L’échec de la direction syndicaliste révolutionnaire amena les réformistes à maintenir la CGT dans une même perspective, mais sans la confrontation par l’action directe.
Emile Pouget, qui dirigeait l’hebdomadaire de la CGT La Voix du Peuple depuis sa fondation en 1900, est mis de côté en 1909.
L’action directe de la CGT était marquante, mais trop de défaites s’étaient accumulées. Il y a eu des centaines de révocations et le gouvernement a été en mesure de réaliser trop de contre-interventions. Lors de la grève totale des électriciens de mars 1907 à Paris, ce sont ainsi les soldats du génie envoyés par le gouvernement qui se voient appelés pour rétablir le courant.
Émile Pataud, dirigeant syndicaliste révolutionnaire des électriciens, peut encore pour quelques temps avoir ses heures de gloire, la presse le surnommant le « Roi de l’ombre » ou encore le « Prince des ténèbres » pour ses actions coups de poing, comme lors du banquet à l’Hôtel Continental du ministre du travail René Viviani en mars 1909.
Le gouvernement met toutefois fin à la récréation sous peine de prison, ce à quoi il échappe en fuyant en Belgique en 1910 pour avoir tenté une opération de soutien à la grève des cheminots, amenant l’intervention de l’armée. Il fréquente alors Émile Janvion, un autre syndicaliste révolutionnaire passant à l’extrême-droite, les deux étant finalement exclus de la CGT.
Même la grande révolte des viticulteurs et vignerons en mai-juin 1907, notamment contre les vins trafiqués, est à la fois réprimée et intégrée, malgré son ampleur (50 000 personnes à Narbonne, puis 150 000 à Béziers, enfin 700 000 à Montpellier).
L’instauration des retraites ouvrières et paysannes en 1910, même de manière très partielle, ouvre de plus un espace aux revendications syndicales.
La nomination de Léon Jouhaux au poste de secrétaire de la Confédération générale du travail reflète alors la nouvelle mise en perspective. La CGT ne change rien à son identité : lorsque sort la nouvelle revue La Vie ouvrière en octobre 1909, elle se définit comme syndicaliste révolutionnaire et antiparlementaire.
Seulement, à l’image de Léon Jouhaux qui sera secrétaire de la CGT jusqu’en 1947, puis de la CGT Force Ouvrière jusqu’en 1954, le réformisme prime sur l’anti-Etatisme, même si celui-ci est assumé.
Un fait majeur ici est la fin des fédérations de métier, qui laissent entièrement la place aux fédérations d’industrie. Le développement du capitalisme français anéantit de fait le terrain des toutes petites entreprises, terreau du syndicalisme révolutionnaire.
De même, les Bourses du travail s’effacent officiellement en 1913 devant les unions territoriales, au niveau du département. L’idéal de la contre-société se maintient, mais le terrain pratique propice à la fraction la plus dure a disparu.
La CGT est alors constituée, mais n’existe donc que comme structure semi-syndicale, avec une prétention sociale anti-politique et rétive aux interventions de l’État. Elle vit parallèlement à la société, et lorsque la guerre de 1914 arrive, elle se plie au mouvement, écrasée par la pression.
Celui-ci signifie également son effondrement. La CGT a 400 000 adhérents en 1908, 450 000 en 1912, mais 300 000 en 1914 et même seulement 50 000 en 1914 avec la mobilisation. De plus, la CGT ne représente de ce fait que la moitié des syndiqués, ceux-ci ne représentant qu’une toute petite partie des travailleurs.
Condamnée à l’absence d’impact, la CGT avait toutefois donné naissance au principe de la minorité agissante opérant sur le terrain syndical, avec éventuellement une prétention à former une société nouvelle qu’elle représenterait elle-même en miniature. En apparence un syndicat, la CGT était une structure « syndicaliste révolutionnaire ».
=>Retour au dossier sur la CGT
de la période syndicaliste révolutionnaire (1895-1914)