Auteur/autrice : IoULeeM0n

  • Les fondements du capital selon Marx : le capitaliste donne naissance à la force collective

    La conséquence directe de l’augmentation de la productivité est la baisse des prix : c’est l’argument invoqué par les capitalistes, qui affirme que le capitalisme permet une consommation de masse, des prix toujours plus bas, etc.

    En réalité, tout cela est acquis aux dépens des masses elles-mêmes. D’ailleurs, cela n’amène pas de baisse de la journée de travail. Comme le constate Marx :

    « Le développement de la force productive du travail, dans la production capitaliste, a pour but de diminuer la partie de la journée où l’ouvrier doit travailler pour lui-même, afin de prolonger ainsi l’autre partie de la journée où il peut travailler gratis pour le capitaliste (…).

    Il s’agit non seulement d’augmenter les forces productives individuelles, mais de créer par le moyen de la coopération une force nouvelle ne fonctionnant que comme force collective. »

    Les prix baissent, car la production capitaliste a une autre envergure ; les économies d’échelle, la hausse de productivité… abaissent les prix, ce qui fait que paradoxalement le capital enlève de la valeur au produit : plus une marchandise est produite, moins elle a de valeur.

    C’est cela qui fait le drame des petits producteurs, des petits capitalistes, bref des capitalistes moins puissants que d’autres.

    Cependant, il est un autre aspect très important. Les travailleurs eux-mêmes sont prisonniers du capital, en raison du renouveau systématique du cycle de production. Ils appartiennent au capital, ils en sont une composante.

    C’est d’ailleurs revendiqué par l’idéologie de la « cogestion », l’un des grands argumentaires en faveur du capitalisme consistant en ce qu’il ferait s’élever le niveau de vie, et que donc les masses, finalement, en profiteraient.

    Or, comme dit plus haut, cela se fait en réalité par le travail, et non pas par le capital, qui a juste façonné et modernisé le travail.

    De plus, il est inévitable que l’intensification du travail organisé par le capital permette l’élévation du niveau de vie, sans changer pour autant le gouffre entre la classe du capital et celle du travail.

    Marx constate ainsi :

    « Avec accroissement continuel dans la productivité du travail, le prix de la force de travail pourrait ainsi tomber de plus en plus, en même temps que les subsistances à la disposition de l’ouvrier continueraient à augmenter.

    Mais même dans ce cas, la baisse continuelle dans le prix de la force de travail, en amenant une hausse continuelle de la plus-value, élargirait l’abîme entre les conditions de vie du travailleur et du capitaliste. »

    En effet, avec davantage de productivité, on a, non pas davantage de valeur, mais au moins davantage de produits. C’est cela qui fait illusion que le capitalisme permette une élévation du niveau de vie, alors que justement derrière le capitalisme est marqué par des contradictions terrible, dont une mortelle.

    C’est pour cette raison que le socialisme a souligné l’importance centrale de la théorie révolutionnaire, pour avoir une vision d’ensemble ; tout Le capital de Marx est parsemé de remarques comme quoi la vision scientifique ne peut être acquise que par une vue d’ensemble du processus capitaliste.

    Sans perspective d’ensemble, on ne voit que le travailleur et le capitaliste, pas les travailleurs et les capitalistes en tant que classe. C’est ce qui fait dire à Marx cette chose très importante :

    « La vie du capital ne consiste que dans son mouvement comme valeur perpétuellement en voie de multiplication. »

    « Le capitaliste paye donc à chacun des cent ouvriers sa force de travail indépendante, mais il ne paye pas la force combinée de la centaine.

    Comme personnes indépendantes, les ouvriers sont des individus isolés qui entrent en rapport avec le même capital mais non entre eux.

    Leur coopération ne commence que dans le procès de travail ; mais là ils ont déjà cessé de s’appartenir.

    Dès qu’ils y entrent, ils sont incorporés au capital. En tant qu’ils coopèrent, qu’ils forment les membres d’un organisme actif, ils ne sont même qu’un mode particulier d’existence du capital. »

    C’est doublement important.

    Déjà, il y a la question de l’intégration des travailleurs dans le capital, ce qui a des conséquences politiques essentielles, puisqu’on voit que le syndicat de cogestion ne fait, par définition ici, qu’aider le capital.

    Même un syndicat, en lui-même, est foncièrement insuffisant, puisque exprimant non pas l’identité des travailleurs libres – politiquement dans le Parti Communiste – mais une situation aliénée et exploitée.

    Ensuite, il y a la question de la force sociale. En apparence, le capitaliste n’utilise que des individus, en pratique il utilise également la force de l’ensemble de ces individus. Ce qui fait que le capitalisme est puissant ; chaque capitaliste devient en quelque sorte un mini pharaon, le chef d’une foule d’individus qui collectivement peuvent construire des pyramides.

    Le capitalisme a donc d’énormes capacités de transformation, et apparaît comme une immense force sociale. Et il en est une, et c’est son rôle historique : socialiser les individus, les collectiviser.

    Karl Marx affirme ainsi :

    « Le mode de production capitaliste se présent donc comme nécessité historique pour transformer le travail isolé en travail social ; mais entre les mains du capital, cette socialisation du travail n’en augmente les forces productives que pour l’exploiter avec plus de profit. »

    « La vie sociale, dont la production matérielle et les rapports qu’elle implique forment la base, ne sera dégagée du nuage mystique qui en voile l’aspect, que le jour où s’y manifestera l’oeuvre d’hommes librement associés, agissant consciemment et maître de leur propre mouvement sociale.

    Mais cela exige dans la société un ensemble de conditions d’existence matérielle qui ne peuvent être elles-mêmes le produit que d’un long et douloureux développement. »

    Le capitalisme était nécessaire, pour socialiser le travail. Il était une étape nécessaire, pour dépasser les clivages individuels.

    Le mode de production capitaliste n’est ainsi pas original dans l’utilisation du surtravail, il l’est dans son organisation.

    « La division du travail dans sa forme capitaliste et sur les bases historiques données, elle ne pouvait revêtir aucune autre forme – n’est qu’une méthode particulière de produire de la plus-value relative, ou d’accroître aux dépens du travailleur le rendement du capital, ce qu’on appelle richesse nationale (Weath of Nations).

    Aux dépens du travailleur, elle développe la force collective du travail pour le capitaliste. Elle crée des circonstances nouvelles qui assurent la domination du capital sur le travail.

    Elle se présente donc et comme un progrès historique, une phase nécessaire dans la formation économique de la société, et comme un moyen civilisé et raffiné d’exploitation. »

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  • Les fondements du capital selon Marx : le capital fait changer le mode de production

    Le capitaliste fait donc travailler le travailleur davantage qu’il ne le paie : c’est là le surtravail. Dans la perspective de Karl Marx, notre illustre maître, il est donc parfaitement erroné de réduire la critique du capitalisme à la simple question de la transformation des biens.

    Le travailleur n’est pas seulement en face du capitaliste comme réel transformateur des biens, dont le capitaliste profite par la suite comme marchandises, il est également exploité. La critique idéaliste d’une partie du mouvement ouvrier, principalement syndicaliste, anarcho-syndicaliste, syndicaliste-révolutionnaire, etc. a consisté en une critique de type artisanale : puisque le travailleur travaille, le capitaliste n’est qu’un parasite de la transformation des biens, et cela s’arrête là.

    Or, ce serait là ne pas voir ni le mode de production propre à une époque, ni l’exploitation et la plus-value.

    Déjà, la plus-value dépend, naturellement, à la fois du nombre de travailleurs et du nombre d’heures de surtravail extorquées.

    On comprend l’intérêt du capital à disposer d’un pays de grande population, à vouloir que la population travaillant soit la plus grande possible (d’où le travail des enfants à l’initial), à prolonger les heures de travail, etc.

    Cependant, ce n’est pas tout. Le capital a également intérêt à intensifier le travail, pour que le surtravail soit plus important. Il ne s’agit pas de prolonger quantitativement, mais également qualitativement ; ce qui veut dire qu’il y a modifications techniques. C’est pour cette raison que le capital a produit le capitalisme.

    Karl Marx nous enseigne que :

    « Dès qu’il s’agit de gagner de la plus-value par la transformation du travail nécessaire en surtravail, il ne suffit plus que le capital, tout en laissant intacts les procédés traditionnels du travail, se contente d’en prolonger simplement la durée.

    Alors, il lui faut, au contraire, transformer les conditions techniques et sociales, c’est-à-dire le mode de la production. Alors seulement, il pourra augmenter la productivité du travail, abaisser ainsi la valeur de la force de travail et abréger par cela même le temps exigé pour la reproduire. »

    Cela signifie que le capitaliste est devenu le maître de sa production. Voici justement comment Marx nous montre la différence d’avec le système féodal.

    Après avoir expliqué qu’un petit patron n’est qu’un être hybride, et que le vrai capitaliste ne veut pas simplement satisfaire ses besoins, mais acquérir des richesses, Marx nous dit :

    « A un certain degré de développement, il faut que le capitaliste puisse employer à l’appropriation et à la surveillance du travail d’autrui et à la vente des produits de ce travail tout le temps pendant lequel il fonctionne comme capital personnifié.

    L’industrie corporative du moyen-âge cherchait à empêcher le maître, le chef de corps de métier, de se transformer en capitaliste, en limitant à un maximum très restreint le nombre des ouvriers qu’il avait le droit d’employer.

    Le possesseur d’argent ou de marchandises ne devient en réalité capitaliste que lorsque la somme minimum qu’il avance pour la production dépasse déjà de beaucoup le maximum du moyen-âge.

    Ici, comme dans les sciences naturelles, se confirme la loi constatée par Hegel dans sa Logique, loi d’après laquelle de simples changements dans la quantité, parvenus à un certain degré, amènent des différences dans la qualité. »

    Et :

    « Le capitaliste n’est point capitaliste parce qu’il est directeur industriel ; il devient au contraire chef d’industrie parce qu’il est capitaliste. Le commandement dans l’industrie devient l’attribut du capital, de même qu’aux temps féodaux la direction de la guerre et l’administration de la justice étaient les attributs de la propriété foncière. »

    Marx constate alors également :

    « A l’origine même de la production capitaliste, quelques unes de ces industries exigeaient déjà un minimum de capital qui ne se trouvait pas encore dans les mains de particuliers.

    C’est ce qui rendit nécessaire les subsides d’Etat accordés à des chefs d’industrie privée – comme en France du temps de Colbert, et comme de nos jours cela se pratique encore dans plusieurs principautés de l’Allemagne -, et la formation de sociétés avec monopole légal pour l’exploitation de certaines branches d’industrie et de commerce, autant d’avant-coureurs des sociétés modernes par actions. »

    Le capital, parce qu’il arrache du surtravail, intensifie la production, et en cela il exige le triomphe des nouvelles techniques. Il amène un nouveau mode de production, au fur et à mesure, de par son efficacité, son mouvement général.

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  • Les fondements du capital selon Marx : le capitaliste façonne la nature du travailleur libre et lui extorque la plus-value

    Le salariat, c’est la dépendance d’un travailleur libre par rapport à un salaire pour subsister, et tout ce qui va avec.

    Marx est logique : si la production de biens se reproduit, et que le capital devient plus grand, c’est qu’il trouve de la richesse dans la production, la reproduction.Mais d »où vient cette richesse ? Car logiquement, quand on échange quelque chose, qu’on achète et qu’on vend, on le fait au « juste prix » et on ne gagne rien…

    C’est là la question, que Marx formule ainsi :

    « Notre possesseur d’argent, qui n’est encore capitaliste qu’à l’état de chrysalide, doit d’abord acheter des marchandises à leur juste valeur, puis les vendre ce qu’elles valent, et cependant, à la fin, retirer plus d’argent qu’il n’en avait avancé.

    La métamorphose de l’homme aux écus en capitaliste doit se passer dans la sphère de la circulation et en même temps doit ne point s’y passer. »

    C’est là le paradoxe : le capitaliste paie « au bon prix » le travailleur, il vend « au bon prix » la marchandise, et pourtant de la valeur apparaît.

    La source de cette valeur tient au travailleur. Il n’y avait pas de capital là où existaient déjà les marchandises et la monnaie ; ce qu’il fallait, c’était un travailleur « libre » vendant sa force de travail.

    Le capitaliste a besoin d’ailleurs ici de deux choses par rapport à la situation précédente : que ce travailleur libre soit disponible génération après génération, et que sa nature soit changée.

    Il faut donc que le travailleur libre ait assez de subsistances pour qu’il puisse continuer à vivre, reprendre des forces, qu’il dispose des « moyens de subsistance physiologiquement indispensables. »

    A cela s’ajoute bien sûr la nécessité qu’il y ait reproduction humaine, de nouvelles générations de travailleurs. La vie du travailleur doit devenir « éternelle » ; Marx souligne cette importante dimension.

     Et voici comment le capitaliste façonne la nature du travailleur libre :

    « Pour modifier la nature humaine de manière à lui faire acquérir aptitude, précision et célérité dans un genre de travail déterminé, c’est-à-dire pour en faire une force de travail développée dans un sens très spécial, il faut une certaine éducation qui coûte elle-même une somme plus ou moins grande d’équivalents en marchandises.

    Cette somme varie selon le caractère plus ou moins complexe de la force de travail. Les frais d’éducation, d’ailleurs très minimes pour la force de travail simple, rentrent dans le total des marchandises nécessaires à sa production. »

    Le travailleur libre voit sa nature humaine modifiée : déjà, elle devient en quelque sorte « éternelle », car un enfant ayant grandi prendra par la suite sa place, ensuite, il est encadré, éduqué, formé, et ce pour une activité bien précise.

    Sa vie naturelle est happée par la machinerie capitaliste. Et à ce titre, une partie de son travail lui est directement extorquée, elle rentre directement au service du capitaliste : c’est la plus-value.

    C’est cela le cœur du capitalisme : le capitaliste arrache du temps au travailleur, après l’avoir façonné de telle manière qu’il serve dans la production.

    Karl Marx dit ainsi :

    « La production de plus-value n’est donc autre chose que la production de valeur prolongée au-delà d’un certain point.

    Si le procès de travail ne dure que jusqu’au point où la valeur de la force de travail payée par le capital est remplacée par un équivalent nouveau, il y a simple production de valeur ; quand il dépasse cette limite, il y a production de plus-value. »

    Lorsque le travailleur transforme des matières, il ajoute de la valeur à cette matière, par exemple en ayant transformé du bois en table. Mais il y a également une partie du temps employé à travailler qui n’est pas rémunérée : ce temps permet la production de plus-value pour le capitaliste. Il y a le travail et le surtravail.

    Marx nous décrit par conséquent de manière suivante la journée de travail :

    « La somme du travail nécessaire et du surtravail, des parties de temps dans lesquelles l’ouvrier produit l’équivalent de sa force de travail et la plus-value, cette somme forme la grandeur absolue de son temps de travail, c’est-à-dire la journée de travail. »

    Et encore :

    « Il est évident par soi-même que le travailleur n’est rien autre chose sa vie durant que force de travail, et qu’en conséquence tout son temps disponible est, de droit et naturellement, temps de travail appartenant au capital et à la capitalisation.

    Du temps pour l’éducation, pour le développement intellectuel, pour l’accomplissement des fonctions sociales, pour les relations avec parents et amis, pour le libre jeu des forces du corps et de l’esprit, même pour la célébration du dimanche, et cela dans le pays des sanctificateurs du dimanche, pure niaiserie !

    Mais dans sa passion aveugle et démesurée, dans sa gloutonnerie de travail extra, le capital dépasse non seulement les limites morales, mais encore la limite physiologique extrême de la journée de travail.

    Il usurpe le temps qu’exigent la croissance, le développement et l’entretien du corps en bonne santé. Il vole temps qui devrait être employé à respirer l’air libre et à jouir de la lumière du soleil.

    Il lésine sur le temps des repas et l’incorpore, toutes les fois qu’il le peut, au procès même de la production, de sorte que le travailleur, rabaissé au rôle de simple instrument, se voit fournir sa nourriture comme on fournit du charbon à la chaudière, de l’huile et du suif à la machine.

    Il réduit le temps du sommeil, destiné à renouveler et à rafraîchir la force vitale, au minimum d’heures de lourde torpeur sans lequel l’organisme épuisé ne pourrait plus fonctionner (…).

    Le capital ne s’inquiète point de la durée de la force du travail. Ce qui l’intéresse uniquement, c’est le maximum qui peut en être dépensé dans une journée. Et il atteint son but en abrégeant la vie du travailleur, de même qu’un agriculteur avide obtient de son sol un plus fort rendement en épuisant sa fertilité.

    La production capitaliste, qui est essentiellement production de plus-value, absorption de travail extra, ne produit donc pas seulement par la prolongation de la journée qu’elle impose la détérioration de la force de travail de l’homme, en la privant de ses conditions normales de fonctionnement et de développement, soit au physique, soit au moral – elle produit l’épuisement et la mort précoce de cette force.

    Elle prolonge la période productive du travailleur pendant un certain laps de temps en abrégeant la durée de sa vie. »

    Karl Marx parle donc de la « prolongation contre nature de la journée de travail » : le capital malmène l’être humain, exigeant de lui quelque chose ne correspondant pas à sa réalité naturelle.

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  • Les fondements du capital selon Marx : reproduction du capital et salariat

    Les besoins existent de par la dimension naturelle des humains. Mais, à la différence des animaux, les humains sont organisés de manière technique et ne trouvent pas leurs besoins directement dans la nature ; ils transforment celle-ci pour produire leurs besoins.

    C’est là que Marx est génial et qu’il s’aperçoit du rôle du capital dans la production et la reproduction des biens nécessaires.

    Le capital se re-produit lui-aussi dans la re-production

    Nécessairement, la production est refaite, il y a reproduction, et la manière de produire est re-produite.

    Karl Marx voit alors que cela veut donc dire que dans les conditions du capitalisme, puisque le capital paie des gens (qui sont donc salariés) pour produire, alors par la suite ils sont re-payés pour re-produire.

    Qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire que de la même manière qu’il a fallu un capital pour permettre la production, il faudra un capital pour re-produire. A chaque cycle, il y a un capital.

    Ainsi, le capital qui a servi à la production va lui-même se re-produire ; une étape capitaliste en succède nécessairement à une autre.

    Pour qu’il y ait production (dans le capitalisme), il faut qu’il y ait travail, et pour qu’il y ait travail, il faut du capital. Par conséquent, pour qu’il y ait re-production, il faut de nouveau du travail, et donc de nouveau le capital.

    Ce qui n’est pas visible du premier coup
    quand on regarde la production

    En apparence, donc, le capitalisme est composé de capitalistes payant des salariés pour produire, dans des unités apparemment séparées les unes des autres, puisqu’il y a différents capitalistes, c’est-à-dire différentes entreprises.

    Cela se présente ainsi comme une série de productions individuelles, comme si tout était séparé, les gens se rejoignant et échangeant par hasard, de manière atomisée.

    Il y aurait production et reproduction ici et là, de manière isolée. C’est d’ailleurs la conception libérale traditionnelle que de voir les choses ainsi.

    Or, le génie de Marx est de ne pas s’être contenté de cette apparence. Il a vu quelque chose qui avait une nature nouvelle, une nature particulière, révélant les rapports sociaux au grand jour : la marchandise.

    Il a, au-delà de la production et de la re-production, que tout le monde constate, noté la particularité de la chose produite.

    Karl Marx nous demande de voir les choses sous un angle différent de celui purement individuel :

    « L’illusion produite par la circulation des marchandises disparaît dès que l’on substitue au capitaliste individuel et à ses ouvriers, la classe capitaliste et la classe ouvrière.

    La classe capitaliste donne régulièrement sous forme de monnaie à la classe ouvrière des mandats sur une partie des produits que celle-ci a confectionnés et que celle-là s’est appropriées. La classe ouvrière rend aussi constamment ces mandats à la classe capitaliste pour en retirer la quote-part qui lui revient de son propre produit.

    Ce qui déguise cette transaction, c’est la forme marchandise du produit et la forme argent de la marchandise. »

    Que veut dire Marx ?

    Il veut dire qu’il y a production et re-production ; en apparence de l’argent est donné au travailleur qui travaille et par conséquent produit. Ce produit est une marchandise vendue contre de l’argent, argent re-donné par la suite au travailleur qui se re-met à produire, etc. etc.

    Mais Marx dit qu’il y a quelque chose d’autre. Il y a un rapport caché entre le travail et le capital, un rapport masqué par la production et la re-production des moyens de vivre. C’est ce rapport que Marx va expliquer.

    L’argent des travailleurs utilisé

    Récapitulons : les travailleurs ont des besoins, et ces besoins sont produits par le capitalisme, et ce capitalisme a au cœur de son activité les travailleurs eux-mêmes. Les travailleurs produisent des marchandises qu’ils doivent par la suite acheter, en raison du caractère privé, éparpillé des productions.

    Qui dit acheter, dit argent. Mais cet argent pour acheter des biens nécessaires pour vivre est-il le même que celui utilisé pour produire ?

    Non, évidemment: Karl Marx accorde une grande attention à bien déterminer la double nature de l’argent. L’argent apparaît comme directement utile, pour le travailleur qui est payé, pour satisfaire ses besoins : acheter de la nourriture, payer son logement, se procurer des habits, se soigner, etc.

    Néanmoins, l’argent en tant que capital est quelque chose de différent. Dans un sens, le travailleur produit des marchandises contre de l’argent, l’argent lui permettant d’acheter des marchandises. Dans l’autre sens, le capitaliste investit son argent pour que des marchandises soient produites, et il récupère de l’argent au bout.

    Karl Marx nous dit :

    « L’argent en tant qu’argent et l’argent en tant que capital ne se distinguent de prime abord que par leurs différentes formes de circulation.

    La forme immédiate de la circulation des marchandises est M—A—M (marchandise – argent – marchandise), transformation de la marchandise en argent et retransformation de l’argent en marchandise, vendre pour acheter.

    Mais, à côté de cette forme, nous en trouvons une autre, tout à fait distincte, la forme A—M—A (argent – marchandise – argent), transformation de l’argent en marchandise et retransformation de la marchandise en argent, acheter pour vendre.

    Tout argent qui dans son mouvement décrit ce dernier cercle se transforme en capital, devient capital et est déjà par destination capital. »

    C’est la base du salariat.

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  • Les fondements du capital selon Marx : la production sert la consommation

    Nous avons vu que le mode de production permettait de produire des biens pour satisfaire les besoins, notamment vitaux. Nous avons constaté que ce mode de production produit et relance sa production, de manière ininterrompue.

    Il ne saurait y avoir de temps mort dans la satisfaction des besoins, sinon la vie humaine s’arrête. Les humains ne sont pas tels des rochers, au mouvement très lent, ils sont de la matière en mouvement relativement rapide ; ils ont faim, soif, froid, etc.

    Or, ce qu’a fait Marx, c’est qu’il a porté son attention sur les conditions de la re-production, et il y a vu quelque chose de particulier, lui fournissant une explication scientifique de ce qu’est le capital (d’où le titre de son œuvre).

    La production sert la consommation

    Nous avons vu que le capitalisme permettait la reproduction des biens nécessaires pour vivre. Marx y découvre une première particularité, à savoir la nature de la marchandise.

    Pourquoi cela ? Déjà parce que Marx constate que les marchandises sont produites pour être vendues… aux producteurs de marchandises. Là est un premier paradoxe.

    Karl Marx explique :

    « La consommation du travailleur est double.

    Dans l’acte de production, il consomme par son travail des moyens de production, afin de les convertir en produits d’une valeur supérieur à celle du capital avancé. Voilà sa consommation productive, qui est en même temps consommation de sa force par le capitaliste auquel elle appartient.

    Mais l’argent donné pour l’achat de cette force est dépensé par le travailleur en moyens de subsistance, et c’est ce qui forme sa consommation individuelle.

    La consommation productive et la consommation individuelle du travailleur sont donc parfaitement distinctes. Dans la première, il agit comme force motrice du capital et appartient au capitaliste ; dans la seconde, il s’appartient à lui-même et accomplit des fonctions vitales en dehors du procès de production.

    Le résultat de l’une, c’est la vie du capital ; le résultat de l’autre, c’est la vie de l’ouvrier lui-même. »

    Et Marx de conclure par la suite :

    « En convertissant en force de travail une partie de son capital, le capitaliste pourvoit au maintien et à la mise en valeur de son capital entier. Mais ce n’est pas tout. Il fait d’une pierre deux coups. Il profite non seulement de ce qu’il reçoit de l’ouvrier, mais encore de ce qu’il lui donne. »

    Le mode de production capitaliste produit des biens nécessaires pour vivre, or qui les utilise ? Les humains. Mais qui les produit ? Les humains, aussi. Seulement, il y a un intermédiaire : le capital.

    Les humains travaillent, par l’intermédiaire du Capital, pour produire des biens satisfaisant leurs besoins.

    Les biens nécessaires aux humains sont produits par le travail

    Les humains trouvent donc leurs besoins produits sous la forme de biens qui sont vendus (et achetés). Ce sont des marchandises.

    Ces choses sont utiles (valeur d’usage), mais elles sont également achetées et vendues (valeur d’échange). Elles possèdent ainsi un double caractère.

    Ce double caractère, on ne le trouve pas dans la nature. La nature de marchandises existe parce qu’il existe une humanité qui produit des biens utiles, ce que ne font pas par exemple les rhinocéros ou les aigles, qui se procurent directement dans la nature ce dont ils ont besoin.

    Il y a là un rapport particulier qu’a l’humanité avec la nature, car celle-ci est transformée. Marx dit à ce sujet :

    « En tant qu’il produit des valeurs d’usage, qu’il est utile, le travail, indépendamment de toute forme de société, est la condition indispensable de l’existence de l’homme, une nécessité éternelle, le médiateur de la circulation matérielle, entre la nature et l’homme. »

    Cela signifie qu’en définitive, c’est l’activité humaine qui est à la base de la production :

    « En fin de compte, toute activité productive, abstraction faite de son caractère utile, est une dépense de force humaine.

    La confection des vêtements et le tissage, malgré leur différence, sont tous deux une dépense productive du cerveau, des muscles, des nerfs, de la main de l’homme, et ce sens du travail humain au même titre.

    La force humaine de travail, dont le mouvement ne fait que changer de forme dans les diverses activités productives, doit assurément être plus ou moins développée pour pouvoir être dépensée sous telle ou telle forme.

    Mais la valeur des marchandises représente purement et simplement le travail de l’homme, une dépense de force humaine en général. »

    Il y a donc les besoins d’un côté, les biens les satisfaisant de l’autre. Le travail permet la production des biens. Mais alors, qu’est-ce que le capital ?

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  • Les fondements du capital selon Marx : la satisfaction nécessaire des besoins

    Le Capital de Karl Marx est connu pour être une œuvre longue et difficile. En réalité, c’est une œuvre très simple d’accès, à condition d’avoir les clefs pour la comprendre.

    C’est ce que nous allons faire ici ; nous allons voir pas à pas que ce que dit Karl Marx est absolument limpide. Et pour cela, nous allons non pas regarder Le Capital de l’extérieur, mais avec les yeux de Karl Marx : ce n’est qu’ainsi qu’on peut comprendre ce qu’il a vu, compris et, enfin, expliqué.

    Cela sera naturellement un peu long, de par le nombre de détails abordés, mais cela sera toujours limpide dans la mise en perspective. Rentrons dans le vif du sujet.

    De quoi parle Karl Marx ? De la vie des êtres humains et leurs besoins

    Il est bien connu que Karl Marx utilise le terme de « mode de production » ; en effet, tout ce que dit Karl Marx dans cette œuvre est un exposé du capitalisme comme mode de production.

    C’est le point de départ de sa vision. Mais de quoi parle-t-il précisément ?

    Karl Marx parle de la vie quotidienne. Quand on vit, on a besoin de se nourrir, de s’habiller, de dormir, etc., c’est-à-dire de satisfaire des besoins. Karl Marx regarde comment ces besoins sont satisfaits.

    La manière avec laquelle ces besoins sont satisfaits s’appelle un « mode de production » – c’est une « manière » de produire.

    La première chose qu’il faut ainsi voir, c’est qu’un mode de production est un moyen de produire des choses qui permettent à l’humanité de vivre, en satisfaisant des besoins, au moins les principaux, c’est-à-dire ceux qui sont vitaux.

    Une société produit sa nourriture, ses logements, les moyens de s’habiller, de prendre soin de la santé des gens, etc. Un mode de production permet cela, de manière ou plus moins bonne.

    Il y a plusieurs manières de satisfaire ses besoins

    Évidemment, si les gens doivent réaliser eux-mêmes, individuellement, tout ce dont ils ont besoin, c’est compliqué.

    C’est pour cela que la division du travail s’est instaurée, de manière toujours plus grande.

    Historiquement, les villes sont ainsi nées comme lieu du marché, les artisans proposant leurs biens dans un endroit unique, les personnes des environs venant y chercher ce dont elles avaient besoin.

    Il y a une modification de la manière dont les besoins sont réalisés. On est ainsi passé des êtres humains chassant et cueillant à ceux domestiquant et pratiquant l’élevage. On est passé du paysan isolé dans son champ à l’agriculteur s’appuyant sur des machines, comme les moissonneuses-batteuses, etc.

    Il y a donc plusieurs modes de production, qui sont déterminés par l’élévation plus ou moins grande de leurs capacités à produire. Karl Marx considère qu’on passe justement d’un mode de production à un autre, parce qu’il y a un blocage des forces productives, mais que ce blocage n’est que temporaire, parce que les forces nouvelles permettant une production meilleure finissent par triompher.

    Cependant, avant d’aborder cette question, il faut d’abord comprendre ce qu’est un mode de production, et en l’occurrence le mode de production capitaliste.

    En effet, un mode de production n’est pas statique, il ne fait pas que « produire » des biens satisfaisant les besoins : il doit également refaire cette production, sans s’arrêter. Un mode de production est également un mode qui re-produit la production déjà faite.

    C’est là un aspect très important.

    Les besoins doivent être satisfaits de manière répétée

    Une fois qu’on a un jour satisfait ses besoins, on est obligé de le recommencer le lendemain. Une fois achetée de la nourriture, par exemple, il faut en racheter encore par la suite ; de la même manière, si le marteau que l’on a acheté s’est cassé, il faut en acheter un autre, etc.

    C’est ainsi à travers le mode de production que les moyens de vivre sont produits, et c’est également à travers le mode de production que ces moyens de vivre sont re-produits.

    Le mode de production connaît donc des cycles. Il produit, puis recommence, puis recommence, etc.

    Il n’y a donc pas simplement un mode de production d’un côté et des besoins de l’autre. La satisfaction des besoins est au cœur même de l’existence du mode de production. On ne produit pas pour « produire » abstraitement, mais pour satisfaire des besoins.

    Il n’y a pas de mode de production sans besoins, et inversement.

    La manière de produire est elle-même reproduite

    Par conséquent, et logiquement donc, puisqu’il y a de nouveau aujourd’hui les mêmes besoins qu’hier pour vivre, alors la production va être re-produite, et donc la manière de produire va l’être aussi.

    Chaque cycle reprend la méthode précédente. A quoi est-ce que cela ressemble dans le capitalisme ?

    Karl Marx explique qu’il y a les moments suivants : déjà l’utilisation initiale d’une force de travail au moyen d’une somme d’argent (le salaire payant donc ici les ouvriers), puis la production réalisée (par les ouvriers), et enfin la vente de la production sur le marché.

    Avec les bénéfices réalisés au final, on recommence le cycle, puisque le mode de production exige que soit de nouveau produit des biens.

    Dans Le Capital, Karl Marx nous dit à ce sujet :

    « Quelle que soit la forme sociale que le procès de production revête, il doit être continu, ou, ce qui revient au même, repasser périodiquement par les mêmes phases. Une société ne peut cesser de produire non plus que de consommer.

    Considéré, non sous son aspect isolé, mais dans le cours de sa rénovation incessante, tout procès social de production est donc en même temps procès de reproduction. »

    Tout procès social de production est donc en même temps procès de reproduction, car le mode de production permet la satisfaction des besoins vitaux, impérativement nécessaire. C’est la première grande leçon permettant de comprendre la vision de Karl Marx.

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  • « Le Capital » parle de la nature humaine

    « Le travail est de prime abord un acte qui se passe entre l’homme et la nature. L’homme y joue lui-même vis-à-vis de la nature le rôle d’une puissance naturelle.

    Les forces dont son corps est doué, bras et jambes, tête et mains, il les met en mouvement, afin de s’assimiler des matières en leur donnant une forme utile à sa vie.

    En même temps qu’il agit par ce mouvement sur la nature extérieure et la modifie, il modifie sa propre nature, et développe les facultés qui y sommeillent. »

    Karl Marx, pour écrire Le Capital, s’appuie sur le matérialisme qui considère que la vie humaine appartient à la nature. Pour les matérialistes, la planète Terre est une biosphère, composé d’organismes vivants s’appuyant sur des éléments chimiques, dans un rapport bien déterminé.

    Comprendre cette réalité matérielle, c’est saisir comment la vie se reproduit, dans quelles conditions elle existe. C’est cette réalité dont parle Karl Marx dans Le Capital.

    Toute l’oeuvre est parsemée de remarques sur la vie humaine réellement vécue, sur la vie du travailleur qui souffre de se voir malmené par le capital, sur le rapport entre son travail en tant qu’être vivant et le capital, marqué par l’aliénation et l’exploitation physique.

    « En même temps que le travail mécanique surexcite au dernier point le système nerveux, il empêche le jeu varié des muscles et comprime toute activité libre du corps et de l’esprit.

    La facilité même du travail devient une torture en ce sens que la machine ne délivre pas l’ouvrier du travail, mais dépouille le travail de son intérêt. »

    (…)

    « Un certain rabougrissement de corps et d’esprit est inséparable de la division du travail dans la société. Mais comme la période manufacturière pousse beaucoup plus loin cette division sociale, en même temps que par la division qui lui est propre elle attaque l’individu à la racine même de sa vie, c’est elle qui la première fournit l’idée et la matière d’une pathologie industrielle. »

    (…)

    « La confection des vêtements et le tissage, malgré leur différence, sont tous deux une dépense productive du cerveau, des muscles, des nerfs, de la main de l’homme, et en ce sens du travail humain au même titre. »

    (…)

    « L’heure plus dense de la journée de dix heures contient autant ou plus de travail, plus de dépense en force vitale, que l’heure plus poreuse de la journée de douze heures. »

    (…)

    « L’économie des moyens collectifs de travail, activée et mûrie comme en serre chaude par le système de fabrique, devient entre les mains du capital un système de vols commis sur les conditions vitales de l’ouvrier pendant son travail, sur l’espace, l’air, la lumière et les mesures de protection personnelle contre les circonstances dangereuses et insalubres du procès de production, pour ne pas mentionner les arrangements que le confort et la commodité de l’ouvrier réclameraient. »

    (…)

    « En agissant conjointement avec d’autres dans un but commun et d’après un plan concerté, le travailleur efface les bornes de son individualité et développe sa puissance comme espèce. »

    (…)

    « Elle [la manufacture] estropie le travailleur, elle fait de lui quelque chose de monstrueux en activant le développement factice de sa dextérité de détail, en sacrifiant tout un monde de dispositions et d’instincts producteurs, de même que, dans les Etats de la Plata, on immole un taureau pour sa peau et son suif.

    Ce n’est pas seulement le travail qui est divisé, subdivisé et réparti entre divers individus, c’est l’individu lui-même qui est morcelé et métamorphosé en ressort automatique d’une opération exclusive, de sorte que l’on trouve réalisée la fable absurde de Menenius Agrippa représentant un homme comme un fragment de son propre corps. »

    (…)

    « Dans l’histoire, comme dans la nature, la pourriture est le laboratoire de la vie. »

    [les passages en gras sont soulignés par nous]

    Rappelons cependant ici que le capital joue un rôle historique, celui de donner naissance à une humanité socialisée et naturelle, combinant une nature socialisée et une société naturalisée :

    « Les faculté de l’homme primitif, encore en germes, et comme ensevelies sous sa croûte animale, ne se forment au contraire que lentement sous la pression de ses besoins physiques. »

    Et soulignons que cette transformation n’est pas vraie que pour le travailleur, cela est vrai pour toute la nature, comme l’explique Karl Marx dans une phrase qui montre la conception matérialiste dialectique de la planète comme biosphère :

    « La production capitaliste ne développe donc la technique et le combinaison du procès de production sociale qu’en épuisant en même temps les deux sources d’où jaillit toute la richesse : la terre et le travailleur. »

    Karl Marx est un disciple de Ludwig Feuerbach et considère que seule la nature existe ; il regarde comment l’être humain a en partie – et en partie seulement – abandonné la nature, et comment il va revenir à elle, dans le communisme.

    En ce sens, ce qu’on appelle d’ailleurs mode de production – esclavagiste, féodal, capitaliste, socialiste, communiste – désigne comment est effectué la reproduction de la vie humaine.

    Comment la société produit-elle ce qu’elle consomme ? Là est la question essentielle, avec le problème que les humains n’ont pas spontanément une vue d’ensemble.

    Comme le dit Karl Marx:

    « l’apparence seule des rapports de production se reflète dans le cerveau du capitaliste. »

    Le problème du capitalisme est qu’il façonne les consciences de manière telle à ce que spontanément, elles aient des illusions à ce sujet.

    Ce n’est que par l’étude scientifique que le capitalisme peut être compris. Ce principe sera d’ailleurs la base de la social-démocratie comme mouvement ouvrier politique, avec les thèses de Karl Kautsky et de Lénine sur la nécessité de l’avant-garde scientifique et la réfutation du spontanéisme.

    Voici comment Karl Marx nous parle des illusions dans le capitalisme, qui nous fait voir l’argent, le salaire, mais pas la force de travail qui est la clef du capitalisme, parce qu’elle est exploitée par le capital.

    Karl Marx nous dit :

    « Il en est d’ailleurs de la forme « valeur et prix du travail » ou « salaire » vis-à-vis du rapport essentiel qu’elle renferme, savoir : la valeur et le prix de la force de travail, comme de toutes les formes phénoménales vis-à-vis de leur substratum [leur substrat].

    Les premières se réfléchissent spontanément, immédiatement dans l’entendement, le second doit être découvert par la science.

    L’économie classique touche de près le véritable état des choses sans jamais le formuler consciemment. Et cela lui sera impossible tant qu’elle n’aura pas dépouillé sa vieille peau bourgeoise. »

    Le Capital n’est donc pas une simple œuvre qui parle d’économie au sens étroit du terme ; c’est une œuvre qui parle de la vie humaine, de son travail, de comment le capital organise le travail et des conséquences pour la vie humaine.

    Comme toute chose est contradictoire en son noyau, le mode de production capitaliste porte en lui son abolition, c’est-à-dire le communisme comme retour à la nature après le passage de l’humanité à une période permettant le développement des forces productives.

    Le Capital de Karl Marx raconte toute la genèse du capital, son développement, son affirmation, et il explique son inévitable effondrement, principalement en raison de la chute tendancielle du taux de profit.

    En faisant cela, Karl Marx nous parle de l’humanité dans son rapport avec la nature, en tant que composante d’elle au statut particulier.

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  • Mao Zedong sur la contradiction : l’identité des contraires

    Mao Zedong constate également une chose qui peut surprendre. En parlant des aspects de la contradiction, il en souligne l’unité. On pourrait se dire qu’il vaudrait mieux noter leur affrontement. Seulement, ce serait là aboutir au caractère indépendant, isolé d’un aspect de la contradiction – ce qui est impossible.

    Mao Zedong explique cela dans un passage important :

    « L’identité, l’unité, la coïncidence, l’interpénétration, l’imprégnation réciproque, l’interdépendance (ou bien le conditionnement mutuel), la liaison réciproque ou la coopération mutuelle – tous ces termes ont la même signification et se rapportent aux deux points suivants : premièrement, chacun des deux aspects d’une contradiction dans le processus de développement d’une chose ou d’un phénomène présuppose l’existence de l’autre aspect qui est son contraire, tous deux coexistant dans l’unité ; deuxièmement, chacun des deux aspects contradictoires tend à se transformer en son contraire dans des conditions déterminées.

    C’est ce qu’on appelle l’identité (…).

    Les aspects contradictoires dans tous processus s’excluent l’un l’autre, sont en lutte l’un contre l’autre et s’opposent l’un à l’autre.

    Dans le processus de développement de toute chose comme dans la pensée humaine, il y a de ces aspects contradictoires, et cela sans exception. Un processus simple ne renferme qu’une seule paire de contraires, alors qu’un processus complexe en contient davantage.

    Et ces paires de contraires, à leur tour, entrent en contradiction entre elles. C’est ainsi que sont constituées toutes les choses du monde objectif et toutes les pensées humaines, c’est ainsi qu’elles sont mises en mouvement.

    Puisqu’il en est ainsi, les contraires sont loin d’être à l’état d’identité et d’unité ; pourquoi parlons-nous alors de leur identité et de leur unité ?

    C’est que les aspects contradictoires ne peuvent exister isolément, l’un sans l’autre. Si l’un des deux aspects opposés, contradictoires, fait défaut, la condition d’existence de l’autre aspect disparaît aussi. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    Sans un aspect, il n’y a pas l’autre, sans ces deux aspects il n’y a plus de mouvement, et sans mouvement plus de phénomène, plus de matière en mouvement. Ce qui existe relève donc de l’unité, et cette unité est relative.

    Toutefois, ce n’est pas tout : dans le mouvement dialectique, où le nouveau triomphe de l’ancien, il y a conversion d’un aspect en l’autre.

    Mao Zedong formule cela ainsi :

    « La question ne se limite pas au fait que les deux aspects de la contradiction se conditionnent mutuellement ; ce qui est encore plus important, c’est qu’ils se convertissent l’un en l’autre. Autrement dit, chacun des deux aspects contradictoires d’un phénomène tend à se transformer, dans des conditions déterminées, en son opposé, à prendre la position qu’occupé son contraire (…).

    Tous les contraires sont liés entre eux ; non seulement ils coexistent dans l’unité dans des conditions déterminées, mais ils se convertissent l’un en l’autre dans d’autres conditions déterminées, tel est le plein sens de l’identité des contraires (…).

    L’unité ou l’identité des aspects contradictoires d’une chose ou d’un phénomène qui existe objectivement n’est jamais morte, pétrifiée, mais vivante, conditionnée, mobile, passagère, relative ; tout aspect contradictoire se convertit, dans des conditions déterminées, en son contraire.

    Et le reflet de cela dans la pensée humaine, c’est la conception marxiste, matérialiste-dialectique, du monde.

    Seules les classes dominantes réactionnaires d’hier et d’aujourd’hui, ainsi que les métaphysiciens qui sont à leur service, considèrent les contraires non comme vivants, conditionnés, mobiles, se convertissant l’un en l’autre, mais comme morts, pétrifiés, et ils propagent partout cette fausse conception pour égarer les masses populaires afin de pouvoir perpétuer leur domination. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    Contrairement à ce que pensent ceux qui ne saisissent pas la substance de cela, il n’y a pas « destruction » mais dépassement au sein de la contradiction. Le mode de production capitaliste est dépassé ; le socialisme profite de cette étape historique relative. Il y a conversion de la matière du mode de production capitaliste en base pour le socialisme.

    La bourgeoisie devient une classe dominée, alors qu’elle était dominante, et la classe ouvrière passe dominée à dominante.

    Cela amène à comprendre le sens du concept d’antagonisme. En l’occurrence, entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, il y a antagonisme à l’époque du mode de production capitaliste.

    Toutefois, pour d’autres phénomènes, le mouvement dialectique peut se développer différement.

    Ainsi, Mao Zedong affirme-t-il :

    « Nous devons étudier d’une manière concrète les différentes situations dans lesquelles se trouve la lutte des contraires et éviter d’appliquer hors de propos à tous les phénomènes le terme mentionné ci-dessus.

    Les contradictions et la lutte sont universelles, absolues, mais les méthodes pour résoudre les contradictions, c’est-à-dire les formes de lutte, varient selon le caractère de ces contradictions : certaines contradictions revêtent le caractère d’un antagonisme déclaré, d’autres non.

    Suivant le développement concret des choses et des phénomènes, certaines contradictions primitivement non antagonistes se développent en contradictions antagonistes, alors que d’autres, primitivement antagonistes, se développent en contradictions non antagonistes. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    Cela demande une capacité très importante d’analyse du phénomène ; il faut en suivre le processus, à chaque étape, pour en cerner non seulement les deux aspects, mais aussi la dimension antagonique.

    De la contradiction est, à ce titre, un manuel incontournable, aux enseignements fondamentaux pour comprendre le matérialisme dialectique.

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  • Mao Zedong sur la contradiction : discerner les aspects

    Il est une chose qu’il ne faut jamais perdre de vue : le matérialisme dialectique considère que tout mouvement est une contradiction ; or, qui dit contradiction dit deux aspects.

    Cela signifie que pour comprendre la contradiction, il faut parfaitement connaître les deux aspects, et non simplement un, ni même la « contradiction » comme forme abstraite.

    Sans ces aspects, on rate la dimension concrète du mouvement, qui repose justement sur la dialectique propre aux deux aspects pris spécifiquement. D’où cet appel à porter toute son attention sur le caractère propre aux deux aspects d’une contradiction en particulier :

    « Pour faire apparaître le caractère spécifique des contradictions considérées dans leur ensemble ou dans leur liaison mutuelle au cours du processus de développement d’une chose ou d’un phénomène, c’est-à-dire pour faire apparaître l’essence du processus, il faut faire apparaître le caractère spécifique des deux aspects de chacune des contradictions dans ce processus ; sinon, il sera impossible de faire apparaître l’essence du processus ; cela aussi exige la plus grande attention dans notre étude. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    Si on ne fait pas cela, quelles sont les conséquences ? On rate la réalité, on pratique une analyse abstraite, car coupée des faits, du mouvement réel. C’est là un idéalisme qui se masque derrière un discours pseudo-scientifique, pour cacher qu’il évite les faits, qu’il n’affronte pas l’essence réel du phénomène.

    C’est un discours vain, qui tourne en rond, qui s’auto-nourrit et se répète, sans aucune consistance. Sa nature stérile, desséchée, ne peut bien entendu plus échapper à personne, alors que la réalité se modifie.

    Mao Zedong parle également d’une attitude fondamentalement erronée, consistant à être unilatéral, parce qu’on oublie ou nie certaines parties de la réalité. On est là dans le subjectivisme, qui nie justement les interrelations entre les phénomènes, prétendant passer au-dessus d’elles, pouvoir agir sur la réalité sans les prendre en compte.

    Encore une fois, ici on a la perspective de la totalité. Tout est relié à tout, et même si on ne peut pas connaître toutes les médiations et inter-relations des phénomènes, on peut cerner les principaux aspects, comprendre la tendance, et même le mouvement général.

    Cela demande un travail de fond, une connaissance de la nature dialectique de la matière elle-même. Il ne s’agit pas d’une « méthode » dialectique, mais de la saisie de la réalité telle qu’elle est. Mao Zedong affirme de manière parfaitement juste :

    « Dans leur être objectif, les choses sont en fait liées les unes aux autres et possèdent des lois internes ; or, il est des gens qui, au lieu de refléter les choses telles qu’elles sont, les considèrent d’une manière unilatérale ou superficielle, sans connaître leur liaison mutuelle ni leurs lois internes ; une telle méthode est donc subjective. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    C’est d’autant plus faux que d’être unilatéral que, dans le processus de résolution de la contradiction principale, les contradictions secondaires changent : certaines se résolvent, d’autres s’accentuent, certaines apparaissent, d’autres semblent avoir disparues mais en fait c’est seulement de manière temporaire, etc.

    Ne pas saisir la multiplicité des contradictions dans un phénomène peut avoir de graves conséquences, et faire perdre de vue la contradiction principale.

    Mao Zedong donne l’exemple de la révolution chinoise, avec justement une présentation des interrelations historiques comprises par le Parti Communiste de Chine, dans le cadre de la situation concrète. Il présente également la juste analyse de Staline dans les Principes du léninisme.

    Il en revient cependant toujours à la dimension générale, à la conception générale du matérialisme dialectique, n’hésitant pas à constater que :

    « Comme les choses et les phénomènes sont d’une prodigieuse diversité et qu’il n’y a aucune limite à leur développement, ce qui est universel dans tel contexte peut devenir particulier dans un autre. Inversement, ce qui est particulier dans tel contexte peut devenir universel dans un autre. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    Cela rend bien entendu difficile l’approche des phénomènes ; il faut se rappeler cependant qu’il ne s’agit jamais d’une vue « neutre », concept bourgeois par excellence : une analyse concrète se fonde toujours, et ne peut que se fonder que sur le nouveau, sur ce qui naît.

    Le communisme ne peut être compris que d’un point de vue prolétarien ; le matérialisme dialectique ne saurait être employé sans être à l’avant-garde du processus révolutionnaire.

    Il ne s’agit pas d’une question de choix subjectif, mais de se situer au bon endroit, afin que sa pensée reflète la réalité de manière adéquate.

    C’est pour cela que Mao Zedong enseigne qu’il est nécessaire, en quelque sorte, de bien discerner les aspects et de savoir faire le tri. Mao Zedong prend l’exemple de l’histoire chinoise ; l’analyse matérialiste dialectique de l’histoire chinoise ne pouvait réussir qu’en se fondant sur le point suivant :

    « Dans un processus de développement complexe d’une chose ou d’un phénomène, il existe toute une série de contradictions ; l’une d’elles est nécessairement la contradiction principale, dont l’existence et le développement déterminent l’existence et le développement des autres contradictions ou agissent sur eux (…).

    Dans toute contradiction, les aspects contradictoires se développent d’une manière inégale. Il semble qu’il y ait parfois équilibre entre eux, mais ce n’est là qu’un état passager et relatif ; la situation fondamentale, c’est le développement inégal. Des deux aspects contradictoires, l’un est nécessairement principal, l’autre secondaire. Le principal, c’est celui qui joue le rôle dominant dans la contradiction.

    Le caractère des choses et des phénomènes est surtout déterminé par cet aspect principal de la contradiction, lequel occupe la position dominante.

    Mais cette situation n’est pas statique ; l’aspect principal et l’aspect secondaire de la contradiction se convertissent l’un en l’autre et le caractère des phénomènes change en conséquence.

    Si, dans un processus déterminé ou à une étape déterminée du développement de la contradiction, l’aspect principal est A et l’aspect secondaire B, à une autre étape ou dans un autre processus du développement, les rôles sont renversés ; ce changement est fonction du degré de croissance ou de décroissance atteint par la force de chaque aspect dans sa lutte contre l’autre au cours du développement du phénomène (…).

    Rien au monde ne se développe d’une manière absolument égale, et nous devons combattre la théorie du développement égal ou la théorie de l’équilibre. »

    Mao Zedong, De la contradiction

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  • Mao Zedong sur la contradiction : chaque branche de la science touche un type de mouvement

    Connaître le mouvement, c’est connaître la matière. Connaître un mouvement en particulier, c’est connaître un phénomène en particulier. S’il y a des choses différentes, c’est parce que leur mouvement est différent.

    Voici ce qu’explique Mao Zedong, dans un passage très important :

    « Toute forme de mouvement contient en soi ses propres contradictions spécifiques, lesquelles constituent cette essence spécifique qui différencie une chose des autres. C’est cela qui est la cause interne ou si l’on veut la base de la diversité infinie des choses dans le monde.

    Il existe dans la nature une multitude de formes du mouvement : le mouvement mécanique, le son, la lumière, la chaleur, l’électricité, la dissociation, la combinaison, etc.

    Toutes ces formes du mouvement de la matière sont en interdépendance, mais se distinguent les unes des autres dans leur essence.

    L’essence spécifique de chaque forme de mouvement est déterminée par les contradictions spécifiques qui lui sont inhérentes. Il en est ainsi non seulement de la nature, mais également des phénomènes de la société et de la pensée. Chaque forme sociale, chaque forme de la pensée contient ses contradictions spécifiques et possède son essence spécifique. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    Il en ressort qu’il n’y a qu’une science, le matérialisme dialectique, se divisant en branches consistant en une attention portée sur tel ou tel type de mouvement. Mao Zedong définit cela de la manière suivante :

    « Les contradictions propres à la sphère d’un phénomène donné constituent l’objet d’étude d’une branche déterminée de la science.

    Par exemple, le + et le — en mathématiques ; l’action et la réaction en mécanique ; l’électricité positive et négative en physique ; la combinaison et la dissociation en chimie ; les forces productives et les rapports de production, la lutte entre les classes dans les sciences sociales ; l’attaque et la défense dans la science militaire ; l’idéalisme et le matérialisme, la métaphysique et la dialectique en philosophie – tout cela constitue les objets d’étude de différentes branches de la science en raison justement de l’existence de contradictions spécifiques et d’une essence spécifique dans chaque branche. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    Comme on le voit, la détermination d’une branche scientifique dépend non pas de l’approche intellectuelle, mais de la reconnaissance de tel ou tel type de mouvement.

    Or, pour reconnaître tel ou type de mouvement, il faut déjà maîtriser le matérialisme dialectique.

    Sans connaître le matérialisme dialectique en général, on ne peut pas connaître les phénomènes en particulier ; inversement, il faut se confronter aux contradictions spécifiques aux phénomènes et non pas en rester au général.

    D’ailleurs, on ne saurait comprendre le matérialisme dialectique en général, sans connaître un mouvement dialectique en particulier, qui porte la connaissance du général dans son statut de spécifique, de particulier.

    Chaque mouvement dialectique est spécifique, mais porte la dialectique en général. Mao Zedong précise la chose de la manière suivante :

    « Faute de connaître ce qu’il y a d’universel dans les contradictions, il est impossible de découvrir les causes générales ou les bases générales du mouvement, du développement des choses et des phénomènes.

    Mais si l’on n’étudie pas ce qu’il y a de spécifique dans les contradictions, il est impossible de déterminer cette essence spécifique qui distingue une chose des autres, impossible de découvrir les causes spécifiques ou les bases spécifiques du mouvement, du développement des choses et des phénomènes, impossible par conséquent de distinguer les choses et les phénomènes, de délimiter les domaines de la recherche scientifique.

    Si l’on considère l’ordre suivi par le mouvement de la connaissance humaine, on voit que celle-ci part toujours de la connaissance du particulier et du spécifique pour s’élargir graduellement jusqu’à atteindre celle du général. Les hommes commencent toujours par connaître d’abord l’essence spécifique d’une multitude de choses différentes avant d’être en mesure de passer à la généralisation et de connaître l’essence commune des choses.

    Quand ils sont parvenus à cette connaissance, elle leur sert de guide pour étudier plus avant les différentes choses concrètes qui n’ont pas encore été étudiées ou qui l’ont été insuffisamment, de façon à trouver leur essence spécifique ; c’est ainsi seulement qu’ils peuvent compléter, enrichir et développer leur connaissance de l’essence commune des choses et l’empêcher de se dessécher ou de se pétrifier.

    Ce sont là les deux étapes du processus de la connaissance : la première va du spécifique au général, la seconde du général au spécifique. Le développement de la connaissance humaine représente toujours un mouvement en spirale et (si l’on observe rigoureusement la méthode scientifique) chaque cycle élève la connaissance à un degré supérieur et sans cesse l’approfondit. »

    Mao Zedong, De la contradiction

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  • Mao Zedong sur la contradiction : la différence elle-même constitue une contradiction

    De la contradiction de Mao Zedong a particulièrement marqué les esprits; sa force a été particulièrement reconnue. Pourtant le matérialisme dialectique était déjà l’idéologie largement diffusée depuis l’URSS, alors pourquoi l’œuvre fut-elle si marquante ?

    La raison en est que le document de Mao Zedong est particulièrement clair, la dialectique y est présentée de manière très vivante.

    Il y a de véritables sentences, qui résume admirablement la conception communiste. Voici un exemple de comment Mao Zedong assène les vérités du matérialisme dialectique:

    « Dans le processus de développement de chaque chose, de chaque phénomène, le mouvement contradictoire existe du début à la fin. »

    Non seulement le mouvement dialectique est partout – puisque toute la réalité est matérielle – mais en plus le mouvement dialectique est complet. C’est cela qui a frappé, lorsque l’œuvre fut diffusée dans les années qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, au sein de tout le Mouvement Communiste International.

    Le Capital de Marx avait pareillement marqué les esprits, de par sa capacité à saisir les différents aspects du mode de production capitaliste. La description que fait Karl Marx est vivante, on lit véritablement le processus. C’est cela que souligne Mao Zedong, systématisant les enseignements de Lénine. Mao Zedong explique ainsi :

    « Lénine souligne que Marx, dans Le Capital, a donné un modèle d’analyse du mouvement contradictoire qui traverse tout le processus de développement d’une chose, d’un phénomène, du début à la fin. C’est la méthode à employer lorsqu’on étudie le processus de développement de toute chose, de tout phénomène. »

    Le matérialisme dialectique était déjà mis en avant par l’URSS, mais la position était plus celle de l’observation scientifique, dans le sens où Mao Zedong, à l’inverse, porte son attention sur les questions spécifiques du mouvement dialectique, sur l’étude des cas concrets.

    Gonzalo, dirigeant du Parti Communiste du Pérou, a admirablement compris cela ; il donne de nombreux exemples, comme lorsqu’il affirme que la peur est une contradiction. La perspective ouverte par Mao est réellement celle d’une étude très concrète des contradictions ; c’est une école de la dialectique.

    Cette école a, par définition, une nature ininterrompue, car à partir du moment où il y a un cerveau comme matière grise, comme caisse de résonance de la réalité, le processus est lancé. Dans De la contradiction, Mao Zedong cite ici Friedrich Engels :

    « Nous avons vu que dans le domaine de la pensée également, nous ne pouvons pas échapper aux contradictions et que, par exemple, la contradiction entre l’humaine faculté de connaître, intérieurement infinie, et son existence réelle dans des hommes qui sont tous limités extérieurement et dont la connaissance est limitée, se résout dans la série des générations, série qui, pour nous, n’a pratiquement pas de fin, – tout au moins dans le progrès sans fin. »

    On pourrait, peut-être, penser qu’il y a identité entre la connaissance et l’humanité en tant que telle, puisque, après tout, la série des générations consiste en l’humanité.

    Cela serait ici une erreur, car il existe bien entendu une différence entre le concept d’humanité en général et les individus apparaissant au fur et à mesure ; tous les individus appartiennent à l’humanité et sont des produits historiques, mais ils sont relativement différents de par leur place dans l’espace et le temps.

    C’est cette différence qu’il faut saisir, car elle est en fait une contradiction. Elle est ici entre les dirigeants révolutionnaires et les masses – Mao Zedong développera le principe de la pensée-guide – mais dans tous les cas, discerner c’est déjà établir des interrelations qui, par définition, obéissent à la loi de la contradiction puisqu’elles existent.

    Mao Zedong souligne bien :

    « Dans toute différence il y a déjà une contradiction et que la différence elle-même constitue une contradiction. »

    Et, de fait, comme tout ce qui est est par la contradiction, alors on peut dire comme le fait Mao Zedong :

    « Il n’est rien qui ne contienne des contradictions. Sans contradictions, pas d’univers. »

    Bien entendu, ici l’évolutionnisme vulgaire pourrait prétendre admettre les contradictions, mais en niant le caractère unitaire du processus, ne reconnaissant qu’un Univers décousu, avec des contradictions locales n’ayant pas de signification en tant que totalité.

    Cela apparaît d’autant plus impossible pour l’évolutionnisme vulgaire que le matérialisme dialectique affirme à la fois le caractère unitaire de l’Univers et son caractère infini. Cela dépasse littéralement l’idéologie bourgeoise, aussi « progressiste » qu’elle puisse prétendre être.

    On touche ici la question de la détermination : pour le matérialisme dialectique, tout est déterminé, il n’y a pas de hasard. Tout obéit aux lois du mouvement dialectique, par essence même, et il n’y a rien d’autre, absolument rien d’autre. 

    Mao Zedong résume cela de manière nette :

    « Dans le monde, il n’y a rien d’autre que la matière en mouvement, le mouvement de la matière revêtant d’ailleurs toujours des formes déterminées. »

    Qu’est-ce que cela veut dire ?

    Qu’en fait, même, ce qui distingue la matière d’une autre matière c’est justement le mouvement, parce que chaque mouvement a comme base la matière et que donc deux phénomènes matériels se distinguent matériellement, mais également voire en fait réellement par le mouvement.

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  • Mao Zedong sur la contradiction : une totalité, un processus complet

    Le matérialisme dialectique est une science et il est donc tout à fait normal d’en parler comme d’une découverte. C’est même la science absolue, qui touche tous les aspects de la vie ; c’est la clef pour la compréhension générale de la nature et de la société, de tous les phénomènes.

    Mao Zedong rappelle de la manière suivante ce qu’est l’idéologie communiste :

    « Depuis la découverte de la conception matérialiste-dialectique du monde par les grands fondateurs et continuateurs du marxisme, Marx, Engels, Lénine et Staline, la dialectique matérialiste a été appliquée avec le plus grand succès à l’analyse de nombreux aspects de l’histoire humaine et de l’histoire naturelle, ainsi qu’à la transformation de nombreux aspects de la société et de la nature (par exemple en U.R.S.S.) ; l’universalité de la contradiction est donc déjà largement reconnue et nous n’aurons pas besoin de l’expliquer longuement. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    Ce qui est marquant ici, c’est que Mao Zedong affirme une chose qui, inversement, est méconnue ou refusée en Europe de l’Ouest. L’universalité de la question n’a jamais été en tant que tel réellement assumée par les Partis Communistes en Europe de l’Ouest.

    L’un des grands exemples est l’italien Antonio Gramsci, considéré comme un grand intellectuel communiste des années 1920-1930 par les progressistes en Europe de l’Ouest, ainsi que par la bourgeoisie. Antonio Gramsci, de fait, considérait que le matérialisme dialectique était secondaire, que c’était peut-être vrai, mais peut-être faux, et qu’au final cela ne comptait pas ; le matérialisme historique suffirait.

    Une telle attitude libérale est extrêmement choquante du point de vue communiste, et cela en dit long sur la nature des communistes d’Europe de l’Ouest des annés 1920-1950, dont le rapport au matérialisme dialectique fut ambivalent, ambigu, réticent, hostile, etc.

    Le triomphe de la révolution chinoise tient, à l’inverse, à la reconnaissance de l’universalité de la contradiction par les communistes de Chine et à leur tête Mao Zedong.

    Le principe du matérialisme dialectique est absolu. Il ne s’agit pas simplement de constater qu’il y a un processus contradictoire : tout processus est contradictoire. Tout mouvement est contradiction, et inversement.

    Mao dit donc :

    « L’universalité ou le caractère absolu de la contradiction a une double signification: la première est que les contradictions existent dans le processus de développement de toute chose et de tout phénomène; la seconde, que, dans le processus de développement de chaque chose, de chaque phénomène, le mouvement contradictoire existe du début à la fin. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    Mao Zedong cite ici Friedrich Engels et Lénine, afin de vraiment appuyer la compréhension de cette question. La contradiction n’est pas partielle, elle n’existe pas à côté d’autre chose. Elle est un processus totalitaire, englobant toute la réalité ; rien ne peut lui échapper.

    Quand la bourgeoisie dénonce les « totalitarismes », elle attaque en fait le principe même de totalité, de processus complet. C’est là une importante clef idéologique.

    La bourgeoisie considère que l’être humain est isolé, indépendant, il peut « penser ». Pour le matérialisme dialectique, la pensée est le reflet de la réalité, à des degrés plus ou moins synthétisés.

    Inévitablement, Mao Zedong rappelle donc la conception matérialiste dialectique du reflet : tous les concepts forgés par notre pensée ne sont que des reflets des processus ayant lieu dans la réalité. Il résume cela ainsi:

    « Il convient de considérer toute différence dans nos concepts comme le reflet de contradictions objectives.

    La réflexion des contradictions objectives dans la pensée subjective forme le mouvement contradictoire des concepts, stimule le développement des idées, résout continuellement les problèmes qui se posent à la pensée humaine. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    La pensée et ses formes n’existent qu’en tant que reflets et le rapport entre réalité objective et pensée individuelle, subjective, est nécessairement lui-même dialectique. Les concepts scientifiques se forgent donc au cours du processus ; c’est cela qui justifie le passage, par exemple, du marxisme au marxisme-léninisme.

    On ne peut pas penser en-dehors d’un processus, d’un phénomène, et ce qu’on pense reflète, à différents degrés, le processus, le phénomène. On voit ici le degré de compréhension totale du matérialisme dialectique.

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  • Mao Zedong sur la contradiction : causes internes et causes externes

    Le matérialisme dialectique a une signification universelle. La dialectique est la loi de la matière, de toute la matière, de tous les phénomènes matériels (et il n’y a que des phénomènes matériels).

    Or, la société humaine est un phénomène matériel, et par conséquent elle possède une contradiction interne. C’est la conclusion logique de ce qui a été expliqué précédemment.

    Voici donc ce que déduit Mao Zedong :

    « Selon le point de vue de la dialectique matérialiste, les changements dans la nature sont dus principalement au développement de ses contradictions internes.

    Ceux qui interviennent dans la société proviennent surtout du développement des contradictions à l’intérieur de la société, c’est-à-dire des contradictions entre les forces productives et les rapports de production, entre les classes, entre le nouveau et l’ancien. Le développement de ces contradictions fait avancer la société, amène le remplacement de la vieille société par la nouvelle. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    On a là de nouveau ce que Mao Zedong souligne : on ne peut saisir la réalité qu’en se plaçant dans le mouvement du nouveau contre l’ancien. Sans cela, on a un point de vue erroné, car séparé du développement, et donc non porté par lui.

    Au sein d’une société, la production et la reproduction de la vie sociale, des moyens de vivre, établissent des contradictions qui elles-mêmes amènent des changements.

    Alors qu’aujourd’hui nous pouvons bien mieux saisir le rapport entre la nature et la société, leurs interrelations, nous pouvons accorder toute notre attention à ce que Mao Zedong a expliqué sur le rapport entre causes internes et causes externes.

    Un phénomène, en effet, n’existe pas indépendamment du reste. Un changement dépend toujours de son environnement. Rien n’est plus faux ici que la conception subjectiviste présentant le marxisme comme une science applicable par une humanité toute puissante, ayant pour ainsi dire une capacité divine.

    L’anthropocentrisme est une grave déviation, qui nie les interrelations au sein des phénomènes et le caractère unique de l’univers. Comprendre la dialectique des interrelations, c’est saisir les phénomènes dans leur cadre concret.

    Voilà pourquoi Mao zedong précise :

    « La dialectique matérialiste exclut-elle les causes externes? Nullement. Elle considère que les causes externes constituent la condition des changements, que les causes internes en sont la base, et que les causes externes opèrent par l’intermédiaire des causes internes. »

    Cette question de la condition des changements est primordiale; elle est au cœur du refus de l’idéalisme, du cosmopolitisme, etc. qui nient la réalité générale au nom de contradictions internes arbitrairement séparées de la réalité.

    Bien entendu, Mao Zedong ne cesse de souligner la dimension pratique, c’est logique puisque le matérialisme considère que c’est la matière qui compte et que celle-ci est toujours en mouvement.

    Il ne s’agit pas pourtant du tout, comme on peut le penser de manière erronée, de pragmatisme. C’est une erreur récurrente de gens se prétendant parfois même maoïste, mais ne comprenant pas du tout Mao Zedong en réalité.

    Pourquoi cela ? Bien sûr parce que c’est une question liée au matérialisme. La réalité ne saurait être comprise abstraitement et passivement ; il est nécessaire d’être partie prenante du processus. Le matérialisme dialectique affirme que tout est un seul processus lui-même composé de multiples processus, et que donc il faut participer au processus pour en saisir la signification.

    Mao Zedong souligne ainsi que le matérialisme dialectique ne peut être compris que justement parce que le processus révolutionnaire est lancé en Chine. Voici comment Mao Zedong exprime cela, à la toute fin du premier chapitre.

    « Dès qu’elle pénétra en Chine, elle provoqua d’immenses changements dans la pensée chinoise.

    La conception dialectique du monde nous apprend surtout à observer et à analyser le mouvement contradictoire dans les différentes choses, les différents phénomènes, et à déterminer, sur la base de cette analyse, les méthodes propres à résoudre les contradictions. C’est pourquoi la compréhension concrète de la loi de la contradiction inhérente aux choses et aux phénomènes est pour nous d’une importance extrême. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    Or, ceux qui ont une conception erronée inversent cette conception. Ils pensent que la pratique fait la réalité, alors que c’est la réalité qui impulse la pratique, justement parce que les conditions concrètes permettent aux contradictions internes de s’exprimer.

    Les esprits pragmatiques s’imaginent trouver dans les enseignements de Mao Zedong des « recettes », des formules pratiques, des outils, etc. Cela n’a rien à voir avec le matérialisme dialectique.

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  • Mao Zedong sur la contradiction : rien n’est isolé

    Mao Zedong ne serait pas, en quelque sorte, aussi inquiet dans De la contradiction, si ne faisait face au matérialisme dialectique que ce qu’il appelle « un idéalisme réactionnaire patent ». Il y a également un « évolutionnisme vulgaire » qui a été lancé par la bourgeoisie, pour contrer le matérialisme dialectique.

    Cela signifie que les choses se compliquent : il n’est pas aussi simple que cela d’être matérialiste, dans la mesure où l’on peut justement être contaminé par cet évolutionnisme vulgaire. Mao Zedong présente de la manière suivante la base idéologique de ce dernier :

    « La métaphysique, ou l’évolutionnisme vulgaire, considère toutes les choses dans le monde comme isolées, en état de repos ; elle les considère unilatéralement.

    Une telle conception du monde fait regarder toutes les choses, tous les phénomènes du monde, leurs formes et leurs catégories comme éternellement isolés les uns des autres, comme éternellement immuables. Si elle reconnaît les changements, c’est seulement comme augmentation ou diminution quantitatives, comme simple déplacement.

    Et les causes d’une telle augmentation, d’une telle diminution, d’un tel déplacement, elle ne les fait pas résider dans les choses ou les phénomènes eux-mêmes, mais en dehors d’eux, c’est-à-dire dans l’action de forces extérieures. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    Il y a là quelque chose d’essentiel. Pour le matérialisme dialectique, les concepts et catégories ne sont que relatifs, car tout se transforme et chaque chose se transforme dans un ensemble, une totalité : l’Univers, lui-même en transformation.

    Il n’y a donc pas de « briques » éternelles constituant la réalité. La réalité est un système dont chaque élément se transforme, tout comme l’ensemble.

    L’évolutionnisme vulgaire a quant à lui une vision quantitative du monde, alors que le matérialisme dialectique a une vision qualitative. 

    L’évolutionnisme vulgaire considère que le monde est fait de « briques » se rencontrant et se confrontant, que c’est là la source de tout changement possible, alors que Mao Zedong inversement souligne la « thèse de la dialectique matérialiste selon laquelle le développement des choses et des phénomènes est suscité par leurs contradictions internes ».

    Le principe de la contradiction est en effet le moteur de la matière, le moteur interne, faisant qu’absolument rien ne puisse être statique est isolé.

    On a coutume de résumer la conception formulée par Mao Zedong par « Un devient deux » ; en Chine populaire à l’époque de Mao Zedong, on disait également « Rien n’est indivisible ». Le rétablissement de cette connaissance, assumée en tant que telle, n’a pu être permise que par le PCF(mlm).

    L’une des erreurs classiques, notamment en France justement, est de pratiquer l’évolutionnisme vulgaire en s’imaginant être marxiste.

    Or, il ne s’agit pas simplement de regarder un phénomène et d’en rechercher le moteur interne. Il faut également saisir la nature de ce phénomène, son interrelation avec les autres phénomènes.

    Ce point est considéré, paradoxalement, comme de la « métaphysique » par les évolutionnistes vulgaires se prétendant marxiste !

    En réalité, ne pas saisir les interrelations, c’est en revenir aux « briques » séparées formant la réalité, même si on emprunte au matérialisme dialectique le principe du moteur interne.

    Car pour le matérialisme dialectique, les deux aspects formant le moteur d’un phénomène ne sauraient exister de manière « indépendante ». C’est tout le principe d’indépendance que remet fondamentalement en cause le matérialisme dialectique.

    Cela ne remet pas en cause que le moteur soit la contradiction interne ; il s’agit simplement de saisir qu’un processus dialectique n’existe pas indépendamment des autres processus, même s’il a sa dynamique propre justement avec son saut qualitatif.

    Mao Zedong affirme donc :

    « La conception matérialiste-dialectique veut que l’on parte, dans l’étude du développement d’une chose ou d’un phénomène, de son contenu interne, de ses relations avec d’autres choses ou d’autres phénomènes, c’est-à-dire que l’on considère le développement des choses ou des phénomènes comme leur mouvement propre, nécessaire, interne, chaque chose, chaque phénomène étant d’ailleurs, dans son mouvement, en liaison et en interaction avec les autres choses, les autres phénomènes qui l’environnent. »

    Mao Zedong, De la contradiction

    Ces mots, « étant d’ailleurs », sont d’une signification essentielle pour comprendre le matérialisme dialectique. L’Univers est un, il est un ensemble, sa réalité est une. L’évolutionnisme vulgaire pseudo-marxiste le décompose pourtant de manière arbitraire, en prenant certains bouts pour les « interpréter » de manière faussement matérialiste.

    C’est notamment le « matérialisme historique » qui a pu être ici prétexte à une escroquerie bourgeoise, en étant séparé du matérialisme dialectique, avec des éléments historiques pris au hasard et expliqués de manière subjectiviste et idéaliste, mais avec un vocabulaire pseudo-marxiste. Il manquait toujours la liaison avec l’ensemble, avec le mouvement d’ensemble.

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  • Mao Zedong sur la contradiction : en défense du matérialisme dialectique

    « Nous parlons souvent du « remplacement de l’ancien par le nouveau ». Telle est la loi générale et imprescriptible de l’univers. »

    « La connaissance de la matière par l’homme, c’est la connaissance de ses formes de mouvement, étant donné que, dans le monde, il n’y a rien d’autre que la matière en mouvement. »

    C’est en août 1937, dans la base rouge du Yenan, que Mao Zedong a écrit une œuvre d’une importance capitale pour le matérialisme dialectique : De la contradiction. Le contenu en fut expliqué à l’Université anti-japonaise, ayant une nature politico-militaire, puis révisé pour publication. L’œuvre devint un classique, étant produit par la révolution chinoise et permettant à la révolution démocratique chinoise de disposer d’un fondement solide : une juste compréhension du matérialisme dialectique.

    De la contradiction fut immensément appréciée également dans les autres pays; il s’agit d’une œuvre explicative d’une très grande portée, présentant la substance du matérialisme dialectique d’une manière parfaitement lisible et avec un grand esprit de conséquence.

    C’était à la fois une introduction au matérialisme dialectique, et en même temps une formidable synthèse ; Mao Zedong a réalisé cette étude en procédant à la formation de six chapitres, dont la liaison interne est à comprendre pour en saisir la perspective.

    Le problème est déjà naturellement que si tout est dialectique, alors ce qu’on explique l’est aussi. Comment alors faire comprendre ce qu’on explique, puisqu’on ce qu’on explique est déjà dans l’explication elle-même ? 

    Pour résoudre de manière productive cette problématique, Mao Zedong procède de la manière suivante.

    La première étape est une simple constatation : il existe deux manières de voir les choses. Dans l’histoire de l’humanité jusqu’à présent, il y a l’idéalisme et le matérialisme, c’est-à-dire d’un côté le fait de séparer le corps et l’esprit, de l’autre le fait de ne pas le faire. L’idéalisme croit en un monde idéal et parallèle, non matériel c’est-à-dire spirituel, alors que le matérialisme considère que seule la matière existe.

    Une fois qu’il a exposé cela, Mao Zedong présente le point de vue matérialiste, en expliquant le principe de la contradiction. C’est la base du matérialisme dialectique: le matérialisme ne peut pas être compris sans saisir la dialectique.

    Pour cette raison, Mao Zedong montre d’abord la signification générale de la contradiction, sa valeur universelle, pour ensuite s’attarder sur la question de la nature spécifique de la contradiction, c’est-à-dire le fait que la contradiction, au-delà d’être un principe général, est vrai partout et qu’il faut donc saisir sa réalité dans chaque phénomène.

    On a d’abord le principe, la substance, ensuite la constatation de cette substance dans chaque phénomène, puis un retour logique à la perspective générale. A ce titre, Mao Zedong continue d’affiner en faisant une distinction entre les contradictions au sein d’un même phénomène : il faut qu’il y en ait un qui prime. C’est ce qu’on appelle l’aspect principal.

    Une fois cela fait, il a alors expliqué la contradiction en tant que réalité générale et il peut donc effectuer une synthèse en portant son attention sur la lutte et l’identité des deux aspects de la contradiction, c’est-à-dire la question de savoir à quel moment une contradiction amène un saut qualitatif, à travers un antagonisme.

    Tel est le plan de l’œuvre, d’une discipline à toute épreuve.

    Car le point de départ de Mao Zedong est le matérialisme dialectique, idéologie inscrite au cœur de l’Union Soviétique par Staline. On a ici l’expression d’une fidélité et d’une continuité.

    C’est quelque chose de très erroné que l’attitude des mouvements étudiants des années 1960 en Europe de l’Ouest, qui ont opposé Mao Zedong à Staline, tout cela parce qu’ils ne connaissaient rien au matérialisme dialectique et à Staline, en raison de l’influence massive du révisionnisme et du social-impérialisme soviétique.

    Mao Zedong est en pratique le produit des conditions concrètes de la Chine, mais avec comme moteur idéologique l’URSS de Staline.

    Les premières phrases de De la contradiction se veulent un rappel immédiat de l’idéologie communiste définie par l’URSS de Staline :

    « La loi de la contradiction inhérente aux choses, aux phénomènes, ou loi de l’unité des contraires, est la loi fondamentale de la dialectique matérialiste.

    Lénine dit:

    « Au sens propre, la dialectique est l’étude de la contradiction dans l’essence même des choses … ». »

    Mao Zedong parle, en effet, dans ce document, en tant que dirigeant du Parti Communiste de Chine, et il se veut ici le garant de l’idéologie face aux déviationnistes. On est ici dans le cadre du mouvement communiste, où la défense de l’idéologie est primordiale ; une erreur idéologique est considérée comme ayant des conséquences infiniment graves, puisque c’est le Parti Communiste qui dirige la révolution : si ses analyses sont erronées, alors la révolution ne peut pas avancer.

    On a ici affaire au primat de l’idéologie et Mao fait une présentation générale de la substance même du matérialisme dialectique, afin de le défendre.

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