(2014)
Le mouvement communiste incarné par le Parti révolutionnaire de libération du peuple (DHKP) et son Front (DHKC), se bat depuis 35 ans pour la libération sociale des peuples turc, kurde, arabe, laze, circassien, bosniaque, géorgien, abkhaze, grec, rom, arménien, syro-chaldéen, assyrien etc. qui cohabitent en Turquie.
Le DHKP/C est un mouvement populaire, fruit d’un long processus politico-militaire interrompu par deux coups d’états fascistes (en 1971 et en 1980). Le mouvement apparaît en 1970 sous le nom de THKP/C (Parti-Front révolutionnaire de libération de la Turquie) et en 1978, refait surface sous l’appellation « Devrimci Sol » (Gauche révolutionnaire).
Les circonstances de la naissance du THKP/C
A partir de 1946, l’impérialisme US opère une reconquête néo-coloniale de la Turquie dans le cadre de la doctrine Truman et du Plan Marshall, à travers les relations qu’il développe avec la nouvelle bourgeoisie turque. Etant encore embryonnaire et donc incapable d’imposer son pouvoir politique, cette bourgeoisie s’allie aux seigneurs fonciers, aux commerçants et aux usuriers pour former une oligarchie.
Le 27 mai 1960, des officiers anti-impérialistes fidèles aux principes de Kemal Atatürk, le fondateur nationaliste de la république de Turquie, mènent un coup d’état, appuyée par la classe ouvrière, les étudiants, les intellectuels et l’opposition démocratique, exécutent les dirigeants du parti pro-yankee, le DP, et font voter en 1961 une nouvelle Constitution, qui est de loin la plus démocratique que la Turquie ait connue. Les droits politiques et syndicaux sont désormais respectés, les banques et les grandes entreprises sont nationalisées, l’autonomie est accordée aux universités, la censure est abolie. Conséquence : une quantité incalculable d’ouvrages marxistes sont traduits, ce qui contribue à l’éducation politique de la classe ouvrière et de la jeunesse et à l’émergence d’une nouvelle génération révolutionnaire.
En 1961, le Parti ouvrier de Turquie (TIP) voit le jour. En 1965, ce parti fonde dans les universités la Fédération des clubs de réflexion (FKF). L’un des dirigeants de la fédération, Mahir Cayan, futur dirigeant du THKP/C, travaille à la radicalisation de la lutte populaire et à la fusion entre la classe ouvrière et les étudiants.
En juillet 1968, lorsque la 6e flotte nord-américaine accoste sur les rives d’Istanbul, les jeunesses révolutionnaires jettent les Marines par dessus bord. Entre-temps, les services secrets excitent les organisations fascistes contre les mobilisation anti-impérialistes. Ces provocations aboutissent le 16 février 1969 au « dimanche sanglant » où deux ouvriers sont assassinés par les fascistes.
Le 6 juillet 1969, le recteur de l’université technique du Moyen Orient (ODTÜ) à Ankara reçoit l’ambassadeur des Etats-Unis, Robert Commer, un agent de la CIA surnommé le « boucher du Vietnam ». Plusieurs milliers d’étudiants en colère avec à leur tête Mahir Cayan renversent et incendient la voiture de Commer. Cette action donne des ailes au mouvement révolutionnaire et anti-impérialiste.
En octobre 1969, la jeunesse se distance de la direction réformiste du TIP et convertit la FKF en une nouvelle organisation qui va entrer dans la légende : Devrimci Gençlik, les Jeunesse révolutionnaires, surnommées « DEV-GENC »
En décembre 1970, les dirigeants de Dev Genç fondent un parti clandestin de type marxiste-léniniste, le THKP et un front populaire, le THKC qui prônent la lutte armée contre l’occupation néo-coloniale du pays.
Cependant, le THKP/C est pris de court : le 12 mars 1971, une junte fasciste s’empare du pouvoir avec l’aide de la CIA. Une véritable chasse à l’homme est engagée mais le THKP/C poursuit sa lutte.
Le 30 mars 1972, les dirigeants du THKP/C dont Mahir Cayan sont encerclés par l’armée dans le village de Kizildere situé dans les régions de la Mer Noire. Les dix combattants révolutionnaires encerclés refusent la reddition et résistent jusqu’à leur dernière cartouche. Ils meurent en héros. Leur résistance marquera profondément les peuples de Turquie. Au point que Mahir Cayan est aujourd’hui considéré comme le Che Guevara turc.
La naissance de Devrimci Sol
Après la défaite de Kizildere et dès 1973, le flambeau de la lutte est repris par des jeunes révolutionnaires très actifs mais inexpérimentés qui se proclament « Frontistes ».
Parallèlement au développement de la lutte sociale, l’oligarchie soutient des milices fascistes, les « Loups Gris » qui vont briser les grèves, assassiner les étudiants et les professeurs et mener des pogroms contre les minorités nationales (arméniens, grecs, kurdes) et religieuses (alevi, chrétiens). Entre 1974 et 1980, le terrorisme fasciste appuyé par l’Etat turc et Washington au nom de la lutte contre le communisme, coûte la vie à plus de 5000 personnes. En 1976, les « Frontistes » recréent l’organisation légendaire des jeunesses révolutionnaires Dev Genç. Les cadres de Dev Genç créent le 20 décembre 1978 dans le feu de la lutte anti-fasciste, une nouvelle organisation politico-militaire : Devrimci Sol, c’est-à-dire la Gauche révolutionnaire.
Devrimci Sol va littéralement ébranler le pouvoir de l’oligarchie en dirigeant de grandes grèves ouvrières, en libérant plusieurs quartiers des sièges fascistes et de l’autorité policière, en punissant les tortionnaires et les fascistes, en expropriant les terrains appartenant à l’Etat et au secteur privé qui se trouvent en périphérie des villes pour y construire des habitations pour les pauvres, en détournant des camions appartenant aux entreprises monopolistes pour redistribuer leur chargement de nourriture dans les quartiers prolétariens, en développant la guérilla rurale, surtout dans la région de la Mer Noire et dans le Kurdistan.
Le 12 septembre 1980, l’oligarchie, prise de panique, fait une nouvelle fois appel aux généraux fascistes formés à l’Ecole des Amériques. Le pays sombre dans une ère apocalyptique : les chars défilent dans la rue, l’armée organise des rafles dans chaque quartier, les prisons sont pleines à craquer, tous les bâtiments de l’Etat (écoles, stades et salles de sport) sont transformés en camps de concentration, les salles de torture tournent à plein gaz. Des centaines de personnes sont abattues en pleine rue. On ferme les bureaux de parti et les syndicats. On interdit les grèves. On persécute les journalistes et on brûle les livres.
Les dirigeants de Devrimci Sol sont tous soit arrêtés, soit exécutés. En raison de l’ampleur des rafles et de l’affaiblissement du mouvement révolutionnaire, le front du combat entre l’oligarchie et l’avant-garde du peuple, se déplace vers les prisons.
Après avoir essayé toutes les options militaires, l’oligarchie conclue que la captivité et l’élimination physique ne suffisent pas à écraser les révolutionnaires. En 1984, la junte fasciste adopte un programme de réhabilitation élaboré par la CIA et destiné à dépersonnaliser les détenus révolutionnaires en vue de les faire capituler : le port obligatoire de l’uniforme.
Les détenus de Devrimci Sol déclenchent alors une grève de la faim au finish appelée « jeûne de la mort ».
Après 75 jours de jeûne, quatre prisonniers perdent la vie. Mais au bout de cette résistance, le programme est finalement retiré. Cette résistance mémorable marque la première victoire du mouvement révolutionnaire sur la junte fasciste.
De 1985 à 1990, Devrimci Sol décrète le repli tactique. Pendant ce temps, les prisonniers de Devrimci Sol comparaissent dans les tribunaux militaires dans le cadre de procès de masse. Au cours de ces audiences, le leader de Devrimci Sol Dursun Karatas, convertit le banc des accusés en tribune d’accusation. Il lit publiquement une liste des « ennemis du peuple » qui sont déclarés « cibles de la justice populaire ».
Après plusieurs évasions de dirigeants révolutionnaires et la réactivation de la lutte sociale, en mars 1990, Devrimci Sol lance « l’offensive ». Chaque cadre politique devient un dirigeant militaire. Le mouvement révolutionnaire est de toute les luttes, légales et illégales. Il a désormais le vent en poupe.
Devrimci Sol traque les membres de la junte, les tortionnaires et les agents de l’impérialisme. En 1991, plusieurs officiers yankees sont ainsi éliminés en représailles à la guerre contre l’Irak.
Cette phase offensive nécessite un grand sacrifice et plusieurs dirigeants de Devrimci Sol sont exécutés en 1991 et 1992 mais le mouvement parvient à panser ses plaies et à se restructurer.
Le rêve de révolution continue avec le DHKP/C
Le 30 mars 1994, les cadres de Devrimci Sol refondent le Parti (DHKP) et le Front (DHKC) : le Parti, marxiste-léniniste et clandestin, assure le leadership politique tandis que le DHKC, c’est-à-dire le front populaire, organise la lutte des masses sur une base anti-impérialiste et anti-fasciste.
Le DHKC est implanté dans les usines, les ateliers, les villages, les quartiers populaires, les syndicats, les universités, les lycées, les associations professionelles, le milieu des juristes, le monde de la culture, l’immigration turque et kurde en Europe… Le Front compte aujourd’hui également près de 400 prisonniers. Ces dix dernières années, plus de 9.000 personnes ont été condamnées pour appartenance ou soutien au DHKP/C.
Le DHKP/C se distingue par sa fidélité absolue à ses principes, par sa combativité, son irréductibilité, son esprit de sacrifice et de camaraderie, son amour pour la vie et pour l’humanité, son internationalisme, son refus total du statu quo et du dogmatisme.
Les combattants armés qui font également partie du Front sont organisés dans des “Unités de propagande armées” (SPB) elles-même appuyées par la milice. Les SPB sont actives tant dans les villes que dans les montagnes.
En 35 ans, près de 850 héros du DHKP/C sont tombés dans le combat pour l’indépendance, la démocratie et le socialisme. Le DHKP/C inspire une telle crainte pour l’impérialisme que le mouvement figure depuis plusieurs années dans la liste des organisations terroristes du Département d’Etat américain, sous toutes ses appellations. En février 2002, l’ex-chef de la CIA, Georges Tenet propose même au Congrès américain, de combattre le DHKP/C « pour le détruire ». Le même sort est réservé à trois organisations palestiniennes et aux FARC de Colombie.
Après les attentats du 11 septembre, l’impérialisme US déclare d’une part la guerre militaire, économique, politique, culturelle et psychologique aux peuples ; d’autre part, intensifie ses pressions contre ses alliés. Et finalement, l’administration Bush convainc l’Union européenne d’adopter sa « liste noire » des organisations « terroristes ».
Ainsi, depuis le 2 mai 2002, le DHKP/C figure également dans la liste des organisations « terroristes » de l’Union européenne.
Le jeûne de la mort, une résistance pour la justice, la dignité et le socialisme
Si le mouvement révolutionnaire de Turquie est internationalement connu, c’est surtout par sa résistance contre l’isolement carcéral. Le 20 octobre 2000, les détenus révolutionnaires entament une grève de la faim contre leur transfert vers de nouvelles prisons de haute sécurité appelées « prisons de type F ». Ces prisons sont des centres de torture modernes importés des Etats-Unis et de l’Union européenne dans le but de détruire la collectivité des prisonniers. Le 19 décembre 2000, l’armée gouvernementale prend d’assaut les 20 prisons-dortoirs où les grévistes de la faim sont retranchés, assassinant 28 détenus et en blessant près d’un millier. Les détenus qui survivent à l’attaque sont déportés vers les prisons de type F. Aujourd’hui, voici cinq ans que les prisonniers du DHKP/C observent un jeûne de la mort qui a déjà coûté la vie à 120 d’entre eux. Malgré cette hécatombe et une censure assourdissante, le collectif des prisonniers révolutionnaires résiste toujours, avec un enthousiasme victorieux et un moral d’acier.
Le DHKC au cœur de la lutte des peuples contre l’impérialisme
Aux côtés des « Captifs libres » et des combattants du DHKC, il y a la résistance des peuples du Venezuela, de Cuba, de Colombie, d’Irak, du Népal, de Corée, de Palestine… Tant que des Fidel se lèveront pour dire « je préfère faire la file pour le pain que de me mettre à genoux devant les Etats-Unis », tant que les petits-enfants de Simon Bolivar continueront de défier les gringos, tant que la résistance irakienne continuera de frapper les troupes d’occupation, tant que la Palestine vivra, l’impérialisme yankee ne pourra parvenir à globaliser le monde sous sa domination et sa terreur.
Le DHKC est fier d’assumer son rôle historique dans la résistance à l’impérialisme. Il appelle toutes les forces progressistes à s’unir dans ce combat et salue chaleureusement l’humanité en lutte pour la paix, la justice et la liberté.
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