[Boukharine]
I. Les aspects positifs et les aspects négatifs de la discussion
Camarades,
Les discussions qui se sont déroulées ici sont remarquables sous beaucoup de rapports. Ce qui frappe avant tout, c’est le grand nombre de camarades qui ont pris la parole sur le rapport du CE de l’IC : près de 90 orateurs ont exprimé leur pensée.
C’est un fait qui n’a été constaté à aucun de nos précédents congrès. Il faut particulièrement faire remarquer et souligner les discours de nos camarades noirs, des délégués des pays asiatiques orientaux, des pays coloniaux en général et, spécialement, de nos camarades chinois.
Il est essentiel aussi de signaler la participation active aux débats des communistes de toute une série de pays de l’Amérique du Sud : depuis la fondation de l’Internationale communiste, c’est la première fois qu’on peut constater ce fait dans de telles proportions.
Il faut aussi indiquer ici les nombreuses manifestations des représentants de beaucoup de petits partis auxquels on n’accorde pas toujours une attention suffisante. En résumant les discussions, je dois dire qu’elles ont eu une importance positive énorme. Je voudrais, en commençant, faire ressortir les côtés caractéristiques positifs de la discussion.
Et avant tout parlons de la critique et de l’auto-critique. La critique a porté sur nos thèses, sur mon rapport, sur la pratique de l’Internationale communiste et de divers partis.
Il faut saluer chaleureusement le courant d’auto-critique active qui s’est manifesté au cours de notre travail. C’est un côté positif ainsi que la participation aux discussions de représentants de presque tous les partis. Et je le répète, ce qui est particulièrement réjouissant, c’est la participation des partis « nouveaux » : coloniaux, sud-américains, etc.
Un grand nombre des observations qui ont été faites sont absolument justes. Il est nécessaire d’en tenir compte, tant dans les décisions du congrès que dans le travail ultérieur du Comintern. Il est vrai que c’étaient surtout des observations qui n’avaient pas un caractère de principe, des observations portant sur des questions secondaires, mais le fait est que des observations critiques assez nombreuses et tout à fait essentielles ont été présentées sur toute une série de problèmes des plus importants.
Je range dans cette catégorie les observations critiques sur la question paysanne, les allusions à la nécessité d’accorder plus d’attention au problème du chômage en rapport avec l’analyse de la période actuelle du développement capitaliste, une série de questions du travail colonial, la question noire, un certain nombre d’observation concernant la tactique quotidienne de divers partis et du C.E. de l’I.C. et, particulièrement, les observations se rapportant aux défauts d’organisation de tout notre appareil.
Mais il y a aussi des côtés négatifs dans ces débats. Un de ces côtés est avant tout, une certaine limitation, une certaine étroitesse du contenu de la discussion. La plupart des camarades qui ont pris la parole ici n’ont parlé ou presque que de « leur » pays et non des problèmes fondamentaux du mouvement découlant de la situation actuelle.
Il va sans dire que je n’objecte point contre l’analyse et le développement par telle ou telle délégation de questions la concernant directement; au contraire, c’est une chose tout à fait désirable puisqu’elle contribue à l’échange d’expériences, à la collectivisation de notre expérience. Sans cet échange, le travail de l’I.C. et de ses congrès est inconcevable, absurde. Mais, d’autre part je considère tout de même que c’est un côté négatif de la discussion que le fait que les orateurs n’ont point touché dans leurs exposés les problèmes fondamentaux.
Je ne m’arrêterai pas sur les quelques algarades qui ont eu lieu ici et qui me rappellent certains vers d’Henri Heine :« Ce ne sont point des chevaliers qui combattent ici pour la gloire de leur dame ; ce sont des capucins, et leurs adversaires des rabbins. »
(Rires.)
Je ne crois pas nécessaire de m’arrêter sur ce combat singulier de « capucins et de rabbins »
II. La stabilisation du capitalisme et les discussions sur la « troisième période »
Le Ve Congrès de l’I.C. et la question de la stabilisation
Camarades, je toucherai ici en premier lieu le problème fondamental ; celui de la stabilisation du capitalisme et la question la plus importante de toutes nos discussions : la question dite de la troisième période.
Au dernier, au Ve Congrès, comme vous le savez, le terme de « stabilisation » n’a même pas figuré. Que s’est-passé au Ve Congrès et quel fut son appréciation de la situation économique et politique générale ?
Dans les thèses sur l’économie mondiale, le Ve Congrès constata tout d’abord l’écroulement de cette économie ; dans les thèses, il est parlé textuellement de l’écroulement de l’économie mondiale, du chaos des devises, de la crise de l’économie européenne. Dans nos thèses économiques, nous faisions alors remarquer que l’économie européenne se trouvait enfermée dans un cercle vicieux et qu’elle ne pouvait sortir de l’état de crise. Nous faisions également remarquer l’existence d’une crise agraire mondiale. L’I.C. soulignait dans ses thèses l’incapacité de la bourgeoisie à surmonter le chaos des devises, etc.
Le Ve Congrès adopta aussi une résolution de tactique sur le rapport du camarade Zinoviev. En quoi consistaient l’essentiel de l’analyse politique générale dans cette résolution ? On constatait comme point fondamental l’existence d’une ère dite « ère pacifiste-démocratique ».
Ainsi donc, comme résultat de l’appréciation de la situation d’alors, nous avons constaté une désagrégation de l’économie mondiale, une crise permanente de l’économie européenne et l’existence comme superstructure politique, d’une « ère de pacifisme-démocratique ». L’expression de l’ère pacifiste-démocratique, comme les camarades le savent, ce fut « le gouvernement ouvrier » en Angleterre, la victoire « du bloc des gauches » en France, le « gouvernement ouvrier » au Danemark et toutes sortes de tendances coalitionnistes dans d’autres pays.
Telle était la situation générale et telle fut son appréciation par le Ve Congrès mondial. Pas une parole sur la stabilisation n’y fut prononcée. Le terme même de « stabilisation » retentit pour la première fois dans notre milieu, seulement en 1925.
Au Ve Congrès mondial — je le souligne trois fois, afin de signaler un certain renversement de toute la situation — il ne fut pas encore question de stabilisation. Quelle importance y a-t-il à souligner ce fait ? Il est indispensable de le faire ressortir afin de montrer plus clairement le sens des modifications qui se sont produites dans la situation objective depuis le Ve Congrès.
C’est pour cela précisément que, dans la première partie de notre thèse, nous avons émis l’hypothèse de la troisième période. Nous avons discuté cette affirmation des trois périodes aussi dans la délégation du P.C. de l’U.R.S.S. et nous l’avons quelque peu précisée. Il va sans dire que l’adoption de cette subdivision en trois périodes par la délégation du P.C. de l’U.R.S.S. ne saurait servir à elle seule de preuve logique de son indiscutabilité. Il faut la fonder pratiquement.
Pourquoi n’est-il pas juste de nier l’existence des trois périodes ?
Le passage respectif des thèses dit :« I. Après la première guerre mondiale impérialiste, le mouvement international ouvrier subit toute une série de phases historiques de développement exprimant les diverses phases de la crise générale du système capitaliste.La Première période, période de manifestations révolutionnaires directes du prolétariat, période dont le point culminant se trouve en 1921, s’acheva d’une part, par la victoire de l’U.R.S.S. sur les forces de l’intervention et de la contre-révolution intérieure, la consolidation de la dictature du prolétariat et l’organisation de l’I.C, et de l’autre, par toute une série de lourdes défaites du prolétariat de l’Europe occidentale. Le chaînon final de cette période, ce fut la défaite du prolétariat allemand en 1923. Cette défaite sert de point de départ à là deuxième période, à la période de la stabilisation partielle et graduelle du/système capitaliste, du processus de « restauration » de l’économie capitaliste, de l’offensive universelle du capital, des luttes défensives de l’armée prolétarienne affaiblie par de lourdes défaites ; d’autre part, cette période est une période de restauration rapide de l’U.R.S:S. et de succès très sérieux dans l’œuvre de construction socialiste. Enfin, la troisième période est, dans son essence, la période du relèvement de l’économie capitaliste au dessus du niveau d’avant-guerre et presque simultanément du relèvement de l’économie de l’U.R.S.S. au dessus de ce niveau (commencement de la période dite « constructive » ; de l’accroissement des formes socialistes de l’économie sur la base d’une nouvelle technique).
Pour le monde capitaliste, cette période est une période de progrès extrêmement rapides de la technique, de l’accroissement renforcé des cartels, des trusts, des tendances au capitalisme d’Etat et, en même temps, de puissant développement des contradictions de l’économie mondiale se mouvant dans des formes déterminées par tout le cours précédent de la crise générale du capitalisme (marchés rétrécis, U.R.S.S., mouvements coloniaux, accroissement des contradictions internes de l’impérialisme). Cette troisième période qui a particulièrement aggravé les contradictions entre l’accroissement des forces productives et le rétrécissement des marchés, rend inévitable une nouvelle vague de guerres impérialistes entre les Etats impérialistes, une guerre contre l’U:R.S.S., des guerres nationales d’affranchissement contre l’impérialisme et l’intervention des impérialismes ; des luttes de classe gigantesques.
En aggravant tous les conflits internationaux (conflits entre les Etats capitalistes et l’U.R.S.S., occupation militaire de la Chine du Nord, comme début du partage de la Chine et de la lutte entre impérialistes, etc.), en aggravant les conflits intérieurs dans les pays capitalistes (processus de radicalisation des masses de la classe ouvrière, aggravation de la lutte des classes), en déchaînant les mouvements coloniaux (Chine, Inde, Egypte), cette période évolue inévitablement à travers de nouveaux développements des contradictions de la stabilisation capitaliste vers un nouvel ébranlement de la stabilisation capitaliste et vers une aggravation violente de la crise générale du capitalisme. »
Les adversaires de la division en trois périodes affirment que la seconde ne se distingue nullement de la troisième et que, par conséquent, la subdivision en deuxième et troisième périodes ne se justifie nullement, qu’elle est superflue.
Admettons qu’il n’y ait pas de distinction. Mais alors, que dire du fait que l’économie mondiale a dépassé le niveau d’avant-guerre ? A mon avis, c’est là un fait extrêmement important. Pourquoi ? Permettez-moi de l’interpréter vulgairement.
L’importance du fait cité consiste en ce qu’il fait ressortir la dynamique du développement. Tant que le niveau d’avant-guerre n’avait pas encore été dépassé, on pouvait penser que l’augmentation des forces de production dans tel ou tel pays portait un caractère accidentel, cette augmentation n’était point quelque chose de typique, n’était point une particularité organique de la période donnée.
Mais lorsque l’économie mondiale ou le secteur capitaliste de cette économie mondiale commença à dépasser le niveau d’avant-guerre et à se développer sur une nouvelle base, il fallut recourir à une appréciation plus prudente, il fallut apporter des corrections assez appréciables dans notre précédente estimation. Nous ne sommes pas myopes au point de ne pas voir des faits aussi essentiels.
Ainsi donc, il y a là une distinction objective. Elle est déterminée aussi bien techniquement qu’économiquement. On ne saurait la passer sons silence.
On dit qu’il n’y a pas de différence entre la deuxième et la troisième période. Mais alors, on se demande pourquoi notre appréciation de la situation générale s’est modifiée ? Ce n’est pourtant pas que nous soyons devenus plus intelligents : le fait est que c’est la situation qui s’est modifiée. Au début du processus, il y avait des germes de stabilisation et nos étions sérieusement fondés de considérer ces phénomènes comme plus ou moins accidentels.
A présent, nous n’avons plus la moindre raison de les considérer ainsi. Le tableau est devenu beaucoup plus net : à présent, les faits parlent avec plus d’éloquence et déterminent une autre appréciation de la situation.
Un certain nombre de camarades ont nié la distinction entre la seconde et la troisième période, tout en parlant d’une aggravation considérable des contradictions.
Mais alors, d’où vient cette « aggravation des contradictions » ? Elle n’est pourtant pas tombée du ciel. Ces deux points de vue sont inconciliables. On ne saurait dire : « Il n’y a pas de différence de situation et reconnaître en même temps une aggravation des contradictions, car alors, sur quoi cette aggravation serait-elle basée ? On dit : pas de différence de situation et pourtant, la guerre se poursuit en Chine. En voilà une « bagatelle », n’est-ce pas ? C’est là une sous-estimation absolue du danger de guerre et de la guerre existant déjà.
« Il n’y a point de différence dans les situations », mais les préparatifs de guerre entre l’U.R.S.S. battent leur plein. C’est donc encore une « bagatelle » ? Or, dans notre naïveté, nous pensions que c’était là le trait essentiel de la situation politique mondiale. Si nous sommes tellement aveugles que nous ne voyons pas ces « bagatelles » nous ne valons rien et nous ne saurions prétendre à la direction.
Quels chefs que ceux-là qui ne voient aucune différence dans la situation, pour qui c’est la même chose que l’économie européenne soit à toute extrémité ou qu’elle progresse rapidement ; que la guerre se poursuive en Chine ou non ; que l’impérialisme se prépare en vue d’une attaque contre l’U.R.S.S. ou non, etc. etc. Si nous ne sommes pas en mesure de voir tous ces faits nouveaux, nous sommes des gens finis. Alors on ne comprend plus notre nouvelle tactique (en Angleterre, en France, etc.) ; elle est superflue, puisque nous piétinons sur place.
J’ai donné ici les arguments les plus vifs qu’on a avancés contre la troisième période. Mais il y en a encore d’autres moins catégoriques, par exemple : la troisième période, ma foi, n’existe pas, mais il faut quand même en parler. Je voudrais bien soumettre cet « argument » aussi à une analyse consciencieuse et précise.
Je répondrai avant tout à la Camarade Kostrzewa de la délégation polonaise.
Elle nous dit :« En ce qui concerne les trois périodes dans lesquelles on divise l’époque d’après-guerre, nous considérons que la limite qui sépare la deuxième de la troisième période n’a pas pour caractéristique le progrès technique, car ce progrès, était la condition préalable de toute la période de restauration universelle du développement capitaliste d’après-guerre. Et quelle est donc la caractéristique de la troisième période ?
C’est le fait que les contradictions qui s’étaient accumulées sur la base du processus stabilisation en rapport avec le puissant développement des forces de production, que ces contradictions apparaissent maintenant avec évidence et ébranlent tout le système de la société capitaliste. »
Franchement, je ne comprends pas la logique de ce raisonnement. Non pas développement technique, mais contradictions ! Mais d’où viennent donc ces contradictions elles-mêmes ? La camarade Kostrzewa parle de contradictions en rapport « avec le puissant développement des forces productives ». Je vous le demande, camarade Kostrzewa, « le puissant développement des forces productives » est-il possible sans progrès technique ?
Jusqu’à présent, de même que beaucoup d’autres camarades, je croyais, comme Marx, que les forces productives, c’est un ensemble d’instruments de travail et de forces ouvrières. On ne saurait donc séparer « l’accroissement des forces productives » du « progrès technique ». Cela est faux et nullement fondé théoriquement.
Émettre l’affirmation du puissant développement des forces productives, précisément pendant la période donnée, et nier l’accroissement puissant de la technique pour ta même période ; insister sur l’aggravation violente des contradictions en rapport avec les modifications dans le domaine des forces productives et en même temps rejeter ce critérium, c est quelque chose de tout à fait peu ordinaire, même du point de vue de la plus élémentaire logique.
Le second orateur qui s’est arrêté sur cette question, ce fut le camarade Strakhov (Chine) [Qu Qiu Po]. Il a dit :« Nous ne comprenons pas cette question et c’est pourquoi nous croyons qu’il n’y a pas de troisième période. Mais nous voulons qu’elle soit inscrite dans les thèses. »
La modestie est une vertu en général ; elle s’impose aussi à certains communistes. Je suis parfaitement d’accord là-dessus. Mais, camarades, je ne puis reconnaître que tout soit bien fondé ici. Lorsque le camarade Strakhov nous dit qu’il n’y a point de différence entre la deuxième et la troisième période, quelqu’un lui a crié de sa place « juste ».
Je ne sais quel est le camarade qui lança cette approbation, mais elle ne prouve pas des capacités logiques spéciales. Si entre le développement de la technique, il y a une dépendance intime incontestable, ces dépendances n’existent évidemment pas toujours entre la logique et les capacités vocales.
A la fin de son discours, le camarade Strakhov a dit que la troisième période doit, malgré tout, figurer dans les thèses. Cependant, si entre la deuxième et la troisième période, il n’y a aucune différence, cher camarade Strakhov, alors pourquoi se donner tant de mal ? C’est-il donc que nous n’avons que faire de notre papier ?
Ce n’est pas là non plus un comble de logique que de dire : la troisième période n’existe pas en réalité, mais elle doit rester dans les thèses. Il arrive parfois qu’on met dans les thèses des choses qui ne sont pas dans la réalité. D’accord. Mais, que de telles thèses soient l’expression de la sagesse tactique, cela, personne de nous ne le croira.
Ainsi donc, si la troisième période n’existe pas, il vaut mieux la rejeter de notre thèse. Mais, si vous proposez de la laisser dans les thèses, c’est que vous n’avez pas la conscience tranquille et que vous sentez que cette malheureuse troisième période peut bien « servir » à quelque chose. Elle servira certainement, elle servira à tracer la vraie tactique.
Dans quel but faut-il poser la question de la troisième période ? Quel est le « sens de cette, philosophie » ? C’est que nous voulons par là faire ressortir le fait que la stabilisation du capitalisme ne peut disparaître du jour au lendemain. Et il indispensable de souligner cela. C’est de là qu’est partie notre délégation, quand il fut question de la troisième période.
III. La question de la guerre est une question centrale
L’axe de la situation est le danger de guerre
Je passe maintenant à la seconde question fondamentale qui a provoqué ici une discussion plus animée en comparaison de la première. D’abord, je voudrais poser la question préliminaire suivante : Qu’exige-t-on du rapporteur de l’Exécutif ?
Faut-il qu’il parcoure toute la planète et qu’il expose ensuite : au Mexique les choses vont ainsi, en Argentine, autrement, au Nicaragua elles sont encore tout autres et dans le mouvement coopératif il se produit ceci et cela ? Est-il nécessaire que je parcoure tout le globe terrestre et que je parle décidément de tout : du mouvement coopératif et du gouvernement mexicain ?
Oh, alors, naturellement, tous les camarades sans exception se considéreraient satisfaits. Le camarade Murphy, par exemple, serait complètement satisfait, parce que j’aurais parlé du mouvement coopératif. (Rires.) Les camarades mexicains seraient contents si j’avais dit quelques mots sur le Mexique. Peut-être serait-ce là une bonne méthode, car tous les camarades seraient satisfaits de ce que j’aurais mentionné « leur » mouvement.
Mais pour le marxisme, le fond de la chose consiste à tirer d’un ensemble de faits variés les tendances fondamentales et à déterminer sur cette base la principale ligne de tactique.
C’est en cela, j’estime, que consistait ma tâche. Nous avons noté de grands changements à la situation mondiale et dans de nombreuses directions. Mais où donc se trouve l’axe de toute la situation mondiale, où est !a clef de notre tactique ?
Dans mon rapport, j’ai répondu à cette question d’une façon claire et précise : l’axe de route la situation est le problème de la guerre. La menace de guerre, tel est le point central de la situation. A mon avis, la menace de guerre est l’indice le plus caractéristique de la période en cours dans son ensemble.
Les échos impérialistes et social-démocrates
Camarades, je me permettrai ici d’entamer une « discussion » avec les ennemis du prolétariat, les impérialistes et les social-démocrates. Des échos à mon rapport retentissent déjà dans leur presse. Je m’arrêterai avant tout sur la presse impérialiste polonaise.
Le journal officieux Epoka commente mon rapport dans un éditorial intitulé : « La loyauté soviétique ». Il y est dit entre autres :« Le discours de Boukharine a prouvé que l’I.C. et le gouvernement soviétique ne font qu’un. Jusqu’à présent le gouvernement soviétique établissait une ligne de démarcation entre lui et l’I.C. et cette formule était prise en note par les Etats qui désiraient à tout prix conserver des rapports normaux avec l’U.R.S.S. La Pologne était de ce nombre.
A présent, cette formule est devenue inconsistante. Le gouvernement soviétique ne peut désavouer Boukharine qui est membre du Bureau politique, c’est-à-dire de l’organe suprême du pouvoir en U.R.S.S. Le fait que Rykov siège au présidium du Congrès de l’I.C. (apparemment on a confondu ici Rykov avec un Américain ou un Hindou. — N.B.) et que le rapport de Boukharine est publié dans tous les journaux soviétiques, témoigne de ce que le gouvernement soviétique n’établit plus une ligne de démarcation entre lui et l’I.C. et qu’il enlève son masque.
A présent, nous savons que le gouvernement soviétique et l’I.C. ne font qu’un, que le gouvernement soviétique se prépare à la guerre contre la Pologne, et que dans, cette guerre, les communistes polonais doivent jouer le rôle d’espions et organiser des diversions »
Un autre journal polonais, organe du ministère de la Guerre, le Polska Zbrojna, écrit :« Les déclarations de Boukharine sur le rôle des communistes polonais en cas de guerre polono-soviétique ne sont pas inattendues.
Cependant le ton audacieux, impudent, pourrait-on dire, avec lequel cet homme politique qui occupe différents postes supérieurs dans la mafia qui gouverne actuellement la Russie, parle de la possibilité de guerre avec la Pologne, sans juger bon de masquer ses plans et ses perspectives, attire l’attention. Ici nous remarquons seulement la démoralisation inouïe et néfaste qu’apporte dans les rapports intérieurs et extérieurs de chaque Etat le seul fait de l’existence du soi-disant régime communiste et de l’attitude tolérante des Etats-Unis vis-à-vis de lui.
La déclaration de Boukharine fera taire tous ceux qui exigeaient jusqu’à présent la légalisation des communistes polonais. Car le communisme, voilà l’ennemi. L’ennemi le plus dangereux pour le régime communiste est Pilsudski, autour duquel doivent se grouper pour cette raison tous les adversaires du communisme. »
Vous comprenez parfaitement, camarades, le sens de ces raisonnements. Ce n’est pas le fait du hazard que de mon rapport on ait tiré précisément le passage concernant la menace de guerre.
La presse social-démocrate a également fait écho à mon rapport.
L’organe central de la social-démocratie internationale, le Vorwaerts, écrit dans son numéro du 27 juillet : « Cette foi politique dans les miracles a dicté les thèses bien formulées du congrès de l’I.C. à Moscou ; Boukharine en est le prophète. La foi politique dans les miracles a déjà pris des formes diverses dans l’I.C.
Le miracle devait tantôt venir d’Allemagne, tantôt des Balkans, tantôt des îles du Pacifique. A présent, Boukharine jure par la Chine, par les contradictions entre l’Amérique et l’Europe, mais avant tout par la guerre. »
Ensuite viennent les « commentaires » :« On a de nouveau réchauffé la vulgaire théorie marxiste : l’accroissement des forces productives sous le capitalisme mène à la lutte pour les marchés, la lutte pour les marchés mène à la guerre, d’une façon absolue et sans aucune possibilité d’éviter cette perspective.
Aussi vrai que demain se lèvera le soleil, aussi vrai éclatera bientôt la guerre, très prochainement même, car Boukharine dit : « La guerre est la question du jour. Mais si la guerre arrive, on ne peut éviter ce qui doit la suivre : la guerre impérialiste donne, naissance « à la guerre civile, à la révolution mondiale, à la victoire du système soviétique dans le monde entier ! Vive la révolution mondiale, ou plutôt, comme ce n’est que le second acte, vive la guerre ! »
Il s’ensuit donc que notre mot d’ordre serait : Vive la guerre !
« Et ils croient au miracle que la permanence du développement et la continuité du progrès de la social-démocratie dans le domaine de la politique pratique au nom du socialisme, seront interrompus.
L’histoire commencera de nouveau par 1914. La nouvelle année 1914, c’est une illusion qui est donnée aux partis communistes du monde, pour qu’ils puissent fermer les yeux sur les perspectives peu radieuses qu’ils ont en face d’eux et la situation sans issue où ils se trouvent. Et ils sont revenus avec bonheur à la thèse : la guerre est le commencement de tout. »
Permettez-moi, camarades, à mon tour de commenter ces commentaires. Avant tout, voyons la question de la théorie marxiste.
Il suffirait de lire les dernières résolutions des congrès du parti de la social-démocratie allemande qui se sont tenus immédiatement avant la guerre, pour voir comment les social-démocrates agissent avec cette théorie marxiste qui déterminait autrefois leurs positions dans la question de la guerre. Personnellement, je me trouvai au congrès de Chemnitz de la social-démocratie.
Je me souviens, c’était en 1912 ou 1913. Haase fit un rapport et toutes ces « vulgaires théories marxistes » déterminaient aussi alors la ligne de conduite de la social-démocratie allemande dans la question de la guerre. Prenons les résolutions des congrès internationaux. Elles sont toutes basées sur cette « vulgaire théorie marxiste »
Marx, Engels et Lénine sur la guerre et la révolution
Voyons comment Marx, Engels et Lénine envisageaient ces questions. Par exemple, « un marxiste aussi vulgaire » que Marx écrivait le 2 février 1864 dans son article : « La guerre européenne », publié dans le New York Tribune : « Mais nous ne devons pas oublier qu’il existe encore en Europe une sixième puissance qui, à des moments déterminés, affirme sa domination sur toutes les cinq « Grandes Puissances » et les fait trembler. Cette puissance, c’est la révolution. Après une longue période de calme et de tranquillité, elle est de nouveau appelée sur les champs de bataille par les crises et le spectre de la mort…« Il suffit d’un simple signal et la sixième puissance européenne, la plus grande, entrera en lice brillamment armée, l’épée à la main…« Ce signal sera donné par la guerre européenne imminente… »
Ainsi fut appréciée la situation par ce « vulgaire » marxiste que fut Karl Marx. Et que disait le « vulgaire marxiste » Engels ?
Engels écrivit en 1887 dans sa préface à la brochure de Sigismund Borkheim : « …Pour la Prusse et l’Allemagne, une autre guerre, une guerre mondiale est impossible maintenant. La prochaine guerre sera une guerre mondiale d’une force inconnue jusqu’à présent. De 8 à 9 millions de soldats s’entr’égorgeront et dévasteront l’Europe comme jamais les nuées de sauterelles ne l’ont fait.
Les dévastations causées par la guerre de Trente Ans se reproduiront en trois à quatre années et s’étendront sur tout le continent. La famine, les épidémies, la sauvagerie générale des armées et des masses populaires, provoquées par la grande disette, par le chaos sans issue dans notre mécanisme artificiel, commercial, industriel et de crédit, tout cela se terminera par la faillite générale, la banqueroute des vieux Etats et de la routine de la sagesse des nations, par un krach tel que les couronnes par dizaines rouleront sur le pavé et qu’il ne se trouvera personne pour les ramasser.
Dans l’impossibilité absolue de prévoir comment tout cela finira et qui sortira victorieux de la lutte, un seul résultat est absolument incontestables c’est l’épuisement général et la création de conditions pour la victoire définitive de la classe ouvrière.
« Telle est la perspective, si le système de la concurrence réciproque dans les armements militaires est poussé à bout. Tels seront finalement ses fruits. Voici, messieurs les rois et hommes d’Etat, où votre sagesse a acculé la vieille Europe. S’il ne vous reste rien d’autre qu’à ouvrir la dernière danse guerrière, nous ne pleurerons pas. Peu importe que la guerre nous rejette même pour un temps au second plan, peu importe qu’elle nous enlève même certaines positions conquises précédemment. Mais si vous déchaînez les forces que vous ne pourrez plus contenir ensuite, à la fin de la tragédie, vous serez une ruine, la victoire du prolétariat sera déjà remportée, ou bien elle sera imminente. »
Je cite ce long passage pour montrer ce que des marxistes, aussi « vulgaires » que Marx et Engels, pensaient de la liaison entre les guerres et les révolutions. Mais on peut objecter : Oui, c’étaient des prévisions qui se sont déjà réalisées en partie. Toute la question se pose précisément ainsi : ce que vous avez cité c’est un bon argument dans une discussion avec les social-démocrates.
Mais est-ce que tout cela peut servir pour expliquer la situation actuelle Pour cela, je voudrais m’en référer au point de vue d’un autre marxiste « vulgaire », le camarade Lénine.
Il estimait possible que le capitalisme se ranime après la première guerre mondiale. Il écrivait et pensait au sujet des perspectives du développement de la révolution. Que dit Lénine à ce sujet? Il écrit :« Nous ne voulons pas ignorer la triste possibilité que l’humanité traversera — au pis-aller — une seconde guerre impérialiste, si la révolution ne surgit pas de la guerre présente, malgré les nombreuses explosions de l’effervescence et du mécontentement des masses et malgré nos efforts. » (T. XIII, p. 455 du texte russe.)1
A la suite de la guerre, la révolution a triomphé dans certains pays. En U.R.S.S. existe déjà la dictature du prolétariat. Mais après la victoire du prolétariat en U.R.S.S., Lénine voyait encore la perspective d’une nouvelle guerre impérialiste.
Dans son dernier ouvrage, écrit peu avant sa mort, il souligna encore une fois cette perspective. Il parla et écrivit du second tour de guerres impérialistes, d’une seconde série de grandes révolutions. Je pense qu’il continue ici les traditions de Marx et d’Engels et de tous les hommes qui furent effectivement en état de comprendre la situation mondiale.
Pourquoi les impérialistes et les social-démocrates sont-ils nerveux ?
Maintenant, camarades, pourquoi les impérialistes sont si nerveux lorsqu’ils parlent de la guerre ? D’où provient cette nervosité dans le camp social-démocrate, justement sur cette question ? Pourquoi réagissent-ils si violemment, si directement, d’une façon si inattendue, précisément sur cette question de mon rapport.
Réfléchissez à cela. Pourquoi critiquent-ils en premier lieu la thèse de la prochaine guerre mondiale ? Pourquoi entreprennent-ils autre chose encore pour protester contre ma « façon d’agir impudente » et contre mon « discours audacieux » ?
Ceci, parce que, objectivement, la question de la menace de guerre est l’axe central de toute la situation mondiale, voilà pourquoi nos adversaires, réagissent avec tant de nervosité à notre analyse.
Et ceci est parfaitement compréhensible, parce que nous dévoilons leurs menées criminelles, parce que nous en arrachons tous les masques, détruisons tous les paravents, disons hautement la vérité sur la façon dont les impérialistes préparent la guerre et sur la façon dont ils la conduisent. De nombreux camarades oublient totalement que la guerre se déroule en fait dans l’Asie orientale. Peut-on supprimer ce fait ?
Peut-être devons-nous dire que, du fait qu’elle est menée contre un peuple « non civilisé », contre les Chinois, elle n’existe pas pour nous autres Européens « hautement civilisés » ? Seuls les aveugles ne voient pas que la guerre existe en Chine.
Seuls les aveugles ne voient pas comment le conflit japonais-américain est devenu plus aigu. D’ailleurs, il est parfaitement compréhensible que c’est l’intérêt des impérialistes, des social-démocrates, de tous les gens qui désirent soutenir le régime capitaliste mondial d’estomper cette thèse en ayant recours à toutes sortes de subtilités.
L’impérialisme agit, manœuvre. Il propose certains pactes « pacifistes », tel celui de Kellogg, il procède à des manœuvres habiles, telle la dernière note du gouvernement américain au gouvernement de Nankin ; il a recours à d’autres procédés ; il organise la conférence de la S.d.N., il proclame à cor et à cri son désir de paix, en un mot, il cherche de toutes ses forces à masquer l’essentiel de son travail criminel.
Et la social-démocratie, en quoi consiste maintenant son rôle principal ? Son principal rôle consiste aussi à voiler ce fait essentiel du développement actuel, à l’estomper idéologiquement, à le faire disparaitre. Voilà pourquoi les social-démocrates crient que les puissances capitalistes ont soif de paix, que le trouble-paix est le « maudit » pays du prolétariat. Voilà pourquoi ils chantent les louanges de la S.d.N. et de toute autre invention pacifiste.
N’est-ce pas compréhensible? Il existe un seul Etat qui mène réellement une politique de paix, c’est l’U.R.S.S. Il existe un seul Etat qui proposa sérieusement le désarmement général, c’est l’U.R.S.S. Il existe un seul Etat qui n’est intéressé à aucun partage du monde, à aucune colonie, à aucun mandat, c’est l’U.R.S.S. C’est précisément pour cette raison que les impérialistes et leurs valets montrent l’inverse de la véritable situation.
IV. Les contradictions extérieures et intérieures du système capitaliste
La sous-estimation de la menace de guerre est le plus grand danger pour l’I.C.
Ainsi les impérialistes déclarent : nous n’avons nul besoin de la guerre, c’est l’U.R.S.S. qui la veut. Pilsudski aussi proclame : je ne veux pas de guerre, c’est l’U.R.S.S. qui la veut. Et tous en même temps, avec une énergie fiévreuse, folle, se préparent à la guerre offensive contre l’U.R.S.S. et à la guerre entre eux.
Je ne veux nullement dire par là que cette guerre doit éclater absolument dans quelques mois. Ce n’est pas ce que je veux dire; d’ailleurs, il n’existe pas un seul homme capable de déterminer exactement le mois, voire même l’année de la guerre. La question n’est pas de savoir si la guerre éclate quelques années plus tôt on plus tard ; non, la menace de guerre s’accroît de mois en mois. Je pense que c’est absolument évident. L’impérialisme est intéressé à estomper cette thèse.
Les social-démocrates y sont intéressés de même, mais nous n’avons aucune raison de cacher évidence, c’est pourquoi il m’est impossible d’atténuer l’importance de ce fait, même, sous la forme une insistance insuffisante sur la liaison entre les contradictions intérieures et extérieures.
Certains camarades, – dans notre délégation il y eut quelques voix qui restèrent isolées – tiennent dans l’une de leurs poches les contradictions internes, et dans l’autre les contradictions extérieures. Est-ce juste? Non, c’est faux. C’est l’expression de la sous-estimation de la menace de guerre. Au point de vue objectif, c’est l’expression des dangers de droite au sein de l’I.C., le danger essentiel qui nous menace c’est de sous-estimer la menace de guerre.
Or, comme cette question n’est pas du tout simple, mais qu’elle est, au contraire, très compliquée, je juge de mon devoir de l’expliquer sous la forme la plus populaire afin d’éviter tout malentendu de donner un tableau aussi clair que possible.
Tout d’abord, existe-t-il chez nous, au sein de l’Internationale communiste, une sous-estimation de la menace de guerre ? Elle existe sans contredit : nombreux sont les camarades qui en ont parlé ouvertement, les camarades Thorez, Semard, Ercoli et autres.
Nous avons tous dit et souligné que, par exemple, la révolution chinoise, la guerre du Japon contre la Chine, n’ont pas trouvé un écho suffisant dans la pratique des partis adhérant à l’I.C. Or, si la situation objective révèle une croissance constante de la menace de guerre, si la situation des impérialistes et des social-démocrates est absolument claire, nous devons tenir compte sérieusement de la sous-estimation de la menace de guerre.
Elle découle précisément de ce que la question de la guerre est considérée comme un problème ordinaire à côté des nombreux autres problèmes. Nous n’établissons pas une corrélation telle entre la menace de guerre et les autres questions que nous subordonnions toutes les autres tâches à la lutte contre la guerre imminente.
Précisément, cette façon de poser la question est entièrement conforme à la situation objective et à nos tâches. C’est pourquoi je voudrais développer cette thèse un peu plus en détail.
Dans son article au sujet de la Conférence de La Haye, Lénine écrivit que pendant la guerre, ou immédiatement à la veille, une partie de la presse communiste ferait certainement des sottises. Naturellement, on pourrait dire aussi à l’adresse de Lénine qu’il était un « pessimiste » avéré, mais telles sont les paroles que Lénine a écrite.
C’est ainsi que Lénine, en exposant la situation, s’exprima « imprudemment » : Je ne sais si ces prévisions se réaliseront, mais je sais une chose, c’est que le danger de sous-estimation de la guerre existe réellement. Et je demande quel danger peut-on comparer à celui-ci ? Presque aucun, car c’est là la question fondamentale de la situation.
Comment faut-il poser la question des contradictions intérieures et extérieures ?
Je vous prie de vérifier si c’est là, en réalité, une question fondamentale. Si vous la considérez comme telle, il sera facile d’en tirer des déductions nécessaires. Mais en essayant de transférer le centre de gravité de cette question de la menace de guerre sur les contradictions intérieures ou quelqu’autre question, on ferait preuve d’une incompréhension totale de tout le sérieux de la situation.
Cette façon de poser la question est liée, en particulier, à une certaine sous estimation de l’intervention qui a déjà commencé en Chine. Avec ceci, je pense, est lié également le défaut dont nous avons parlé et qui nous indique l’insuffisance du caractère international de nos partis communistes.
Néanmoins, la question des contradictions intérieures, la question de savoir quelle liaison existe entre ces contradictions intérieures et les contradictions extérieures est une question assez compliquée.
J’ai déjà indiqué la manière d’agir de certains camarades : Dans une poche, ils tiennent les contradictions intérieures, dans l’autre, les contradictions extérieures. Un pareil point de vue ne correspond pas à l’état objectif des choses et aboutit fatalement à des déductions de tactique erronées. Essayons de nous orienter dans cette question. Je demande : une situation révolutionnaire est-elle possible sans guerre ? C’est une .question parfaitement légitime.
En voici la réponse : évidemment c’est possible. Il serait absurde d’affirmer que la situation directement révolutionnaire peut seulement naître à la suite d’une guerre. Il est vrai que l’histoire nous montre que dans la plupart des cas les grandes révolutions éclatent en liaison avec la guerre.
La Commune de Paris qui surgit pendant la guerre franco-prussienne, la première révolution en Russie (1905), qui éclata immédiatement après la guerre russo-japonaise, les révolutions de février et d’octobre 1917 en Russie et différentes autres révolutions européennes et asiatiques qui éclatèrent en corrélation avec la guerre mondiale, peuvent nous servir d’exemples, car ces révolutions furent étroitement liées à des guerres. Mais peut-on affirmer que, de notre temps, une situation directement révolutionnaire ne peut surgir, même dans des pays tels que l’Allemagne ou la Tchécoslovaquie, qu’en liaison avec la guerre ?
Une pareille assertion serait dans le fond une absurdité et, pratiquement, signifierait que nous devons « attendre » la guerre et tenir compte dans notre travail de cette seule perspective. Nous pouvons nous demander également, […] devons nous préparer à tout prix à une situation révolutionnaire. Évidemment, sans aucun doute, nous le devons ! Je répète : il serait absurde de proposer une autre tactique. Mais le degré de probabilité de la révolution, du moment que nous en parlons, n’est pas le même dans un cas comme dans l’autre.
Je pourrais formuler ceci comme suit : Des situations directement révolutionnaires sont possibles, voire probables, sans guerre, également en Europe. Mais lors d’une guerre, elles sont absolument inévitables...
Elles nous sont historiquement données en liaison avec la guerre. Les guerres seront fatalement accompagnées de révolutions. Ainsi, il serait complètement faux de nier la possibilité d’une situation directement révolutionnaire comme résultat du développement des seules contradictions intérieures.
Tout en repoussant le point de vue éclectique des camarades qui considèrent séparément les contradictions intérieures et extérieures, je dois maintenant éclairer la question de l’action réciproque de ces contradictions.
Quels sont les rapports réciproques entre ces deux catégories de faits, où se trouve le point de contact d’où il faut partir et quelles déductions se dégagent de l’analyse ? Sur quoi faut-il baser toute notre orientation tactique ? A mon avis, les contradictions économiques mondiales, les grands conflits mondiaux ont une importance primordiale. Prenons l’Angleterre. Les contradictions intérieures y prennent-elles plus d’acuité ? Évidemment.
Or, l’accroissement de ces contradictions en Angleterre, lié au processus de déclin de l’Empire britannique mondial n’est-il pas dû, dans la plupart des cas, à la situation internationale ?
N’est-il pas déterminé par la concurrence des États-Unis, par l’existence de forces centrifuges dans les dominions anglais et, en partie, dans les colonies, ainsi que par toute une série d’autres facteurs internationaux ? Figurez-vous un autre milieu international pour le capitalisme anglais et les résultats seront tout autres.
Prenons maintenant les contradictions intérieures en Allemagne. Qui ignore que la stabilisation en Allemagne a été réalisée grâce au concours du capitalisme américain ? Peut-on complètement isoler dans ce pays les rapports intérieurs des facteurs internationaux ? Supposez un instant que l’Amérique ait refusé d’ouvrir des crédits à l’Allemagne (perspective qui fut exposée par Paish) et la faillite intérieure est inévitable.
Abordons une autre catégorie de faits : pourquoi nous borner au domaine de l’économie ? Voyons la politique et, en partie, la politique économique. Nous parlons de la « paix industrielle » du « mondisme », de la trahison de la social-démocratie, de la fusion avec l’appareil d’Etat, etc. — Tout ceci est absolument exact.
Essayez maintenant d’expliquer ces processus seulement au point de vue de l’accroissement des contradictions intérieures.
Vous ne serez pas en état de le faire.
Qu’est-ce que la « paix dans l’industrie » ? C’est la forme la plus vive de la paix civile, le meilleur moyen de préparation de la guerre ; celui qui ne comprend pas cela ignore le fond même de la question. Qu’est-ce qui a motivé le bill antisyndical en Angleterre ?
Peut-on comprendre ce bill « intérieur », en ignorant les problèmes extérieurs et en négligeant totalement la préparation de la guerre ? Avec une telle incompréhension nous ne saurions même pas procéder à une agitation tant soit peu efficace contre ce bill.
Et la nouvelle orientation de la social-démocratie en corrélation avec le problème de la paix civile, ne renforce-t-elle pas le rôle de trahison de la social- démocratie dans la politique extérieure ? N’est-ce pas compréhensible à un enfant ?
Toute l’orientation de la social-démocratie s’accentue dans ce sens. Peut-on trouver un homme qui puisse nier la liaison entre la loi militaire de Boncour, la situation intérieure en France et sa situation extérieure ?
Je pourrais citer de nombreux exemples analogues, mais ceux que j’ai relatés montrent d’une façon assez convaincante que le problème central de la menace de guerre, le problème de la guerre, prime tous les autres; ceci se rapporte également aux problèmes politiques et aux contradictions intérieures.
Une autre façon d’accorder les questions de la politique intérieure et les problèmes de tactique qui sont liés à elles, serait insoutenable et nullement révolutionnaire
La lutte contre la menace de guerre doit imprégner tout notre travail quotidien
Nous nous basons tous sur la nécessité d’intensifier le travail de masse quotidien. Dans ce domaine la pratique de certains partis laisse fortement â désirer. Mais en théorie, tout le monde est d’accord sur ce point. En quoi consiste la différence entre notre travail quotidien et celui des social-démocrates ? Je présume qu’il doit y avoir une différence.
En quoi consiste-t-elle ? En ce que les communistes doivent établir une liaison entre les questions d’actualité, — c’est, d’ailleurs, obligatoire pour chaque communiste, — et les problèmes de la « grande politique » : Figurez-vous un communiste anglais. Comment peut-il mener l’agitation dans les masses lorsqu’il doit prendre part à une grève, si petite soit-elle ? La lutte contre la limitation de la liberté des; syndicats doit être liée absolument avec les revendications d’actualité, avec la lutte pour l’annulation de la loi syndicale.
Cette loi syndicale doit être liée à son tour avec le « mondisme » et la préparation de la guerre, la lutte contre la guerre doit être liée avec la lutte pour la dictature du prolétariat. Ainsi doit-il agir, sinon, il n’est pas un communiste.
Les larges couches du prolétariat qui ont participé à la dernière guerre mondiale connaissent le « prix » et l’infamie immense de ce fléau imposé par la bourgeoisie impérialiste à l’humanité. Dans notre travail de tous les jours nous devons établir une corrélation entre la menace de guerre et chaque question d’actualité, si petite soit-elle. Laisser tomber de ses mains cet atout est techniquement possible, mais est politiquement absurde au plus haut point. Je voudrais poser nettement ce problème aux camarades, pour qu’ils y réfléchissent.
A mon avis, deux appréciations de la situation sont possibles ; de chaque analyse différente découle aussi une orientation de tactique différente. L’une d’elles est sans coordination des problèmes généraux avec les problèmes quotidiens ; l’autre établit une corrélation absolue entre chaque revendication quotidienne et le problème de la guerre, comme problème central de nos jours.
Dans leur tactique, les communistes doivent absolument lier tout problème partiel d’actualité aux grands problèmes généraux. Il va de soi que cette coordination exige une grande habileté : les grandes phrases, les hauts cris sont insuffisants, il faut employer des méthodes subtiles de propagande et d’agitation, ne pas isoler les problèmes, mais les coordonner, en les subordonnants au problème courant fondamental, au problème de la guerre.
En critiquant les social-démocrates (ceux de droite et surtout ceux de « gauche » qui sont les trompeurs les plus rusés et les plus nuisibles de la classe ouvrière), nous devons souligner que « la démocratie économique » et l’arbitrage ont non seulement une signification économique, mais qu’ils sont aussi une préparation à la guerre.
Il faut ouvrir les yeux des prolétaires, des paysans pauvres sur cette liaison; c’est ainsi qu’il faut construire toute notre propagande, c’est dans ce sens qu’il faut orienter toute notre tactique. Il ne faut pas un amoncellement chaotique de faits, mais de tous les faits, de toutes les tendances qui se développent, il faut tirer le point central, le problème central de la menace de guerre.
En coordonnant nos revendications partielles avec le problème de la guerre, avec la lutte contre elle, nous devons le lier avec la propagande de la dictature du prolétariat. Evidemment, il se peut que la lutte directe pour la dictature du prolétariat surgisse à l’ordre du jour sans guerre. Mais également ici, il faut marquer que la guerre qui vient montre déjà son ombre funeste.
Ainsi, j’ai donné l’analyse des rapports entre les problèmes intérieurs et les problèmes extérieurs. J’ai souligné qu’il était inadmissible d’aborder cette question d’une façon éclectique.
Cette analyse a montré la nécessité d’observer une ligne ferme et énergique, de réserver toute l’attention au problème de la guerre, de lier à celui-ci tous les autres problèmes, de procéder à une propagande et à une agitation spéciales pour préparer le prolétariat à une lutte contre la bourgeoisie, contre la social-démocratie. Telle est notre position de tactique fondamentale. C’est l’unique ligne possible pour l’Internationale communiste.
V. Problèmes partiels du travail des partis communistes
Il faut lutter pour une ligne politique juste dans la question syndicale
Je passe maintenant aux problèmes partiels dont chacun joue un rôle extrêmement important. Permettez-moi pour commencer, de faire quelques observations au sujet de notre tactique syndicale, de notre travail dans les syndicats en rapport avec les discussions qui ont eu lieu ici sur cette question.
Les organes exécutifs de l’I.C. soulignent infatigablement dans leurs résolutions, circulaires; lettres et autres documents la nécessité d’un travail acharné dans les syndicats en rapport avec la tactique du front unique.
Tout le monde sait cela. La situation mondiale que j’ai caractérisée et analysée ici rend plus aigüe l’importance de ce problème en faisant ressortir de plus en plus la tâche de la conquête des masses. Dans la situation actuelle, notre lutte contre les dangers de guerre, contre la guerre comme telle, pour qu’elle soit couronnée de succès, exige avant tout la conquête des masses.
Or, on ne saurait conquérir les masses sans travailler dans les syndicats. Sous l’angle de nos rapports internationaux, nous devons répéter ce que nous avons dit auparavant, à savoir que le travail énergique dans les syndicats est profondément nécessaire.
Nous ne devons à aucun prix, perdre l’initiative dans la lutte pour l’unité syndicale. Dans la situation crée actuellement, nous avons particulièrement besoin de points d’appui dans les masses.
C’est pourquoi l’une des tâches fondamentales du travail des partis communistes, c’est, de plus en plus, le renforcement du travail syndical en général et, plus particulièrement, le renforcement du travail de l’I.S.R.
Au cours des discussions, à ce congrès, sur la question syndicale, diverses tendances sont apparues.
Certains camarades ont indiqué la nécessité d’organiser les inorganisés, de créer des- organisations autonomes pour faire contrepoids aux syndicats réactionnaires et, dans des conditions parfaitement déterminées, de rattacher aux, syndicats de l’I.S.R. les organisations professionnelles et syndicales conquises sur les réformistes.
C’est là la ligne .politique que nous avons défendue et qui fut généralement adoptée au IVe Congrès de l’I.S.R.
Cependant, on nous a parlé ici de diverses tendances de résistance à ces décisions, du manque d’un travail proprement communiste dans les syndicats, de capitulation complète devant le réformisme par crainte d’être exclu des syndicats. On constate encore une autre tendance qui cherche même à se justifier théoriquement, c’est la tendance qui cherche à nier le travail dans les syndicats réactionnaires.
Cette tendance provient jusqu’à présent de la base, ce qui s’explique par la difficulté du travail dans les syndicats réactionnaires : il est vrai qu’on nous exclut des syndicats réactionnaires et il faut une grande fermeté et une foi solide dans notre ligne politique pour travailler dans circonstances aussi pénibles.
La tendance qui veut la sortie des syndicats réactionnaires est entretenue aussi par l’existence parmi les ouvriers de beaucoup de pays d’un nombre considérable de travailleurs inorganisés syndicalement. C’est le cas aux Etats-Unis et même dans un pays tel que la France.
Le camarade Thorez a fait observer dans son discours qu’une partie infime seulement des ouvriers est organisée en France. Il est bien compréhensible que la tâche de l’organisation des inorganisés est un des problèmes fondamentaux de la situation actuelle.
Cependant, nous ne pensons nullement qu’il faille renoncer à notre mot d’ordre de travail dans les syndicats réactionnaires, même dans des pays possédant un mouvement syndical divisé. Certains camarades cherchent à prouver théoriquement que l’appareil des organisations ouvrières réformistes, les syndicats, etc., ne sauraient en général être conquis.
Ils établissent une sorte d’analogie entre l’appareil syndical et l’appareil d’Etat. Or, on ne saurait concevoir au sens littéral, la conquête de l’appareil d’Etat bourgeois. En effet, Marx et Engels, et, ultérieurement Lénine, dans sa brochure L’Etat et la Révolution ont montré que la conquête de l’Etat, c’est la destruction de la machine étatique et son remplacement par un nouvel appareil ; c’est en cela que consiste le processus de la conquête de l’Etat.
Par analogie avec ce qui précède, les camarades émettent un jugement identique sur la situation dans les syndicats. Là aussi, disent-ils, il y a un appareil de fonctionnaires organisé solidement ; cette machine est analogue à celle de l’Etat bourgeois. Impossible de conquérir cette machine, disent certains, il faut la briser.
Or, briser cette puissante machine, ce n’est possible qu’en brisant l’appareil bourgeois d’Etat. La conclusion, c’est qu’avant la conquête du pouvoir, on ne saurait s’emparer des syndicats réactionnaires.
De ces prémisses, il est facile de déduire la négation du travail dans les syndicats ayant une direction réformiste. On ne saurait cependant démontrer l’impossibilité de la conquête des syndicats réactionnaires.
Il est vrai, c’est là une tâche très difficile ; il est bien probable que, dans toute une série de pays, on ne saurait obtenir la victoire définitive sur tout le front dans ce domaine qu’au cours du processus de la révolution Socialiste, après la conquête du pouvoir.
Il y avait des cas analogues chez nous aussi ; mais, nous n’avons jamais renoncé au travail dans les syndicats menchéviks. C’est une appréciation trop pessimiste de la situation que de parler de l’impossibilité de la conquête.
L’appareil d’Etat bourgeois n’est pas constitué par des ouvriers. L’appareil syndical, au contraire, est tel que si, à son sommet, il se forme un groupe de bonzes, les couches de base sont constituées par la masse des ouvriers organisés syndicalement.
On n’arrivera pas à « conquérir » toute la machine ; on conquerra la base, les comités d’usine, les divers chaînons de l’appareil ; ayant brisé le front en un endroit, on pourra ensuite poursuivre la victoire. Avec l’aide des masses, on pourra élargir cette brèche sur certains secteurs de ce front syndical.
Peut-on considérer cela comme une destruction de l’appareil ? Oui, dans un certain sens. En balayant les chefs réformistes et en les remplaçant par les nôtres, nous réorganisons l’appareil. Toute conquête de tel ou tel appareil signifie dans une certaine mesure son « épuration », sa réorganisation, Cela est clair. Mais, l’analogie théorique entre les syndicats et l’Etat n’est pas fondée.
Dans la célèbre brochure La maladie infantile de gauche du communisme, Lénine a posé assez nettement la question de la nécessité du travail dans les syndicats réactionnaires.
Les arguments de Lénine sont bien connus. Il faut éviter de tomber d’un extrême dans l’autre. Il faut, d’une part, combattre l’opposition au moyen des décisions du IVe Congrès de l’I.S.R. On a raconté ici des cas révoltants qui se sont produits au sein du parti communiste allemand. Nous devons aussi combattre les mots d’ordre tel le contrôle ouvrier de la production, lorsqu’ils sont lancés en dehors d’une situation révolutionnaire (c’est là un danger très sérieux).
Contre des tendances aussi prononcées de droite, il faut lutter en premier lieu. Il ne faut cependant pas tomber dans l’extrémité opposée et nier toute possibilité d’un travail fertile dans les syndicats réactionnaires.
Le travail dans les organisations de masses
La proposition que nous avons émise lors de la discussion de la question de la jeunesse garde toute sa force dans son application au travail syndical. Nous avons exigé de la jeunesse qu’elle aille avec sa propagande dans les organisations de masse ou il y a des travailleurs, sans se laisser arrêter par la considération que ces organisations ne sont pas communistes, ni même simplement révolutionnaires.
A notre époque de lutte renforcée contre la social-démocratie (sans cette lutte acharnée, nous ne saurions faire avancer notre cause), devant les perspectives de guerre, la pénétration dans les masses du prolétariat est une condition indispensable de notre succès. Sans la réalisation de cette condition, nous ne concevons même pas notre existence en tant que parti communiste. Les seuls espoirs optimistes, quant à l’augmentation de notre influence, ne suffisent pas.
Nous saluons chaleureusement cette augmentation d’influence, mais nous connaissons tous la disproportion qui existe entre l’influence de notre parti et la consolidation organique de cette influence. La suppression de cette disproportion exige de nous un travail énergique dans les syndicats et dans les autres organisations de masse. Le camarade Willi Münzenberg a dit avec beaucoup de justesse que nous devons accorder la plus grande attention aux organisations de masse.
Les formes de ces organisations sont très variées et cependant, partout, nous devons y occuper nos positions. Soit dit en passant, le camarade Münzenberg m’a très injustement reproché de sous-estimer l’importance de la Ligue anti-impérialiste.
J’ai, dans mon rapport, polémisé précisément contre les tendances de liquidation de certains camarades A l’égard de cette Ligue, ces tendances de liquidation cherchent à se baser théoriquement. Les partisans de ces tendances disent que ce sont là des organisations non purement communistes, que ce ne sont même pas des organisations de prolétaires, qu’il y a là beaucoup d’intellectuels, de représentants des mouvements nationaux-révolutionnaires qui nous trahiront demain, etc.
Les adversaires du travail dans ces organisations craignaient que ces institutions amorphes, non communistes, ne viennent à « remplacer » les partis communistes. La « Ligue anti-impérialistes », les « groupes d’unité », sont au nombre de ces organisations.
Peuvent aussi être rangés dans ce nombre les délégations d’ouvriers ou autres en U.R.S.S. avec ou sans participation d’intellectuels. Certains camarades redoutent que ces organisations n’éliminent le parti communiste. Il va sans dire que si l’on concevait ces organisations comme des institutions devant remplacer le parti communiste, ce serait trahir le communisme.
C’est une chose qui va de soi. Mais, qui est-ce donc qui considère les choses de la sorte? Nous n’estimons pas ces organisations comme un succédané des partis communistes, mais comme des points d’appui pour notre action sur les grandes masses. Le camarade Münzenberg m’a reproché de n’avoir pas vu, par manque d’informations, disait-il gentiment, la manifestation grandiose de la Ligue au Mexique. En effet, camarades, je n’ai pas touché à cette question.
Mais, est-ce que le Mexique rachète tous les péchés ? Ainsi, par exemple, je ne vois pas que la Ligue ait effectué le travail positif indispensable dans la question chinoise.
Dans ce domaine, elle a fait bien peu de choses. Le camarade Münzenberg sait mieux que bien d’autres les faiblesses d’organisation de la Ligue. Je rappelle les lacunes de la Ligue, non pas que je propose de lui enlever notre appui, mais au contraire, pour l’aider dans son travail. Ce n’est pas Willi Münzenberg qui est coupable ici. Nous le sommes tous.
Nous avons très peu soutenu la Ligue, nous ne lui avons pas accordé un appui suffisant. Nos partis ne l’ont pas suffisamment aidée. Ce sont là des faits évidents et nous devons en tirer les conclusions qui s’imposent.
Le problème des organisations de masse est un: des plus essentiels et le prochain Plénum devra élaborer une série de mesures pratiques pour résoudre correctement cette question. La ligne politique: est claire, mais nous manquons d’expérience pratique.
Plus d’une fois, nous avons adopté des résolutions sur cette question, que nous avons étudiées d’innombrables fois. Ces résolutions existent, mais la pratique ne correspond pas à ces décisions, c’est un fait.
Le chômage
On s’est arrêté avec raison sur le problème du chômage. Un certain nombre de camarades, notamment le camarade Hannington, en ont parlé. Il est indispensable de développer le point correspondant dans les thèses et d’accorder à cette question la plus vive attention.
Hier a eu; lieu ici une discussion sur la question du chômage en rapport avec les problèmes spéciaux concernant l’Amérique.
Le camarade Lominadzé a lancé un certain nombre de reproches à l’adresse du camarade Varga. Il a dit, d’une part, que le camarade Varga révise les principes fondamentaux de Marx lorsqu’il parle de la diminution du nombre des ouvriers occupés par un travail productif. En réalité, il n’y a, il ne peut, y avoir rien de pareil.
D’autre part, le camarade Lominadzé a déclaré qu’il n’était pas d’accord avec moi, quand je disais que pour la première fois dans l’histoire, quelque chose d’analogue se produisait, car un nombre considérable de faits de ce genre sont indiqués chez Marx.
Je crois qu’il faut faire un choix parmi ces deux thèses : ou bien, quelque chose d’analogue existait et existe encore, ou la chose est impossible. (Lominadzé : « Il n’y a pas de loi de développement »).
Oui, il n’y a point de loi de développement (Interruption du camarade Lominadzé : « C’est contre Varga que j’ai dit cela »). Oui, mais vous avez polémisé aussi contre moi.
En ce qui concerne la seconde thèse, elle exclut la première. Ici, le camarade Lominadzé voudrait être de plusieurs noces à la fois.
Mais, voyons ce qu’il en est au fond. Une diminution du nombre des ouvriers est-elle possible en général ? Elle est possible de même que les cas isolés cités par Marx dans le tome I du « Capital ».
Ce n’est pas n’importe qui, mais bien l’économiste français assez connu, Ganilh, dont a parlé le camarade Lominadzé, qui a développé là-dessus toute une théorie, dont la substance est que plus le capitalisme se développe, plus le nombre des ouvriers se réduit tandis que le nombre des capitalistes augmente au contraire. Ce serait donc que les ouvriers se transforment en capitalistes.
Marx a déclaré que c’était là une blague, une construction ridicule et pourrie. Mais, s’agit-il de quelque chose d’analogue dans le cas « américain » ? Est-ce que Varga se solidarise avec Carver (et Ganilh) ? Est-ce que Varga a affirmé que les ouvriers deviennent des capitalistes ? Dieu l’en garde !
Varga a dit qu’ils devenaient des chômeurs. Il n’y a donc pas trace de Ganilh ici. Qu’on laisse donc Ganilh tranquille ! Ensuite, on trouve chez Marx l’indication de cas isolés d’usines isolées où le nombre des ouvriers diminue. Est-il possible que la même chose se produise à présent (pour la première fois ! !) pour tout un pays, ne serait-ce que pendant une période déterminée ?
Je crois que cela est possible. Il est possible qu’un pays quelconque occupe une position exceptionnelle dans l’économie mondiale, qu’il se distingue par quelque particularité spécifique du développement, de la même façon que se distinguèrent certaines usines ou certaines régions de l’industrie anglaise du temps de Marx. Il serait imprudent et faux de notre part de tirer à présent du développement capitaliste une « nouvelle loi naturelle ».
Premièrement, nous disposons de trop peu de matériel empirique pour nous permettre une telle généralisation, mais on peut toujours parler des faits existants. Un pays occupe une position exceptionnelle, dans toute l’économie mondiale.
Ce sont les Etats-Unis. Il est bien compréhensible qu’un pays possédant des forces économiques aussi énormes, un pays où le progrès technique se réalise suivant un rythme si rapide, ne suive pas la ligne moyenne générale et que nous y ayons, de temps en temps, des soubresauts assez violents. C’est-ce qui se produit précisément en Amérique.
Mais, qu’est-ce à dire ? Le résultat de toute l’analyse est que nous observons divers processus déterminant le chômage : renforcement du chômage par suite de dépressions, de crises, renforcement du chômage comme conséquence de la rationalisation ; enfin, une réduction spasmodique du nombre absolu des ouvriers sur la base d’un développement technique à grands sauts, tel qu’il a lieu aux Etats-Unis.
Je ne suis pas du tout d’accord avec la proposition émise ici par beaucoup de camarades affirmant que les possibilités intérieures de l’impérialisme américain « sont épuisées ». Elles ne sont pas encore épuisées et je suis contre ce point de vue : théoriquement et en principe, cela n’est pas exact, c’est la théorie de Luxemburg. (Interruption : « C’est Varga qui l’a dit ».)
Oui, Varga l’a dit, mais sur cette question, je ne suis pas d’accord avec Varga. Cette théorie est la répétition de celle de Rosa Luxemburg ; elle est fausse. Ce qui est vrai, c’est que dans les conditions actuelles du marché, dans un pays comme les Etats-Unis, tout placement de capital supplémentaire n’est pas aussi lucratif, rentable que dans l’Amérique du Sud par exemple ?
Et ce problème n’est pas aussi simple que le pensent certains camarades. Il est au contraire très compliqué. Voici donc quelles sont nos conclusions générales : il y a actuellement des causes diverses au chômage, et ces causes doivent être analysées.
Chômage se développant en période de dépression, chômage déterminé par le processus de rationalisation, même en période de courbe ascendante de développement, courbe rapidement ascendante dans les conditions de progrès technique extrême. Prenons par exemple le chômage anglais et américain.
Ce sont là deux types très différents de chômage. Naturellement, comme communistes, nous considérons tous ces aspects du chômage comme des produits du développement des contradictions du capitalisme. L’augmentation de ces contradictions, nous les utilisons dans un but d’aggravation de la lutte des classes.
La question paysanne
Et maintenant, quelques mots sur la question paysanne. Les observations critiques faites sur cette question par le camarade Kolarov, par les camarades italiens, balkaniques, sud-américains, persans et quelques autres sont, à mon avis, parfaitement fondées. Mais, de mon côté, je puis reprocher à tous ces camarades de n’avoir pas dit un mot sur la question du prolétariat agricole.
Or, ce problème est particulièrement sérieux dans les Etats européens capitalistes développés, Comment la question paysanne se pose-t-elle à présent dans son ensemble ?
Je pense que la façon dont nous avons posé cette question en 1925 dans les résolutions respectives, reste juste pour la période actuelle. Avec le début de la stabilisation partielle du capitalisme, je pense que dans les pays de l’Europe occidentale hautement développés, le travail parmi les paysans est devenu pour nous objectivement beaucoup plus difficile.
Les grandes masses de la paysannerie, — non de la paysannerie paupérisée de Chine, de Russie ou de Roumanie, mais la paysannerie du type « moyen » et « sous-moyen » de l’Europe occidentale (Allemagne, France, Tchécoslovaquie, etc.) — se trouvent à l’état de grande fermentation au moment d’un ébranlement considérable de tout l’organisme capitaliste.
On ne saurait établir une analogie entre les paysans chinois et les paysans allemands, entre notre paysan moyen et le paysan moyen allemand. Ce sont là des catégories sociales absolument hétérogènes ; ce sont d’autres paysans.
Lénine en a déjà parlé au second congrès en soulignant énergiquement cette différence. Sous l’influence de la guerre, des grandes secousses en Europe occidentale, ces couches ont aussi été ébranlées. Mais, dans les conditions actuelles, de stabilisation, le travail parmi cette paysannerie dans les grands pays capitalistes sera, il me semble, très difficile.
C’est pourquoi nous devons souligner plus énergiquement l’importance du travail parmi les travailleurs ruraux. Dans divers pays, une offensive est actuellement en cours sur toute la ligne contre le prolétariat agricole.
En même temps, dans un certain nombre de pays d’un autre type, la question agraire s’est vivement aggravée : les événements dans les Etats balkaniques, et particulièrement en Roumanie, nous ont montré que cette question acquiert une importance spécifique et que pour cette raison, nous devons la poser pour ces pays comme la question principale de notre politique.
Nous devons faire de même par rapport aux pays coloniaux où nous pouvons compter sur une situation directement révolutionnaire dans un avenir plus ou moins rapproché ; ainsi, par exemple, la question paysanne est actuellement le problème central de la révolution en Chine. Nous devons consacrer une attention spéciale à la question paysanne aussi dans les pays sud-américains.
Presque dans tous les pays de l’Amérique du Sud, il y a une structure spécifique du pouvoir d’Etat (ce sont les gros propriétaires fonciers, les possesseurs des latifundia qui sont au pouvoir dans ces pays). Dans une partie de ces pays, il y a des latifundia qui se trouvent sous un régime mixte d’exploitation capitaliste et de méthodes féodales-esclavagistes.
Des conditions analogues se rencontrent aussi dans certaines colonies exotiques avec leur système de plantations régies par des lois exceptionnelles spéciales, par exemple les lois contre les nègres, etc. La question paysanne joue un rôle énorme, parfois même décisif, en Indonésie aux Indes, en Afrique du Sud (expropriation des noirs). Pour certains de nos partis dans ces pays, la question paysanne est fondamentale, essentielle. En Pologne, pour prendre un pays européen, ce problème a également la plus haute importance.
Cependant, les camarades qui ont parlé sur cette question n’ont presque pas apporté de propositions concrètes. Je rappelle parmi ces propositions, une seule dont le sens se résume en ce que nous devons réviser le point de vue adopté par nous en 1925 à l’égard des partis paysans. L’auteur de cette proposition préconise que, dans les conditions objectives indiquées (conditions de l’importance extraordinaire de la question paysanne dans divers pays), nous devons organiser des partis paysans.
Je ne suis pas d’accord avec cette proposition et je pense qu’il n’y a pas la moindre raison de l’adopter. Les arguments apportés en faveur de cette proposition ne sont pas très convaincants.
On nous dit que puisque nous devons accorder une plus grande attention à la question paysanne, surtout dans les divers pays coloniaux et semi-coloniaux, dans les pays de l’Amérique du Sud, il s’ensuit la nécessité d’organiser des partis paysans. Mais, pourquoi donc ?
Nous avons déjà étudié cette question et nous l’avons résolue dans ce sens qu’il fallait organiser des syndicats paysans, conquérir l’influence dans ces syndicats et les contrôler par l’intermédiaire de nos fractions. Il me semble que cette orientation était absolument juste et qu’elle le reste à présent. Pourquoi avons-nous besoin de partis paysans spéciaux ?
Que signifie la création de partis nouveaux si l’on envisage cette question dans la perspective du développement de révolutions bourgeoises nationales dans les colonies et leur transformation en révolutions socialistes ? Cela signifierait une concurrence pour le parti communiste. Pour le parti du prolétariat.
Vous ne pouvez pourtant pas poser la question ainsi : pour le moment, nous « autorisons » ce parti et ensuite, nous « l’écartons », nous le liquidons sans discussion. Non, camarades, un tel parti se développerait et se transformerait en fin de compte, en parti faisant concurrence au parti communiste.
Naturellement, dans les cas où le parti paysan existe déjà, nous devons chercher à le conquérir, à le soumettre à notre influence. Mais, là où la question de l’organisation de la paysannerie se pose pour la première fois, il me semble qu’il vaudrait bien mieux que nous organisions des syndicats paysans puisque, par cette voie, nous pourrions organiser des masses bien plus vastes de paysans et nous serions en mesure d’entraîner derrière nous, par une voie bien plus sûre, les couches laborieuses de la paysannerie.
Une telle forme d’organisation paysanne peut amener plus de membres et les soumettre bien plus facilement à l’influence du parti communiste prolétarien. Voilà les raisons politiques qui s’opposent à l’adoption de la proposition considérée.
C’est ainsi que déjà, autrefois, nous avons résolu cette question et c’est ainsi que nous avons motivé notre ligne politique. Il n’y a pas la moindre raison actuellement de nous en écarter.
Importance du travail dans l’Amérique du Sud
Permettez-moi de m’arrêter encore sur quelques questions.
Avant tout, je tiens à faire ressortir le problème des pays de l’Amérique du Sud. Nous avons dit que pour la première fois au congrès actuel, les partis de l’Amérique du Sud, étaient aussi largement représentés.
Cela prouve naturellement l’extension de notre mouvement dans les pays de l’Amérique du Sud. Ces pays sont actuellement d’une particulière importance pour nous puisqu’ils jouent un rôle très grand, quoique extrêmement spécifique, dans la politique mondiale.
Nous avons déjà indiqué l’agressivité croissante du capitalisme de l’Amérique du Nord en Amérique du Sud, nous avons également fait allusion à la guerre d’affranchissement du Nicaragua contre l’invasion impérialiste des Etats-Unis de l’Amérique du Nord. Nous savons tous parfaitement l’importance énorme de la résistance du Mexique, nous savons aussi que cette résistance; et ce puissant mouvement populaire contre l’impérialisme de l’Amérique du Nord augmentent à présent dans toute une série de pays de l’Amérique du Sud.
Nous savons parfaitement que ce problème se complique de certains problèmes intérieurs dans les pays en question, surtout du problème agraire et de la lutte contre le féodalisme.
Il y a diverses tendances dans nos milieux sur la question de la ligne tactique dans les pays américains. Je ne saurais donner, en ce moment une réponse à ces questions discutées.
Je voudrais seulement faire ressortir que, du point de vue de la lutte contre la guerre et contre l’impérialisme, plus généralement du point de vue du développement de puissantes révolutions populaires et agraires, dans lesquelles, sans doute, se manifestent aussi des tendances de transformation de ces révolutions en révolutions socialistes, tout le : complexe des problèmes sud-américains acquiert chaque jour une importance toujours plus grande.
La question noire
Il faut encore faire ressortir l’importance du problème noir. Sur cette question, l’I.C. a adopté toute une série de résolutions. Il n’en reste pas moins que les partis respectifs n’ont pas accordé, jusqu’à présent une attention suffisante à cette question.
Presque tous nos camarades noirs déclarent en outre que les préjugés du chauvinisme de races ne sont pas encore tout à fait déracinés à leur égard. Je ne conteste pas ce fait.
Si, sur des questions nationales de moindre importance, par exemple en Europe occidentale, nous avons au sein des partis communistes aujourd’hui encore des tendances diverses, comment pouvons-nous croire que des distinctions de race et de culture aussi puissantes puissent ne laisser aucune trace an sein des partis communistes ?
On peut observer le ton incorrect pris au cours des discussions de telle ou telle question concernant les problèmes noirs, même dans les commissions de l’I.C. ; j’ai été témoin de ce fait lors de la discussion de la question de l’Afrique du Sud.
Il faut absolument et tout de suite modifier énergiquement cette situation. Au nom du congrès, nous devons dans nos thèses, imposer à tous nos camarades l’obligation de mener sur ce terrain la ligne politique juste, de combattre implacablement la moindre manifestation « de chauvinisme de race ».
La question noire doit être étudiée non seulement sous l’angle de la situation dans l’Amérique du Nord, mais aussi, par exemple, du point de vue de la situation dans l’Afrique du Sud, etc.
La question de la situation aux Indes
Quelques mots au sujet des Indes. Certains camarades hindous ont polémiqué avec moi, je dois donc leur répondre. Ainsi, par exemple, le camarade Raza a objecté contre la caractéristique que j’ai donnée de la situation économique actuelle aux Indes. Il a déclaré que j’ai eu tort de ne pas dire un mot de l’industrialisation des Indes.
Je dois cependant faire remarquer au camarade que, dans la création de la théorie « de la décolonisation des Indes », les camarades hindous ont cherché à s’appuyer sur un seul de mes discours où je ne disais rien, il est vrai, de la décolonisation des Indes, tout en faisant cependant remarquer que, dans ces pays, nous constations de puissants investissements de capitaux étrangers.
Et maintenant, parlons de mon rapport. Est-ce que je n’y ai vraiment rien dit de l’industrialisation des Indes ? Je n’ai pas employé le mot « d’industrialisation », mais, puisque j’ai parlé de grands investissements de capitaux pendant la période de guerre et d’après-guerre, c’est donc que j’ai parlé de la question même de l’industrialisation. D’ailleurs, ce n’est pas là le moment décisif dans l’étude de la situation actuelle aux Indes.
Le moment décisif, c’est la question suivante : y a-t-il à présent volte-face dans la politique de impérialisme anglais ou non ? Y a-t-il une certaine transformation dans la politique économique de l’impérialisme britannique ? Je crois que, précisément, au cours de ces temps derniers, l’afflux du capital anglais a considérablement diminué.
Nous ne constatons plus, en ce moment, le rythme fiévreux d’autrefois dans l’investissement du capital, la courbe ascendante des grands investissements. C’est pourquoi il n’y a plus, aux Indes ce processus de développement économique forcé, constaté autrefois. Un changement certain s’est produit ces temps derniers sous ce rapport.
C’est pour cela précisément que se poursuit le processus d’appauvrissement, de paupérisation qui fait que les paysans se transforment en ouvriers de la ville et en mendiants dans les campagnes, mendiants dépouillés et enchaînés de tous côtés ; c’est pourquoi dans ces conditions, le marché intérieur n’augmente pas et que le développement industriel est également freiné, écrasé qu’il est en outre par la concurrence anglaise dans laquelle les privilèges de la métropole britannique se manifestent par toute une série « de droits et d’avantages ».
Tels sont les traits spécifiques de la situation aux Indes. Le camarade Raza a dit que l’Angleterre cherche à corrompre les couches supérieures de la paysannerie. Cela est vrai. Mais il me semble que le camarade Raza exagère ce processus.
En réalité, un processus de paupérisation continue se produit et c’est là le fondement des explosions révolutionnaires à venir. C’est également là la raison des « frondes » bourgeoises contre l’impérialisme britannique. J’ai parlé précédemment de la tactique aux Indes.
Le soulèvement de Vienne et la social-démocratie « de gauche »
En ce qui concerne les plus petits partis, je crois de mon devoir de dire quelques mots particulièrement sur la question autrichienne. Certains camarades m’ont demandé si le silence que j’ai gardé au sujet du soulèvement viennois du mois de juillet ne signifiait pas que nous avons modifié notre point de vue sur cette question.
Ainsi que tous les camarades le savent, nous avons étudié en son temps la question autrichienne et nous avons pris énergiquement position contre le parti communiste frère autrichien.
Dans la résolution que nous avions adoptée, nous indiquions que le soulèvement de Vienne était effectivement un mouvement révolutionnaire de masse très puissant et que notre parti aurait dû obligatoirement lancer le mot d’ordre des soviets, diriger le soulèvement avec ce mot d’ordre, etc. Tous les camarades connaissent sans doute cette résolution.
Il me semble que nous n’avons aucune raison de réviser notre point de vue d’alors. C’est une autre question que de savoir si ce mouvement n’était pas quelque peu isolé dans la phase qu’il avait atteinte. Les masses du prolétariat allemand ou tchécoslovaque ne pouvaient être invitées à faire la grève générale et on ne pouvait déclencher parmi elles une manifestation décisive de masse.
De ce point de vue, le soulèvement de Vienne fut, dans une certaine mesure, isolé. Cependant, avec le développement ultérieur des événements, nous aurions pu avoir aussi une autre situation. C’était là une chose parfaitement possible. Qui peut assurer que si les événements s’étaient développés, nous n’aurions pas eu de grandes fermentations en Allemagne, en Tchécoslovaquie ?
Une telle éventualité ne pouvait être exclue à priori. La thèse de l’isolement, quoique relatif, ne pouvait nullement être donnée comme un argument contre notre tactique révolutionnaire en Autriche. Avions-nous à ce moment-là, du point de vue de notre parti autrichien, la possibilité de développer davantage ce mouvement ? Je le crois.
Le parti a commis une erreur en ne favorisant pas la création d’organisations de masse sous forme de soviets. Il avait la possibilité de le faire et il a commis la grosse erreur de laisser passer le moment opportun. La résolution du Plénum du C.E. de l’I.C. est à mon avis absolument juste.
C’est une autre, question que de savoir-dans quelle mesure des événements analogues sont probables dans la situation actuelle. Je considère qu’une telle perspective n’est pas particulièrement vraisemblable. Mais, c’est là une toute autre question.
Les événements d’Autriche ont souligné avec une force particulière la justesse de la thèse sur le rôle des social-démocrates « de gauche », qui constituent les ennemis les plus dangereux du prolétariat révolutionnaire.
VI. Certains problèmes de tactique et de la vie intérieure des partis
Le changement de tactique et le danger de droite
A présent, quelques mots sur les affaires intérieures des partis. Camarades, il est absolument évident maintenant, après la défaite de l’opposition trotskiste qui représentait le bloc de la droite et de l’extrême-gauche, que le principal danger nous vient actuellement de la droite. Ce danger est assez grand, tant au point de vue des tâches actuelles qu’au point de vue des tâches futures.
On a déjà parlé maintes fois ici de ce danger, au point de vue de la période en cours, on en a parlé en ce qui concerne le Parti allemand à propos du travail syndical, on en a parlé en ce qui concerne le Parti tchèque à propos de la « Journée Rouge », on en a parlé à propos de l’opposition à laquelle se heurte notre « nouvelle tactique » en France, etc. Le danger de droite est un fait dangereux, non seulement au point de vue des intérêts du moment actuel, mais au point de vue de demain. Nous ne devons pas perdre ceci de vue.
Prenons la question tchèque. Le Parti s’efforça de mobiliser les masses, mais il ne fut pas en état de le faire. Ce fut en quelque sorte une mauvaise répétition des événements à venir. Le diagnostic de la maladie intérieure a été posé ; cette maladie fut assez sérieuse.
A présent nous devons établir nos calculs de sang froid. Je ne suis pas partisan de pousser des cris au sujet du danger de droite et des déviations de gauche. J’estime que durant l’année qui vient de s’écouler, l’Internationale communiste a procédé à un grand changement, — un grand, et non pas un petit. — en premier lieu en ce qui concerne les partis anglais et français.
Le camarade Lominadzé a tort de dire: que seul fut effectué un petit changement vers la gauche. Il me semble que c’est un grand changement à gauche qui a été effectué, en particulier dans le Parti anglais.
Ceux qui connaissent la vie intérieure du Parti britannique comprennent que nous avons rompu avec toutes les vielles traditions qui existaient dans le mouvement ouvrier anglais et avaient aussi une grande influence sur le Parti. (Une voix : « En France aussi ! »)
Oui, en France aussi. Mais je ne puis en même temps parler de deux pays à la fois. Je continue. La plus forte tradition qui existait dans la classe ouvrière anglaise était celle du « travail unique organisé ». Cette « unité » fut un grand atout entre les mains des réformistes. Mais utilisant ce mot d’ordre d’une façon trompeuse, ils purent lutter contre les idées révolutionnaires, contre le Parti révolutionnaire, etc.
Cette « unité » (des ouvriers révolutionnaires avec les loups réformistes) fut le plus grand obstacle à l’affranchissement du prolétariat de l’influence des réformistes, qui menèrent ouvertement une politique éhontée d’exclusion et de scission, se couvrant, d’une part, de la police, d’autre part, de grandes phrases sur l’unité. Cette tradition était si profondément enracinée au sein du prolétariat anglais, que certains de nos meilleurs camarades considéraient comme absolument impossible la pensée même d’une lutte simultanée contre le gouvernement Baldwin et contre le Labour Party.
Le plus grand danger, disaient-ils, est le gouvernement Baldwin, et l’on ne peut lutter contre lui qu’en établissant le front unique de toute la classe ouvrière: mais cette dernière est sous l’influence du Labour Party, par conséquent ce n’est qu’avec l’aide de ce dernier que nous pouvons renverser le gouvernement Baldwin.
Telle était l’orientation première. De là découle le mot d’ordre adopté par le Congrès du Parti, mot d’ordre du « gouvernement ouvrier contrôlé par le Comité Exécutif du Labour Party ».
Ensuite, les camarades anglais procédèrent à un brusque changement, non pas sans l’influence du C.E. de l’I.C. Ainsi, lorsqu’on est parvenu à obtenir ce changement, comment ne peut-on pas voir ce que cela signifie pour toute la vie du Parti ? Nous avons réalisé ce changement sans cris inutiles, sans stigmatiser des camarades, nous l’avons réalisé par la persuasion et une longue discussion fraternelle et honnête avec les camarades.
Il en sera d’autant plus solide, malgré les frottements inévitables. Ce changement de tactique est un gros événement dans l’histoire du mouvement ouvrier anglais.
Nous savons tous parfaitement qu’il existait aussi dans le parti français des traditions parlementaires, profondément ancrées. N’est-il pas vrai qu’il y a quelques mois à peine, les traditions parlementaires se sont manifestées, par exemple, dans la question de la loyauté envers l’Etat (sur la question des arrestations) ?
Etait-ce l’effet du hasard ? Était-ce un fait superficiel ? Non, ces tendances ont de profondes racines dans les cadres du Parti. Et lorsque deux mois plus tard, nous procédions à un changement radical et lancions le mot d’ordre « classe contre classe », le mot d’ordre « ne pas voter pour le Parti socialiste », c’est là, camarades, non pas un petit, mais un grand changement dans la tactique du Parti français. Ici aussi, ce changement fut effectué sans paroles vaines, mais avec l’appui de la base du Parti, par la persuasion des camarades hésitants et par la lutte contre ceux qui persistaient dans leur erreur.
Cette tactique ne fut pas réalisée sans frottements, sans conflits intérieurs, sans difficultés. Mais le tournant accompli par le Parti communiste français est un tournant de principe. Il est le plus grand tournant de principe dans l’histoire du Parti français depuis sa fondation. Je ne veux pas dire, naturellement, que le P.C.F., que le Parti communiste britannique et l’I. C. ont accompli un « haut fait » quelconque.
Mais si l’on examine cette question d’une façon absolument objective, n’est-ce pas un grand tournant qui a été effectué dans la tactique des deux grands Partis ? Je pense que oui. Et ce tournant n’est-il pas un coup décisif contre le danger de droite ? Naturellement, il en est ainsi. Ce changement de tactique n’est-il pas un morceau de papier de tournesol grâce auquel on peut tirer au jour le danger de droite dissimulé ?
Naturellement, il en est ainsi. Ceci explique l’opposition de droite, les différents doutes sur la justesse de cette tactique. Ceci explique la lutte contre cette tactique. Le meilleur moyen de lutte contre les courants de droite dans les Partis français et anglais est l’emploi rationnel de ce que l’on appelle la « nouvelle tactique »
Comme je l’ai déjà dit, le danger de droite peut encore s’accentuer à l’avenir. Pourquoi ? Il n’est pas impossible que se produise le fait dont Lénine a parlé dans l’article que j’ai cité, à savoir qu’une partie de notre presse ne sera pas à la hauteur de la situation. Cette chose n’est nullement impossible. Jusqu’à quel point ira cette position erronée, c’est là une autre question.
Mais il ne s’agit pas seulement de la presse : on peut dire la même chose au sujet de certaines organisations du Parti également. Où est la garantie que dans la période d’un danger direct de guerre, lorsque nous aurons à résoudre différents changement de tactique d’un tout autre genre, certaines « déviations » ne se manifesteront pas ?
Il faudra alors procéder à une série de changements dans notre tactique, dans les questions d’organisation, dans notre attitude envers la question du travail légal et illégal et autres.
Où est la garantie que dans certains partis il ne se produira, pas de scission, des faits et événements rappelant une crise ? Il est probable que de pareilles déviations auront lieu. En premier lieu, elles proviendront, naturellement, des milieux d’extrême-droite dans les différents partis.
C’est pourquoi, si nous analysons la situation existant actuellement et nos perspectives, nous aboutirons dans la question de l’orientation à l’intérieur du Parti, à la déduction qu’il faut battre la droite sur tout le front, sur toute la ligne.
Les questions intérieures des Partis
Les différents cas d’infraction à la discipline, derrière lesquels se dissimule le danger de droite, sont inadmissibles. Nous devons mener contre eux une lutte énergique.
Mais en même temps, je dois déclarer : le problème de la lutte la plus énergique contre la guerre, de la lutte la plus acharnée à l’intérieur du Parti contre le danger de droite, ne supprime nullement le problème de l’unité du Parti, le problème de la réalisation sensée de cette lutte, d’un genre de tact à l’intérieur du Parti.
En Allemagne, nous avons aussi un danger de droite. Dans nos thèses, nous proposons de lutter énergiquement contre lui. Dans nos thèses, nous proposons de liquider systématiquement l’attitude conciliante envers les dangers de droite. Mais, en même temps, nous devons par tous les moyens grouper les camarades qui se trouvent sur la plate-forme du Congrès d’Essen, des décisions de l’I.C. et des promesses de mener une lutte implacable contre le danger de droite. (Une voix : « Mais cela se fait ».)
La délégation du P.C. de l’U.R.S.S. m’a chargé de déclarer, — en ce qui concerne le Parti allemand, — que nous nous prononcions contre les tentatives d’évincer le camarade Ewert de la Direction du Parti. Je dois dire cependant que les camarades allemands de la Direction n’ont pas cette intention.
Nous voulons créer ici, au Congrès, des conditions excluant toute possibilité de fissure au sein des organes de Direction actuels. Tous les camarades doivent agir sur la base d’une discipline stricte, de la subordination stricte de la minorité à la majorité.
Sans cette condition, il est impossible de mener une lutte politique. De nouvelles divergences et fissures dans la Direction, des scissions à l’intérieur de nos Partis, auraient des suites fatales. C’est pourquoi je présume que la condition fondamentale et nécessaire pour le succès de notre travail, doit être la discipline.
Nous avons vu en toute évidence comment cette question est particulièrement aiguë en Pologne. La consolidation, l’unité, la discipline, sont absolument indispensables au développement victorieux des événements révolutionnaires. Ces derniers temps, nous avons eu au sein de l’I.C. différentes périodes de crise.
Ces périodes que certains partis ont traversées, ont une très mauvaise influence sur les masses ouvrières. Ces crises ne peuvent être liquidées que grâce à une ligne politique déterminée et fermement réalisée.
C’est là la condition préliminaire et indispensable à tout le développement ultérieur. Il existe, par exemple, au sein de la minorité du Parti allemand certaines tendances à vouloir modifier la Direction. J’estime que ces tendances sont fausses.
Nous ne pouvons pas faire cela : ceci aboutirait à une lutte intestine dans le Parti allemand. Le C.E. de l’I.C. appuie entièrement et complètement le noyau du Bureau politique du C.C. qui s’est constitué historiquement avec Thaelmann en tête. Je présume que des questions comme celle de la démocratie à l’intérieur du Parti, celle des nouveaux cadres du Parti, celle du relèvement du niveau théorique du Parti, celle de l’animation des cellules de base, celle de leur travail de masse, etc. doivent être posées comme de grandes questions du Parti.
Les partis doivent apprendre beaucoup plus à vivre d’une véritable vie politique et à éloigner tous les politicaillons sans principe.
Prenons par exemple un parti comme le Parti polonais. Il s’y produit une lutte fractionnelle féroce dans l’absence de grandes divergences politiques. Prenons le Parti américain actuel. Ces derniers temps, tout au moins, il nous semblait que le Parti américain commençait à liquider ses frottements intérieurs.
Mais nous constatons que la lutte reprend de nouveau. Cette lutte a pris une telle « animation » que l’on veut utiliser la conjoncture actuelle pour continuer la lutte sous une forme plus intense. Existe-t-il de grandes divergences politiques ? Il me semble que dans le Parti américain ces divergences sont peu importantes. Leur ampleur justifie-t-elle la constitution de fractions ?
Je pense que non. Prenons un exemple, la fameuse question sur l’attitude envers l’impérialisme américain. Certains disent que l’impérialisme américain s’est fortement consolidé ; d’autres affirment que leurs adversaires, c’est-à-dire les camarades qui sont du premier avis, font de la « réclame à l’impérialisme américain ».
Pourquoi ces accusations ? Elles ne mènent à rien et n’expliquent pas la question. Pour son malheur, je ne pense pas qu’on puisse compter aux Etats-Unis sur une prochaine situation révolutionnaire. Je déclare cela ouvertement. Dans aucun pays du monde, le capitalisme n’est aussi puissant qu’aux Etats-Unis d’Amérique où il atteint son apogée. Lorsqu’un camarade quelconque déclare qu’une situation directement révolutionnaire est peu probable, qu’y a-t-il de terrible là-dedans ?
Mais lorsque l’on dit qu’il n’existe décidément aucune base pour le travail au sein des masses ouvrières américaines, c’est mal, naturellement. Mais autant que je le sache, personne n’affirme pareille chose.
Le chômage est un fait avéré ; les changements qui sont survenus dans l’industrie américaine, c’est aussi un fait ; l’effervescence parmi les ouvriers non-qualifiés, est également un fait. Existe- t-il une base pour le développement du Parti communiste? Oui, elle existe.
Mais peut-on justifier la lutte aiguë des fractions ? Non. Il faut prendre toutes les mesures indispensables pour prévenir cette lutte.
La question la plus difficile parait-être celle du Parti tchécoslovaque. Il est possible que nous ne possédions pas toutes les données pour procéder à une analyse exacte de la situation et élaborer les mesures adéquates ; cependant, le cas de la « Journée Rouge » est très symptomatique.
Dans le Parti tchécoslovaque les choses ne vont pas bien non seulement au sein de la Direction, mais aussi dans la base du Parti, dans tout le Parti ; l’état de choses est défavorable au point de vue de la ligne politique, de l’orientation fondamentale du Parti, et des sérieux vestiges social-démocrates.
C’est pourquoi il est absolument nécessaire qu’après ou pendant le Congrès, l’Exécutif s’occupe spécialement de la question tchèque pour prendre des mesures nécessaires non seulement à l’égard des organes de Direction, mais aussi à l’égard de l’orientation du Parti. Ces derniers temps, nous avons observé certaines erreurs dans le Parti tchèque.
Ces erreurs se sont manifestées, par exemple, dans le projet de loi sur les comités d’usines; dans le projet de vote en faveur de Masarik aux élections présidentielles ; dans d’autres questions où nous avons constaté une passivité de la part du Parti.
Mais à présent, on observe quelque chose de plus grave qu’une simple passivité. Ceci nous impose la tâche de procéder à une analyse très minutieuse et de prendre des mesures sérieuses pour l’assainissement du Parti.
Actuellement, où il nous faut consolider nos rangs par tous les moyens, il me semble que nous avons à résoudre une tâche importante, celle de l’éducation idéologique du Parti.
Nous procédons avec insuffisamment d’énergie au travail d’éducation idéologique de nos Partis. A mon avis, une de leurs tâches est d’intensifier le travail intellectuel, la lutte idéologique, les discussions idéologiques, etc… Ceci est conforme à la ligne générale de notre développement.
Si, par exemple, nous devons nous préparer à la guerre, cela veut dire que nous devons procéder à une grande action de propagande tant parmi les ouvriers social-démocrates, que parmi les nôtres. Cependant, nous possédons très peu de littérature d’agitation et de propagande. Il est impossible par de grandes phrases seulement d’étendre notre influence aux ouvriers social-démocrates.
C’est pourquoi, dans la période où la guerre devient plus menaçante, il est absolument nécessaire d’animer la vie intérieure de nos Partis, d’intensifier l’activité des membres du rang du Parti, de créer les conditions qui leur permettent de se développer, qui permettent de produire de nouveaux cadres de militants actifs.
La discipline est notre loi. Cependant, camarades, je voudrais encore parler d’une lettre de Lénine non encore publiée, et adressée à moi et à Zinoviev. Dans cette lettre, Lénine nous écrivait : Si vous chassez tous ceux qui ne sont pas très obéissants, mais qui sont intelligents et que vous ne conserviez que les sots obéissants, vous mènerez certainement le Parti à sa perte.
Je pense que cette opinion de Lénine est très juste. Il nous faut une main ferme dans les organes de Direction de nos Partis, une main qui ne s’arrête pas devant l’exclusion de tout dissident. Mais en même temps, il nous faut dans les organes de Direction des Partis des hommes qui, nous l’espérons, y existent et sauront lutter, avec tact, contre tout membre intelligent du Parti pour le faire revenir dans la droite ligne du Parti.
VII. Conclusions
Camarades, je vais terminer. Il ne subsiste aucun doute sur ce que la situation internationale va s’aggravant. Nous allons vers une seconde guerre impérialiste mondiale. Cela ne veut pas dire que demain, par exemple, commencera la guerre contre l’U.R.S.S. Mais s’il faut parler du temps qui nous reste pour nous préparer, je dois déclarer qu’il nous en reste très peu.
C’est un fait immuable. Le temps qui nous reste, le répit qui nous est donné, doit être mis à profit avec toute l’énergie, avec toute la tension voulue des forces révolutionnaires pour renforcer notre Parti, pour gagner à notre cause les larges masses du prolétariat, pour attirer les larges couches de la paysannerie.
Ce sont là des tâches considérables et de toute importance. Nous ne pourrons pas les résoudre sans un travail tenace, sans une action de tous les jours, de toutes les minutes, de tous les instants.
Tous les camarades savent que dans ses instructions aux camarades qui se rendaient à la Conférence de La Haye, Lénine écrivit : « Ce qui importe, ce n’est pas de grandes phrases sur la grève générale, etc., c’est de se préparer systématiquement à l’éventualité de la guerre, de lutter systématiquement contre la menace de guerre, de lutter systématiquement contre la social-démocratie, de démasquer systématiquement ses sophismes, de préparer systématiquement l’organisation, etc. »
Nous ne pouvons y procéder sans une tension extrême des forces de nos Partis. Nous devons exiger de nos Partis et du C.E. de l’I.C. un renforcement du travail idéologique, une plus grande énergie dans le recrutement des membres, une amélioration de l’appareil de nos Partis, une amélioration du travail dans le domaine des questions quotidiennes, une nouvelle consolidation des Partis, un redoublement d’énergie de la part de nos organisations de jeunes dans le recrutement de nouveaux membres, une action plus énergique dans les colonies, dans l’armée, une préparation pour passer à une situation illégale.
Penser que nous continuerons à vivre d’une façon relativement « tranquille » comme maintenant, c’est se plonger dans des illusions. En outre, nous devrons prendre toutes les mesures nécessaires pour qu’il n’arrive pas à nos Partis le même malheur qui est arrivé au Parti tchécoslovaque lors de la « Journée Rouge ».
Camarade, l’Internationale Communiste est née de la guerre.
L’Internationale Communiste a remporté plus d’une grande victoire. Le plus grand succès du prolétariat mondial est la formation de l’Union Soviétique. Si la bourgeoisie déchaîne la guerre, le prolétariat conquerra finalement le monde.
Ce n’est nullement un point de vite pessimiste. Au contraire, avec Frédéric Engels, nous autre, communistes, déclarons à toute la classe dirigeante : Essayez, messieurs, de déchaîner les forces et les horreurs de votre guerre !
En réponse, l’Internationale Communiste serrera ses rangs pour la révolution, pour la guerre civile, pour le triomphe de la dictature du prolétariat ! (Vifs applaudissements. Tous les délégués se lèvent et font une ovation à l’orateur.)
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de l’Internationale Communiste