La grille d’analyse nécessaire au PMD

Pour transformer un pays par la révolution, il faut une analyse stratégique. Sans stratégie, il n’y a rien ; on peut mener autant d’initiatives tactiques que l’on voudra, cela n’aboutira à rien, car la quantité n’est pas la qualité. Espérer pareillement qu’à force d’initiatives, la quantité se transforme en qualité, est vain, car des initiatives dispersées, sans fil conducteur, ne relèvent pas seulement de la quantité, mais de la qualité individuelle, avec une très mauvaise qualité.

Seule une vision sur le long terme permet de voir ce que veut telle ou telle chose, l’impact que peut avoir telle ou telle initiative. Pour avoir une grille de lecture, il faut envisager les choses en termes de périodes, de développement historique, d’exigences propres à ces périodes et ce développement.

Alors, quand on fait quelque chose, on le calibre en fonction des objectifs, des attentes historiques ; si on constate un phénomène, on évalue s’il est en phase ou non avec les attentes historiques.

Il faut toujours évaluer ce qu’on fait, ce qu’on constate, au moyen d’une analyse des deux lignes : quelle est la ligne rouge, quelle est la ligne noire, où se situe la chose, le phénomène, par rapport à ces lignes.

C’est ainsi de l’opportunisme que de se précipiter dans la moindre exigence revendicative, la moindre grève, la moindre contestation. De toutes manières, la France moderne, celle de 1945 à 2023, a été rempli de contestations, de grèves, de protestations, sans que jamais on aboutisse à une contestation de masse du capitalisme. La gréviculture de fonctionnaires et l’esprit étudiant de révolte n’ont jamais abouti à rien de concret.

Prenons un exemple concret. La France est un pays en décadence. Chez les gens, le niveau scientifique, culturel et sur le plan des idées connaît un effondrement prononcé. Il y a un laisser-aller général, une attitude pleine d’oisiveté car reflétant la situation parasite de la France par rapport au tiers-monde. Les Français veulent conserver leurs acquis, et cela s’arrête là.

Si on porte son attention sur les modalités et l’état d’esprit du mouvement contre la réforme des retraites de 2023, ou bien les Gilets Jaunes auparavant, on voit très bien alors qu’on a affaire à des initiatives réactionnaires visant à simplement conserver le capitalisme français tel quel. Rien ne pouvait en sortir de bon.

Comment faut-il envisager la ligne rouge, alors ? Il faut constater que la France est un pays qui perd des positions sur le marché mondial ; le niveau de vie ne peut pas être maintenu. Il y a déjà une vraie cassure entre une bourgeoisie vivant dans une bulle prononcée de consommation ostentatoire et des larges masses vivant sur le tas, avec la propriété de son habitation comme considération centrale. Cette cassure va s’élargir, produisant mécaniquement de l’aigreur et de la rancoeur.

Ce dernier aspect représente la difficulté morale majeure, puisqu’on est dans l’attitude rétrograde du prolétaire de pays riches. Néanmoins, l’aspect positif qui l’emporte est qu’il est désormais possible d’affirmer la civilisation comme socialiste.

Dans les années 1960, 1980, 2000… la bourgeoisie était encore éduquée, bien élevée, capable de cadrer les choses. Elle disposait du prestige de la tradition, de la continuité morale et civilisationnel. Qui allait faire confiance à des gauchistes ou des syndicalistes pour partir à l’aventure ? Personne, bien entendu.

Désormais, le prolétariat ne fait plus face à un ennemi si solide. Il lui reste toutefois à se transformer lui-même, massivement et profondément, pour s’assumer comme classe dominante.

Les syndicalistes de 2023 ou les Gilets Jaunes convergent-ils avec cette nécessité d’auto-critique du prolétariat, avec l’idée d’une civilisation socialiste ? Pas du tout. Les syndicalistes et les Gilets Jaunes s’alignaient sur l’illusion du capitalisme redistributeur à l’infini, pour peu qu’on puisse « gratter » des acquis.

Comment le PMD doit-il voir les choses ? Il doit partir du principe que le capitalisme français n’est pas statique, qu’il évolue. Il évolue en raison de ses contradictions internes, et il est en rapport également avec la compétition mondiale des puissances, petites et grandes. L’évolution interne, c’est la décadence ; le rapport avec la compétition mondiale, c’est la guerre. La France va à la guerre, elle est obligée pour chercher à maintenir son rang dans les rapports de force mondiaux, et également pour essayer de renforcer ses propres positions.

Au ratatinement interne s’associe donc une tendance à la guerre qui, nécessairement, va provoquer des remous dans la société. On tend alors à une situation révolutionnaire, que Lénine décrit comme suit :

« La loi fondamentale de la révolution, confirmée par toutes les révolutions et notamment par les trois révolutions russes du XX° siècle, la voici : pour que la révolution ait lieu, il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements.

Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois. C’est seulement lorsque« ceux d’en bas » ne veulent plusetque « ceux d’en haut » ne peuvent plus continuer de vivre à l’ancienne manière, c’est alors seulement que la révolution peut triompher.

Cette vérité s’exprime autrement en ces termes : la révolution est impossible sans une crise nationale (affectant exploités et exploiteurs).

Ainsi donc, pour qu’une révolution ait lieu, il faut: premièrement, obtenir que la majorité des ouvriers (ou, en tout cas, la majorité des ouvriers conscients, réfléchis, politiquement actifs) ait compris parfaitement la nécessité de la révolution et soit prête à mourir pour elle ; il faut ensuite que les classes dirigeantes traversent une crise gouvernementale qui entraîne dans la vie politique jusqu’aux masses les plus retardataires (l’indice de toute révolution véritable est une rapide élévation au décuple, ou même au centuple, du nombre des hommes aptes à la lutte politique, parmi la masse laborieuse et opprimée, jusque-là apathique), qui affaiblit le gouvernement et rend possible pour les révolutionnaires son prompt renversement. »

Le PMD doit, pour chaque chose ou phénomène, se demander non pas simplement une « position de classe », mais en quoi il y a connexion avec le Nouveau ou l’Ancien. En quoi, la chose, le phénomène, contribue-t-il à la décadence, ou au contraire y fait obstacle ? En quoi, la chose, le phénomène, contribue-t-il à la tendance à la guerre, ou au contraire y fait obstacle ?

Puis, vient la question de se placer historiquement : en quoi, la chose, le phénomène, converge-t-il, reflète-t-il à la conscience prolétarienne, à la vision du monde matérialiste dialectique ? Car sans le matérialisme dialectique, il n’y a pas de solidité suffisante.

C’est une analyse des deux lignes tout d’abord, puis de l’alignement avec l’exigence historique de civilisation socialiste ensuite. C’est le moteur du Parti et c’’est pourquoi Mao Zedong dit que se tenir sur une position de classe ne suffit pas en soi. Il faut s’aligner entièrement sur le Parti qui exprime le nouveau dans son caractère historique, complet.

« Nous nous tenons sur les positions du prolétariat et des masses populaires. Pour les membres du Parti communiste, cela implique la nécessité de se tenir sur la position du Parti, de se conformer à l’esprit de parti et à la politique du Parti. »

Le nouveau chasse l’ancien, le Parti porte l’avenir.