Le maintien de la féodalité permit aux forces conservatrices de maintenir leur existence et de se restructurer. Elles se fédérèrent rapidement après leur défaite de 1931 et dès 1933 exista une Confederación Española de Derechas Autónomas (Confédération Espagnole des Droites Autonomes – CEDA), rassemblant de multiples courants et disposant également d’une Juventudes de Acción Popular, section de jeunesse pratiquant le combat de rue.
L’impact fut tel que les élections parlementaires de 1933 – les premières où les femmes pouvaient également voter – furent une défaite terrible pour le gouvernement. La gauche obtint un peu plus de 3,1 millions de voix, les conservateurs un peu plus de 3,3 millions de voix, les centristes un peu plus de 2 millions de voix.
En apparence, on avait un équilibre relatif, mais avec le système électoral, cela donna 115 sièges pour la CEDA, contre 59 seulement pour le PSOE.
Le Parti Républicain Radical, de son côté, obtenait 102 sièges, le Parti Agraire Espagnol 30 sièges, le Parti Républicain Conservateur 17 sièges.
L’Action Républicaine du premier ministre n’obtenait que 5 sièges, le Parti Communiste d’Espagne quant à lui disposait de son premier député.
Les forces catalanes restaient puissantes : la Lliga Regionalista (Ligue Régionaliste) avait 24 sièges, la Gauche Républicaine de Catalogne 17 sièges.
Le nouveau gouvernement fut alors dirigé par le Parti Républicain Radical, en alliance avec la CEDA, qui bloqua alors toutes les réformes. Les masses réagirent par des grèves : 1127 en 1933, avec plus de 843 000 grévistes, 594 en 1934, avec plus de 741 000 grévistes.
L’année 1934 fut notamment marquée par l’entrée au gouvernement de ministres de la CEDA en octobre 1934, ce qui provoqua immédiatement une réaction importante dans les masses, de manière unanime, notamment avec le PSOE ayant renoué avec une ligne de gauche par l’intermédiaire de Francisco Largo Caballero.
Des grèves eurent lieu dans les grandes villes (Barcelone, Madrid, Valence, Oviedo, Séville, Cordoue) ; avec des affrontements meurtriers dans tout le pays. Il était considéré qu’il y avait, avec la CEDA au pouvoir, clairement le risque d’une vague réactionaire généralisée.
Le fait le plus marquant fut la vaste insurrection des Asturies, au nord de l’Espagne, produite par l’unité à la base de la CNT (au niveau local) et de l’UGT, du PSOE et du PCE. Voici le document commun des deux syndicats en mars 1934, donnant naissance à un pacte :
« Les organisations soussignées U.G.T. et C.N.T. conviennent entre elles de reconnaître que, face à la situation économique et politique du régime bourgeois d’Espagne, l’action unitaire de tous les secteurs ouvriers s’impose avec l’objet exclusif de promouvoir et de mener à bien la révolution sociale.
A telle fin chaque organisation signataire s’engage à accomplir les termes de l’engagement fixés ainsi dans ledit pacte :
1) Les organisations signataires de ce pacte travailleront d’un commun accord jusqu’au triomphe de la révolution sociale en Espagne et la réussite de la conquête du pouvoir politique et économique pour la classe travailleuse, dont la la réalisation concrète immédiate sera la République Socialiste Fédérale.
2) Pour parvenir à cette fin, on constituera à Oviedo un Comité exécutif représentant toutes les organisations ayant adhéré au dit pacte, qui agira en accord avec un autre de type national et d’un caractère identique répondant aux nécessités de Faction générale à développer dans toute l’Espagne.
3) Comme conséquence logique des conditions 1) et 2) du dit pacte, il est entendu que la constitution du Comité national est une prémisse indispensable (au cas où les événements se déroulent normalement) pour entreprendre toute action en relation avec l’objectif de ce pacte, pour autant que ce pacte s’efforce et prétende à la réalisation d’un fait national. Ce futur Comité national sera le seul habilité à pouvoir ordonner au Comité qui s’installera à Oviedo les opérations à entreprendre en relation avec le mouvement qui éclatera dans toute l’Espagne.
4) Dans chaque localité des Asturies sera constitué un Comité qui devra être composé par des délégations de chacune des organisations signataires de ce pacte et par celles qui, apportant leur adhésion, seront admises dans le Comité exécutif.
5) A partir de la date de signature de ce pacte cesseront toutes les campagnes de propagande qui pourraient gêner ou aigrir les relations entre les diverses parties alliées, sans pour cela signifier l’abandon du travail serein et raisonnable entrepris au compte des diverses doctrines préconisées par les secteurs qui composent l’Alliance ouvrière révolutionnaire, et conservant, à telle fin, leur indépendance organique.
6) Le Comité exécutif élaborera un plan d’action qui, moyennant l’effort révolutionnaire du prolétariat, assurera le triomphe de la révolution dans ses différents aspects, et sa consolidation selon les normes d’une convention à établir préalablement.
7) Deviendront des clauses additionnelles au présent pacte tous les accords du Comité exécutif, dont l’observance est obligatoire pour toutes les organisations représentées, ces accords étant de rigueur tant durant la période préparatoire de la révolution qu’après le triomphe, étant bien entendu que les résolutions du dit Comité s’inspireront du contenu du pacte.
8) L’engagement contracté par les organisations soussignées cessera au moment où la République Socialiste Fédérale aura constitué ses propres organes, élus librement par la classe travailleuse et par le procédé qui a régi l’œuvre révolutionnaire découlant du présent pacte.
9) Considérant que ce pacte constitue un accord des organisations de la classe ouvrière pour coordonner leur action contre le régime bourgeois et l’abolir, les organisations qui auraient une relation organique avec des partis bourgeois les rompront automatiquement pour se consacrer exclusivement à parvenir aux fins que détermine le présent pacte.
10) De cette Alliance révolutionnaire fait partie, pour être préalablement en accord avec le contenu de ce pacte, la Fédération socialiste asturienne.
Asturies, 28 mars 1934 »
Cela permit une action d’une grande efficacité début octobre, en tant qu’alliance UHP (Uníos Hermanos Proletarios – Unissez-vous, frères prolétaires), alors que des ministres CEDA étaient intégrés au gouvernement.
Des milices populaires furent formées par les mineurs, aboutissant à une armée rouge de 30 000 personnes et 50 000 autres mobilisées, alors qu’une vingtaine de casernes de la garde civile furent prises d’assaut, avec une prise ce contrôle des centrales électriques, des ateliers de métallurgie, etc. et enfin de points importants de la ville d’Oviedo, sans parvenir toutefois à prendre la principale caserne militaire.
Il s’ensuivit treize jours d’affrontements avec l’Armée dirigée par le général Franco, notamment au moyen de troupes coloniales marocaines pratiquant le pillage et la viol ; la défaite coûta la vie à au moins 2000 révolutionnaires, au moins 7000 étant blessés et 30 000 emprisonnés, alors que le PCE apparut comme l’organisation la plus combative et le plus décidée.
Le gouvernement interdit de nombreux journaux de la gauche, suspendant des centaines de municipalités, et la torture fut utilisée systématiquement.