures auront les mêmes dimensions.

    Tu assembleras cinq tentures à part, puis six tentures à part, et tu replieras la sixième tenture sur le devant de la tente.

    Tu feras cinquante lacets au bord d’une première tenture, la dernière de l’assemblage, et cinquante lacets au bord de la même tenture du deuxième assemblage.

    Tu feras cinquante agrafes de bronze, tu introduiras les agrafes dans les lacets pour assembler la tente d’un seul tenant.

    De ce qui retombe en surplus des tentures, une moitié de la tenture en surplus retombera sur l’arrière de la Demeure.

    Et, dans le sens de la longueur des tentures, une coudée en surplus retombera, de part et d’autre, sur les côtés de la Demeure pour la couvrir.

    Enfin tu feras pour la tente une couverture en peaux de béliers teintes en rouge, et une autre en cuir fin à mettre par-dessus.

    Puis tu feras pour la Demeure des cadres en bois d’acacia, dressés debout.

    Ils mesureront dix coudées de long et une coudée et demie de large.

    Un cadre sera assemblé par deux tenons jumelés : ainsi feras-tu pour tous les cadres de la Demeure.

    Tu disposeras les cadres pour la Demeure comme suit : vingt en direction du Néguev, au sud ;

    et tu feras quarante socles en argent sous les vingt cadres : deux socles sous un cadre pour ses deux tenons, puis deux socles sous un autre cadre pour ses deux tenons.

    Pour le deuxième côté de la Demeure, tu disposeras, en direction du nord, vingt cadres

    avec leurs quarante socles en argent : deux socles sous un cadre et deux socles sous un autre cadre.

    Et pour le fond de la Demeure, vers l’ouest, tu feras six cadres ;

    tu feras aussi deux cadres comme contreforts de la Demeure, au fond ;

    ils seront jumelés à leur base et le seront également au sommet, à la hauteur du premier anneau : ainsi en sera-t-il pour eux deux, ils seront comme deux contreforts.

    Il y aura donc huit cadres, avec leurs socles en argent, soit seize socles : deux socles sous un cadre et deux socles sous un autre cadre.

    Puis tu feras des traverses en bois d’acacia : cinq pour les cadres du premier côté de la Demeure,

    cinq pour les cadres du deuxième côté de la Demeure, cinq pour les cadres qui forment le fond de la Demeure vers l’ouest ;

    tu feras aussi la traverse médiane, à mi-hauteur des cadres, traversant la Demeure d’un bout à l’autre.

    Les cadres, tu les plaqueras d’or, tu feras en or leurs anneaux pour loger les traverses, et les traverses, tu les plaqueras d’or.

    Tu dresseras la Demeure d’après la règle qui t’a été montrée sur la montagne.

    Puis tu feras un rideau de pourpre violette, pourpre rouge, cramoisi éclatant et lin retors ; ce sera une œuvre d’artiste : on y brodera des kéroubim.

    Tu le fixeras à quatre colonnes en acacia et tu les plaqueras d’or, munies de crochets en or et posées sur quatre socles en argent.

    Tu fixeras le rideau sous les agrafes et là, derrière le rideau, tu introduiras l’arche du Témoignage. Le rideau marquera pour vous la séparation entre le Sanctuaire et le Saint des saints.

    Tu placeras le propitiatoire sur l’arche du Témoignage dans le Saint des saints.

    À l’extérieur du rideau, tu poseras la table et, en face d’elle, le chandelier: la table côté nord de la Demeure, et le chandelier côté sud.

    Enfin, pour l’entrée de la tente, tu feras un voile en pourpre violette, pourpre rouge, cramoisi éclatant et lin retors : ce sera une œuvre d’artisan brocheur.

    Tu feras, pour le voile, cinq colonnes en acacia et tu les plaqueras d’or, tu les muniras de crochets en or, et tu couleras pour elles cinq socles en bronze.

    Puis tu feras l’autel en bois d’acacia. L’autel aura cinq coudées de long, cinq coudées de large, – sa base sera donc carrée – et trois coudées de haut.

    Tu feras des cornes aux quatre angles de l’autel, et ses cornes feront corps avec lui. Tu le plaqueras de bronze.

    Tu feras les vases pour recueillir les cendres grasses, les pelles, les bols pour l’aspersion, les fourchettes et les brûle-parfums : tous ces accessoires, tu les feras en bronze.

    Tu lui feras une grille de bronze en forme de filet, munie de quatre anneaux de bronze aux quatre extrémités.

    Tu la mettras sous la bordure de l’autel, en bas ; la grille sera à mi-hauteur de l’autel.

    Tu feras pour l’autel des barres en bois d’acacia et tu les plaqueras de bronze.

    On les engagera dans les anneaux et elles seront placées sur les deux côtés de l’autel pour le porter.

    Tu le feras creux, en planches. Comme il te fut montré sur la montagne, c’est ainsi que l’on fera.

    Tu feras le parvis de la Demeure. Du côté du Néguev, au sud, le parvis aura des toiles en lin retors, sur une longueur de cent coudées pour un seul côté.

    Ses vingt colonnes et leurs vingt socles seront en bronze; les crochets des colonnes et leurs tringles, en argent.

    De même, du côté nord, sur toute sa longueur, le parvis aura des toiles longues de cent coudées, vingt colonnes et leurs vingt socles en bronze; les crochets des colonnes et leurs tringles seront en argent.

    En largeur, du côté ouest, le parvis aura des toiles sur cinquante coudées, avec leurs dix colonnes et leurs dix socles.

    La largeur du parvis du côté de l’est, vers le levant, sera de cinquante coudées ;

    il y aura quinze coudées de toiles sur une aile, avec leurs trois colonnes et leurs trois socles,

    et, sur la deuxième aile, quinze coudées de toiles, avec leurs trois colonnes et leurs trois socles.

    Pour la porte du parvis, il y aura un voile de vingt coudées, en pourpre violette, pourpre rouge, cramoisi éclatant et lin retors – œuvre d’artisan brocheur –, avec leurs quatre colonnes et leurs quatre socles.

    Toutes les colonnes du parvis seront réunies par des tringles en argent ; leurs crochets seront en argent et leurs socles en bronze.

    La longueur du parvis sera de cent coudées, sa largeur de cinquante, et sa hauteur de cinq – les socles seront en bronze.

    Tous les accessoires utilisés pour le service de la Demeure, tous ses piquets et les piquets du parvis seront en bronze.

    Tu ordonneras également aux fils d’Israël de te procurer, pour le luminaire, de l’huile d’olive limpide et vierge, pour que, perpétuellement, monte la flamme d’une lampe.

    C’est dans la tente de la Rencontre, à l’extérieur du rideau qui abrite le Témoignage, que la disposeront Aaron et ses fils, pour qu’elle soit du soir au matin devant le Seigneur : c’est un décret perpétuel, de génération en génération, pour les fils d’Israël.

    Ce décret perpétuel n’a pas fonctionné. C’est d’autant plus important que Dieu dit: « ils me feront un sanctuaire et je demeurerai au milieu d’eux ».

    Quelque chose ne colle pas. Comme on sait en plus qu’au moment de l’exode, la Terre promise était dans l’empire égyptien, ce que la Bible ne mentionne pas…

    Qu’on a aucune trace archéologique de l’exode, aucune trace de cela chez les Égyptiens, et que jamais 600 000 personnes ne peuvent se balader ainsi sans se faire remarquer…

    Alors on comprend que l’alliance est un texte à la fois mythique et fonctionnel.

    Autrement dit, le texte a une base réelle. Il correspond au culte de YHWH comme dieu-tutélaire, c’est un mythe justificatif.

    Mais ce dieu tutélaire a échoué, la destruction du Temple en fait foi, et l’arche a disparu de la Bible à ce moment-là.

    Pourquoi a-t-elle disparu ? Parce qu’elle était liée au dieu tutélaire. Pourquoi n’a-t-elle pas été effacée de la Bible ? Car il y en avait besoin de manière fonctionnelle.

    Il fallait en effet prétendre que si les Juifs ont échoué, c’est qu’ils ont réussi, car l’ordre du monde – le dieu – univers – leur a confié une « mission ».

    Mais pour qu’il leur confie spécifiquement une mission, il faut qu’il y ait un lien. C’est là où le dieu-tutélaire a été récupéré et mixé avec le dieu-univers.

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  • YHWH dans la constitution juive du monothéisme primitif

    Il faut vérifier si dans la Torah on trouve bien des éléments permettant de bien cerner YHWH comme le dieu-univers et Élohim comme « les dieux ». Si c’est le cas, la Torah est bien le dépassement de l’animisme cosmique, du moins une tentative en ce sens.

    On notera ici une erreur commise par les historiens bourgeois. Ils cherchent dans le passé un dieu (parmi d’autres, donc) du nom de YHWH qui préfigurerait le Dieu juif. Or, dans l’animisme cosmique, il y a toujours une entité cosmique impersonnelle fournissant l’énergie vitale et elle n’est pas vénérée directement.

    Ce sont les dieux qu’on vénère, car ils forment une expression concrète de l’univers-force vitale aux contours infinis. Il y a bien plus de chance de voir des restes de cette conception dans la Torah que de trouver un dieu YHWH de nature « personnelle ».

    Une des grandes preuves de cela est l’interdiction qu’on trouve dans le judaïsme de représenter YHWH. Si on parle d’un dieu « personnel » passé devenu Dieu unique, c’est effectivement étrange, car on sait bien que le polythéisme implique plusieurs dieux et leur représentation, notamment par des statues, afin de pratiquer un culte.

    Or, dans l’animisme cosmique, le dieu-univers-force vitale n’est pas représenté, car il ne peut pas être représenté, étant donné qu’il est une énergie vitale qu’il y a partout et tout le temps, qui permet à toute chose d’exister, mieux : qui est son existence en tant que tel. Le dieu-univers est le vecteur de la vie et la seule réalité en définitive.

    YHWH correspond tout à fait à cela si on prend l’interdiction de toute représentation – qui n’est pas une interdiction à la base, mais un trait caractéristique du dieu-univers.

    Cela correspond également tout à fait à comment YHWH se laisse découvrir pour la première fois, à Moïse, en disant : « Je suis ce qui suis ». Tous les animismes cosmiques, qu’ils soient indiens, chinois, mésopotamiens, mésoaméricains… seraient d’accord avec cette définition du dieu-univers.

    On lit dans le Deutéronome la chose suivante :

    « Tu as été rendu témoin de ces choses, afin que tu reconnusses que l’Éternel est Dieu, qu’il n’y en a point d’autre. »

    Ou encore :

    « Sache donc en ce jour, et retiens dans ton cœur que l’Éternel est Dieu, en haut dans le ciel et en bas sur la terre, et qu’il n’y en a point d’autre. »

    Là encore, au sens strict, tous les animismes cosmiques seraient d’accord pour dire qu’au fond, si on regarde les choses de manière métaphysique, il n’y a qu’un seul Dieu-univers et que les dieux ne sont eux-mêmes qu’un mode de ce dieu-univers qui ne change jamais, qui est l’énergie du monde-énergie.

    Chez Jérémie, on retrouve ces traits, avec le concept de « Dieu vivant », qui n’a un sens que dans une perspective animiste cosmique :

    « Mais l’Éternel est Dieu en vérité, Il est un Dieu vivant et un roi éternel »

    Dans les Psaumes, on retrouve des définitions de Dieu exprimant bien cette idée de « mouvement », d’un Dieu semblable au vent, au feu, présent partout, ayant une nature énergétique en tous lieux :

    « Dieu, Dieu, l’Éternel, parle, et convoque la terre, Depuis le soleil levant jusqu’au soleil couchant.

    De Sion, beauté parfaite, Dieu resplendit. Il vient, notre Dieu, il ne reste pas en silence ;

    Devant lui est un feu dévorant, Autour de lui une violente tempête. »

    Dans les Psaumes encore, on a ce passage, où l’on a l’impression de lire des propos d’un guerrier de l’Inde antique ou de l’empire aztèque, avec un dieu-énergie « alimentant » pour la bataille :

    « Les voies de Dieu sont parfaites, La parole de l’Éternel est éprouvée; Il est un bouclier pour tous ceux qui se confient en lui.

    Car qui est Dieu, si ce n’est l’Éternel; Et qui est un rocher, si ce n’est notre Dieu?

    C’est Dieu qui me ceint de force, Et qui me conduit dans la voie droite.

    Il rend mes pieds semblables à ceux des biches, Et il me place sur mes lieux élevés.

    Il exerce mes mains au combat, Et mes bras tendent l’arc d’airain. Tu me donnes le bouclier de ton salut, Ta droite me soutient, Et je deviens grand par ta bonté.

    Tu élargis le chemin sous mes pas, Et mes pieds ne chancellent point.

    Je poursuis mes ennemis, je les atteins, Et je ne reviens pas avant de les avoir anéantis.

    Je les brise, et ils ne peuvent se relever ; Ils tombent sous mes pieds.

    Tu me ceins de force pour le combat, Tu fais plier sous moi mes adversaires.

    Tu fais tourner le dos à mes ennemis devant moi, Et j’extermine ceux qui me haïssent.

    Ils crient, et personne pour les sauver! Ils crient à l’Éternel, et il ne leur répond pas! Je les broie comme la poussière qu’emporte le vent, Je les foule comme la boue des rues. »

    Lorsqu’il est dit que certains crient à l’Éternel, mais qu’il ne leur est pas répondu, cela veut dire que l’énergie va à celui qui tient le propos et pas aux autres. La victoire est liée à la « connexion » avec le dieu-univers.

    C’est là tout à fait conforme à l’animisme cosmique pour qui ce qui se passe dépend de la liaison « énergétique » avec le dieu-univers. En ce sens, la kabbale juive n’est qu’une réactivation au moyen-âge de cet aspect, au moyen de l’influence du néo-platonisme se diffusant alors, qui lui-même vient de l’animisme cosmique mais du côté grec.

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