Historiquement, le Front populaire a procédé à la dissolution des ligues. Les Croix de Feu devinrent le Parti Social Français, les autres ligues tentant de former des partis, sans grand succès, et en tout cas sans aucun rapport avec l’expansion numérique gigantesque du Parti Social Français.
Les historiens bourgeois se fondent dessus pour nier l’existence d’un fascisme français, en disant que le Parti Social Français – historiquement le parti qui en France a eu le plus d’adhérents – était un parti de droite dure, ayant même été finalement un obstacle à l’extrême-droite. François de La Rocque aurait fait basculer la ligue des Croix de Feu vers les institutions. En faisant cela, il aurait empêché le fascisme d’avoir une base populaire.
C’est là accepter la thèse de l’extrême-droite putschiste, qui n’a eu de cesse, comme on l’a vu, de dénoncer François de La Rocque. Et de ce fait, c’est totalement erroné.
La thèse correcte du point de vue du matérialisme dialectique est que l’extrême-droite des Ligues ne consistait qu’en des groupements liés au royalisme et favorables au putsch, incapables de comprendre la dimension essentielle au fascisme : le principe de la mobilisation de masses.
François de La Rocque a été le théoricien de cet aspect nouveau et pour cette raison, lorsqu’on parle de cette organisation, il faudrait employer aujourd’hui, même si elle est lourde, l’expression « Parti Social Français (PSF) issu des Croix de Feu ». Deux raisons sont ici essentielles : la première est que ce PSF est moins connu que les Croix de Feu, alors que sur le plan de l’importance historique, le PSF a été un parti de masse bien plus important que les Croix de Feu, proposant un modèle historique.
Ensuite, les historiens bourgeois ont tenté de gommer la continuité des deux mouvements ; le PSF est présenté comme une sorte de parti de droite dure, abandonnant à leur sort les cadres historiques des « Croix de Feu » et quittant tout lien, même indirect, avec l’anti-parlementarisme d’extrême-droite. Ils nient le fait que le PSF formule la conception d’un fascisme français, et non plus d’une simple ligne pro-coup d’État catholique et militaire.
Il suffit pourtant de voir ce que dit et fait le PSF pour s’apercevoir que la continuité est non seulement réelle, mais qui plus est ouvertement assumée. Le PSF est le prolongement naturel des Croix de Feu, son aboutissement réel. En comparaison avec ce mouvement fasciste authentique, l’Action française, les Jeunesses Patriotes, etc. ne sont que des nationalistes pro-coup d’État.
Le 12 juillet 1936, lors de la « réunion inaugurale » dans les salles Wagram à Paris, le lieutenant-colonel de François de La Rocque exprime de manière directe la continuité entre les Croix de Feu et le PSF :
« Après avoir accompli l’acte réparateur par lequel les anciens combattants du feu ont été rétablis à leur place, la première.
Après avoir accompli, par ce reclassement des valeurs, par la transmission des consignes de vie, venues des grands morts, le miracle de l’union des générations de la guerre avec les générations suivantes.
Après avoir attiré autour d’elles l’élite française.
Après avoir, par une œuvre sociale à base de justice et de réparation, et non d’aumône, démontré la possibilité de réconcilier les hommes et les classes, les Croix de Feu ont été dissous !
On n’a pas pu dissoudre l’esprit Croix de Feu qui anime, dès maintenant, le Parti Social Français. Qu’on ne parle pas de reconstitution, c’est un épanouissement… »
Cet épanouissement, espéré depuis le départ par François de La Rocque, c’est celui qui consiste à devenir un parti de masse, dans le cadre des institutions modernes, en rompant avec toute perspective royaliste. Authentiquement fasciste dans sa proposition d’unification des classes sociales dans un régime centralisé autour du nationalisme, cela fait du PSF un parti de droite, qui ne se veut pourtant pas de droite, et évidemment pas de gauche non plus.
En fait, comme on le sait, le fascisme nie les classes sociales, au nom de l’unité nationale unilatérale. Il se veut de droite, mais méprise la droite.
Souvent, en France, les historiens conservateurs prétendent que le national-socialisme allemand vient de la gauche : en réalité, il a toujours assumé être de droite, faisant alliance ouvertement à droite lors des élections. Cependant, et c’est la caractéristique du fascisme, on a là un mouvement de droite rejetant la droite comme étant dépassée, pas assez rassembleuse, etc.
Les Croix de Feu et le PSF ont précisément cette approche ; ils se proposent de réconcilier la Nation, d’unifier les Français, etc. Ce serait même leur raison d’être :
« La mystique Croix de Feu repose sur le sentiment d’une égalité foncière entre tous les Français, dominant les inégalités de condition, de moyens ou de culture. « Les âmes sont égales. »
La mystique Croix de Feu réconcilie ainsi deux sentiments que l’on a trop longtemps, par une aberration criminelle, opposés l’un à l’autre : l’esprit social et le patriotisme, qui s’éclairent, s’expliquent, se complètent réciproquement.
Social et Français : ce ne sont point étiquettes destinées à maintenir habilement la balance entre aspirations de droite et celles de gauche. Le patriotisme n’est pas le monopole de la droite et l’aspiration sociale n’est pas davantage monopole de gauche.
Nous méprisons la droite autant que la gauche.
Ces classifications bornées et désuètes ont fait trop de mal au pays, ont causé trop de déceptions et de justes colères ! »
Pour cette raison, les Croix de Feu et le PSF se posent comme un parti anti-parti, comme un mouvement qui ne fait que rétablir ce qui serait sain et naturel dans la Nation. Cela est défini comme suit :
« L’ordre français a toujours reposé sur trois éléments : TRAVAIL, FAMILLE, PATRIE.
Trois mots qui à nos yeux résument tout.
Trois éléments indissolubles qui se tiennent, se soutiennent et sans quoi rien ne tient plus.
Nous sommes des réalistes. Réhabiliter le Travail, défendre la Famille, sauver la Patrie : telle est la devise du Parti Social Français. »
De fait, dans les statuts du Parti Social Français, on a ainsi une devise qui sera reprise, plus tard, par le régime de Vichy :
« La devise du parti est : « L’Ordre par la Famille et le Travail pour la Patrie. »
Un parti anti-parti et un programme anti-programme, aboutissant à une participation électorale anti-parlementaire : on a là un parti dit de l’Ordre, c’est-à-dire un parti de droite de type « ni droite ni gauche ». Il n’y a aucune rupture dans le passage des Croix de Feu au PSF, simplement une réorganisation, un agencement nouveau. L’identité reste la même.
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