Lorsque Khrouchtchev fut dégagé de la direction en octobre 1964, la Chine populaire attendit de voir s’il y avait une remise en cause, mais ce ne fut pas du tout le cas. Son successeur Brejnev se revendiqua directement du 20e congrès, ainsi que du 22e congrès (le 21e congrès, en janvier-février 1959, ayant été un congrès extraordinaire réalisé par Khrouchtchev pour asseoir sa position notamment après la crise interne de 1957).
Cela impliquait une convergence soviéto-américaine et c’était un danger immense pour la Chine populaire. Les États-Unis et l’URSS se posaient en figures tutélaires de l’ordre mondial et l’URSS sonda même les États-Unis au sujet d’une attaque nucléaire préventive sur les installations militaires nucléaires chinoises.
À partir de 1964 fut ainsi mis en place en Chine populaire le « mouvement du troisième front », consistant en une industrialisation des zones intérieures du pays, les plus éloignées de toute attaque étrangère possible (« proches des montagnes, dispersées et cachées ») ; environ 39 % des investissements furent orientés en ce sens jusqu’à la fin des années 1970.
À partir de 1965, l’URSS était considérée comme convergente entièrement avec les États-Unis et comme n’étant plus fiable pour toute affirmation anti-impérialiste ; la ligne internationale fut ainsi « de combattre avec deux poings » (liangge quantou daren).
Cette affirmation se systématisa avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, qui accorda une place significative à l’internationalisme prolétarien, appelant à lutter contre l’impérialisme américain et à ne pas tomber dans le piège du révisionnisme soviétique convergeant avec lui.
Cela se situait qui plus est dans une période où la stratégie chinoise de soutien concret à une vague anti-coloniale qui irait dans un sens démocratique avait échoué. Cela a été la défaite comme au Cameroun, au Sénégal, au Niger, au Congo, en Ouganda, au Zanzibar, au Kenya…
Et même là où il y a eu un « tiers-mondisme » d’ailleurs incohérent et limité, des coups d’État ont eu lieu : Ahmed Ben Bella est renversé en Algérie en 1965, Modibo Keïta au Mali le sera en 1968 tout comme le congolais Alphonse Massamba-Débat, alors que le président ghanéen Kwame Nkrumah est renversé exactement au moment où il se rendait en Chine populaire en 1966 en provenant du Nord-Vietnam.
De toutes manières, la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne avait désorganisé toute la diplomatie chinoise. Un avertissement au personnel des ambassades fut fait le 9 septembre 1966, à la suite de scandales internes de corruption en Autriche et en Tanzanie, et finalement au début de l’année 1967, un tiers du personnel de tous les pays et tous les ambassadeurs sauf celui en Égypte furent rapatriés pour une formation idéologique avancée.
Ils furent dans les faits placés dans un bâtiment du ministère des affaires étrangères, chaque ambassade se voyant attribuer une pièce vide où il devait y avoir des sessions d’études et d’autocritiques dans ces conditions précaires.
En janvier 1967, Brejnev présenta la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne comme une « grande tragédie pour tous les communistes de Chine », alors que les divisions de l’armée soviétique aux frontières chinoises furent renforcées. Une intense dénonciation de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne se systématisa en URSS, amenant l’expulsion des journalistes soviétiques présents en Chine populaire.
Des accrochages furent nombreux, comme avec la répression brutale d’une manifestation d’étudiants étrangers contre les États-Unis à Moscou, le tabassage des étudiants chinois revenant d’Europe et profitant d’une escale pour se rendre au mausolée de Lénine, etc.
En réponse, en janvier, mai et août 1967, l’ambassade soviétique fut massivement encerclée par les Gardes rouges.
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contre l’hégémonie des superpuissances