« Engels dit explicitement : « avec chaque découverte qui fait époque dans le domaine des sciences naturelles » (à plus forte raison dans l’histoire de l’humanité) « le matérialisme doit modifier sa forme » (Ludwig Feuerbach, p. 19, édit. allemande).
Ainsi, la révision de la « forme » du matérialisme d’Engels, la révision de ses principes de philosophie naturelle, n’a rien de « révisionniste » au sens consacré du mot ; le marxisme l’exige au contraire. »
Lénine, Matérialisme et empirio-criticisme
La révolution consiste-t-elle en un affrontement entre la révolution et la contre-révolution ?
Si la réponse est oui, alors cela implique que cet affrontement est toujours en mouvement, qu’il faut redéfinir les termes de l’affrontement du côté des révolutionnaires. Si ce n’est pas le cas, alors le panorama est fixé, il est statique.
Si la réponse est oui, alors les plans de cet affrontement sont très nombreux, n’importe quel aspect social pouvant être un vecteur, à un moment donné, de celui-ci. Si ce n’est pas le cas, alors il n’y a qu’un seul terrain à l’affrontement.
On aura reconnu les deux positions possibles. La première est la lecture maoïste, apparue dans les années 1960 notamment avec la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne. Les interactions au sein de la société sont désormais considérées avec attention, l’affrontement révolution/contre-révolution est en mouvement, tout comme en Chine populaire l’affrontement entre la restauration du capitalisme et la contre-restauration visant à maintenir le socialisme.
La seconde est la lecture traditionnelle, de type « marxiste-léniniste », anarchiste, etc. c’est-à-dire en définitive syndicaliste révolutionnaire.
Dans le premier cas, la contre-révolution cherche par définition à neutraliser les antagonismes, à recomposer le capitalisme pour assécher les terrains de contestation, à empêcher autant que possible ce qui pourrait provoquer des frictions.
Dans le second cas, la contre-révolution n’existe qu’en tant que réponse mécanique à la contestation. Elle n’est pas l’enjeu de toute une époque. Il suffirait de pousser les revendications et la lutte des classes triompherait mécaniquement.
Dans le premier cas, il est très difficile de peser dans l’affrontement entre révolution et contre-révolution. Il faut bien cerner la situation, déterminer ce qui est favorable à la révolution et former un nouvel espace.
Dans le second cas, il suffit d’intervenir de manière même réformiste pour exister et avoir un impact social et politique.
Dans le premier cas, le parcours révolutionnaire est prolongé et non-linéaire.
Dans le second cas, le parcours révolutionnaire est court et linéaire.
La question qui se pose est la suivante : l’informatique permet-elle, en tant que science, d’apporter un éclairage sur l’affrontement entre révolution et contre-révolution ?
Autrement dit, est-il possible de prendre le concept de « système d’exploitation » d’un ordinateur, et de l’appliquer à la contre-révolution ?
Un système d’exploitation est en fait une gestion d’opérations au moyen des ressources d’un ordinateur. Le système d’exploitation, qui est lui-même un programme, fait fonctionner des programmes, qui profitent du matériel afin d’utiliser des informations, de les traiter, de fournir un résultat.
On aurait alors le mode de production capitaliste comme un système, profitant du matériel qu’est la société pour faire fonctionner des programmes (la police, l’école, les syndicats, l’armée, les entreprises, les accords sociaux, etc.) en fonction d’informations.
Ces informations sont la réalité de la lutte des classes perçue à travers le brouillard bourgeois. Le résultat est le maintien du capitalisme et même son expansion.
Lorsque Maurice Thorez, dirigeant du Parti Communiste Français, met par exemple en place l’École Nationale d’Administration en 1945-1946, en tant que membre du gouvernement, il ne considère pas que son action s’insère dans un « programme » du capitalisme. Il pense que le terrain de l’affrontement révolution / contre-révolution ne se situe pas là.
Inversement, lorsque le mouvement de mai 1968 assume une dimension culturelle à son agitation, il se voit comme un programme faisant face à un système gouvernemental devant être littéralement céder la place à un autre système. D’où d’ailleurs le rejet du mouvement par le Parti Communiste Français, au motif que la question serait mal posée, le terrain erroné.
Cette question a été, sur le plan conceptuel, posé par les guérillas urbaines en Europe occidentale qui ont justement suivi mai 1968.
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La guérilla urbaine témoin de l’irruption de l’informatique