Jean Jaurès : une «évolution révolutionnaire»

Jean Jaurès est ainsi à l’origine d’une mystique, où le « socialisme » agit miraculeusement sur le capitalisme, au moyen de la « République ».

Parlant d’ouvriers refusant de s’allier avec les centristes de l’époque, Jean Jaurès dit des premiers :

« Ils savent que la république est, au moins en France, une force populaire, une condition du progrès ; et ils sentent aussi qu’elle est un commencement de socialisme, et la forme politique du collectivisme. »

Voici comment Jean Jaurès voit les choses stratégiquement, expliquant que la classe ouvrière… doit être introduite dans la propriété ! Il attribue même à Karl Marx, ce qui relève de l’escroquerie et Jean Jaurès ne pouvait pas ne pas le savoir, le concept d’« évolution révolutionnaire » !

« La classe ouvrière veut des réformes, j’entends des réformes prochaines, immédiates. Elle en a besoin pour vivre, pour ne pas fléchir sous le fardeau, pour aller d’un pas plus ferme vers l’avenir.

Elle a besoin de lois d’assistance ; elle a besoin que sa force de travail soit protégée ; elle a besoin que la loi ramène à des proportions humaines la durée quotidienne du labeur. Elle a besoin que l’âge d’admission des enfants dans les usines soit élevé, pour qu’ils puissent recevoir une assez haute culture. Elle a besoin que l’inspection du travail soit plus sérieusement soumise à l’action du prolétariat lui-même.

Elle a besoin que la puissance sociale et légale des syndicats soit renforcée, qu’ils deviennent de plus en plus les représentants de droit de la classe ouvrière. Elle a besoin que des institutions sociales d’assurance contre la maladie, la vieillesse, l’invalidité, le chômage, soient établies.

Elle a besoin d’être introduite peu à peu, comme classe dans la puissance économique, dans la propriété.

Et elle aura un grand intérêt si les services capitalistes, mines, chemins de fer, sont nationalisés, à obtenir que les syndicats ouvriers de ces grandes corporations soient associés à l’état dans la gestion et le contrôle des nouveaux services publics.

Elle aura un grand intérêt à être représentée de droit, par ses syndicats, dans les conseils d’administration des six mille sociétés anonymes, civiles ou commerciales qui détiennent le grand commerce et la grande industrie.

Elle aura intérêt à exiger, à obtenir qu’une part des actions soit réservée de droit, en toute entreprise, aux organisations ouvrières, afin qu’ainsi, peu à peu, le prolétariat pénètre au centre même de la puissance capitaliste, et que la société nouvelle sorte de l’ancienne avec cette force irrésistible « d’évolution révolutionnaire » dont a parlé Karl Marx.

(…)

Mais tout ce programme de réformes, comment se réalisera-t-il ? Il ne peut se réaliser que par l’influence grandissante du Parti socialiste et de la classe ouvrière sur l’ensemble de la nation.

Et cette influence, comment se marquera-t-elle ? Par l’adhésion plus ou moins spontanée de la majorité de la nation aux réformes successivement proposées par la minorité socialiste.

Mais déclarer d’avance qu’en dehors du socialisme toute la nation ne sera qu’un bloc réfractaire et hostile, rejeter de la même façon et condamner au même degré les catégories bourgeoises qui toujours résistent aux réformes, et celles qui sont susceptibles peu à peu de les adopter, c’est tuer en germe toute réforme, c’est proclamer qu’avant l’heure de la révolution totale, les semences utiles ne seront point recueillies par la terre, mais dévorées toutes par les oiseaux pillards ; c’est briser l’espoir du prolétariat ; c’est appesantir sur lui, jusqu’au problématique sursaut des soudaines délivrances, la charge des jours présents. C’est proclamer soi-même l’impossibilité des réformes qu’on annonce et qu’on demande. »
(Révision nécessaire, août 1901)

Par conséquent, la « transition » au socialisme commence directement dans les organes du capitalisme :

« J’entends que dans le système actuel c’est au capital que reste nécessairement le dernier mot : et nous ne voulons pas aller, en période capitaliste, contre la nature même du capitalisme.

Mais que les salariés, sans pouvoir exercer une action prépondérante, soient admis cependant aux conseils de l’industrie, que le travail ne soit pas tenu à l’état d’ignorance complète et de complète passivité, aucun démocrate, aucun républicain ne s’en offensera.

A la période de préparation et de transition où nous sommes conviennent des institutions de préparation et de transition. »

Ces thèses d’un socialisme naissant dans les structures mêmes du capitalisme et de l’Etat bourgeois, ne serait-ce que partiellement, contredit formellement le marxisme.

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