Le mode de production capitaliste est toujours
plus ébranlé ; si certains secteurs se développent
particulièrement, d’autres stagnent voire reculent. Aussi,
l’angoisse d’une précarisation sociale violemment forcée prend
à la gorge des parties toujours plus importantes de la population.
Il y a cependant lieu d’avoir un aperçu juste de ce processus.
En effet, la petite-bourgeoisie cherche toujours à
gommer son existence pour prétendre à une certaine « objectivité »,
alors que dans les faits elle est une couche sociale tampon entre
prolétariat et bourgeoisie.
Elle déforme les luttes ou se les approprie,
selon ses propres intérêts. Elle refuse d’être subordonnée tant
à la bourgeoisie qu’au prolétariat. Aussi n’est-il pas possible
de s’orienter du point de vue du prolétariat sans comprendre les
modalités de la crise générale du capitalisme frappant la
petite-bourgeoisie.
L’enjeu de la question :
la protection des forces démocratiques
Il existe de nombreuses conceptions du changement
social, notamment l’alternative réforme ou révolution. Cependant,
au-delà des divergences possibles et des différences d’analyses
ou d’interprétations, il est évident que le capitalisme, malgré
ses prétentions à la stabilité, connaît des soubresauts, des
moments de profondes perturbations, des périodes de crise.
Même si l’on admet pas le principe, qui nous
semble juste, que le capitalisme ne peut qu’aboutir à une
crise générale et qu’il ne peut chercher à s’en sortir que par
la guerre, on est bien obligé d’admettre qu’il existe
des phases où le capitalisme est tellement tourmenté qu’il y a
des explosions sociales.
Or, si elles sont incomprises ou si elles sont
orientées dans une direction réactionnaire, alors il ne reste plus
de place pour rien. Si la petite-bourgeoisie passe en masse dans le
camp de la réaction, celle-ci se voit terriblement renforcée.
Les socialistes et les communistes, comme
l’ensemble des forces démocratiques, ont été balayés par le
fascisme italien et le national-socialisme allemand, ainsi que par le
franquisme espagnol, le fascisme clérical autrichien, etc., qui tous
ont su mobiliser la petite-bourgeoisie.
Celle-ci était prise à la gorge par la crise,
elle a cherché une porte de sortie. Elle a pensé en trouver une
dans le fascisme. C’est cela qu’il s’agit de comprendre, en
ayant en tête que ce n’est jamais une question purement
« théorique », de par la répression, la militarisation.
C’est toujours une question vitale pour le
mouvement ouvrier et par ailleurs l’ensemble des forces
démocratiques. Échouer à saisir la complexité de la société à
des moments clefs, c’est ne pas être en mesure de faire face à la
pression réactionnaire et à l’écrasement fasciste de tout ce qui
s’oppose au capitalisme.
La petite-bourgeoisie, couche
sociale et non pas classe
Les enseignements de Karl Marx et Friedrich Engels
présentent le mode de production capitaliste comme se fondant sur
deux classes, le prolétariat et la bourgeoisie. Cette dernière
possède les moyens de production et exploite la classe antagonique,
qui n’a rien à perdre à part ses chaînes.
Il est évident que cette thèse, tout à fait
juste dans ses fondements, exige d’être contextualisée. En
l’occurrence, avec l’apparition de l’impérialisme comme stade
suprême du capitalisme, on peut s’apercevoir que les pays
capitalistes les plus puissants tirent tellement de ressources de
leur hégémonie qu’ils sont capables de disposer de périodes de
grande stabilité.
En raison du développement ample de la
productivité capitaliste et de la domination des pays d’Afrique,
d’Asie et d’Amérique latine, les pays capitalistes les plus
puissants ont pu arracher une paix sociale en corrompant une partie
du prolétariat, mais aussi en donnant naissance à de larges couches
sociales intermédiaires entre la bourgeoisie et le prolétariat,
ayant des fonctions subalternes dans le capitalisme mais se
distinguant de la fonction directe de l’exploitation.
C’est ce qu’on appelle la petite-bourgeoisie.
C’est une couche sociale et non pas une classe, elle oscille entre
prolétariat et bourgeoisie. De par son statut social et son mode de
vie, elle exerce une grande influence sur le prolétariat.
Son mode de vie plus élevé aboutit à une
certaine fascination dans le prolétariat, notamment par rapport à
la question de l’accès à la propriété. A la
complication nouvelle historiquement par rapport à Karl Marx que
pose le fait que le prolétariat soit devenu un prolétariat
métropolitain, vivant dans le 24 heures sur 24 de l’idéologie
capitaliste, s’ajoute la corruption petite-bourgeoise des
valeurs prolétariennes.
Cette corruption n’est pas que culturelle ou
sociale, elle est aussi directement économique et politique, ce qui
revient d’ailleurs au même. Car la petite-bourgeoisie a besoin de
la classe ouvrière comme levier afin de s’opposer à la
bourgeoisie pour exister de manière moins « comprimée »
au sein du capitalisme, pour gagner de l’espace entre prolétariat
et bourgeoisie.
Les exemples sont innombrables de phénomènes
sociaux commençant dans le camp prolétarien et happés par la
petite-bourgeoisie, qui en arrache la direction, en en profitant tout
en en vidant la substance. On peut penser, pour prendre des exemples
qui parlent, au hip hop, au metal ou aux musiques électroniques, où
des éléments petits-bourgeois, plus éduqués et plus
opportunistes, se sont appropriés les scènes culturelles et le
genre musical.
Le principe des ciseaux dans le
cadre
de la crise générale du capitalisme
De par sa nature, le mode de production
capitaliste est obligé de faire en sorte que l’accumulation du
capital soit toujours plus croissante et cela dans une situation
marquée par la chute tendancielle du taux de profit, dans un
contexte de concurrence internationale toujours plus acharnée, alors
qu’à l’arrière-plan des monopoles se mettent en place. Cela
aboutit à une agressivité vers l’extérieur et vers l’intérieur,
c’est-à-dire des interventions militaires sur le plan
international et une pressurisation de la classe ouvrière à
l’intérieur du pays.
Cela a des conséquences très lourdes lors des
moments de crise apparaissant comme de vraies césures. En effet,
tant qu’il n’est pas ébranlé dans ses fondements, le
capitalisme est capable d’une telle accumulation qu’il est en
mesure de maintenir l’existence de couches sociales artificielles
telles que la petite-bourgeoisie, l’aristocratie ouvrière, de
larges couches de fonctionnaires, comme produit indirect de l’élan
productif.
Par contre, dès que la base capitaliste va vers
son déclin, ces couches sociales protégées en apparence sont les
premières à tomber, révélant et exprimant l’antagonisme
essentiel entre les deux classes fondamentales formant la
contradiction du mode de production capitaliste.
La crise générale du capitalisme agit comme des
ciseaux, comprimant, écrasant tout ce qui existe entre prolétariat
et bourgeoisie. Ce processus est évidemment complexe, visant
certaines couches sociales plus que d’autres, de manière non
symétrique et sans proportions entre les couches sociales. Tout cela
dépend des rapports de force politique et économique, du contexte,
de la nature de l’État, de la nature des crises économiques, etc.
Ainsi, l’armée est par définition une couche
artificielle portée par le capitalisme, mais jamais la bourgeoisie
n’amènera sa suppression, puisqu’il en va de sa survie. Il n’en
va pas de même pour la recherche scientifique, par exemple, aussi
absurde que cela apparaisse, car le capitalisme est porté par une
classe décadente qui est incapable d’organisation. La bourgeoisie
peut couper le fonds des subventions à l’art contemporain, qui lui
est pourtant utile ; elle ne peut pas pour autant trop
pressuriser la police.
La compression de la petite-bourgeoisie est ainsi
un processus mécanique, produit de manière automatique de par la
recherche de profits par la bourgeoisie. La petite-bourgeoisie est
simplement sur sa route : elle dispose de capital et, à ce
titre, aussi faible soit ce capital, il est une cible pour la
bourgeoisie en quête d’accumulation.
La panique de la
petite-bourgeoisie devant la prolétarisation
La petite-bourgeoisie a une véritable hantise de
la prolétarisation. Elle entend rester à l’écart du prolétariat.
Et, en même temps, elle sait très bien que la bourgeoisie est son
ennemi, que les monopoles visent son expropriation. La
petite-bourgeoisie est ainsi placée dans une situation intenable,
l’amenant à avoir des revendications incohérentes.
D’un côté, elle veut avoir davantage de
propriété, de l’autre elle ne peut pas avoir confiance ni en la
bourgeoisie qui ne compte rien lui céder, ni s’appuyer sur la
classe ouvrière, qui porte en elle l’abolition de la propriété.
D’un côté, elle rejette toute critique
collectiviste du capitalisme, de l’autre elle ne veut pas se
retrouver comme simple valet de la bourgeoisie, tout en ayant en plus
besoin de la classe ouvrière dans son opposition aux monopoles.
La petite-bourgeoisie n’est donc pas seulement
une classe fantôme, n’existant que temporairement dans le mode de
production capitaliste : elle est également hantée. La
hantise du déclassement social la traverse de part en part.
Cela la pousse à réagir de manière d’autant
plus hystérique qu’elle ne parvient pas à trouver la source de
son trouble, et à être d’autant plus perturbée si jamais elle
perçoit que sa propre nature est la source de sa condamnation
sociale historique.
Elle invente par conséquent tout un nombre
d’idéologies et de démarches sociales, toutes plus éclectiques
les unes que les autres, car n’étant pas une classe, elle n’a
pas le sens des réalités et doit puiser à la fois dans le camp
bourgeois et le camp prolétarien.
Il y a donc toujours un dénominateur commun dans
les expressions petites-bourgeoises : rejetant à la fois la
classe ouvrière et les monopoles – ce qui n’est pas possible sur
le plan historique – la petite-bourgeoisie est amenée à prôner une
hypothétique troisième voie entre capitalisme et communisme.
Les caractéristiques de la
« troisième voie » petite-bourgeoise
La quête d’une « troisième voie »
entre capitalisme et communisme, c’est-à-dire entre les monopoles
et la classe ouvrière, s’est exprimée par un nombre sans fin de
démarches et d’idées utopiques censées résoudre les problèmes
du monde.
Leurs caractéristiques obéissent à la loi comme
elles reflètent le caractère incohérent de la petite-bourgeoisie.
On retrouve donc systématiquement :
– la croyance en un complot d’une élite
secrète ;
– le refus d’utiliser le terme bourgeoisie ;
– le refus de reconnaître l’existence de la
classe ouvrière ;
– le refus d’aborder la question de la
propriété ;
– la focalisation sur la finance ;
– l’exigence de la sobriété, d’un retour en
arrière sur le mode productif ;
– le refus de la politique ;
– le refus de l’organisation démocratique
prolongée et structurée de manière bien déterminée.
La petite-bourgeoisie se fait le vecteur d’une
démarche qui ne doit servir qu’elle-même, qui ne doit
correspondre qu’à ses propres intérêts. En même temps, elle a
besoin de mobiliser dans le prolétariat pour se renforcer et doit
donc utiliser une certaine démagogie sociale. Pour autant, rien ne
doit aller dans le sens d’une éventuelle remise en cause de la
bourgeoisie ; certains thèmes sont donc absolument proscrits.
La petite-bourgeoisie, lorsqu’elle formule un
mouvement, met donc toujours en place un simulacre de lutte de
classe.
Les nombreux exemples français
La France est traditionnellement un pays où la
petite propriété a eu une grande place. Elle est restée
majoritairement agricole jusque l’entre-deux guerres, et même
après 1945 le poids de cette réalité sociale est resté très
important, notamment dans la question du logement.
Sa dynamique impérialiste a permis de former de
larges couches sociales intermédiaires, avec un puissant encadrement
social et culturel, notamment au moyen des syndicats.
Il n’est donc pas surprenant que, avec la
progression de la crise générale du capitalisme, il y ait une quasi
avalanche de mouvements petit-bourgeois contestataires. L’un des
plus fameux aura été « Nuit debout », qui prétendait
réactiver le principe de la révolution française. C’est
également pour beaucoup la dynamique de La France Insoumise, avec le
même état d’esprit de non-remise en cause de la propriété, de
l’utilisation du concept de « peuple » dans un sens
très large et opportuniste.
Un autre mouvement très marquant a été le
tandem Égalité & réconciliation / Dieudonné. La mode de la
« quenelle » relève directement de l’esprit révolté
petit-bourgeois ; elle a d’ailleurs puissamment contaminé le
prolétariat lui-même. Alain Soral, leader de Égalité &
réconciliation, a obtenu un grand succès comme polémiste agressif,
au style violemment plébéien.
Il faut ici rappeler le très grand succès de la
vague délirante voyant en les phénomènes sociaux un complot des
« illuminatis ». Il y a eu bien d’autres variantes,
comme les discours sur le « complot » qu’aurait été
le 11 septembre, l’explication que la traînée des avions est un
empoisonnement (les « chemtrails »), à quoi il faut
ajouter le mouvement « zeitgeist », etc.
Ce « blocage » psychologique sur une
élite est également celui d’ATTAC, qui vise uniquement la
finance, ou bien dans l’arrière-pays, des « nationalistes
autonomes ». Il y a eu la vague des bonnets rouges avec leur
jacquerie fiscale, et il y a les antispécistes qui voient un complet
« spéciste » dirigé le monde.
Il faut bien sûr mentionner l’immense vague
formée par les décroissants, Alternatiba, les colibris de Pierre
Rabhi et les zadistes. On est ici dans une vague de « retour à
la terre » pour retrouver les valeurs censées être
authentiques de la petite production.
Il y a également eu l’ultra-gauche, avec
« l’insurrection qui vient » de Julien Coupat jusqu’au
mouvement contre la loi travail, qui a d’ailleurs reçu le soutien
ouvert de la CGT, c’est-à-dire de l’aristocratie ouvrière.
Et il y a les gilets jaunes, jacquerie fiscale
portée par la petite-bourgeoisie entrepreneuriale.
La révolte petite-bourgeoise :
une base juste, une orientation déraillée
La petite-bourgeoisie n’est pas une classe et
par conséquent sa crise n’est pas sa propre crise à elle. Elle
n’a pas de densité historique suffisante pour cela. Sa crise est
donc en même temps la crise du prolétariat et la crise de la
bourgeoisie.
Elle est en même temps la crise du mode de
production capitaliste, dans son existence concrète en tant que
contradiction travail manuel / travail intellectuel, contradiction
villes / campagnes.
Cela signifie que ce que porte la
petite-bourgeoisie dans sa réalité même, c’est la transformation
de la base du mode de production capitaliste, dans le sens de son
effondrement. Cependant, tout le problème est que la
petite-bourgeoisie est incapable de comprendre cela.
La question de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes est
historiquement celle de l’écologie, celle des gilets jaunes est
celle du rapport entre les villes et les campagnes dans le cadre de
la vie quotidienne. Les zadistes auraient dû se positionner en
défense de la nature sauvage et les gilets jaunes comme les
partisans du droit à la ville combiné au droit à la campagne.
Au lieu de cela, ils ont choisi de défendre la
petite production locale pour les uns, la jacquerie fiscale pour les
autres : cela reflète leur base sociale.
De la même manière, les antispécistes ne sont
que le fruit d’une exigence d’un autre rapport avec les animaux
(et non de l’absence de rapport destructeur). Les nationalistes
autonomes sont l’expression de l’arriération de certains
secteurs populaires et une tentative totalement déformée par le
racisme de s’y opposer ; le triomphe de Dieudonné est une
déviation de l’esprit universaliste anti-particulariste en haine
fanatique d’une minorité.
La décroissance est une réaction au gaspillage
absurde du capitalisme, ATTAC un refus de la passivité face à la
prédominance du capital financier, Nuit debout un effort de
convergence sociale, etc.
Il y a toujours une base réelle, la réalité
sociale sur laquelle s’exprime la colère de la petite-bourgeoisie
existe vraiment. Cependant, pour être à même de saisir le sens de
cela, il faut une compréhension matérialiste dialectique que la
petite-bourgeoisie ne peut pas saisir, pour deux raisons :
– cela lui est étranger, car elle s’oppose à
la classe ouvrière dans sa vision du monde ;
– cela lui est impossible, car elle récuse tout
rationalisme, tout matérialisme, toute conscience socialiste.
Une fois que la petite-bourgeoisie est lancée
sur sa propre base, elle n’est pas rattrapable, de par son
irrationalité.
La question du rapport
entre
petite-bourgeoisie et classe ouvrière
La petite-bourgeoisie n’étant pas une classe,
sa révolte n’est en soi qu’une conséquence historique du mode
de production capitaliste. Par conséquent, la lutte de classe du
prolétariat ne peut pas être celle de la petite-bourgeoisie. Il ne
peut jamais s’agir d’unifier les exigences du prolétariat et de
la petite-bourgeoisie, de les mettre sur le même niveau.
Tout comme la paysannerie, la petite-bourgeoisie
n’est qu’une couche sociale transitoire historiquement ;
elle n’a pas d’autonomie, elle ne peut qu’osciller, vaciller,
être entraînée par l’un ou l’autre des deux pôles du
capitalisme que sont le prolétariat et la bourgeoisie.
L’opportunisme consiste toujours à aligner le
prolétariat sur la petite-bourgeoisie au nom de l’unité populaire
nécessaire, alors qu’il s’agit justement inversement d’aligner
la petite-bourgeoisie sur les nécessités historiques portées par
le prolétariat.
L’une des démarches classiques de
l’opportunisme vise forcément à ne pas aborder la question de ce
qui relève de la petite-bourgeoisie, de ce qui relève du
prolétariat. Une autre démarche vise à faire passer ce qui relève
de la petite-bourgeoisie pour ce qui relève du prolétariat.
L’opportunisme a ainsi comme méthode soit de
prétendre défendre le peuple « en général », soit de
tenir un discours maximaliste dont le contenu est en réalité vain,
petit-bourgeois, sans lien avec le processus historique du point de
vue du prolétariat.
Bien cerner cet opportunisme et le récuser est
une tâche incontournable.
La tentation romantique fasciste
de la petite-bourgeoisie
La complexité du rapport entre prolétariat et
petite-bourgeoisie s’accentue avec l’appel d’air effectué par
le fascisme auprès de la petite-bourgeoisie.
Même si le fascisme signifie appauvrissement
social, nihilisme culturel et volonté de guerre comme solution aux
problèmes, avec une domination concrète des monopoles, il apparaît
de par sa démagogie comme une utopie satisfaisant les fantasmagories
de la petite-bourgeoisie.
En effet, le fascisme vise une conquête de la
petite-bourgeoisie et même d’une partie réelle des masses
populaires, du prolétariat, au moyen de la rhétorique nationaliste
et de prétentions sociales communautaires.
Le fascisme s’expose toujours auprès de la
petite-bourgeoisie comme un romantisme. C’est
une démarche anti-rationnelle correspondant tout à fait au style
petit-bourgeois, car la petite-bourgeoisie est en quête perpétuelle
d’un moyen d’exister historiquement, alors que c’est
impossible.
En présentant une utopie pacifiée virtuelle, le
fascisme sait qu’il va parler à la petite-bourgeoisie, qui a
l’impression d’avoir enfin trouvée une manière d’avoir sa
place.
L’idéal communautaire du fascisme vise
directement les attentes petites-bourgeoisies d’un monde statique,
rassurant pour elle, sans compression de la part du prolétariat ni
de la bourgeoisie.
Le fascisme comme « annulation » de la
lutte des classes
Un aspect essentiel du fascisme qui parle à la
petite-bourgeoisie, même si c’est en fait l’outil des intérêts
de la bourgeoisie, est le refus de la lutte des
classes. C’est là un grand thème du fascisme. La
« réconciliation », la remise à sa « place »
de chaque groupe social, le rétablissement d’un « équilibre »,
tout cela correspond aux espoirs de la petite-bourgeoisie.
Et cela sert directement la démarche du fascisme.
L’objectif du fascisme est toujours de dévier les initiatives vers
des choses secondaires ou carrément fausses, irrationnelles, afin
d’empêcher la lutte des classes de tracer la route nécessaire
pour renverser le mode de production capitaliste.
Le fascisme dévie les exigences de la lutte de
classes pour proposer des solutions qui n’en sont pas, mais qui
grâce aux préjugés, au manque de conscience sociale, culturelle,
politique, à l’absence de connaissance du matérialisme
dialectique, donnent l’impression de se diriger vers la sortie de
la crise capitaliste.
Le fascisme n’est pas une simple réaction niant
la lutte de classes. Il est une opération de mystification, visant à
dévier l’énergie de la lutte des classes, afin de l’annuler.
Cela n’étant possible que pendant un temps, le fascisme doit pour
cette raison rapidement faire des réformes pour mener le pays à la
guerre, seule voie possible pour la bourgeoisie et principalement les
monopoles d’élargir leur accumulation capitaliste.
La démocratie populaire comme
front populaire antifasciste
En tant que communistes disciples de Marx, Engels,
Lénine, Staline, Mao Zedong, nous savons que le Mouvement Communiste
International a développé la forme de la démocratie populaire
comme période intermédiaire entre la phase de pourrissement du
capitalisme avancé et le socialisme.
Nous refusons le révisionnisme et défendons ce
patrimoine.
La démocratie populaire, en brisant le pouvoir
des monopoles et des grands propriétaires terriens, frappe le mode
de production capitaliste en son cœur. Cela satisfait à la fois les
intérêts de la classe ouvrière, mais également de la
petite-bourgeoisie qui n’est plus alors sous le joug des monopoles.
Naturellement, la petite-bourgeoisie veut de son
côté développer le capitalisme, cependant elle ne peut plus le
faire de manière suffisamment ample pour devenir une bourgeoisie,
avec des monopoles qui se reforment. De plus, la part principale de
la production se fait par l’intermédiaire des monopoles anciens
qui n’ont en effet pas été démantelés, mais socialisés. Cela
présuppose bien entendu un État au service des larges masses, avec
la classe ouvrière organisée comme force décisive historiquement.
La démocratie populaire se présente donc comme
l’étape adéquate pour rassembler suffisamment les larges masses
pour briser les monopoles et ouvrir la voie au socialisme.
Le Parti Communiste de France
(marxiste-léniniste-maoïste) affirme que l’objectif actuel n’est
pas la révolution socialiste, mais la démocratie populaire comme
étape historique obligatoire dans le cadre du capitalisme avancé.
Les concepts des « deux
moments »
et du « courant transversal »
Si l’on regarde le parcours des mouvements
portés par la petite-bourgeoisie, on peut voir qu’il y a toujours
deux moments :
a) le premier est celui d’une véritable
dynamique, avec une vraie portée critique, avec de larges sas avec
le prolétariat, avec qui après tout la petite-bourgeoisie partage
de très nombreux aspects de la vie quotidienne ;
b) le second moment est par contre celui d’un
retournement complet, avec subitement l’affirmation de tendances
fascistes plus ou moins fortes.
Nous affirmons que c’est là une loi historique.
Cela se justifie par le fait que, n’étant pas une classe, la
petite-bourgeoisie peut commencer à affirmer quelque chose, mais
vacille immanquablement et finalement intègre son initiative dans
une redynamisation du capitalisme, à moins que le prolétariat ne
l’encadre adéquatement.
Dans le cas où il n’y a pas cet encadrement, le
passage d’un moment à un autre peut se faire à un rythme plus ou
moins rapide.
Le mouvement zadiste a mis du temps avant de
prendre un tournant du type pétainiste, avec le culte du retour à
la terre et de la mise en valeur de la petite production
autosuffisante, etc. Le potentiel d‘une tournure tout à fait
différente a existé pendant toute une période.
Le mouvement des Gilets Jaunes a quant à lui
connu un retournement très rapide, passant quasi instantanément
sous la coupe des éléments petits-bourgeois les plus liés au
capitalisme, comme les commerçants, les petits entrepreneurs, les
artisans, etc.
Il est un autre aspect important :
l’émergence d’un courant transversal.
La dynamique de l’articulation de ces deux
moments produit également un phénomène que les intellectuels
bourgeois résument en disant que « les extrêmes se
rejoignent » : il s’agit en réalité de la convergence
de l’ultra-gauche avec l’extrême-droite. La nature
petite-bourgeoise de l’ultra-gauche ramène celle-ci à échouer
dans sa volonté d’affrontement total et la conduit à former
un courant transversal de protestation avec
l’extrême-droite.
Il s’agit là aussi d’une loi historique, dont
un exemple connu est le soutien du trotskisme à l’occupation
nazie, par le fait de nier la nécessité de la lutte armée au nom
de « l’internationalisme ». Un autre exemple connu est
le refus du front populaire antifasciste en Espagne par les courants
d’ultra-gauche, au nom de la « révolution ».
Un dernier exemple est une tradition
intellectuelle faisant de ce moment un fétiche et revendiquant une
idéologie « nationale-révolutionnaire »,
« nationale-bolchevique ».
L’étape de la démocratie
populaire comme orientation
Nous affirmons, eu égard à cette analyse, que la
tâche actuelle des communistes est de contribuer à l’unification
des masses contre les monopoles, sous la direction idéologique de la
classe ouvrière.
Cela signifie que l’autonomie ouvrière est
l’aspect principal et prime sur une unification avec la
petite-bourgeoisie qui, sinon, aboutirait à une subordination à
celle-ci. La priorité absolue est toujours de réfuter
l’opportunisme qui idéalise tel ou tel phénomène qui
transcenderait la différence entre prolétariat et
petite-bourgeoisie.
Cela ne veut pas dire que le prolétariat ne doit
pas soutenir le cas échéant la petite-bourgeoisie, bien au
contraire. D’ailleurs, ce n’est qu’en la soutenant qu’il sera
possible d’en faire une alliée, que la petite-bourgeoisie aura de
vrais résultats, et donc ne répondra pas positivement au fascisme.
Cependant, fusionner conceptuellement la classe
ouvrière et la petite-bourgeoisie est de l’opportunisme. Nous
affirmons que c’est cela qui a amené le Parti Communiste Français
à devenir révisionniste, la cause en étant l’interprétation
opportuniste de Maurice Thorez des principes de Front populaire et de
Démocratie populaire.
Nous rétablissons l’interprétation correcte :
c’est notre identité politique, idéologique.
Pour synthétiser :
a) la révolte de la petite-bourgeoisie n’a de
valeur historique que si elle se place en décalage par rapport au
mode de production capitaliste, et donc qu’elle se place dans
l’orientation portée par la classe ouvrière :
b) sans cela, elle va dans le sens d’un vecteur
du fascisme comme mouvement romantique de masse cherchant à la
neutralisation des contradictions :
c) le Front populaire contre les monopoles, contre
le fascisme, contre la guerre, est l’orientation politique des
communistes ;
d) l’établissement de la Démocratie populaire
est le programme politique des communistes.
Parti Communiste de France
(marxiste-léniniste-maoïste)
Décembre 2018
>> Retour à la page des documents du PCF (mlm)