L’échec de l’opération Couronne fut un revers de taille pour l’impérialisme américain et les forces réactionnaires grecques.
Van Fleet décida alors de fasciser complètement l’armée grecque, dont le commandement revint en janvier 1949 à Aléxandros Papágos, dont l’une des premières mesures fut d’autoriser l’utilisation du napalm par les forces américaines.
Les officiers reçurent l’autorisation d’abattre ceux qui ne combattraient pas de manière assez décidée, les commandants eux-mêmes risquant la court martiale, les retraites n’étant autorisées que sur ordre exprès du quartier-général.
A cela s’ajouta toutefois un élément extrêmement positif pour l’impérialisme américain : la Yougoslavie de Tito était ouvertement passée dans son camp.
Déjà travaillée au corps par les impérialismes américain et britannique, servant de plate-forme à leurs opérations, la Yougoslavie titiste bascula entièrement dans le camp de la « neutralité », c’est-à-dire du côté impérialiste.
Le Kominform condamna par conséquent la Yougoslavie titiste en juin 1948, ce que le KKE approuva en juillet. Dans la foulée, en août, Márkos Vafiádis fut mis de côté alors qu’il eut une crise de nerfs, tout en commençant à assumer une ligne de convergence avec le titisme, expliquant par la suite qu’il était opposé à la ligne du Parti depuis 1947.
Au même moment, la DSE fut en mesure d’échapper à une opération d’encerclement dans les monts Gramos utilisant massivement l’aviation, et tuant 5 000 combattants et 3000 civils.
Malgré la défaite en termes de pertes, la capacité de la DSE à se maintenir provoqua une véritable onde de choc et la DSE officialisa même définitivement sa centralisation. Il n’y avait désormais plus de quartiers-généraux régionaux, mais des divisions dépendant d’un conseil militaire :
– la première division en Thessalie ;
– la seconde division en Roumélie, c’est-à-dire en Grèce centrale :
– le troisième division dans le Péloponnèse ;
– la sixième division en Macédoine centrale ;
– la septième division en Epire ;
– les divisions neuf, dix et onze dans les montagnes Vitsi.
Les trois premières divisions dépendirent à partir de mars 1948 du KGAN, un quartier général pour le sud de la Grèce. Il existait également deux unités autonomes :
– la 24e brigade dans la zone du quartier général ;
– une brigade de saboteurs.
Cette réorganisation frappa d’autant plus les esprits que, alors que les divisions neuf, dix et onze avaient tenu le choc face à la tentative d’encerclement et d’anéantissement, toutes les autres s’étaient renforcés pendant ce temps-là.
C’était une catastrophe pour l’État monarcho-fasciste, au point qu’il fut par conséquent obligé, en octobre 1948, de généraliser l’état d’urgence qui officiellement n’existait jusque-là que dans le nord du pays.
Le secrétaire d’État aux affaires étrangères américain, le fameux George Catlett Marshall, vint même en personne à Athènes à ce moment-là pour constater la situation.
Níkos Zachariádis ajusta également de son côté certains points de la DSE. Il effectua notamment une critique à la septième division qui n’avait pas assez profité de ses réussites pour élargir ses zones de contrôle et procéder au recrutement, ainsi qu’une remise en cause générale des responsables athéniens qui furent entièrement remplacés, eux-mêmes devant rejoindre les montagnes.
En septembre, Níkos Zachariádis se rendit à Moscou et il lui fut expliqué que, de par les nouvelles conditions, une aide plus soutenue serait déjà largement plus aidée à mettre en œuvre, avec la réception annoncée de 1 000 pièces d’artillerie et de 1000 canons anti-chars, ainsi que l’enrôlement de 8 000 Grecs vivant à l’étranger.
Le même mois, la DSE fut en mesure de faire se débander deux bataillons ennemis au nord de la ville de Kastoria.
A la mi-décembre, la première et la seconde divisions furent en mesure, avec 3 500 combattants, de prendre pour une journée de la ville de Karditsa en Thessalie, qui comptait 20 000 habitants ; à la mi-janvier 1949, c’est la ville de Náoussa qui est prise pendant trois jours, la ville de Karpenisi pendant plus de jours.
En avril 1949, des positions stratégiques furent également reprises dans les monts Gramos.
C’était une grande avancée et en arrière-plan, Níkos Zachariádis résolut également une question épineuse : celle de la minorité macédonienne.
Historiquement, la Macédoine historique a été peuplé de Slaves et, jusqu’à aujourd’hui, le nationalisme grec refuse catégoriquement que les populations y vivant emploient le terme de Macédoine, relevant selon lui exclusivement de l’identité grecque.
En France, le terme de Macédoine a donné le nom à une salade, en référence aux multiples ingrédients qui la composent, allusion aux multiples populations présentes en Macédoine, ce qui donne différentes couleurs sur une carte.
Au début du XXe siècle, la Bulgarie prétendait qu’il y avait en Macédoine une majorité de Bulgares, la Serbie de Serbes (y voyant une Serbie du Sud), la Grèce de Grecs. La guerre des Balkans qui s’ensuivit fut marqué par des atrocités et des déplacements de population, dans un cadre féodal, formant une poudrière qui joua un rôle effectif pour le déclenchement de la première guerre mondiale impérialiste.
Au moment de la seconde guerre mondiale, il y avait officiellement environ 80 000 « slavo-macédoniens » dans la partie grecque de la Macédoine, en réalité sans doute plus du double, et le KKE défendait ses droits, au sein de la Grèce, arguant que la sécession n’aurait pas de sens pour une partie du pays dont la quasi totalité était grecque.
Durant la seconde guerre mondiale, le KKE réussit à convaincre le Slavjano Makedonski Narodno Osloboditelen Front – Front de Libération Nationale slavo-macédonien – à participer à l’ELAS. Tito cependant poussait à une ligne indépendantiste, afin que la future Yougoslavie l’annexe.
Pour cette raison, la SNOF fut démantelée, 800 de ses membres rejoignant la Yougoslavie, alors que fut fondé en avril 1945 la NOF, Narodno Osloboditelen Front – Front de Libération Nationale, qui rejoignit ensuite la DSE.
Tito retenta l’opération de scission avec la NOF, qui maintint néanmoins le cap et il est à noter qu’une partie significative des combattants de la DSE était d’origine slavo-macédonienne, autour de 30 %, la propagande anti-DSE faisant monter ce chiffre à 70 %.
Níkos Zachariádis avait en effet établi la ligne d’autonomie pour la minorité slavo-macédonienne, alors que la Bulgarie faisait un contre-poids démocratique essentiel à l’expansionnisme yougoslave concernant cette question.