Extrait du discours de Klement Gottwald, le 10 mars 1948, devant l’assemblée nationale.
Avant [les accords de Munich], dans la République [de Tchécoslovaquie], c’était une petite clique de messieurs de la haute finance, de la grande industrie et des grands propriétaires terriens, qui gouvernait et décidait.
Cela est maintenant su de chacun, de chaque tchèque et de chaque slovaque. Dans la constitution, il était bien sûr écrit que tout le pouvoir vient du peuple, mais en réalité le peuple sentait à chaque pas qu’il faisait que c’était du sac d’argent que venait tout le pouvoir.
En d’autres termes, sous le masque formel d’une démocratie parlementaire, les grands capitalistes dominaient dans la République avant Munich, puissants par leurs possessions.
La couche des grands et puissants capitalistes justifiaient leur domination en prétendant qu’ils étaient les seuls en mesure de guider notre économie nationale. Les succès de leur domination économique – crises économiques périodiques, chômage permanent, d’un côté la misère et de l’autre une accumulation de richesses – ont prouvé que les messieurs du grand capital n’étaient pas en mesure de guider l’économie dans l’intérêt de tous.
Les grands et puissants dirigeants de la République avant Munich avaient également prétendu que seulement eux avaient vocation à conduire et administrer de manière juste les intérêts nationaux des Tchèques et des Slovaques, tout comme les aspects de la vie de l’État de Tchécoslovaquie, étant donné que seulement avec eux, sous leur direction, que seraient assurés la liberté nationale de nos peuples et leur indépendance.
Depuis, les résultats de cette direction par la grande bourgeoisie ont été justement, dans ces questions vitales pour la nation et pour l’État, les plus tragiques, les plus terribles et les plus misérables.
Afin de préserver sa domination de classe et ses privilèges, la bourgeoisie tchèque et slovaque s’est unie tout d’abord avec les ennemis intérieurs de la République, avec les fascistes allemands et hongrois.
Sur la base des mêmes intérêts égoïstes de classe, le grand capital tchèque et slovaque a capitulé au moment de Munich et refusé l’aide militaire proposé par l’Union soviétique à la Tchécoslovaquie.
Et, de plus, les grands capitalistes tchèques et slovaques ont sacrifié les intérêts nationaux, le 15 mars 1939, au nom de leur sac d’argent, en acceptant le honteux Protectorat et la séparation de la Slovaquie d’avec le territoire tchèque, en se positionnant entièrement et ouvertement au service de Hitler, bien qu’ils aient su que l’Allemagne hitlérienne, en cas de victoire, avait pour projet d’écraser les Tchèques et les Slovaques et de faire disparaître leur nation.
Ainsi, la grande bourgeoisie tchèque et slovaque s’est révélée non pas comme un bon administrateur, mais comme un misérable traître de nos intérêts nationaux et républicains. Au moment des vérifications historiques ont été pesés les dirigeants tchèques et slovaques, et trouvés trop légers.
La reconnaissance de ce fait a pénétré dans la conscience d’une grande partie du peuple tchèque et slovaque depuis l’époque de l’occupation étrangère. Cela s’est produit d’autant plus rapidement que tout le monde a vu que pendant que le peuple se positionnait activement ou passivement contre les occupants, les hommes dirigeants le pays ont collaboré avec eux et ont tiré du profit de la guerre allemande et de la misère du peuple.
De là il apparut toujours plus clairement que, après avoir arraché leur position de pouvoir aux Allemands et à leurs collaborateurs tchèques et slovaques, il serait nécessaire d’attaquer la base de leur pouvoir, c’est-à-dire leurs grandes propriétés, qu’ils avaient obtenu par des années d’exploitation du peuple.
Il apparaissait ainsi comme clair dans la République libérée que le peuple devait avoir le pouvoir de décision, et cela non pas sur le papier, mais dans les faits.
Aussi avons-nous, après la libération de la Tchécoslovaquie par la glorieuse armée soviétique, étatisé les instituts bancaires, la grande industrie et l’industrie lourde ; nous avons expulsé les Allemands et donné les propriétés terriennes, les banques et les usines qu’ils possédaient, non pas aux grands capitalistes tchèques et slovaques, aux paysans, ouvriers et travailleurs salariés tchèques et slovaques, au peuple.
Nous avons mis de côté le système policier et bureaucratique et remis au peuple l’administration publique par la formation d’un comité national. Nous n’avons pas permis la reformation des partis politiques réactionnaires du temps d’avant Munich, étant donné qu’il s’agissait des instruments politiques directs de la grande bourgeoisie tchèque et slovaque.
Nous avons formé le gouvernement du Front National, en tant qu’organe d’application de l’unité des ouvriers, paysans, travailleurs salariés et intellectuels.
La couche sociale qui gouvernait auparavant a ainsi été réellement coupé de son pouvoir politique qui avait échoué et frappé à son point faible, ses propriétés. Et dans la nouvelle république démocratique populaire on a commencé à réaliser le fait que le pouvoir vient du peuple.
Et le peuple a été généreux avec les anciens possesseurs du pouvoir. Il n’a étatisé qu’en partie leurs possessions et a assuré une compensation pour les biens expropriés. Il a laissé beaucoup d’entreprises, notamment industrielles, dans des mains privées, et l’étatisation n’a pas concerné ni le grand commerce ni le commerce d’import-export.
Les capitalistes conservaient ainsi la possibilité de faire des bénéfices, de commercer, d’accumuler du profit. Et les capitalistes ont pleinement utilisé ces possibilités. Ils se sont avant tout lancé dans les secteurs qui du point de vue du profit se montraient les plus profitables et dans cette course éperdue au profit, ils ne se sont préoccupés ni de la loi, ni de la morale, ni de garder leurs mains propres.
Le peuple voit les faits clairement, de la manière suivante : au moment de la réforme monétaire, à la fin de 1945, chacun a formellement commencé avec 500 couronnes. Aujourd’hui, beaucoup de capitalistes possèdent plusieurs millions de couronnes.
Il est évident qu’ils n’ont pas pu se procurer cet argent par un travail correct, mais par l’exploitation sans scrupules, ainsi que par le marché noir. Le résultat de ce « développement » a été que la base financière de la bourgeoisie, qui avait été cintré et affaibli par l’étatisation, commençait de nouveau à s’élargir et à se renforcer.
Mais ce n’était pas la seule conséquence. Nous avons, après la libération, laissé tous les droits civils et politiques aux anciens grands capitalistes et aux dirigeants. Nous avons été témoins de comment les procès contre les traîtres et les collaborateurs ont été transformés en farce, blessant le sens de la justice et le sentiment moral de notre peuple.
Nous avons également été témoins de comment les traîtres et les collaborateurs ont été subitement libérés ou comment ont été stoppées les enquêtes judiciaires menées contre eux, et que seulement un petit nombre a été puni – et avec beaucoup de tiédeur pour la plus grande partie.
Il n’est donc nullement étonnant qu’ils aient en peu de temps retrouvé leur arrogance. Ils ont pleinement utilisé les droits politiques qui leur avaient été généreusement laissés. Ils sont rentrés dans les partis politiques légaux, dans les organisations légales et dans les institutions, ou bien y ont envoyé leurs agents.
Ils ont placé leurs hommes à la direction de ces partis et organisations, voire eux-mêmes, et on mené leur travail à l’arrière-plan, par des groupes clandestins et illégaux. Quand on voit comment se sont comportés certains partis du vieux « Front National » au gouvernement, au parlement, dans le comité national, dans les organisations syndicales et autres, dans la presse, dans les conférences et en général dans la vie publique, on peut constater comment ces partis sont de manière croissante contaminé par le poison réactionnaire et comment ils sont devenus en fin de compte totalement des instruments de la réaction.
Le résultat de ce « développement » est le fait qu’après la révolution de mai 1945 les grands capitalistes, qui ont été tout d’abord mis de côté du pouvoir politique, se sont rassemblés par la suite sur le terrain politique, leur influence allant jusqu’au gouvernement, cette influence ne pouvant être que réactionnaire.
En d’autres mots : en mai 1945, nous avons jeté la réaction dehors par la porte des conseils du gouvernement et en février 1948 il était clair qu’elle était revenue par la fenêtre.
C’est l’arrière-plan économique, politique et de classe de la crise gouvernementale de février. La réaction, qui a employé ses positions économiques pour l’obtention forcée de nouvelles richesses, à qui s’étaient soumis plusieurs partis de l’ancien « Front National » de manière approfondie, à tel point qu’avec leur aide elle a pu pénétrer dans le gouvernement – cette réaction a décidé de mener un coup direct contre le régime démocratique populaire.
Le but immédiat de la réaction était de modifier le rapport de forces dans le gouvernement et dans tout l’État, et ce avant les élections, car elle y craignait une défaite. Le but final de la réaction était de renverser entièrement le régime démocratique populaire, de tout prendre au peuple de ce qui lui avait été donné parla libération et la révolution nationale, de tout rendre aux anciens propriétaires de ce qui avait été étatisé, et d’assurer de nouveau la domination sans bornes des grands et puissants capitalistes.
Sur le terrain de la politique étrangère, la réaction s’évertuait à nous éloigner de l’Union soviétique et des autres alliés, et de rapprocher de nouveau la république de ceux qui ont Munich sur la conscience.
D’une manière ou d’une autre, l’année 1920 devait se répéter, qui a signifié la fin des conquêtes que notre peuple avait réalisées après la première guerre mondiale après la liquidation de la monarchie austro-hongroise.
Que personne ne se laisse tromper par le fait que les réactionnaires à l’origine de la crise gouvernementale ne parlent pas ouvertement de leur but final. Que personne ne se laisse tromper quand ces gens répètent même de temps en temps qu’ils n’auraient, par exemple, pas l’intention d’abolir l’étatisation, ou bien que l’alliance avec l’Union soviétique serait intouchable, etc.
C’est la méthode de toute contre-révolution, Chaque contre-révolution ne parle aucunement ouvertement de ses buts finaux et n’abat ses cartes qu’au fur et à mesure. La contre-révolution veut toujours avant tout le renversement politique en sa faveur, ce qui compte pour elle c’est tout simplement le pouvoir. Posséder le pouvoir, cela signifie pour elle la victoire complète.
C’est par là qu’elle gagne la possibilité de mener jusqu’au bout ses plans contre-révolutionnaires. Cela est vrai également pour le cas tchécoslovaque. D’ailleurs, le prétexte utilisé par les réactionnaires pour provoquer la crise gouvernementale apporte de la lumière sur leurs objectifs de prise de pouvoir.
En apparence, il s’agissait du renvoi de huit policiers du corps de la police d’État à Prague. En réalité, la réaction exerçait une pression contre toute la police d’État. Ces messieurs entendaient de mettre celle-ci dans la main des réactionnaires et de la placer sous une direction réactionnaire, et d’ainsi avoir la possibilité d’utiliser ce corps contre le peuple, tout comme avant Munich.
Cela signifie avoir tout le pouvoir dans ses mains et être en mesure de passer par-dessus le peuple. Bref, par leurs attaques mal organisées contre la police d’État, ces messieurs ont dès le départ révélé une partie de leur plan.
Ce fut d’ailleurs précisément notre peuple qui ne s’est pas laissé tromper par aucune manoeuvre, diversion ou prétexte de la réaction. Le peuple a deviné les objectifs et buts masqués, et cela pas seulement au moment où la réaction a tout misé sur une seule carte et a provoqué la crise gouvernementale. Le peuple en avait déjà assez de tout ce que la réaction faisait depuis des mois.
La crise gouvernementale provoquée par la réaction n’a été que la goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la patience populaire. Et cela est vrai non seulement pour nos travailleurs dans les villes, mais aussi ceux dans les campagnes.
Le peuple avait dans sa très grande majorité conscience qu’il ne s’agissait pas d’un simple conflit de coalition passager au sein du gouvernement, qui avait comme but d’obtenir des postes de ministres ou des avantages matériels, comme ce fut le cas de manière caractéristique avant Munich.
Le peuple voyait également de manière claire dans sa grande majorité qu’il s’agissait ici d’une dangereuse tentative de renverser le régime démocratique populaire et de détruite tout ce que la libération lui avait amené.
De là cette expression spontanée de colère et de résistance populaire qui a saisi toute la république du 20 au 25 février 1948, depuis la forêt de Bohème jusqu’aux monts Tatras [c’est-à-dire les parties tchèque comme slovaque] et fit s’effondrer comme un château de cartes les plans de la réaction.
Je n’exagère pas en disant que nos masses travailleuses dans les villes et les villages ont passé un examen de maturité en ces jours critiques, et qu’elles l’ont brillamment réussi. Je considère comme étant de mon devoir, depuis la tribune du parlement, d’exprimer ma grande admiration et mes remerciements à nos travailleurs des villes et des campagnes et à leurs représentants véritables pour leur position déterminée et vraiment politique lors du déroulement de la crise.
Vous, les nombreux millions de simples citoyens dans les villes et les villages, vous avez protégé notre pays d’une nouvelle défaite de Lipany et par conséquent une nouvelle défaite de la Montagne Blanche [allusion à la défaite du mouvement révolutionnaire populaire hussite de Lipany en 1434, suivi en 1620 de l’écrasement de l’aristocratie anti-catholique et anti-allemande, liée au hussitisme].
L’unité des grands capitalistes a été brisée et les continuateurs des partisans de Jan Hus, de Jan Zizka de Trocnov, de Prokop Holy et de Rohac de Duba auront désormais le commandement dans toutes les questions nationales de l’État.
Ainsi, par la position lisible et arrogante de la contre-révolution, par la rapidité et la surveillance de notre peuple, et bien sûr, certainement pas en dernier lieu, par la surveillance et l’intelligence de son grand parti, le Parti Communiste de Tchécoslovaquie, le putsch contre-révolutionnaire de la réaction a été entièrement étouffé.
Au moment où l’on nous a fait part de la démission de membres du gouvernement qui représentaient les partis sus-nommés, nous avons expliqué de manière claire et nette, et pour tous, tout d’abord que le retour des membres du gouvernement ayant démissionné était impossible, et ensuite qu’il est impossible de les remplacer et de réorganiser les ministères en négociant avec les cliques qui s’affirment les grands dirigeants tout puissants de ces partis, qui ont négocié jusqu’à présent en leur nom, trahissant misérablement toute confiance.
Nous avons également expliqué, en troisième lieu, que nous négocierons quant au remplacement et à la nouvelle formation du gouvernement, avec ceux de l’ancien Front National qui sont restés fidèles à l’esprit et au programme de celui-ci.
Et nous avons enfin exigé que le gouvernement intègre désormais les représentants d’une si importante organisation comme le mouvement syndical révolutionnaire.
Sur cette base, le gouvernement a été effectivement rendu complet et nouvellement formé. Le gouvernement rendu complet et nouvellement formé est le gouvernement du Front National renouvelé.
Les représentants de tous les partis politiques renouvelés tout comme ceux de nos plus grandes organisations, du mouvement syndical révolutionnaire, participent directement au gouvernement. En ce sens, le gouvernement du Front National renouvelé est l’organe de la réalisation de l’unité des ouvriers, des paysans, des XXX et des intellectuels.
Et par là on en revient au sens et au contenu d’origine du Front National, de la façon dont il est issu dans le mouvement de résistance, dans le soulèvement slovaque, dans la révolution de Prague et dans les jours de la glorieuse libération.
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